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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

QU’EST-CE QU’INTERPRÉTER LE DROIT ? 1<br />

La loi ne nécessiterait pas d’interprétation. S’imposant par la clarté de son<br />

évidence, le discours juridique semblerait différent du discours poétique relevant de<br />

la métaphore. Cependant, pour que la loi devienne effective et efficiente, le juge doit<br />

l’interpréter. Son interprétation consiste d’abord en une application. L’interprétation<br />

de la loi comme application conduit à la correction de celle-ci. Pour Aristote dans<br />

L’Éthique à Nicomaque (V – 1137 b [10]), le juge « corrige », c’est-à-dire que son<br />

honnêteté consiste à corriger la loi, lui retrouver sa rectitude. Par cette correction, il<br />

applique une norme qui lui est immanente. Le juge ne remplace donc pas le<br />

législateur ; il se met à sa place, à la place que lui assigne le législateur.<br />

Au XX e siècle, l’herméneutique juridique à laquelle en appelle Hans-Georg<br />

Gadamer s’oppose à la réduction de la sentence à une pure opération de<br />

subsomption. Hans-Georg Gadamer précise bien ce rôle du juge : « Le juge ne se<br />

borne pas à appliquer la loi in concreto, il contribue par sa sentence même au<br />

développement du droit (Richterrecht) » (Hans-Georg Gadamer, 1996, p. 55). Le<br />

juge connaît la loi et il l’applique à un cas particulier. En cela, l’auteur s’inscrit en<br />

faux contre le dogmatisme juridique, celui développé par Hans Kelsen. Le<br />

positivisme juridique fondé par l’auteur de La Théorie pure du droit est parfois<br />

réduit à un dogmatisme. Précisons tout d’abord qu’il ne consiste pas à proposer des<br />

fondements théoriques au travail du juge mais à constituer une science du droit. La<br />

Théorie pure du droit repose, dans un premier temps, sur une définition de la norme<br />

juridique comme formant l’objet de la science du droit. Elle renvoie à un objet de<br />

connaissance : « Il s’agit là d’une création épistémologique et non d’une création<br />

par le travail de l’homme, au sens où l’on dit que le législateur crée une loi » (Hans<br />

Kelsen, 1988, p. 53). La science du droit n’a de dimension qu’heuristique et non<br />

axiologique. En effet, les jugements de valeur, en matière de droit, sont exclus de la<br />

réflexion sur la norme juridique. En revanche, ils interviennent dans l’évaluation<br />

d’une opposition ou d’une conformité entre le fait et cette norme dans le cadre du<br />

tribunal. Pour la théorie pure du droit, ou science du droit, une norme fondamentale,<br />

servant d’hypothèse de base, indique la manière dont se crée un ordre juridique : la<br />

validité d’une norme est déterminée par une autre norme (1988, p. 131). Pour Hans<br />

Kelsen, la validité de cet ordre repose sur son efficacité. C’est alors dans un<br />

deuxième temps, celui de l’application de la norme, qu’intervient l’interprétation.<br />

Cette dernière est la détermination du sens de la norme à appliquer et ses méthodes<br />

reposent sur un cadre ouvert à plusieurs possibilités (1988, p. 152). Ainsi, pour Hans<br />

Kelsen, si la science du droit relève d’un acte de connaissance, son interprétation<br />

renvoie à un acte de volonté (1988, p. 153).<br />

Le positivisme juridique est aujourd’hui vivement débattu sur l’importance à<br />

accorder à l’interprétation du droit. Des auteurs comme Ronald Dworkin n’hésitent<br />

pas à comparer les pratiques interprétatives du droit avec l’analyse littéraire. Non<br />

seulement le raisonnement du juriste s’appuie sur la notion de cohérence narrative,<br />

mais il prend toujours le risque d’introduire des éléments subjectifs. La pratique<br />

juridique est toujours en soi un exercice d’interprétation et en cela représente un<br />

domaine profondément politique. La meilleure lecture d’un texte juridique est donc<br />

1 Cette partie sur l’interprétation du droit a fait l’objet d’un développement dans le cadre d’un travail de<br />

thèse (Citoyenneté, civisme, civilité – Pour une approche grammairienne des justifications autour de la<br />

construction du droit relatif à l’internet en France, novembre 2006, 492 p.).<br />

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