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Jean Bond 00 Dieu Chapitre 4

Deux auteurs se disputent le même héros : un agent secret qui doit sauver le monde. L'un, écrivain plutôt traditionnel, met en scène d'un bout à l'autre l'histoire, décide du nombre de filles à baiser, de coups à recevoir et à donner, etc. L'autre auteur, quant à lui, donne carte blanche à son héros et lui délègue tout pouvoir en le laissant décider en son âme et conscience de ce qui est juste et bon. Qui l'emportera des deux auteurs ? Et le monde en définitive sera-t-il sauvé par cet agent double tiraillé entre ses deux maîtres et créateurs ?

Deux auteurs se disputent le même héros : un agent secret qui doit sauver le monde. L'un, écrivain plutôt traditionnel, met en scène d'un bout à l'autre l'histoire, décide du nombre de filles à baiser, de coups à recevoir et à donner, etc. L'autre auteur, quant à lui, donne carte blanche à son héros et lui délègue tout pouvoir en le laissant décider en son âme et conscience de ce qui est juste et bon. Qui l'emportera des deux auteurs ? Et le monde en définitive sera-t-il sauvé par cet agent double tiraillé entre ses deux maîtres et créateurs ?

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IV.<br />

— Le quoi ?<br />

— Le bonbombatomique. Ne prenez pas cet air ahuri, je vous explique. Mais sachez tout<br />

d’abord que de grands pédagogues appuyés par des sociologues, des ethnologues et même des<br />

spéléologues ont été chargés de sonder le terrain délicat de l’enfance et la profondeur des maux<br />

dont souffre notre planète. Or, tous ces hommes de sciences ont été pris d’une crise de<br />

pessimisme foudroyante en constatant l’héritage que nous léguerions aux prochaines<br />

générations. Ils se sont rendu compte en effet que ce n’étaient pas les guerres qui manquaient sur<br />

notre bonne terre et qu’il y aurait toujours plus de volontaires pour allumer une mèche que pour<br />

aller l’éteindre. Passons sur le saccage de la planète et venons-en maintenant au remède que ces<br />

hommes de science nous ont concocté pour endiguer le mal.<br />

“Ayant observé qu’il suffisait souvent de lui donner un bonbon pour qu’un enfant cesse de<br />

pleurer et manifeste même un certain contentement, nos hommes de science ont unanimement<br />

décidé de recourir à cette solution peu coûteuse qui offre par ailleurs l’avantage de satisfaire<br />

aussi la gourmandise de bien des adultes. Un grand pas venait donc d’être franchi vers une<br />

ébauche de solution. Restait cependant à enrayer les menaces d’agression permanentes qui<br />

planent sur le monde, et notamment le risque inéluctable d’être un jour envahi par les petits<br />

Chinois du docteur Jivanô. Tout le monde avait encore en mémoire la vague de terreur jaune que<br />

les maoïstes avaient provoqué jadis dans de nombreux pays”.<br />

— Ah pour ça je m’en souviens, patron. C’était le bon temps. Ils étaient même plutôt sympas<br />

tous ces jeunes, euh ces jaunes, en fin de compte. Je leur dois une grande partie de ma carrière et<br />

j’espère bien qu’on en entendra encore parler<br />

— Vous oubliez <strong>00</strong>2 que cela dépend d’abord de moi et que je suis le seul responsable de vos<br />

succès. Mais reprenons l’histoire qui nous occupe. Nous parlions donc des bonbons qui ont le<br />

pouvoir de calmer un bref moment le malheur de nos enfants. Comme ils ne faisaient que<br />

soulager et non supprimer les maux de l'enfance, on décida en haut lieu de perfectionner le<br />

bonbon en lui apportant un pouvoir de nuisance envers toute agression extérieure. Pour cela on<br />

fit appel aux pensées organiques, physiques et chimiques de nos plus fameux esprits<br />

scientifiques dont le subtil mélange donna naissance au plus grand produit du siècle : le<br />

bonbombatomique, à ne délivrer que sur prescription médicale ou sur exécution d’une<br />

ordonnance militaire.<br />

Comme la plupart des analgésiques, ce fameux médicament est capable de soigner une<br />

gamme de maladies très diverses allant des simples maux de tête aux règles douloureuses. Mais<br />

son indéniable avantage, c’est qu’il vous délivre du pire de tous les maux sur cette terre : le mal<br />

de vivre !<br />

— Autant dire alors qu’il soigne toutes les maladies. Mais pourquoi cette curieuse<br />

appellation ? Il s’agit d’une bombe ou d’un bonbon ?<br />

— Patience mon ami, j’y arrive. Ce médicament, vous disais-je, aide à supporter la vie. Grâce<br />

à lui, vous oubliez que le bruit est bruyant, que le travail frôle l’esclavage, que la pub est une<br />

pute agressive, que les hommes jouent au con et que les cons s’aliènent et s’affairent pour mieux<br />

polluer leur espace vital avec des voitures, des télés et autres préciosités machinales. Eh bien, si


jamais vous ne tolérez pas l’un de ces phénomènes plutôt courants ou que vous en ressentez trop<br />

fort les désagréments, prenez sans tarder un petit bonbon et boum … vous vous désintégrerez sur<br />

le champ !<br />

— Pardon ? J'ai bien entendu ?<br />

— Mais oui <strong>00</strong>2. La désintégration, voilà la solution à tous les problèmes ! Nos savants et nos<br />

gouvernants se sont aperçus qu’il était déjà trop tard et aussi, bien trop difficile, de supprimer les<br />

maux propres à notre époque et ont trouvé plus rationnel et plus simple de détruire ceux qui en<br />

souffraient. Ainsi, bientôt la pollution, la destruction de l’environnement n’existeront plus ou si<br />

vous en prenez conscience c’est que vous êtes malade. Alors, hop un petit bonbon et votre<br />

cauchemar s’évanouit. Hein que dites-vous de cette solution ?<br />

— A première vue, elle semble efficace.<br />

— Exactement ce que je souhaitais vous entendre dire. Ah ce n’est pas pour rien que vous<br />

êtes l’un de nos plus illustres héros modernes. Au moins, nous nous comprenons vous et moi et<br />

nous réussissons à nous deux une collaboration idéale. Il se pourrait bien d’ailleurs qu’à titre de<br />

récompense je vous autorise un jour à vous marier et à avoir des enfants. Mais attention pas<br />

question de les reconnaître ! Cela restera entre nous et ce sera là le petit secret à <strong>Jean</strong>.<br />

— Euh après ce que vous venez de raconter patron, je ne suis plus aussi sûr d’en avoir envie,<br />

des gosses. Consacrer plusieurs années de sa vie à élever des mômes pour risquer de les voir un<br />

beau jour se désintégrer à tout va, c’est plutôt démoralisant non ?<br />

— Mais quelle couenne vous faites <strong>Jean</strong> <strong>Bond</strong> ! Comme si il n’en allait pas déjà ainsi à<br />

chaque guerre. Vous devriez être fier d’appartenir à la nation qui a su résoudre toutes les crises<br />

de demain.<br />

Et puis songez qu’en temps de guerre, l’arme n’a pas son pareil. Admettons qu’un ennemi<br />

mal avisé ait l’audace d’attaquer nos frontières. Aussitôt, nous envoyons à sa rencontre nos<br />

enfants de la patrie par milliers.<br />

D’abord surpris de ne trouver face à lui que des gosses, l’ennemi hésite à ouvrir les<br />

hostilités. Et c’est précisément cet instant d’hésitation que nos charmants bambins mettent à<br />

profit pour glisser délicatement dans leur bouche le fameux bonbombatomique. Et avant que<br />

l’ennemi ne soit revenu de sa surprise, tout le monde a déjà sauté. D’un simple mouvement des<br />

mandibules, tout le monde est pulvérisé. Même Samson, avec sa mâchoire d’âne, n’a pas pu faire<br />

aussi fort !<br />

Notez qu’à l’instant de mourir, les gosses ont le temps d’apprécier le goût délicieux de<br />

leur friandise et donc de finir heureux, en héros, avec la considération de tous. Merde, avouez<br />

que c’est formidable !<br />

— En cas de guerre, je veux bien l’admettre, patron, bien que les pertes des deux côtés seront<br />

considérables, mais en tant que remède à la vie, c’est plutôt radical. J’ai l’impression que la<br />

personne qui avale votre produit doit en soigner plus d’un à la ronde.<br />

— Et alors ? Quelle importance ? Songez que nous serons bientôt trop nombreux sur la<br />

planète et que les générations futures se verront confrontées à un cruel manque de ressources.<br />

Cela améliorera le confort de ceux qui restent. Pensez aussi mon cher qu’en cas de conflit<br />

atomique, tout le monde sera bien content de pouvoir succomber par l’intérieur de sa propre<br />

bombe plutôt que de recevoir du dehors sur la gueule celle de l’ennemi. Mourir pour mourir,<br />

autant le faire patriotiquement, dans l’honneur et la dignité !<br />

— Pour vous donner franchement mon avis, il me semble que votre fameux produit du siècle<br />

nous conduira droit au suicide général.<br />

— De toute manière, avec ou sans bonbombatomique, nous sommes déjà en bon chemin,<br />

mon cher <strong>Jean</strong>. Mais rassurez-vous, le gouvernement a pourvu à tout pour assurer la survie de ses<br />

fidèles serviteurs les plus en vue, les VIP comme vous et moi.<br />

— Ah voilà qui me rassure tout à fait. Tel que je vous voyais parti, je craignais que vous ne<br />

m’ayez appelé pour l’essayer votre fameux bonbon.<br />

—Allons, mon bon <strong>Bond</strong>, vous savez bien que l’on ne tue pas la poule aux œufs d’or ! Vos


craintes sont d’autant plus infondées que le bonbombatomique n’en est encore qu’au stade de la<br />

formule moléculaire mais qu’il reste à résoudre le problème de miniaturisation au niveau du<br />

détonateur. Celui-ci ne doit en aucun cas être une gêne pour l’enfant au moment où il croquera le<br />

bonbon. Nous tenons à ce qu’il meurt dans la joie et s’éclate jusqu’au dernier moment. Mais il<br />

est inutile de s’attarder sur ce détail alors que la formule du bonbombatomique n’est plus en<br />

notre possession. La puissance qui s’en est emparée résoudra peut-être le problème avant nous.<br />

—Mais patron, c’est extrêmement grave ce que vous venez de dire !<br />

—Je sais. C’est même ce que je vous ai déclaré au début de notre entretien.Et vous m'avez<br />

rétorqué, je cite : « Inutile de faire tant de simagrées avec moi, patron. » Vous voyez que je<br />

n'exagérai rien et c'est bien pourquoi mon cher je voulais que vous rappliquiez en toute hâte. La<br />

formule du bonbombatomique nous a été dérobée la nuit dernière et je tiens absolument à ce que<br />

vous retrouviez ceux qui ont fait le coup et que vous leur foutiez de ma part un bon pain sur la<br />

gueule.<br />

— Toujours prêt patron. Est-ce que l’on soupçonne quelqu’un en haut lieu ?<br />

— Oui, le ministre des armées lui-même. C’est une tête en l’air qui ne sait jamais où il range<br />

ses affaires et il se pourrait encore qu’il s’agisse d’une fausse alerte.<br />

— Bien. Quels autres éléments pouvez-vous me fournir ?<br />

— A vrai dire, très peu pour l’instant. Tout cela est arrivé si soudainement que je n’ai pas<br />

encore trop eu le temps de creuser plus avant cette intrigue. Mais nous allons les passer en revue<br />

sur le champ.<br />

Admettons pour commencer qu’il y a bien eu vol et que le ministre des armées sait ce qu’il dit<br />

quand il affirme que la formule lui a été dérobée. Pour qui le connaît, cela a de quoi surprendre,<br />

mais passons. D’après ses déclarations, il se serait servi des documents secrets pour calfeutrer<br />

une porte-fenêtre qui laissait passer un méchant courant d’air.<br />

— Mais il est complètement …<br />

— Oui, je sais. Vous alliez m’objecter que c’est un endroit bien curieux pour cacher un<br />

document d’une telle importance.<br />

Quand je lui en ai fait la remarque, M. le ministre, m’a répliqué qu’il était certainement plus<br />

en sécurité là que dissimulé dans un nuage, quelque part dans le cyberespace, ou dans la<br />

mémoire passoire d’un ordinateur.<br />

— Et quand le vol a-t-il été découvert ?<br />

— Ce matin même. Notre ministre était tranquillement en train de prendre son petit déjeuner<br />

dans son bureau lorsqu’il fut pris d’un monstrueux éternuement qui faillit lui faire avaler sa<br />

brioche de travers. C’est alors qu’il sentit la morsure d’un méchant courant d’air venant de la<br />

porte-fenêtre. Il se précipita aussitôt vers celle-ci et ne put que constater que le document qui<br />

calfeutrait la porte avait bel et bien disparu. Voilà tout ce que je peux vous dire actuellement.<br />

Sans doute serait-il bon que vous interrogiez vous-même le ministre. Mais vous allez devoir<br />

patienter. Il craint plus l'hiver que la guerre et n'ayant pas su se défendre des microbes, il est<br />

actuellement alité.<br />

— Et pensez-vous que du côté des domestiques on pourrait trouver une piste ?<br />

— Allons donc, <strong>Jean</strong> <strong>Bond</strong>, depuis le temps que nous travaillons ensemble, vous devriez<br />

savoir que j’emploie du personnel au-dessus de tout soupçon. Cherchez ailleurs. Il est fort<br />

probable que le vol ait été commis par une puissance étrangère. Si vous découvrez laquelle nous<br />

aurons déjà fait un grand pas. Ce n’est pas le choix qui manque. Rouges, noirs ou jaunes, à vous<br />

de trouver la couleur.<br />

Partez maintenant, je ne vous retiens plus. Je vous recontacterai si j’ai du nouveau mais je<br />

compte bien sur votre sacré instinct pour me débroussailler le travail et trouver plein de<br />

rebondissements détonants.<br />

— Entendu patron. Mais de votre côté n’oubliez pas de me préparer quelques bons gadgets.<br />

Je verrai bien dans l’histoire une mallette explosive ou encore un pistolet qui ne tue que celui qui<br />

s’en sert et que l’on oublie discrètement dans la poche de son adversaire. En général, ça plaît<br />

beaucoup.


— On verra, on verra mon ami. Allez à bientôt et n’oubliez pas ma secrétaire en partant.<br />

Bonne chance.<br />

— Si c’est pour la secrétaire, merci, je vais en avoir besoin depuis le temps que je ne sais plus<br />

quoi lui raconter.<br />

Sur ces paroles, le célèbre agent secret quitta le bureau du vieux, avec le moral à double zéro.<br />

Il chahuta quelques instants la secrétaire, conscient d’accomplir son devoir, mais vola néanmoins<br />

plus d’une minute sur les trois réglementaires.

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