Virgile Livre premier

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Nous avions pour roi Énée ; nul autre ne fut plus juste, ni plus grand Par la piété ou par la guerre. Si les destins Nous gardent ce héros, s'il se nourrit encore Des brises de l'éther et s'il n'est point couché Sous les ombres cruelles, sois sans aucune crainte, Tu n'auras pas à te repentir de l'avoir Prévenu par tes bienfaits. Nous avons aussi Dans les contrées de la Sicile des villes, des armes Et l'illustre Aceste du sang troyen. Qu’il nous soit Permis de tirer sur le rivage notre flotte Endommagée par les vents, d'équarrir des poutres Dans vos forêts et de façonner des rames ; et, S'il nous est donné de partir vers l'Italie, Après avoir retrouvé nos compagnons et Notre roi, c'est avec joie que nous gagnerons L'Italie et le Latium ; si tout salut Nous est ravi, si la mer de Libye t'emporte, O bon père des Troyens, si Iule, notre espoir, Ne nous reste même plus, puissions-nous du moins Regagner les mers de Sicanie, et les terres Hospitalières d'où nous sommes partis, et Revoir le roi Aceste." 38

Ainsi Ilionée Parla, et tous les Dardanides accompagnèrent D'un murmure flatteur ce discours. Alors Didon Baissant les yeux, leur répondit brièvement : "Rassurez-vous, Troyens, bannissez vos alarmes. Des circonstances difficiles et la nouveauté De mon empire m'obligent à telles mesures Et à garder au loin mes frontières. Qui pourrait Ne pas connaître la race des compagnons D'Enée, et la ville de Troie et ses vertus Ses héros, cette guerre et son vaste incendie ? Nous autres, Phéniciens, nous n'avons pas l'esprit Si grossier. Le soleil n'attelle point si loin Ses chevaux de la ville tyrienne. Mais pour vous, Que vos vœux se portent vers la grande Hespérie Et les champs de Saturne ou vers la terre d'Eryx Et du roi Aceste, J'assurerai par mon aide Votre départ et vous aiderai de mes ressources. Vous plairait-il de vous fixer dans mon royaume Avec des droits égaux ? La ville que je fonde Est la vôtre. Tirez vos vaisseaux sur le rivage, 39

Ainsi Ilionée<br />

Parla, et tous les Dardanides accompagnèrent<br />

D'un murmure flatteur ce discours.<br />

Alors Didon<br />

Baissant les yeux, leur répondit brièvement :<br />

"Rassurez-vous, Troyens, bannissez vos alarmes.<br />

Des circonstances difficiles et la nouveauté<br />

De mon empire m'obligent à telles mesures<br />

Et à garder au loin mes frontières. Qui pourrait<br />

Ne pas connaître la race des compagnons<br />

D'Enée, et la ville de Troie et ses vertus<br />

Ses héros, cette guerre et son vaste incendie ?<br />

Nous autres, Phéniciens, nous n'avons pas l'esprit<br />

Si grossier. Le soleil n'attelle point si loin<br />

Ses chevaux de la ville tyrienne. Mais pour vous,<br />

Que vos vœux se portent vers la grande Hespérie<br />

Et les champs de Saturne ou vers la terre d'Eryx<br />

Et du roi Aceste, J'assurerai par mon aide<br />

Votre départ et vous aiderai de mes ressources.<br />

Vous plairait-il de vous fixer dans mon royaume<br />

Avec des droits égaux ? La ville que je fonde<br />

Est la vôtre. Tirez vos vaisseaux sur le rivage,<br />

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