153 - Gottfried Wilhelm Leibniz Bibliothek

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N. 106 i. haus braunschweig-lüneburg 1700 153 On representa donc une foire de village, ou de petite ville, où il y avoit des boutiques avec leur enseignes, et l’on y vendoit pour rien des jambons, saucisses, langues de boeuf, des vins, et limonades; du thé, café, chocolat et drogues semblables. C’estoient Msg r le Marcgrave Christian Louis, M. d’Obdam, M. du Hamel et autres, qui tenoient ces boutiques. Mons. d’Osten faisant le docteur Empirique, avoit ses arlequins, et saltimbanchi 5 parmy lesquels se mêla agreablement Msg r le Marcgrave Albert. Le docteur avoit aussi des sauteurs, qui estoient si je ne me trompe M. le Comte de Solms et M. de Wassenaer. Mais rien ne fut plus joli que son joueur de Gobelets: C’estoit Monsg r le prince Electoral qui a appris effectivement à jouer hocus pocus. Mad. l’Electrice estoit la doctoresse, qui tenoit la boutique de l’orvietan. Mons. des 10 Alleures faisoit tres bien le personnage d’Arracheur des dents. A l’ouverture du theatre parût l’entrée solennelle de Mons. le docteur, monté sur une façon d’Elephant; et Mad. la doctoresse se fit voir aussi, portée en chaise par ses Turcs; le joueur de gobelets, les bouffons, les sauteurs, et l’arracheur des dens vinrent apres: et quand toute la suite du docteur fut passée, il se fit un petit ballet de Bohemiennes dames de la cour, sous un chef 15 qui estoit Mad. la princesse de Hohenzolleren; et quelques autres s’y mêlerent pour danser. On vit aussi paroistre un Astrologue, la Lunette ou le Telescope à la main. Ce devoit estre mon personnage, mais M. le Comte de Witgenstein m’en releva charitablement. Il fit des predictions avantageuses à Mg r l’Electeur, qui regardoit de la plus prochaine Loge. Mad. la princesse de Hohenzolleren principale Bohemienne se prit à dire la bonne 20 avanture à Mad. l’Electrice le plus agreablement du monde en vers Allemands fort jolis, qui estoient de la façon de M. de Besser. Mons. Quirini estoit valet de chambre de Mad. la doctoresse, et moy, je me plaça[i] avantageusement pour voir tout de prés avec mes petites lunettes, et pour en faire rapport à V. A. E. La damoiselle de Mad. la princesse de Hohenzolleren avoit mal aux dens, et l’arracheur, les tenailles de mareschal à la main, 25 faisant son mestier, fit paroistre une dent, qui estoit quasi comme le bras: aussi estoit ce une dent de cheval marin. Le docteur louant les prouesses de son arracheur, laissa juger à l’assemblée combien il falloit estre adroit, pour tirer une telle dent, sans faire du mal. 10 l’orvietan, et en sa faveur M. d’Obdam chanta la chanson | favorite gestr. | prise de l’amour medecin de moliere, qvi finit par: l a g r a n d e p u i s s a n c e d e l ’ o r v i e t a n. L 1 4 M. d’Obdam: J. Wassenaer heer van Obdam. 8 prince Electoral: Friedrich Wilhelm. 10 f. des Alleures: P. Puchot, marquis des Alleurs. 16 princesse: Luise Maria Leopoldine von Hohenzollern-Hechingen. 18 Witgenstein: K. L. zu Sayn und Wittgenstein.

154 i. haus braunschweig-lüneburg 1700 N. 106 Par my les malades, qui demandoient des remedes estoient Messieurs d’Alefeld et de Fleming envoyés de Dannemarc et de Pologne, et nostre M. d’Ilten, vestus en paysans de leur pays, chacun ayant sa chacune. Mad. la Grand-Mareschalle estoit la femme de l’arracheur, et l’aidoit à mettre en ordre ses drogues et instrumens. Il en estoit de même 5 des autres. Plusieurs entremêlerent adroitement des voeux pour l’Electeur et l’Electrice; Mons. d’Obdam en Flamand, M. Fleming en bon Pomeranien, car il finissoit ainsi: Vivat Fridrich und Charlot, Wer’s nicht recht meynt, ist ein H....... C’estoit au reste la tour de Babel, car chacun y parloit sa langue. Et Mons. d’Obdam 10 pour faire plaisir à Madame la doctoresse, chanta la chanson de l’Amour Medecin, qui finit par l a g r a n d e p u i s s a n c e d e l ’ O r v i e t a n ; aussi celuy que vendoit une telle doctoresse ne pouvoit manquer d’en avoir. Sur la fin vint un trouble-feste, Mons. de Reisewiz, envoyé de Saxe ou Pologne, faisant le docteur ordinaire du Lieu, ou Stadtphysicus, qui attaquoit l’Empirique. C’estoit 15 un combat en paroles assés plaisantes. L’Empirique ayant monstré ses papiers, parchemins, privileges et attestations des Empereurs, Rois et des princes, le Stadt-physicus s’en moqua, et monstra des belles medailles d’or pendues à son col, et à celuy de Mad. sa femme, disant que c’estoit par son habileté qu’il avoit acquis de telles pieces, et que cela marquoit plus reellement son sçavoir faire, que des papiers ramassés. 20 Enfin Monseigneur l’Electeur descendit luy même de la loge, travesti en matelot Hollandois, et acheta par cy par là, dans les boutiques de la foire. Il y avoit de la Musique dans l’orchestre. Et tous ceux qui ont esté presens, qui n’estoient, ou ne devoient estre que des gens de la cour, ou de distinction, ont avoué, qu’un grand opera, qui auroit cousté des milliers d’écus, auroit donné bien moins de plaisir aux acteurs aussi bien 25 qu’aux spectateurs. 24 plaisir. Absatz La Treve qv’on a faite en Holstein courte des sa naissance et qvi s’allongera à ce qve je crois comme la dent de Madlle de Hechinge me dispenseroit agreablement de parler des affaires d’estat et de guerre, si un (1 ) vent du Nord tousjours (2 ) diable de Laponie n’avoit laché un vent du Nord | malgré la saison gestr. | de son sac d’Eole, qvi malgré la saison nous a amené à ce qv’on dit, un transport de Suede. j’espere qve la paix universelle se faisant bien tost par les soins charitables des (a) puissances arbitres (b) arbitres 〈—〉 un vent plus agreable qve 〈—〉 la brise les ramenera chez eux ou 3 Mad. la Grand-Mareschalle: Dorothea Elisabeth von Flemming. 10 chanson: vgl. Moliere, L’Amour médecin, II, 7; das Lied des Quacksalbers komponiert von J. B. Lully für die Versailler Premiere (15. September 1665; LWV 29).

154 i. haus braunschweig-lüneburg 1700 N. 106<br />

Par my les malades, qui demandoient des remedes estoient Messieurs d’Alefeld et de<br />

Fleming envoyés de Dannemarc et de Pologne, et nostre M. d’Ilten, vestus en paysans<br />

de leur pays, chacun ayant sa chacune. Mad. la Grand-Mareschalle estoit la femme de<br />

l’arracheur, et l’aidoit à mettre en ordre ses drogues et instrumens. Il en estoit de même<br />

5 des autres. Plusieurs entremêlerent adroitement des voeux pour l’Electeur et l’Electrice;<br />

Mons. d’Obdam en Flamand, M. Fleming en bon Pomeranien, car il finissoit ainsi:<br />

Vivat Fridrich und Charlot,<br />

Wer’s nicht recht meynt, ist ein H.......<br />

C’estoit au reste la tour de Babel, car chacun y parloit sa langue. Et Mons. d’Obdam<br />

10 pour faire plaisir à Madame la doctoresse, chanta la chanson de l’Amour Medecin, qui<br />

finit par l a g r a n d e p u i s s a n c e d e l ’ O r v i e t a n ; aussi celuy que vendoit<br />

une telle doctoresse ne pouvoit manquer d’en avoir.<br />

Sur la fin vint un trouble-feste, Mons. de Reisewiz, envoyé de Saxe ou Pologne, faisant<br />

le docteur ordinaire du Lieu, ou Stadtphysicus, qui attaquoit l’Empirique. C’estoit<br />

15 un combat en paroles assés plaisantes. L’Empirique ayant monstré ses papiers, parchemins,<br />

privileges et attestations des Empereurs, Rois et des princes, le Stadt-physicus s’en<br />

moqua, et monstra des belles medailles d’or pendues à son col, et à celuy de Mad. sa<br />

femme, disant que c’estoit par son habileté qu’il avoit acquis de telles pieces, et que cela<br />

marquoit plus reellement son sçavoir faire, que des papiers ramassés.<br />

20 Enfin Monseigneur l’Electeur descendit luy même de la loge, travesti en matelot<br />

Hollandois, et acheta par cy par là, dans les boutiques de la foire. Il y avoit de la Musique<br />

dans l’orchestre. Et tous ceux qui ont esté presens, qui n’estoient, ou ne devoient estre<br />

que des gens de la cour, ou de distinction, ont avoué, qu’un grand opera, qui auroit<br />

cousté des milliers d’écus, auroit donné bien moins de plaisir aux acteurs aussi bien<br />

25 qu’aux spectateurs.<br />

24 plaisir. Absatz La Treve qv’on a faite en Holstein courte des sa naissance et qvi s’allongera<br />

à ce qve je crois comme la dent de Madlle de Hechinge me dispenseroit agreablement de parler des<br />

affaires d’estat et de guerre, si un (1 ) vent du Nord tousjours (2 ) diable de Laponie n’avoit laché un<br />

vent du Nord | malgré la saison gestr. | de son sac d’Eole, qvi malgré la saison nous a amené à ce qv’on<br />

dit, un transport de Suede. j’espere qve la paix universelle se faisant bien tost par les soins charitables des<br />

(a) puissances arbitres (b) arbitres 〈—〉 un vent plus agreable qve 〈—〉 la brise les ramenera chez eux ou<br />

3 Mad. la Grand-Mareschalle: Dorothea Elisabeth von Flemming. 10 chanson: vgl. Moliere,<br />

L’Amour médecin, II, 7; das Lied des Quacksalbers komponiert von J. B. Lully für die Versailler Premiere<br />

(15. September 1665; LWV 29).

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