Leibniz, Akademie-Ausgabe, Bd. I, 22 - Gottfried Wilhelm Leibniz ...

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05.12.2012 Views

718 ii. allgemeiner und gelehrter briefwechsel 1703 N. 418 connoistre la nature des demonstrations, cela fait qu’il n’a pas assez sû distinguer les sources des verités universellement necessaires ou eternelles, et des verités de fait ou particulieres et contingentes, qui peuvent manquer et ne sont point d’une necessité absolue. Les experiences des sens nous apprennent les verités de fait; mais elles ne nous peuvent 5 jamais apprendre ce qui est necessaire, car quand une chose auroit reussi un million de fois, il ne s’ensuit pas qu’elle reussira tousjours à toute eternité. Par exemple le soleil revient tousjours avant que 24 heures soyent passées, et on l’a éprouvé depuis plusieurs milliers d’années: mais un temps peut venir, où cela manque. Au lieu que les verités necessaires ne sauroient manquer. La connoissance des faits s’appelle empirique par ce 10 qu’elle ne vient pas de la connoissance des raisons, qu’on demande dans les Mathematiques. Par exemple l’experience fait voir que les nombres impairs tout de suite sont les differences des nombres quarrés mis de suite Nombres multipliés 1 2 3 4 5 6 et caetera par eux-mêmes 1 2 3 4 5 6 15 Quarrés . . . . . . . . . . . 1 4 9 16 25 36 . . . . Differences . . . . . . . . 3 5 7 9 11 . . . . et continuant cela longtemps, on experimente qu’il reussit, de sorte qu’il est tres probable qu’il reussiroit tousjours en continuant à l’infini: mais on n’en est pas absolument asseuré, jusqu’à ce qu’on en connoisse la raison. Comme donc les raisons ou verités eternelles ne 20 sauroient estre prouvées par les seules experiences ou par les sens exterieurs seuls; il s’ensuit qu’elles tirent leur source encor de la lumiere innée ou de la raison naturelle. Et ces verités se connoissent aussi avant qu’on en ait fait l’experience. Par exemple tout le monde conviendra de ce principe d’Archimede avant que de l’avoir experimenté, savoir que si dans une balance tout estoit egal de part et d’autre, comme poids, forme 25 de la balance, impression externe etc., rien ne bougeroit. Par ce qu’il n’y a point de raison pourquoy un costé pancheroit plustost que l’autre, et ils ne sauroient pancher tous deux ensemble. On ne connoist donc ces sortes de verités que par l’aide de la lumiere naturelle. Cependant il est tres vray que les sens externes nous donnent l’occasion de penser effectivement à ces verités; et que sans eux nous n’y penserions pas et elles 2 ou eternelles erg. L 2 de . . . ou erg. L 3 ne soint L korr. Hrsg. 20 prouuées par les (1 ) experiences des sens (2 ) seules . . . seuls L 27 l’aide de erg. L 28 naturelle | ou le bon sens gestr. | L

N. 418 ii. allgemeiner und gelehrter briefwechsel 1703 719 ne seroient que virtuellement et habituellement dans nostre esprit, c’est à dire par la disposition qu’il a de s’y rendre en cas qu’on l’y fasse penser. V. M. a toutes les raisons du monde de dire qu’une des utilités de la recherche de la verité, est l’oubly des choses desagreables (pour un temps au moins), telles que sont les mauvaises nouvelles dont elle parle, qui ne confirment que trop ce que j’ay tousjours 5 jugé, et ce que je soutenois à Herrenhausen et à Linsbourg. Plût à Dieu que j’eusse esté faux prophete! Il est vray que je n’avois garde de m’imaginer que les choses iroient si mal si tost. Les mauvais effects de la conduite des puissances de l’Empire pouvoient paroistre reservés à leur posterité, mais de la maniere qu’on se gouverne, il semble qu’on a envie de les haster, et tout vieux que je suis j’en pourrois voir une partie. Dieu nous 10 en preserve. Il ne manque que les Turcs pour achever le bouleversement general, et la trop belle occasion les pourroit tenter. Apres la perte de la Hongrie la Silesie et les pays voisins de l’Oder seroient-ils en seureté du costé des Turcs, et rebelles, et apres la perte du Rhin, le Weser seroit-il asseuré du costé des Bourbons? Mais je quitte ces tristes matieres, puisque ceux qui predisent ces maux ressemblent à la fameuse Cassandre, que 15 les dieux avoient condamnée à n’estre point crûe des Trojains. Nous aurions tort de nous en affliger, et moy plus que personne persuadé que je suis que la providence fait pour le mieux en general, et pour le bien en particulier de ceux qui ont cette bonne opinion d’elle. Ceux qui ne l’ont point ressemblent aux mécontents dans un estat: tant pis pour eux. Il faut tout tenter pour se garantir des maux; mais quand ils sont inevitables il faut 20 estre persuadé qu’ils ont esté requis pour parvenir à des plus grands biens. En peu de mot[s,] il faut estre content du passé, jouir du present, et estre soigneux de l’avenir; sans s’affliger ny de l’un ny de l’autre; au moins autant qu’il depend de nous. Car j’avoue qu’une resignation entiere est plus aisée à precher qu’à practiquer. 2 qv’on (1 ) les luy proposât, mais elles n’y seroient point par une pensée actuelle (2 ) l’y . . . penser L 4 (pour . . . moins) erg. L 5 dont . . . parle erg. L 7 f. Il . . . tost erg. L 8 des (1 ) Princes (2 ) puissances de L 9 f. il . . . et erg. L 19 f. tant . . . eux erg. L 22 passé, (1 ) et soigneux (2 ) jouir du present, et estre L 5 nouvelles: insbesondere die Niederlage im Spanischen Erbfolgekrieg bei Speyer am 15. November (vgl. Variante zu S. 720 Z. 18–23 und N. 412). 6 soutenois . . . Linsbourg: Leibniz war um die Monatswenden Juli–August und September–Oktober in Herrenhausen und von Ende Oktober bis Anfang November in Linsburg; zu Erörterungen in Herrenhausen vgl. N. 308. 12 perte: Anspielung auf die antihabsburgische Rebellion in Ungarn unter Franz Rákóczi.

N. 418 ii. allgemeiner und gelehrter briefwechsel 1703 719<br />

ne seroient que virtuellement et habituellement dans nostre esprit, c’est à dire par la<br />

disposition qu’il a de s’y rendre en cas qu’on l’y fasse penser.<br />

V. M. a toutes les raisons du monde de dire qu’une des utilités de la recherche de<br />

la verité, est l’oubly des choses desagreables (pour un temps au moins), telles que sont<br />

les mauvaises nouvelles dont elle parle, qui ne confirment que trop ce que j’ay tousjours 5<br />

jugé, et ce que je soutenois à Herrenhausen et à Linsbourg. Plût à Dieu que j’eusse esté<br />

faux prophete! Il est vray que je n’avois garde de m’imaginer que les choses iroient si<br />

mal si tost. Les mauvais effects de la conduite des puissances de l’Empire pouvoient<br />

paroistre reservés à leur posterité, mais de la maniere qu’on se gouverne, il semble qu’on<br />

a envie de les haster, et tout vieux que je suis j’en pourrois voir une partie. Dieu nous 10<br />

en preserve. Il ne manque que les Turcs pour achever le bouleversement general, et la<br />

trop belle occasion les pourroit tenter. Apres la perte de la Hongrie la Silesie et les pays<br />

voisins de l’Oder seroient-ils en seureté du costé des Turcs, et rebelles, et apres la perte<br />

du Rhin, le Weser seroit-il asseuré du costé des Bourbons? Mais je quitte ces tristes<br />

matieres, puisque ceux qui predisent ces maux ressemblent à la fameuse Cassandre, que 15<br />

les dieux avoient condamnée à n’estre point crûe des Trojains. Nous aurions tort de nous<br />

en affliger, et moy plus que personne persuadé que je suis que la providence fait pour<br />

le mieux en general, et pour le bien en particulier de ceux qui ont cette bonne opinion<br />

d’elle. Ceux qui ne l’ont point ressemblent aux mécontents dans un estat: tant pis pour<br />

eux. Il faut tout tenter pour se garantir des maux; mais quand ils sont inevitables il faut 20<br />

estre persuadé qu’ils ont esté requis pour parvenir à des plus grands biens. En peu de<br />

mot[s,] il faut estre content du passé, jouir du present, et estre soigneux de l’avenir; sans<br />

s’affliger ny de l’un ny de l’autre; au moins autant qu’il depend de nous. Car j’avoue<br />

qu’une resignation entiere est plus aisée à precher qu’à practiquer.<br />

2 qv’on (1 ) les luy proposât, mais elles n’y seroient point par une pensée actuelle (2 ) l’y . . .<br />

penser L 4 (pour . . . moins) erg. L 5 dont . . . parle erg. L 7 f. Il . . . tost erg. L 8 des<br />

(1 ) Princes (2 ) puissances de L 9 f. il . . . et erg. L 19 f. tant . . . eux erg. L <strong>22</strong> passé, (1 ) et<br />

soigneux (2 ) jouir du present, et estre L<br />

5 nouvelles: insbesondere die Niederlage im Spanischen Erbfolgekrieg bei Speyer am 15. November<br />

(vgl. Variante zu S. 720 Z. 18–23 und N. 412). 6 soutenois . . . Linsbourg: <strong>Leibniz</strong> war um die Monatswenden<br />

Juli–August und September–Oktober in Herrenhausen und von Ende Oktober bis Anfang<br />

November in Linsburg; zu Erörterungen in Herrenhausen vgl. N. 308. 12 perte: Anspielung auf die<br />

antihabsburgische Rebellion in Ungarn unter Franz Rákóczi.

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