Les réseaux d'acteurs du commerce équitable - la Plate-Forme pour ...

Les réseaux d'acteurs du commerce équitable - la Plate-Forme pour ... Les réseaux d'acteurs du commerce équitable - la Plate-Forme pour ...

commercequitable.org
from commercequitable.org More from this publisher
30.07.2015 Views

Le responsable du magasin C, quant à lui, admet à deux reprises « ne pas avoir suffisamment dedonnées pour répondre » [aux questions concernant le commerce équitable à l’échelle Nord/Nord etcommerce équitable et équité dans le commerce conventionnel].Dans les pratiques, cela se traduit par une attitude pragmatique à l’égard des produits du commerceéquitable : les commerçants en auront en magasin si leur prix n’est pas trop élevé. Le responsable dumagasin A mentionne ce fait quatre fois au cours de l’entretien :« […] je suis pour promouvoir à égalité de prix l’équitable… »Et le responsable du magasin C de souligner que même si il « aime ce principe », « les conditions »actuelles ne lui permettent pas de proposer davantage de produits du commerce équitable :« Il n’y a pas suffisamment de demande ! Il n’y a pas suffisamment de ce genre de clientèle qui acette demande… ».Pour le représentant de l’entreprise de transformation, le prix est aussi un critère « important ». Ce derniermanifeste clairement son approche commerciale du commerce équitable à travers sa manière de lepratiquer professionnellement : c’est une activité secondaire, développée à la demande d’un client bio,mais qu’il considère comme marginale. Sa formation commerciale transparaît au travers du langageemployé, et notamment des anglicismes : il ne parle jamais d’équitable mais toujours de « Fairtrade », de« banane Fairtrade », de « produit Fairtrade ». Ceci indique que c’est par le système FLO qu’il a dûapprocher l’équitable et que c’est sans doute le terme le plus usité dans les circuits commerciauxinternationaux conventionnels qui exercent une activité de commerce équitable.Ces opérateurs n’offrent pas de produits du commerce équitable issus de marques militantes 38 tellesAndines ou Solidar’Monde et ne proposent pas de produits équitables du Nord ou solidaires.2| Le commerce équitable, un segment de marché de l'économie conventionnelleDeux des opérateurs interrogés dans cette catégorie ont expliqué ouvertement que le commerceéquitable représentait un nouveau marché, une opportunité économique à saisir. Ils profitent en cela desexigences éthiques croissantes des consommateurs :« Oh, faut être honnête hein…C’est un marché nouveau qui s’ouvre et c’est une opportunité aussipour développer un nouveau marché… ». (Représentant du transformateur G)« Faut aller aux trucs qui marchent », « Dans notre milieu, on a toutes les idées éthiques, ellessont justes, après il faut les combiner à l’efficience économique », « Notre consommateur estsensible aux thèmes éthiques ambiants donc on s’y intéresse évidemment ». (Directeur du réseaude magasins D)Quant aux réseaux de magasins A et C, ils peuvent être qualifiés d’opportunistes au sens où apparaît undécalage entre la communication faite par le siège qui dit prôner le commerce équitable (carte de visite dumagasin A et site Web de C) et ses vendeurs et responsables de magasins peu informés sur lecommerce équitable et donc peu à même d’informer le client. En outre, le catalogue de la centrale d’achatC semble proposer peu de produits issus du commerce équitable 39 alors que les magasins doivent s’yfournir à hauteur de 80%.Par ailleurs, les responsables de ces deux magasins, même s’ils sont favorables au commerce équitable,n’y croient pas vraiment :« il y a tellement de choses à réadministrer avant de penser que c’est le commerce équitable qui vachanger les choses…[...] On sent que ce n’est pas la priorité ». (Responsable de magasin C)Le commerce équitable est pour eux « une utopie 40 », un moyen d’introduire « une espèce d'équité dansle business ». Ces acteurs défendent davantage une évolution des pratiques de l’économieconventionnelle de l’intérieur que l’élaboration d’un système économique alternatif. D’après le directeur duréseau D, en prônant un système alternatif, on tombe dans la morale et le militantisme ce qui constituedes « dérives ». C’est pourquoi les moyens qu’il emploie pour promouvoir le commerce équitable sont desoutils de l’économie conventionnelle : « l’efficacité économique », la promotion produit et non lasensibilisation à des causes abstraites, l’aide à la constitution par les producteurs de « marques-villages »38Nous considérons comme « militantes » les marques de commerce équitable prônant de l’équité dans tous les échanges et opposées à la vente en GMS. Ellesconsidèrent le combat pour leurs idées comme un élément indissociable de leur activité économique.39Ce fait est apparu lors de l’entretien, après avoir feuilleté le catalogue avec la responsable de magasin et avoir cherché en vain de tels produits. Nous n’avonscependant pas pu vérifier cette information auprès du siège.40Propos de la responsable du magasin A qui déclare ensuite : « on est tellement loin de tout ça ».Les réseaux d’acteurs du commerce équitable – Exemple de l’Ile-de-France 46

ou « marques-projets »,…Comme les autres acteurs, il préfère avancer progressivement, en secontentant des pratiques existantes.Tous reconnaissent généralement que la distribution du commerce équitable en GMS va profiter auxproducteurs en augmentant les volumes de vente.De même ne sont-ils pas opposés à l’élaboration d’une garantie sur le modèle de celle assurée par MaxHavelaar (donc de nature privée) :« Oh ils se débrouillent déjà très bien hein. Ce n’est pas que j’en fasse des quantités énormes heinmais c’est, c’est assez bétonné comme système. Ils sont bien contrôlés…Et puis ben, qu’est ce quevous voulez qu’ils fassent les pouvoirs publics en plus ? […] Non… J’ne vois pas pourquoi l’Etatdevrait mettre son nez là-dedans ». (Responsable du CE G)Ils privilégient dans l’ensemble un renforcement de cette certification plutôt que la création d’une normepublique. Cette méfiance envers l’Etat comme garant d’un possible label commerce équitable estcommune à trois des quatre opérateurs interrogés.Trois des quatre structures de cette catégorie se sont lancées dans la vente de commerce équitable àpartir de 2005, soit deux à trois ans après que le secteur ait connu une forte expansion (vers 2002-2003)qui l’a fait connaître du grand public.Notons également que l’offre de produits issus du commerce équitable est peu diversifiée dans deux destrois magasins ici considérés (en général il n’est proposé qu’une seule marque par produit).Les opérateurs au positionnement pragmatique ne mènent pas d’actions de sensibilisation sur lecommerce équitable. L’information donnée l’est à titre promotionnel et les vendeurs en magasins ne sontpas formés au commerce équitable chez les distributeurs A et C. Dans les magasins D, l’information quenous avons trouvée sur le commerce équitable est celle diffusée dans le catalogue mensuel du réseau. Ladéfinition proposée du commerce équitable est constituée des critères de garantie défendus par MaxHavelaar :« Le label Commerce équitable garantit : une juste rémunération des petits producteurs de thé,une amélioration de leur qualité de travail (outils) et de vie (habitat, école), l’absence de travail desenfants. »Le directeur de ce réseau rejette l’idée d’une sensibilisation au concept de commerce équitable parpétitions ou collaboration avec des associations ou ONG car il se dit « allergique au militantismetraditionnel qu’[il] trouve limité ». Plutôt que « d’information », il préfère parler de « promotion » desproduits et de « communication » :« Il faut faire avec les produits et pas avec les idées », « Il faut sensibiliser le client autrement quepar des pétitions, il faut le féminiser, il faut l’avoir par laduction féminine plus que par l’agressivitémasculine, par ce militantisme », « Il vaut mieux créer une proximité affective qu’intellectuelle : c’estplus pérenne ».Mais il reconnaît que la « communication » de son réseau doit être améliorée car elle n’est pas assez« démonstrative ». Il pense qu’il faut communiquer de manière plus « raffinée » sur les projets qu’il y aderrière chaque producteur. C’est pour cette raison qu’il considère la création de « marques-projets » oude « marques-villages » par les producteurs du Sud comme devant être le but du commerce équitable àterme.L’appartenance au secteur économique conventionnel apparaît aussi chez ces opérateurs à travers leursstatuts juridiques « classiques » (deux SA, une SARL, une SAS).Finalement, l’activité commerce équitable qu’entreprennent ces acteurs représente une marge certesintéressante de leur activité mais qui ne les conduit pas à envisager l’économie autrement ni à sortir d’unrapport marchand au commerce équitable. Ils n’entretiennent donc pas ou peu de relations avec la sociétécivile (medias, associations environnementales, partis politiques, organisations de solidaritéinternationale,…), ni de relations non commerciales avec les parties prenantes équitables (échangesd’information, débats, participation à des événements de sensibilisation).3| Une approche cloisonnée des concepts de commerce équitable etd’environnementPour les structures interrogées, le bio prime sur l’équitable (ce qui peut paraître logique dans ce domaineprofessionnel) et il n’est pas recherché systématiquement de conciliation entre les deux univers. Si, dansle cas d’un produit, les deux critères entrent en conflit, le directeur du réseau de magasins D fera primer leLes réseaux d’acteurs du commerce équitable – Exemple de l’Ile-de-France 47

ou « marques-projets »,…Comme les autres acteurs, il préfère avancer progressivement, en secontentant des pratiques existantes.Tous reconnaissent généralement que <strong>la</strong> distribution <strong>du</strong> <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> en GMS va profiter auxpro<strong>du</strong>cteurs en augmentant les volumes de vente.De même ne sont-ils pas opposés à l’é<strong>la</strong>boration d’une garantie sur le modèle de celle assurée par MaxHave<strong>la</strong>ar (donc de nature privée) :« Oh ils se débrouillent déjà très bien hein. Ce n’est pas que j’en fasse des quantités énormes heinmais c’est, c’est assez bétonné comme système. Ils sont bien contrôlés…Et puis ben, qu’est ce quevous voulez qu’ils fassent les pouvoirs publics en plus ? […] Non… J’ne vois pas <strong>pour</strong>quoi l’Etatdevrait mettre son nez là-dedans ». (Responsable <strong>du</strong> CE G)Ils privilégient dans l’ensemble un renforcement de cette certification plutôt que <strong>la</strong> création d’une normepublique. Cette méfiance envers l’Etat comme garant d’un possible <strong>la</strong>bel <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> estcommune à trois des quatre opérateurs interrogés.Trois des quatre structures de cette catégorie se sont <strong>la</strong>ncées dans <strong>la</strong> vente de <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> àpartir de 2005, soit deux à trois ans après que le secteur ait connu une forte expansion (vers 2002-2003)qui l’a fait connaître <strong>du</strong> grand public.Notons également que l’offre de pro<strong>du</strong>its issus <strong>du</strong> <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> est peu diversifiée dans deux destrois magasins ici considérés (en général il n’est proposé qu’une seule marque par pro<strong>du</strong>it).<strong>Les</strong> opérateurs au positionnement pragmatique ne mènent pas d’actions de sensibilisation sur le<strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong>. L’information donnée l’est à titre promotionnel et les vendeurs en magasins ne sontpas formés au <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> chez les distributeurs A et C. Dans les magasins D, l’information quenous avons trouvée sur le <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> est celle diffusée dans le catalogue mensuel <strong>du</strong> réseau. Ladéfinition proposée <strong>du</strong> <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> est constituée des critères de garantie défen<strong>du</strong>s par MaxHave<strong>la</strong>ar :« Le <strong>la</strong>bel Commerce <strong>équitable</strong> garantit : une juste rémunération des petits pro<strong>du</strong>cteurs de thé,une amélioration de leur qualité de travail (outils) et de vie (habitat, école), l’absence de travail desenfants. »Le directeur de ce réseau rejette l’idée d’une sensibilisation au concept de <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> parpétitions ou col<strong>la</strong>boration avec des associations ou ONG car il se dit « allergique au militantismetraditionnel qu’[il] trouve limité ». Plutôt que « d’information », il préfère parler de « promotion » despro<strong>du</strong>its et de « communication » :« Il faut faire avec les pro<strong>du</strong>its et pas avec les idées », « Il faut sensibiliser le client autrement quepar des pétitions, il faut le féminiser, il faut l’avoir par <strong>la</strong> sé<strong>du</strong>ction féminine plus que par l’agressivitémasculine, par ce militantisme », « Il vaut mieux créer une proximité affective qu’intellectuelle : c’estplus pérenne ».Mais il reconnaît que <strong>la</strong> « communication » de son réseau doit être améliorée car elle n’est pas assez« démonstrative ». Il pense qu’il faut communiquer de manière plus « raffinée » sur les projets qu’il y aderrière chaque pro<strong>du</strong>cteur. C’est <strong>pour</strong> cette raison qu’il considère <strong>la</strong> création de « marques-projets » oude « marques-vil<strong>la</strong>ges » par les pro<strong>du</strong>cteurs <strong>du</strong> Sud comme devant être le but <strong>du</strong> <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> àterme.L’appartenance au secteur économique conventionnel apparaît aussi chez ces opérateurs à travers leursstatuts juridiques « c<strong>la</strong>ssiques » (deux SA, une SARL, une SAS).Finalement, l’activité <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> qu’entreprennent ces acteurs représente une marge certesintéressante de leur activité mais qui ne les con<strong>du</strong>it pas à envisager l’économie autrement ni à sortir d’unrapport marchand au <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong>. Ils n’entretiennent donc pas ou peu de re<strong>la</strong>tions avec <strong>la</strong> sociétécivile (medias, associations environnementales, partis politiques, organisations de solidaritéinternationale,…), ni de re<strong>la</strong>tions non commerciales avec les parties prenantes <strong>équitable</strong>s (échangesd’information, débats, participation à des événements de sensibilisation).3| Une approche cloisonnée des concepts de <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> etd’environnementPour les structures interrogées, le bio prime sur l’<strong>équitable</strong> (ce qui peut paraître logique dans ce domaineprofessionnel) et il n’est pas recherché systématiquement de conciliation entre les deux univers. Si, dansle cas d’un pro<strong>du</strong>it, les deux critères entrent en conflit, le directeur <strong>du</strong> réseau de magasins D fera primer le<strong>Les</strong> <strong>réseaux</strong> d’acteurs <strong>du</strong> <strong>commerce</strong> <strong>équitable</strong> – Exemple de l’Ile-de-France 47

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!