30.07.2015 Views

La Vie Associative | n°4 - CPCA

La Vie Associative | n°4 - CPCA

La Vie Associative | n°4 - CPCA

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Associations et politiquecombat politique que je n'avais pasdemandé à mener.J'ai par ailleurs vécu les difficultés etles obstacles auxquels sont confrontéschaque jour les responsables d'associations.Même si la vie associative estfoisonnante en France, elle dispose demoyens bien moindres qu'aux Etats-Unis par exemple. Beaucoup de problèmesdécoulent de lacunes juridiques.Ne faut-il pas toiletter la loi de1901 pour l'adapter aux réalités duXXIème siècle ? N'est-il pas urgent decombler le vide juridique concernantle bénévolat ? Maintenant que je suis"de l'autre côté de la barrière", mapriorité comme député consiste àm'attaquer à ces questions.Existe-t-il à vos yeux des risquesde confusion entre l'associatif etle politique ?A mon sens il y a confusion lorsquel'action associative devient un marchepiedpour construire une carrièrepolitique. Mais la confusion peut sesituer aussi dans la tête des autres,lorsqu'ils présupposent des arrièrepenséespolitiques chez tout élu quis'intéresse de près à la vie associative...A l'inverse, j'estime que les associationsn'ont pas à faire de politique.Un président d'association devrait toujoursabandonner son mandat dans lecas où il est amené à exercer uneresponsabilité politique.Quelles sont les responsabilitésparticulières des politiques vis-àvisdu monde associatif ?L'univers associatif est le monde del'action et d'une réflexion tournée versl'action. Dans l'immense majorité descas, cette action répond à des objectifsd'intérêt général. Les associationsremplissent des missions de servicepublic que l'Etat et les collectivitéslocales ne peuvent pas assumer seuls.Dans la mesure où elles rendent unservice à la société, il est normal quela collectivité s'en occupe au traversde ses représentants politiques. Lerôle des politiques vis-à-vis du tissuassociatif est triple : ils doivent gérerl'attribution des moyens financiersalloués aux associations exerçant uneactivité d'intérêt général ; contrôlerl'utilisation que ces dernières font desdeniers publics ; et enfin, en tant quelégislateurs, inventer de nouvellespropositions d'encadrement juridique,susceptibles d'améliorer concrètementla vie des associations et de leurouvrir de nouveaux droits…J'ajouterais que les politiques ont uneobligation d'écoute vis-à-vis d'associationsqui sont parfois seules à porteret à poser certains problèmes desociété - c'est particulièrement vraidans le domaine du handicap où toutesles avancées importantes découlentdes combats associatifs. Pourautant, le relais associatif ne suffitpas; le devoir d'écoute doit s'étendrebien au-delà car les vrais démunis, lesvrais exclus ne sont pas dans les associationsni même repérés par elles." Les associations n'ont pas à sesubstituer à l'Etat "Clémentine Autain, 29 ans, adjointe au mairede Paris chargée de la jeunesse, conseillèrede Paris dans le XVIIe arrondissement, apparentéecommuniste.Quelle a été la nature de vos engagements associatifs?J'ai eu divers engagements. Entre 1992 et 1994, à l'UNEF,puis au Collectif féministe contre le viol et au Collectifnational des droits des femmes. En 1997, j'ai fondé avecdes amis l'association Mix-Cité, un mouvement mixte pourl'égalité des sexes, que j'ai co-présidé jusqu'en 2000.Parallèlement, j'étais membre actif de la FondationCopernic qui regroupe, sur le thème de l'anti-libéralisme,syndicats, associations, partis politiques…Est-ce l'engagement associatif qui vous a amenée àvous investir dans le champ politique ?Oui et non. Tout est arrivé dans le désordre. A dix-huitans, je voulais faire de la politique mais aucun parti ne meconvenait. J'ai donc fait le choix associatif par défaut.Lorsque j'en ai eu la possibilité, j'ai fait le pas en politique.Non sans hésitation car j'aimais beaucoup le mouvementassociatif et la liberté qu'il offre. Or, pour moi, tout engagementpolitique impliquait ma démission du champ associatif.D'un autre point de vue, c'est l'engagement associatifqui m'a conduite en politique : j'ai été repérée par lebiais de Mix-Cité, notre bataille contre les mannequinsvivants des Galeries <strong>La</strong>fayette nous avait donné de la visibilité.A l'heure qu'il est, je n'ai pas résolu la question desavoir où je suis la plus utile, dans l'associatif ou dans lepolitique…Comment s'est opéré le passage de l'un à l'autre ?Plusieurs partis politiques m'ont contactée, ils étaient enmal de jeunes, de femmes et de gens issus du mouvementassociatif. Je cumulais les trois ! Mais j'ai eu du mal à medécider, je n'étais pas prête. J'ai donc posé un certainnombre de conditions, comme ne pas être élue ailleursqu'à Paris car j'ai toujours vécue ici. L'autre questionessentielle était : "quel parti ?". Pour moi, c'était le Particommuniste ou rien. A l'époque, j'avais une chronique aujournal L'Humanité : le positionnement résolument antilibéral,la lutte contre les inégalités sociales incarnés par lePC sont, pour moi, un pilier fondamental. Et puis je suissensible au comportement des élus PC, au fait qu'ils reversentleurs indemnités au parti, par exemple. Cela dit, je nesuis membre d'aucun parti, je suis apparentée communiste.J'ai fait le pas aussi parce que l'idée de la bataille deParis me passionnait, tout comme l'homme Delanoë, sonéthique et sa manière de faire de la politique. Aujourd'hui,mes fonctions politiques représentent plus qu'un tempsplein. Hélas, car j'aimerais être salariée pour être indépendante!Pourquoi avoir abandonné l'engagement associatif ?Je craignais la confusion entre les deux. Je ne pense pasqu'il faille une coupure étanche entre associatif et politiquemais tout de même… Les partis n'ayant plus d'idées, ilspensent que tout ce qui vient des associations est intéressantet merveilleux ! Il faut arrêter cela ! Il est urgentqu'ils reviennent à la formation politique, car leur vocationconsiste à penser de manière globale ; contrairement auxassociations qui ont toujours un territoire d'action plusdéfini.Quelle est, selon vous, la mission particulière de l'unet de l'autre ?L'association a la mission qu'elle veut bien se donner. Pourma part, j'étais engagée pour changer la société. Maisentre Attac et le club de boules, chacun fait ce qu'il veut !Il n'existe pas un mais des mouvements associatifs, et jesuis favorable à leur autonomie. <strong>La</strong> société civile est unespace totalement libre intellectuellement et potentiellementfécond ; les idées les plus folles sont souvent venuesd'elle. Quant à la politique, sa première mission est dechanger la société. Elle doit être à l'écoute des idées de lasociété civile pour les traduire dans le champ institutionnel.Mais je rejette l'instrumentalisation comme cela a puêtre le cas avec les mouvements syndicaux ou de jeunesse.Il faut créer des espaces communs de dialogue où chacungarde sa place. Le politique doit soutenir les dynamiquesassociatives, car elles constituent du lien social.Mais les associations n'ont pas à se substituer à l'Etat là oùce dernier a démissionné. C'est trop souvent le piège danslequel elles tombent ; le mouvement d'éducation populaireen est une caricature.4


Des personnalités politiques s'exprimentsur leur vision de l'associatifAssociations et politique“De nature opposée, unenécessaire complémentarité”Bruno Bourg-Broc est député(UMP) de la Marne, maire deChâlons-en-Champagne, présidentde la Fédération desMaires des Villes Moyennes. Ilest par ailleurs président del'Association des "amis de JeanTalon" et vice-président de l'associationFrance-Canada" Il faut dépasser la loide 1901 "Yves Cochet, ancien ministrede l'Environnement, aujourd'-hui député (Vert) de Paris, afondé Les Amis de la Terre en1977, <strong>La</strong> Feuille d'érable(association écologique derecyclage de papier et d'insertiondes jeunes) en 1982, <strong>La</strong>Maison de la consommation etd'environnement (associationd'associations) en 1983, ainsi" En tant que contrepouvoir,les associationssont un rouage essentielde la démocratie "Michèle Rivasi, fondatrice dela Crii-Rad (Commission derecherche er d'informationindépendante sur la radioactivité),députée (apparentéePS) de la Drôme de 1997 à2002" Pour mener à bien un projet detransformation sociale, donc un changementde société, les associationspeuvent apporter beaucoup : ellespeuvent collaborer avec l'action politiquedans l'élaboration et l'applicationd'une réforme, prendre desinitiatives, lancer des projets; ellespeuvent aussi être amenées à affronterle pouvoir politique pour s'opposerà une réglementation, et travaillerensuite à modifier celle-ci; elles peuventenfin exercer un pouvoir decontrôle dans l'application d'une" Par définition, l'action associativeregroupe un ensemble de citoyens quiexpriment leur volonté de participation,en ayant pour finalité de concourirà la poursuite d'objectifs économique,social, culturel, éducatif, sportif,ou autre. Par nature, cette action s'articuleautour d'intérêts sectoriels particuliers.A contrario, l'action politique comprendl'ensemble des affaires publiques.C'est de cette nature si opposée quenaît à la fois une nécessaire collaborationentre elles, et une complémentarité,notamment dans la conduite d'unprojet de transformation sociale.<strong>La</strong> réalisation d'un tel projet passe parplusieurs étapes.En amont du projet, l'état des lieux dela situation est effectué par l'actionassociative et l'action politique. Mêmesi les approches sont différentes, ellespeuvent travailler de concert sur le terrainpour définir les besoins et étudierque le CIELE (Centre d'informationsur l'énergie et l'environnement)en 1985." Une société vivante est celle qui neconfond pas les rôles ni les responsabilitésentre le Politique et l'Associatif.J'ai connu et assumé dans ma viemilitante les deux types de responsabilités.Je crois que les associationsont un rôle à mi-chemin entre l'individuet le collectif. Elles permettent derépondre à des manques, des besoinsnon satisfaits par les pouvoirs publics.Ainsi j'ai créé il y a environ vingt ansune association de récupération duréforme, d'une législation.Les associations par nature sont prochesdes gens; leur rôle est donc primordialpour tisser des liens entreeux et lancer des initiatives ou porterdes revendications en leur nom. Ellesoccupent une place de choix pouréclairer le pouvoir politique sur lesbesoins et les demandes de la population.Elles peuvent exercer un contre-pouvoiret sont donc un rouageessentiel de la démocratie.Pour illustrer mon propos, je prendrail'exemple de la Crii-Rad. J'ai fondécette association avec quelques amisaprès l'accident de la centralenucléaire de Tchernobyl en 1986,alors que selon les organismes officielsde l'Etat, la France avait ététotalement épargnée par le nuageradioactif. Face au mensonge et auxcarences de l'Etat, l'association, s'appuyantsur de nombreux bénévoles,avait comme objectif premier d'informerle population sur la réalité dudanger. Elle a dû affronter durementles représentants de l'Etat pourmener à bien sa tâche. Elle a ensuite5les améliorations possibles. L'actionassociative, spécialisée sur cette question,apporte un soutien indispensablecar technique, à l'action politique.Lors de la construction du projet, lesdeux actions sont également nécessaires.L'une maîtrise la pratique, l'autredoit élaborer la théorie.Enfin, au stade de l'application du projet,l'action politique fixe le cadre légalet les règles nécessaires à la bonneexécution de ce projet. L'action associativea un autre rôle, qui consiste àfaire connaître le projet et à l'appliquer.Ces deux actions sont parfaitementcomplémentaires dans leur fonction etleur rapport avec la société. Pour unbon fonctionnement de la démocratie,elles doivent collaborer quasiment auquotidien. "papier et de vente de papier recyclé.<strong>La</strong> création des Amis de la Terre, en1977, va plus loin. Elle caractérise lepassage de l'associatif - faire valoir etconcrétiser ses idées - au politique -accepter la responsabilité de la miseen œuvre de celles-ci. Aujourd'hui ilfaut dépasser la loi de 1901 en donnantde nouveaux droits aux associations: il faut renforcer l'aide juridictionnelleet permettre aux associationsd'accéder à un recours effectif àla justice, il faut aussi protéger lesresponsables associatifs et les accompagnerpour leur permettre d'allerplus loin dans leurs projets. "effectué, grâce à la création d'unlaboratoire d'analyse, un travailconsidérable de contrôle pour unemeilleure protection de la population :contrôle des rejets des installationsnucléaires, de la commercialisation desmatériaux radioactifs, de la qualité del'environnement (eau, air) et de lacontamination des aliments.<strong>La</strong> CRII-RAD est devenue ainsi unvéritable contre-pouvoir au service dela population, dans un domaine crucialpour la santé publique. Son indépendancedans ses activités estgarantie par son indépendance financièrepar rapport au pouvoir politique.De multiples structures associativesjouent un rôle comparable dans biend'autres domaines. A côté des syndicats,des partis politiques et face augouvernement, toutes ces associationsremplissent une fonction particulièrementimportante et spécifiquedans le fonctionnement de la démocratie,et donc dans le processus detransformation démocratique de lasociété. "


Associations et politiqueL'association au secours du politiqueEntretien avec Jean-Marie Montel, délégué général du Cidem" Réhabiliter le politique par l'engagement associatif "Fond en 1984 par la Ligue de l’Enseignement et la Ligue des Droits de l’Homme, le Cidem -Civisme et Dmocratie - s’est largi en 1999 aux associations (1) qui souhaitaient promouvoir lecivisme et l’ducation la citoyennet. Le Cidem est notamment charg, depuis quelquesannes, des campagnes nationales d’incitation au vote, l’inscription sur les listes lectorales etd’information sur le vote par procuration, mettant en valeur une dimension europenne de plusen plus forte.Quel rôle peuvent jouer les associations dans l'éducationau civisme et à la citoyenneté ?Les corps intermédiaires, en tant que lieux dans lesquelsdes citoyens se rassemblent pour porter des projetscollectifs, occupent une place centrale dans notrepays. L'engagement dans une association représente,avant tout, une éducation au "vivre ensemble" et à lacitoyenneté. Quand on analyse les raisons du rejet desinstitutions par chacun - les citoyens, les politiques, lesmédias, les parents, les enseignants, les associations -,chacun pense que les responsabilités sont à chercherchez les autres. Les associations membres du Cidemont préféré, sur ce terrain, étudier les actions concrètesà mener. Puis, éventuellement, par la suite, interpellerles responsables politiques et les médias. Notreobjectif est de réhabiliter le politique par l'engagementassociatif. D'autant que les associations elles-mêmessont souvent victimes de ce désintérêt croissant pourla chose publique, même si, comme le montre le baromètrede la citoyenneté Cidem-France Info, l'engagementassociatif reste de loin le plus apprécié desFrançais.Les formes de militantisme sont-elles différentesdans une association et dans un parti politique ?Dans une association, le militant agit souvent de façonaffective, ponctuelle, pour avoir prise sur son environnementlocal. Les bénévoles associatifs sont moinsintéressés aujourd'hui par des engagements dans ladurée. Dans un parti, les militants se mettent au serviced'une idée ou, au regret de certains, d'un homme(ou d'une femme). Dans un parti, les actions "de terrain"(distribution de tracts, collage d'affiches…) intéressentpeu les militants. Résultat : leurs adhérentssont principalement des élus locaux ou des candidats àun mandat électif. <strong>La</strong> diminution du nombre d'adhésions(seul un Français sur 1000 est aujourd'hui"encarté") explique en grande partie la déconnexiondes partis avec la société civile sur certains sujets. Ilest important que chaque parti, syndicat, association…trouve des nouvelles formes de militantisme qui répondentmieux aux attentes des citoyens.Quelles pourraient être ces nouvelles formes demilitantisme ?Certaines structures, telles Attac ou la Confédérationpaysanne par exemple, basent leur développement surdes formes de militantisme davantage fondées sur l'émotion,la proximité, sur des objets ponctuels… Lespartis auraient sans doute dû opérer ce type de changement,afin de mieux répondre aux envies réellesd'engagement nées au soir du 21 avril.Quelle place doivent avoir les différentes formesd'engagement ?Les attentes des citoyens en matière de militantismesont toujours aussi fortes, mais elles ont changé deformes. Aux partis, aux syndicats, aux associations deréfléchir à une nécessaire évolution de ce qu'ils proposentaux militants. Les différents militantismes ontsouvent été opposés, à tort. Une démocratie a besoinde la diversité de ces engagements pour être vivanteet dynamique. Les uns et les autres se nourrissent ets'enrichissent mutuellement ; plutôt que d'opposition, ilexiste une complémentarité réelle entre les formesd'engagement. Du reste, au Cidem, notre objectif estde redynamiser la démocratie et de revaloriser l'engagementassociatif. Nous sommes ouverts aux associationset organisations qui souhaitent participer aunécessaire effort de réhabilitation du politique.Que pensez-vous des listes "citoyennes" ?Elles révèlent justement ces nouvelles attentes d'engagementdes citoyens, leur volonté de s'approprierdavantage et de manière différente le politique. Lerisque : le mélange des genres. Les partis sont desgroupements de citoyens, porteurs d'un projet politique,qui confèrent à leurs dirigeants le pouvoir demettre en application ce projet. Ils occupent une placecentrale dans une démocratie, prévue du reste dans laConstitution. Par ailleurs, des interrogations se sontexprimées sur la réelle représentativité de ces listes,leur légitimité, leur espérance de vie. Elles peuvent, eneffet, s'attacher exclusivement à des intérêts individuelset locaux. Or, un projet politique doit pouvoir sedéplacer dans le temps et dans l'espace. En résumé,les associations ne doivent pas jouer le rôle des partis.Elles peuvent les interpeller, leur fournir des idées, êtredes aiguillons de la démocratie, et, au nom du renouveaude la démocratie, inciter les citoyens à s'engagerdans les partis.Site : www.cidem.org(1) AnimaFac, ATD Quart Monde, Confédération des MJC de France,Fédération des centres sociaux et socioculturels de France, FranceNature Environnement, Ligue des droits de l'homme, Ligue de l'enseignement,Mouvement rural de jeunesse chrétienne, MRAP, Scouts deFrance, Comité Français de l'Unicef.6


Associations et politiqueChâtenay-Malabry : quand des militants associatifsse mêlent de politique !D'abord association locale, créée en 1995, Citoyens unis de Châtenay-Malabry (CUCM) a présentéune liste citoyenne aux élections de mars 2001. Résultat : trois élus au conseil municipalet une imbrication forte entre association et politique." Reconstruire un autre lien avec les habitants, leur permettre de retrouver confiance dans la possibilitéde s'exprimer sur un terrain politique et ramener des citoyens vers le vote. " Telles sont, selonPhilippe <strong>La</strong>ville, fondateur de Citoyens unis de Châtenay-Malabry (92), différentes raisons qui ont amené l'associationà présenter une liste, en mars 2001, aux élections municipales. Non sans succès car la liste a remporté17,21% des voix, au premier tour - qui a vu la reconduction du candidat de droite, Georges Siffredi. " C'est, detoutes les listes associatives qui ne se sont pas alliées à des partis politiques, le score le plus important dansune ville de plus de 30 000 habitants ", commente Philippe <strong>La</strong>ville. <strong>La</strong> liste n'a pas, en effet, présenté de militantsdu PS ou d'autres partis issus de la gauche plurielle. Et pourtant…Partis et association :je t'aime, moi non plus !À la naissance de l'association, en 1995, année de la défaite des socialistes,à la mairie depuis des décennies, certains d'entre eux ont adhéré àCUCM." Au départ, nous avons été noyautés par les partis. Certains militants éminents dont l'ancien maire ont adhéréà CUCM. Leur but : piloter l'association en sous-main ", se souvient Jean-Marc Charasz, l'un des trois élus auconseil municipal sous les couleurs de CUCM. De fait, les membres du parti socialiste ont pesé, pendant troisans, sur les statuts de l'association et sont devenus membres de droit du conseil d'administration (l'ancien mairea, par exemple, obtenu le poste de vice-président)… " On s'est fait phagocyter dès le départ ; on était bien dansle schéma d'une association au secours des politiques. CUCM leur permettait de se refaire une virginité, d'avancerà visage couvert. L'intégrer, c'était aussi la contrôler pour que l'association n'empiète pas trop sur leur terrain.Beaucoup d'entre nous n'ont rien vu venir, bercés par leur discours d'ouverture et de soutien de type : vous n'yconnaissez rien, on vous transmettra des informations, nous nous mettons à votre disposition… ", relate Philippe <strong>La</strong>ville.Le bras de fer "interne" dure jusqu'en 1998, année où CUCM modifie ses statuts et affirme son indépendance,amorcée en 1997 suite à l'augmentation des impôts locaux, en rendant public le contrôle des comptes de lamunicipalité (1). Les membres du PS adhérents à CUCM désapprouvent la méthode. " Ce faisant, nous dérangionsle nouveau maire comme l'ancien car nous révélions une gestion approximative et opaque des comptesdepuis de nombreuses années ", observe le fondateur de l'association. Et de poursuivre : " Dans la stratégied'un parti, les habitants ne doivent pas être informés au jour le jour de ce qui se déroule dans leur ville.L'important, c'est la stratégie politique. Or, si des erreurs dans les comptes étaient constatées, cela constituaitun atout majeur… à l'occasion de la campagne 2001, pas avant. Par ailleurs, forcer le maire à la transparence,c'était de fait le pousser à une bonne gestion, donc à réduire les risques de faux pas… " En résumé, les partisraisonnent en termes stratégiques, nationaux et sur le long terme. Les associations sont ancréesdans le local et dans le présent.Cette distinction entre parti et association et leur rôle politique respectif sur la commune mèneCUCM à présenter une liste aux élections municipales de 2001, initiative désapprouvée par le PS. " Lespolitiques voulaient que nous soyons un laboratoire d'idées, un réservoir dans lequel ils auraient pu puiser… sanspour autant s'engager sur les exigences précises de démocratie participative développées par CUCM dans saCharte ", explique Philippe <strong>La</strong>ville.Une liste citoyenne en politiqueAujourd'hui, l'association compte 150 adhérents etdispose de trois élus au conseil municipal, élus quipour éviter l'usure et le "phagocytage" ont instauré une représentation tournante (en septembre 2001, Philippe<strong>La</strong>ville a laissé sa place à Geneviève Colomer). CUCM, pour autant, assume l'ampleur de ses responsabilitéspolitiques : " Nous avons axé notre travail d'élu sur la mise en place de nouvelles méthodologies dans le fonctionnementmunicipal. Au sein du conseil, par ailleurs, nous nous définissons comme la minorité associative,relais des propositions des habitants ", décrit Philippe <strong>La</strong>ville. Et Jean-Marc Charasz d'enrichir : " Nous sommesune liste apolitique qui ne fait que de la politique ".Quant au double jeu entre la démocratie participative et la démocratie représentative, les citoyensunis n'y voient pas de paradoxe : " Les allers-retours incessants avec les habitants créent une dynamiquepermanente ", observe Philippe <strong>La</strong>ville. Bref, CUCM tente d'appliquer des pratiques qui seraient lessiennes si la liste gagnait la mairie. Cela peut se résumer par la mise en place d'une démocratie locale, combatpeu mené aux yeux de Philippe <strong>La</strong>ville par les partis. Il conclut : " Si les partis avaient opté pour un fonctionnementdifférent, soit plus d'écoute et de transparence depuis 1995, CUCM n'aurait sans doute pas créé de liste.<strong>La</strong> forme "parti politique" ayant failli, un vide démocratique s'est installé. En se présentant, nous avons permisaux citoyens de s'intéresser à nouveau à la vie locale… Nous avons couru au secours d'une réappropriation dupolitique par les habitants. "1 Détails sur ce contrôle sur le site de l'association, qui présente aussi sa Charte, l'ensemble de ses activités etde celle de ses élus : www.cucm.lautre.net7


Associations et politiqueAssociation et politique,une co-construction de l'action publique<strong>La</strong> Conférence de la FamilleRencontre avec Lucien Bouis, vice-président de l’UNAFQuelle est la spécificité del'UNAF par rapport aux autresréseaux associatifs?<strong>La</strong> vie associative familiale date dela fin du XIXe siècle. On commencealors à voir des pères de famillequi se regroupent pour la prise enconsidération des grandes familles.Ce sont des associations plutôtsoutenues par les ecclésiastiqueset les militaires. Dès lors, le mouvementassociatif familial évolue etse structure. C'est sous la secondeguerre mondiale que le Conseil dela Résistance (CNR) prend encompte cette dimension associativeet les revendications qu'elleporte. Tout d'abord, avec la sécuritésociale une branche famille estcréée, mais ils vont encore plusloin en instituant l'UNAF et lesUDAF rattachées au CNR. L'UNAFet les UDAF vont avoir pourresponsabilité la représentation del'ensemble des familles, on parlede l'ensemble des familles et nonde toutes les familles car il ne s'agitpas d'appréhender une sommede problèmes particuliers mais deconsidérer des spécificités familialesdans les décisions politiques.L'UNAF est donc une associationen charge de 4 missions avec entoile de fond la représentation del'ensemble des familles. Premièremission donner son avis aux pouvoirspublics sur toute questionintéressant la famille. Deuxièmemission, déléguer des représentantsdes familles dans des structuresau plan national, au plandépartemental. Troisième missiongérer des services d'intérêt publicconfiés par les pouvoirs publics.C'est la gestion de tout ce qui toucheà la tutelle. Quatrième mission:ester en justice sans avoir besoind'agrément particulier au nom dela représentation de l'ensembledes familles. Une ordonnanced'août 1945 officialise cette institutionet reconnaît son fondementassociatif et par là-même la vieassociative familiale. Elle doit êtregérée dans le cadre de ses missionspar les représentants desassociations familiales existantes.En 1975, la loi est modifiée, iln’est plus question de l'ensembledes familles françaises mais del'ensemble des familles vivant surle territoire français.<strong>La</strong> vie associative familiale aujourd'huic'est environ un million defamilles adhérentes; sur le plandes institutions c'est une unionnationale qui a responsabilité territorialeet 100 associations UDAFqui ont responsabilité au niveaudépartemental et un échelonrégional -URAF- qui n'a pas pourl'instant de reconnaissance institutionnelle.L’URAF est seulementune coordination.Donc, l'UNAF comme lieu deregroupement inter-associatif (ellen'est pas fédération) doit trouverun équilibre par le principe de subsidiarité.Ce type de gestion n’arien d’évident et suppose unedémocratie vivante. Le plan nationalest géré en parité par desreprésentants des différents mouvementset par des délégués desUDAF. On a à la fois la représentationdes citoyens et la représentativitédes territoires.Est-ce qu'il y a eu depuis 45des tentatives de remettre enquestion ses missions ou l'institutionelle-même ?Non. Cependant, petit à petit lespouvoirs publics ont oublié deconsulter l'UNAF pour les questionstraitant des familles. Etdepuis 4-5 ans nous nous battonspour que l'UNAF et les UDAFsoient prises en compte par lespouvoirs publics, pour que l’onreconnaisse leurs missions. Il s’agitleur rappeler qu’ils ont responsabilitéde les interpeller.Dans votre mission de propositionau gouvernement, vousavez dû développer une dimensiond'expertise ? Est-ce quecette expertise s'étend ?Oui. <strong>La</strong> fourniture d'avis se fait dedeux façons. Elle se fait par laréponse à des demandes spécifiques,par exemple l'avortement,la contraception et le problème del'école universelle avec Savary.Quand il s'agit de donner un avissur un sujet qui concerne l'ensembledes familles, on y parvient.Cela se fait aussi de façon journalièredans les lieux où nous avonsdélégués des représentants del'ensemble des familles comme parexemple le CES, les CESR, les officesHLM, 80% des conseils d'administrationd'hôpitaux, ou encoredans les 20 000 CCAS.<strong>La</strong> notion d'avis passe par deuxaspects : par des réponses à desdemandes spécifiques mais égalementpar des initiatives que larecherche interne de l'UNAF meten évidence. Par exemple toute laréflexion sur le problème de lamédiation familiale dont on neparlait pas il y a trois ans qui adonné un rapport, le rapportSassié, vient de l'UNAF.Par ailleurs, nous avons créé desobservatoires de la famille; il semblaitintéressant d'avoir des informationssur la vie des familles viala vie associative mais cetteapproche est un peu biaisée, il y ades filtres. Donc parallèlement aété créé un autre observatoire quia une petite dimension nationaleet une grosse dimension départementale,mais un observatoire surbase INSEE.8


Associations et politique<strong>La</strong> conférence de la familleC'est un peu une invention de l'UNAFqui avait été retenue par F. Mitterranden 1981.Elle permet une considération du faitfamilial dans toutes les politiques. Lefait familial ne passe pas par desmodèles de familles, il passe par dessituations familiales. Après des annéesde désuétude elle a réellement étéconstituée sous le gouvernementJospin.Une fois par an, est organisée unegrand messe à Matignon où autour duPremier ministre, chaque ministreexpose le travail effectué dans l'annéeet entend nos préoccupations. Cette‘grand messe’ n'a devaleur que parcequ'il s'agit d'un jourpar rapport à 365 detravail avec lesministères.<strong>La</strong> conférence estpour le momentbasée sur troispoints : le premierconcerne la prestationuniverselle, lesecond est centrésur la vie familialeet l'éducation, letroisième porte sur la conciliation viefamiliale-vie professionnelle et l'implicationde l'entreprise dans cette conciliation.Ces groupes ont l'avantage d'avoirautour de la table, les ministèresconcernés, les partenaires sociauxconcernés et les représentants de lavie familiale. Nous tenons beaucoup àcette organisation, c'est une conférencesous l'égide du Premier ministre quifait le point et qui permet de fixer uncertain nombre d'engagements. Jecrois que cette idée pourrait être reprisedans d'autres domaines associatifs.“Il faut des lieux d'écoute àtous les niveaux dans lesquelsles pouvoirs seraienten capacité d'écouter desreprésentants de ces viesassociatives diverses etvariées pour essayer deremonter des effets aux causeset pas simplement définirdes politiques. Cette dualité,c'est la dualité entre ladémocratie élective et ladémocratie participative.”Est-ce que vous vous considérezcomme un acteur politique ou unacteur du champ politique ?Nous ne nous posons pas trop la questionen ces termes. En réalité noussommes un peu les deux. <strong>La</strong> missionqui se décline dans ses 4 dimensionsrelève à la fois de la gestion et du politiquemais avec des démarches et despotentialités différentes. Nous désironsque la vie associative des mouvementspuisse s'exprimer en tant que telledans un certain nombre de lieux.Par exemple au niveau du conseil d'administrationdes hôpitaux, nous nesommes pas représentants despatients, on est représentant de ceuxqui effectivement ont besoin d'hôpitauxmême s'ils ne sont pas hospitalisés.Quand on est en bataille avec un pouvoirpolitique quel qu'il soit, on est enbataille avec lui au nom d'un intérêtgénéral. Il faut être très rigoureux surle mandat, il ne peut pas y avoir conflitd'intérêt.D’ailleurs le compte rendu de mandatest exigeant, on ne peut se contenterd’un exposé à l’assemblée généraleune fois par an. Ce compte-rendu estrégulier et encadré.Quelle évolution nécessaire entrele politique et l'associatif aujourd'-hui? Entre l'activité gouvernementaleet le monde associatif ?Il faut dans un premier temps deslieux d'écoute à tous les niveaux danslesquels les pouvoirs seraient en capacitéd'écouter des représentants de cesvies associatives diverses et variéespour essayer de remonterdes effets aux causes et passimplement définir des politiques.Cette dualité, c'est ladualité entre la démocratieélective et la démocratie participative.Nous n'irons passur le terrain du politiqueélectif parce nous ne savonspas faire et nous ferionsquelque chose qui n'est pasde notre responsabilité, parcontre avoir des lieux d'échangesme paraît indispensable.<strong>La</strong> deuxième nécessité est une meilleuretransparence sur l'explication desdécisions politiques. Nous pensons êtrebien informés, en réalité nous ne lesommes pas.<strong>La</strong> conférence de la famille n' estellepas un lieu d'échange et derestitution de l'information ?Bien sûr, et c'est pour cela que j'insistaisen disant que d'autres peuventavoir ce type de démarche. Nous avonsréussi à mettre en place des conférencesde la familles dans certains départements.Il y a là une interaction.Certains préfets en ont compris l'intérêt.Est-ce que de fait il y a un soutiendes associations par le politique ?Non parce que le politique n'est pasplus enclin à aider la vie associativefamiliale que les autres vies associativeset de plus, la démarche, mêmeinstitutionnelle, pose un problème àcertains politiques car ils se voientobligés de tenir compte de nos suggestionou de notre avis.Par ailleurs, nous n’avons pas de lieuou tel ou tel est ‘de droit’. Le 'De droit’existe pour les caisses des allocationsfamiliales, du groupe du CES et c'esttout. Le reste c'est de la bataille. Ellerepose sur le dynamisme des militants.www.unaf.fr “UNAF : les orientationspour l’avenir”9


Associations et politiqueSport et politique : un mariage de raison ?Rencontre avec André Leclercq du CNOSFPrésident de l’académie olympiqueQu'est-ce qui fait la spécificitédu sport français aujourd'huiorganisé sous l'égide duCNOSF?Comment s'est-il constitué etcomment l'Etat a-t-il légitimécette institution en lui déléguantdes compétences particulièressur les pratiques sportives?A la fin du XIXe siècle on retrouvechez Pierre de Coubertin et chezd'autres acteurs de l'époque l'idéed'un sport " utile ". Cette idée d'unidéal sportif olympique, prise encompte à la fois dans les conceptionsdu patronage et des associationslaïques, oriente le sport versun projet de société, ce qui estl'objet des fédérations dites " affinitaires".Avec l'arrivée de la loi en 1901, lescercles, clubs, et autres sociétésdeviennent des associations, lasport est alors situé dans la société.Alors quel sens donnez-vous aumot " olympisme " ?L'olympisme est une façon de direque le sport n'est pas seulementune fin en soi mais qu'il peut êtremis au service du progrès social.Comment se positionne leCNOSF dans cette société ?Dans un certain sens la sociétésportive est une forme de contresociété,même elle n'échappe pasaux champs de forces socio-politiqueou socio-économique.En tant que Comité NationalOlympique et Sportif, nous représentonsle Comité InternationalOlympique en France. C'est unmoyen d'échapper à l'emprise politique: l'autorité du CIO empêchele sport d'être sous la seule tutellepolitique.<strong>La</strong> légitimité de l'institution sportivetrouve son origine dans l'ordonnancedu 8 août 1945 qui reconnaîtl'existence d'une mission deservice public au sport français,tout en le plaçant sous l'autorité del'Etat qui délègue son pouvoir auxfédérations.<strong>La</strong> loi du 29 octobre 1975 dite loi" Mazeaud ", abrogeant l'ordonnancede 1945, reconnaît à son tour "l'utilité publique " du sport.L'exécution d'une mission de servicepublic est expressément mentionnéedans la loi du 16 juillet1984 dite loi " Avice ".Alors, à travers cette reconnaissanced'utilité publique, l'Etat y aassocié une prérogative de puissancepublique puisqu'il autoriseles fédérations à représenter laFrance à l'étranger par la participationaux compétitions.Nous sommes donc complètementdans la société et la manière qu'atrouvé l'Etat de nous positionnerest de dire "je suis responsable dusport mais par ma délégation, jevous le confie."Il s'agit bien d'une troisième voie,un positionnement entre le toutpublic et le tout privé avec desassociations autonomes.Cependant, au regard de l'évolutiondes textes de loi sur le sport(1992 - 2000 dite loi " Buffet "),l'interprétation de cette délégationde pouvoir peut être ambiguë :est-ce que l'ensemble des bénévolesdu sport sont des fonctionnairesnon payés ou bien sont-ils effectivementen situation de responsabilitéprivée ?Est-ce que ces différentes loissur le sport, vous les qualifieriezde politiques dans le sensoù elles ont évolué en fonctiondes gouvernements en place,des différentes idéologies enplace ?Oui car le politique a défini petit àpetit le cadre législatif du sport.Dans les dernières lois, en élargissantnotre mission aux ActivitésPhysiques et Sportives (APS), nousassistons parfois à une confusiondans la définition de l'intérêt généraldu sport.Je joue au volley-ball avant toutpour faire du sport, je ne suis pasrentré dans un club pour éduquer,résoudre des problèmes sociaux oupour embaucher des emplois-jeunes.Cependant, par le biais du développementde la vie associative lesecteur sportif est sorti de sonenvironnement spécifique. <strong>La</strong> loiMazeaud voulait faire sortir le sportde sa " clandestinité ".De plus, dans les années 80, il y aeu explosion du paysage audiovisuelet donc explosion économique.De fait, il est difficile de nous positionner.Si on nous applique lesrègles de l'économie de marché, sile sport est la reproduction desprincipes de gestion dominants, cen'est plus du sport, cela redevientles jeux du cirque. On parle toujoursde la spécificité du sport,mais on n'a rien de spécial, on estcomme tout le monde quand onest sportif. C'est vrai qu'il a uneidentité, il y a des identités. <strong>La</strong>double identité pour nous c'estcelle du secteur, le sport, et cellede la structure de gestion qui estassociative.Quel rôle pour l'association?On a beau voter pour un maire ouun président de la république, onn'est pas quitte de son devoir decitoyen. Bien sûr qu'il faut votermais cela n'a aucun sens si je medébarrasse de ma responsabilitépar mon vote. Les politiques n'ontstrictement aucune chance d'influerde manière suffisante les évolutionsde la société. Les citoyensont besoin de se mobiliser par euxmêmes.L'engagement associatifpermet d'être acteur de la constructiondu territoire et de son évolution.Sport et loisirs, sport et insertion…etc comment est-ce quevous vivez cette évolution ?Par rapport aux problèmes sociauxque l'on rencontre, le sport est unatout.Ce rôle social du sport est importanten terme de socialisation desindividus.C'est la raison pour laquelle nousavons créé en 1995 le réseau deschefs de projets " Sport InsertionEmploi ". On peut solliciter lesassociations sportives pour unedémarche de socialisation sans10


Associations et politiquepour autant les réduire à cette seulefonction. En d'autres termes, nous nevoulons pas être instrumentalisés.On ne peut pas indexer la pratiquesportive sur cette réalité là. On peutpar contre jouer de ces dimensionsnaturelles.Pour illustrer, nous signons desconventions d'objectifs avec les pouvoirspublics et avec les collectivitéslocales qui définissent effectivementles objectifs desuns et des autres.C'est un partenariat,on passe unaccord sur un pointparticulier pourgérer des actionscommunes.Il y a eu des tentativesde municipalisationsurtout dansles années 80. Cesdernières ontéchoué car on estdans un sport de "création " par rapportà un sportd'assistance parl'Etat ou à un sport de consommationpar le secteur privé. Notre sport, c'estle sport que la population se donne.Nous sommes tout à fait capables d'êtredes interlocuteurs des pouvoirspublics, des partenaires responsables.C'est cela la démocratie participative.J'aime bien cette expression qui signifiesimplement que le citoyen estacteur.“On a beau voter pour un maireou un président de la république,on n'est pas quitte deson devoir de citoyen. Bien sûrqu'il faut voter mais cela n'aaucun sens si je me débarrassede ma responsabilité par monvote. Les politiques n'ont strictementaucune chance d'influer demanière suffisante les évolutionsde la société. Les citoyensont besoin de se mobiliser pareux-mêmes. Il faut participer àcette construction du territoireet à son évolution.”politique. Il ne s'agit pas de politiquepoliticienne bien sûr mais on participeà l'évolution de la cité. On ne se faitpas élire pour gérer la cité, mais poury tenir notre rôle de citoyen.Est-ce cela qui justifie par exempleque le mouvement sportif s'intéresseà la participation des femmesaux instances associatives?Tant que le regard porté sur le sportétait unisexué il n'yavait aucune chanced'évolution. Puisque lesport est bisexué, ilfaut que le regard quel'on pose dessus soitlui aussi bisexué.Partant de ce constat,qu'est-ce qui estimportant de ce pointde vue? <strong>La</strong> gestion etla direction de l'actionassociative. Ainsi, on aprivilégié un axe prioritaire: la prise deresponsabilité desfemmes. A partir dumoment où la direction de l'institutionsportive sera mieux bisexuée, l'activité,qui elle-même est bisexuée, serad'autant mieux gérée.C'est beaucoup plus efficace que de seposer immédiatement la question enterme politique et démocratique. Onne part pas d'a priori mais des conséquences.Une démarche naturelle quinous amène effectivement à réformer.Du coup lorsqu'on parle de démocratieparticipative, auto-organisation,responsabilisation, est-ceque cela nous renvoie pas à desproblématiques plus internes c'està dire un processus associatif quioblige à des règles ?Sur le plan institutionnel, il ne suffitpas d'avoir des outils démocratiquespour que cela fonctionne. Je doisreconnaître que si on est trop isolédans la société, si on est trop contresociété,on court les mêmes dangersque la société elle-même. On doitpouvoir se remettre en question régulièrement.On a besoin d'être confrontés.Qu'il y ait des lois sur le sport, jetrouve cela très important, nous sommesdans la société. On a longtempsdit dans un discours d'après-guerre,'moi je fais du sport et pas de politique'.Quelle erreur fondamentale. Lesport n'est pas en dehors de la vie, àpartir du moment où on a un engagementassociatif on a un engagementEn novembre dernier ont eu lieules Etats Généraux du Sport, quellesconclusions en sont ressortieset quels sont les engagementspris?C'est encore un peu frais mais manifestementil y a eu une bonne écoutedu groupe sur la dimension éducativeet sociale du sport que je présidais.Les autres étaient plus sur la gestion.Tous les groupes sont importants maison voit là que l'Etat considère desdimensions du sport qui sont autresque sportives et qui ont une utilitépour lui et pour sa politique par exemplesur la dimension sociale des problèmesauxquels il est confronté. Il estsignificatif sur ce point que le ministredes sports ait invité le ministre dela ville.www.franceolympique.org"L'accés aux responsabilités et mixité :quels enjeux?" colloque le 1er févrierau CNOSF.11


Associations et politiqueRéflexion : les points de vue croisésHubert PREVOT, Président de la <strong>CPCA</strong>et Roger SUE* sociologueAprès le 21 avril 2002, dansquelle mesure pouvons nousdire que notre système dereprésentation politiqueconnaît une crise profonde ?Hubert Prévot: Je crois que le 21avril s'inscrit dans une courbe de l'évolutionpolitique caractérisée parl'affaiblissement du rapport descitoyens français aux politiques. Il nefaut pas prendre le 21 avril commeun élément décisif mais comme unrévélateur de la fragilitéd'unsystème.Cependant, la réactiondes Français à la suitedu 21 avril n'a pas éténégligeable et parconséquent la consciencepolitique des françaisest encore très vivante àcondition bien entenduqu'on lui offre des perspectives,des occasionsde s'exprimer. Or c'estprécisément ce que nesavent plus faire lespolitiques: inspirer uneadhésion un peu profondeà un ensemble de propositionspolitiques. Ce qui me paraît plusgrave, c'est que dès les électionspassées, dès que le politique a étéassuré d'une majorité extrêmementconfortable, on a l'impression qu'iloublie vite qu'il y a une société quiattendait autre chose d'un gouvernement,pas simplement des actionsou des mesures, mais aussi le dialogue.Ce gouvernement me paraîtcaractérisé par le fait qu'il a oubliéce besoin de dialogue, ce besoin departicipation et donc, quelque soientles qualités, les résultats atteints, onrisque de retrouver progressivementl'indifférence du public à l'actionpublique.“Ce n'est pas seulementle rôle de laclasse politique, dedroite ou de gauche,qui est encause, mais plusfondamentalementun système dereprésentation dontne se satisfait plusl'exigence démocratiqued'aujourd'-hui.”Roger Sue : Il ne s'agit pas d'unévénement négligeable en lui-mêmecar pour une élection qui avait toujoursréussi à mobiliser, il y a à lafois un record d'abstention et unreprésentant de l'extrême droite audeuxième tour. Cela ne s'était jamaisvu. Cela traduit un dérèglement etune désaffection préoccupante à l'égarddu système de représentationpolitique. Ce n'est pas seulement lerôle de la classe politique, de droiteou de gauche, qui est en cause, maisplus fondamentalement un systèmede représentation dont ne se satisfaitplus l'exigence démocratiqued'aujourd'hui. En amont d'un systèmeélectoral nécessairement limité,il est urgent de trouver de nouvellesformes de mobilisation et de représentationde la société civile pourréintroduire le citoyen comme acteurmajeur de la démocratie.Avec un peu de reculhistorique, il nous fautadmettre qu'unesociété d'individus nese représente pas dela même manière nipar les mêmes canauxqu'une société de castes,une société declasses ou une sociétéde masse. C'est leparadoxe de la démocratie,plus elle s'affirmeau niveau dechaque individu, plusil est difficile d'en donner une représentationglobale. Un premier problèmeest donc posé aux institutionspolitiques comme à toutes les formesd'organisation : comment produireune représentation d'individusqui dans le fond acceptent de plus enplus difficilement d'être représentéspar qui que ce soit ? Cette questioncentrale de la représentation dansnotre démocratie nous invite à nousinterroger sur l'ensemble des procéduresde délégation et sur les conditionsdans lesquelles elles peuventêtre acceptées. Ce problème s'esttoujours posé à chaque avancéedémocratique. Toute nouvelle affirmationde l'individualité pose unproblème à la démocratie en mêmetemps qu'elle concourt à son avancée.Après une période de crise, onfinit par trouver des formes dereprésentation correspondant à cenouvel âge de l'individu. Nous sommes,me semble-t-il, dans ce cas defigure. Mais, malheureusement, onn'est pas débordé par les propositionsde revitalisation de notre systèmede représentation démocratique…Le deuxième problème tient à laquasi absence de perspectivesouvertes aujourd'hui par la politique.<strong>La</strong> campagne présidentielle n'aouvert aucun espace. Or, la principalefonction du politique c'est dedécrire, même de manière utopique,un avenir. Ce manque de perspectivesd'avenir, au sens d'un avenirmeilleur, qui n'est d'ailleurs pasimputable au seul politique, lui enlèvenéanmoins une de ses principalesattributions.Le troisième problème, c'est que l'onne peut définitivement pas comprendrequ'une société qui continue às'enrichir, produise toujours autantd'inégalités, de précarité, de chômage,de déliaison sociale, etc. Quandune classe politique n'est pas capabled'assurer un minimum de progrèsdémocratique, surtout quand ilest inscrit dans la Constitutioncomme le droit au travail, sansmême parler des valeurs de libertéet d'égalité, alors les mots perdentleur sens.HP : J'aimerais bien insister sur uneidée de Roger Sue. Le rapport critiquedu politique à la société telleque le politique la conçoit, telle qu'illa décrit: "cette société est unesociété de plus en plus violente,inégalitaire, où les grandes structuresqui la constituent échouent. Elleséchouent par division, c'est le cas dumouvement syndical, elles échouentdans une espèce de faiblesse constitutionnelleet c'est ce vaste mouvementassociatif 'fourre-tout' qui seréclame de tout mais finalement nestructure pas ses rapports institutionnels.Comment peut-on encoregérer cette société ?" Et bien le pouvoiractuel ne croit plus qu'il peut lagérer par une recherche d'une véritableconcertation avec des forcesqui seraient d'abord représentatives.Du coup, il reprend cette prétentionextraordinaire d'assurer tout par luimême,d'assurer l'Etat, la sécuritéde l'Etat, la sécurité des particuliers.Cela paraît s'opposer aux maximesnéo-libérales, mais je crois que cen'est pas complètement contradic-12


Associations et politiquetoire parce que, finalement, la théorielibérale suppose que les individusrecherchent le bien pour eux etconcourent de fait au bien général,dans la réalité ceci ne concourt pas àrésoudre les problèmes les plusmanifestes de la société. On auraitdonc affaire à un libéralisme extrêmementsceptique, extrêmementpessimiste. D'où l'idée d'un Etat relativementfort, qui décide beaucoupen tenant sa légitimité politiqued'une façon fort abstraite, par délégationdu suffrage universel.Indépendamment du niveau de participation,un pourcentage des votesvaut majorité et justifie radicalementce principe de délégation de pouvoir.Le gouvernement exerce la plénitudede ses prérogatives et ceci achèvecette mise entre parenthèse de lacrise du politique qui était une crised'une véritable représentation révélatriced'une forte interférence entrepouvoir de l'Etat et pouvoirs dans lasociété.Est-ce qu'alors on n’assisteraitpas à une stricte juxtapositiond'une sphère politiquequi s'auto-reproduit à côtéd'une extraordinaire activitéassociative qui ne chercheraitqu'à produire du débat public,l'un justifiant l'absence del'autre ?RS : Le maintien du pouvoir contientsouvent une bonne dose de cynisme,comme l'a montré la dernière campagneélectorale. Certains ont trèsbien compris que l'expression dunouvel individualisme, les revendicationsdes jeunes de banlieue ou deschômeurs, supposaient de nouvellesformes de participation, voire à denouvelles formes institutionnelles derégulation et de démocratisation.Face à ces demandes légitimes, on aassisté à une opération qui a consistéà retourner la démocratie contreelle-même. En laissant croire qu'il nes'agissait pas de demandes de plusde démocratie mais des manifestationsd'infantilisme, de violence, d'anarchie,d'éléments incontrôlés, brefde nouvelles classes dangereusesfinalement hostiles à la démocratie.Ce qui a permis de recentrer le discourspolitique sur ses fonctionsrégaliennes de justice et de police,en éludant les vrais débats économiques,sociaux et politiques,notamment sur les raisons de lafracture entre société civile et classepolitique. Cette stigmatisation de lasociété civile ne règle aucun problèmede fond, elle comporte aucontraire le risque non négligeablede nous entraîner dans le cycle bienconnu de la contestation-répression.HP : Avant de suivre complètementRoger Sue, il faut s'interroger sur ceque pourraient être nos responsabilitésen tant que dirigeants d'associations,universitaires, syndicalistesetc. Ce serait, dans une certainemesure, certains échecs de la sociétécivile qui justifieraient que les partispolitiques, le gouvernement neles prennent passuffisamment ausérieux pour bâtirune société surd'autres fondementque ceux qu'onvient de décrire. Jene prend que deuxexemples de criti q u e s :"Premièrementvous les syndicatsvous vous intéressezaux salariés quiont un niveau de vierelativement correct,quand à vous les associationspermettez-moi de vous direque vous êtes issues dans l'ensemblede la moyenne bourgeoisie qui s'organisepour venir en aide aux personnesdes classes moyennes. Vousvous occupez beaucoup de sa culture,de son sport, mais quand il fautaussi aider les personnes les plusdémunies, les jeunes dans les banlieues,il n'y a plus foule et donc vouspouvez toujours dire que vous travaillezau lien social dans la société,c'est tout de même du lien socialentre vous et vous!"Par ailleurs, et ce serait la secondeattaque: "vous vous occupez de pauvresmais de telle sorte que vous lesmettez dans des réserves d'indiens,de telle sorte que cela ne résout enrien le problème des relations entreles différents niveaux de citoyens, duplus modeste au plus à l'aise. Vousne parlez pas beaucoup des politiquespubliques et lorsque c'est lecas, ce n'est tout de même pas pourconsolider ces politiques publiques etaccroître leur audience mais plutôtleur intérêt dans vos relations avecles bénéficiaires Par conséquent voussapez l'ordre politique que nousessayons d'établir, car même quandnous faisons bien, vos influences nes'exercent pas en faveur de cetteconsolidation du crédit politique.Vous revenez immédiatement à voscritiques qui déstabilisent non seulementle politique mais également lerapport entre les citoyens."Hubert PrévotRS : Il faut tout de même rappelerque la politique n'est réductible ni àla classe politique, ni au suffrage universel.Il ne faut pas oublier qu'auXVIIIe siècle la société civile désignela société comme société politique.<strong>La</strong> politique dans un régime démocratiqueest d'abord une forme d'associationentre citoyens, une formed'auto-organisation de la sociétécivile par elle-même. On a oublié cefondement premier du régime démocratique.A force de vouloir déléguer,de réduire les projets à une étiquettesocialiste ou libérale,on a réduit la politiqueà sa classe dirigeante,aux élites. <strong>La</strong>ligne de clivage estsans doute moinsaujourd'hui entre la"gauche" et la "droite"qu'entre le "haut" etle "bas".HP : D'accord, maisje pourrais alors vousrépondre de ne pasvous préoccuper outremesure du 21 avril, cen'est pas très grave. -RS : Ce serait précisément de laresponsabilité bien comprise de lapolitique et de ceux qui détiennent lepouvoir institutionnel, que de favorisercette émergence et cette autoorganisation de la société civile. Bienpeu d'initiatives ont été prises en cesens.On oppose toujours la démocratie departicipation à la démocratie dereprésentation. C'est une distinctionartificielle parce que la démocratieest toujours une participation. Si l'onveut que des individus participent, ycompris à des élections, il faut qu'onleur offre une gamme de participationbeaucoup plus large. Ce n'estpas le vote qui fait le citoyen maisl'inverse. Donner plus de place auxassociations, en leur permettant d'avoirplus de représentation, d'êtreplus dans le débat public, supposaitquelques mesures (statut d'intérêtgénéral et du volontariat, modalitésde financement, notamment) qu'ilaurait été judicieux de prendre dansla ferveur de l'anniversaire du centenairede la loi du 1er juillet 1901.Même s'il ne faut pas négliger lacharte d'engagements réciproquesentre l'État et les associations quioffre un cadre contractuel pour avancerdans cette voie. Je pense quel'erreur du gouvernement socialiste aété effectivement de ne pas traduirecela par des mesures plus concrèteset de donner ainsi un signal plus fort13


Associations et politiqueà cette société civile qui s'est rétractéeau moment des élections.HP : Certains signaux ne suffisentpas, il est vrai par exempleque ce n'est pasquelques sièges de plusau Conseil Economique etSocial en faveur des associationsqui peuvent êtresignificatifs même s'ilsseraient bien justifiés. Ilfaudrait compléter de tellesmesures au niveau descollectivités locales, auniveau des pays, avectoute une philosophie dudéveloppement des politiqueslocales et territoriales.Or on a reçu qu'untout début de réponseextrêmement prudent surce plan parce qu'il y a eu,y compris à gauche, unréflexe de défense corporatistequi fait que desélus ne voulaient pas voirs'accroître le partage des compétences.Ce que vous disiez tout à l'heuresur les premières réactions de cegouvernement autour de la sécurité,cela été aussi une réaction contre ladémocratie locale avec un retouraux institutions les plus solides maisaussi les plus traditionalistes dupouvoir local, la région en partie, ledépartement et la commune surtout.<strong>La</strong> force des élus locaux est laforce qui résiste le mieux et quidéfend aujourd'hui ses prérogativesmême en freinant une réformeadministrative que la France entièreattend et que beaucoup de payseuropéens ont réalisée.Précisons, si vous le voulezbien, le débat ouvert parRoger Sue sur les conditionsd'un renouvellement de ladémocratie représentativepar le phénomène associatif,quelles sont les raisons suffisantes,objectives, d'unenouvelle coopération entreassociations et pouvoirspublics?RS : Il me semble qu'aujourd'huiceux qui pressentent le mieux l'importanceet la montée en puissancedes associations sont souvent lesentreprises. Certaines entreprisesont compris que leur propre développementdevait passer par de nouvellesformes de coopération avecles associations et la société civile.Et qu'il valait mieux jouer sur leregistre de la complémentarité quede la concurrence ou de l'affrontement.C'est une différence avec lepolitique qui pense toujours quec'est son propre pouvoir qui estdirectement remisLe travail du collectifAlerte est un exemplede cette rechercheun peu tâtonnanted'une co-productiond'une politiquepublique. Jecrois que c'est celales nouvelles formesde représentationparce qu'il ne s'agitpas tant de représentermieux lasociété réelle dansla société politiqueque de trouver millemodes de travailpossibles entre elles.en cause, alors qu'ilpourrait s'appuyersur une meilleurorganisation dudébat et de la délibérationpublique.Je pense qu'il y a làune erreur d'appréciation,car ce quise cherche aujourd'hui,au-delà desactions des mouvementssociaux quisont des mouvementstemporairesimpulsés par desminorités actives,c'est un moded'institutionnalisationde la sociétécivile. Mais, si l'onveut qu'il y ait unevraie coopération avec la classe politique,il faut poser les questions delégitimité, de représentativité, desprocédures démocratiques. Tout lemonde est d'accord sur la perspectived'établir à long terme de nouvellesreprésentations de la sociétécivile et de les articuler à la sociétépolitique. Mais en même temps,lorsqu'il s'agit de passer à l'acte chacunreste chez soi, car de nouvellesrègles peuvent remettre en causeles situations acquises.HP : On pourrait direqu'il est aussi questiondu droit, d'un besoin dedroit, que demande leDAL sinon un droit aulogement. Or il n'y a pasde droit sans loi. Donctoutes ces demandes dedroit (enfants, asile,santé …) montrent bienqu'à travers des revendicationsdouloureuses, violentes,une société civile, par ailleurssoucieuse de son indépendance, aen même temps une extraordinairerevendication vers le politique. Làpersonne ne nie que c'est en définitivele politique qui fait la loi, lagrande prérogative de la démocratiereprésentative, c'est tout de mêmede traduire les aspirations sociétalesdans la loi. Les meilleurs dialoguesqu'on aient eu entre pouvoir politiqueet société civile, c'est sur unprocessus précis d'élaboration de laloi. Le travail du collectif Alerte estun exemple de cette recherche unpeu tâtonnante d'une co-productionRoger Sued'une politique publique. Je croisque c'est cela les nouvelles formesde représentation parce qu'il ne s'agitpas tant de représenter mieux lasociété réelle dans la société politiqueque de trouver mille modes detravail possibles entre elles. Donc jene me préoccupe pas tellement durésultat des élections; elles m'intéresseraientà partir du moment oùles politiques auraient accepté d'engagernon pas deux ou trois dialoguesmais une pratique du dialoguesur une multitude de questions. <strong>La</strong>critique à cette idée et sa limite surtout,c'est "oui mais en fait vousallez débloquer au sein même de lasociété civile une nouvelle classe despécialistes du politique c'est à direde l'intérêt général. C'est une classequi sera relativement limitée, c'estune classe de militants, de responsablesassez compétents capablesde se battre, et de s'organiser.Finalement vous risquez vous-mêmede devenir une sorte de super classepolitique issue de la société civilesans accéder au pouvoir politique,sans avoir besoin de passer par lastructure étatique".RS : Le problème dans une sociétéd'individus qui a de plus en plusbesoin de représentation c'est qu'aucontraire les corps intermédiairesjouent de moins en moins ce rôle.Les mieux reconnus, comme lessyndicats, sont faibles, et les plusforts, comme les associations, restentinsuffisammentorganisés et mal reconnus.Ce paradoxe estintenable dans notresociété. On ne peut plusfaire l'économie d'undispositif institutionnelfort pour arriver àrecréer des corps intermédiairesqui soientreconnus comme telspar l'ensemble de lasociété. Cette questionpasse mal dans le milieu associatifqui se méfie des processusd'institutionnalisation. En mêmetemps, il revient aux associations dedonner l'exemple d'institutionsdémocratiques et transparentes.Ainsi, au moment où l'on parle delimitation du cumul des mandats, derenouvellement du personnel politique,de la rotation des chargespubliques et des responsabilités, lesassociations prêcheraient mieux parl'exemple que par le discours. Lesresponsables associatifs sontd'ailleurs aujourd'hui tout à faitconscients de la demande interne departicipation, de démocratie et de la14


Associations et politiquenécessité de s'organiser en conséquence.Dès lors, cette exemplaritéde l'association pourrait s'élargir àtoutes les formes de représentation,politiques en particulier.HP : J'essaie de concilier ce quevous dites avec le concept de corpsintermédiaire. Je crois beaucoup àl'usure de plus en plus rapide descorps intermédiaires. Or précisémenttoute la mentalité, la psychologiedes militants associatifs va àl'encontre de cette structuration encorps intermédiaires où des positionssont élaborées au fil descongrès ou dans des assembléesgénérales imposant les orientationsau dernier des adhérents. On voitbien à travers l'histoire récente dumouvement associatif qu'il y a desstructures de concertation de cetype, mais les structures peut-êtreles plus vivantes du point de vue dujeu politique sont des structuresextrêmement souples créées un peupour la circonstance, supportéessouvent par des structures plus permanentes.Ce n'est pas faire grief àl'UNAF ou à l'UNIOPSS, au CNOSFou à la Ligue de l'Enseignement dene pas produire ce que produisentquelques collectifs spécialisés, ilsont d'autres fonctions. Alors justementquelle est la distinction entrela fonction éminente de recherchede propositions très libres, très soupleset puis des fonctions beaucoupplus structurantes. Quelle est lafonction particulière des corps intermédiaires?RS : Il peut y avoir une réflexion surla question de la représentation quisoit assez ouverte et discutée pourparvenir à un consensus. Le rôle desassociations par rapport à la sociétécivile consiste à établir de la représentationautour d'un débat reflétantune diversité de points de vue, nonà viser une représentativité quantitative.C'est là un partage destâches possible avec le politique. Aufond, cela ne se sait pas assez, maisla <strong>CPCA</strong> nourrit et fait vivre cetespoir même s'il n'est pas toujoursfacile de le concrétiser.HP :On parle du mandat associatif,mais dès lors qu'il y a participationdes structures collectives du mondeassociatif à des concertations, desnégociations, dans la culture debase des associationnistes cela poseun véritable problème.RS : Oui mais je pense que ce débatserait facilité s'il y avait un statutd'intérêt général des associations.Le mot " association " recouvre desréalités très diverses. Les statutsassociatifs (agréments, reconnaissanced'utilité publique) ont vieilli etrestent à la discrétion des pouvoirspublics. Ce qui n'est pas une garantied'autonomie, on en conviendra.Des associations d'intérêt général,garanties par une autorité indépendantede tous les pouvoirs, donneraientune meilleure légitimité auxassociations, faciliteraient une pluslarge participation, autoriseraientdes financements privilégiés, etc.Quand on voit l'écart entre ceux quidisent qu'il n'y a rien de mieux queles associations et ceux qui y participentactivement, on se dit qu'il y aun potentiel énorme qu'il faut mobiliser.Il faut tenter de combler cedécalage entre un imaginaire extrêmementfort de l'association dansl'opinion publique et une réalité del'association qui est parfois décevante.HP : Le fait que la vie au sein d'uneassociation soit parfois mouvementée,voire conflictuelle n'est pas nonplus sans intérêts pour les participantsà la vie de l'association. Lesindividus s'intéressent parfois auxdébats internes des associations etaprès tout je connaîs peu de modèledémocratique qui exclut les termesde choix, de sélection. Transposer leconflit à l'échelle d'une structureorganisée, est-ce que ce n'est pas leprincipe fondamental de la démocratie?Par contre quand des personnesqui adhèrent à un association trouventqu'il n'existe aucun lieu où ellespuissent être écoutées, que toutesles décisions sont prises dans uncénacle très restreint, elles sontconduites au désenchantement.L'association doit être le lieu d'uneformation à la démocratie, à la participationcitoyenne.* Roger Sue, sociologue, Professeur à l'université de Caen et de Paris V, a publié en2001: Renouer le lien social: liberté, égalité, association aux Editions Odile Jacob.Avons-nous vraiment perdu le sens de l'action collective,comme on le dit trop souvent ? Notre société n'est-elle plusqu'un conglomérat d'individus préoccupés par leurs seulsintérêts égoïstes ? Certainement pas. <strong>La</strong> myriade d'associationsqui fleurissent dans tous les domaines l'atteste. Ellesconcilient liberté, égalité et souci d'autonomie. Elles mobilisentet rassemblent les énergies les plus diverses au servicede causes et de projets qui servent chacun. <strong>La</strong> démocratieréelle s'invente sous nos yeux, en somme.Au XIXe siècle, les socialistes prônaient l'association. Maisle contexte ne leur était guère favorable. Tout a changé :l'association n'est plus une utopie, c'est une réalité vécuepar beaucoup. Désormais, ce sont les discours et les institutionspolitiques qui sont en retard sur l'avancée de la société.Un siècle après la loi de 1901, Roger Sue propose une réflexion politique profondesur ce que peut et doit être une société vraiment démocratique aujourd'hui.15


II Associations et pouvoirs publicsEntre gestion et contestation, une tension historique.Les exemples du DAL et de l'UNAT<strong>La</strong> naissance d'une association vient souvent du constat d'un manque. Un besoin collectif,voire social, n'est pas satisfait. Plusieurs types d'approches peuvent alors avoir lieu.Il s'agit ici d'une analyse comparative entre deux systèmes présentés comme antinomiques,l'association Droit au logement (DAL) et l'Union nationale des associations de tourismeet de plein air (UNAT), deux mouvements qui divergent, l'un étant présenté commemilitant, voire révolutionnaire, quand le second est une confédération d'associations detourisme social pour laquelle on peut évoquer le réformisme. Peut-on pourtant parlerd'antinomie entre ces deux systèmes, entre ces deux attitudes à l'égard du politique ?Le DAL : une remise en cause des politiquesÀ l'origine de l'association Droit au logement(DAL), on trouve un besoin non seulementcollectif et social ; mais qui relève aussi del'intérêt général : le relogement de famillesdémunies et expulsées. De toute évidence, ilrevient donc à la puissance publique d'yrépondre. Les premiers membres du mouvementont décidé de se regrouper pour contesterl'état actuel et obtenir des droits ou desmoyens nouveaux.Le DAL est né dans le XXe arrondissement parisien,à la fin des années 1980, alors que l'activité spéculativebattait son plein dans l'immobilier, que lapolitique de logement social devenait de plus enplus discriminatoire et que la précarité (professionnelle,sociale,…) des ménages ne cessait de croître,aboutissant bientôt à une précarité du logement.C'est une pratique du terrain qui a imposé l'objetde l'association, le premier comité a été fondé " parproximité " : il s'agissait de reloger des famillesvoisines qui venaient d'être expulsées. Puis lecomité parisien, sollicité par d'autres ménages mallogés,s'est engagé dans d'autres manifestations,campements, occupations, réquisitions de logementsvides... Une trentaine de comités, quiréunissent aujourd'hui quelque 250 bénévoles, ontainsi vu le jour sur tout le territoire. Chaque comitéobtient le label DAL et adhère aux principes de lacharte, à la non-violence par exemple. Le DAL est" de type syndical ", comme l'explique J.-B. Eyraud,son porte-parole. Dans un premier temps, sesméthodes d'intervention sont classiques (courriers,appels téléphoniques, etc.). Si elles n'aboutissentpas, une action collective est engagée : occupationde bureaux de logement social, d'appartementsinoccupés, de coins de rue, etc., " l'occupation desusines en quelque sorte ".Le droit au logement,une cogestion impossibleLe DAL se caractérise par la pression exercée sur lespouvoirs publics pour aboutir à une législation nouvelle(couverture logement universel, CLU sur lemodèle de la CMU) et/ou à l'application de la loi (loide réquisition sur les immeubles et les logementsvacants appartenant aux collectivités locales, administrations,État, banques, compagnies d'assurance,gros propriétaires, professionnels de l'immobilier,…).Il ne s'agit plus seulement d'attirer l'attention despouvoirs publics, mais de créer un rapport de forcepour répondre à une situation d'urgence.L'association se situe donc dans la radicalité en ayantrecours à des actions collectives en force (mais nonviolentes), souvent médiatiques.Ses statuts imposent une indépendance politique,mais aussi institutionnelle. Aucun comité n'est doncinvesti d'une mission para institutionnelle. " Il y aincompatibilité avec la contestation, explique J.-B.Eyraud. Le mouvement ne peut pas débarquer dansle bureau d'un préfet avec des familles mal-logéesd'un côté et demander une subvention pour une missionparapublique de l'autre. " <strong>La</strong> cogestion engendreraitun risque de paralysie, le mouvement perdanttout pouvoir revendicatif et toute légitimité à lefaire.16


Associations et pouvoirs publicsInterview de Jean-Baptiste Eyraud,porte parole de " Droit Au Logement "Quels sont vos rapports avec les politiques ?Tous les comités ont toujours conservé leur indépendance politique parce que lalutte en faveur des mal-logés demande le soutien le plus large possible et qu'elledépasse les clivages.Mais nous n'avons plus aucune naïveté envers les politiques. Ils communiquentbeaucoup sur la question, s'inquiètent de la crise du logement, mais s'arrêtentaux effets d'annonce. Nous sommes toujours contraints d'élaborer un rapport deforce pour faire aboutir nos revendications. Aujourd'hui par exemple, le gouvernement,les maires ou les HLM voudraient détruire 40 000 logements HLM paran alors que l'on n'en a jamais aussi peu construit depuis 50 ans. Les loyersflambent, les expulsions augmentent, les foyers d'hébergement sont saturés etles listes d'attente des HLM s'allongent. On voit réapparaître des bidonvillesquand des logements sont laissés vacants. Dans un contexte social, où la pauvretésalariale et le chômage se renforcent, il est évident que l'on s'achemine versune aggravation de la crise du logement.Comment les revendications du DAL sont-elles accueillies par les pouvoirspublics ?Notre action dérange, car les élus ne souhaitent pas loger les ménages pauvres,ils pensent à leur électorat avant tout. L'arrêt des expulsions sans relogement,la production annuelle de 200 000 logements pour les plus modestes, ou laréquisitions des logements vacants ne les intéresse pas . <strong>La</strong> tendance est hélasplutôt à l'évacuation de ces familles des centres villes et leur éviction vers lapériphérie, à la restructuration urbaine dans les banlieues qui les exclut également.Les élus ne se sentent pas obligés d'être solidaires. Il n'existe d'ailleurspas de moyen juridique de poursuivre les élus qui refusent de loger des famillesou des personnes démunies. Et si des lois existent, elles sont inappliquéescomme la Loi de réquisition, ou remise en cause comme la récente loi quicontraint chaque commune à avoir 20 % de logements sociaux. On peut aussiciter l'exemple du volet " prévention des expulsions " de la loi de 1998, mais ilest insuffisant pour contenir les expulsions dans le contexte que nous connaissons: environ 100 000 jugements d'expulsions sont toujours rendus chaqueannée.On pourrait aussi citer l'exemple d'une mesure comme la mixité sociale derrièrelaquelle se sont cachés nombre d'élus pour placer de plus en plus de ménagesaisés dans les logements à vocation sociale, réduisant la part disponible pourles ménages les plus démunis.N'êtes-vous pas tentés d'agir autrement, à l'élaboration d'une loicomme celle de lutte contre les exclusions, comme les associations ducollectif Alerte par exemple ?Lors de la préparation de la loi contre les exclusions, nous avions monté avecd'autres un collectif d'associations pour présenter des propositions. Puis ce collectifa établi avec Alerte une position commune, qui a sans doute permis d'obtenirquelques avancées.Lors de l'examen de la loi en 1998, le DAL a présenté 80 amendements sur levolet logement. Certains ont été retenus, comme l'interdiction aux huissiersd'expulser seuls, ou la prise en compte des personnes qui attendent depuis desannées un logement social, mais ce ne sont évidemment pas les plus importants.Je pense qu'en faisant front sur des propositions ambitieuses, notammentavec les associations qui composent le réseau Alerte, nous aurions pu obtenirdes avancées beaucoup plus conséquentes pour faire reculer les exclusions.17


Associations et pouvoirs publicsL'UNAT, de la gestion pour soi à la gestion pour tousDans le cas de l'UNAT, le besoin collectif qui aboutit à sa création n'apparaît pas commesuffisamment vital pour relever de la puissance publique. On se bat avec moins devigueur pour un " droit " qui apparaît moins essentiel que manger, se loger, gagner savie. L'aspect strictement revendicatif cède la place à un souci d'organiser soi-même, auplus près de ses préoccupations, ses loisirs conquis, eux, de haute lutte. Pour autant,de bonnes relations avec les pouvoirs publics restent indispensables, pour obtenir desaides, des encadrements législatifs ou réglementaires, etc.Interview de Jean-Marc Mignon,délégué général de l'UNATL'objet " tourisme associatif " vous paraît-il induire une attitude spécifique par rapportaux pouvoirs publics ? Favorise-t-il plutôt une attitude " gestionnaire " ?Quelquefois, on devrait peut-être descendre dans la rue… L'UNAT se situe davantage dans lepartenariat, voire un partenariat critique, que dans la radicalité. Les responsables, les militants,sont assez engagés et seraient prêts à se mobiliser. Mais cela n'aurait de sens qu'avec une fortemobilisation des adhérents, ce qui est actuellement peu vraisemblable. L'attitude des adhérentsest assez massivement consumériste. De plus, le loisir, les vacances, ne sont pas des thèmesde mobilisation forts. Mais, nous ne voulons surtout pas être réduits à de l'action sociale. C'estce que souhaite le MEDEF. C'est aussi quelquefois le point de vue des pouvoirs publics qui ontla tentation de nous instrumentaliser. Mais nous nous y opposons totalement parce que notresecteur a vocation à être ouvert à tous, dans un contexte de brassage social. Le fait que 20 %de Français ne partent pas en vacances par manque de moyens mériterait probablement desmodes d'action plus radicaux ; mais nous risquerions fort d'être alors cantonnés et marginalisésà ce domaine.Au sein de l'UNAT sont regroupées des associations qui ont des objets, des histoireset des positions politiques divers. Certaines associations sont-elles plus proches de lacontestation, d'autres de la gestion, etc. ?Les associations liées à l'éducation populaire et au syndicalisme sont traditionnellement assezengagées et revendicatives. C'est moins souvent le cas des associations qui ont pour origine lemouvement familial. Quant à celles qui ont des origines professionnelles (SNCF, PTT, etc.) ouaffinitaires (camping, randonnées, etc.) elles sont surtout préoccupées par leurs activités devacances. Il faut tenir compte de cette diversité. Nous sommes en même temps opérateurs etporteur de mission d'intérêt général.Le partenariat avec les pouvoirs publics est inscrit dans les statuts de l'UNAT. Ce partenariatest-il différencié selon le type d'activité ?Grâce à sa très forte représentativité, l'UNAT siège de droit dans un grand nombre de commissions.Sur le tourisme, les relations sont plus institutionnelles. Il est vrai que le secrétariatd'État au Tourisme a un poids assez faible et ne constitue pas un enjeu important dans l'appareild'État. Il n'en va pas de même pour les ministères de la Jeunesse [de l'Éducation et de laRecherche] et des Sports. Les relations y sont donc souvent plus conflictuelles. D'autant plusque l'UNAT n'y est pas présente en tant que telle, mais par l'intermédiaire d'associations de jeunessequi sont souvent plus engagées et plus combatives.Au niveau local, nos associations jouent un rôle important dans le développement local. Il fautsavoir que la moitié des équipements dans lesquels nous intervenons appartiennent aux communes.Le partenariat est donc obligatoire et fonctionne bien. En revanche, en ce qui concerneles conseils généraux, ils ont tendance à nous dénier notre rôle de professionnels du tourismeet ont la tentation de nous instrumentaliser dans le domaine de l'action sociale et dansla cogestion du patrimoine de lieux d'accueils. Nous ne sommes pas forcément contre, maisnous refusons d'être cantonnés à ce rôle. D'autant plus que les moyens financiers à mettre enœuvre y sont colossaux et nous échappent totalement.18


Associations et pouvoirs publicsDu tourisme populaireau tourisme solidaire Le tourismesocial se développeà partir de la conquête des congés payés en1936 et plus encore à la Libération. Dès l'origine, ilest au confluent de l'éducation populaire, de l'actionsociale, de l'activité physique et sportive et dusyndicalisme. Il épouse néanmoins les préoccupationsde son temps : de l'organisation des vacancesde la classe ouvrière et de ses enfants dansles années 50 (le tourisme " populaire " à fortedimension d'éducation populaire), à la découvertedes pays étrangers tout particulièrement socialisteset non-alignés (Yougoslavie, Cuba) des années70 à 80.Les années 80 à 90 sont marquées par le développementde la " civilisation des loisirs ", d'unaccès plus large aux vacances et d'une concurrencesauvage dans le secteur. Sans oublier sa fonctionsociale (20 % des Français n'ont pas lesmoyens financiers de partir en vacances), le tourismesocial accentue alors l'option " tourisme solidaire" : développement local durable, commerceéthique, respect des cultures, etc.Si, à l'origine de l'histoire, il a été nécessaire dedescendre dans la rue et d'occuper les usines pourobtenir le droit aux congés payés, il semble bienqu'ensuite on ait moins ressenti le besoin de lefaire. Le besoin de s'organiser " à côté " (ni contreni avec) des pouvoirs publics revêtait un aspecttrès militant, très engagé. Mais, une revendicationspécifique pour obtenir les moyens de partir envacances n'a jamais prédominé ; elle s'est noyéedans la revendication salariale globale.L'UNAT, partenairedes pouvoirs publicsAujourd'hui,l'UNAT représentel'ensemble du tourisme associatif, c'est-à-dire desmotivations et des objets variés. C'est un secteurtrès composite dans lequel se côtoient les villagesvacances, des structures de type maisons familialesou des gîtes et aussi des agences de voyages à vocationéducative, solidaire et/ou social. L'extrêmediversité du secteur entraîne l'impossibilité pourl'Union d'adopter des positions très contestataires àl'égard de la loi, du droit et des pouvoirs publics.Cela se traduit, pour l'UNAT par la négociation avecl'administration, la concertation, voire la gestion dufait de sa représentativité, de sa légitimité, de sescompétences reconnues dans le secteur, etc.On comprend alors l'objet fixé par les statuts :"Soutenir une politique sociale des vacances […] enpartenariat avec les pouvoirs publics et les collectivitésterritoriales et des organismes sociaux ". Touteschoses qui lui ont permis de participer à l'élaborationde textes réglementaires (Charte nationale d'éthiquedu tourisme, mise en place d'un label " éthique ettourisme ") et à la gestion de structures publiques dedéveloppement touristique.Cela ne l'empêche pourtant pas d'avoir parfois uneattitude revendicative (pétition en faveur du tourismeresponsable). Mais si on peut parler du réformismede l'Union, certaines de ses composantes sont plusmilitantes.www.unat.asso.frUne antinomie liée aux objets défendusou à la culture politique des associations ?Si le DAL et l'UNAT, comme la plupart des associations, sont nés d'un même constat (la non-satisfaction d'unbesoin d'intérêt général), les réponses apportées ne sont pas les mêmes. On peut faire l'hypothèse que celatient à la nature du besoin à satisfaire. Ainsi, le logement serait-il plus vital que les loisirs, représenterait-il undroit plus fondamental et nécessiterait une action plus politique. L'organisation des loisirs serait plus de l'ordredu privé, d'une liberté, et ne nécessiterait qu'un appui, qu'une aide.Si bien que les réponses apportées par les deux mouvements aux besoins insatisfaits ne peuvent que diverger:le DAL revendique l'application stricte d'un droit en mettant les pouvoirs publics face à leurs manquements etleurs responsabilités, quand les associations réunies dans l'UNAT ont choisi de faire elles-mêmes, pour ensuitefaire reconnaître la légitimité et l'intérêt général de leurs interventions et obtenir le soutien des pouvoirs publics.On peut également faire l'hypothèse que c'est une conception différente de la société et de sa transformationqui sont à l'œuvre. L'une, plus " radicale ", privilégiant la lutte ; l'autre, plus réformiste, privilégiant la gestion.D'aucun dirait aussi que l'une est idéologique tandis que l'autre est dans le " faire ". Le DAL aurait en effet puprendre une autre voie que la contestation, s'impliquer dans la gestion de logements sociaux, prendre en chargedes centres d'hébergement d'urgence, recevant des aides de l'État ou des collectivités territoriales pour cette" délégation " de service public. Mais cela aurait impliqué de renoncer à la lutte, à la contestation d'une réalitésociale jugée inacceptable. <strong>La</strong> cogestion est une compromission pour le DAL.L’UNAT, quant à elle, adopte quand c’est nécessaire, une attitude plus revendicative concernant le fait que 40%des Français n’ont pas les moyens de quitter leur logement pour partir en vacances. Ce fait est inadmissibledans la société française du XXIe siècle. Mais les composantes de l’UNAT, pourtant essentiellement constituéesde classes salariées ne cesse de se battre pour une “tourisme pour tous” avec quelque succés, comme la BourseSolidarité Vacances.19


Associations et pouvoirs publicsGérer un projet associatif : Quelle construction ?Quel projet politique ?"Un nouveau rapport au politique"Un entretien avec Miguel Benasayag *Le renouveau démocratique s'exprimeaujourd'hui à travers une myriaded'initiatives sociales et civiques. Pour Miguel Benasayag, ce qui est parfois perçucomme une faiblesse - le refus de la conquête du pouvoir et d'un modèle conçu apriori - constitue en réalité le meilleur atout de ces mouvements.Quelle vous semble être laspécificité des mouvementsciviques et sociaux apparusces dernières années ?Depuis quelques années, émergentdes formes de solidarité quipoussent au quotidien, sans volontéde centralité, ce qui les rendpresque invisibles à nos yeux.Cette contre-offensive se situe enrupture avec les méthodes desgroupes politiques traditionnels :elle excentre la question du pouvoiret refuse d'idée d'un modèleanticipateur. Les vieux habits de lamilitance sont abandonnés au profitde la quête de modes de vie etde pratiques alternatifs : il s'agitde dépasser en actes, dans la viede tous les jours, l'individualismedu système. Il s'agit, à travers dessolidarités en situation, de construirel'émancipation ici et maintenant.En quoi ces mouvementsinstaurent-ils un nouveau rapportau politique ?Pour les militants "classiques", lapolitique serait une sorte de puissancesurplombant la vie, d'où,comme d'un belvédère, on pourraitobserver ce qui se passe et luidonner en permanence un sens.Faire de la politique, c'est pourbeaucoup une façon de sortir de lavie quotidienne, de respirer l'airpur des hauteurs, d'être dans l'extraordinaire.Françoise Doltoracontait comment, dans un foyeréducatif, les cuisiniers et le jardinieravaient un rapport plus simpleque les éducateurs avec lesenfants car ceux-ci, à l'inverse despremiers, avaient l'enfant luimêmepour objet. De la mêmefaçon, la politique classique a pourobjet de s'emparer des gens dansle but de les modifier.<strong>La</strong> nouvelle radicalité implique undouble dépassement de ces figuresmilitantes. D'une part, elle constateque le pouvoir n'est ni le lieu nile moteur depuis lesquels se modifieune société. D'autre part, ellerompt avec la vision d'une actionextraordinaire, polarisée par lalutte pour un avenir abstrait, afinde réinvestir les multiples dimensionsde la vie.Prenez l'exemple des féministes. Aleur façon, elles ont modifié lesrôles et les comportements entreles genres. Personne ne peut nierqu'il y ait un avant- et un après-MLF, où les rapports entre les hommeset les femmes ne sont plustout à fait les mêmes. Mais lemouvement d'émancipation desfemmes n'a jamais considéré laprise du pouvoir comme l'objectiffinal, et les bureaux ministérielscomme les lieux où il suffirait des'installer pour changer le monde.D'ailleurs le changement réelaurait sans doute été impossible àréaliser depuis le pouvoir central.Supposons que l'émancipation desfemmes ait été guidée depuis desfauteuils de dirigeants, comme cefut le cas du communisme : elleaurait donné naissance à tout unarsenal contraignant… qui auraitvite transformé les réactionsmachistes en porte-drapeau de laliberté !L'absence de modèle ne constitue-t-ellepas aussi un handicap?Au contraire : si les expériencesalternatives se multiplientde par le monde, ce n'est plus"malgré" mais "grâce à" l'absenced'un modèle. Pourquoicela ?Parce qu'on sent bien que la complexitédu réel n'est plus compatibleavec l'idée de modèle… A lanotion de programme préétabli, onpréfère le projet, désignant ainsiune pratique qui part d'une exigenceconcrète. Prenez un exemple: en Argentine, trois millions etdemi de personnes sont inséréesdans des réseaux de troc, maispersonne ne prétend que celaconstitue un modèle alternatif aunéo-libéralisme. Le caractère nouveaude ce type d'expériences20réside dans le foisonnement deprojets ancrés dans le réel, à côté,en conflit ou en complémentaritéavec la centralité capitaliste.L'émergence de cette multiplicitéest profondément non capitaliste,car elle est nourrie de projets singuliersqui opposent le réel de lavie à la virtualité spectaculaire.Ne faudrait-il pas, en mêmetemps, dépasser le caractèresegmenté des luttes et desinitiatives ?Certes, les mouvements actuelsmanquent d'une certaine forme devisibilité et de lisibilité. Mais ils nela trouveront pas dans des modèlesclassiques de représentation etde médiatisation. Les mêmes actespeuvent prendre un sens bien différentselon qu'ils sont vécus dansla dispersion ou qu'ils s'inscriventdans une multiplicité assumée collectivement.Une situation s'inscritdans une multiplicité lorsqu'ellefonctionne autour d'un universelconcret, c'est-à-dire en affirmantque la totalité ne peut exister quedans la partie et non comme lasomme de toutes les parties. Quiest tombé amoureux le sait : il neviendrait à l'idée de personne deprétendre que l'amour serait l'additionde toutes les amours dumonde ; nous savons tout qu'aumoment où on l'éprouve, il est là,intact et tout entier, à chaquefois… Ainsi en est-il de la justice etde la liberté : il ne s'agit pas d'unetotalité abstraite, mais bien d'ununiversel concret à l'intérieur dechaque situation.*Miguel Benasayag, philosophe etpsychanalyste, est l'auteur de plusieurslivres, notamment Du contre-pouvoir(avec Diego Sztulwark,<strong>La</strong> Découverte, 2000) et Résister,c'est créer (avec Florence AubenasSztulwark, <strong>La</strong> Découverte, 2002).


Associations et pouvoirs publicsUniopss : un guide pour interrogerles pratiques associativesPour rapprocher les valeurs affichées et les pratiques associatives, l'Uniopss aélaboré un guide destiné aux associations, et plus particulièrement celles du secteursanitaire et social. Un exercice qui permet aussi de mieux apprécier les spécificitéset la valeur ajoutée des associations.Comment éviter le grand écart entre principes défendus par les associations et pratiques de ces dernières ?Depuis une trentaine d'années, cette question est au centre des réflexions de l'Uniopss (Union nationale interfédéraledes œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux), qui regroupe 129 associations et fédérationsnationales, 22 Uriopss, 7 000 établissements et services, 630 000 salariés et 195 000 bénévoles, pour un millionet demi de personnes accueillies chaque année. Sous la présidence de François Bloch-<strong>La</strong>iné, l'Uniopss fit ainsiavancer la réflexion sur les "spécificités méritoires" ."En 2000, nous avons décidé de franchir une étape supplémentaire, explique Séverine Demoustier, conseillèretechnique chargée de la vie associative à l'Uniopss : élaborer un outil d'auto-évaluation qui permettrait auxresponsables associatifs de mesurer les écarts entre les valeurs affichéeset les pratiques". Avec un objectif plus "politique" à la clé : tenter d'objectiverla valeur ajoutée réelle des associations, à savoir leur contributionà la cohésion sociale, leur capacité d'innovation… "C'est devenuencore plus nécessaire dans un contexte où les spécificités des associationssont souvent occultées et où elles sont suspectées, soit d'êtreinstrumentalisées par les pouvoirs publics, soit de faire une concurrencedéloyale aux entreprises privées", poursuit Séverine Demoustier.“44 engagements déclinés en "bonnes questions""Nous voulions que les associations de terrain soient les principauxcontributeurs du guide", explique Séverine Demoustier. Des groupes detravail locaux ont été mis en place, relayés par cinq groupes régionaux, qui ont fourni, à partir d'une trame, leplus gros du travail… Un groupe d'appui national a été chargé, en amont, d'élaborer le cahier des charges duguide et, en aval, de finaliser les textes. A ses côtés, un comité de pilotage national (composé de représentantsdes adhérents nationaux, des Uriopss - unions régionales - et des dirigeants de l'Uniopss), un groupe d'unedemi-douzaine de personnalités extérieures (qui ont apporté leur caution éthique et intellectuelle) et NicoleLeclère, chargée d'études à l'Uniopss (qui a assuré la coordination).<strong>La</strong> structure du travail a reposé sur une grille matricielle. Avec, sur un axe, les quatre valeurs associatives considéréescomme essentielles, tirées des "spécificités méritoires" de François Bloch-<strong>La</strong>iné : non-lucrativité/solidarités; primauté de la personne ; dynamisation du tissu social ; fonction d'avant garde : veille et innovation sociales.Et, sur l'autre, onze parties prenantes au contrat d'association : bénéficiaire ; adhérent ; entourage ; administrateur; bénévole non élu ; salarié ; donateur ; partenaire ; financeur ; collectivité publique ; société. Aucroisement de chaque valeur avec chaque partie prenante, le guide mentionne un engagement que l'associationpeut respecter vis-à-vis de la partie prenante en question. A partir de cet engagement sont rédigées des "bonnesquestions à se poser" qui peuvent servir de fil directeur à l'exercice d'auto-évaluation. Et qui, parfois, peuventêtre des sujets très sensibles pour l'association.Ainsi, pour la valeur "non-lucrativité" appliquée à la partie prenante "bénéficiaire", l'engagement de l'associationest le suivant : "Offrir au bénéficiaire les moyens de comprendre les buts, les actions et la gestion de l'associationet de s'exprimer à ce propos". Parmi les bonnes questions, on trouve notamment : "L'association s'interroge-t-ellesur l'opportunité d'inviter le bénéficiaire ou ses représentants à l'assemblée générale ?" ; Pour la valeur"primauté de la personne" appliquée à la partie prenante "salarié", l'association peut se demander si elle met"en place la réflexion sur la place du salarié en tant que personne dans l'association, et sur le type d'adhésion auprojet associatif qu'elle en attend", afin de pouvoir prendre l'engagement de "considérer le salarié comme unepersonne et pas seulement comme un instrument du projet associatif ou comme une force de travail".“Une réelle attente des associations de terrain”Le guide, qui s'intitulera sans doute L'ambition associative. Guide pour interroger nos pratiques, devrait êtrepublié au printemps prochain, sous forme d'un livre peut-être assorti d'un support interactif. "Ce n'est pas unguide autoritaire, précise Séverine Demoustier : il a pour objectif d'inciter les associations à se poser des questionssur leurs pratiques, mais n'impose rien ; ainsi, dans leur démarche d'auto-évaluation, les associations sontparfaitement libres de se poser d'autres questions vis-à-vis d'autres parties prenantes." Visiblement, la démarchea rencontré l'adhésion des associations de terrain, qui ont apprécié son caractère "ascendant". Il n'empêche: le guide représentant un fort investissement pour les associations, les unions régionales pourront les accompagnerpour leur permettre d'en tirer le meilleur usage possible. "Il y a un réel besoin et une vraie attente desassociations de réfléchir à leur projet, conclut Séverine Demoustier. Et le contexte actuel rend sans doute plusnécessaire encore ce type d'exercice."21


Associations et pouvoirs publicsRhône : le "groupe logement", douze ans après…En 1990, au moment de préparer sa loi sur le logement des personnes défavorisées,le ministre Louis Besson décidait de consulter largement les associations. Dans leRhône, la démarche a donné le jour à un "Groupe logement" qui, douze ans plustard, est toujours là…Douze ans. Douze ans déjà que, dans le départementdu Rhône, le "groupe logement" de la Fonda Rhône-Alpes joue un rôle reconnu par les institutions tout enjouissant d'une grande liberté de parole et d'action. Al'origine, le souhait du ministre du Logement de l'époque,Louis Besson, de consulter les associations pourpréparer une loi "visant à la mise en œuvre du droit aulogement". "A Lyon, à la suite d'une réunion d'informationà la Préfecture, le groupe Fonda Rhône-Alpes asouhaité participer, à sa manière, à la consultationorganisée par le ministère au niveau national, pour rendrecompte de la réalité du terrain, et construire uneparole commune", se souvient Anne Lichtenberger,vice-présidente de la Fonda Rhône-Alpes.<strong>La</strong> Fonda Rhône-Alpes, avec l'appui de la Directiondépartementale de l'équipement (DDE), organise alorsune réunion-débat qui rassemble 200 personnes autourde madame de Sainte-Marie, rédactrice du texte duprojet de loi. Et Louis Besson vient lui-même à Lyonrencontrer les associations en octobre 1990 : quelque400 personnes sont présentes. Une bonne trentained'associations du département se disent prêtes à s'impliquerdans la démarche. Parmi celles-ci, des acteurs"historiques", comme les Centres d'hébergement et deréinsertion sociale, et des structures plus nouvelles,nées dans les années 50 et 60 à partir de l'appel del'Abbé Pierre ou des problèmes des bidonvilles…Echange d'informationset évaluationSatisfait par ces succès, le collectif associatif décide depérenniser son action. Rebaptisé "Groupe logement", ilse réunit tous les mois depuis maintenant douze ans. Etla démarche a essaimé dans d'autres départements dela région : si le groupe de l'Isère a démarré presque enmême temps que son voisin du Rhône, celui de la Loirevient juste de voir le jour.A l'ordre du jour de chaque réunion : le partage d'informations(changement de situation des familles, apparitionde squatts, situations de violence…) ; la discussionsur des questions d'actualité (la discrimination, le problèmedes "sans droits"…) ; et le bilan de la représentationdu groupe dans certaines instances. Car la loiBesson, en créant le Fonds social du logement (FSL)pour gérer les fonds attribués pour l'accès au logementet le maintien dans les lieux, a prévu que les associationsy soient représentées. <strong>La</strong> Fonda Rhône-Alpessiège ainsi - entre autres - au comité directeur et aucomité technique du FSL, et rend compte de ces mandatsau sein du Groupe logement. "Notre démarche ad'abord troublé les administrations, peu habituées à cetype de mandatement collectif, reconnaît AnneLichtenberger. Avec le temps, elles y trouvent leur intérêt: c'est bien d'avoir une parole qui émane d'un collectif."Concilier le rôle d'opérateuravec une parole "libre""L'une des difficultés, explique Anne Lichtenberger,consistait à concilier le rôle d'opérateurs en matière delogement - déjà effectif pour certaines associations etamplifié par la future loi - avec la nécessité de disposerd'une parole "libre", car déconnectée des enjeux gestionnaires."<strong>La</strong> Fonda Rhône-Alpes propose alors auxassociations de jouer le rôle de "tiers extérieur", capablede faire des propositions concrètes à partir de l'expériencede terrain vécue par les opérateurs. Une expériencequi devrait permettre à la fois de nourrir lesdispositifs en train de se mettre en place et de vérifierles effets de l'application de la future loi.Le collectif associatif mis en place dans le Rhône commencepar donner quelques avis concernant l'élaborationde la loi Besson. "En général, ils ont été pris encompte par le ministère, estime Anne Lichtenberger. Etsurtout, nous avons été associés aux outils d'applicationde la loi." Celle-ci prévoit la mise en œuvre de "plansdépartementaux d'action pour le logement des personnesdéfavorisées". Dans le Rhône, l'implication associativepermet d'aller plus loin : le collectif se charge derédiger lui-même une "charte de l'accompagnementsocial" intégrée à ce plan…Maintenir intacte la capacitéde mobilisationPour la vice-présidente de la Fonda Rhône-Alpes, ce travailopiniâtre, basé sur l'échange d'informations et lescomptes rendus réguliers, a maintenu intacte, au fil desans, la capacité mobilisatrice du Groupe. Un exempleparmi d'autres : l'an passé, à la sortie du "Plan froid",les administrations n'ont pas été en mesure de maintenirles bâtiments préfabriqués mis en place durant l'hiver.Les salariés de plusieurs opérateurs ont alors, deleur propre initiative, créé une nouvelle association,"Demeurant partout", qui soutient directement les plusdéfavorisés. Dans le Rhône, l'expérience du Groupelogement prouve qu'une mission institutionnelle n'estpas incompatible avec le maintien d'une capacité mobilisatrice…22


Associations et pouvoirs publicsRégies de quartier : entre gestion urbaine partagéeet mobilisation des habitantsAffirmant leur volonté de participer à la gestion urbaine, les Régies de Quartier ontpour objectif le développement de la citoyenneté. Si les prestations techniquessont les plus visibles, elles soutiennent le renforcement du lien social et la mobilisationdes habitants. L'exemple de la Régie Repères, dans le quartier <strong>La</strong> Source, àOrléans.Historiquement nées à la fin des années 70 dans uncontexte "militant" (1), les Régies de Quartier ont dû leurdéveloppement, dans les années 80 et 90, au constat demanques dans la gestion des quartiers d'habitat populaire.Exemple : à Orléans, la Régie "Repères", sur lequartier <strong>La</strong> Source. 23 000 habitants, dont plus de lamoitié en HLM, mais concentrés sur moins de 10 % dela superficie du quartier. Là comme partout ailleurs, leslogements construits dans les années 60 ont souffert dela dégradation économique générale à partir des années80.Les trois activités initiales de Repères ? Entretien ménagerdes parties communes des immeubles, traitementdes ordures ménagères et entretien des espaces extérieurs."Des prestataires privés s'en chargeaient jusquelà,mais leur travail n'était pas respecté par les habitants,raconte Mohamed Rhoulam, directeur de la Régiedepuis le début de l'activité en mars 1992. Nous avonsvoulu montrer que la responsabilisation individuelle etcollective des habitants permettait de mieux faire cetype de travail." Et le directeur de Repères de se réjouirde ce que certains, aujourd'hui, se mettent à réagirquand, par exemple, la femme de ménage ne passe pasà l'heure !Création d'emploiset médiation socialeCes activités initiales n'ont pas suffi à assurer le développementéconomique de la Régie. Extension de l'activitéà l'entretien des espacesverts et à un service d'interventionrapide pour de petitesréparations ; développementde prestations de ménagedans les bureaux ouauprès des associations ; miseen place d'un service de médiation (aujourd'hui repris endirect par la Ville) ; gestion d'un immeuble pour de la souslocationde logement d'insertion, pour l'animation d'uncyber-espace et pour le développement de la vie associative: tout ceci pour parvenir à un budget d'1,3million d'euros (dont 1 ME de prestations de services)pour 78 postes fixes financés (52 équivalents tempsplein). "En fonction des situations initiales des publicscibles, nous partons du plus basique puis essayons deprogresser pour offrir de vrais parcours professionnels àceux qui intègrent notre équipe de salariés", expliqueMohamed Rhoulam.Par-delà son activité économique, une Régie de Quartiera toujours une finalité sociale. A Repères, un serviced'accompagnement des salariés a été mis en place. Deplus, les activités techniques intègrent toujours une missionde médiation : "Les salariés sont invités à discuteravec les habitants sur leur temps de travail : mieux vautperdre cinq minutes si c'est pour gagner une demi-journéepar respect du service rendu ou pour faire émergerde nouveaux besoins", commente le directeur.Enfin, la finalité d'une Régie est de contribuer à renforcerla participation des habitants et le dynamisme associatifsur le quartier. A Repères, les Assemblées généralesregroupent parfois plus de 120 personnes. Et descommissions de travail permanentes ont été mises enplace : l'une d'elles, baptisée "sensibilisation des habitants",organise régulièrement des réunions de basd'immeuble ; une autre, "sensibilisation des partenaires",a à son actif l'organisation et le suivi d'un concoursde "maisons et balcons fleuris" ; une troisième,"acteurs", est impliquée, entre autres, dans la logistiquede la fête annuelle du quartier. Mais cette volonté demobilisation a ses limites : "Ce n'est pas à la Régie qu'ilappartient de lutter contre les expulsions, estimeMohamed Rhoulam. Mais nous pouvons intervenir enamont, notamment au niveau des salariés à la Régie quiont du mal à payer leur loyer, en les accompagnant àtravers un échelonnement de leurs dettes pour éviterl'expulsion."L'art du compromis permanentAssociation loi de 1901, la Régie regroupe des représentantsdes habitants, des collectivités locales et desbailleurs. "Nous souhaitons que nos partenaires s'engagentdans une logique de co-production de la Ville",explique Mohamed Rhoulam. En même temps, commeses homologues à travers la France, la Régie orléanaises'efforce d'écarter le risque d'"instrumentalisation" parles pouvoirs institués. "Sur 28 postes d'administrateurs,les collectivités locales et les bailleurs n'en ont que 8 ;les associations en détiennent 11 et les habitants à titreindividuel, 9", souligne le directeur de Repères. Elus etbailleurs sociaux n'ignorent pas qu'ils sont minoritairesau sein de la Régie mais ils savent aussi qu'elle ne peutrien faire contre eux. "<strong>La</strong> réussite d'une Régie dépend del'implication des trois partenaires - habitants, Ville etbailleurs - et du compromis qu'ils savent passer ensemble",conclut Mohamed Rhoulam.A Orléans comme ailleurs, la vie d'une Régie de Quartierest marquée par une mise en tension permanente entrel'économique, le social et le politique. Et par une dialectiqueentre les impératifs de la gestion urbaine partagéeet ceux de la mobilisation des habitants.(1) <strong>La</strong> première Régie, dans le quartier de l'Alma-Gare, à Roubaix, estissue de luttes d'habitants revendiquant un urbanisme "participatif".23


Associations et pouvoirs publics<strong>La</strong> gestion 'démocratique des associations'Le point de vue d'un chercheur:Martine BarthélémyCEVIPOV Sciences Po<strong>La</strong> montée de l'abstentionnisme électoral et la crise du militantismetraditionnel politique et syndical traduisent une remise encause des modes de représentation politique et sociale qui toucheégalement les associations. Aux pratiques de la démocratiede délégation qui maintiennent, voire accroissent la distancesociale entre l'élite dirigeante et la base est aujourd'huiopposé un désir de démocratie directe, concrète et " participative" qui fait fi des procédures formelles, des organigrammeset des discours idéologiques.A l'égard de cette conjoncture, deux attitudes sont possibles.<strong>La</strong> première se contente de constater que les associations n'échappentpas à la contradiction inhérente au système représentatif,entre l'idéal républicain de la citoyenneté totale et lesnécessités de la pratique démocratique qui conduisent à substituerà la volonté des citoyens celle de leurs représentants."Au conseil d'administration la responsabilité d'incarner lavolonté commune, à l'assemblée générale celle d'entériner ". 1Cette attitude met aussi l'accent sur la logique sociale généraledont relève la participation aux associations. Dominée parles classes moyennes et supérieures instruites, la vie associativereprésenterait pour ses acteurs les plus impliqués uncadre" naturel" où se déroule le jeu de l'influence sociale et seconstruisent les positions de pouvoir.<strong>La</strong> seconde estime que, précisément parce que l'on serait enprésence d'une crise générale de la représentation, cette criseappellerait à terme son dépassement, dans une démocratierenouvelée accordant à la "société civile" la place qui luirevient.Sans invalider l'une ou l'autre de ces attitudes, on peut estimerque le devenir de la légitimité démocratique constitue d'ores etdéjà et constituera un enjeu central dans les années qui viennent.L'association naît d'un contrat initial (de droit ou de fait)entre des volontés individuelles : elle s'en émancipe obligatoirementlorsqu'elle augmente ses effectifs et élargit son champd'action. Elle peut tendre alors à se figer en institution plus oumoins éloignée de ses objectifs et idéaux démocratiques dedépart. Chaque génération associative connaît des formes deregain. Aujourd'hui, de nouveaux groupements et réseauxplus informels et plus décentralisés émergent, qui parviennentà concurrencer, voire à transformer, par contagion, les" institutions" associatives qui les ont précédés. Le faible renouvellementdes responsables associatifs et le cumul des mandatssont bien globalement le signe d'une sclérose de la vie démocratiquedes associations. Mais, on observe parallèlement,dans certaines catégories de la population ou dans certainssecteurs, que les activités bénévoles progressent, que lesmobilisations et les expressions " citoyennes " se développent.<strong>La</strong> configuration de l'action collective contemporaine se distinguepar la place importante accordée à la subjectivité de l'individuet à la proximité, et par la méfiance envers la politiqueinstitutionnelle. Pour remédier à la crise de la démocratie et,plus précisément, rénover la gestion démocratique des associations,il faut pourtant réfuter une logique étroitement individualisteet localiste qui pourrait virer à l'apolitisme. C'est touten reconnaissant l'importance centrale de l'État et des institutions,qu'il faut se demander comment la société dans sa diversitépeut être prise en compte dans le processus d'élaborationdes décisions.Il reste à inventer de nouveaux modes d'implication et decontrôle démocratique permettant au plus grand nombre departiciper à la chose publique. Peut-on penser des modes dereprésentation basés sur des réseaux horizontaux et de nouvellesprocédures de décision (par exemple au consensus) ?Ces nouveaux modes ne se substitueraient pas à la légitimitéélective mais la renforceraient en faisant des citoyens de réelsacteurs de la politique " délibérée " 2 . Parmi eux, les femmeset les jeunes ou encore les plus démunis doivent faire l'objetd'une politique volontariste de lutte contre les freins à l'engagementdans l'action collective : distribution inégale du tempset des compétences disponibles, préjugés et incapacité à partagerles responsabilités de la part des militants et dirigeantsen place, relégation ou sentiment d'inutilité sociale chez ceuxqui restent en marge de la vie associative.Le niveau local est celui où s'exprime de la manière la plus visibleles solidarités et les antagonismes sociaux, celui où lescitoyens sont les plus à même de se réunir pour débattre deleur avenir, imposer leurs priorités et contrôler leur mise enœuvre. Mais pour ces mêmes raisons, il prédispose à l'enfermement,au repli, à toutes les formes d'égoïsmes collectifs. Seréclamer de la société civile peut donner l'impression d'agrégerdes revendications et intérêts hétérogènes et contradictoires etde cautionner une dilution du politique. Une ligne de forceapparaît essentielle, qui doit guider les associations et leur permettrede dépasser l'illusion communautaire et le " saupoudragedécentralisateur dans l'air du temps " 3 : " agir local, penserglobal ", à condition de considérer la dualité local/globalcomme un processus interactif inscrit dans la durée, non hiérarchisé,avec des niveaux intermédiaires variables et plus oumoins décisifs dans le temps, en fonction des questions abordées.Enfin l'un des moyens de corriger l'oligarchie de la participationconsiste à faire partager à tous l'intime conviction que la "nature " de chacun (comportements et appartenances personnelles)" doit être, en chacun de nous, contrôlée et transcendéepar une discipline quotidienne et permanente, destinéeà transformer l'homme en citoyen " 4 . Cette transcendancecomporte l'idée d'un espace commun, réglé par des normescommunes en fonction desquelles sont résolus rivalités etconflits. Cela ne signifie pas que cette citoyenneté doive êtrecontenue dans la sphère nationale ni que le niveau national soittoujours le niveau optimal auquel les arbitrages doivent êtrerendus, d'autant moins que l'insertion de la France dans laconstruction européenne et la mondialisation déplacent leslieux de légitimité et de décision. Cela souligne l'impossibilité,y compris au sein des associations, d'une citoyenneté et d'unegestion démocratique " spontanées ". On ne naît pas citoyen,on le devient. En revitalisant l'éducation populaire 5 , il s'agit parle débat permanent et ouvert et par l'action, de lutter contre ladépossession des citoyens, en premier lieu les plus défavorisés,de former des consciences autonomes capables de prendreen compte de façon raisonnée les dimensions politiques dela réalité humaine, de se ré-approprier l'espace public.(1) Martine Barthélemy, Associations : un nouvel âge de la participation?,Paris, Presses de Sciences Po, 2000(2) Nicolas Tenzer, <strong>La</strong> société dépolitisée, Paris, PUF, 1990.(3) Jacques Capdevielle, <strong>La</strong> légitimité, enjeu politique décisif etdisputé, document multigr., CEVIPOF, mai 2002.(4) Claude Nicolet, " Une citoyenneté 'à la française' ", Les idéesen mouvements, n° 45, janvier 1997.(5) L'éducation populaire est ici entendue au sens large, commeprocessus, dépassant le secteur associatif du même nom.24


III Associations, Droit et politiques publiquesDe l'émergence des besoins à l'application dans la loiRencontre avec Michel TubianaPrésident de la Ligue des Droits de l’HommeDans le cadre de l’espace juridique qui vous est ouvert,quel est votre action ?Elle est de deux ordres: au niveau judiciaire et au niveauadministratif. Au niveau judiciaire notre action est strictementencadrée par la loi, notamment dans le domaine pénal. Nousintervenons principalement dans les affaires de racisme. Enréalité, nous intervenons beaucoup plus au niveau des administrations,comme par exemple sur la régulation des étrangersetc.. Il y a un énorme travail à ce niveau d'intervention.Quelle est votre position ? Plutôt de partenariat ou delobbying ?Ce n'est pas comparable, quand on travaille sur le plan judiciaireou même administratif, nous intervenons sur des situationsindividuelles. <strong>La</strong> question du lobbying ne se pose pasdans le sens où vous l'entendez. Nous travaillons en partenariat,disons en bonne intelligence parfois. Et puis il y l'interpellationgénérale des administrations même dans les domainesoù nous ne sommes pas directement habilités. Toutedémocratie fonctionne sur le fait de pouvoir interpeller lespouvoirs publics. Il nous arrive de saisir le ministère de l'intérieurde violences policières. Par ailleurs, les choses ont évoluédans l'appareil d'Etat je peux saisir la CNIL d'une plainte,et nous le faisons. Je peux faire saisir par un député laCommission de Déontologie des Forces de Sécurité (CDS), ceque nous faisons fréquemment. Nous sommes des gros producteursde saisines et nous intervenons à des niveaux différents,en essayant de faire bouger le Droit tout en respectantun certain nombre de règles de déontologie précises : nejamais intervenir sans que l'individu qui est concerné aitdonné son accord, ne jamais le faire sauf exception sans quece soit en accord avec l'avocat quand il y en a un qui est chargédu dossier.Dans la préparation des lois ou dans les pré-projets deloi, quelle influence peut avoir la Ligue ?Il y a un magistère moral et politique c'est à dire que noussommes consultés par exemple sur le renouvellement des loisde bioéthique. On a notre propre pouvoir d'initiative et d'interpellationà la fois du gouvernement, des groupes politiques,des parlementaires sur les sujets qui nous paraissentimportants, avec bien évidemment le souci de lier l'interventionauprès des institution à une pédagogie envers le grandpublic. Nous n'avons pas vocation à être des lobbies aux sensaméricain du terme. Nous portons une parole citoyenne doncpar conséquent nous faisons en sorte de la porter à l'intérieurdes institutions, et également de la restituer aux citoyens.Vous parlez des politiques, est-ce qu'il existe entrevous et eux des formes de partenariat?Ce n'est pas une question de partenariat, nous ne sommespas dans le même monde, les parlementaires et le gouvernementsont dans un monde et nous nous sommes dans unautre. Mais ce ne sont pas des mondes séparés en mêmetemps, ce sont des mondes qui s'alimentent les uns les autres,dumoins on pourrait le souhaiter. Par conséquent, nousentendons ce que disent les parlementaires ou le gouvernementet nous leur exprimons nos propres réflexions ou revendications.Cela dit nous ne sommes qu'une force de proposition,les parlementaires ne nous écoutent pas toujours.Pour nous, il est absolument fondamental, tant que nous sommesen démocratie, que s’instaure une forme de dialogueavec les institutions. Nous maintenons cette tension continuelleentre le fait de dialoguer avec les institutions et tout ceque peut recouvrir le dialogue et en même temps de porter laparole en-dehors des institutions. Nous sommes en situationcharnière entre les deux.25Est-ce que l'associatif peut jouer un rôle decontre pouvoir ?Je ne crois pas que l'associatif soit toujours uneforme de contre-pouvoir. Il faut distinguer dans lemonde associatif ce qui relève de l'associationcentrée sur elle-même et ses adhérents et puis celle qui s'ouvrevers l'extérieur et qui a une mission sociale. Celle-là a unevocation à être à des degrés divers une contre-pouvoir. Alorsaprès est-ce que nous sommes un contre-pouvoir efficace ?Quel est l'intérêt d'une coordination justice-droits del'homme ?Nous avons eu une prise de position commune sur les loisSarkozi. Chaque association a ses pratiques au niveau professionnel.Nous avons donc le souci de mutualiser nos différentesexpériences et de voir ce qu'on peut construire ensemble.Par ailleurs nous sommes souvent confrontés au même ministèrede tutelle, aux mêmes parties de l'appareil d'Etat. Nousavons donc intérêt à avoir des dialogues qui aboutissent à despositions les plus communes possibles.Comment le vote du 21 avril est-il venu interpeller lemonde associatif ?Ce vote est la marque d'un échec associatif et pas simplementun échec du monde politique ou du monde syndical. Nous n'avonspas trouvé les moyens nécessaires pour offrir suffisammentd'outils de citoyenneté à des gens qui se sont réfugiésau mieux dans l'abstention au pire dans le vote d'extrêmedroite. Quand on voit l'absence de montée en puissance de spersonnes d'origine étrangères dans les responsables associatifson est bien forcé de constater que nos associations à lafois citoyennes et offreuses d'outils de citoyenneté ont en partieéchoué;nous n'avons pas été en mesure de les transmettre.Est-ce que l'action de la Ligue est une action politique ?Oui bien entendu. <strong>La</strong> Ligue est une association d'ordre citoyenet politique. Nous prenons des positions politiques, dès lorsque l'on touche à des questions de Droits de l'Homme et delibertés publiques ou de libertés individuelles, il est évidentque nous sommes une association politique.Par contre nous ne sommes pas inféodés à des partis. Notrepropos a été suffisamment violent à l'égard du gouvernementJospin pour que nos propos d'aujourd'hui à l'égard du gouvernementRaffarin ne soient pas décrédibilisés. Notre calendriern'est pas celui des partis.Qu'est-ce qui vient réinterroger le fondement de votreaction?On est une association politique reposant sur un certain nombrede principes qui figurent dans nos statuts. Pour nous il n'ya de Droits de l'Homme que liant à la fois le domaine civil politiqueet les droits économiques et sociaux. Nous sommes lapremière organisation qui ait dans les années 30, justementsous l'impulsion de Renée Cassin, réclamé l'établissementd'une déclaration qui tienne compte des droits économiqueset sociaux. Pour nous les Droits de l'Homme c'est un ensemble.Nous avons une vision globale du Droit.Les Droits de l'Homme ce n'est pas une politique mais uncadre en amont du politique. Cela serait absurde de penserque défendre les Droits implique de mépriser le politique, aucontraire, la dénomination exacte pour la Ligue c'est la ‘Liguepour la défense des Droits de l'Homme et du Citoyen’. Pournous il n'y a pas de droit si ces droits ne sont pas garantis. Etla meilleure garantie des droits c'est l'action des citoyens et lefait que les citoyens aient la possibilité de les mettre enœuvre. Bien évidemment les droits politiques en sont un élémentessentiel et fondamental. Mais s'il n'y a pas de contrôlecitoyen il y a un écroulement du fonctionnement démocratique.Nous continuerons à dialoguer avec des politiques dèslors qu'on est dans une démocratie et nous continuerons àdire que le rôle des politiques est essentiel même si nous pouvonsêtre critiques. Faites de la politique, c'est la meilleuremanière de défendre le Droit.“Citoyenneté, état démocratique et associations : les défis d’aujourd’hui”Tel était le thème de l’université” d’automne de la Ligue. Consultez le dossier du ‘journal des associations’ janvier 2003www.ldh-france.org


Associations et DroitL'historique du collectif Alerteet de la loi de lutte contre les exclusionsLe 15 novembre dernier, le collectif Alerte présentait un deuxième bilan de la loi de luttecontre les exclusions du 29 juillet 1998 à la secrétaire d'État à la lutte contre la précarité,Dominique Versini. Le collectif, qui regroupe une quarantaine d'associations luttant contrela pauvreté, juge cette loi " globalement satisfaisante mais insuffisamment appliquée ".Si le collectif est associé à l'évaluation de l'application de cette loi, il en est aussi à l'origine.Avant même l'enclenchement du processus d'élaboration, les associations d'Alerte ontété des interlocuteurs incontournables, capables de mesurer les besoins des publics précairessur le terrain. Une richesse et une expérience dont les pouvoirs publics ne pouvaientse passer, mais dont la reconnaissance a dû être gagnée par les associations quiont su maintenir une pression constante. Un exemple emblématique de l'interventionassociative aussi bien en amont qu'en aval de la loi.Une coordination pour faire pressionL'avant AlerteLe 29 juillet 1998, la loi de luttecontre les exclusions est enfin adoptée,après plusieurs années deconfrontations, de mobilisation et deconstruction des associations dusecteur envers les pouvoirs publics.Mais la loi de lutte contre les exclusionsn'est pas à mettre au seulcompte des associations regroupéesdans le collectif Alerte. Depuis longtempsen effet, la précarité est unepréoccupation des pouvoirs publicsconscients qu'un effort et une étroiteconcertation avec les acteurs deterrain sont nécessaires pour aboutirà sa résolution. Pourtant, ce sont lesassociations elles-mêmes qui ontpris l'initiative du regroupementpour faire force de lobby, canaliseret accélérer la volonté politique.Dans les années 1980, un Plan deprécarité-pauvreté est mis en place.<strong>La</strong> plupart des associations concernéespar le sujet se rencontrent déjàpour travailler ensemble et discuterdu contenu du plan. Un travail collectifqui s'affinera par la suite ausein d'une commission ad hoc crééeen 1988 au sein de l'Union nationaleinterfédérale des œuvres et organismesprivés sanitaires et sociaux(UNIOPSS), regroupant les associationsdu secteur qui ressentent lebesoin d'unir leurs forces.L'émergence du collectifet de sa thématique dansl'espace publicAlerte ne naîtra vraiment qu'en1994. Le Premier ministre d'alors,Édouard Balladur, propose auSecours Catholique d'être grandecause nationale. L'association refuseau profit du collectif de la commissionUNIOPSS. " Alerte " est choisien guise de logo commun de communication.Regroupant alors unetrentaine d'associations/fédérationsd'action sociale, le collectif devientGrande cause nationale et entamesa campagne de communication,avec pour slogan : " Alerte, exigeonstous un pacte contre l'exclusion et lapauvreté ".Dans ce cadre, les associationsmènent une campagne d'opinionvisant à dénoncer le développementdes phénomènes de pauvreté etimposer un vaste débat citoyen enFrance sur l'exclusion. Il s'agit doncbien d'un appel à l'opinion publiquepour obtenir des engagements politiques,tant au niveau national quelocal, et passer d'une solidarité faceà la souffrance à une solidarité pourla justice.<strong>La</strong> campagne culmine au moment dela campagne présidentielle de 1995et impose la question de la luttecontre la précarité dans le débatpolitique. À cette occasion, desengagements publics sont pris parles partis politiques et les différentscandidats sur le vote d'une loi delutte contre l'exclusion. Par son travailde lobbying, le collectif Alerteétait donc parvenu à inscrire l'exclusionsur l'agenda des politiquespubliques.En 1996, le premier projet du gouvernementJuppé est étudié.Jacques Barrot est alors ministre desAffaires sociales et son cabinet solliciteles associations pour affiner leprojet. Peu de temps après la dissolutionde l'Assemblée (1997) et l'arrivéede Lionel Jospin à la tête dugouvernement, Alerte se fait à nouveauentendre et rappelle auxanciens candidats Jospin et Chiracleurs engagements sur une loi delutte contre les exclusions aumoment des présidentielles. Un nouveauprojet de loi est lancé." Le collectif Alertea été une vraie force"Marie-MadeleineHilaire, coordinatricede la commission pauvreté-exclusiondel'UNIOPSS au momentde l'élaboration de laloi" Le collectif Alerte a été unevraie force. De très grossesassociations ou fédérations,d'horizons très différents(Secours catholique etSecours populaire, parexemple), avec des histoireset des modes d'expressiontrès différents, sont parvenuesà mettre en place uneplate-forme commune et àse mettre d'accord pour allerdans un même sens. Chaqueorganisation a réellementjoué le jeu, en prenant despositions au nom du collectif.De ce fait, il a tout de suiteété reconnu comme interlocuteurà part entière et, surtout,incontournable. Auniveau national, comme auniveau local : il existe descollectifs locaux d'Alertechargés d'aller voir les députés.Il était important pour lescabinets ministériels et lesparlementaires d'avoir uninterlocuteur associatifregroupé, doté d'une capacitéde travail et d'action dansla continuité. Ce qui n'empêchaitpas l'expression individuellede chacun, mais elles'effectuait toujours dans laconvergence."26


Associations et DroitUne participation active à l'élaboration de la loiLes associations partenairesincontournablesEn octobre 1997, le commissariat généralau Plan remet à Martine Aubry, alors ministrede l'Emploi et de la Solidarité, un rapportcommandé par l'ex-Premier ministreAlain Juppé. Selon ce rapport, près de 7millions de personnes éprouvent des difficultésliées à la précarité : revenus sociauxinsuffisants et salaires trop faibles, endettement,voire surendettement des ménages,accès très insuffisant des personnes ensituation de précarité à leurs droits élémentaires.Dans une circulaire du 30 octobre 1997,Martine Aubry invite alors les préfets à lavigilance concernant l'accueil et l'hébergementd'urgence des personnes sans domicilefixe pendant la période hivernale et leurrecommande d'éventuellement recourir "aux personnels sociaux et bénévoles desassociations de solidarité ". Elle les inviteaussi à " verser des subventions aux associationsle plus rapidement possible ". Lesassociations relaient donc les pouvoirspublics qui, à leur tour, s'appuient sur ellesdans la lutte contre l'exclusion.Jean Glavany, premier vice-président socialistede l'Assemblée, en est alors bien conscientet déclare : " On ne s'attaquera pas àce fléau s'il n'y a pas une volonté politiqueforte au niveau de l'Etat et des collectivitéspubliques ; mais en même temps, cettevolonté politique risquerait d'être inefficacesi le relais n'était pas pris par des acteursdécentralisés de la lutte contre les exclusions,particulièrement les associatifs, sanslesquels rien n'est possible " (<strong>La</strong> Rue, n°46,décembre 1997).L'élaboration de la loi" Au départ, explique Marie-MadeleineHilaire (lire encadré), les objectifs d'Alerteétaient vraiment de faire du lobby par lacommunication. " Dès lors, Alerte devientpartie prenante de l'élaboration même ducontenu de la loi. À partir de 1997, le gouvernementsocialiste présente aux associationsun projet qui s'appuie pour bonne partsur leurs revendications. Le collectif réagiten faisant de nouvelles propositions. Descommissions de travail sont mises en place: " Ces groupes à géométrie variable sesont naturellement constitués en fonctiondes spécialités, tout en étant toujoursouverts. Une force fantastique en terme defonctionnement ", précise Marie-MadeleineHilaire. Le collectif a été capable de fairedes propositions concrètes dans l'écriturede la loi car les associations mesuraient cequi était applicable ou pas, elles faisaientremonter les informations concrètes du terrain.C'est ce que les pouvoirs publics sollicitaient." Un vaste jeu de navettes se metalors en place : précisions, contestations,compléments, reprises diverses. Un travailtitanesque de plus d'un an qui aboutit auvote de 159 articles de la loi le 29 juillet1998. <strong>La</strong> loi crée du même coupl'Observatoire national de la pauvreté et del'exclusion sociale, une demande explicited'Alerte.Un appel décisifaux parlementairesEn mai 1998, une semaine avant le vote duprojet de la loi d'orientation de lutte contreles exclusions, Jean-Louis Debré, alors présidentdu groupe parlementaire RPR, dansun courrier à Hugues Feltesse, directeurgénéral de l'UNIOPSS, explique les raisonspour lesquelles son groupe politique nevotera pas l'ensemble du projet de loi. <strong>La</strong>réaction du collectif ne se fait pas attendre.Dans une lettre commune adressée auxparlementaires, Alerte déclare : " Voussavez le travail acharné que nos associationsont mené ensemble depuis desannées pour favoriser dans notre pays unevéritable politique globale et dans la duréecontre la pauvreté et l'exclusion. Ce travaila été largement repris au cours des troisdernières années par les gouvernementssuccessifs. Nous demandons instammentque le texte soit amélioré au travers dudébat parlementaire. Ce débat doit avoirlieu jusqu'au bout dans le respect de toutesles sensibilités. Toutefois, nous ne comprendrionspas que certains de nos éluss'opposent à l'aboutissement de ce travailcollectif, dont aucune majorité ne peut s'approprierseule l'initiative. Nous ne comprendrionspas, et une large partie de l'opinionnon plus, que les difficultés et la souffrancede tant de familles, d'enfants, de jeunes etd'adultes victimes de la misère et de l'exclusionne rassemblent pas nos élus pourengager à travers eux tout le pays. "27


Associations et DroitUn travail de veille et d'évaluation de la loiL'étape cruciale des décrets d'application<strong>La</strong> mobilisation d'Alerte ne s'est pas arrêtée à la parution de laloi au Journal Officiel. Un énorme travail administratif a étémené pour faire sortir les décrets d'application dans les délaisles plus brefs. Le gouvernement socialiste sollicita alors tous lesministères et organisa plusieurs rencontres avec Alerte. Unecentaine de décrets sortiront de cette collaboration. Nombred'entre eux ont été retouchés à la demande du collectif, parfoisà l'issue de plusieurs modifications et à l'occasion de réunionsde bilan régulières au cabinet de Martine Aubry.Un plan d'action de lutte contre les exclusions est ensuite votédont les mesures budgétaires sont incluses dans la loi de finance1999-2000.Une veille essentielleDepuis, le collectif continue d'effectuer un travail de veille surla question de l'application de la loi. Il est d'ailleurs appelé à l'évaluerofficiellement tous les deux ans. Aujourd'hui encore, cesuivi est d'ailleurs doublé d'une action de lobbying continueauprès des pouvoirs publics, que ce soit pour appeler au maintienet au renforcement des dispositifs d'insertion types CES,CEC, TRACE ou dénoncer le projet de loi relatif à la sécuritéintérieure comme une pénalisation de l'exclusion. Quatre ansaprès le vote de la loi, le collectif continue aussi de souligner lesblocages qui perdurent dans la lutte contre l'exclusion. Uneplate-forme de propositions a ainsi été récemment soumisepour peser sur le plan d'actions en préparation au secrétariatd'Etat à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Les objectifsessentiels en sont le logement, l'emploi et la santé des personnesen difficulté. L'essentiel de la revendication porte sur uneloi de programmation budgétaire prévoyant les crédits nécessairessur 3 ou 5 ans, comme pour l'armée et la justice.S'appuyant sur sa connaissance du terrain et sa force de proposition,le collectif associatif incarne ainsi une continuité etune expertise finalement essentiels à l'élaboration de la politiquepublique.L'intervention au niveau européenTrès vite, une approche globale du problème de l'exclusion anécessité un travail à l'échelon européen. Fort des résultatsobtenus en France, un collectif européen voit le jour sur lemodèle et l'expérience d'Alerte : l'EAPN (European Anti-PovertyNetwork - Réseau européen des associations de lutte contre lapauvreté et l'exclusion sociale). Le travail inter-organisationspermet de développer une action de lobbying auprès de l'Union.Cela débouchera notamment sur l'intégration au Traité deMaastricht d'une collaboration ouverte sur la précarité et l'exclusion.Cette forme de coopération, mise en œuvre dans ledomaine de l'emploi avant d'être appliquée à l'exclusion, secaractérise par la participation active de tous les acteurs nationaux.Le deuxième plan européen est en cours de rédaction etle collectif Alerte y participe activement.Les associations membresdu collectif AlerteAssociation des collectifs EnfantsParents Professionnels -Association pour le Droit àl'Initiative Économique - Amicaledu Nid - Association Nationale dePrévention de l'Alcoolisme -COORACE - Comité Chrétien deSolidarité avec les chômeurs etprécaires - Droits d'Urgence -Emmaüs France - Fédération desAssociations de ConjointsSurvivants - Fédération desAssociations pour la Promotion etl'Insertion par le Logement - FNA-FAD - FNAFMA - FédérationNationale des Associationsd'Accueil et de Réinsertion Sociale- Fonds Social Juif Unifié - FranceTerre d'Asile - Fédération desCentres Sociaux - Fédération del'Entraide Protestante - FédérationFrançaise des BanquesAlimentaires - Fédération Françaisedes Équipes St Vincent - FédérationNationale des Centres PACT-ARIM -Fédération Nationale desAssociations Familiales Rurales -Fédération Relais - Fondation AbbéPierre - Fondation Armée du Salut -<strong>La</strong> ligue des droits de l'Homme - <strong>La</strong>Raison du Plus Faible - Les PetitsFrères des Pauvres - Médecins duMonde - Mouvement ATD Quart-Monde - Restaurants du Cœur -Secours Catholique - SecoursPopulaire Français - Société StVincent de Paul - Solidarités nouvellesface au chômage - UFCS -UNAADMR -UNAF - UNAFO - UNI-OPSS - UNISATPour en savoir plus :<strong>La</strong> loi du 29 juillet 1998 :http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/Visu?cid=15426&indice=1&table=CONSOLIDE&ligneDeb=1l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusionsociale : http://www.social.gouv.fr/htm/pointsur/onpes/sommaire.htmPour la composition du collectif (plus de quaranteassociations) :Coordination de l'UNIOPSS :133, rue Saint-Maur - 75541 Paris cedex 11 - Tél. :01 53 36 35 00 - Fax : 01 47 00 84 83http://www.uniopss.asso.fret http://www.snc.asso.fr/actualites/alerte.pdfPour des documents d'évaluation de la loi par l'associationATD-Quart Monde :http://perso.wanadoo.fr/atd.mery/docu/eval_present.rtf28


Associations et DroitDe la loi à l'application dans les faitsLes droits des femmesForte d'une histoire militante riche en revendications et avancéessociales, la relation du mouvement des droits des femmes à l'applicationde la loi est particulière.À la fois impliquées dans la revendication et la gestion d'actions, les associationsféminines et féministes s'inscrivent dans un rapport aux pouvoirs publics qui évolueen fonction de critères thématiques et politiques. Il s'agit donc avant tout d'unequestion de priorités : celles des pouvoirs publics, locaux ou nationaux, comme cellesdes différents mouvements de femmes. Et elles ne s'accordent pas toujours automatiquement…Les droits des femmes : amener la société au diapason de la loiQue ce soit en termes d'éducation, de travail, de politique, de sexualité, etc., les femmes ont acquis parleurs revendications les mêmes droits que les hommes dans la législation française. Dans la pratique toutefois,ces avancées légales ne sont qu'imparfaitement ou pas du tout suivies d'effets, qu'il s'agisse de lacontraception, la violence, l'égalité au travail, en politique, etc. Il convient alors de permettre à toutesl'accès à leurs droits définis par la loi, sans que leur traduction ne soit toujours concrète dans la société.Que ce soit, entre autres, par leurs actions d'information sur l'égalité au travail, par des missions d'écoutesur les violences conjugales, par la formation des travailleurs sociaux ou encore l'accompagnement desfemmes pour leur droit à l'avortement, les associations jouent un rôle qui va dans le sens de l'applicationde la loi. Mais selon la culture politique de l'association, son objet associatif et sa pratique militante plusou moins contestataire, telle ou telle mouvance féministe s'inscrira plus ou moins facilement dans lesactions prioritaires des pouvoirs publics.Entre gestion et militance, le Mouvement du planning familialet les ambiguïtés des pouvoirs publicsCréé en 1956, le Mouvement français du planning familial agit pour le droit à l'avortement et à la contraceptionet lutte contre les violences de tous ordres faites aux femmes. Cette association féministe s'estnotamment illustrée pour ses actions, parfois illégales, en faveur du droit à l'avortement. Elle continue,dans ses 70 associations départementales, à recevoir et à aider un très grand nombre de femmes.Mouvement d'éducation populaire, le planning familial intervient aussi dans les collèges, auprès de travailleurssociaux sur des questions aussi diverses que la contraception, la sexualité, l'inceste, etc.Essentiellement financées sur projets par les collectivités locales, ses associations bénéficient du soutiende la DDASS sur leurs actions d'accès aux droits (nombre de bénévoles du planning ont reçu une formationde conseillère conjugale reconnue par l'administration) et interviennent dans les établissements scolairesà leur demande. Mais cette gestion d'une mission d'information se double d'une activité militanteautonome, parfois conflictuelle, avec les pouvoirs publics, sur la question même de l'application de la loi.En effet, lorsqu'un centre d'orthogénie est fermé, qu'un médecin pratiquant l'IVG est licencié, que l'hôpitallocal refuse de prescrire la pilule abortive RU 486, qu'aucune IVG n'est pratiquée durant l'été dans undépartement, les associations du planning interpellent les responsables politiques et administratifs et lesmettent face à leurs ambiguïtés concernant l'accès au droit à l'avortement.Un mouvement associatif institutionnalisé :les Centres d'information des droits des femmesSur une problématique similaire d'accès aux droits, les Centres d'information des femmes ont un positionnementbeaucoup plus institutionnel. Créé en 1972, le Centre national d'information et de documentationdes femmes et des familles (CNIDFF) fédère 120 centres qui organisent 770 points d'information sur toutle territoire. Financé directement par le service des droits de la femme du ministère des Affaires sociales,mais aussi par les collectivités locales et des organismes publics (FASILD, CNAF), les CIDF sont des associationsavec une mission de service public d'information sur les violences sexistes, la vie familiale, l'emploi,la santé et la sexualité. S'appuyant sur près de 900 salariés, les CIDF ont une approche plus professionnelleque militante. Travaillant en collaboration étroite avec le réseau des délégués régionaux etdépartementaux aux droits des femmes, les CIDF, outre l'accueil du public, organisent des formations,montent des groupes de parole.Mais malgré cette coopération très intégrée avec les pouvoirs publics, " les CIDF appartiennent au mouvementassociatif " pour Annie Guilberteau, directrice du réseau national des CIDF. Elle souligne égalementles relations privilégiées des centres avec le réseau associatif local et notamment les associations féminineset familiales. En incarnant une approche gestionnaire de l'accès aux droits pour les femmes, les CIDFjouent ainsi un rôle d'interface entre les pouvoirs publics et le monde associatif.29


Associations et DroitQuestions à Françoise <strong>La</strong>urant,présidente du Mouvement françaispour le planning familial<strong>La</strong> politique des pouvoirs publics prend-elleen compte les préoccupations du MFPF ?Suite à la loi de 2001, nous avions le sentiment queles parlementaires, les différents acteurs avaientreconnu qu'il ne suffisait pas de faire une loi pourque les choses avancent sur le terrain. Le travail dugroupe national d'appui des centres d'IVG, la créationde la délégation parlementaire aux droits de lafemme étaient des avancées positives. Mais il fautnoter dans le même temps que les réformes hospitalièresactuelles mettent en danger le droit à l'avortement.Les regroupements, les fermetures depetits établissements, qui avaient une petite activitéd'IVG, font que le nombre d'IVG n'augmente pasalors même que le délai légal a été allongé. On nepeut que constater depuis quelque temps une inertie,un recul sur cette question.Le planning familial est une association qui aune histoire, des convictions et des actions propres.Comment caractériser cette double positionde collaboration et de revendication ?C'est l'équilibre que nous tenons depuis 1970.Plusieurs associations du planning ont passé desconventions avec les pouvoirs publics pour tenirdes centres. Mais en le faisant à leur manière, pasen gestionnaires. Et nous n'avons pas perdu notreâme ! C'est parfois inconfortable, mais nos partenairesne peuvent pas nous cantonner dans le seulrôle d'opposition. Notre présence sur le terrain,notre connaissance des questions touchant à lasexualité, la violence dans les rapportshomme/femme, etc., et le fait qu'il n'y a pas d'autrelieux d'observation font que les politiques ontbesoin de nos analyses. On le voit bien actuellementsur les questions de prostitution et de pornographie.<strong>La</strong> collaboration avec les pouvoirs publicsn'est-elle pas aussi fonction des couleurspolitiques des gouvernements ou élus qui privilégientcertaines thématiques et actionsplutôt que d'autres ?Oui. Nous avons l'impression par exemple que leministre de la Santé ne veut pas s'affronter au problèmede l'avortement, l'intitulé du ministère de laParité et de l'Égalité professionnelle ne mentionnepas les droits de la femme et nous avons apprisqu'il n'y aura pas de nouvelle campagne nationalesur la contraception. Mais s'il y a moins d'affichagesur ces questions, la ministre déléguée conserveses attributions et les relations n'ont pas changéavec ses services. Nous sommes actuellement dansune phase d'observation alors que les axes de l'actionpublique n'ont pas encore été définis. Et audelàdes options politiques, il y a tout de même desanalyses, peut-être moins politiques, plus sociales,mais qui restent, sur le fond, similaires. Il y a unevision commune de l'intolérable dans notre société.Interview de Marc William Millereau, vice-présidentde France Nature Environnement (FNE)Distinguez-vous deux schémas types de l'interventionassociative : la participation encadrée par la loid'un côté et l'action judiciaire plus conflictuelle del'autre ?Je ne crois pas qu'il y ait d'opposition entre ces deux formesd'intervention. FNE participe à toutes les étapes duprocessus politique, de l'élaboration de la loi au contrôle deson application. Tout d'abord, nous animons le débat socialsur les questions environnementales, puis, quand le législateurélabore la loi, nous sommes consultés, commerécemment au sujet de la loi sur les risques industrielspour laquelle nous proposons des amendements aux parlementaires.Nous sommes ensuite associés à l'applicationde la loi via les nombreux comités locaux et nationaux oùnous siégeons de droit. Enfin, ce n'est qu'après avoir épuisétoutes les possibilités de négociation que nous avonséventuellement recours aux tribunaux pour faire appliquerou respecter une loi. Nous considérons que cette continuitéfonde notre légitimité à ester en justice. C'est d'ailleursl'esprit de la convention d'Aarhus que l'Union européenneva bientôt adopter.Que dit cette convention ?Ce texte vise à développer l'accès du public à l'informationdétenue par les autorités, à favoriser la participation dupublic à la prise de décisions ayant des incidences sur l'environnementet à étendre les conditions d'accès à la justice.Comme vous le voyez les trois degrés de l'action desassociations de protection de la nature et de l'environnementy sont intimement liés.Vos détracteurs vous accusent parfois d'être procéduriers…FNE se caractérise par sa participation aux institutions.Nous leur accordons crédit et nous jouons le jeu. Sinonnous ne serions pas présents dans les différents comités etcommissions. Notre première démarche est toujours denous adresser aux pouvoirs publics avant de recourir à lajustice, nous nous demandons toujours si cela va faireavancer le débat. Nous y renonçons parfois, alors que nousavons toutes les chances de gagner, parce que nous sommesconscients que cela va desservir la cause défendue. Àl'inverse nous menons par exemple une campagne demobilisation citoyenne, " Pas d'OGM dans ma commune ",où nous demandons aux conseils municipaux de votercontre l'expérimentation d'OGM sur leur territoire, tout ensachant que ces arrêtés seront cassés par les tribunauxadministratifs. Chaque action se mesure à l'aune des résultatsescomptés.Quelles sont les limites de cette participation ?Si je devais me faire l'avocat du diable, je dirais que nouspassons un temps excessif dans ces commissions. <strong>La</strong> participationnécessite travail et préparation, or nos ressourcesmilitantes sont limitées. Par ailleurs la recherche duconsensus peut bloquer toute prise de décision. Mais cesont des effets pervers inhérents au système.<strong>La</strong> très grande technicité de certaines questions, je penseà la commission du génie biomoléculaire par exemple,constitue aussi un obstacle. Mais nous trouvons néanmoinsles moyens d'y participer et de démentir ceux qui voudraientfaire du débat public et des choix de société uneaffaire de spécialistes.30


Associations et Droit<strong>La</strong> Charte de l’environnementConcertation et recours en justice, quand les associations de protectionde la nature et de l'environnement agissent pour une applicationcitoyenne de la loi<strong>La</strong> genèse de la revendication écologique fut contestataire et parfois très conflictuelle.Portée par la génération issue de 68, elle avait l'ampleur d'une remise en causeglobale de l'organisation politique et économique de la société. Mais si la critiqueécologique du système de production demeure " subversive ", cela n'empêche pasaujourd'hui les associations de protection de la nature et de l'environnement (APNE)d'être associées à la gestion des problèmes d'environnement (aménagement du territoire,gestion des ressources naturelles). Pour autant, les APNE ne s'interdisent pasle recours à la justice pour faire correctement appliquer les lois à l'élaboration desquelleselles sont de plus en plus associées.Une présence renforcée dans les instances de concertation<strong>La</strong> participation des APNE aux instances de gestion et de concertation est prévue par la loi. Aux côtés desélus, des fonctionnaires et des acteurs économiques, leurs mandataires siègent aujourd'hui dans plus de180 commissions et comités locaux et nationaux. <strong>La</strong> fédération des APNA, France nature environnement(FNE) organise la représentation des associations dans ces instances. On peut citer les comités départementauxd'hygiène, les comités de bassin, les commissions des sites ou des carrières, le conseil nationalde l'aménagement et du développement du territoire, etc. Les APNE y agissent ainsi directement sur l'applicationde la loi. Mais leur pouvoir d'influence dépend en grande partie de leur connaissance du terrain etdes dossiers, et non de leur représentation numérique qui reste faible. Au sein de ces instances, les APNEse veulent les porte-parole des préoccupations citoyennes et de l'intérêt général. En ce sens, elles s'opposentà une vision technicienne qui réserverait aux seuls experts le pouvoir de décision sur des sujets aussicruciaux par exemple que la gestion de l'eau ou la transgenèse.Un partenariat concédéSi les APNE sont des partenaires reconnus des pouvoirs publics qui s'appuient sur leur capacité d'expertise,la relation s'articule toujours dans la tension. Quand les associations dérangent et que les enjeux revêtentun caractère stratégique, la tentation est forte de reprendre ce qui a été concédé. On peut lire dans lerécent refus de saisir la commission nationale du débat public au sujet de l'élargissement de l'autoroute A380 entre Bordeaux et Toulouse, l'exemple fâcheux d'une politique régressive. Alors que ce projet d'aménagements'accordait avec l'objet de cette commission, l'État a préféré biaiser pour ne pas voir contesterles travaux nécessaires au transport des Airbus gros porteurs.Dans le même ordre d'idées, la ministre de l'Écologie et du Développement durable a récemment menacéles APNE de déduire des conventions pluriannuelles d'objectif le montant des dommages et intérêts queces dernières arrachent à l'État lors des procès qu'elles engagent. Un an après la signature de la Charted'engagements réciproques, la remise en cause du droit d'ester en justice vient rappeler le caractèreconflictuel d'une relation dans laquelle le recours tribunaux est fréquent.Faire respecter la loiEn effet, si les APNE font le pari des institutions et de la participation, elles savent aussi recourir à la justice.L'exigence de certaines lois environnementales n'incite pas toujours les autres acteurs du champ (collectivitéslocales, entreprises) à en observer les contraintes et à les appliquer. Le respect des nouvellesrègles environnementales a un coût et contrarie les logiques de profit ou d'économies budgétaires. Quel'on pense aux lois sur la gestion des déchets qui imposent le tri et le recyclage ou à celles sur les rejetspolluants, la mise aux normes appelle des investissements substantiels. Mais par leur existence même, ceslois donnent les moyens aux associations de contrôler leur application. En dernière instance, les APNE saisissentles tribunaux pour faire respecter les prescriptions de la loi.OGM, lorsque les associations rappellent la loi à l'ÉtatUne loi de 1992 oblige les pouvoirs publics à informer les citoyens de l'emplacement des essais de cultureen plein champ des plantes génétiquement modifiées. France Nature Environnement a multiplié les recoursgracieux auprès du ministère de l'Agriculture pour connaître la réalité de ces essais. Devant le refus de l'État,un recours a été déposé devant la justice administrative : en 2001, un jugement du Conseil d'Étattranche en faveur de l'association.31


IV L’avenir de la Charte des engagements réciproquesUn processus irreversible?Si nous avons choisi de conclure ce numéro spécial sur la Charte signée le 1er juillet 2001 entre l'Etat françaiset les associations regroupées au sein de la <strong>CPCA</strong>, c'est parce que cet événement politique symbolise parfaitement,dans ses espoirs et ses désillusions, la contradiction fondamentale de l'action publique aujourd'-hui dans ses relations à la société civile et en particulier de sa composante associative.Ce texte a été élaboré à l'issu d'une longue période de concertation entre l'Etat - sous l'égide de ladélégation interministérielle à l'économe sociale - et la <strong>CPCA</strong> après que les Assises nationales de la vieassociative (février 99) aient révélé les grands enjeux fonctionnels des relations Etat / associations du pointde vue des questions citoyennes, de l'économie et de l'emploi. En juillet 2001, à l'épicentre de l'activitécommémorative de la loi de 1901, ce texte vise la reconnaissance d’une construction partagéedel'action publique entre l'Etat et les associations. Il entérine une représentation nouvelle de l'Etat(providence) qui "reconnaît l'importance de la contribution associative à l'intérêt général dont ilest le garant". Quelques jours avant la signature, le Président de la République, Jacques CHIRAC avaitaccordé un vif intérêt à cette perspective politique valorisant la liberté et l'autonomie des forces vives de lasociété dans un cadre partenarial avec l'Etat (modeste).Sans valeur légale, ce texte disposait d'une valeur normative réelle du fait de la signature des représentantsde l'Etat, et par la prescription de normes relationnelles contraignantes pour les signataires (sécurité desfinancements associatifs, éthique de l'usage du financement public, concertation, gouvernance…).Etions-nous pour autant dupes du chemin qu'il nous restait à parcourir? Evidemment non. Si la fête accordéeaux associations, à gauche comme à droite, n'était pas désagréable, elle n'éludait pas les fortes réticencespolitiques des deux camps à valider, fondamentalement, ce constat d'une crise du modèle tutélaire d'actionpublique face aux nouveaux problèmes sociaux (crise de l'expertise d'Etat, des services publics bureaucratiques,enfin crise de la représentation unique de l'intérêt général…). Déjà les sirènes sécuritaires commençaientà résonner, appelant à la restauration de l'ordre Républicain… plus aucun événement majeur pourla vie associative ne devait empêcher le bon déroulement de la campagne électorale.D'un point de vue associatif cette fois, la célébration, aussi nécessaire soit-elle pour l'image desassociations et la rétribution symbolique des bénévoles et salariés, ne pouvait se suffire à ellemême,comme une sorte d'auto-satisfaction du travail accompli. Là aussi le principe de réalités'imposait pour une analyse lucide de la pratique associative (mandat, place des femmes et des jeunes),et de notre capacité d'éviter, dans les termes de la Charte, les possibles dérives oligarchiques ou technocratiquesdu mouvement associatif. Ce travail est en marche. Plus aucun regroupement associatif nationalne peut penser sérieusement son futur sans une réflexion et une action collective pour l'actualisation d'unprojet associatif, pour de nouvelles règles de gouvernance, pour de nouvelles méthodes de management,respectueuses de l'identité associative. Europe, décentralisation, extension du libéralisme… les enjeux politiquesde demain sont d'ores et déjà là et bien là.C’est pourquoi, nous attendons de la part du Premier ministre, lui-même signataire d'une déclinaison régionalede la Charte en Poitou-Charentes, une nouvelle légitimation politique du processus de la Chartedu 1er juillet 2001. L'occasion est en effet donnée au chef du gouvernement d'inscrire sa politiqueassociative dans une démarche ambitieuse: faire du partenariat entre l'Etat et les associationsune réalité susceptible de mieux organiser l'énergie citoyenne, d'accélérer la nécessaireréforme de l'Etat et de redonner du même coup au contrat politique entre les élus et les citoyenstout son sens.Pour illustrer cette ambition, nous vous proposons trois exemples de mises en œuvre de la Charte, à troisniveaux territoriaux différents: à l'échelle d'un secteur essentiel de l'intervention associative nationalecomme nous le rappelle Jean-Michel BLOCH LAINE pour le pacte social de l'UNIOPSS, à l'échelle d'unecollectivité comme la région Centre qui s'est dotée d'un programme complet pour assurer le développementrégional de la vie associative, enfin, de manière plus circonstanciée, à l'échelle européenne avecl'exemple britannique du Compact.32


L’avenir de la charteActualité des Chartes nationales et régionalesInterview de Jean-Michel Bloch <strong>La</strong>inéprésident de l’UNIOPSS<strong>La</strong> Charte de l’UNIOPSS est-elletoujours d’actualité?Oui ; je ne vois pas pourquoi ellecesserait de l'être. Mais la questionfondamentale de l'évolution desrelations entre l'Etat et les associationsreste, elle aussi, posée,comme demeure ouvert un écart,en la matière, entre les mots et leschoses, les intentions et les réalités.Dans son champ d'action, à cejour, l'UNIOPSS n'a pas constaté nisubi de mauvais changement dansses relations partenariales avecl'Etat. Celles-ci ont joué de façonsatisfaisante s'agissant par exemple,de la réflexion sur les projetsde textes d'application de la loi du 2janvier 2002 où l'Etat nous a écoutés.Comment avez-vous convaincule nouveau gouvernement ?S'agissant de notre Charte, y-a-t-ileu, ici ou là la tentation de renier cequ'avait fait le précédentGouvernement ? Je n'en sais rien.Les controverses ou arrières penséesconcernant la légitimité desassociations ne sont pas prêtes des'éteindre. Si on nous avait dit -cequi n'est pas le cas- que la Chartesignée par le précédentGouvernement n'engageait en rienle Gouvernement actuel, nousaurions fait valoir que cette Charteavait été signée par l'Etat et quecelui-ci perdrait dangereusementde sa crédibilité dans les engagementspris par lui demain. <strong>La</strong>France n'est pas une Républiquebananière.<strong>La</strong> Charte a prévu d'ouvrir septchantiers de travail concerté. Ceprogramme doit être accompli etpersonne, à ce jour, du côté del'Etat, n'a remis cela en cause.Décembre 2002: la région Centre engage "un programme d'actionspour le développement d'activités par les associations" en déclinantla Charte des engagements réciproques du 1er juillet 2001Les associations en région CentreEn Centre, sur 15 000 associations recensées en 1999,60% vivent du seul bénévolat contre 40% qui sontemployeurs: 3,3% ont plus de 50 salariés, 13,1% entre10 et 49, enfin 80,6% ont moins de 10 salariés. Lenombre d'emplois des associations régionales a plus quetriplé entre 1982 et 1997 et se stabilise depuis. Unemploi sur quinze relève, dans le Centre, de la vie associative,un sur neuf dans les seuls services.Sur la base d'une étude réalisée par le CESR dans lecadre du centenaire de la loi 1901, intitulée "les associationsen région Centre: impacts économiques etsociaux", et dans le cadre des orientations formuléespar la Région dans une communication sur la vie associativeen juin 2001, une année de concertation a étéorganisée entre les principales composantes de la <strong>CPCA</strong>pour élaborer les modalités de mise en œuvre de cesorientations (URIOPSS, CROS, CRAJEP, Nature Centre).Le Conseil régional du Centre a donc adopté au moisd'octobre 2002 un programme d'actions qui s'articuleautour de deux priorités:- la signature d'une Charte d'engagementsréciproques avec la <strong>CPCA</strong>;- la mise en place d'un programme d'aideaux projets d'activités associatifs.<strong>La</strong> Charte est considérée comme la méthode préalable àla déclinaison de conventions cadres ou contrats d'objectifspar secteurs d'activités. Devant plus de 80responsables associatifs, elle a été signée le 4 décembre2002.Les programmes d'aides s'inspirent directement, en lesadaptant, des mesures initiées en 2000 en Lorrainecomme le FRAC Association (conseil et ingénierie) et leFonds de garantie bancaire (via un fonds de garantierégional avec France Active et un contrat d'apport associatifpour des interventions en "fonds propres"). Cetteaction met en œuvre par ailleurs un "Contrat AssociatifRégional" qui a pour objectif de favoriser la mise enœuvre d'activités par les associations avec deux volets:1) création d'emploi, aide à la rémunération dégressive;2) développement d'activité, subvention entre 15 et 50K≠ limitée à 50% du coût du projet sur une période detrois ans ou plus. Enfin la première action de valorisationde la vie associative dans le cadre du contrat deplan Etat-région 2000 - 2005 est la mise en place d'unsite Internet "vie associative" en région.Ce caractère très concret du programme s'avère donccrucial pour crédibiliser le sens des engagements de laCharte, la Charte elle-même sorte de "code de bonneconduite" reste indispensable pour définir ce qu'est uncadre partenarial entre des acteurs aussi inégaux. Dansle temps, en effet, les bonnes intentions passent, restealors le risque que la volonté des pouvoirs publics vis-àvisdes partenaires de la société civile s'apparente à uneautorité de fait.Toute l’actualité des régions : http://regions.cpca.asso.fr33


L’avenir de la charte'GETTING IT RIGHT TOGETHER'Compact on Relations between Governmentand the Voluntaryand Community sector in EnglandLe secteur associatif britannique, présenté ici enquelques chiffres, est riche de diversité.Si l'on compte 188.000 Charities déclarées et validéesofficiellement par la Charity Commission, onsitue entre 500.000 et 700.000 le nombre de voluntaryand community organisations, appellation pluslarge pour qualifier les groupes locaux (communitygroup), organisations locales, régionales ou nationales,impliquées dans des actions en faveur des communautéset reposant en grande partie sur le bénévolat.3 millions de bénévoles (volunteers) animentla vie associative au Royaume Uni et 750.000 personnessont impliquées en tant qu'élus (trustee)dans le bureau d'une ou de plusieurs organisation.Le secteur associatif poursuit son développement, se professionnalisantde plus en plus et s'imposant comme unacteur clef dans l'offre de services au public. Conscientes decette réalité, les autorités se sont impliquées dans la définitiond'un nouveau partenariat, tenant compte des atoutsmais aussi des besoins du secteur, de son expertise de terrainet de ses richesses mais également des difficultés qu'ilrencontre au quotidien. <strong>La</strong> première pierre de ce partenariatrenforcé entre Etat et secteur associatif britannique aété posée avec la signature du Compact on Relations betweenGovernment and the Voluntary and Community sector,une charte d'engagement entre les deux parties.Présenté en novembre 1998 devant le Parlement britanniquepar le Secretary of State for the Home Departmentsuite à une demande officielle de la Reine, le Compact entrele Voluntary and community sector et le gouvernement aposé les bases d'une collaboration étroite.Le Compact n'a pas, à proprement parler, de valeur légalemais concrétise l'engagement réciproque de l'Etat au côtédes associations dans la construction d'un véritable partenariat.Un engagement pratiquemais aussi symboliqueTout en préservant la totale indépendance du secteur associatif,le Compact reconnaît la nécessaire complémentaritédes actions du gouvernement et des associations dans l'offrede services au public. Le gouvernement reconnaît égalementle rôle des associations dans la consolidation d'unedémocratie véritablement participative (engagement bénévole,services à la communauté). Ce Compact offre l'occasionau secteur associatif mais aussi au gouvernement dereconnaître la valeur du travail accompli par les milliers debénévoles qui contribuent quotidiennement à l'enrichissementde la vie sociale, culturelle, économique et politiquedu pays.<strong>La</strong> génèsePlusieurs documents clefs ont enclenché une dynamique deréforme des rapports entre l'Etat et le milieu associatif :· le rapport de la Commission Deakin(1996)· le 'Building the Future Together', produit par le <strong>La</strong>bourParty, alors parti d'opposition. En 1997, le nouveau gouvernementtravailliste, sur la lancée des conclusions de cesrapports, entame les travaux préparatoires d'élaboration duCompact. Le secteur associatif s'organise, des rencontresont lieu et confortent le National Council of VoluntaryOrganization (NCVO) dans sa position de représentant. LeGovernment Relations Group -(WGGRS) du NCVO estrebaptisé Compact Working Group et porte la voix du secteurdans les négociations avec le gouvernement (octobre97 à février 98) pour parvenir à une version définitive dudocument présentée devant le Parlement, en Novembre1998. Elément fort de cette construction partenariale, ledocument final présenté par le groupe de travail a égalementété validé par le parti conservateur (parti d'opposition)pour conférer au Compact une dimension bipartitepérenne dépassant le cadre d'un accord avec le gouvernementtravailliste alors en poste.Afin de permettre une consolidation du Compact, un secrétariatpermanent (Working group Secretariat) porté par leNCVO, est crée en Juillet 1999.Le contenu du CompactLe Compact définit, en parallèle aux principes de reconnaissancemutuelle, une série d'engagements pour les deuxparties. En voici les grandes lignesL'Etat : . reconnaît et défend l'indépendance du secteurassociatif. s'engage à tenir compte des recommandationsémises dans le rapport Access to Government funding forthe Voluntary sector en matière de financements publics(une vraie volonté de soutenir le développement du secteur,une politique et des critères clairs, l'élaboration d'outils d'évaluation,le respect des délais de paiements, une informationpermanente sur les changements envisagés par le gouvernementet les ministères concernés, des financementsdans la durée pour permettre une pérennisation desactions, la prise en compte des besoins matériels de fonctionnementdes associations).. plus d'ouverture dans la prise de décisions politiques.Consulter le secteur sur les questions pour lesquellesil a une expertise (avec des calendriers suffisammentlarges pour permettre une véritable écoute du terrain etune analyse pertinente des informations obtenues).Prendre particulièrement en compte l'analyse du secteur enmatière de droits des femmes et plus largement de luttecontre les discriminations.. s'engage à favoriser les relations entre pouvoirspublics et associations notamment lorsque l'Etat est représentépar plusieurs ministères ou départements d'Etat. Plusde transparence et une meilleure communication entre lesservices.. s'engage à participer tous les ans aux travaux desuivi du Compact avec les représentants du secteur associatif. s'engage à favoriser la généralisation du Compactdans les instances locales, régionales et nationalesUn groupe ministériel, présidé par le ministre du HomeOffice, contrôlera la mise en œuvre du Compact au niveaudes pouvoirs publics. Ce groupe est composé de représentantsdes Ministères de l'Intérieur, de la Culture, des Sportset Médias, de l'Education et de l'Emploi, del'Environnement, des Transports et Régions, de la Santé, dela Sécurité Sociale, et des autorités du Pays de Galles, del'Ecosse et de l'Irlande du Nord.De son côté, le secteur associatif s'engage à :. promouvoir des règles saines de gouvernance etde transparence financière pour consolider la confiance dupublic et des donateurs.. respecter les lois en vigueur, notamment la34


L’avenir de la charteCharity <strong>La</strong>w et le rôle de contrôle de la CharityCommission. consulter tous les acteurs clés (bénévoles,bénéficiaires des actions, élus, adhérents) lorsque le secteurest consulté par le gouvernement pour donner sonpoint de vue sur des questions de sociétés.. impliquer le plus possible les bénéficiaires desactions dans le déroulement et le développement des activités. encourager le bénévolat en assurant aux bénévolesune intégration optimale dans les activités de leurorganisation d'accueil. s'engage à participer tous les ans aux travaux de suividu Compact avec les représentants de l'Etat<strong>La</strong> mise en œuvre du Compact dans le milieu associatifsera contrôlé et encouragé par le Compact WorkingGroup, comprenant les représentants des coordinationsassociatives nationales, et des organisations pour lesminorités. Un groupe élargi de 65 organisations appelé'Reference group', échantillon représentatif du milieuassociatif, a également été mis en place pour évaluer leseffets et définir des propositions d'approfondissement duCompact.Le Compact insiste sur la nécessité de considérer avecune attention toute particulière les besoins, demandes etcontributions des groupes locaux (community groups) etassociations représentantes des minorités (Black andminority ethnic). Il est indispensable de les intégrer pleinementdans la vie du secteur associatif pour leur permettrede prendre une part active dans les réflexions etnégociations menées avec les pouvoirs publics. Cet axe depromotion des minorités est coordonné par SIA, l'agencenationale pour le développement des organisations associativesNoires.Les déclinaisons thématiquesdu CompactLe Compact pose le cadre général du partenariat, tenantcompte des multiples facettes et richesses du secteurassociatif. Il est le point de départ qui a permis ensuitedes déclinaisons thématiques beaucoup plus concrètes.L'un des engagements pris lors de la signature duCompact consistait en la réalisation de cinq guides pratiquesqui ont été produits ces deux dernières années :· Funding (Mai 2000 - supplément Novembre 2001). Ceguide des bonnes pratiques en matières de financementdu secteur associatif prend en compte les recommandationdu Access to Government funding for the Voluntarysector et pose des règles de collaboration et de transparence.· Consultation and Policy Appraisal · Volunteering(bénévolat) · Black and Minority Ethnic Voluntary andCommunity Organisations · Community GroupsLes Compacts locauxLe Compact national a défini le cadre général du partenariatEtat - Voluntary sector. Pour enraciner ce partenariatdans la réalité sociale du pays et lui donner toute sadimension, il est nécessaire de lui trouver des déclinaisonslocales.Le lien vital entre les Compacts locaux et les LocalStrategic Partnerships (stratégies mises en oeuvre par lescollectivités) a d'ailleurs été reconnu lors de la 2èmeréunion annuelle de suivi du Compact, en octobre 2001.L'action du gouvernement en matière d'aide à l'insertion apermis une intégration naturelle du Compact dans la vielocale. Ainsi, l'Unité Exclusion Sociale du Cabinet duPremier Ministre a élaboré le programme 'Neighbourhoodrenewal', reposant sur des actions en faveur des populationsNoires et des minorités ethniques vivant auRoyaume Uni. Favoriser l'accès aux nouvelles technologiespour les groupes de quartiers et mettre en place desprogrammes de formation pour leur ouvrir le dialoguepolitique local et leur permettre de trouver leur place dansla communauté. Ce cadre convenait parfaitement à lalogique du Compact et a permis son introduction dans lessphères locales de décision.On comptait 63 compacts locaux en Avril 2002 avec uneaccélération des enregistrements sur l'année 2002. On encompte 140 aujourd’hui sur 320 council locaux. Avec l'appuidu gouvernement pour mobiliser tous les acteurs,l'ensemble des collectivités anglaises devrait être impliquéesdans un compact local d'ici 2005, selon le calendrierdéfini conjointement par le groupe du Compact etses interlocuteurs ministériels.Les compacts locaux recensés sont présentés sur le site 1Internet du Compact ce qui permet un véritable échanged'expériences et encourage les localités non signataires às'engager dans un processus local de négociations avecles acteurs associatifsUn guide pratique Local Compact Guidelines a été publiéen Juillet 2000. Cet outil a été largement diffusé dans lescollectivités pour favoriser une implantation régionale voirlocale du Compact.(1) www.thecompact.org.ukSuivi du CompactUne réunion annuelle permet au groupe de travail duCompact (mandaté par les ONG pour les représenter etcomprenant notamment le NCVO, l'ACEVO , les membresdu sous groupe Black Minority Ethnic ) et aux représentantsdes ministères impliqués de faire le point sur lesavancées du Compact et sa mise en œuvre à l'échellenationale, régionale et locale et de programmer lesactions à engager pour l'année suivante. Trois réunionsont été organisées depuis l'adoption du Compact par leParlement. <strong>La</strong> prochaine devrait avoir lieu en avril 2003.<strong>La</strong> dernière rencontre bipartite a enclenché la productionde documents de travail clés tels que "The Cross-cuttingreview into the Role of the Voluntary sector in the Deliveryof services" et "Private action, Public benefit - A review ofCharities and the Wider Not-For-Profit Sector"- qui est àl'heure actuelle soumis aux commentaires des représentantsdu secteur pour aboutir à une réforme efficace ducadre réglementaire qui régit le secteur associatif (notammenten ce qui concerne la Charity <strong>La</strong>w).Le Compact britannique se consolide, encouragé par unevolonté commune des acteurs associatif et de l'Etat. Il sedécline localement, et se dote de guides pratiques concrets.<strong>La</strong> dynamique enclenchée permet une connaissanceréciproque renforcée. L'Etat intègre les réalités du mondeassociatif, ses richesses et les difficultés rencontrées pourremplir pleinement ses missions auprès du public et s'estengagé à apporter des aménagement significatifs enmatière de loi des association, de fiscalité…Le Compact s'impose progressivement comme une référenceévidente comme en témoigne une proposition -émise par une organisation d'Islington- à l'étude auprèsdu Department for Education and Skills visant à inclure leCompact dans les programmes scolaires d'éducation à lacitoyenneté dans la logique du code sur le bénévolat afinde promouvoir cette forme d'engagement.<strong>La</strong> <strong>CPCA</strong> a rencontré l’éxécutif du NCVO au mois de janvier2003, des relations régulières devraient avoir lieuentre les instances représentatives de la vie associative.Voir l’espace ‘Europe’ sur le site <strong>CPCA</strong>35

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!