Les nouveaux horizons paysansUn petit groupe de citoy<strong>en</strong>s de ce plateauet des <strong>en</strong>virons, consci<strong>en</strong>t des <strong>en</strong>jeux<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>taux et sociaux que représ<strong>en</strong>tela conservation de ce patrimoine, adécidé de se mettre <strong>en</strong> contact avec lesagriculteurs de la région et de leur proposerde constituer une AMAP. Un coupled'agriculteurs a répondu positivem<strong>en</strong>t àcette proposition et l’AMAP des Jardins deCérès a été créée <strong>en</strong> 2003.Ayant constaté que le mainti<strong>en</strong> del’agriculture paysanne <strong>en</strong> Ile-de-France(objet des AMAP) était limité par la déprisedes terres agricoles, la disparitiond’exploitations agricoles et la pressionfoncière, le réseau des AMAP d’Ile-de-France a initié, avec Terre de Li<strong>en</strong>s, uneréflexion pour agir sur le foncier <strong>en</strong> procédantà des acquisitions de terres dans lebut de les mettre à disposition d’agriculteursadoptant un mode de productionrespectueux de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t.Les producteurs de l'AMAP de Cérèsont un profil un peu particulier pour desagriculteurs d’AMAP : ce sont des céréaliersconv<strong>en</strong>tionnels cultivant 240 ha <strong>en</strong>location (ce qui correspond à un schémaclassique <strong>en</strong> Ile-de-France) ; mais, <strong>en</strong> réflexionsur leur mode de culture, ils sesont laissés convaincre d’essayer de fonctionner<strong>en</strong> AMAP sur une petite partie deleurs terres. Au fur et à mesure de leurcontact avec les 180 consom’acteurs del’AMAP, ils se sont <strong>en</strong>gagés dans une démarcheplus respectueuse de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tet de la biodiversité. Ils ont diversifiéleurs cultures destinées à l’AMAP <strong>en</strong>utilisant des techniques biologiques (noncertifiées) et ils augm<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t chaque annéela surface dévolue à l'AMAP.En septembre 2005, 180 ha de terresqu’ils cultivai<strong>en</strong>t ont été mis <strong>en</strong> v<strong>en</strong>te etpréemptés par la SAFER (2). Une partiea été achetée par l’Ag<strong>en</strong>ce des espacesverts (3), une autre par un particulier. Ilrestait 20 ha à acheter pour la somme de144 000 €. Le réseau des AMAP d'Ile-de-France a donc profité de cette opportunitépour concrétiser sa réflexion sur l’acquisitionde terres <strong>en</strong> créant une SCI : la(2) SAFER, organisme d'Etat chargé de favoriser lemainti<strong>en</strong> de la fonction des terres agricoles : une v<strong>en</strong>tede terres agricoles ne peut se faire à un autre usage, <strong>en</strong>principe, que si aucun agriculteur ne se manifestepour l'achat.(3) L'Ag<strong>en</strong>ce des espaces verts est un établissem<strong>en</strong>tpublic régional qui a été créé afin de mettre <strong>en</strong> œuvrela politique régionale <strong>en</strong> matière de protection, demise <strong>en</strong> valeur ou de restauration de milieux naturels,forêts, prom<strong>en</strong>ades, ou <strong>en</strong>core espaces agricoles périurbains.Cet organisme n'existe qu'<strong>en</strong> Ile-de-France.Terres fertilesRécolte collective des pommes de terre à Terres Fertiles, à Saclay, au sud-ouest de Paris...SCI Terres Fertiles ou Société civile pourle développem<strong>en</strong>t d’une agriculture durable<strong>en</strong> Ile-de-France, dont l’objet est lemainti<strong>en</strong> de terres fertiles <strong>en</strong> Ile-de-France.La SAFER leur a fait confiance, leurpromettant la v<strong>en</strong>te des terres s'ils réussissai<strong>en</strong>tà réunir l’arg<strong>en</strong>t nécessaire. Leprojet lui semblait intéressant, viable etpermettant le mainti<strong>en</strong> d’une activitéagricole.Des clausesanti-spéculativesPour maint<strong>en</strong>ir l’aspect militant de laSCI et éviter que des personnes ne s’impliqu<strong>en</strong>tdans ce projet avec des viséesspéculatives, il a été décidé de verrouillerles statuts par deux clauses anti-spéculatives:• une personne = une voix, quel que soitle nombre de parts dét<strong>en</strong>ues (fonctionnem<strong>en</strong>tcoopératif) ;• les plus-values év<strong>en</strong>tuelles rest<strong>en</strong>t propriétéde la SCI et doiv<strong>en</strong>t être utiliséespour des projets conformes aux objets dela SCI.Il a égalem<strong>en</strong>t été décidé de limiter lemontant des parts à 50 €, le but étant :• de permettre au plus grand nombred’être associé à ce projet pour montrerque les citoy<strong>en</strong>s s’<strong>en</strong>gag<strong>en</strong>t dans la gestionde leur territoire et avoir ainsi unpoids politique ;• de ne pas déstabiliser la structure et detrouver plus facilem<strong>en</strong>t un acheteur <strong>en</strong>cas de cession de parts.La SCI a été constituée pour répondredans un premier temps à la problématiquedu plateau de Saclay, mais elle a uncaractère territorial qui lui permet de servirà d’autres projets <strong>en</strong> Ile-de-France.Pour l’achat des 20 ha, il fallait trouver144 000 € (soit 2 800 parts). Les délaiscourts imposés par la SAFER ont obligé àagir vite. Plus de 1100 personnes ou associationsont répondu positivem<strong>en</strong>t auxappels lancés à travers les réseaux et lemontant nécessaire à l’achat des 20 ha surle plateau de Saclay a même été dépassé !Les 20 ha du plateau de Saclay ont étéachetés par la SCI Terres Fertiles le23 décembre 2005.L’initiative a surpris les élus et leursréactions, bi<strong>en</strong> que diverses, ont dansl’<strong>en</strong>semble été favorables.SILENCE N°345 Avril 20076
Complexitéde la gestionLe succès de cette initiative est dû <strong>en</strong>grande partie à une forte implication dedeux militants bénévoles qui ont pris <strong>en</strong>charge la gérance de la SCI. Une des difficultésqu'ils ont r<strong>en</strong>contrées a été la gestionlogistique des courriers, versem<strong>en</strong>ts,questions, vérifications, confirmationspour les 1100 associés. L’organisation dela première assemblée générale a égalem<strong>en</strong>tdemandé un grand investissem<strong>en</strong>t<strong>en</strong> temps (courrier de convocation à <strong>en</strong>voyer,salle suffisamm<strong>en</strong>t grande à trouver,etc.).La première assemblée générale de laSCI, le 1er avril 2006, a rassemblé plus de300 personnes. Un comité de gestion aété créé avec cinq conseillers de gérance.Aujourd’hui <strong>en</strong>core, la SCI reçoit régulièrem<strong>en</strong>tdes demandes d’informationet des personnes continu<strong>en</strong>t à pr<strong>en</strong>dredes parts pour sout<strong>en</strong>ir les futurs projets.Des initiatives comme celle de la SCITerres Fertiles, il <strong>en</strong> existe de nombreusesà travers toute la France. Néanmoins, celle-ciest exemplaire <strong>en</strong> terme de mobilisationde la société civile, preuve que les citoy<strong>en</strong>sont une réelle volonté de part<strong>ici</strong>perà la gestion de leur territoire et demaint<strong>en</strong>ir une agriculture de proximité,créatrice de li<strong>en</strong>s.Pour aller plus loin :les outils de financesolidaire de Terrede Li<strong>en</strong>sDepuis son origine, l'association Terrede Li<strong>en</strong>s s'est voulue plus qu'une associationd'accompagnem<strong>en</strong>t de projets. Elleveut alerter la société civile sur l'importancede conserver un patrimoine ruralvivant et lui permettre d'interv<strong>en</strong>ir <strong>en</strong>sout<strong>en</strong>ant l'accès au foncier. Ainsi, Terrede Li<strong>en</strong>s met <strong>en</strong> place des outils de financesolidaire à l'usage de toutes les personnessouhaitant faire sortir la transmissiondu foncier rural des mécanismesspéculatifs du marché et faciliter l'accèsau foncier pour les porteurs de projet.Ces outils drain<strong>en</strong>t des capitaux afin d'acquérirdes fermes et des terres pour lesmettre à disposition de porteurs de projet.Ils permett<strong>en</strong>t de répondre aux limitesimposées par les structures juridiquesdu type GFA ou SCI : interdictiond'appel public à l'épargne, complexité dela gestion, difficulté à gérer les dons,faible mobilité des parts et risque de déstabilisationde la structure <strong>en</strong> cas de départd'un gros apporteur.Terres fertiles... et toujours des pommes de terre (fertiles !).7SILENCE N°345 Avril 2007Ainsi, la Foncière Terre de Li<strong>en</strong>s, sociétéd'investissem<strong>en</strong>t solidaire, a vu lejour <strong>en</strong> décembre 2006. Cet outil permetde collecter de l'épargne destinée à sout<strong>en</strong>irdes projets d'installation.Un second outil est <strong>en</strong> cours de création,la Fondation Terre de Li<strong>en</strong>s, qui, lui,permettra de recueillir des dons de bi<strong>en</strong>simmobiliers, de valeurs mobilières etd'arg<strong>en</strong>t. Les dons <strong>en</strong> espèces permettront,<strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec la Foncière,d'acquérir de nouveaux bi<strong>en</strong>s et depr<strong>en</strong>dre part au capital de structures collectiveslocales. Les dons <strong>en</strong> nature(fermes et terres) serviront des projets deterritoire respectant les valeurs de Terre deLi<strong>en</strong>s.Ces outils d'<strong>en</strong>vergure nationale sontune réponse aux difficultés de financem<strong>en</strong>tque r<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t les porteurs de projet.Ils ont pour but de maint<strong>en</strong>ir sur lelong terme des activités respectueuses del'Homme et de l'<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t et de permettreainsi à des projets de territoires des'exprimer.Valérie Ros<strong>en</strong>wald et Lorane Verpillot ■Terre de Li<strong>en</strong>sPour de plus amplesinformations, r<strong>en</strong>dez-vous sur :http://www.terredeli<strong>en</strong>s.orghttp://www.larzac.org/http://terresfertiles-idf.org/