Les nouveaux horizons paysansLe terme permaculture correspondsouv<strong>en</strong>t à un concept très large,vague et imprécis. Il nous paraitintéressant d’exprimer à quoi cela correspondpour nous quand on l’emploie, àtravers l’expéri<strong>en</strong>ce que nous <strong>en</strong> faisons.Nous avons d’abord fait connaissanceavec la permaculture avec Emilia Hazelipet la méthode d’agriculture synergétique,puis les livres de Mollison et Fukuoka(voir <strong>en</strong>cart p.14) et <strong>en</strong>suite par des r<strong>en</strong>contresavec des lieux et autres expéri<strong>en</strong>cesfaisant référ<strong>en</strong>ce à la permaculture.A la ferme du Collet, où le projet peutêtre résumé à un lieu de recherche et expérim<strong>en</strong>tation<strong>en</strong> écologie appliquée (1),nous faisons aussi référ<strong>en</strong>ce à cette notionde plusieurs manières.C’est d’une part un mot clé qui rappelleun état d’esprit, d’autre part il nouspermet de résumer une liste de techniquesprécises notamm<strong>en</strong>t agricoles(non-labour, buttes, mulchage, culturesassociées, zonage, plurifonctionnalités,minimiser les intrants…). Nous nous servonsde ce terme aussi comme référ<strong>en</strong>ce àune source d’inspiration à travers lesécrits connus dans ce domaine, celle-ci(1) Voir article plus général sur la ferme du Colletdans le numéro de Sil<strong>en</strong>ce de janvier 2007.La ferme du Collet,La Ferme du Collet, dont nous avons racontél’histoire dans notre numéro de janvier, prés<strong>en</strong>te<strong>ici</strong> son approche de l’agriculture biologiqueet de ce qui va avec…part<strong>ici</strong>pe aux principes fondateurs d<strong>en</strong>otre projet collectif ; <strong>en</strong>fin et surtout <strong>en</strong>référ<strong>en</strong>ce à une culture sociale que l’onréinv<strong>en</strong>te et se réapproprie dans un s<strong>en</strong>splus large.Mais innover, réinv<strong>en</strong>ter, et faire desexpéri<strong>en</strong>ces techniques et culturellesconduit parfois à des erreurs de choix oudes malfaçons, ainsi qu’à des changem<strong>en</strong>tsde cap liés à l’adaptabilité, laquelleest <strong>ici</strong> un moy<strong>en</strong> mais aussi une fin. Celapeut laisser une impression de chaos oude manque de planification au visiteurcritique.Un état d’espritLes choix sont faits <strong>en</strong> ayant toujoursconsci<strong>en</strong>ce de l’impact sur l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t,à plusieurs niveaux : immédiatcomme le cadre de vie visuel, le voisinage,la biorégion et bi<strong>en</strong> sûr la planète.Les processus vivants, biologiques,sont favorisés par rapport aux processustechniques, technologiques, puis ce sontles basses techn<strong>ici</strong>tés qui sont privilégiéesmais toujours dans le s<strong>en</strong>s de l’autonomisation.Exemples : la clôture végétale parrapport à une clôture métallique oumême <strong>en</strong> bois, les animaux auto-nourrisplutôt que nourris, le thermosiphon plutôtque la pompe, un ombrage de plantesvivantes et tant qu’à faire nourrissantes,les activités de production d’autosuffisance<strong>en</strong> v<strong>en</strong>dant les surplus plutôt que laspécialisation.La récupération, le recyclage, la réutilisationsont toujours des solutions favorisées.Principales techniques liées a la permaculture pratiquées a la Ferme du ColletAu niveau de la terre• travail minimum du sol, sans retournem<strong>en</strong>t.Le sol est un milieu vivant dans lequelse déroul<strong>en</strong>t des cycles très importants, fragileset méconnus. Quand on travaille le sol,on bouleverse complètem<strong>en</strong>t ces cycles et lesmicro-organismes qui s’y activ<strong>en</strong>t et, parconséqu<strong>en</strong>t, on détruit plus ou moinssa fertilité.• couverture perman<strong>en</strong>te et organique du sol,vivante (plantes cultivées, <strong>en</strong>grais verts)ou morte (paillage, foin, cartons, sacs de juterecyclés, broyât, laine...) qui permet d’abriteret protéger le sol de la sécheresse, pluie battante,froid, v<strong>en</strong>t... et d’activer énormém<strong>en</strong>tsa vie.• toilettes sèches et compostage de tous lesdéchets organiques, de façon à retournerà la terre tout ce qui <strong>en</strong> provi<strong>en</strong>t.Gestion de l’énergie• choix réfléchi du type d’activité rémunératriceet de l’emplacem<strong>en</strong>t des cultures pouréviter des dép<strong>en</strong>ses inutiles <strong>en</strong> transport.• auto-construction d’habitats bioclimatiques.• panneaux photovoltaïques, chauffe-eausolaires ou à bois.Gestion de l’eau• récupération de l’eau de source et de pluie.• filtres plantés pour épurer les eaux usées.• arrosage directem<strong>en</strong>t avec les eaux peuchargées de vaisselle ou de douche à traversun tuyau percé <strong>en</strong>terré sous les buttesde culture.Marie Clem’sJardin <strong>en</strong> permaculture et systèmed’épuration des “eaux grises”.12SILENCE N°345 Avril 2007Gestion de la forêtLes arbres de notre forêt (ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>tdes pins sylvestres) nous donn<strong>en</strong>t du bois deconstruction (poutres, poteaux...), du bois dechauffage et des fagots de petits branchagespour chauffer le four à pain. Grâce à lui nousutilisons tout, jusqu’à la plus petite brindille.Les c<strong>en</strong>dres retourn<strong>en</strong>t au sol, mais avant,elles peuv<strong>en</strong>t aussi servir pour laver le lingeet comme base pour le milieu de culturede la spiruline.En même temps, <strong>en</strong> abattant les pins, ondégage des feuillus qui pousseront bi<strong>en</strong> mieuxavec plus de lumière. On découvre égalem<strong>en</strong>tdes fruitiers sauvages (aubépines, merisiers,poiriers sauvages...) susceptibles d’être greffés.Trois ans après la greffe, ils comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>tà produire.Projets pour le futur• apiculture <strong>en</strong> ruches rondes <strong>en</strong> paille, sanscadre et sans traitem<strong>en</strong>t.• culture des céréales sans travail du sol.• creusage de serres complètem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>terréesafin de profiter de toute la chaleur de la terre.• plus d’autonomie énergétique avec, sûrem<strong>en</strong>t,une petite éoli<strong>en</strong>ne, turbine hydroélectrique,bio-méthane…Diego Arias ■
expéri<strong>en</strong>ce permaculturelleLes expéri<strong>en</strong>ces traditionnelles peuv<strong>en</strong>têtre de grand secours quand on seretrouve désarmés ou incapables de faireun choix ; par principe de précaution carelles ont souv<strong>en</strong>t fait preuve de pér<strong>en</strong>nité.Les choix ayant plusieurs rôles couvr<strong>en</strong>tplusieurs besoins et s’expliqu<strong>en</strong>t parplusieurs raisons (on dit trois habituellem<strong>en</strong>tdans les docum<strong>en</strong>ts sur la permaculture).La créationd’une culture holisteC’est <strong>en</strong> priorité dans les expéri<strong>en</strong>cesconnues ou les docum<strong>en</strong>ts sur la permacultureque nous recherchons des informationsou techniques lorsque la connaissanc<strong>en</strong>ous manque pour un nouveauprojet.Mais c’est aussi, pour nous, la cocréationde nouvelles bases culturelles d’unesociété de la perman<strong>en</strong>ce (ou plutôt de ladurabilité écologique), d’une manièreint<strong>en</strong>tionnelle, où tous les domaines de lavie sont liés et interdép<strong>en</strong>dants, sanscompartim<strong>en</strong>ter, c’est-à-dire une visionholistique de la vie.En ce s<strong>en</strong>s il s’agit d’une planificationécologique de sa vie <strong>en</strong> tant qu’individu,de la communauté à laquelle on apparti<strong>en</strong>t,du terroir qu’on habite physiquem<strong>en</strong>t,de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t socio-économiqueoù l’on se situe.Le tout explique les parties commedans les processus vivants.Les choix dans divers domaines sontintégrés, symbiotiques pour certains, ontun s<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre eux et s’expliqu<strong>en</strong>t par unecohér<strong>en</strong>ce écologique.Quel que soit le domaine d’applicationque l’on observe, les choix qui <strong>en</strong>découl<strong>en</strong>t <strong>en</strong> aval ou ceux <strong>en</strong> amont peuv<strong>en</strong>têtre vus aussi bi<strong>en</strong> comme une causeque comme une conséqu<strong>en</strong>ce.Comme un puzzle ou chaque pièce asa place mais où ce sont aussi les autrespièces (ou le reliquat de place) qui détermin<strong>en</strong>tla forme de la pièce.Par exemple, des choix alim<strong>en</strong>tairesdiffér<strong>en</strong>ts peuv<strong>en</strong>t expliquer les choix demode de vie, comme le besoin de produiresoi-même sa nourriture pour être sûrde la qualité, dans un <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tisolé exempt de pollution.Marie Clem’sKatia, Bertrand et Françoise, trois des habitants de la ferme du Collet.L’autosuffisance alim<strong>en</strong>taire peutd’ailleurs aussi s’expliquer par nécessitééconomique.Mais le mode de vie plus isolé avecpeu de technologie, peu d’énergie explique,elle aussi, l’ori<strong>en</strong>tation vers unrégime alim<strong>en</strong>taire particulier qui devi<strong>en</strong>talors une nécessité.Autre exemple qui est lié, le choix desortir d’un système de vie professionnalisé,compartim<strong>en</strong>té, ne permettant pasd’avoir de temps pour soi ou pour d’autresactivités, induisant des cercles v<strong>ici</strong>eux deservitudes et d’hétéronomie peut expliquernos modes de vie. Mais dans unsecond temps, une fois l’alternative mise<strong>en</strong> place, le retour à une professionnalisationdevi<strong>en</strong>t impossible comme dans le casde l’alim<strong>en</strong>tation, car le peu de moy<strong>en</strong>sénergétiques, technologiques, une certainemarginalisation culturelle, empêch<strong>en</strong>tun mode de vie professionnalisé.Aussi… l’éducation des <strong>en</strong>fants dansleur milieu, c’est à dire proches ou intégrésau lieu d’activité des par<strong>en</strong>ts oùd’autres adultes sont prés<strong>en</strong>ts, et non pascompartim<strong>en</strong>tés dans un monde scolaire,classés par âge où des notions scolairessont parachutées et arriv<strong>en</strong>t comme uncheveu dans la soupe, est aussi bi<strong>en</strong> unchoix pour les raisons citées qu’une nécessitédue à leur alim<strong>en</strong>tation (“particulière”parmi des alim<strong>en</strong>tés “artif<strong>ici</strong>ellem<strong>en</strong>t”)ainsi qu’à notre souhait d’éviter les longstrajets de montagne pr<strong>en</strong>ant du temps etde l’énergie (physique et pétrolière).Une culture appliquéeà une communautéCette culture appliquée à une communautéd’êtres humains nécessite aussid’arrêter de déléguer les affaires publiques<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant <strong>en</strong> charge et <strong>en</strong> assumant laresponsabilité d’espaces communauxrecréés par le projet collectif.Ainsi se ré-approprier la corresponsabilitéd’affaires communales c’est r<strong>en</strong>drelocales des affaires publiques qui ont étésoit déléguées à un pouvoir d’Etat c<strong>en</strong>tralisé,géographiquem<strong>en</strong>t éloigné de la zoneconcernée, soit volé par des autorités.C’est assumer son rôle politique localem<strong>en</strong>tdans sa société humaine.Choisir de se regrouper <strong>en</strong> communautéshumaines int<strong>en</strong>tionnelles avec uneculture préexistante ou à construire,homogène, avec des protocoles de fonctionnem<strong>en</strong>tcollectifs et des règles d’usa-SILENCE N°345 Avril 200713