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COMMENT EVALUER LE RAISONNEMENT GEOMETRIQUE ...

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Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000 67<strong>COMMENT</strong> <strong>EVALUER</strong> <strong>LE</strong> <strong>RAISONNEMENT</strong> <strong>GEOMETRIQUE</strong> ?Monique Detheux-Jehin, Florent ChenuINTRODUCTIONLes travaux présentés ci-aprèss'inscrivent dans la réforme actuelledu premier degré de l'enseignementsecondaire. Ils ont été réalisés encollaboration avec des enseignantsde mathématiques. L'objectif poursuiviétait d'élaborer un outilconcret d'aide à l'évaluation engéométrie.L'enseignement de la géométriedu début secondaire se caractérisepar le passage d'une géométrieintuitive (caractéristique de l'enseignementprimaire) à une géométrieaxiomatique qui recourt aux définitionset aux propriétés des objetsgéométriques.Les élèves du premier degrésont-ils prêts à aborder cettetransition vers l'abstraction et leraisonnement déductif ? Quellescompétences sont-ils réellementcapables de maîtriser à ce niveaud'étude ?Construire un recueil d' exercicespermettant d'évaluer un spectrelarge de compétences relatives auraisonnement géométrique demandaitde prendre en compte à la fois :• les apports de la recherchescientifique sur le développementdu raisonnement géométrique;• les constats du terrain en ce quiconcerne les difficultés d'apprentissageobservées chez les élèveset les problèmes liés à l'évaluationchez les enseignants;• les exigences des directivesofficielles.Plan de l'articleI. Les options de base1. Ce que dit la recherchea) Le point de vue piagétienb) Le point de vue des van Hielec) La contribution de GUtierez, Jaime et Fortuny à la théorie des van Hieled) Les travaux menés par l'équipe : qu'en est-il de nos élèves ?2. Ce que nous apprend le terrain scolairea) Les performances des élèvesb) Comment les enseignants évaluentc) Ce que demandent les directives officiellesII. Un outil pour mesurer le niveau de raisonnement des élèvesComment évaluer le raisonnement géométrique ?


68 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000I. <strong>LE</strong>S OPTIONS DE BASE1. CE QUE DIT LA RECHERCHEa) Le point de vue piagétienL'approche génétique deInhelder & Piaget (1995) situel'apparition du raisonnementhypothético-déductif au stade desopérations formelles. Les premièresmanifestations de ces raisonnementsapparaissent généralement vers 11-12 ans et se construisent jusqu'à lastabilisation vers 14-15 ans. Seloneux, il existerait des niveaux relatifsau développement des notions dejustification et de preuve. Les élèvesdu degré d'observation sont donc enpleine phase de construction de lapensée hypothético-déductive.Les niveaux proposés sont lessuivants :Niveau 1A ce premier niveau, la déterminationde la véracité d’une propositions'effectue empiriquement. Chaqueexemple est traité séparément etles conclusions locales peuvent êtrecontradictoires. Bien que lesmodèles soient établis empiriquement,cela se réalise sans tentative decompréhension. Au niveau 1, lapensée des enfants est non réflexiveet non systématique, et, de plus, nonlogique.Niveau 2A la fin de ce niveau, les généralisationsinductives deviennent systématiques.Bien que les élèves soientcapables d'élaborer des implications,leur pensée reste encore empiriquepar nature.Niveau 3Les élèves utilisent des raisonnementslogiques pour justifier leurspropositions. Cependant, ces raisonnementsne sont pas nécessairementbasés sur des mathématiquesformelles. C’est seulement auniveau 3 que les enfants sontcapables d’élaborer des déductionslogiques et d’opérer consciemment àl’intérieur d’un système mathématiqueformel.Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000 69b) Le point de vue des van HieleL'approche de Pierre etDina van Hiele est particulièrementintéressante car elle propose unethéorie du développement de lapensée géométrique. Selon cettethéorie, les élèves progressent àtravers cinq niveaux de penséegéométrique (van Hiele, 1959;van Hiele,1986; van Hiele-Geldof,1984) depuis un niveau visuel«gestaliste» jusqu'à des niveaux deplus en plus sophistiqués d'analyse,d'abstraction, de déduction et derigueur mathématique.Le tableau ci-après reprend ladescription de chacun de cesniveaux.Tableau 1 : Les niveaux de van HieleNIVEAU DESCRIPTION EXEMP<strong>LE</strong>Niveau 1de lavisualisationLes élèves perçoivent les objetsgéométriques en fonction de leurapparence physique. Ils raisonnent aumoyen de considérations visuelles(prototypes visuels) sans utiliserexplicitement les propriétés de ces objets.Les élèves considèrent qu'un losange estun losange "parce qu'il est sur pointe" ouqu'une hauteur est une hauteur "parcequ'elle est verticale".Niveau 2de l'analyseLes élèves sont capables d'associer lesobjets géométriques à leurs propriétés.Cependant, ils utilisent une litanie depropriétés nécessaires pour l'identificationet la description de ces objets.Les élèves considèrent qu'un carré est uncarré parce qu'il possède 4 côtés de mêmelongueur, 4 angles droits et que ses côtésopposés sont parallèles.Niveau 3de l'abstractionLes élèves sont capables d'ordonner lespropriétés des objets géométriques, deconstruire des définitions abstraites, dedistinguer les propriétés nécessaires despropriétés suffisantes pour la déterminationd'un concept et de comprendre lesdéductions simples. Cependant, lesdémonstrations ne sont pas comprises.Les élèves considèrent qu'un carré est uncarré parce que c'est un rectangle ayantles 4 côtés de même longueur.Niveau 4de la déductionLes élèves sont capables de comprendrele rôle des différents éléments d'unestructure déductive et d'élaborer desdémonstrations originales ou du moins deles comprendre.Les élèves sont capables de démontrerqu'un parallélogramme ayant 2 côtésconsécutifs de même longueur est unlosange.Niveau 5de la rigueurLes élèves sont capables de travailler dansdes systèmes axiomatiques différents etd'étudier des géométries variées enl'absence de modèles concrets.Les élèves sont capables de comprendredes géométries non-euclidiennes.Source : Clements et Battista. Geometry and spatial reasoning. In Grows (Ed.), Handbook of research onmathematics teaching and learning. New York : Mac Millan Publishing Company, 1992, 420-463.Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


70 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000c) La contribution de Gutierrez, Jaimeet Fortuny à la théorie desvan HieleBien que Pierre et Dina vanHiele considèrent que ces niveauxsoient discrets et hiérarchisés, attribuantainsi un seul niveau à chaqueélève, Burger & Shaughnessy(1986), d'une part, Fuys, Geddes &Tischler (1988), d'autre part, ontconstaté que beaucoup d'élèvesfaisaient référence à des niveaux différentsen fonction du problèmeabordé, et que certaines réponsesreflétaient simultanément deuxniveaux dominants consécutifs. Cecia amené Gutierrez, Jaime & Fortuny(1989) à conclure que, pour avoirune vue complète de l'état deraisonnement d'un élève, il fallaittenir compte de sa capacité à utiliserplusieurs niveaux à la fois au lieu delui en attribuer un seul.Leurs observations les ontégalement amenés à affirmer quel'acquisition d'un niveau spécifiquene peut pas s'installer instantanémentni même rapidement, mais qu'ellenécessite un temps long (des mois,voire même des années).Gutierrez, Jaime & Fortunyont alors quantifié l'acquisition d'unniveau de raisonnement en se basantsur la justesse et la qualité desréponses fournies à différentesépreuves. Une graduation sur uneéchelle allant de 0 % à 100 % estétablie et permet de définir cinqpériodes caractéristiques.Tableau 2 : Les graduations dans chaque niveau selon GutierrezPas d'acquisition : L'élève n'a pas conscience de l'existence de méthodes spécifiques d'un nouveauniveau.Basse acquisition : L'élève essaye d'utiliser les nouvelles méthodes du niveau considéré. Cettepériode est donc marquée par des essais infructueux qui conduisent au retour fréquent auniveau inférieur.Acquisition intermédiaire : L'expérience des élèves augmente. Cette période est caractérisée pardes sauts fréquents et simultanés entre deux niveaux.Haute acquisition : Les méthodes de raisonnement correspondent au niveau considéré, cependantles élèves commettent encore certaines erreurs.Complète acquisition : Les élèves maîtrisent parfaitement les méthodes de raisonnement du niveauconsidéré.Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000 71d) Les travaux menés par l'équipe :qu'en est-il de nos élèves ?Dans une étude menée auprèsde 329 élèves du premier degré del'enseignement secondaire de laCommunauté française de Belgique,nous avons tenté de quantifier lesdegrés d'acquisition des élèves auxdifférents niveaux de raisonnement,afin de dégager quelques caractéristiquesdes démarches deraisonnement des élèves.Le tableau suivant reprend lepourcentage d'élèves réussissant lesquestions du niveau considéré.Tableau 3 : Répartition des élèves testés aux différents niveaux (en pourcentages)Niveaux 1re année 2e annéeVisualisation - - 1Analyse 55 74Abstraction 32 56Déduction 6 11Rigueur mathématique - - 1Si une majorité des élèves(74 %) maîtrisent en fin du premierdegré le niveau d'analyse, onconstate qu'un peu plus de la moitiéseulement atteint le stade del'abstraction. Quant à la capacitéd'élaborer une démarche déductive,seule une minorité d'élèves yparvient. En accord avec la théoriepiagétienne du développement del'argumentation, on constate doncque les élèves du premier degré (12-14 ans) sont en pleine constructiondu raisonnement hypothéticodéductif.Par ailleurs, même si cetteétude reste exploratoire, quelquesconstats interpellants apparaissent àtravers l'analyse des réponsesd'élèves :• La difficulté pour les élèves dequitter une vision prototypiquedes figures et d'utiliser lespropriétés pour définir, vérifier,démontrer.Bien que le niveau de lavisualisation n'ait pas été mesuréen tant que tel, on constate, àtravers les questions évaluant lesautres niveaux, que 10 %d'élèves de deuxième secondairesont encore influencés par lesimages prototypiques (30 % ensixième primaire et en premièresecondaire). Les pratiquesd'enseignement ont un rôleimportant à jouer par rapport à cetype de difficultés. Permettreplus aux élèves de manipuler, deconstruire, d'expérimenter, leurproposer des dessins de figures1Ces niveaux n'ont pas été mesurés, car ils n'étaient pas pertinents à ce niveau d'étude.Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


72 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000géométriques dans des contextesvariés, dans une position nonfigée peut aider à dépasser ceniveau et peut favoriser lerecours aux propriétés.• L'hétérogénéité des niveaux deraisonnement dans une mêmeannée scolaire.Le niveau de conceptualisationatteint par les élèves à un mêmeniveau scolaire varie fortement.On constate une disparitéimportante entre les degrésd'acquisition des élèves. Certainsrestent encore influencés à desdegrés divers par les imagesprototypiques alors que d'autressont capables de faire référenceaux propriétés des figures. Dansl'apprentissage, il faut rendrecompte de cette hétérogénéité,proposer des situationsdiversifiées où chacun pourrafournir ses explications, utiliserses procédures personnelles.L'enseignant aura alors commetâche d'élargir ces notions, de lespréciser, de les structurer, pouramener tous les élèves à desniveaux de conceptualisationplus élaborés. Un enseignement"en spirale", tel que le préconisele programme, se justifiepleinement.• Le niveau de l'abstraction etsurtout de la déduction ne sontqu'en construction au premierdegré secondaire.Il s'agira donc d'amenerprogressivement les élèves àexercer le raisonnement déductif.Les résultats montrent lanécessité de créer des situationsd'apprentissage favorables toutau long du cycle. Les élèvesauront l'occasion de découvrirdes propriétés, de les organiserlogiquement et d'en arriver petità petit à une vraie déduction quipermet d'établir une véritégéométrique. Ainsi se fera unepréparation efficace à la démonstrationformelle du deuxièmedegré.Ces observations montrent àquel point la construction duraisonnement géométrique est lente,et qu'il est essentiel d'acquérirprogressivement et solidement descompétences intermédiaires en proposantdes activités d'apprentissagediversifiées et non de plongerbrusquement les élèves dans lemonde du raisonnement déductifformel sans transition.2. CE QUE NOUS APPREND <strong>LE</strong>TERRAIN SCOLAIREa) Les performances des élèvesUne épreuve exploratoire a étéadministrée à des élèves du début dela deuxième année ainsi qu'uneépreuve parallèle à des élèves dedébut troisième année.Les graphiques qui suiventprésentent respectivement ladistribution des scores des élèvesComment évaluer le raisonnement géométrique ?


Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000 73de début deuxième année et de débuttroisième année 1 . Trois catégories derésultats ont été établies, coloréesdifféremment :blanc :représente l'ensemble des élèves qui n'obtiennent pas au moins 50 % des points et que nousconsidérons comme n'ayant pas acquis les compétences mesurées.gris :représente la frange des élèves dont les résultats se situent entre 50 % et 80 %. Ces élèves sont encours d'apprentissage. La maîtrise n'est pas encore atteinte. L'apprentissage des notions évaluéesdevrait se poursuivre.gris foncé :représente la frange des élèves qui réussissent au moins 80 % de l'épreuve et que l'on considèrecomme ayant atteint la maîtrise.Graphique 1 : Distribution des résultats globaux des élèves du début de la deuxième année20Distribution des scores des élèves2018Pourcentage1614121087101410131596420210-1010-2020-3030-4040-50Scores50-6060-7070-8080-9090-100272 élèvesElèves en échec 43 %Elèves en apprentissage 47 %Elèves en maîtrise 10 %Moyenne : 52,3/100Ecart-type : 21,5/100100 %1Passation en octobre 1997 dans une classe de quatorze établissements de la Communauté française deBelgique (252 élèves de début deuxième année et 302 élèves de début troisième année).Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


74 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000Le pourcentage de maîtrise estfaible (10 %); 47 % de la populationest en apprentissage. Toutefois, 43 %des élèves restent en très grandedifficulté d'apprentissage : ilsn'obtiennent pas la moitié des points.Les notes les plus fréquentes(le mode) se situent entre 60 et 70.Graphique 2 : Distribution des résultats globaux des élèves du début de la troisième année25Distribution des scores des élèves2220Pourcentage151081010131511750320-1010-2020-3030-4040-50Scores50-6060-7070-8080-9090-100302 élèvesElèves en échec 44 %Elèves en apprentissage 48 %Elèves en maîtrise 9 %Moyenne : 51,2/100Ecart-type : 21,9/100100 %La répartition générale des résultats reste fort semblable à celle de débutdeuxième année.Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000 75Tableau 4 : Vision d'ensemble : résultats par domaine de compétenceNiveaux2e 3eMoyenne Ecart-type Moyenne Ecart-typeNotions de base 55 22 54 25Problèmes 44 35 23 25Argumentation 41 27 44 25En deuxième année comme entroisième, la connaissance, lacompréhension et l'application desnotions de base sont relativementmieux maîtrisées que les autresniveaux de compétences; cependant,les résultats obtenus restent faibles(55 sur 100 en deuxième et 54 sur100 en troisième). Par contre, lesperformances des élèves lors de larésolution des situations-problèmeset l'argumentation semblent êtremanifestement très insuffisantespuisque les scores moyens nedépassent pas 44.N'oublions pas que lesprocessus mentaux mis à l'œuvre àces niveaux ne sont plus de simplesapplications de procédures ni lasimple restitution de connaissances,mais font appel au raisonnementhypothético-déductif.Les justifications ont particulièrementattiré notre attention.A titre d'illustration, nous proposonsles résultats aux deux questionssuivantes posées au début de latroisième année.a) Construis un triangle ABC tel que ˆ B = 40° et ˆ C = 70°b) Quelle est la nature de ce triangle ? Justifie...............................................................................................................................................................................................................................................................................Les résultats de la partie b) de la question sont les suivants :Tableau 5 : Résultats pour la justificationPourcentage de réussite 22Pourcentage d'erreurs 52Pourcentage d'omissions 26Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


76 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000FURS est un parallélogramme, I le milieu de RU et G le symétrique de F par la symétrie decentre I.Quelle est la nature du quadrilatère FUGR ? ............................................................................Justifie ta réponse.Tableau 6 : Résultats pour la justificationPourcentage de réussite 2Pourcentage d'erreurs 55Pourcentage d'omissions 43Bien que ces résultats nepuissent pas être considérés commereprésentatifs de l'ensemble desélèves de la Communauté française,ils n'ont pas manqué de nousinterpeller. En effet, la difficulté desélèves à justifier leurs propositionspar des propriétés est flagrante.Maîtriser cette compétence supposeévidemment la maîtrise sous-jacented'un certain nombre de compétencesde base et celles-ci sont loin d'êtreacquises.Ainsi la connaissance et lacompréhension des propriétésgéométriques de base sont largementinsuffisantes. Comment, dès lors,exiger des élèves qu'ils lesmobilisent pour les utiliser dans dessituations complexes ?Par ailleurs, l'argumentationdemande des compétences rédactionnelleset logiques que les élèvesne possèdent pas ou peu. Larédaction de textes descriptifs posedéjà de nombreux problèmes. Or,cette compétence est nécessaire àl'élaboration et à la communicationde raisonnements pour lesquels latâche est encore plus ardue puisqu'ils'agit d'élaborer des textes structuréspar des opérateurs logiques. Demême que pour la connaissance et lacompréhension des propriétés, lamobilisation de ces compétences nepeut être exigée à des niveauxcomplexes de raisonnement aupremier degré secondaire.Ces résultats montrent à quelpoint il est important d'apprendre etComment évaluer le raisonnement géométrique ?


Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000 77d'évaluer les compétences préparatoiresà la démonstration.L'intérêt de cette étudeexploratoire était essentiellement derecueillir des informations utiles àl'élaboration de la brochure d'exercicesd'évaluation. Les informationsrecueillies ont renforcé les premièresorientations.1. Les difficultés immensesrencontrées par la majorité desélèves dans les épreuves derésolution de problèmes et dejustification, préparatoires à ladémonstration, démontrent bienla nécessité de développer aumaximum une progressiond'exercices dans ce domaine.Faire un enchaînement logiquede deux propriétés représenteune difficulté importante. Iln'est pas question, nous semblet-il,d'aborder dans l'évaluationdu premier degré, la formalisationd'une argumentation tellequ'elle se présente dans ladémonstration.2. Bien en amont de celle-ci, ilnous faut déjà égalementenrichir les exercices de typeplus descriptif en amenant lesélèves à plus de rigueur à la foisdans le déroulement de ladémarche de construction, parexemple, et dans l'utilisationdes termes mathématiques.3. La justification par unepropriété mérite aussi toutenotre attention. Les élèves ontsouvent tendance à présenter,comme propriété, des élémentsplutôt descriptifs. Ils n'utilisentguère les mots de liens logiquestels que "parce que", "alors","si". La structuration logiquedes raisonnements est une tâchecomplexe qu'il faudra évaluerdans ces différentes étapes.Globalement, l'expression écrite(description - argumentation)paraît peu familière aux élèves.Ils considèrent ce type de tâchecomme très lourd. Ilss'expriment difficilement.Insistons sur le fait que, plusque n'importe quel autre domaine, lagéométrie exige de la part de celuiqui s'y adonne une connaissance etune compréhension profonde desprérequis et ce, à tous les niveaux depratique. Aussi, il est plus quenécessaire que l'enseignement soitstructuré en spirale et sous-tendu parune pédagogie de maîtrise.b) Comment les enseignants évaluentLes études que nous avonsréalisées (auprès de 75 enseignantsde mathématiques du premier degrésecondaire) ont mis en évidencecertains problèmes dans l'évaluationmenée par les enseignants. Lesconstats importants qui ont étérelevés ont également orienté la suitede nos travaux.Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


78 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000Le mot qui peut le mieuxcaractériser la conception des épreuvesest «variabilité». Les analysesmenées montrent à quel point lesbilans diffèrent les uns des autrestant du point de vue des contenusévalués que dans l'importancerelative accordée aux différentschapitres de la matière.- Le niveau d'exigence dans lesquestions proposées pourévaluer un objectif varie considérablementd'un examen àl'autre au même momentd'évaluation.- On observe également que lapondération en points pour lesdifférents domaines du chapitre"Géométrie" varie suivant lesenseignants et que l'on obtientdes profils de bilans qui sontloin d'être comparables. Lespriorités ne sont pas les mêmesd'un enseignant à l'autre. Cela estvrai, notamment en fin de cycle,alors qu'on s'attendrait à unegrande homogénéité dans lescontenus évalués et dans le niveaud'exigence.- La progression diffère d'uneclasse à l'autre. Dans certainesclasses, le rythme d'apprentissageest beaucoup plus rapide. Celapeut avoir des conséquencesimportantes sur la solidité desacquis des élèves.- Souvent, l'enseignant s'en tient àl'évaluation de procédures etnéglige ce sur quoi insistefortement le nouveau programme :le raisonnement et la mise encontexte significatif.Cette diversité dansl'évaluation met bien en évidenceun fonctionnement normatif del'évaluation : on adapte l'évaluationau niveau de la classe.En outre, on relève régulièrementdes exercices qui mesurentdes compétences allant au-delà desexigences que l'on peut raisonnablementattendre en fin du premierdegré; l'évaluation ne se centre plusalors sur la mesure de la maîtrise descompétences de base.La conception de l'apprentissagereflétée à travers les évaluationsest de type plutôt empiriste et visepeu une construction progressive demodes de raisonnement de plusen plus élaborés. L'apprentissagesemble organisé en fonction d'unelogique centrée sur la matière.La vision de la géométrie àtravers l'évaluation semble assezpauvre et s'accompagne d'un cloisonnementquasi systématique desdifférents concepts géométriques.c) Ce que demandent les directivesofficiellesIl importait de prendre enconsidération les directives duprogramme et d'analyser lescompétences attendues des élèves dupremier cycle secondaire.Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000 79Le programme de mathématiquesdu premier degré préconisel'enseignement "en spirale" quiprévoit un enrichissement et unethéorisation progressive par passagessuccessifs sur une mêmematière."Il prône la pédagogie de larecherche, l'apparition rapide deraisonnements dans l'apprentissagede la géométrie et dans l'étude desnombres, le rapprochement du coursde mathématiques avec les cours desciences et l'utilisation des nouvellestechnologies (calculatrices, ordinateurs).Il attire également l'attentionsur la valeur formative de lagéométrie à travers la modélisationdu monde réel, la constructiond'images mentales, l'initiation auraisonnement déductif et à ladémonstration et, enfin, la mise enplace d'un vocabulaire propre àl'expression d'une raisonnement.Quant aux recommandationsrelatives à l'évaluation descompétences acquises par les élèves,elles sont extrêmement brèves et serésument en ces phrases : "Onévaluera les acquisitions à tous lesniveaux où les matières ont ététravaillées en classe, y compris lesacquisitions sur les notionsélémentaires. On encouragera lesélèves à exprimer, à communiquerleur savoir, si embryonnaire soit-il".Aucune indication précise n'est doncformulée quant aux procéduresd'évaluation à utiliser.Par contre, les directives duprogramme quant aux démonstrationssont claires : "la rédactionécrite des démonstrations n'est pasexigible de tous les élèves". Elles nefont donc pas partie des compétencesà certifier fin du premier degré.Il est donc important detenter de :a. Décloisonner les contenus, etplutôt que de poursuivre unelogique matière, considérer cesdifférents contenus comme unensemble d'outils à réutiliserdans des situations d'applicationou de problèmes.b. Amener progressivement lesélèves à se construire des modesde raisonnement de plus en plusélaborés et de plus en plusefficaces en privilégiant desexercices qui, par exemple,obligent à expliquer une démarche,argumenter, vérifier, ...Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


80 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000II. UN OUTIL POUR MESURER <strong>LE</strong> NIVEAU DE <strong>RAISONNEMENT</strong> EN GEOMETRIEPour réagir face aux constatset problèmes mis en évidence par lesétudes du terrain scolaire, unebrochure d'épreuves a été construite.Son objectif principal est dedévelopper quelques aspects del'évaluation de la compétence desélèves à argumenter leur discours et,plus particulièrement, à utiliser lesstructures du raisonnement déductifdans leur argumentation. Dans cetteperspective, il ne s'agit pas deventiler un ensemble exhaustif descompétences à poursuivre engéométrie au premier degré dusecondaire, mais bien de cerner avecle plus de précision possible lesperformances des élèves à élaborerdes raisonnements géométriquespertinents.Nous avons donc tenté deproposer des exercices d'évaluationpermettant de mesurer les compétencesdes élèves à tous les niveauxdepuis la simple exemplificationjusqu'à la démonstration.Le document retient quatreoptions de base.Le schéma suivant présente lastructure adoptée. Elle tente deprendre en compte et d'articuler lesdifférentes dimensions impliquéesdans les processus de raisonnementgéométrique qui mènent à ladémonstration.Comment évaluer le raisonnement géométrique ?


Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000 81Les compétences spécifiquesrelatives au raisonnement déductifen géométrie planeLOGIQUEComprendre et utiliserles termes logiquesde baseCOMMUNIQUERComprendre et utiliserla terminologie de baseCONSTRUIREComprendre et appliquerdes constructions simplesEtablir des relationslogiques entredes informationsDécrire et rédigerElaborer et structurerune constructionARGUMENTERAnalyser pour élaborerune représentationdu problèmeArgumenter de manièreintuitiveArgumenter demanière déductiveDémontrer(A partir du 2e cycle secondaire)Les compétences spécifiquesétroitement liées à des contenusdisciplinaires ou à des champs deconnaissances particulières jouent unrôle essentiel dans la capacité àrésoudre des problèmes. L'élève doitposséder les connaissances nécessairespour traiter les données duproblème.C'est parce que l'élève disposede connaissances spécifiquesrelatives au réel traité qu'il estcapable d'agir sur ce réel lorsqu'il luiComment évaluer le raisonnement géométrique ?


82 Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000est présenté sous forme de problèmeà résoudre. C'est parce que l'élève ades connaissances spécifiques qu'ilpeut donner à l'enseignant l'occasiond'observer des stratégies de résolutionde problème ou des stratégiesd'action.Dans les situations d'évaluation,il faut donc en vérifier lamaîtrise.Les trois aspects de l'argumentationDans l'enseignement, ladémonstration est conçue essentiellementcomme un produit. "Larationalité que suppose la productiond'une démonstration est déjàsupposée être présente dans la têtedes élèves". Ce que l'on cherche,c'est aboutir à la rédaction d'un textequi remplit certaines exigences denormes, qui partira des hypothèsesfournies pour conduire à la thèse etdans lequel il faudra énoncercorrectement les théorèmes utilisésen articulant logiquement lesdifférentes étapes (Barbin, 1993).Trois facettes nous sont apparuescomme essentielles : l'aspectlogique, l'aspect communication etl'aspect construction.L'aspect logiqueL'argumentation déductiveexige tout d'abord la compréhensionet l'utilisation de concepts de logique.Il faudra ensuite organiserlogiquement des propositions pourarticuler correctement le raisonnement.L'élève doit, pour ce faire,mobiliser ce qu'on appelle la penséeformelle. Celle-ci se manifeste sousdivers aspects :• l'implication logique;• les quantificateurs (tous, tous sauf,quelques, il existe au moins un casoù, aucun...);• les raisonnements (syllogismesélémentaires, formes d'inférencesplus subtiles).La justification de la natured'un objet géométrique nécessiteégalement la compétence de déterminerles conditions nécessaires etsuffisantes pour le définir. En effet,les élèves qui utilisent une litaniede propriétés pour caractériser uncarré, par exemple, éprouveront desdifficultés à prouver que telquadrilatère possède toutes lescaractéristiques envisagées. Savoirdistinguer les propriétés nécessaireset propriétés suffisantes del'ensemble des propriétés d'un objetpermet donc à l'élève de faciliter sesdémarches heuristiques en canalisantles justifications vers l'essentiel.L'aspect communicationLa rédaction constitue égalementune des facettes importantes. Ily a dans la démonstration un aspect"social". L'élève doit être capableComment évaluer le raisonnement géométrique ?


Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000 83d'utiliser de façon adéquate les"langages de la géométrie" (lessymboles mathématiques, les informationsdans une figure, le langagelittéraire) pour communiquer unedémarche structurée.L'aspect constructionLa figure géométrique est déjàune modélisation de la réalité, quis'est constituée progressivement avecses règles et ses conventions. Elleconstitue donc une forme d'abstraction.Elle joue un rôle important dansla résolution de problème. Pendant larecherche, elle peut conduire l'élèveà émettre des conjectures; en fin derésolution, elle donne des indicationssur la validité de la solution.Ces trois aspects apparaissentà deux niveaux dans leschéma ci-avant.Au niveau 1, il s'agit derendre les élèves capables decomprendre et d'utiliser ces outilsdans le contexte géométrique,d'effectuer des applications.Si l'on observe les pratiquesd'enseignement, on constate que l'ona tendance à focaliser les activités degéométrie sur les objectifspoursuivis au premier niveau puis àpasser brusquement aux exercicesformels de démonstration.Au niveau 2, il s'agit, cettefois, de mobiliser les acquis et lesoutils du niveau 1 pour résoudre desproblèmes.L'argumentation• La première étape retenue dansl'argumentation est celle de lareprésentation de la situationproposée : dégager les informationsutiles, identifier lesaffirmations qui constituentl'hypothèse, observer la figureéventuellement donnée, mobiliserles propriétés pertinentes.La phase où l'élève recourt à despreuves empiriques, argumentede manière intuitive (recours à lamesure par exemple), est une despremières productions d'argumentation.Il est intéressantd'évaluer aussi si l'élève utiliseencore cette forme de raisonnementet dans quelles situations.Pour les élèves qui sortent duprimaire, les activités géométriquesont été essentiellement desactivités d'observation, de dessin.On décrit et représente les objetsgéométriques. Les travauxs'appuient sur l'usage des instruments.Il est donc normal que lesélèves accordent aux outils demesure une place importante. Lepassage brusque à une géométriequi se base sur les propriétésn'apparaît pas comme uneévidence pour l'élève et il necomprend pas comment utiliserces propriétés dans des raisonnements.• L'élève doit enfin être capablede recourir à des justificationsreconnues mathématiquement etqui s'inscrivent dans uneComment évaluer le raisonnement géométrique ?


Cahiers du Service de Pédagogie expérimentale - Université de Liège - 3-4/2000 85BIBLIOGRAPHIEBurger, W. & Shaughnessy, J.M. (1986).Characterizing the van Hiele levelsof development in geometry. Journalfor Research in MathematicsEducation, 17, 41-48.Burton, R., Chenu, F., Demonty, I.,Detheux-Jehin, M. (1999). Unemesure du raisonnement en géométrie.Epreuves d'évaluation. Liège :Service de Pédagogie expérimentalede l'Université.Burton, R., Detheux-Jehin, M. (1999). Lesélèves du premier degré secondairesont-ils prêts à démontrer en géométrie? Informations pédagogiques,Ministère de la Communautéfrançaise, Administration générale del'Enseignement et de la Recherchescientifique, Service général desAffaires pédagogiques, 45, 2-16.Burton, R., Detheux-Jehin, M., Fagnant, A.(1997). Comment les enseignantsévaluent-ils la géométrie au premierdegré de l'enseignement secondaire ?Informations pédagogiques, Ministèrede la Communauté française,Administration générale del'Enseignement et de la Recherchescientifique, Service général desAffaires pédagogiques, 38, 15-24.Clements, D.M. et Battista, M.T. (1992).Geometry and spatial reasoming.In D.A. Grouws (Ed.), Handbook ofresearch on mathematics teachingand learning. New York :MacMillan Publishing Company.Fuys, D., Geddes, D. & Tischler, R.(1988). The van Hiele model ofthinking in geometry amongadolescents. Journal for Researchin Mathematics Education.Monograph 3.Gutierrez, A. & Jaime, A. (1991). Analternative paradigm to evaluate theacquisition of the van Hiele levels.Journal for research in MathematicsEducation, 22, 237-251.Inhelder, B. & Piaget, J. (1970). De lalogique de l'enfant à la logique del'adolescent. Paris : PUF.Senk, S.L. (1989). Van Hiele levels andachievement in writing geometryproofs. Journal for Research inMathematics Education, vol. 20, 3,300-321.van Hiele, P.M. (1959). Development andlearning process. Acta Paedagogicaultrajectina, 17.van Hiele, P.M. (1986). Structure andinsight. Orlando : Academic Press.van Hiele-Geldof (1984). The didactics ofgeometry in the lowest class ofsecondary school. In D. Fuys,D. Geddes et R. Tischler (Eds),English translation of selectedwritings of Dina van Hiele-Geldofand Pierre M. van Hiele. NewYork : Brooklyn, 1-214.Comment évaluer le raisonnement géométrique ?

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