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QUE SONT DEVENUS LES MYTHES EDUCATIFS DE L'AFRIQUE ...

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equirements as might be deduced from document we ? This question derives from the WorldBanque’s suggestion that political leaders should take localisation into account as it stands as acounter to globalisation (Banque Mondiale 2000).KEY WORDSMyth. Content analysis. Educational reform. Black Africa. Burkina Faso. Efficiency.INTRODUCTIONLes années d'indépendance ont créé en Afrique noire beaucoup d'espoir en matière dedéveloppement social, espoir maintenu jusqu'aux environs de 1975 selon le PNUD (1997 :.3).L’éducation a été généralement considérée comme la clef principale de ce développementsocial, surtout dans les années 60 (Coombs, 1985). A cause de cette importance qu’elle revêtet du fait que l’éducation est en soi un projet, « l’éducation en Afrique s’est donné comme unterrain favorable au surgissement de l’imaginaire social » (Valléan, 1989) au sens de Ansart(1977). Le présent travail vient à la suite d’une recherche de Valléan (1989) sur la place dumythe (au sens de Barthes, 1957) dans les projets de réforme des systèmes éducatifs enAfrique entre les indépendances et les années 80. Cette recherche avait conclu à l’importanceaccordée aux mythes dans le discours sur l’Ecole Nouvelle telle que celle-ci était envisagée parles responsables africains. Ces derniers puisaient dans le fond imaginaire commun les raisons etles motivations de leurs projets d’éducation et de société. Mais ce fond imaginaire commun a-t-il résisté à la pression de la mondialisation envahissante ainsi que cette mondialisation estcomprise par certains observateurs (Amin, 1996 ; MESSRS et CRDI, 1998 ; Hadjadj, 1998) ?Sinon, que deviennent les mythes éducatifs de l’Afrique dans lesquels les réformes du systèmeéducatif burkinabè en particulier tiraient leurs principes directeurs ?Pour répondre à ces questions, nous définirons d’abord le concept de mythe (pp 2-5) pourposer ensuite le problème de la recherche (pp 5-7). La partie méthodologique définira ce qu’estl’analyse de contenu catégorielle (pp 7-10) et la 4 e partie livrera les résultats de l’analyse (pp10-11). Ces résultats permettront une discussion (pp 11-15) à partir de laquelle on pourraconclure (p. 15).CADRE THEORI<strong>QUE</strong>Qu’est que le mythe ?2


En tant que concept le mythe fait partie de l’imaginaire social défini par Ansart (1977) commeétant « l’ensemble des évidences implicites, des normes et des valeurs qui assurent lerenouvellement des rapports sociaux ». L’imaginaire social regroupe alors les idéologies, lesmythes, les utopies et les mystères (Ansart, 1977). Ces notions constituent des clefs disponiblesqui permettent à toute société de forger l’image qu’elle veut avoir d’elle-même et qu’elle veutdonner à voir aux autres. Cet imaginaire social a pris de l’importance dans les nationsanciennement colonisées d’Afrique, condamnées pour ainsi dire à s’affirmer face au reste dumonde et, en particulier, face à l’ancien colonisateur. Comme objet de connaissance, le mythefait partie de la sémiologie, ou science des signes, dont le problème central est la signification(Barthes, 1957), c’est-à-dire « au sens large, interprétation attribuée à un signe quelconquedans un contexte donné » (Raynal et Rieunier, 1997). Or, dans tout système sémiologique, il ya un rapport entre trois termes différents qui sont le signifiant, le signifié et le signe. Pour lalangue, considérée comme système sémiologique, les termes sont ainsi appréhendés :Le signifiant est l’image acoustique, d’ordre psychique (tel le son [arbr] en français) sur lequelun groupe de locuteurs d’une langue s’entend par convention pour lui donner un sens. Lesignifiant change d’une langue à une autre.Le signifié est le concept de manière générale. Par exemple [arbr] est un concept en françaisqui renvoie à plusieurs types d’arbres.Le signe est le total associatif du signifiant et du signifié.Or, pour Barthes (1957), le mythe est une parole (aspect individuel et actuel du langage) et unlangage (la faculté humaine de communiquer au moyen de signes) . Selon Barthes (1957), « onentendra donc, ici désormais par langage, discours, parole, etc., toute unité ou toutesynthèse significative, qu’elle soit verbale ou visuelle ». Dans ce sens, tout ce qui est formepeut être investi par le mythe, comme « le discours écrit, mais aussi la photographie, lecinéma, le reportage, le sport, les spectacles, la publicité, tout cela peut servir de support à laparole mythique ». Ce sont autant de formes qui peuvent être saisies par le mythe en tant queparole, sur le modèle tridimensionnel de la sémiologie et cela dès lors que le langagelinguistique (que Barthes appelle langage-objet) devient le point de départ d’une secondechaîne signifiante elle aussi tridimensionnelle. Le signe (terme final de la chaîne linguistique)saisi par le mythe devient un nouveau signifiant , premier terme de la nouvelle chaîne (Barthesle nomme forme).3


Le second terme du mythe, correspondant du signifié linguistique, est appelé concept et ledernier signification. C’est cette parole ainsi reconstituée qui est la parole mythique et non pasla forme qui porte le mythe. En d’autres termes, ce n’est pas l’objet du mythe qui le définitcomme mythe, c’est l’intention qui est toujours une déformation du signe linguistique (unajout de sens) (Barthes, 1957).De fait, tout objet, toute forme, est susceptible d’être récupérépar le mythe. Il suffit que le mythe ajoute au sens propre un sens mythique. Le mythe quifonctionne en fait comme un second langage par rapport à celui de la langue est dit être unmétalangage (un langage sur le langage) par glissement de sens.Fonctionnement du mytheComme métalangage, le mythe est déboîté par rapport au système de la langue comme lemontre le schéma ci-dessous. Il part du langage et le déforme. Le mythe vide le langage de sonsens immédiat et le remplit d’un sens médiat, qui en est un dérivé, un plus déformé, doublé. Lemythe donne au langage un fonctionnement double qui lui permet d’avoir un jeu de cachecacheentre le sens premier et le sens second. C’est ce jeu de cache-cache, qui ne cache rien etqui ne révèle rien non plus, qui définit le mythe. Ce fonctionnement transforme ce qui esthistorique en ce qui est naturel, le mythe fait comme si les choses ont toujours été ainsi. Mircéa(1957) dira que le mythe se contente de dire la nature des choses. Sa nature n’est jamais deproblématiser mais de constater, ni de nier mais d’affirmer et cette affirmation a valeurd’explication. C’est ce qu’affirme Valabrega (1980) lorsqu’il écrit que tout mythe vise à uneexplication du monde et est donc d’essence gnoséologique. Le mytheagit comme un révélateur en remplaçant la complexité des actes par la simplicité des essencessous forme de vérités entendues et de fausses évidences, de constats indiscutés et de pétitionsde principes, de tautologies circulaires et de phraséologie officielle que personne du reste nesonge à questionner. En effet, qui ne serait d’accord qu’une femme est une femme ? Quirefuserait que nos ancêtres furent de braves hommes ? Qui ne voit que les Blancs sontdifférents des Noirs ? etc.4


1 signifiant2 Signifié3 SigneI FORMEII CONCEPTIIISIGNIFICATIONSur ces fausses évidences ou ces vérités circulaires , la littérature noire par exemple a tenté, àtravers notamment le mouvement de la Négritude (entendu comme « la simple reconnaissancedu fait d’être noir », Kesteloot, 1992), de définir le noir en l’opposant au Blanc, le colonisé enl’opposant au colonisateur (Hadjadj, 1998). Certains de ces écrivains noirs ont pour ainsi direpeint des figures mythiques dans le but de les donner en exemple à leur peuple. Tel fut le cas deNiane (1960) dans son livre « Soundjata ou l’épopée mandingue », œuvre qui relate l’histoiremerveilleuse de « l’homme aux multiples noms contre lequel les sortilèges n’ont rien pu », ouplus récemment, Ndao (1985) dans « l’exil d’Albouri » (roi noir qui a régné au XIXe siècle auSénégal) qui déclare que « mon but est de créer des mythes qui galvanisent le peuple etportent en avant, dussé-je rendre l’histoire plus historique ». On le voit bien, il s’agit deprélever dans l’imaginaire collectif, la force qui justifie l’action et qui y pousse. Car, écritCaillois (1978), « le mythe appartient par définition au collectif » et il « justifie, soutient etinspire l’existence et l’action d’une communauté, d’un peuple, d’un corps de métier ou d’unesociété secrète ».5


Au total, on peut donc constater que de MINEDAF I en 1961 à MINEDAF VII en 1998,l’Afrique est passée de l’optimisme des premières années d’indépendance au désenchantementlié à la crise économique après les euphories des années 60. Les espoirs dans la mise en placed’une école imaginée par les Africains sont chaque fois reportés à plus tard. De plus lecontexte actuel que traverse l’Afrique dans son ensemble ne semble pas laisser une place aurêve. Les pays d’Afrique sont en effet confrontés à la démographie galopante, au poids de ladette, à l’instabilité politique, à la chute des prix des matières premières sur le marché mondial(UNESCO, 1995). Ces différentes raisons expliquent sans doute pourquoi en matière deprojets d’éducation, les objectifs sont devenus plus modestes comme cela se remarque à partirde MINEDAF VI en 1991.Dans un tel contexte de mondialisation de l’économie, y a –t-il encore de la place pour lesmythes africains des années d’indépendance dans les projets de réforme ?Telle est la question à laquelle cette recherche ambitionne de répondre.METHODOLOGIECe chapitre est consacré d’une part à un exposé de la méthodologie utilisée et, d’autre part, àla présentation du texte sur lequel sera faite l’analyse.Qu’est-ce que l’analyse de contenu de manière générale et par suite, qu’est ce que l’analyse decontenu catégorielle ?Globalement, « L’analyse de contenu est un ensemble de techniques d’analyse descommunications » et par communication il faut entendre « tout transport de significationd’un émetteur à un récepteur » (Bardin, 1977). En quelque sorte, « tout ce qui est dit ou écritest susceptible d’être soumis à une analyse de contenu » (Bardin, 1977).La technique utilisée dans la présente étude est l’analyse de contenu catégorielle qui « vise àprendre en considération la totalité d’un texte pour le passer à la moulinette de laclassification et du dénombrement par fréquence de présence (ou d’absence) par item desens » (Bardin, 1977). Dans ce sens, l’analyse de contenu catégorielle définit des catégories declassement, c’est-à-dire « sortes de casiers ou rubriques significatives, permettant laclassification des éléments de signification constitutifs du message » (Bardin, 1977).8


L’analyse de contenu catégorielle choisit des indicateurs qui sont la présence, l’absence, lafréquence.La présence est la mention explicite d’une unité de comptage (le mot, la phrase, le thème, etc.).On parlera d’absence en fonction de l’attente d’une unité de comptage qui n’apparaît pourtantpas et la fréquence est le nombre de fois où apparaît une unité de comptage (Bardin, 1977).Dans notre étude, l’unité de comptage est le thème, c’est-à-dire « une unité de significationcomplexe, de longueur variable…Une affirmation mais aussi une allusion peuvent constituerun thème » (D’Unrug, 1974). Le thème peut être aussi un événement, un personnage (acteurou actant), un objet ou un référent. Dans la présente recherche, le thème est un actant tel quecelui-ci est défini dans le schéma actantiel que postule que les personnages dans un récit donnéont des fonctions et « par fonction, nous entendons l’action d’un personnage, définie du pointde vue de sa portée significative dans le déroulement du récit » (Propp, 1970). Ce que Proppnomme fonction est appelé par d’autres actants (Uberfield, 1966), d’où le terme de schémaactantiel ou schéma de quête (Piret, Nizet et Bourgeois, 1996). L’actant peut être un êtresurnaturel (Dieu, Eros, la Cité, etc.) ou même une abstraction (la Liberté, la Sagesse, la Foi,etc.), un personnage collectif (le chœur antique) ou un simple individu (le Roi par exemple).Un actant peut assumer simultanément ou successivement des fonctions différentes. Il peut êtrescéniquement absent , mais sa présence textuelle peut être inscrite dans le discours d’autressujets de l’énonciation (Uberfield, 1966).Le schéma actantiel se présente de la manière suivante:Destinateur Sujet DestinataireAdjuvant Objet OpposantLe Destinateur est celui qui destine, qui donne un Objet recherché (le Développement, la Paix,l’Abondance matérielle ou le Bonheur moral...) à un Destinataire (une Société donnée, ungroupe précis, un Héros...) Le Sujet est l'acteur mandaté par le Destinateur pour conquérirl'Objet de la quête au profit du Destinataire. Il a, pour l'aider, un Adjuvant qui lui signale lespièges et contre lui un Opposant, c’est-à-dire le héros négatif dont la fonction consiste à créerdes obstacles au Sujet.9


Faire de l’analyse actantielle consiste donc à distribuer l’ensemble des personnages d’un récitentre ces 6 fonctions. C’est de type d ‘analyse qui est appliquée sur le texte décrit ci-après.Texte à analyserL’analyse de contenu a porté sur un texte relatif à l’Université de Ouagadougou telle qu’elledoit être au XXIe siècle (MESSRS et CRDI, 1998), texte issu d’une rencontre sur l’efficacitéde l’Université de Ouagadougou en 1998. Pourquoi avoir choisi ce texte ?Une première raison est que la rencontre dont il est question a regroupé la plupart des acteursde l’enseignement supérieur du Burkina Faso, c’est-à-dire les responsables du ministère detutelle et des ministères impliqués en plus des enseignants et gestionnaires de l’université. Ilssont par ailleurs appuyés par le Centre de Recherche sur le Développement International(CRDI) sur le double plan technique et financier.Une deuxième raison est que la dite rencontre est la dernière après une série d’autresrencontres sur l’enseignement supérieur comme celle de Saria en 1988, à Bobo Dioulasso en1992, les Etats Généraux de l’éducation en 1994, etc. Ce texte capitalise ainsi les réflexionsmenées antérieurement et fait des propositions pour rendre l’Université de Ouagadougouefficace..La troisième tient au fait que les débats de ce séminaire évoquent pour la première foiscertaines questions jusque là ignorées ou méconnues par l’université, comme la mise en causedes enseignants dans l’évaluation des apprentissages, l’efficacité externe de l’université,l’implication de la société civile dans la gestion de l’université, etc.La quatrième raison importante est que le processus de la refondation de l’Université deOuagadougou, entreprise depuis 2000 dans le sens de la professionnalisation des filièresd’études, suit les recommandations issues de cette rencontre.Le texte est un document de 241 pages organisé en 7 chapitres.Le premier chapitre fait un exposé sur l’efficacité interne de l’Université tandis que le deuxièmes’intéresse à son efficacité externe. Le troisième chapitre est consacré à la recherche utilitaire etle quatrième a trait aux prestations de services faites par les enseignants au profit des sociétésde la place. Le cinquième chapitre parle du financement de la recherche en Afrique et lesixième porte sur les nouvelles technologies. Le septième tire parti de tous les autres pour direce que doit être l’Université de Ouagadougou au XXIe siècle.Le résultat de l ‘analyse est consigné dans le tableau suivant.10


Adjuvant1 Réformesƒƒƒadministrativespédagogiquessociales2 La coopération nationale etinternationale3 L’expertise nationale etinternationale118ƒ 51ƒ 57ƒ 3498664 Les moyens matériels 625 les NTIC 556 l’Etat burkinabè 297 la mondialisation 21 Insuffisance matérielles et humaines112L’identité culturelle àtravers les languesnationaleLa réforme politique(socialisme africain,révolution)Opposant2 Problèmes d’organisation et degestion3 Difficultés liées aux approchespédagogiques et aux effectifs59734 Problèmes de partenariat 785 la mondialisation 226 l’Etat burkinabè 7L’opposition Noirs-BlancsDISCUSSION <strong>DE</strong>S RESULTATSLa discussion des résultats se fera en deux temps. Dans un premier temps, la comparaison sefera actant par actant et, dans un deuxième temps, on procédera par groupe d’actants.On constate qu’il y a , en termes de présence, 3 Destinateur que sont la mondialisation, lesinstitutions internationales et la société burkinabè (de façon indivise). Dans le texte de 1998soumis à l’analyse, ce sont ces trois actants qui déterminent les règles du jeu du changement àadopter pour l’Université de Ouagadougou du XXIe siècle. Ce n’est plus la Tradition desancêtres (comme dans les réformes antérieures ) qui inspire les actions et les attitudes. Il n’y aplus de référence à la société et au modèle traditionnel. La société est devenue ici la voix12


anonyme, c’est-à-dire l’approbation ou la désapprobation populaires que sont les utilisateursdes diplômés et l’opinion nationale. Le modèle marxiste ou la révolution (réforme de 1986 auBurkina Faso) a aussi disparu.Sous l’angle de la fréquence, c’est la mondialisation (citée 88 fois) qui est le prescripteur dela réforme alors que cette mondialisation est décrite comme gommant les identités locales auprofit de la pensée unique, laquelle instaure « une culture de la compétition à l’université »avec ses règles que sont la concurrence acharnée et l’efficacité dans le cadre du villageplanétaire (MESSRS et CRDI, 1998). L’importance accordée à la mondialisation se renforcequand on considère les autres actants.Le Destinataire, c’est-à-dire le bénéficiaire de la réforme envisagée, sont au nombre de troisdans le texte de 1998. Le premier bénéficiaire est constitué par les étudiants à condition qu’ilssont efficace et compétitifs pour devenir « citoyens du monde » (MESSRS et CRDI, 1998 :154), c’est-à-dire « stratèges économistes », « gestionnaires les plus efficaces » (MESSRS etCRDI, 1998 : 151), « ayant un sens du business » (MESSRS et CRDI, 1998 : 153), qui « sontplus autonomes, prennent davantage d’initiative pour résoudre des problèmes, s’adaptentplus facilement à l’évolution des circonstances… » (MESSRS et CRDI, 1998 : 163). Lasociété est aussi bénéficiaire mais c’est la société indéterminée, indivise qui se confondquelquefois avec l’Etat. Dans les précédentes réformes, le bénéficiaire était avant tout lespopulations des zones rurales grâce à la promotion collective et au développement prioritairedes zones de campagnes (réforme de 1967 en Tanzanie, réforme de 1979 au Burkina). On neretrouve plus les idées généreuses des années 70 (Coombs, 1985) mais le discours impitoyable« rude, voire féroce » (MESSRS et CRDI, 1998 : 151) de la compétition et de la concurrenceimparfaite imposée aux Etats et aux individus sommés de savoir « vendre » et « se vendre »(MESSRS et CRDI, 1998 : 149).L’Objet de la quête qui est l’efficacité de l’Université de Ouagadougou du XXIe siècle (citée175 fois) a varié. Dans les réformes analysées en 1989, il s’agissait de passer par l’EcoleNouvelle pour renouer avec le passé ancestral (ce fut le rôle de la Ujama’a, ou familletraditionnelle, dans la réforme de 1967 en Tanzanie), condition d’une efficacité économique(Ecole productive) et politique (indépendance politique). L’objet était essentiellement unequête collective de nature à la fois politique , culturelle et économique. Mais le cultureldominait le reste. Dans le texte de 1998, il est question de jouer aux règles de l’avenir pours’insérer dans « le village planétaire » (MESSRS et CRDI, 1998 : 150). Ces règles sont avant13


tout économiques ; il s’agit d’être compétitif, stratège, efficace. La mondialisation est venuepour « la fin des idéologies » et « la chute de la société comme modèle d’ordre etd’intégration », « dans l’économie mondiale qui est en train de naître » (MESSRS et CRDI,1998 :151 et 154).Le Sujet de la réforme est avant tout l’Université de Ouagadougou, entendue au sens d’uneinstitution dispensatrice de compétences, lieu de la connaissance scientifique personnifiée. Lesenseignants-chercheurs, à travers les activités d’enseignement, de recherche et de prestation deservice, accompagnés par des institutions comme le CRDI, sont les principaux acteurs de laréforme attendue. Ce qu’on remarque, c’est que le sujet est avant tout un expert, détenteur decompétences attestée. Ce fait contraste avec les sujets des réformes précédentes qui étaientavant tout des politiques, des idéologues visionnaires au service d’une cause nationale, motifde la quête. Ils agissaient comme leaders politiques (la réforme de 1967 en Tanzanie suivait lesidées-guides de Nyéréré, président de la Tanzanie à cette époque ; la réforme de 1986 auBurkina était inspirée par le gouvernement révolutionnaire de Thomas Sankara, etc.). Al’opposée, le sujet de 1998 est d’abord un technocrate, cherchant à inventer, innover, imaginerdes solutions inédites (MESSRS et CRDI, 1998 : 163). Des mots comme nouveau, inédit,original, inventer, imaginer, etc., sont répétés 36 fois dans le texte.L’Adjuvant, celui qui aide le sujet dans sa quête, était, dans les textes analysés en 1989,l’interprète d’une idéologie qui faisait de lui un indicateur, un guide montrant la voie à sonpeuple. Il remplissait sa mission de guide à travers le plus souvent un organe politique (lerenouveau National en 1979 au Burkina, Le TANU en 1967 en Tanzanie). Dans le texte de1998, l’aide est plutôt technique et matérielle et dépend d’une volonté de réforme qui mettraitl’université sur la ligne de départ de la conquête et de la compétition. Le succès de la réformedépend alors des enseignants, de la coopération nationale et internationale, des NouvellesTechnologies de l’Information et de la Communication envisagées comme des instruments dela mondialisation et qui créent pour l’université « comme une opportunité », « une solution àcertains problèmes internes » (MESSRS et CRDI, 1998 : 151). L’aide espérée est doncintellectuelle et matérielle et non plus idéologique.Dans les textes de 1998, l'Opposant est surtout matérielle, organisationnelle et pédagogique àtravers « la cécité des enseignants »(MESSRS et CRDI, 1998 : 11). La mondialisation est elle-14


même interprétée comme étant un contexte difficile imposant des mesures d’austérité commeles PAS et les dévaluations des monnaies (MESSRS et CRDI, 1998 : 151). Cettemondialisation défavorise les petits Etats comme le Burkina à travers la concurrence imparfaiteféroce du jeu économique qui n’est autre qu’une forme déguisée de la guerre militaire car « lesstratèges militaires sont remplacés par des stratèges économistes » dans le cadre de cettemondialisation (MESSRS et CRDI, 1998 : 151). La conséquence, c’est la marginalisation despays pauvres. La plupart des Etats se trouvent dès lors dans l’incapacité de faire face auxbesoins de leurs peuples. Par exemple, le manque de perspective imposé par la mondialisationcontraint les étudiants à négliger le travail universitaire au profit des grèves et des fraudes auxexamens.Cette première partie de l’analyse, actant par actant, fait bien ressortir l’importance de lamondialisation dans le texte de 1998 qui agit désormais comme principe fondateur(Destinateur) des projets d’éducation et de société. La mondialisation est aussi Adjuvant entant que opportunité à travers notamment les NTIC mais aussi Opposant à travers laconcurrence imparfaite. L’importance accordée à la mondialisation se renforce quand on faitune analyse par groupe d’actant et par axe de sens.L’axe Destinateur Destinataire est appelé dans le schéma actantiel l’axe idéologique. Ilindique à qui , idéalement, devraient revenir les biens matériels ou immatériels disponibles ou àproduire dans une société. Ainsi, dans le texte de 1998, on constate, en termes de fréquence,que la mondialisation (88 fois répétée comme Destinateur) destine en priorité la réussitereprésentée par l’efficacité dans l’université du XXIe siècle, à l’étudiant efficace, stratège,technocrate, compétitif (cité 175 fois). Ainsi, le principe fondateur (la mondialisation), sonObjet et son Destinataire idéal ont d’abord des attributs économiques. Dans les textes analysésen 1989, le Destinataire idéal était la population et surtout la population déshéritée des zonesrurales (réforme de 1979 , réforme de la Tanzanie en 1967).L’axe Opposant-Adjuvant est, dans le schéma actantiel, celui de la lutte et il indique la naturedes forces en conflit dans une société. Dans le texte de 1998, l’Opposant est surtout d’ordrematériel et l’Adjuvant d’ordre organisationnel. Cela revient à penser que les problèmes de15


l’Université de Ouagadougou relèvent de la pauvreté économique d’abord. Dans les textesanalysés en 1989, l’axe Opposant-Adjuvant est animé par le couple Noir-Blanc. C’était doncun problème de personne et de système, de politique et de culture.L’axe Sujet-Objet est celui de la quête. Il indique qui est idéalement mandaté pour procurer àune société ce dont elle a besoin. Dans ce sens, l’axe Sujet-Objet est aussi celui du pouvoirdans la mesure où le Sujet mandaté reçoit une délégation de pouvoir qu’il exerce au nom duDestinateur. Dans le texte de 1998, le Sujet est d’abord un expert (l’université dispensatrice desavoir, les enseignants-chercheurs pour leurs compétences scientifiques). L’Objet recherché,l’efficacité, est lui aussi du même ordre et comprend des capacités comme la créativité, lacompétitivité, « la manipulation des symboles » (MESSRS et CRDI, 1998 :151-152). Cescapacités dressent le portrait-robot d’un économiste technocrate . Dans les réformesantérieures, le Sujet était d’abord un idéologue et l’Objet recherché était idéologique.CONCLUSIONLe Socialisme africain, la culture traditionnelle ou la révolution de type marxiste ont constituéun moment les échelles de valeurs où les idéologues-guides africains allaient puiser inspirationet légitimité pour refaire l’école. Désormais, la mondialisation surdétermine tout. Or, cettemondialisation est d’essence économiste et « marque la fin des idéologies » (MESSRS etCRDI, 1998 : 151). La générosité des premières réformes fait place à la concurrence déloyaleimpitoyable du contexte de la mondialisation.A l’analyse comparée des discours issus des textes d’avant 1989 et de celui de 1998, il ressortl’impression d’une dérive économiste où les hommes pourraient devenir des jouets de forcesextérieures au nom des principes économiques.En effet, l’efficacité qui est l’objet principal de l’université du XXIe siècle est un conceptpropulsé par les experts de la Banque Mondiale selon Sall (1996 : 93). Or, l’efficacité est uneaffaire de technocrates et de comptables (Cazalis, 1988 : 17-18) de gestionnaires froids et nond'idéologues et de rêveurs (MESSRS et CRDI, 1998 : 151-152).il est à remarquer que l'Afrique semble perdue dans le contexte de la Mondialisation. Elle nesait plus contre qui lutter. La Mondialisation est perçue à la fois comme une chance grâce aux16


perspectives nouvelles qu'elle ouvre à travers les NTIC et comme un défi à travers lesprogrammes d'austérité que sont la dévaluation des monnaies locales et les politiquesd'ajustement structurel dont les bilans restent mitigés (ACCT, 1992 : 47-48).Une remarque a trait aux silences du texte de 1998 sur les exigences sociales exprimées toutautant par la Banque Mondiale à travers le concept d'équité défini en rapport avec la façondont les avantages des investissements éducatifs sont redistribués entre les différents membresde la société (Psacharopoulos et Woodhall, 1988 : 259-300; Sall et De Ketele, 1997 : 132-138). Le texte semble ainsi pousser trop loin dans le sens d'une Mondialisation comme penséeunique irrésistible (MESSRS et CRDI, 1998 : 152) alors que la Banque Mondiale insiste deplus en plus sur la Localisation comme autre dynamique contraire à la Mondialisation et quireprésente l'aspiration des peuples à l'autonomie et à la spécificité (Banque Mondiale, 2000 :33). Le Burkina Faso et partant l'Afrique gagneraient t-ils donc à abandonner leurs idéologieset sleur spécificité au profit de la pensée unique du monde qui vient ?REFERENCES BIBLIOGRAPHI<strong>QUE</strong>SACCT (1992). Contraintes de l’Ajustement Structurel et avenir de l’éducation et de laformation dans les pays francophones en développement. Bordeaux : ACCT.AMIN, S. (1996). Les idées de la mondialisation. Paris : l’Harmattan.ANSART, P. (1977). Idéologies, conflits et pouvoir. Paris : PUF.BAN<strong>QUE</strong> MONDIALE (2000). Le développement au seuil du XXIe siècle. Rapport mondialsur le développement dans le monde, 199-2000. Washington: Editions ESKA.BARD1N, L. (1977). L’analyse de contenu. Paris: PUF.BARTHES, R. (1957). Mythologies. Paris : Editions du Seuil.CAILLOIS, R. (1978). Le mythe et l’homme. Paris : Gallimard.CAZALIS, P. (1988). Les préalables politiques et méthodologiques à l’application de lanotion de productivité dans les établissements d’enseignement supérieur. In OC<strong>DE</strong>(Ed.), La notion de productivité dans les établissements d’enseignement supérieur(pp.17-37). Sillery : Presses de l’Université du Québec.17


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