Après développem<strong>en</strong>tActualité de la p<strong>en</strong>séede François PartantAprès une carrière d'expert <strong>en</strong> développem<strong>en</strong>t, François Partant (1926-1987)était dev<strong>en</strong>u un critique très radical du modèle économique dominant. Dansla période d'incertitude extrême où nous nous trouvons actuellem<strong>en</strong>t, laperspicacité de ses analyses jette une lumière nouvelle sur les problèmesque pose l'évolution de nos sociétés.Remettant tout à la fois <strong>en</strong> cause lesnotions de croissance, de développem<strong>en</strong>tet même de crise, prônantdes ruptures drastiques pour <strong>en</strong>rayer l'exclusionde populations de plus <strong>en</strong> plusnombreuses (dans le tiers-monde commedans les pays industrialisés), FrançoisPartant propose une alternative socioéconomiquerespectant les règles de ladémocratie, de l'écologie et du droit autravail de tous.Lorsque parut Que la crise s'aggrave,un titre aussi provocateur ne pouvait quedéplaire à beaucoup. François Partants'<strong>en</strong>gageait là dans une voie catastrophisteque beaucoup lui ont reprochée ; àsavoir que les difficultés connues actuellem<strong>en</strong>tpar l'Occid<strong>en</strong>t, notamm<strong>en</strong>t le chômage,ne peuv<strong>en</strong>t pas trouver de solutiondans le cadre d'un système économiquequ'on ne veut ni ne peutchanger. La crise doit alorsdissiper les espoirs chimériques<strong>en</strong>tret<strong>en</strong>us par lespouvoirs politiques, selonlesquels l'<strong>en</strong>richissem<strong>en</strong>tdevrait résoudre les problèmesde sociétés, alorsque ceux-ci sont précisém<strong>en</strong>tgénérés par l'évolutiondu système lui-même.Dans ses derniers ouvrages,François Partant va plus loin, <strong>en</strong> se livrantà une critique radicale de la notion dedéveloppem<strong>en</strong>t, acceptée comme objectifpar nos sociétés et proposée au tiersmonde.Bi<strong>en</strong> que ce développem<strong>en</strong>t n'apparaisseguère jusqu'à maint<strong>en</strong>ant commesynonyme de liberté, de démocratie et dejustice sociale, il est mal considéré de leremettre <strong>en</strong> cause. Dans les milieux d'économisteset d'universitaires, cette notions'appar<strong>en</strong>te souv<strong>en</strong>t à un article de foi. Ilne faut donc pas s'étonner qu'il y ait eu,<strong>en</strong> France, une conspiration du sil<strong>en</strong>cecontre les idées de François Partant, am<strong>en</strong>antà mettre sous le boisseau une desp<strong>en</strong>sées politiques les plus stimulantes etLe tiers-mondesouffre plus dece que nous luiapportons quede ce que nouslui pr<strong>en</strong>ons.originales de notre temps... A la recherched'une alternative à la société prés<strong>en</strong>te,François Partant travaillait à un nouveaulivre, qu'il termina (sauf la mise <strong>en</strong>forme), au mom<strong>en</strong>t de sa mort. La constitutionde l'Association Les amis deFrançois Partant, qui devrait pr<strong>en</strong>dre rapidem<strong>en</strong>tle nom même du livre demeurésur une table de travail : La Ligned'Horizon suivit très peu de temps après,et se donna pour tâche de diffuser sesidées, d'approfondir et de mettre <strong>en</strong>œuvre ses conceptions.Le refus de l'exclusionA la source de la p<strong>en</strong>sée de FrançoisPartant — ce qui la r<strong>en</strong>d d'ailleurs de plus<strong>en</strong> plus actuelle — il y a un refus absolude l'exclusion sociale et une intoléranceradicale à l'égard de tout cequi peut la provoquer.Cette exclusion, FrançoisPartant l'avait r<strong>en</strong>contréedans les pays du tiersmondeoù il avait travailléavec un degré de généralisationtel, qu'à moins d'inconsci<strong>en</strong>ceou de malhonnêtetéintellectuelle, on nepouvait l'expliquer par desconsidérations sur le tempéram<strong>en</strong>tdes g<strong>en</strong>s ou les «retards culturels»des sociétés. Les causes de cettesituation s'<strong>en</strong>racin<strong>en</strong>t, au contraire, dansl'histoire économique et politique desc<strong>en</strong>t dernières années, <strong>en</strong> somme l'histoirede la colonisation.Mais, pour François Partant, ce n'estpas tant l'exploitation des matières premières<strong>en</strong> tant que telles, ou celle du travaildans l'échange inégal qui appauvrit letiers-monde, que la privation même detravail. Celle-ci résulte d'une part, du faitque l'Occid<strong>en</strong>t s'est réservé le travail productif(fabrication de machines, transports,assurances, financem<strong>en</strong>t), d'autrepart l'introduction de méthodes industrielleshautem<strong>en</strong>t productives dans cespays. Dans cette optique, le tiers-mondesouffre plus de ce que nous lui apportonsque de ce que nous lui pr<strong>en</strong>ons.L'expression première de cette souffranceest la croissance du chômage, urbain bi<strong>en</strong>sûr, mais aussi du chômage caché descampagnes, condamnées à pratiquer uneagriculture résiduelle face à la faibledemande des villes, satisfaite d'ailleurspar les importations à bon marché despays du Nord. Des richesses créées, il nereste sur place qu'une faible partie, unevaleur résiduelle, une fois payés les amortissem<strong>en</strong>tset les salaires des expatriés,qui les uns comme les autres, retourn<strong>en</strong>tau Nord.Cep<strong>en</strong>dant le développem<strong>en</strong>t du chômagedans le tiers-monde a pour conséqu<strong>en</strong>cede limiter la croissance du Nord.Dans nos pays, <strong>en</strong> effet, les débouchés ontt<strong>en</strong>dance à se saturer. Mais pour <strong>en</strong> ouvrirau Sud, il faudrait que les rev<strong>en</strong>us s'yaccroiss<strong>en</strong>t fortem<strong>en</strong>t ce qui n'est pas lecas. Alors, il nous faut jouer, pour sauvegarderla r<strong>en</strong>tabilité de nos <strong>en</strong>treprises,sur l'accroissem<strong>en</strong>t de la productivité, <strong>en</strong>somme produire moins cher, ce qui estr<strong>en</strong>du possible par l'évolution technique.Mais ce faisant, on génère du chômage...Des remèdes illusoiresOn ne peut aller loin <strong>en</strong> prét<strong>en</strong>dantlutter contre le chômage par des créationsd'emploi, puisque justem<strong>en</strong>t, comme onvi<strong>en</strong>t de le voir, l'évolution économiqueva dans le s<strong>en</strong>s de la suppression d'emplois.Il est illusoire de compter sur la formationprofessionnelle, selon le présupposéque le chômage résulterait d'uneinadaptation de la main-d'œuvre à la nouvelledonne technologique. Que la maind'œuvres'y adapte ou non, le but de cett<strong>en</strong>ouvelle donne est de supprimer de l'emploipar souci de r<strong>en</strong>tabilité. Même illusiondans les utopies du partage du travail,dès lors que le système qui détruit letravail n'est pas vraim<strong>en</strong>t remis <strong>en</strong> question: <strong>en</strong> effet, le travail récupéré d'un côtéDRSILENCE N°318/31982Janvier 2005
Installation <strong>en</strong> hommage aux victimes de la famineirlandaise (19 e siècle)...devant le siègedu C<strong>en</strong>tre international du commerce à Dublin.se voit supprimé de l'autre. De telles solutionsne pourrai<strong>en</strong>t d'ailleurs être eff<strong>ici</strong><strong>en</strong>tes,dans l'actuel contexte d'échangesgénéralisé, que si toutes les nations industrialiséesles mettai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> œuvre à la fois.Quant à sauver le système par l'expansiondes débouchés, notamm<strong>en</strong>t versle tiers-monde, cette év<strong>en</strong>tualité est peuprobable. En effet les débouchés ne sontpas limités seulem<strong>en</strong>t par les causes déjàsignalées, mais aussi par l'<strong>en</strong>dettem<strong>en</strong>tphénoménal auquel sont arrivés ces pays.Or l'<strong>en</strong>dettem<strong>en</strong>t est le fruit du mode dedéveloppem<strong>en</strong>t que le Nord y a induit.D'une part, la valeur résiduelle est souv<strong>en</strong>ttrop faible pour permettre un remboursem<strong>en</strong>tdes dettes. D'autre part,celui-ci doit se faire <strong>en</strong> devises fortes, cequi implique que les <strong>en</strong>treprises échang<strong>en</strong>tleur production contre ces devises ;<strong>en</strong> d'autres termes, qu'elles v<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t auxpays qui les déti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t c'est-à-dire auxpays du Nord. On est alors placé devant ledilemme : exporter pour payer ses dettes,M O N T P E L L I E RSoirée François PartantLa Ligne d'horizon organise une soirée <strong>en</strong>hommage à François Partant, le v<strong>en</strong>dredi21 janvier à 21 h, à la salle du Belvédère, auForum de Montpellier. Confér<strong>en</strong>ce-débat avecChristophe Beau sur le thème "décroissance et<strong>en</strong>treprise viticole" et Serge Latouche "versune société de décroissance conviviale ?".La Ligne d'horizon, 114, rue de Vaugirard,75006 Paris.mais alors on ne produit plus pour le pays;ou travailler pour le pays, mais alorscontribuer à aggraver l'<strong>en</strong>dettem<strong>en</strong>tnational.Il est irresponsable, notamm<strong>en</strong>t de lapart de tiers-mondistes occid<strong>en</strong>taux peutêtrebi<strong>en</strong> int<strong>en</strong>tionnés, de prôner devantune telle situation le moratoire des dettesdu tiers-monde, sans parler de corriger leprocessus qui leur a donné naissance.C'est simplem<strong>en</strong>t permettre de reproduirele même scénario avec toutes les conséqu<strong>en</strong>cesdégradantes que cela a sur l'économiede ces pays, sans parler des paysdu Nord dont la situation financière s'<strong>en</strong>trouve, par le fait même, fragilisée.François Partant aurait sans doute appréciéde la même manière les actuelles perspectivesd'investissem<strong>en</strong>t dans les pays del'Est europé<strong>en</strong> : la déception y a étéd'ailleurs plus rapide <strong>en</strong>core que dans letiers-monde.Le tableau ne serait pas complet sanssignaler les conséqu<strong>en</strong>ces écologiques dusystème mondial de production. FrançoisPartant était très s<strong>en</strong>sible à cette dim<strong>en</strong>sionde l'évolution économique, quin'était pour lui qu'une raison de plus deremettre <strong>en</strong> cause le système productifdans son <strong>en</strong>semble : il n'imaginait pasqu'on puisse lui faire, à partir de simplesréformes, et sans bouleversem<strong>en</strong>t radical,respecter les équilibres écologiques fondam<strong>en</strong>taux.Que faire ?Quand on lui posait la question "Quefaire ?", François Partant répondait généralem<strong>en</strong>t: "il n'y a ri<strong>en</strong> à faire". Ce quipourrait passer pour une réponse tout àfait désespérée. Mais comme lui-mêmefaisait beaucoup de choses, on peut sedouter que ce n'est pas de ne ri<strong>en</strong> fairequ'il proposait. Il voulait dire <strong>en</strong> fait queles solutions globales qui serai<strong>en</strong>t nécessairesdans le cadre du système mondialsont très improbables (s'opposant ainsiaux utopistes du Nouvel ordre internationalqui faisai<strong>en</strong>t tant parler d'eux dans lesannées soixante-dix). D'une part, parceque les pouvoirs qui s'exerc<strong>en</strong>t sur ce système,à savoir l'Etat et le Capital, ne sontpas près de le remettre <strong>en</strong> question.D'autre part, parce qu'il est quasim<strong>en</strong>timpossible que les décisions économiquesfondam<strong>en</strong>talem<strong>en</strong>t contraires àcelles qui sont actuellem<strong>en</strong>t prises s'impos<strong>en</strong>tà la fois à tous les peuples de laplanète.Les décisions qui sont prises auniveau des seuls Etats sont très limitéesétant donnée la mondialisation du système.On l'a bi<strong>en</strong> vu avec l'évolution despouvoirs socialistes <strong>en</strong> France ou dansd'autres pays europé<strong>en</strong>s, eu égard auxobjectifs annoncés dans les annéesquatre-vingt ! Dans cette optique, changerde parti au pouvoir ne change ri<strong>en</strong>aux t<strong>en</strong>dances d'<strong>en</strong>semble. Tout ce quipourrait faire un pouvoir d'Etat — et c<strong>en</strong>'est pas négligeable sans doute — serait,tout <strong>en</strong> gérant les affaires selon les errem<strong>en</strong>tshabituels parce qu'on est bi<strong>en</strong> obligéde le faire sous peine de désordreimmédiatem<strong>en</strong>t intolérables, de favoriserl'émerg<strong>en</strong>ce d'alternatives socio-économiques.Donc, gérer le système sans croireet sans p<strong>en</strong>ser qu'on peut le réformer,et contribuer ainsi à le miner de l'intérieur,<strong>en</strong> aidant ceux qui essai<strong>en</strong>t de vivre<strong>en</strong> marge ou à l'extérieur de lui. Ensomme, l'av<strong>en</strong>ir politique consisterait àtricher avec le système, ce qui serait sansdoute mieux que la compromission, ouque l'actuelle corruption, fruit, pour unepart, d'ailleurs, de la désillusion des politiques.A partir de l'expéri<strong>en</strong>ce riche d'inv<strong>en</strong>tionsociale, mais éphémère, du printempsmalgache (mai 1972), FrançoisPartant a très tôt imaginé que les exclusdu système pourrai<strong>en</strong>t s'organiser <strong>en</strong>treeux pour produire ce qui leur seraitnécessaire et échanger, toujours <strong>en</strong>treeux, selon des règles conv<strong>en</strong>ues d'uncommun accord. Il était très att<strong>en</strong>tif àtoutes les expéri<strong>en</strong>ces alternatives quipourrai<strong>en</strong>t éclore çà et là, des marginauxberlinois à divers pays du tiers-monde, <strong>en</strong>passant par les régions rurales françaises.Il se passionnait pour les informations quilui prov<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t d'Andalousie, où l'intégrationéconomique de l'agriculture, dansle Marché commun europé<strong>en</strong>, mettait auchômage des milliers d'ouvriers agricoles,mais où des groupes s'organisai<strong>en</strong>t dansune perspective de survie aussi autonomeque possible.François Partant était cep<strong>en</strong>dant trèscritique sur les alternatives et les rejetaitcatégoriquem<strong>en</strong>t si elles lui paraissai<strong>en</strong>trev<strong>en</strong>ir tôt ou tard à une quelque formed'intégration au «système». Sans doutefaudra-t-il <strong>en</strong>core du temps pour, qu'à traversde telles activités, les coordinationsqu'elles se donneront et les organismesd'initiatives qui <strong>en</strong> naîtront, s'incarn<strong>en</strong>tles intuitions et les idées de celui qui,bi<strong>en</strong> que cloué dans ses dernières annéesà sa table de travail, voulait passionném<strong>en</strong>tvoir naître l'alternative sur laquelleil méditait. Mais cette longue marcheaboutira-t-elle avant que les forces de destruction,aujourd'hui <strong>en</strong> œuvre, n'ai<strong>en</strong>tcreusé des fractures irrémédiables ?François de Ravignan nSILENCE N°318/31983Janvier 2005
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