PolitiqueEtre maire et écologistedans une petite commune ruraleDRPascal Dumoulin est maire de la communed'Ajoux, sur les hauts plateaux ardéchois,90 habitants <strong>en</strong> hiver, <strong>en</strong>tre le double et le triple<strong>en</strong> été. Agriculteur biologique, il se confronteaux idées anci<strong>en</strong>nes et parfois irréalistesdes collectivités locales.La commune couvre toute la valléed’Ajoux soit une dizaine dehameaux. Ne cherchez pas lec<strong>en</strong>tre : le village n’<strong>en</strong> a pas. Outre leshabitants perman<strong>en</strong>ts, on trouve des résid<strong>en</strong>cessecondaires et des gîtes initiés parle maire précéd<strong>en</strong>t, il y a plus de 30 ans.A l’époque c’était visionnaire. La commun<strong>en</strong>e se désertifie plus. On est, <strong>en</strong> voiture,à 20 minutes de Privas et 25 minutesd’Aub<strong>en</strong>as et de nombreuses personnes(fonctionnaires surtout) sont <strong>en</strong> résid<strong>en</strong>ceprincipale. C’est ce qui la sauve des villagesde villégiature. De nombreusesdemandes arriv<strong>en</strong>t ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t desg<strong>en</strong>s <strong>en</strong> préretraite ou retraite.Mais le revers de la médaille est la difficultéd’installer des g<strong>en</strong>s qui veul<strong>en</strong>tvivre <strong>en</strong> ayant une activité sur place car lapression immobilière est énorme et ilexiste peu de possibilité d’installation.Au niveau population on a un mélangehumain intéressant : retraités degrandes villes, actifs travaillant à Paris (!),Une commune sans c<strong>en</strong>tre.retraités agricoles, néo-paysans. La difficultéétant parfois d’avoir à gérer des intérêtsantagonistes.Un nombred’agriculteurs<strong>en</strong> régressionLes conditions chang<strong>en</strong>t vite et on adu mal à faire du développem<strong>en</strong>t durable.L’agriculture demande une échelle detemps différ<strong>en</strong>te.Il y a toute une partie de la vie du paysqui s'éteint peu à peu chaque fois qu’unagriculteur disparaît. Certaines fonctionstelles que l’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> de l’espace ne serontplus assurées car si demain on paie le travailréalisé par les agriculteurs, on ne lefera pas car c'est trop coûteux. Actuellem<strong>en</strong>ton garde <strong>en</strong>core, autour deshameaux, des zones "propres" du fait dela prés<strong>en</strong>ce des animaux, mais demain…Il faudrait que ce soit intégré <strong>en</strong> déductiondans le "coût" de l’agriculteur. Eneffet les primes nationales ne vont guère ànos petits producteurs. Il faut savoir que80% des aides vont à 10% des agriculteurs,surtout situés <strong>en</strong> plaine. Les primesperçues <strong>ici</strong> après élaboration de dossierssont insignifiantes par rapport aux subv<strong>en</strong>tionsà l’exportation touchées pard’autres qui, de plus, font une concurr<strong>en</strong>cedéloyale aux paysans africains ou sudaméricains.La commune a peu de terrains et peude moy<strong>en</strong>s d’interv<strong>en</strong>tion. Lui apparti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>tune auberge à laquelle pourrai<strong>en</strong>têtre adjoints des terrains proches et ainsipermettre d’installer une famille dès janvier2005, ainsi que trois logem<strong>en</strong>ts, gîtesà l’origine. Dès qu’il y a une installationpossible la commune fait appel à l’Asfodel(voir <strong>en</strong>cadré).Etre maire avec unes<strong>en</strong>sibilité écologique"En fait, dans la situation de maire, onse r<strong>en</strong>d rapidem<strong>en</strong>t compte qu’il n’y a pasde clivage politique, au s<strong>en</strong>s où on l’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dhabituellem<strong>en</strong>t, avec les autresmaires, sur des dossiers quelque soit lat<strong>en</strong>dance politique.Il y a des g<strong>en</strong>s qui ont une vision deleur territoire, une certaine idée de mainti<strong>en</strong>et de redéploiem<strong>en</strong>t plutôt d’ailleursque de développem<strong>en</strong>t car il faut être réalisteet on travaille avec ceux qui l’ont.Parfois, c’est mal compris par ceuxqui voudrai<strong>en</strong>t faire de la politique aus<strong>en</strong>s habituel. C’est un peu le drame <strong>en</strong>Ardèche. Il y a un certain nombre destructures très intéressantes qui sont soumisesà un phagocytage qui n’a ri<strong>en</strong> à voiravec l’intérêt des Ardéchois. C’est déplorable.Ça mange de l’énergie, or on n’<strong>en</strong> apas de trop.Ainsi face à des choix énergétiques,touristiques, il n’y a pas de point de vueclair dans les partis politiques ce qui faitqu’on peut travailler avec des élus éloignéssur le plan des idées générales. C’estnouveau pour moi. Je ne p<strong>en</strong>sais pas quec’était possible".Et Pascal Dumoulin de se rappeler :"Je me suis installé comme paysan et j’aiété très rapidem<strong>en</strong>t soll<strong>ici</strong>té. En effet,SILENCE N°318/31954Janvier 2005
AsfodelASFODEL, Association de formationet de développem<strong>en</strong>t L’rural appliqué au local a été crééedans les petites communes, il est plusfacile d'être élu par manque de candidats.Le côté détestable est le fait qu’on estag<strong>en</strong>t de l’Etat. C'est diff<strong>ici</strong>le à gérer surles sujets qu’on traiterait soi-même différemm<strong>en</strong>t.Par contre le côté relationnelavec les habitants qui sontdes 'voisins' est valorisantmême s’il y a une certainefrustration du fait dumanque de moy<strong>en</strong>s parrapport à la tâche à accomplir".Depuis de nombreusesannées on constate quel’Etat se dés<strong>en</strong>gage. PascalDumoulin <strong>en</strong> analyse lesconséqu<strong>en</strong>ces : "Par exemple,on veut r<strong>en</strong>dre lamaîtrise des routes nationalesau conseil généralsans lui <strong>en</strong> donner lesmoy<strong>en</strong>s. Donc les taxes locales, déconnectéesdes rev<strong>en</strong>us, vont grimper. Auniveau de l’eau, besoin ess<strong>en</strong>tiel, le problèmeest criant car les aides pour les travauxbaiss<strong>en</strong>t.Les services aux anci<strong>en</strong>s coût<strong>en</strong>t cheret on a des difficultés pour les garder <strong>ici</strong>.Une veille téléphonique est organisée <strong>en</strong>hiver, par le secrétariat de mairie, auprèsdes personnes âgées isolées. S’il est vraique les personnes âgées actuelles <strong>en</strong>coreissues du pays bénéf<strong>ici</strong><strong>en</strong>t de l’<strong>en</strong>traidefamiliale, le problème sera plus aigu avecles familles nouvelles, plus aisées, qui,<strong>en</strong>tre 50 et 65 ans, achèt<strong>en</strong>t une maison etqui n’auront aucune structure pour lesDR<strong>en</strong> 1992 <strong>en</strong> Ardèche, pour continuerà porter la formation exploitantsruraux de Peuple et culture Isère. Asfodel est installé au sein du CFPPA du Pradel.La formation Exploitant rural répond aux besoins d'adultes désirant s'installer dans deszones rurales <strong>en</strong> diversifiant, <strong>en</strong> combinant des activités de productions et/oude services, voire <strong>en</strong> y associant de la pluriactivité. Les productions agricoles <strong>en</strong>visagéessont le plus souv<strong>en</strong>t conduites de façon biologique, transformées et v<strong>en</strong>dues directem<strong>en</strong>t.Cette formation est diplomante (niveau IV) et privilégie l'alternance au sein du réseaud'Asfodel (plus de 130 tuteurs).Toujours dans le domaine agricole, Asfodel suit, depuis 1994, par conv<strong>en</strong>tion avec le districtd'aménagem<strong>en</strong>t du Val-de-Drôme, les agriculteurs <strong>en</strong> cours d'installation ou ayant desprojets de diversification.Asfodel accompagne depuis 1996 des porteurs de projets non agricoles au moy<strong>en</strong>soit d'une formation modulaire individualisée (formation Entreprises rurales, deux promotionspar an), soit dans le cadre d'études de faisabilité liées à des mesures régionales tellesque Entreprises rurales innovantes.Le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre toutes ses activités est l'exist<strong>en</strong>ce et l'animation du réseau de tuteurs d'Asfodelprincipalem<strong>en</strong>t situé <strong>en</strong> Drôme-Ardèche, qui parrain<strong>en</strong>t les porteurs de projets, leur fontpartager leurs savoir-faire et si nécessaire mobilis<strong>en</strong>t l'épargne locale pour aider des installationss'inscrivant dans un cadre solidaire.Outre des part<strong>en</strong>ariats ponctuels ou formels avec le milieu associatif local, l'association initieavec son réseau des initiatives culturelles (théatre à la ferme, café philo...) ou conviviales(r<strong>en</strong>contres annuelles des exploitants ruraux).Enfin Asfodel est <strong>en</strong>gagé dans plusieurs part<strong>en</strong>ariats nationaux ou europé<strong>en</strong>s dansle cadre d'échanges de pratiques ou de recherche-action.n Asfodel, Le Pradel, 07170 Mirabel, tél : 04 75 36 74 34.Il faut pervertirl’économiepuisqu’elle nese gêne paspour pervertirla société.Il s’agit de luir<strong>en</strong>dre la monnaiede sa pièce.DRaider lorsqu’elles seront moins autonomes.Si l’on veut mettre <strong>en</strong> place des aides il fautaugm<strong>en</strong>ter les impôts locaux, ce qui va àl’<strong>en</strong>contre des "anci<strong>en</strong>s installés" qui, eux,n’ont pas les moy<strong>en</strong>s financiers.Sur le plan juridique la multiplicationet la complexification destextes pos<strong>en</strong>t des problèmesd’autant que certainsne sont absolum<strong>en</strong>tpas adaptés voire sontinapplicables. Ces textessont cohér<strong>en</strong>ts à l’échelleglobale mais incohér<strong>en</strong>tsvoire farfelus par rapportau contexte local. Ainsides derniers textes sur lesanalyses d’eau. On a <strong>ici</strong> sixcaptages mun<strong>ici</strong>paux. Orle dernier protocole,depuis mai 2004, va<strong>en</strong>g<strong>en</strong>drer pour nous uncoût énorme, équivalant à l’<strong>en</strong>semble d<strong>en</strong>os recettes. Donc si on veut obéir à lalégislation et on n’a pas le choix (les analysessont imposées : le laboratoire fait lesprélèvem<strong>en</strong>ts puis la facture est <strong>en</strong>voyée)on double les factures d’eau <strong>en</strong> une année.Cela va dans le bon s<strong>en</strong>s dans la mesureoù ils cherch<strong>en</strong>t beaucoup de polluants.Cep<strong>en</strong>dant ils cherch<strong>en</strong>t des polluantsqu’on ne peut pas avoir <strong>ici</strong>. Il s’agit <strong>ici</strong>d’un problème d’adaptation de règles aulocal et cela s’acc<strong>en</strong>tue de plus <strong>en</strong> plusavec les règles europé<strong>en</strong>nes.Déjà l’intercommunalité n’est pas toujourssimple. Pour quelqu’un qui n’est pasd’<strong>ici</strong> gérer une fuite d’eau est impossible".DisparitésLes agriculteurs sont dép<strong>en</strong>dants desaides publiques, ce qui est assez dangereuxpour eux et ils <strong>en</strong> sont consci<strong>en</strong>ts.Pour quelqu’un qui s’installe, la pluriactivitéavec l’homme ou la femme travaillantà l’extérieur est la première prud<strong>en</strong>ce.Les <strong>en</strong>fants vont à Privas et aucunramassage scolaire n’est organisé. Là<strong>en</strong>core les disparités de situation n’ont pule permettre. Les par<strong>en</strong>ts travaillant àPrivas ne l’ont pas souhaité, profitant <strong>en</strong>famille de la subv<strong>en</strong>tion du conseil généralqu’ils ne percevrai<strong>en</strong>t plus si le transportcollectif était mis <strong>en</strong> place. De plusl’habitat étant dispersé, les départs groupéssont diff<strong>ici</strong>les à organiser <strong>en</strong>trepar<strong>en</strong>ts. Il faudrait une volonté plus forte.Nucléaire et hypocrisie"Avec le projet de réacteur nucléaireEPR, j’ai fait le tour de l’échiquier politiqueet chacun de me répondre : monparti est pour mais moi personnellem<strong>en</strong>tje suis contre ! C’est ça pr<strong>en</strong>dre ses responsabilitéset voter contre son propreavis" (1)Il est vrai que la taxe professionnellede la c<strong>en</strong>trale de Cruas permet d’arrosertoutes les communes <strong>en</strong>vironnantes ycompris celle d’Ajoux (à 30 km de la c<strong>en</strong>trale).Pascal Dumoulin ayant interpelléun élu du conseil général sur la valeur de"bakchich" de cette taxe pour accepter lazone de contamination n’a pas eu deréponse. C’est une façon d’acheter lesil<strong>en</strong>ce !"Ce qui me console un peu c’est quede la crête je vois à prés<strong>en</strong>t non seulem<strong>en</strong>tles deux cheminées de la c<strong>en</strong>trale maisaussi une éoli<strong>en</strong>ne". Encore faut-il que lapopulation se responsabilise. Face auxoppositions locales à leurs projets, lespromoteurs d’éoli<strong>en</strong>nes se sont tournésvers d’autres régions où les populationssont davantage favorables. Or comm<strong>en</strong>tpeut-on accepter que la vallée du Rhônesoit une zone sacrifiée avec les incinérateurs,les c<strong>en</strong>trales, les autoroutes sanspr<strong>en</strong>dre ses responsabilités, par exempleréduire sa consommation électrique, sesdéchets… ?(1) Le conseil général de l’Ardèche s’est prononcé <strong>en</strong>faveur d’une implantation év<strong>en</strong>tuelle de l’EPR <strong>en</strong>Ardèche, à Cruas par exemple. Les élus y sont majoritairem<strong>en</strong>tsocialistes. Cette position est opposée àcelle de ce parti au niveau national et régional ! Etcontraire aux déclarations individuelles. On est <strong>en</strong>pleine hypocrisie. Le départem<strong>en</strong>t espérait surtoutpercevoir une manne financière.SILENCE N°318/31955Janvier 2005