Vivre <strong>en</strong>sembleLongo MaïEn 1973, un groupe de jeunes dumouvem<strong>en</strong>t étudiant autrichi<strong>en</strong>Spartakus, qui a trouvé refuge àBâle, pr<strong>en</strong>d la route à bord d’uneroulotte. Quittant les banlieuesindustrielles où ils ont lutté <strong>en</strong>mai 1968, ils décid<strong>en</strong>t de s’installerà la campagne et de vivre dutravail de la terre. Grâce à desfonds récoltés <strong>en</strong> Suisse, ilsrachèt<strong>en</strong>t une colline de 300 hectaresde maquis <strong>en</strong> hauteProv<strong>en</strong>ce, sur la commune deLimans, et s’organis<strong>en</strong>t <strong>en</strong> communauté.La première coopérativeLongo Maï est née. Au fil desannées, de cette coopérative vontnaître d’autres projets qui vonts’installer tout au long de l’arcalpin… jusque actuellem<strong>en</strong>t dansles anci<strong>en</strong>s pays de l’Est.Les fondateurs vieilliss<strong>en</strong>t et certainsjeunes trouv<strong>en</strong>t que le décalageest trop grand. En 1994,un groupe d’une quinzaine dejeunes de moins de tr<strong>en</strong>te ansdécide d’aller fonder sa proprecoopérative <strong>en</strong> Ardèche pour yélever des moutons. Il y a aujourd’huiune vingtaine d’adultes etpresqu’autant d’<strong>en</strong>fants sur c<strong>en</strong>ouveau site. L’essaimage permetà chaque groupe d’aller à savitesse. Des li<strong>en</strong>s forts de coopérationse mainti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>trechaque groupe.n Ferme de Longo Maï, Treynas,07310 Chanéac, tél : 04 75 30 45 85.Domaine deChantelinotteEn septembre 2000, Christian etBéatrice connaiss<strong>en</strong>t la décroissancebrutale avec le dépôt debilan de l’<strong>en</strong>treprise qu’ils avai<strong>en</strong>tcréée dix ans plus tôt. Ils mûriss<strong>en</strong>talors un projet de vie artistique<strong>en</strong> liaison avec de l’accueil.Ils éprouv<strong>en</strong>t le besoin de mettreleurs actes <strong>en</strong> cohér<strong>en</strong>ce avecleurs idées : vie plus simple, desrelations vraies, vie <strong>en</strong> harmonieavec la nature.En mai 2003, avec Marilyne etVinc<strong>en</strong>t (et leurs trois <strong>en</strong>fants),ils achèt<strong>en</strong>t le domaine deChantelinotte. Au nord deRomans, il est au cœur d’unezone bi<strong>en</strong>tôt classée Natura 2000pour la richesse de ses pelousessur molasse qui abrit<strong>en</strong>t uneremarquable biodiversité.L’association Terra Canta gèrerales animations sur le site. Lasociété Domaine de Chantelinottegèrera l’activité chambres ettables d’hôtes ainsi que la v<strong>en</strong>ted’objets d’art et d’artisanat issusdes ateliers.PaulianneEn 2002, un groupe d’amis anglais issus de la mouvance alternativelondoni<strong>en</strong>ne, se lance dans la mise <strong>en</strong> place d’un écovillage.Ils choisiss<strong>en</strong>t de s’installer à proximité d’une gare afin de limiterl’usage des véhicules individuels. Un premier couple anglais s’installesur la propriété acheté <strong>en</strong> SCI. Un projet d’autoconstruction écologiquevoit le jour, mais les permis de construire sont refusés. Lesautres co-propriétaires qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<strong>en</strong> été, hésit<strong>en</strong>t alors à selancer dans le projet. Le groupebritannique comm<strong>en</strong>ce alors às’ouvrir aux écologistes locauxet quelques Français s’install<strong>en</strong>tsur place dont FrançoisSchneider qui ambitionne detransformer le lieu <strong>en</strong> écovillagesans voiture (voir la prés<strong>en</strong>tationdans le numéro de décembre2004 de S!l<strong>en</strong>ce).2003 est l’année de l’appr<strong>en</strong>tissagede la vie à plusieurs.P<strong>en</strong>dant cette première année,Vinc<strong>en</strong>t suit une formation agricoleafin de pouvoir s’installercomme agriculteur. En décembre2003, des ateliers de poterie etd’art comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>t leurs activités.A partir de février 2004, comm<strong>en</strong>c<strong>en</strong>tdes week-<strong>en</strong>d «chantierdécouverte de l’écoconstruction»où ceux qui sont interessés vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>ttravailler <strong>en</strong> échange d’informations,du gîte, du couvert etde beaucoup de convivialité partagée!En avril 2004, créationDRde la SCI Chantelinotte pourgérer les bi<strong>en</strong>s immobiliers.n Domaine de Chantelinotte,Le Voirazier, 26100 Romans,tél : 04 75 70 30 58.Et égalem<strong>en</strong>tn Julie H<strong>en</strong>ry, 41, rue Nationale,07120 Ruoms, tél : 04 75 39 77 80.Projet d’écovillage végan, c’est-à-diresans aucune exploitation animale.Recherche du côté des Cév<strong>en</strong>nes.n Jean-Marc Luce, 20, rue Agirond,26400 Crest, tél : 04 75 25 12 72.Projet d’écovillage dans le valde Drôme.Le Viel AudonLe site du Viel Audon, dans les gorges de l’Ardèche, à proximité de Balazuc, au sud d’Aub<strong>en</strong>as,a été habité dès la préhistoire par des populations heureuses d’y trouver un climat doux,une rivière poissonneuse, une source à température constante, une faune et une végétation abondante.On <strong>en</strong> retrouve les traces dans des grottes perchées dans les falaises.Au début du dix-neuvième siècle, époque dorée du ver à soie, les habitants quittèr<strong>en</strong>t le hameau,au bord de l’eau, pour construire de grandes magnaneries sur le plateau qui surplombe le village.Celui-ci tombe alors <strong>en</strong> ruine.Au début des années 1970, des jeunes — dont ceux qui fonderont Ardelaine — redécouvr<strong>en</strong>t le lieu etlanc<strong>en</strong>t l’idée un peu folle de faire revivre ce village, <strong>en</strong> y organisant année après année des chantiersinternationaux. Une association, le Mat, voit le jour. Au départ, seul le camping est possible, puis avecles années qui pass<strong>en</strong>t, c’est d’abord l’installation d’une ferme qui voit le jour, puis de gîtes et d’unlieu de formation.En tr<strong>en</strong>te ans, ce sont près de10 000 jeunes qui ont part<strong>ici</strong>péaux chantiers internationaux etmaint<strong>en</strong>ant, il est possible d’accueillirsur place une quarantaineMaçonnerie d’un mur de terrasse.de personnes <strong>en</strong> plus de la petitedizaine de personnes qui y habit<strong>en</strong>t toute l’année. Un magasin a même ouvertavec des produits solidaires d’<strong>ici</strong> et d’ailleurs, visité surtout par les randonneurs.Caractéristique du lieu : il est inacessible à la voiture et nécessite de desc<strong>en</strong>drede la falaise ou de v<strong>en</strong>ir le long de l’Ardèche à pied. Il accueille de nombreusesclasses vertes p<strong>en</strong>dant l’année, et toujours des chantiers internationaux p<strong>en</strong>dantl’été (pour les 17 à 25 ans). Tout a été conçu pour y favoriser l’autonomie et lerespect de la planète : biodiversité, économie d’eau, tri et recyclage des déchets,énergies r<strong>en</strong>ouvelables, chemin du jardin à l’assiette, fabrication du pain, prix etorigine de nos alim<strong>en</strong>ts... Pour les groupes de plus de quinze personnes, le cuisiniervous propose un repas de très grande qualité.Construction d’un hangar agricole.n Association Le Mat, Le Viel Audon 07120 Balazuc, tél : 04 75 37 73 80.Viel AudonViel AudonSILENCE N°318/319 Janvier 200530
Le loup, révélateur innoc<strong>en</strong>td’un problème ?NatureTant que l’homme a vécu de chasse et de cueillette, il a considéréle loup comme un habitant légitime de la terre, avec qui il devait partager.Il n’<strong>en</strong>trait pas <strong>en</strong> conflit avec lui et copiait même ses méthodes de chasse.Les Indi<strong>en</strong>s et les Inuits considérai<strong>en</strong>t le loup comme un frère.Tout changea quand l’homme estpassé du statut de chasseur à celuid’éleveur et notre histoire, depuis,est parsemée d’histoires de loup souv<strong>en</strong>tdiabolisé auquel on a fait <strong>en</strong>dosser un certainnombre de méfaits commis pard’autres.L’Aspas, Association de sauvegarde etde protection des animaux sauvages, s’estintéressée au loup bi<strong>en</strong> avant qu’il nefranchisse les frontières. En 1990, l’Aspasobti<strong>en</strong>t la ratification de la conv<strong>en</strong>tion deBerne.C’est <strong>en</strong> novembre 1992 que desgardes du parc national du Mercantour, àla frontière itali<strong>en</strong>ne, observ<strong>en</strong>t le retourd’un couple de loups. Retour puisquel’animal avait déserté nos montagnes…tout comme les éleveurs puisqu’<strong>en</strong> 1945 iln’y avait plus aucun berger dans leMercantour, seulem<strong>en</strong>t quelques troupeauxde vaches.«Les éleveurs ont réapparu lorsquel’Europe a donné des subv<strong>en</strong>tions pouracheter des brebis. Là, les choses se sontgâtées car on a vu des g<strong>en</strong>s dev<strong>en</strong>ir éleveurscomme par exemple un garagiste deNice qui, attiré par la manne europé<strong>en</strong>ne,a installé un troupeau de 1000 brebis (àl’époque 500 F par brebis), les a montées<strong>en</strong> haut du parc et les a laissées seules.C’est complètem<strong>en</strong>t anormal. On saitqu’il y a des bergers qui font bi<strong>en</strong> leur travail,qui sont <strong>en</strong> pleine détresse économiqueet dont on ne parle pas aujourd’hui.On <strong>en</strong> est consci<strong>en</strong>t mais ce queDRL’exemple itali<strong>en</strong>l’on sait aussi, c’est que le loup va leurpermettre de parler de leurs problèmeséconomiques».Le retour de cette espèce pose desproblèmes spécifiques de gestion pourl’activité pastorale, liés au contexte de latradition de l’élevage ovin français,comme la transhumance <strong>en</strong> zones d’estivesd’altitude. Et cela dans un contexteéconomique diff<strong>ici</strong>le pour les éleveurs.Où sont les loups ?Le loup v<strong>en</strong>ant d’Italie, on le trouveess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t dans les départem<strong>en</strong>tslimitrophes, cep<strong>en</strong>dant certains ont étérepérés dans le Cantal, le Puy-de-Dôme etdans l’Ain.La population de loups est estimée,selon l’Aspas, fin 2004, <strong>en</strong>tre 30 et 36 installés.Le ministère annonce 50 loups etdes éleveurs 120.Contrairem<strong>en</strong>t à l’imaginaire français, qui a fait du loup la représ<strong>en</strong>tation absoluedu mal, la culture itali<strong>en</strong>ne offrait quelques contre-feux dont l’érudit a su jouer :«il y a bi<strong>en</strong> sûr la louve de Rome, mais égalem<strong>en</strong>t le fait que les familles baptisai<strong>en</strong>tsouv<strong>en</strong>t leur premier né Lupo, signe de force et de courage», explique le directeur duparc national des Abruzzes qui a œuvré pour la réhabilitation de l’animal.Aujourd’hui, deux millions de visiteurs se press<strong>en</strong>t chaque année sur les 50 000 hectaresdu parc, dans l’espoir de croiser un prédateur.L’exode rural qui avait vidé la région depuis le début du siècle est aujourd’hui stoppé.Les bergers ont des petits troupeaux. Ils les font r<strong>en</strong>trer tous les soirs pour la traitepuisqu’ils fabriqu<strong>en</strong>t du fromage labellisé «loups» qu’ils v<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t aux touristes.Coût pour l’éleveurUn éleveur a calculé combi<strong>en</strong> le loup luia coûté cette année : Sept attaques durantl’été, 157 brebis décédées, constatéeset retrouvées, 44 disparues. Temps passésupplém<strong>en</strong>tairel 96 heures de travail <strong>en</strong> plus pour lui,l 15 jours de travail <strong>en</strong> plus pour bergèrel 21 déplacem<strong>en</strong>ts supplém<strong>en</strong>tairesl stress du troupeaul manque de poids de 5 kg par agneaucar non habitués à être parqués le soirCoût total : 11 519 eurosEn Italie, on <strong>en</strong> compte 700. Le loupitali<strong>en</strong> est différ<strong>en</strong>t du loup canadi<strong>en</strong>, : ilest plus petit et ressemble à un chi<strong>en</strong> debonne taille.Les problèmesdes bergersLa profession de l’élevage doit faireface à de nombreux problèmes avec uneconcurr<strong>en</strong>ce internationale vive et unsouti<strong>en</strong> massif à l’agriculture int<strong>en</strong>sive. Laviande ovine est peu valorisée et le métierde berger rude. C’est dans ce contexte quele loup focalise tous les griefs.Certains, <strong>en</strong>core peu nombreux danscertaines régions, accept<strong>en</strong>t de pr<strong>en</strong>dreles mesures de protection. D’autresdemand<strong>en</strong>t l’<strong>en</strong>fermem<strong>en</strong>t des loups dansdes réserves où les touristes pourrai<strong>en</strong>tles voir.D’autres <strong>en</strong>core demand<strong>en</strong>t le droit detuer ou d’empoisonner le loup et certainssont prêts à <strong>en</strong>trer dans l’illégalité commeces éleveurs <strong>en</strong> Espagne où le taux de braconnageest estimé <strong>en</strong>tre 10 et 15%.Certains, et ils ont raison, dis<strong>en</strong>t queles brebis jou<strong>en</strong>t un rôle important dansl’<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> des alpages, et que l’arrêt dupastoralisme serait préjud<strong>ici</strong>able.Cep<strong>en</strong>dant peut on p<strong>en</strong>ser que le loup,aujourd’hui, est susceptible de provoquerl’arrêt du pastoralisme ?SILENCE N°318/31931Janvier 2005