Entreprise alternativeArdelaine, une coopérativeau cœur de l’ArdècheArdelaineArdelaine est inscrite dans le paysagedes <strong>en</strong>treprises coopératives depuis 1982.Vingt-trois ans de coopération au cours desquelselle a travaillé au développem<strong>en</strong>t local à traversson activité intégrant toute la filière laine.Scop SARL (société coopérativeouvrière de production) à l’origine,elle est dev<strong>en</strong>ue Scop SA à lademande des salariés qui souhaitai<strong>en</strong>tavoir un conseil d’administration au lieud’un seul gérant (1). Actuellem<strong>en</strong>t laréflexion porte sur une nouvelle modification<strong>en</strong> SCIP (société coopérative d’intérêtcollectif). En effet cette nouvelleforme permettrait d’une part de resterdans les structures coopératives maisaussi de s’ouvrir vers les collectivitéslocales ainsi que les consommateurs, producteurset institutions. Pour BéatriceBarras, prés<strong>en</strong>te depuis le début de l’av<strong>en</strong>ture,«on est intéressé pour avoir diverstypes d’associés : des salariés, des associésnon salariés, des part<strong>en</strong>aires non institutionnels,des usagers et donc de garderl’esprit de filière».Actuellem<strong>en</strong>t exist<strong>en</strong>t déjà les cli<strong>en</strong>tssolidaires, 200 à 300 personnes, davantageinformés sur l’<strong>en</strong>treprise. Du côté desinstitutions Ardelaine souhaite davantagede part<strong>en</strong>ariat mais elle reçoit peu d’échosà son souhait. Par exemple, elle souhaiteraittravailler davantage avec la communautéde communes puisque son activitépart<strong>ici</strong>pe au développem<strong>en</strong>t local et àl’animation culturelle et touristique.Cep<strong>en</strong>dant les maires se mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong>concurr<strong>en</strong>ce avec les initiativescitoy<strong>en</strong>nes et préfèr<strong>en</strong>t jouer leurspropres cartes. «Nous ne sommes pasfavorables à l’éparpillem<strong>en</strong>t des projets etaurions souhaité conc<strong>en</strong>trer les diversprojets sur Saint-Pierreville : la dispersionest coûteuse par la nécessité de rémunérerbeaucoup de personnes. Sinon celaimplique de s’appuyer sur le bénévolat».Un groupe humainqui évolueLe groupe autour d’Ardelaine a évoluéet l’investissem<strong>en</strong>t des salariés dans leprojet n’est plus le même. «Ardelaine aété porté, créé par des personnes qui ontmutualisé leurs moy<strong>en</strong>s et dont le projetétait de créer cette coopérative sanscompter leur temps. Maint<strong>en</strong>ant on estdans une autre configuration. Ardelaineest une <strong>en</strong>treprise qui a sa logique propreet donc on laisse le choix aux salariésd’être coopérateur ou non».Ainsi, aujourd’hui, seulem<strong>en</strong>t 18 salariéssur 30 sont coopérateurs et selonBéatrice Barras cela se vit bi<strong>en</strong>. Pour celaArdelaine a du modifier des règles defonctionnem<strong>en</strong>t. «Il y avait danger decoupure <strong>en</strong>tre coopérateurs et non coopérateurs,le fossé se creusait. On a gomméles différ<strong>en</strong>ces par exemple <strong>en</strong> supprimantla réunion des coopérateurs qui rassembledésormais tous les salariés.D’autres mesures ont été prises surtout auniveau de la circulation des informations :l’AG est ouverte aux salariés non coopérateurs».Pour les fondateurs de l’<strong>en</strong>treprise sepose désormais le problème de «son portageet de sa continuation».A l’évocation des départs d’un certainnombre de salariés, membres du collectifde vie, Béatrice Barras répond que legroupe humain a ses humanités, sesamours et ses désamours et que, si à uneépoque le groupe humain était indissociablede l’<strong>en</strong>treprise, aujourd’hui on neparle plus de collectif de vie, on parle demutuelle à plusieurs vitesses. Ainsi lesmoy<strong>en</strong>s de transport sont mutualisés.Quant aux repas de midi ils sont pris<strong>en</strong>semble par ceux qui le souhait<strong>en</strong>t à lacantine de l’<strong>en</strong>treprise.«Les changem<strong>en</strong>ts d’organisation nesont pas liés aux départs. On laisse laplace aux changem<strong>en</strong>ts. Des changem<strong>en</strong>tsse sont produits et il y <strong>en</strong> aura <strong>en</strong>core. Çase passe très naturellem<strong>en</strong>t sans forcém<strong>en</strong>tdes crises».Une niche économiqueDepuis plusieurs années le nombred’emplois temps plein stagne à 25. Avecles «35 heures», les charges ont augm<strong>en</strong>téà masse salariale égale, ce qui a impliquéd’accroître le chiffre d’affaires afin d’yfaire face. La croissance est liée au mainti<strong>en</strong>des emplois plutôt qu’à un objectif dedéveloppem<strong>en</strong>t.Le textile est un secteur d’activité trèsincertain. Les laines collectées régionalem<strong>en</strong>tsont utilisées pour la literie. Pourles vêtem<strong>en</strong>ts, Ardelaine utilise d’autreslaines plus solides car le problème de lalaine locale est qu’elle est courte.Les produits Ardelaine s’adress<strong>en</strong>t àune certaine catégorie de consommateurs.D’après Béatrice Barras ce n’est pasforcém<strong>en</strong>t la même cli<strong>en</strong>tèle que lescoopératives bio qui, elles, se développ<strong>en</strong>tfortem<strong>en</strong>t. Cela est confirmé par VivianeMargerie de la ferme bio de Portes-lès-Val<strong>en</strong>ce qui constate que les consommateursde Biocoop ne sont pas <strong>en</strong>core prêtsà acheter des produits autres qu’alim<strong>en</strong>taires.D’après la charte des Biocoops, il sembleraitcohér<strong>en</strong>t que les points de v<strong>en</strong>teadhér<strong>en</strong>ts s’approvisionn<strong>en</strong>t localem<strong>en</strong>t.Malgré cela, on constate que les coopsbio, le plus souv<strong>en</strong>t, préfèr<strong>en</strong>t acheter desproduits faits <strong>en</strong> Inde à des coûts très bas,car les consommateurs sont demandeursde produits à faible coût et se rassur<strong>en</strong>tavec des labels «commerce équitable».Béatrice Barras se demande si la consommationde masse de produits bio ne va pasviser à l’abaissem<strong>en</strong>t des prix plutôt quede pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte d’autres paramètressociaux et écologiques.SILENCE N°318/31928Janvier 2005
Mettre du s<strong>en</strong>sdans les projetsArdelaine ne prononce pas les mots deproductivité ou de profit. Le but est deformer des projets qui ont du s<strong>en</strong>s. Tousles salaires sont au SMIC sauf pour lePDG, Gérard Barras, et la DG (directricegénérale financière et sociale) CatherineChambon, qui perçoiv<strong>en</strong>t 20% de plus,victimes de la pression extérieure («çadev<strong>en</strong>ait suspect des g<strong>en</strong>s qui déclar<strong>en</strong>tdes salaires si bas !»).Le bénéfice est distribué pour 45% auxsalariés, 45% mis <strong>en</strong> réserve, 10% aux associés.La notion de productivité n’est apparuequ’<strong>en</strong> 2003 à la suite de mauvaisrésultats financiers. «Jusqu’à prés<strong>en</strong>t, tantque cela fonctionnait, on ne se posait pasce g<strong>en</strong>re de question». Pour analyser ledéf<strong>ici</strong>t, Ardelaine a travaillé cette annéeavec des consultants <strong>en</strong> gestion qui ontpoussé à poser cette question. Il ne s’agitpas de mettre la pression sur les g<strong>en</strong>spour du r<strong>en</strong>dem<strong>en</strong>t mais il s’agit d’avoirune réflexion sur l’intellig<strong>en</strong>ce de cequ’on fait, les gaspillages, les transportsinutiles, la rationalisation des outils… Laconstruction d’un hangar et de nouveauxateliers va dans le s<strong>en</strong>s de diminuer lamanut<strong>en</strong>tion, d’améliorer le lavage… toutcela va de pair avec l’amélioration de laqualité et des conditions de travail.Ardelaine etl’économie de marché«On ne se s<strong>en</strong>t pas bi<strong>en</strong> dans l’économiede marché. On y a toujours cherchédes brèches. Ardelaine ça rapporte pasgros mais ça apporte beaucoup de satisfactions.Nous nous y considéronscomme des résistants !»Ardelaine ne souhaite pas grossirdavantage. L’idée qui émerge est plutôt des’ori<strong>en</strong>ter vers l’essaimage avec unedécomposition de la filière tout <strong>en</strong>conservant la cohér<strong>en</strong>ce de l’<strong>en</strong>semble.En effet la logique de filière est indisp<strong>en</strong>sablecar des secteurs comme le lavage dela laine sont peu productifs et il ne resteplus qu’une <strong>en</strong>treprise à Mazamet (Tarn).Les <strong>en</strong>treprises devront bi<strong>en</strong>tôt faire laverleur laine à l’étranger et donc avoir tousles maillons de la filière sur place sera uneéconomie.Réussite humaineLes fondateurs sont toujours là :Catherine, Béatrice, Frédéric, Gérard,Pierre, Simone. Et d’après Béatrice il y aArdelaine<strong>en</strong>core beaucoup de ceux qui sont arrivés<strong>en</strong>suite «la deuxième génération» commeelle les appelle. Elle reconnaît que les«anci<strong>en</strong>s» ont beaucoup de poids sur leportage de l’<strong>en</strong>treprise et donc sur la prisede décision. Cela ti<strong>en</strong>t à la complexité duprojet : l’<strong>en</strong>treprise représ<strong>en</strong>te beaucoupde métiers, de saisonnalité, peu de margeet tout le savoir-faire, «les compét<strong>en</strong>ces<strong>en</strong>grangées» pès<strong>en</strong>t lourd.Les <strong>en</strong>treprises coopératives sont peunombreuses dans le secteur économique.«Les jeunes sont peu motivés et peu préparéset les savoir-faire se perd<strong>en</strong>t. Lescompét<strong>en</strong>ces opérationnelles sont dévaloriséeset ceux qui réfléchiss<strong>en</strong>t à l’av<strong>en</strong>irn’ont pas les moy<strong>en</strong>s, les connaissancestechniques pour le faire (comme parexemple pour remonter un bâtim<strong>en</strong>técroulé, faire fonctionner une turbine…)»Echangeset part<strong>en</strong>ariat«Dim<strong>en</strong>sion très importante à l’interne,l’échange fait aussi partie de la cultured’Ardelaine à l’externe. C’est ainsi quetout au long de son histoire, Ardelaine acherché à r<strong>en</strong>contrer et collaborer avecd’autres initiatives proches de sa s<strong>en</strong>sibilitéet de son projet.Elle est co-fondatrice du Réseaud’échanges et de pratiques alternatives etsolidaires (REPAS) qui regroupe une tr<strong>en</strong>tainede structures <strong>en</strong> France, se reconnaissantdans une culture commune del’<strong>en</strong>treprise et du développem<strong>en</strong>t.En 2000, avec le concours de larégion Rhône-Alpes, ce réseau a mis <strong>en</strong>place une formation originale de «compagnonnage»alternatif pour des jeunes <strong>en</strong>recherche personnelle. L’objectif de cecompagnonnage d’un type nouveau neréside pas dans la transmission d’un<strong>en</strong>ouvelle culture de l’<strong>en</strong>treprise et, à traverselle, de l’aptitude à appr<strong>en</strong>dre et àfaire <strong>en</strong>semble (2).C’est aussi dans le cadre de ce réseauque la publication d’expéri<strong>en</strong>ces relevantd’une même approche du développem<strong>en</strong>ta été décidée. Moutons rebelles écrit parBéatrice Barras a été le premier de la série(3). En effet on leur a longtemps reprochéde ne pas écrire sur leur histoire. «Le livrea permis de poser notre histoire et depouvoir nous <strong>en</strong> détacher. La collectionrassemble des témoignages afin d’<strong>en</strong>couragerd’autres initiatives et espère ouvrirles imaginaires. Il s’agit d’inciter d’autresacteurs à témoigner car souv<strong>en</strong>t ceux quifont sont tellem<strong>en</strong>t occupés par l’actionqu’il y a peu de communication, donc il ya la volonté de développer la communicationdes faiseurs».Sylviane Poul<strong>en</strong>ard nArdelaine, 07170 Saint-Pierreville,tél : 04 75 66 63 08.(1) En France les sociétés coopératives de productionsont 1500. En Rhône Alpes elles sont 200. Ellesemploi<strong>en</strong>t 3300 personnes et réalis<strong>en</strong>t 270 M€ dechiffre d’affaires.(2) Voir S!l<strong>en</strong>ce n°314, septembre 2004. Voir égalem<strong>en</strong>t,paru <strong>en</strong> 2001, un ouvrage publié aux éditionsCharles Léopold Mayer pour retracer cette expéri<strong>en</strong>ceQuand l’<strong>en</strong>treprise appr<strong>en</strong>d à vivre.(3) Moutons rebelles, Béatrice Barras, collection utopiques,éditions REPAS.SILENCE N°318/31929Janvier 2005
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