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21.07.2015 Views

Entreprise alternativeArdelaine, une coopérativeau cœur de l’ArdècheArdelaineArdelaine est inscrite dans le paysagedes entreprises coopératives depuis 1982.Vingt-trois ans de coopération au cours desquelselle a travaillé au développement local à traversson activité intégrant toute la filière laine.Scop SARL (société coopérativeouvrière de production) à l’origine,elle est devenue Scop SA à lademande des salariés qui souhaitaientavoir un conseil d’administration au lieud’un seul gérant (1). Actuellement laréflexion porte sur une nouvelle modificationen SCIP (société coopérative d’intérêtcollectif). En effet cette nouvelleforme permettrait d’une part de resterdans les structures coopératives maisaussi de s’ouvrir vers les collectivitéslocales ainsi que les consommateurs, producteurset institutions. Pour BéatriceBarras, présente depuis le début de l’aventure,«on est intéressé pour avoir diverstypes d’associés : des salariés, des associésnon salariés, des partenaires non institutionnels,des usagers et donc de garderl’esprit de filière».Actuellement existent déjà les clientssolidaires, 200 à 300 personnes, davantageinformés sur l’entreprise. Du côté desinstitutions Ardelaine souhaite davantagede partenariat mais elle reçoit peu d’échosà son souhait. Par exemple, elle souhaiteraittravailler davantage avec la communautéde communes puisque son activitéparticipe au développement local et àl’animation culturelle et touristique.Cependant les maires se mettent enconcurrence avec les initiativescitoyennes et préfèrent jouer leurspropres cartes. «Nous ne sommes pasfavorables à l’éparpillement des projets etaurions souhaité concentrer les diversprojets sur Saint-Pierreville : la dispersionest coûteuse par la nécessité de rémunérerbeaucoup de personnes. Sinon celaimplique de s’appuyer sur le bénévolat».Un groupe humainqui évolueLe groupe autour d’Ardelaine a évoluéet l’investissement des salariés dans leprojet n’est plus le même. «Ardelaine aété porté, créé par des personnes qui ontmutualisé leurs moyens et dont le projetétait de créer cette coopérative sanscompter leur temps. Maintenant on estdans une autre configuration. Ardelaineest une entreprise qui a sa logique propreet donc on laisse le choix aux salariésd’être coopérateur ou non».Ainsi, aujourd’hui, seulement 18 salariéssur 30 sont coopérateurs et selonBéatrice Barras cela se vit bien. Pour celaArdelaine a du modifier des règles defonctionnement. «Il y avait danger decoupure entre coopérateurs et non coopérateurs,le fossé se creusait. On a gomméles différences par exemple en supprimantla réunion des coopérateurs qui rassembledésormais tous les salariés.D’autres mesures ont été prises surtout auniveau de la circulation des informations :l’AG est ouverte aux salariés non coopérateurs».Pour les fondateurs de l’entreprise sepose désormais le problème de «son portageet de sa continuation».A l’évocation des départs d’un certainnombre de salariés, membres du collectifde vie, Béatrice Barras répond que legroupe humain a ses humanités, sesamours et ses désamours et que, si à uneépoque le groupe humain était indissociablede l’entreprise, aujourd’hui on neparle plus de collectif de vie, on parle demutuelle à plusieurs vitesses. Ainsi lesmoyens de transport sont mutualisés.Quant aux repas de midi ils sont prisensemble par ceux qui le souhaitent à lacantine de l’entreprise.«Les changements d’organisation nesont pas liés aux départs. On laisse laplace aux changements. Des changementsse sont produits et il y en aura encore. Çase passe très naturellement sans forcémentdes crises».Une niche économiqueDepuis plusieurs années le nombred’emplois temps plein stagne à 25. Avecles «35 heures», les charges ont augmentéà masse salariale égale, ce qui a impliquéd’accroître le chiffre d’affaires afin d’yfaire face. La croissance est liée au maintiendes emplois plutôt qu’à un objectif dedéveloppement.Le textile est un secteur d’activité trèsincertain. Les laines collectées régionalementsont utilisées pour la literie. Pourles vêtements, Ardelaine utilise d’autreslaines plus solides car le problème de lalaine locale est qu’elle est courte.Les produits Ardelaine s’adressent àune certaine catégorie de consommateurs.D’après Béatrice Barras ce n’est pasforcément la même clientèle que lescoopératives bio qui, elles, se développentfortement. Cela est confirmé par VivianeMargerie de la ferme bio de Portes-lès-Valence qui constate que les consommateursde Biocoop ne sont pas encore prêtsà acheter des produits autres qu’alimentaires.D’après la charte des Biocoops, il sembleraitcohérent que les points de venteadhérents s’approvisionnent localement.Malgré cela, on constate que les coopsbio, le plus souvent, préfèrent acheter desproduits faits en Inde à des coûts très bas,car les consommateurs sont demandeursde produits à faible coût et se rassurentavec des labels «commerce équitable».Béatrice Barras se demande si la consommationde masse de produits bio ne va pasviser à l’abaissement des prix plutôt quede prendre en compte d’autres paramètressociaux et écologiques.SILENCE N°318/31928Janvier 2005

Mettre du sensdans les projetsArdelaine ne prononce pas les mots deproductivité ou de profit. Le but est deformer des projets qui ont du sens. Tousles salaires sont au SMIC sauf pour lePDG, Gérard Barras, et la DG (directricegénérale financière et sociale) CatherineChambon, qui perçoivent 20% de plus,victimes de la pression extérieure («çadevenait suspect des gens qui déclarentdes salaires si bas !»).Le bénéfice est distribué pour 45% auxsalariés, 45% mis en réserve, 10% aux associés.La notion de productivité n’est apparuequ’en 2003 à la suite de mauvaisrésultats financiers. «Jusqu’à présent, tantque cela fonctionnait, on ne se posait pasce genre de question». Pour analyser ledéficit, Ardelaine a travaillé cette annéeavec des consultants en gestion qui ontpoussé à poser cette question. Il ne s’agitpas de mettre la pression sur les genspour du rendement mais il s’agit d’avoirune réflexion sur l’intelligence de cequ’on fait, les gaspillages, les transportsinutiles, la rationalisation des outils… Laconstruction d’un hangar et de nouveauxateliers va dans le sens de diminuer lamanutention, d’améliorer le lavage… toutcela va de pair avec l’amélioration de laqualité et des conditions de travail.Ardelaine etl’économie de marché«On ne se sent pas bien dans l’économiede marché. On y a toujours cherchédes brèches. Ardelaine ça rapporte pasgros mais ça apporte beaucoup de satisfactions.Nous nous y considéronscomme des résistants !»Ardelaine ne souhaite pas grossirdavantage. L’idée qui émerge est plutôt des’orienter vers l’essaimage avec unedécomposition de la filière tout enconservant la cohérence de l’ensemble.En effet la logique de filière est indispensablecar des secteurs comme le lavage dela laine sont peu productifs et il ne resteplus qu’une entreprise à Mazamet (Tarn).Les entreprises devront bientôt faire laverleur laine à l’étranger et donc avoir tousles maillons de la filière sur place sera uneéconomie.Réussite humaineLes fondateurs sont toujours là :Catherine, Béatrice, Frédéric, Gérard,Pierre, Simone. Et d’après Béatrice il y aArdelaineencore beaucoup de ceux qui sont arrivésensuite «la deuxième génération» commeelle les appelle. Elle reconnaît que les«anciens» ont beaucoup de poids sur leportage de l’entreprise et donc sur la prisede décision. Cela tient à la complexité duprojet : l’entreprise représente beaucoupde métiers, de saisonnalité, peu de margeet tout le savoir-faire, «les compétencesengrangées» pèsent lourd.Les entreprises coopératives sont peunombreuses dans le secteur économique.«Les jeunes sont peu motivés et peu préparéset les savoir-faire se perdent. Lescompétences opérationnelles sont dévaloriséeset ceux qui réfléchissent à l’avenirn’ont pas les moyens, les connaissancestechniques pour le faire (comme parexemple pour remonter un bâtimentécroulé, faire fonctionner une turbine…)»Echangeset partenariat«Dimension très importante à l’interne,l’échange fait aussi partie de la cultured’Ardelaine à l’externe. C’est ainsi quetout au long de son histoire, Ardelaine acherché à rencontrer et collaborer avecd’autres initiatives proches de sa sensibilitéet de son projet.Elle est co-fondatrice du Réseaud’échanges et de pratiques alternatives etsolidaires (REPAS) qui regroupe une trentainede structures en France, se reconnaissantdans une culture commune del’entreprise et du développement.En 2000, avec le concours de larégion Rhône-Alpes, ce réseau a mis enplace une formation originale de «compagnonnage»alternatif pour des jeunes enrecherche personnelle. L’objectif de cecompagnonnage d’un type nouveau neréside pas dans la transmission d’unenouvelle culture de l’entreprise et, à traverselle, de l’aptitude à apprendre et àfaire ensemble (2).C’est aussi dans le cadre de ce réseauque la publication d’expériences relevantd’une même approche du développementa été décidée. Moutons rebelles écrit parBéatrice Barras a été le premier de la série(3). En effet on leur a longtemps reprochéde ne pas écrire sur leur histoire. «Le livrea permis de poser notre histoire et depouvoir nous en détacher. La collectionrassemble des témoignages afin d’encouragerd’autres initiatives et espère ouvrirles imaginaires. Il s’agit d’inciter d’autresacteurs à témoigner car souvent ceux quifont sont tellement occupés par l’actionqu’il y a peu de communication, donc il ya la volonté de développer la communicationdes faiseurs».Sylviane Poulenard nArdelaine, 07170 Saint-Pierreville,tél : 04 75 66 63 08.(1) En France les sociétés coopératives de productionsont 1500. En Rhône Alpes elles sont 200. Ellesemploient 3300 personnes et réalisent 270 M€ dechiffre d’affaires.(2) Voir S!lence n°314, septembre 2004. Voir également,paru en 2001, un ouvrage publié aux éditionsCharles Léopold Mayer pour retracer cette expérienceQuand l’entreprise apprend à vivre.(3) Moutons rebelles, Béatrice Barras, collection utopiques,éditions REPAS.SILENCE N°318/31929Janvier 2005

Entreprise alternativeArdelaine, une coopérativeau cœur de l’ArdècheArdelaineArdelaine est inscrite dans le paysagedes <strong>en</strong>treprises coopératives depuis 1982.Vingt-trois ans de coopération au cours desquelselle a travaillé au développem<strong>en</strong>t local à traversson activité intégrant toute la filière laine.Scop SARL (société coopérativeouvrière de production) à l’origine,elle est dev<strong>en</strong>ue Scop SA à lademande des salariés qui souhaitai<strong>en</strong>tavoir un conseil d’administration au lieud’un seul gérant (1). Actuellem<strong>en</strong>t laréflexion porte sur une nouvelle modification<strong>en</strong> SCIP (société coopérative d’intérêtcollectif). En effet cette nouvelleforme permettrait d’une part de resterdans les structures coopératives maisaussi de s’ouvrir vers les collectivitéslocales ainsi que les consommateurs, producteurset institutions. Pour BéatriceBarras, prés<strong>en</strong>te depuis le début de l’av<strong>en</strong>ture,«on est intéressé pour avoir diverstypes d’associés : des salariés, des associésnon salariés, des part<strong>en</strong>aires non institutionnels,des usagers et donc de garderl’esprit de filière».Actuellem<strong>en</strong>t exist<strong>en</strong>t déjà les cli<strong>en</strong>tssolidaires, 200 à 300 personnes, davantageinformés sur l’<strong>en</strong>treprise. Du côté desinstitutions Ardelaine souhaite davantagede part<strong>en</strong>ariat mais elle reçoit peu d’échosà son souhait. Par exemple, elle souhaiteraittravailler davantage avec la communautéde communes puisque son activitépart<strong>ici</strong>pe au développem<strong>en</strong>t local et àl’animation culturelle et touristique.Cep<strong>en</strong>dant les maires se mett<strong>en</strong>t <strong>en</strong>concurr<strong>en</strong>ce avec les initiativescitoy<strong>en</strong>nes et préfèr<strong>en</strong>t jouer leurspropres cartes. «Nous ne sommes pasfavorables à l’éparpillem<strong>en</strong>t des projets etaurions souhaité conc<strong>en</strong>trer les diversprojets sur Saint-Pierreville : la dispersionest coûteuse par la nécessité de rémunérerbeaucoup de personnes. Sinon celaimplique de s’appuyer sur le bénévolat».Un groupe humainqui évolueLe groupe autour d’Ardelaine a évoluéet l’investissem<strong>en</strong>t des salariés dans leprojet n’est plus le même. «Ardelaine aété porté, créé par des personnes qui ontmutualisé leurs moy<strong>en</strong>s et dont le projetétait de créer cette coopérative sanscompter leur temps. Maint<strong>en</strong>ant on estdans une autre configuration. Ardelaineest une <strong>en</strong>treprise qui a sa logique propreet donc on laisse le choix aux salariésd’être coopérateur ou non».Ainsi, aujourd’hui, seulem<strong>en</strong>t 18 salariéssur 30 sont coopérateurs et selonBéatrice Barras cela se vit bi<strong>en</strong>. Pour celaArdelaine a du modifier des règles defonctionnem<strong>en</strong>t. «Il y avait danger decoupure <strong>en</strong>tre coopérateurs et non coopérateurs,le fossé se creusait. On a gomméles différ<strong>en</strong>ces par exemple <strong>en</strong> supprimantla réunion des coopérateurs qui rassembledésormais tous les salariés.D’autres mesures ont été prises surtout auniveau de la circulation des informations :l’AG est ouverte aux salariés non coopérateurs».Pour les fondateurs de l’<strong>en</strong>treprise sepose désormais le problème de «son portageet de sa continuation».A l’évocation des départs d’un certainnombre de salariés, membres du collectifde vie, Béatrice Barras répond que legroupe humain a ses humanités, sesamours et ses désamours et que, si à uneépoque le groupe humain était indissociablede l’<strong>en</strong>treprise, aujourd’hui on neparle plus de collectif de vie, on parle demutuelle à plusieurs vitesses. Ainsi lesmoy<strong>en</strong>s de transport sont mutualisés.Quant aux repas de midi ils sont pris<strong>en</strong>semble par ceux qui le souhait<strong>en</strong>t à lacantine de l’<strong>en</strong>treprise.«Les changem<strong>en</strong>ts d’organisation nesont pas liés aux départs. On laisse laplace aux changem<strong>en</strong>ts. Des changem<strong>en</strong>tsse sont produits et il y <strong>en</strong> aura <strong>en</strong>core. Çase passe très naturellem<strong>en</strong>t sans forcém<strong>en</strong>tdes crises».Une niche économiqueDepuis plusieurs années le nombred’emplois temps plein stagne à 25. Avecles «35 heures», les charges ont augm<strong>en</strong>téà masse salariale égale, ce qui a impliquéd’accroître le chiffre d’affaires afin d’yfaire face. La croissance est liée au mainti<strong>en</strong>des emplois plutôt qu’à un objectif dedéveloppem<strong>en</strong>t.Le textile est un secteur d’activité trèsincertain. Les laines collectées régionalem<strong>en</strong>tsont utilisées pour la literie. Pourles vêtem<strong>en</strong>ts, Ardelaine utilise d’autreslaines plus solides car le problème de lalaine locale est qu’elle est courte.Les produits Ardelaine s’adress<strong>en</strong>t àune certaine catégorie de consommateurs.D’après Béatrice Barras ce n’est pasforcém<strong>en</strong>t la même cli<strong>en</strong>tèle que lescoopératives bio qui, elles, se développ<strong>en</strong>tfortem<strong>en</strong>t. Cela est confirmé par VivianeMargerie de la ferme bio de Portes-lès-Val<strong>en</strong>ce qui constate que les consommateursde Biocoop ne sont pas <strong>en</strong>core prêtsà acheter des produits autres qu’alim<strong>en</strong>taires.D’après la charte des Biocoops, il sembleraitcohér<strong>en</strong>t que les points de v<strong>en</strong>teadhér<strong>en</strong>ts s’approvisionn<strong>en</strong>t localem<strong>en</strong>t.Malgré cela, on constate que les coopsbio, le plus souv<strong>en</strong>t, préfèr<strong>en</strong>t acheter desproduits faits <strong>en</strong> Inde à des coûts très bas,car les consommateurs sont demandeursde produits à faible coût et se rassur<strong>en</strong>tavec des labels «commerce équitable».Béatrice Barras se demande si la consommationde masse de produits bio ne va pasviser à l’abaissem<strong>en</strong>t des prix plutôt quede pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> compte d’autres paramètressociaux et écologiques.SILENCE N°318/31928Janvier 2005

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