téléchargement en PDF ici. - Silence

Micro-agricultureLa contestation par le potagerL'agroécologie dévoile l'envergure économique et sociale de tous les prolongementsd'une agriculture qui se soucie de son impact. On peut commencer à son échelle…1. On sait qu'elles ont fait disparaîtreen Irak des quantités de blés, depalmiers dattiers et de légumescultivés depuis des siècles.4 0 S!lence n°377 mars 2010Quentin LacosteUNEMICRO-CULTUREPEUT ÊTRE PRATIQUÉE DONTles micros résultats peuvents'additionner. Il n'existe pasplus, dans ce domaine, depetites doses positives quel'on puisse négliger à l'instardes faibles radiations funestesqui s'ajoutent. J'en viens à maconclusion : le concept dupotager politique. Ce quinécessite quelques explications.Et une anecdote quevoici : dans le cadre d'uneexpérience de décroissanceappliquée, nous avons acquisune nouvelle maison pluspetite que la précédente. Lejardin est aussi beaucoupplus petit. Où diable allionsnouscaser le potager bioindispensable à notre survie ?Casse crouteIl y avait bien, derrière la maison, un bout decour ingrat où n'était planté qu'un étendoir à lingeles pieds ancrés dans le béton. De précédents habitantsavaient cimenté toute la surface sans lésinersur l'épaisseur. L'idée saugrenue de transformer lebéton en bonne terre avait germé dans nos têtesavant toute germination réelle et attendue.Je passe sur les détails : trouver de l'aide pourdéfoncer, trouver de la terre arable non polluée…Etant donné l'exiguïté de la surface, nous avionsdemandé un demi camion et on nous livra uncamion entier, le tas atteignant le premier étage.Nous avions de la terre à cultiver, mais dans lesens vertical. A nous de la rendre horizontale ; autemps du numérique, la brouette et la pelle sonttoujours d'un grand secours.En une semaine de travail acharné, la terre étaithorizontale. Cependant, comme nous en avionstrop, il a fallu la disposer selon plusieurs niveaux,avec petites barrières bois, comme dans les jardinsdu Moyen-âge reconstitués pour les touristes. C'estjoli, mais je ne veux pas vous parler d'esthétique, jeveux vous parler de politique.Parce que nos voisins, ricanant sans doute ànous voir brouetter sans relâche ni 35 h, ont commencéà se poser des questions. Stade suivant : ànous poser des questions. Pourquoi casser unbéton costaud si pratique pour éliminer l'herbe,qui est mauvaise, l'herbe, c'est bien connu, pourfabriquer des sortes de drôles de petites terrasses ?Et vous allez planter quoi ? Des légumes ! Minesstupéfaites de ceux qui savent le supermarché pasloin… Oui, mais ils seront sans engrais, sans traitementaucun, nos légumes.Un an après, on a pu distribuer quelquesmenus excédents aux questionneurs, quand lesharicots nous submergeaient et quand les saladesallaient monter.Notre travail de fous avait suscité la curiosité,sinon la moquerie, et maintenant que l'on reconnaissaitle bien fondé de l'action, un débat était possible :s'il existe des personnes d'apparence normale qui sedonnent tant de peine pour avoir du "bio" à la placedu béton, c'est qu'il doit y avoir des raisons…Le potager politiqueLe potager politique peut se faire partout.Transformer un morceau de pelouse, une platebande,pour des légumes bio, cela suffit pour expliquerau voisinage pourquoi on essaye d'éviter de seservir dans les grandes surfaces, pourquoi leround-up est un poison, pourquoi l'industrie chimiqueest dangereuse etc, etc.Et c'est tout le système économique qui ne vapas. Ce qu'ils vendent au rayon fruits et légumesdu supermarché, ça vient d'Argentine ou du Chili,est-ce que vous trouvez ça normal ?Beaux, nos poireaux ? Oui, pas mal, vous envoulez deux ou trois ? Ils ne pollueront pas l'air parleur transport jusqu'à votre marmite, ceux-là ! Lepoireau est ainsi promu au rang de lien social.Au-delà du rôle de facteur d'échange de la productionpotagère, il est à noter, également, que le jardinierpeut éprouver une grande satisfaction à la contemplationde la métamorphose du béton en végétaux comestibleset de la tenue des débats qui s'ensuivent.Je ne suis pas assez compétente pour mesurerexactement la valeur du concept économico-socialdu micro potager urbain volontaire. Le calculdevrait considérer la surface de la parcelle convertie,sa localisation (la présence de la grande distributiontout autour accentuant l'effet contestataire),l'efficacité au mètre carré sur l'environnement et lamentalité du voisinage.Il conviendrait de mesurer aussi le volumed'eau rendu à la nappe phréatique par l'éliminationdu béton (ou goudron, ou dallage selon les cas) quiimperméabilisait le sol.Enfin, il serait utile de comptabiliser le nombrede citoyens susceptibles de militer par micro jardinagepour connaître le nombre qu'il faut atteindrepour faire basculer le système économique.Je plaisante ? Peut-être…Car, dès que l'on prend conscience de la valeursymbolique de l'acte, apparaissent des corollaires, laquestion de la souveraineté alimentaire, par exemple,mise en péril par les multinationales semencières etleurs brevets 1 . Sauver des semences dans les jardinetsurbains devient alors une noble tâche.Madeleine Nutchey n