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Elu/es et question de genreDiscussion, débat, conversation :un enjeu égalitaire majeurCorinne Monnet est l'auteure d'un documentque publie entre autres infokiosques.net, et quidécrit, références d'études à l'appui, "la répartitiondes tâches entre les femmes et les hommes dans letravail de la conversation" (tel est son titre).Cette répartition reflète la domination masculinehistorique qui caractérise toutes les sociétéshumaines : il y a non seulement une répartitiondifférenciée des tâches, mais aussi une hiérarchiedans l'appréciation et la prise en compte de cestâches.En couple, et a fortiori en collectif mixte :> les hommes parlent davantage (et unefemme parlant autant qu'un homme seraperçue comme faisant une contribution pluslongue) ;> les hommes interrompent souvent lesfemmes, quel que soit leur statut professionnel,et l'inverse a lieu beaucoup plus rarement;> les femmes se servent de signes et de sonsbrefs pendant que leur interlocuteur parle,pour montrer leur intérêt, elles questionnentdeux fois plus que les hommes, tout celavisant à maintenir et à ouvrir l'interaction ;> les hommes emploient peu ces procédés oune les placent pas à un moment propre àencourager le sujet abordé, ils tendent àminimiser l'interaction mixte ;> les arguments et sujets introduits par lesfemmes ne sont repris qu'en décalé par leshommes, quand ils ne sont pas négligés ;> les hommes, interrompus par des interlocuteursmasculins, réintroduisent leurs argumentset leurs sujets, mais beaucoup defemmes se réfugient plutôt dans le silence,au minimum dans de longues pauses…En résumé : le tour de parole des femmes estvécu comme non essentiel dans la conversation, etcelles-ci sont obligées de pratiquer un style coopératifen raison du style égoïste des hommes, pourpeu qu'elles tiennent à tenir des conversationsmixtes...Quand les femmes renoncent à leur style stéréotypé,qu'elles s'accrochent à leur sujet et le rappellent,qu'elles ne se taisent pas après avoir étéinterrompues et ne livrent plus de marques desoutien, elles sont vite jugées insupportables, etpas toujours seulement par les hommes. En général,les comportements qui, au masculin, ont desconnotations de pouvoir, prennent une connotationsexuelle quand ce sont les femmes qui lesadoptent. On tente de rapporter toute manifestationde puissance d'une femme à une visée séductrice,sinon castratrice.Et si les comportements d'humains plutôthommes ou plutôt femmes peuvent à bon droitêtre comparés à ceux de cultures différentes, cesont deux cultures qui ne sont pas séparées maisqui s'élaborent mutuellement dans un rapport dedomination de l'une sur l'autre, et non d'"incommunication".Aussi, "lors d'une discussion, nous sommesengagé/es dans une activité politique conséquentequi peut permettre la renégociation de la réalitésociale. Si les interactions peuvent prendre part àla construction du genre et de sa hiérarchie, ellespeuvent aussi œuvrer à sa déconstruction".En tant que citoyen/nes, avoir compris celaexige que nous prenions des mesures techniquespour garantir autant d'égalité que possible dansnos débats, que nous soyons dans des collectifs,des partis ou des institutions, a fortiori si nousimpliquons un public. Les deux axes en sont :ralentir l'interaction et la rendre aussi lisible quepossible. On usera par exemple, d'un bâton deparole, d'une facilitation avec affichage évolutif dessujets et des arguments, etc.beaucoup se joue au stade des micropouvoirs,incarnés dans des dispositifs concrets (bureaux,tribunes etc.) et circulant dans les comportementsde prise de parole (voir l'encadré n° 2). Il y auraità effectuer un travail culturel de représentation dece qui a lieu dans ces échanges oraux, en privilégiantl'humour plutôt que la tragédie (bien présente...),pour faciliter la compréhension desenjeux et stimuler l'invention de défenses et l'utilisationde procédures émancipatrices pour tous.Tout cela est heureusement en train dans lesmarges (comme on dit), et non sans débats,comme en témoigne notre précédent dossier sur leconsensus et les réactions qu'il a suscitées.M.-P. N. nD.R.S!lence n°377 mars 20101 7