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Elu/es et question de genreAdrienne BarmanUne gageure : féminiserl'expression écriteL’utilisation du slash (/) est le caractère queMichèle Loup, conseillère régionale des Verts enÎle-de-France, trouve le plus lisible et le meilleursymboliquement car, argumente-t-elle :> les femmes ne se mettent pas entre parenthèses: donc pas de "ami(e)s francilien(ne)sou européen(ne)s" !> les femmes n’ont pas à être "unies" auxhommes : donc pas de "ami-e-s francilienne-sou européen-ne-s" non plus, ce qui estd'ailleurs difficilement lisible ;> les femmes doivent être "autonomes" : le / ,signe de l’autonomie, se lit facilement.Ce qui donne, par exemple : "Ami/es francilien/nesou européen/nes..."(Pas de complication, on ne double pas le / :donc pas de "ami/e/s francilien/ne/s ou européen/ne/s...").Certains conseils régionaux (Bretagne, Midi-Pyrénées) et des revues telles Travail, genre et sociétés(CNRS) utilisent déjà ces conventions, ainsique récemment l’Agence de développement desrelations interculturelles pour la citoyenneté(ADRIC), dans une excellente brochure d’environ150 pages : Face aux violences et aux discriminations: accompagner les femmes issues des immigrations(voir leur site : www.adric.eu).Au-delà des règles d'orOn sent bien toute l'importance des initiativesindividuelles pour obtenir des avancées dans uncontexte sociopolitique caractérisé par une grandeinertie, voire une franche réaction, avec une miseen concurrence budgétaire permanente. Ainsi,Michèle Loup, conseillère régionale, recommandet-elle,dans le groupe des Verts, des règles d'expressionallant au-delà de celles évoquées ci-dessus(voir l'encadré n° 1).Egalité entre hommes etfemmes ou égalité des genres ?Pour revenir aux règles d'or, on y constate,comme dans presque toutes les productions institutionnelles,que la réflexion sur les sexes ("biologiques")et les genres ("construction sociale")n'utilise que les catégories d'homme-femme et demasculin-féminin. S'attaquer aux stéréotypes dansles rôles sociaux, revient à ouvrir ces derniers "auxdeux sexes" et à lutter contre leur hiérarchisation,dont la langue témoigne au premier chef. Mais estceque la binarité ne favorise pas la hiérarchie ? Unplus, un moins, c'est facile... N'y aurait-il pas, pourébranler cette binarité, à valoriser la diversité dessexes et des genres minoritaires ? Ouvrir l'éventaildes rôles sociaux en renonçant à la simplicité statistiquequi ne voit que deux genres fondés sur deuxsexes biologiques, c'est là une tâche colossale, maiselle est déjà en train. Dans l'iconographie et ladocumentation, ce sera plus facile que dans lalangue. Certes, on ne s'attend guère à ce que desélu/es valorisent des options encore marginalesdans la société, mais on se permet d'espérer un peud'audace au service de la cohérence d'une viséepolitique, ici l'égalité des genres.Dans les contenus et dans la langue, sortir dudualisme hétérosexuel homme et femme rend plusdifficile la hiérarchisation et met clairement enavant l'émancipation de tous. On ne devrait jamaistraiter de l'inégalité masculin-féminin sans relativiserautant que possible la binarité biologique qui lasous-tend, sans brouiller la dualité des rôles. Celasuppose, par exemple, de montrer autre chose quedes "femmes-femmes" (avec le sourire de rigueur),de montrer la variété, de montrer l'ambigu. Lacontamination par l'esthétique publicitaire règnehélas dans la communication politique. En témoignentle côté prospère et propret des personnesmises en avant, et la théâtralisation gentille desposes et des fonds : rien de surpris, rien d'à-peuprès,que de la vie en conserve qui ne doute derien, (et surtout pas de la croissance ?). Et ce nesont pas les procédés numériques qui arrangent leschoses. Fonds lisses et graphismes guillerets : oncontinue visiblement à viser un monde sanshumus, pas d'odeurs – rien que des parfums –, etplus d'insectes – rien que des peluches...Et l'oralité ?Le dépliant ici examiné ignore les problèmesqu'impliquent les contextes d'échanges oraux, quece soit pour les femmes ou plus largement pour lespersonnes symboliquement déconsidérées. Or,1 6 S!lence n°377 mars 2010