Décroissance, côté femmesLa générosité masculineIl y a quelque temps déjà, Sil<strong>en</strong>ce m’avaitproposé de réfléchir sur la décroissance“côté femmes”. Alors j’ai guettéce que disai<strong>en</strong>t les lectrices.Un passage peu connude la G<strong>en</strong>èse...Adam s’<strong>en</strong>nuyait seuldans l’Ed<strong>en</strong>.Alors Dieu lui dit :“Je vais te donner unecompagne qui pr<strong>en</strong>dra soinde toi et cuisinera de bonspetits plats. Elle sera belleet douce, att<strong>en</strong>tiveà tes désirs... Seulem<strong>en</strong>t voilà,pour la créer, j’ai besoinque tu me donnesune de tes jambes.- Une jambe ?...Je ne pourrais pas l’avoirpour une côte ?”Elisad’elles se complaît : “Je suisfemme et je suis fée...” On p<strong>en</strong>se àL’uneDutronc : “Je fais ma propre publ<strong>ici</strong>té,m’essayer c’est m’adopter !” Maischez lui, c’est de l’humour !Ce que j’ai lu relève plus ou moins du“corporatisme”. On dirait que les femmesne peuv<strong>en</strong>t plus être heureuses qu’<strong>en</strong>treelles. Je force le trait, mais il y a de cela.La solidarité est nécessaire, je la pratiqueet je l’apprécie mais ma solidarité(féminine) s’<strong>en</strong>flamme aussi quand jevois par exemple un homme accusé detorts qui ne sont pas les si<strong>en</strong>s !Voulez-vous faire avec moi un petitpas de côté ?Parlons-nous desmêmes hommes ?Ceux que je connais sont intellig<strong>en</strong>ts,drôles, serviables, <strong>en</strong>fin presque tous, àpart quelques patrons pires que primates.Et maint<strong>en</strong>ant que je suis vieille, ils ontassez d’imagination créatrice pour metrouver aimable : bravo et merci !Où sont ces hommes merveilleux ?Pas sur le terrain de la compétition (etmoi et moi !) mais sur celui de la solidaritéet du partage.Justem<strong>en</strong>t le domaine de Sil<strong>en</strong>ce :vous les avez r<strong>en</strong>contrés sans les reconnaître!Vous étiez le nez dans la rev<strong>en</strong>dication...Je ne rev<strong>en</strong>dique pas pour nous unemeilleure place dans le système mais carrém<strong>en</strong>tautre chose.Je sais qu’il y a beaucoup de femmesexploitées mais aussi d’<strong>en</strong>fants exploités,d’émigrés exploités... C’est contre l’exploitationque je me bats, que nous nousbattons, c’est elle que nous devons attaquerà la racine.Comm<strong>en</strong>t sontdistribués les rôlesdans un mondesolidaire ?Si on réussit à donner <strong>en</strong>vie d’unmonde solidaire, tout changera pourtous. Alors, comm<strong>en</strong>çons tout de suite !Les femmes exig<strong>en</strong>t d’être aiméesmais sav<strong>en</strong>t-elles aimer ?Je vais vous donner ma recette : dansnotre couple, Michel pr<strong>en</strong>ait le parti desfemmes et moi le parti des hommes, ça finissaitpar nous faire rire.Il agissait pour mon bonheur et j’agissaispour le si<strong>en</strong>. C’était bi<strong>en</strong>, mais il a étéplus efficace que moi puisqu’il est parti del’autre côté de la vie et que je suis <strong>ici</strong>, avecma reconnaissance <strong>en</strong>vers la g<strong>en</strong>t masculine...Parlons de la beautéC’est très agréable d’être trouvée belle.Tout ce qu’on dit, tout ce qu’on faitpr<strong>en</strong>d un charme supplém<strong>en</strong>taire.Ri<strong>en</strong> de tel pour être bi<strong>en</strong> dans sapeau !D’où vi<strong>en</strong>t la beauté ? En fait, c’estsurtout une création de celui ou celle quiregarde. C’est une œuvre collective qui sedonne des critères variables.Les critères véhiculés par les médiassont réducteurs : refusons ces étroits “canons”et diversifions, élargissons, humanisonsnos critères !Le désir sexuel joue : loué soit-il, d’autantplus qu’il peut pr<strong>en</strong>dre mille formesjusqu’à embrasser l’univers <strong>en</strong>tier !Au cours des siècles les hommes sesont montrés créatifs au point que maint<strong>en</strong>antla beauté est presque exclusivem<strong>en</strong>tl’apanage des femmes.SILENCE N°350 Octobre 200712
... Autre passage <strong>en</strong>core moins connuAdam est mort à la sortie de l’Ed<strong>en</strong> et Eve est effondrée.Alors Dieu lui dit :“ Je vais te donner un autre Adam aussi beau que le premier... Seulem<strong>en</strong>t voilà,pour le créer, j’ai besoin que tu me donnesune de tes côtes.- Une côte ? ... Je ne pourrais pas l’avoir pour une natte ?”Merci, mais c’est trop !Nous aussi, nous sommes capablesd’inv<strong>en</strong>ter des critères. Allons, les filles,peaufinons une nouvelle beauté masculine!Eux aussi sont des paysages, monts etvallées, forêts et sources...Si nous réussissons à convaincre noshommes qu’ils sont beaux sans avoir besoind’exhiber des muscles, ils serontmieux dans leur peau.Hommes et femmes se modèl<strong>en</strong>t mutuellem<strong>en</strong>t.Les hommes ont conquis le droitd’exprimer de mille façons leur admirationpour les femmes.Et nous, aurons-nous assez de générositéet de tranquille assurance pour dir<strong>en</strong>otre admiration pour les hommes qui sebatt<strong>en</strong>t avec nous pour un mondemeilleur ?Ils cherch<strong>en</strong>t leur dignité ailleurs quedans les attributs masculins, orgueil desmachos ; c’est bi<strong>en</strong>, mais ce n’est pas uneraison pour traiter maint<strong>en</strong>ant par le méprisces attributs !Des rôles différ<strong>en</strong>ts,une égale dignitéJ’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ds : l’admiration c’est bi<strong>en</strong>beau mais c’est kikiparle <strong>en</strong> public et kikifaitle ménage ?Si la femme est surchargée de travail,ce n’est pas forcém<strong>en</strong>t de la faute de soncompagnon. La machine économiques’emballe et nous affole tous.Il y a aussi, ne le nions pas, desfemmes insatiables à qui tout est dû.Je voudrais que mes jeunes sœurs dis<strong>en</strong>tà leur compagnon “mais non, je neveux pas de richesses, mais non, je n’aipas besoin que tu fasses des prouesses. Tues beau dans ta faiblesse comme dans taforce.” Qu’elles valoris<strong>en</strong>t le travail accompliet qu’elles valoris<strong>en</strong>t aussi le repos.Voilà une bonne <strong>en</strong>trée dans la décroissance!Cela ne désamorce pas <strong>en</strong>core les rev<strong>en</strong>dicationssur le partage des tâchesmais l’éclairage change.DRC’est normal que nous ne fassions pasles mêmes choses : nous sommes différ<strong>en</strong>tsquant aux forces, aux rythmes, etc.Il n’est pas sûr que nous soyons autantlésées que le dis<strong>en</strong>t les féministes rev<strong>en</strong>dicatrices: peu de femmes au cœurdes c<strong>en</strong>trales, au marteau piqueur, à la déchetterie...Merci Messieurs de pr<strong>en</strong>dreles travaux les plus pénibles mais ce n’estpas juste que vous y laissiez la santé : c’estaussi notre souci de vous <strong>en</strong> libérer !Autrem<strong>en</strong>t, c’est plutôt lui qui pr<strong>en</strong>dla parole <strong>en</strong> public ? Merci de m’épargnerce stress, je préfère coller les <strong>en</strong>veloppes.C’est lui qui conduit la valse ?Comme c’est reposant et dynamisant dese caler sur son rythme !La plupart des femmes sont commemoi et les hommes non plus ne dispos<strong>en</strong>tpas à tout mom<strong>en</strong>t de l’énergie qu’il fautpour impulser, coordonner, représ<strong>en</strong>terun grand mouvem<strong>en</strong>t. Nous préféronsalors l’arrière plan : nuancer, ajuster,transmettre, rapprocher...La “parité” laisse intacte la conc<strong>en</strong>trationdes pouvoirs. Et il faudrait que lesfemmes boug<strong>en</strong>t pour <strong>en</strong>trer dans ce jeu ?Après l’effet de nouveauté (toute relative),on s’apercevra que le pouvoirconc<strong>en</strong>tré a sur elles les mêmes effets ravageurs.Je préfère me bouger pour qu’onaccède tous de plein droit à la dignité,qu’on soit dans l’ombre ou sous les projecteurs.Il y a, pour des raisons à la fois biologiqueset culturelles, moins de femmesque d’hommes capables d’assurer le premierrôle ? Ce n’est pas un drame tantque la situation reste fluide et contrôlée.Pourquoi alors est-ce vécu par certainescomme une frustration ? Parce quel’arg<strong>en</strong>t et les honneurs vont à ceux quiguid<strong>en</strong>t, alors que les seconds rôles, quidemand<strong>en</strong>t autant de tal<strong>en</strong>t, sont sousévalués.C’est l’ inégalité des salaires etdes honneurs qui aiguillonne la compétitionet fausse tout !Cassons la rivalité !La frustration, c’est le nerf du capitalisme.Pactisons au lieu de rivaliser,mieux : pr<strong>en</strong>ons fait et cause pour lecamp “adverse”! Je parie que tu as cru,lecteur, lectrice, que le titre “générositémasculine” était du second degré. Ehbi<strong>en</strong> non ! Je p<strong>en</strong>se que les femmes doiv<strong>en</strong>treconnaître ce que leur donn<strong>en</strong>t leshommes. Il n’est pas question de direqu’ils sont parfaits (le sommes- nous ?)mais simplem<strong>en</strong>t de se souv<strong>en</strong>ir qu’on aplus de chances d’être perfectible quandon est aimé. C’est à la fois notre plaisir etnotre responsabilité.Françoise Chanial ■13SILENCE N°350 N°349 Septembre Octobre 2007