Décroissance, côté femmesDRAgir auprès des éluset des institutionsL’éducation des <strong>en</strong>fants est déterminante: <strong>en</strong> sachant qu’une bonne part estjouée avant tout <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t collectif, ilfaut néanmoins être att<strong>en</strong>tif au matérieléducatif, aux livres et aux vidéos. De lamême manière qu’il faut dénoncer les inconséqu<strong>en</strong>cesécologiques, le sexismedoit être repoussé et la contribution historiquedes femmes valorisée au nom dela justice et de l’esprit critique indisp<strong>en</strong>sablesà une vraie démocratie.Exigeons l’imposition toujoursséparée, et de même le statut social <strong>en</strong>général : ne pas distinguer les personnesqui cohabit<strong>en</strong>t dans l’accès à aucun droit.Obt<strong>en</strong>ir que la paternité soit valorisée:pour la retraite, reconnaître le travail paternelcomme le travail maternel, donnerdroit à p<strong>en</strong>sion pour les pères divorcés <strong>en</strong>leur confiant plus souv<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>fants,obligation d’un congé de paternité et partagestrict <strong>en</strong>tre les tuteurs légaux des abs<strong>en</strong>cespour <strong>en</strong>fant malade.Obt<strong>en</strong>ir la nomination d’autant defemmes que d’hommes dans les commissionsde recrutem<strong>en</strong>t, les conseils et leprofessorat des organismes d’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>tet de recherche publics (mesuregratuite !).La questionde l’allocationd’exist<strong>en</strong>ceBeaucoup de rev<strong>en</strong>dications qui améliorerai<strong>en</strong>tce qui constitue de fait la viede beaucoup de femmes sont pleinem<strong>en</strong>tlégitimes, comme celle d’un vrai servicepublic d’éducation de la petite <strong>en</strong>fance(gratuit par redistribution), ou celle del’égalité des salaires à qualification égale,ou <strong>en</strong>core celle du droit à un logem<strong>en</strong>tcorrect quels que soi<strong>en</strong>t les aléas de la vie.Les bonnes propositions ne manqu<strong>en</strong>tpas (voir ce qui précède…), c’est l’activitépolitique des citoy<strong>en</strong>s qui fait défaut et c<strong>en</strong>’est pas la caricature que constitue la démocratiepart<strong>ici</strong>pative (conseils de quartieretc.) qui y changera grand-chose.Quelle visée sous-t<strong>en</strong>d la rev<strong>en</strong>dicationd’un rev<strong>en</strong>u garanti ou d’une allocationd’exist<strong>en</strong>ce ? Le souci d’assurer à tous ledroit à une vie “déc<strong>en</strong>te”, un qualificatif àdébattre d’urg<strong>en</strong>ce : car nous avons à assumerce souci hautem<strong>en</strong>t humain avec lavisée non moins nécessaire de diminuernotre empreinte écologique.Une “allocation d’exist<strong>en</strong>ce” ne vaudraitqu’avec un montant élevé permettantd’assurer une réelle indép<strong>en</strong>dance devie, y compris familiale (se loger, éleverSILENCE N°350 Octobre 200710
des <strong>en</strong>fants même seul — hélas trop souv<strong>en</strong>tle cas pour des femmes — et avoirassez de surplus pour une vie culturelle).Si cette allocation est faible (à court terme,ce sera très diff<strong>ici</strong>le qu’il ne le soit pas: il faudrait, <strong>en</strong>tre autres, <strong>en</strong> avoir finiavec la domination capitaliste), ce sontles femmes qui y seront assignées <strong>en</strong> massecomme c’est déjà le cas pour les minimasociaux et les temps partiels.Ne faudrait-il pas mieux déclarer qu<strong>en</strong>otre folle productivité permettrait dedonner emploi et rev<strong>en</strong>u à tous <strong>en</strong> diminuantconsidérablem<strong>en</strong>t le temps de travailde chacun ? Par exemple : rev<strong>en</strong>diquerpour tous la “semaine de vingt heurespas plus pour le Capital (ou l’État) » (assortied’un rev<strong>en</strong>u maximal autorisé) ?Voilà une rev<strong>en</strong>dication que le capitalism<strong>en</strong>e pourra pas nous servir au rabais,aussi la ress<strong>en</strong>t-on comme hors de portéeimmédiate, comme une “expéri<strong>en</strong>ce dep<strong>en</strong>sée utopique” qui nous rappelle lanécessité de conquérir un réel pouvoir citoy<strong>en</strong>.Tel est l’intérêt des rev<strong>en</strong>dicationspeu <strong>en</strong>racinées, pratiquem<strong>en</strong>t horscontexte : donner à imaginer. Ici : deshommes qui aurai<strong>en</strong>t <strong>en</strong>fin la possibilitéde partager avec les femmes le souci duquotidi<strong>en</strong> au lieu que trop de ces dernièressoi<strong>en</strong>t poussées à se cont<strong>en</strong>terd’une “allocation d’exist<strong>en</strong>ce” assortie desjoies du foyer... ; et tous, hommes etfemmes, qui aurions plus de temps pourréfléchir à nos choix de vie et à la marchedu monde (<strong>en</strong>tre autres au s<strong>en</strong>s des emploisqui nous sont proposés et de lacourse à la productivité).Diminuer partoutl’importancedes relationsdominant-dominéParmi les lectures qui m’ont été utiles• Sur les inégalités actuelles : le site de l’INSEE où les données concernantFemmes et hommes : regards sur la parité ont été récemm<strong>en</strong>t révisées, et celui del’Observatoire des Inégalités ; tous les deux propos<strong>en</strong>t non seulem<strong>en</strong>t des chiffresmais aussi des comm<strong>en</strong>taires très instructifs.• Sur l’importance de l’égalité dans l’espace privé, la plus réc<strong>en</strong>te contribution :Dominique Méda et Hélène Périvier, Le deuxième âge de l’émancipation, Seuil 2007,et sur l’imaginaire égalitaire des jeunes générations : cf. l’<strong>en</strong>quête ISSP France 2002,sur internet.• Sur l’histoire du féminisme et ses conquêtes : de nombreux livres et sites, parmilesquels Sysiphe.org. et Les femmes et la vie ordinaire de Christopher Lasch,Climats 2006.• Sur la démocratie active : chercher l’article <strong>en</strong> ligne de Philippe Zarifian.• Sur la bipolarisation hiérarchisée du symbolique : Masculin/Féminin(tomes 1 et 2) de Françoise Héritier, O. Jacob 1996 et 2002.Même lorsque les femmes sont majoritairesdans une association ou un réseau,(et je me demande si ce n’est passouv<strong>en</strong>t le cas dans l’objection de croissance),les hommes y occup<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>tla plupart des responsabilités. Dès laprise de parole, la question de la part desfemmes est posée, <strong>en</strong>core plus massivem<strong>en</strong>tque celle des hommes bi<strong>en</strong> quepour des raisons qui se rejoign<strong>en</strong>t : c’estla compétition pour “avoir raison” qui està l’œuvre, selon le modèle des joutes oratoireshéritées de la démocratie athéni<strong>en</strong>ne.Sortir de ce modèle profiterait nonseulem<strong>en</strong>t aux femmes mais aussi à unemajorité d’hommes.Il est certainem<strong>en</strong>t vain d’espérer queles routines soi<strong>en</strong>t ébranlées par celles etsurtout ceux qui les trouv<strong>en</strong>t confortablesou même naturelles : donner à ress<strong>en</strong>tirles contradictions, à vivre de l’inconfortet am<strong>en</strong>er à questionner, à remanier, sontdes objectifs qui concern<strong>en</strong>t surtout lesarts (voir plus haut)… Mais comme unbon nombre d’humains trouve déjà la situationdes g<strong>en</strong>res, non seulem<strong>en</strong>t inégalitairepour les “femmes”, mais aussi péniblepour pas mal d’ “hommes”, lapossibilité existe de former des groupesd’agit-prop et de réflexion pour propagerla prise <strong>en</strong> compte de ces difficultés.Ainsi, concernant les échanges oraux,une recherche active de techniques est àmettre au crédit des alternatifs <strong>en</strong> général,et de l’objection de croissance <strong>en</strong> particulier.Des propositions ont d’ores et déjàété avancées et expérim<strong>en</strong>tées pour favoriserplus de justice, mais aussi de justesseà l’oral. Vous trouverez beaucoupd’idées dans le manuel Guérilla kit deMorjane Baba (éditions La Découverte2003), aussi sur le site des Colporteurs dela décroissance. De plus, une réflexionpassionnante est <strong>en</strong> cours chez LesR<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>ts Généreux (autre site à visiter).Un principe élém<strong>en</strong>taire se trouve déjàà portée immédiate : r<strong>en</strong>oncer auxsalles avec tribune et rangées fixes...Soyons consci<strong>en</strong>ts qu’il y aura toujoursdu “pouvoir” mais l’important est qu’ilcircule, qu’il soit disponible et pas confisqué! Et des rituels sont à inv<strong>en</strong>ter pour,qu’<strong>en</strong> fin d’échange, il soit remis à laTerre, ou au Vide d’où tout procède, oudans le Livre Blanc de l’Incréé : à nous defaire preuve d’imagination…Et les productions écrites ? Comm<strong>en</strong>tcoopérer <strong>en</strong>tre hommes et femmes qui réfléchiss<strong>en</strong>tet se docum<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t pour écriredes interv<strong>en</strong>tions plus vivantes, qui ménag<strong>en</strong>tla part de l’incertitude, du choixmultiple ? Il existe une t<strong>en</strong>tative techniqueappelée “hyperdébat”, mais il restebeaucoup à inv<strong>en</strong>ter <strong>en</strong> pratiquant. Car ils‘agit de proposer des écrits qui donn<strong>en</strong>t<strong>en</strong>vie de réfléchir et de contribuer aumaximum de lecteurs. Diverses formesinteractives devrai<strong>en</strong>t être possibles surinternet, mais pas seulem<strong>en</strong>t. L’importantest sans doute d’être consci<strong>en</strong>t(e) qu’onréalise une interv<strong>en</strong>tion dans un débatplutôt qu’une somme achevée…Finalem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> matière de débat public,oral comme écrit, il me semble quel’<strong>en</strong>jeu, pour une reconquête citoy<strong>en</strong>nedu politique, est de sortir des modèles dominants(et dominateurs) plutôt que d’yinclure les femmes…Marie Najman ■(texte écrit <strong>en</strong> mars-juin 2007,avec l’aide indisp<strong>en</strong>sable d’Angéline Delbos,Didier Laur<strong>en</strong>cin, Marilou Terri<strong>en</strong> et Bernard Legros)SILENCE N°350 Octobre 200711