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vers le rationnementà Carnet de rationnement du "Ministère deceux qui essaient de faire quelque chose"La Cartecarboneréinvente lerationnementLe rationnement est un système de gestion dela pénurie, qui consiste à répartir équitablementce qu’il reste d’un bien essentiel devenu troprare. En effet, en situation de pénurie,l’attribution à chacun d’une ration minimalepermet d’éviter que le peu qui reste soitaccaparé par le plus fort ou le plus riche.Pendant et après la Seconde guerre mondiale,malgré le marché noir et de nombreuses injustices, les tickets de rationnementgarantissaient à chacun une ration hebdomadaire ou mensuelle de viande, de pain,de sucre, de tissu… Bref, de tous les biens nécessaires auxquels les plus pauvres,sans rationnement, n’auraient pas pu avoir accès.1. D’une certaine manière, il s’agitencore de rationner un bien essentieldevenu rare : l’air pur de l’atmosphèreque l’on peut s’autoriserà polluer par des gaz à effet deserre. Mais la rareté est ici indirecte,puisque le bien rationnéreste l’énergie qui, elle, est encoresurabondante (pour l’instant).2.Notamment David Fleming (LeanEconomy Institute), RichardStarkey et Kevin Anderson (TyndallCentre for Climate ChangeResearch) et Tina Fawcett(Environmental Change Institute,Oxford)3.Tous les schémas de carte carbonen’incluent pas les services publicset les entreprises. C’est le cas duschéma des. Allocations personnellesde carbone, notamment,mais les émissions autres que cellesdes habitants sont régulées pard’autres politiques.MAIS LE RATIONNEMENT A-T-IL UN SENSDANS NOS SOCIÉTÉS DE SURABONDANCE ? OUI, Àen croire les chercheurs, les institutions et les militantsbritanniques qui s’intéressent au projet de"Carte carbone". Avec cette carte, il s’agirait derationner l’énergie justement parce qu’elle est surabondanteet surconsommée, au regard de ce que le climatpeut supporter : rationner l’énergie pour, indirectement,réduire les émissions de gaz à effet de serre(GES) 1 .Origines de la Carte carboneAu départ, la Carte carbone reprend une idéecentrale des négociations climatiques : le principede "contraction et convergence". Contraction : fixerpolitiquement un objectif ferme et chiffré de réductiondes rejets de CO 2 dans l’atmosphère.Convergence : définir la contribution de chaquepays à cet effort, pour aboutir finalement à une égalitéd’émissions par personne. Cette méthode a étéproposée en 1990 par le Global CommonsInstitute, et a ensuite été reprise par l’ONU, leGIEC, etc. Le sommet de Copenhague auraitd’ailleurs dû se conclure par un objectif chiffré decontraction, et un accord sur les moyens d’yconverger.Le principe de contraction et convergence a étéélaboré pour organiser les négociations climatiquesà un niveau international, mais depuis le milieudes années 1990, plusieurs équipes de recherchebritanniques 2 s’en sont inspirés pour en concevoirune version à plus petite échelle. Elles ont proposéd’instaurer au niveau national un rationnement individueldes consommations d’énergie, sous forme de quotaspersonnels échangeables. Ces quotas seraientinscrits sur une carte, d’où le terme générique de"Carte carbone" pour désigner les nombreusesvariantes du projet : quotas domestiques échangeables,allocations personnelles de carbone, quotasd’énergie échangeables… La grande innovationde ce projet par rapport aux systèmes de rationnementdéjà expérimentés, c’est que les quotas individuelssont échangeables : ils peuvent être achetéset revendus.Comment fonctionnela Carte carbone ?Une quantité maximum de GES que le pays"s’autorise" à émettre serait fixée au début dechaque année. Elle serait progressivement réduited’année en année, suivant une pente conforme auxengagements climatiques du pays. La Grande-Bretagne, en l’occurrence, s’est engagée à réduireses émissions de GES de 80 % d’ici 2050 : lerythme de réduction des émissions devrait donc entenir compte.Chaque année, cette quantité maximum seraitpartagée en deux : une moitié mise au enchèrespour les entreprises et les services publics 3 , et6 S!lence n°379 mai 2010

La Carte carbone a-t-elle une chance de devenirune réalité ? Beaucoup en doutent, car malgrél’intérêt qu’y porte le gouvernement, le projetdemeure fortement impopulaire auprès de la population.Même les partis politiques qui pourraient yêtre favorables avancent donc avec une extrêmeprudence sur ce terrain…Finalement, c’est peut-être du côté de certainsmilitants écologistes qu’il faut chercher les princiversle rationnementl’autre moitié divisée en autant de parts qu’il y ad’habitants, puis distribuée gratuitement à chacun.Chaque habitant serait donc doté d’un quota identiqued’émissions de GES qu’il serait libre d’utiliserà sa convenance. La reine d’Angleterre recevraitdonc le même quota qu’un militant écologistecycliste, végétarien et localivore. Pourtant l’une etl’autre n’ont radicalement pas les mêmes pratiquesen terme de consommation d’énergie. Pour plus desouplesse, les concepteurs de la carte carbone proposentdonc un système d’échange entre les utilisateurs,par le biais d’un marché du carbone. Ainsiles individus qui n’utilisent pas tout leur quotapourraient revendre leur surplus à ceux qui veulentrejeter plus de GES que leur quota initial. Cedispositif rend les quotas moins rigides, et introduitune incitation financière à réduire ses émissions: les plus gros pollueurs sont les payeurs, etceux qui polluent moins que leur quota sont rétribuéspar les pollueurs.Les quotas de chaque individu seraient enregistréssur une carte électronique personnelle – lacarte carbone – d’où ils seraient débités lors de toutachat d’énergie primaire : facture d’électricité, dechauffage, essence à la pompe et billets d’avion 4 .La diminution des consommations individuellesd’énergie serait donc le résultat conjointd’une incitation financière (la possibilité derevendre les quotas excédentaires) et d’unecontrainte réglementaire (un maximum indépassablefixé chaque année pour tout le pays).Anticiper les pénuriesénergétiquesMais la carte carbone n’est pas qu’un instrumentde politique climatique. En effet, pour plusieursde ses concepteurs, la carte carbone estd’autant plus nécessaire que nous devrons bientôtfaire face au pic du pétrole et à de sévères pénuriesd’énergie. Or le même système de rationnement,qui peut nous empêcher de rejeter trop de GESquand l’énergie est surabondante, peut aussi assurerun partage équitable du peu d’énergie disponibleen temps de pénurie. On en reviendrait ainsià l’usage le mieux connu du rationnement : "laseule façon de s’assurer que tout le monde reçoit sajuste part d’une ressource qui s’est raréfiée", selonDavid Fleming. "En période de pénurie, si le rationnementn’existait pas, les gens le réclameraient." 5Ce deuxième avantage du rationnement del’énergie repose toutefois sur la conviction que lasituation énergétique actuelle est très tendue, etque nous sommes proches du pic de la productionde pétrole. C’est un avis partagé par de nombreuxgéologues indépendants 6 , mais qui ne préoccupepas l’opinion publique autant que le changementclimatique.Soutien (prudent)de la part du gouvernementLe projet de Carte carbone n’est pas qu’uneréflexion abstraite ou qu’un objet de controversesentre chercheurs. Au Royaume-Uni, le gouvernementtravailliste s’y intéresse depuis plusieursTim MitchellTim Mitchellannées, et a récemment commandé une étude defaisabilité en invoquant pour se justifier la nécessitéde diminuer les émissions de 80 % d’ici 2050.La carte carbone est donc une mesure officiellementà l’étude, mais il n’est pas encore certainqu’elle soit un jour appliquée. Les élections duprintemps 2010 pourraient être remportées par leparti conservateur, qui s’est déclaré opposé à lacarte carbone et plutôt favorable à une taxe carbone.Transition Townset rationnementá Des militants du "Ministère deceux qui essaient de faire quelquechose" présentent à des volontairesun carnet de rationnementavec les tickets à coller dessus.4. L’énergie grise contenue dans tousles autres biens de consommation(fruits exotiques, viande, matérielinformatique, etc.) n’entre pasdans le système de Carte carbone :un autre système de quotasd’émissions est prévu pour lesentreprises qui produisent cesbiens.5. David Fleming, Energy and theCommon Purpose, Lean EconomyConnection, 20076. Voir le site de l’ASPO (Associationpour l’étude du pic du pétrole,www.aspofrance.org)7. Tous les écologistes ne sont pasfavorables à la Carte carbone. Voirleurs principaux reproches dans« Controverses autour du rationnement», p.15.S!lence n°379 mai 20107

vers le rationnem<strong>en</strong>tà Carnet de rationnem<strong>en</strong>t du "Ministère deceux qui essai<strong>en</strong>t de faire quelque chose"La Cartecarboneréinv<strong>en</strong>te lerationnem<strong>en</strong>tLe rationnem<strong>en</strong>t est un système de gestion dela pénurie, qui consiste à répartir équitablem<strong>en</strong>tce qu’il reste d’un bi<strong>en</strong> ess<strong>en</strong>tiel dev<strong>en</strong>u troprare. En effet, <strong>en</strong> situation de pénurie,l’attribution à chacun d’une ration minimalepermet d’éviter que le peu qui reste soitaccaparé par le plus fort ou le plus riche.P<strong>en</strong>dant et après la Seconde guerre mondiale,malgré le marché noir et de nombreuses injustices, les tickets de rationnem<strong>en</strong>tgarantissai<strong>en</strong>t à chacun une ration hebdomadaire ou m<strong>en</strong>suelle de viande, de pain,de sucre, de tissu… Bref, de tous les bi<strong>en</strong>s nécessaires auxquels les plus pauvres,sans rationnem<strong>en</strong>t, n’aurai<strong>en</strong>t pas pu avoir accès.1. D’une certaine manière, il s’agit<strong>en</strong>core de rationner un bi<strong>en</strong> ess<strong>en</strong>tieldev<strong>en</strong>u rare : l’air pur de l’atmosphèreque l’on peut s’autoriserà polluer par des gaz à effet deserre. Mais la rareté est <strong>ici</strong> indirecte,puisque le bi<strong>en</strong> rationnéreste l’énergie qui, elle, est <strong>en</strong>coresurabondante (pour l’instant).2.Notamm<strong>en</strong>t David Fleming (LeanEconomy Institute), RichardStarkey et Kevin Anderson (TyndallC<strong>en</strong>tre for Climate ChangeResearch) et Tina Fawcett(Environm<strong>en</strong>tal Change Institute,Oxford)3.Tous les schémas de carte carbon<strong>en</strong>’inclu<strong>en</strong>t pas les services publicset les <strong>en</strong>treprises. C’est le cas duschéma des. Allocations personnellesde carbone, notamm<strong>en</strong>t,mais les émissions autres que cellesdes habitants sont régulées pard’autres politiques.MAIS LE RATIONNEMENT A-T-IL UN SENSDANS NOS SOCIÉTÉS DE SURABONDANCE ? OUI, À<strong>en</strong> croire les chercheurs, les institutions et les militantsbritanniques qui s’intéress<strong>en</strong>t au projet de"Carte carbone". Avec cette carte, il s’agirait derationner l’énergie justem<strong>en</strong>t parce qu’elle est surabondanteet surconsommée, au regard de ce que le climatpeut supporter : rationner l’énergie pour, indirectem<strong>en</strong>t,réduire les émissions de gaz à effet de serre(GES) 1 .Origines de la Carte carboneAu départ, la Carte carbone repr<strong>en</strong>d une idéec<strong>en</strong>trale des négociations climatiques : le principede "contraction et converg<strong>en</strong>ce". Contraction : fixerpolitiquem<strong>en</strong>t un objectif ferme et chiffré de réductiondes rejets de CO 2 dans l’atmosphère.Converg<strong>en</strong>ce : définir la contribution de chaquepays à cet effort, pour aboutir finalem<strong>en</strong>t à une égalitéd’émissions par personne. Cette méthode a étéproposée <strong>en</strong> 1990 par le Global CommonsInstitute, et a <strong>en</strong>suite été reprise par l’ONU, leGIEC, etc. Le sommet de Cop<strong>en</strong>hague auraitd’ailleurs dû se conclure par un objectif chiffré decontraction, et un accord sur les moy<strong>en</strong>s d’yconverger.Le principe de contraction et converg<strong>en</strong>ce a étéélaboré pour organiser les négociations climatiquesà un niveau international, mais depuis le milieudes années 1990, plusieurs équipes de recherchebritanniques 2 s’<strong>en</strong> sont inspirés pour <strong>en</strong> concevoirune version à plus petite échelle. Elles ont proposéd’instaurer au niveau national un rationnem<strong>en</strong>t individueldes consommations d’énergie, sous forme de quotaspersonnels échangeables. Ces quotas serai<strong>en</strong>tinscrits sur une carte, d’où le terme générique de"Carte carbone" pour désigner les nombreusesvariantes du projet : quotas domestiques échangeables,allocations personnelles de carbone, quotasd’énergie échangeables… La grande innovationde ce projet par rapport aux systèmes de rationnem<strong>en</strong>tdéjà expérim<strong>en</strong>tés, c’est que les quotas individuelssont échangeables : ils peuv<strong>en</strong>t être achetéset rev<strong>en</strong>dus.Comm<strong>en</strong>t fonctionnela Carte carbone ?Une quantité maximum de GES que le pays"s’autorise" à émettre serait fixée au début dechaque année. Elle serait progressivem<strong>en</strong>t réduited’année <strong>en</strong> année, suivant une p<strong>en</strong>te conforme aux<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts climatiques du pays. La Grande-Bretagne, <strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce, s’est <strong>en</strong>gagée à réduireses émissions de GES de 80 % d’<strong>ici</strong> 2050 : lerythme de réduction des émissions devrait donc <strong>en</strong>t<strong>en</strong>ir compte.Chaque année, cette quantité maximum seraitpartagée <strong>en</strong> deux : une moitié mise au <strong>en</strong>chèrespour les <strong>en</strong>treprises et les services publics 3 , et6 S!l<strong>en</strong>ce n°379 mai 2010

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