Habitat groupéLa Ciguë,des colocationsd’étudiants <strong>en</strong>mode coopérativeD.R.á Une des résid<strong>en</strong>ces étudiantesécologiques de La Ciguë dansl'Ilôt 13, à G<strong>en</strong>ève.■ Pour <strong>en</strong> savoir plusLa Ciguë,17, rue Alcide-J<strong>en</strong>tzer(1 er étage), 1205 G<strong>en</strong>eve,tél. : 4122 / 379 37 70,www.cigue.ch.A G<strong>en</strong>ève comme dans tant de villes universitaires, à chaquer<strong>en</strong>trée il faut tirer la sonnette d’alarme : il manque desc<strong>en</strong>taines de logem<strong>en</strong>ts pour étudiants. Le développem<strong>en</strong>tdémographique que connaît la ville provoque depuis plusieursannées une crise du logem<strong>en</strong>t, faisant de la recherche d’un lieude vie un véritable parcours du combattant. Une situation dontsont victimes les étudiants, déjà précarisés par leurs faiblesrev<strong>en</strong>us et pour qui il est diff<strong>ici</strong>le de s’exiler loin des structuresde cours, donc du c<strong>en</strong>tre ville.CONTRIBUER À PALIER CETTE SITUATIONEST LE BUT QUE S’EST DONNÉ LA CIGUË, UNEcoopérative d’habitation formée par et pour lesétudiants. "Le mouvem<strong>en</strong>t est né lors de la crise dulogem<strong>en</strong>t qui a touché G<strong>en</strong>ève à la fin des années80", explique Guillaume Käser, présid<strong>en</strong>t <strong>en</strong>charge de la coopérative et anci<strong>en</strong> habitant. "Desétudiants voulant promouvoir la vie communautaireont choisi de s’assembler <strong>en</strong> coopérative pourassurer une structure stable et pouvoir pér<strong>en</strong>niserce mode de vie <strong>en</strong> commun". En alternative aumodèle du foyer étudiant, la forme coopératives’est montrée une structure plus dynamique,moins liée à un lieu fixe mais lui permettant degérer divers appartem<strong>en</strong>ts sur l’<strong>en</strong>semble du territoirede la ville. La Ciguë a su ainsi au fil des ans sedévelopper pour proposer aujourd’hui près de 400chambres <strong>en</strong> colocation aux personnes <strong>en</strong> formation.Plus qu’une simple chambreV<strong>en</strong>ant de pays étrangers ou de cantons suissesvoisins pour la majorité d’<strong>en</strong>tre eux, peu de ceuxqui pr<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t contact avec La Ciguë sont familiarisésavec ce concept de coopérative. Ce qui attire,c’est le r<strong>en</strong>ouvellem<strong>en</strong>t régulier des chambres et lesbas loyers pratiqués. La vraie particularité résidepourtant dans le fait que chaque habitant/coopérateurest collectivem<strong>en</strong>t propriétaire de l’<strong>en</strong>semblede la coopérative – et a donc toute légitimité pourpart<strong>ici</strong>per aux décisions quant à sa forme ainsi qu’àson développem<strong>en</strong>t. A eux de s’y investir, de ladévelopper par des propositions et de pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>charge une partie de son fonctionnem<strong>en</strong>t. A LaCiguë, on att<strong>en</strong>d idéalem<strong>en</strong>t des coopérateurs qu’ilss’impliqu<strong>en</strong>t, non seulem<strong>en</strong>t au sein de leur proprelogem<strong>en</strong>t, mais aussi dans la gestion globale de lacoopérative.3 4 S!l<strong>en</strong>ce n°379 mai 2010
Habitat groupéPour gérer ces logem<strong>en</strong>ts, une structure déc<strong>en</strong>traliséea été voulue. Seuls six salariés à temps partiels,tous coopérateurs mais plus forcém<strong>en</strong>tétudiants, gèr<strong>en</strong>t les affaires courantes de la coopérativeet apport<strong>en</strong>t la vision d’<strong>en</strong>semble, épaulés <strong>en</strong>cela par des délégués des différ<strong>en</strong>tes zones d’habitation.Ils jou<strong>en</strong>t le rôle d’élém<strong>en</strong>t stable, de li<strong>en</strong>avec l’extérieur (les autorités et propriétaires), demédiateur voire parfois de motivateur auprès descoopérateurs. Les coopérateurs sont <strong>en</strong>couragés àassumer eux-mêmes le plus possible de tâchesainsi qu’à faire partager leurs propositions et leursavis lors des réunions.Un des points c<strong>en</strong>traux de son fonctionnem<strong>en</strong>test l’attribution des nouvelles chambres. Lorsqu’unechambre se libère, le choix du futur remplaçantrevi<strong>en</strong>t aux colocataires restants, avec uneadministration ne contrôlant que les critères formelsde formation et de rev<strong>en</strong>u maximum, appartem<strong>en</strong>tssubv<strong>en</strong>tionnés oblige. Les habitantsr<strong>en</strong>contr<strong>en</strong>t les étudiants intéressés dans un premiertemps et délibèr<strong>en</strong>t <strong>en</strong>suite <strong>en</strong>tre eux duchoix de la personne avec qui ils vivront. Unmoy<strong>en</strong> de favoriser la bonne <strong>en</strong>t<strong>en</strong>te par la suite,mais un système qui laisse fréquemm<strong>en</strong>t apparaîtrele copinage et autres communautarismes.Si le système fonctionne bi<strong>en</strong> pour les attributions,la responsabilisation et l’implication descoopérateurs ne se fait pas autant dans ce qui lestouche moins directem<strong>en</strong>t. Certaines commissionsmise <strong>en</strong> place pour développer des projets précisdrain<strong>en</strong>t du monde, mais les réunions généralesorganisées tous les deux mois pein<strong>en</strong>t à intéresserles habitants, et peu d’initiatives personnelles sontproposées ou m<strong>en</strong>ées à terme. Un investissem<strong>en</strong>tjugé diff<strong>ici</strong>le à mettre <strong>en</strong> place <strong>en</strong> parallèle à desétudes et d’un travail nécessaire pour les financer…et payer son loyer. "On att<strong>en</strong>d des coopérateursqu’ils soi<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> informés sur la coopérative etactifs au sein de celle-ci. Qu’ils y jou<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>tsrôles", précise Guillaume Käser. "Mais on voit quele niveau d’information <strong>en</strong>tre eux est très variable,tout comme on constate une implication trèsint<strong>en</strong>se mais souv<strong>en</strong>t aussi très éphémère. Lemanque de compréh<strong>en</strong>sion dans le fonctionnem<strong>en</strong>tde la coopérative par les coopérateurs peutdev<strong>en</strong>ir un problème important."De fait, la pénurie de chambres fait que les personnesqui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t à La Ciguë <strong>en</strong> quête d’un logem<strong>en</strong>tne le font guère par attrait pour son aspectsocial et son système coopératif, principe qui s’<strong>en</strong>trouve dès lors affaibli. Cela n’empêche pas à plusieursde développer cette fibre lors de leur séjouret d’<strong>en</strong> appr<strong>en</strong>dre beaucoup sur cette autre visiondu logem<strong>en</strong>t. En cela, La Ciguë représ<strong>en</strong>te une véritableécole.Logem<strong>en</strong>ts durablespour étudiants volatilsSur les quelque 400 chambres qu’elle met à disposition,La Ciguë n’est propriétaire que d’unedizaine d’appartem<strong>en</strong>ts. 85 % de son parc immobilierest constitué de lieux loués pour une périodeprovisoire avant leur rénovation ou leur destruction.C’est grâce à des lieux mis à disposition à basprix par l’Etat ou par des propriétaires privés queD.R.La Ciguë parvi<strong>en</strong>t à proposer des loyers aux deuxtiers – voire moins – du prix du marché. Unemanne provid<strong>en</strong>tielle pour les étudiants, qui n’aurai<strong>en</strong>tpour la plupart pas les moy<strong>en</strong>s de payer unloyer conv<strong>en</strong>tionnel.C’est bi<strong>en</strong> l’atout étudiant qui permet à ce systèmede fonctionner. Plus indép<strong>en</strong>dants et ouvertsà la nouveauté que des familles, moins chargés <strong>en</strong>meubles et affaires et plus tolérants <strong>en</strong> matière deconfort, la plupart sont à la recherche d’un lieu lesaccueillant p<strong>en</strong>dant qu’ils sont <strong>en</strong> études (notamm<strong>en</strong>tles étudiants étrangers v<strong>en</strong>us étudier pourquelques semestres seulem<strong>en</strong>t). Comparés à desfamilles, la question de l’attache n’est pas la mêmeet les lieux s’investiss<strong>en</strong>t différemm<strong>en</strong>t, plus librem<strong>en</strong>t.Une mobilité facilitée alliée à un paiem<strong>en</strong>tassuré, deux atouts appréciés par les propriétairesmettant un lieu à disposition.La courte durée de vie des logem<strong>en</strong>ts rest<strong>en</strong>éanmoins un problème quotidi<strong>en</strong> auquel il fautpalier par une recherche constante de nouvelleschambres. Dans une volonté de pér<strong>en</strong>nité, lacoopérative La Ciguë a affiché dès sa fondation lavolonté de ne pas se limiter aux lieux mis aléatoirem<strong>en</strong>tà sa disposition mais à construire ses propresespaces d’habitation. "Plusieurs projets deconstructions sont actuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cours, dévoileGuillaume Käser. Un projet d’immeuble <strong>en</strong>tamé ily a <strong>en</strong>viron cinq ans devrait se terminer <strong>en</strong>décembre [2009 ndlr.] et proposer quarante nouvelleschambres. Un projet de rénovation d’unebâtisse que nous occupions a débuté <strong>en</strong> avril 2009et deux autres projets d’immeubles sont aussi <strong>en</strong>cours d’étude".Derrière cette démarche s’exprime aussi lavolonté d’avoir des lieux adaptés à la colocation età l’id<strong>en</strong>tité de la coopérative. Ici, les coopérateurssont directem<strong>en</strong>t impliqués dans les démarches et<strong>en</strong> font le suivi au sein de la commission deconstruction. Parmi les différ<strong>en</strong>ts projets part<strong>ici</strong>patifs,cette commission donne la possibilité auxcoopérateurs (une dizaine prés<strong>en</strong>ts à chaqueréunion) de faire évoluer les projets de nouveauxbâtim<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> collaboration avec les architectesmandatés. Propositions, débats, ces séances permett<strong>en</strong>tde suivre la construction d’un immeublede A à Z et d’y faire part de ses désirs et préfér<strong>en</strong>ces.Des avis dont dép<strong>en</strong>dront le résultat final etle bi<strong>en</strong>-être des futures générations de coopérateursqui investiront les lieux.á Débat autour d'un projetde nouvelle résid<strong>en</strong>ce.HabicoopLe contexte institutionnel <strong>en</strong>Suisse est plus favorable quecelui actuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> vigueur <strong>en</strong>France. Il favorise nettem<strong>en</strong>tl'habitat coopératif. En France,pour obt<strong>en</strong>ir des conditions similaires,l'association Habicoopvi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> aide aux projets delogem<strong>en</strong>ts groupés coopératifs :Habicoop, c/o URSCOP,74, rue Maurice-Flandin,69003 Lyon,tél : 04 72 36 28 93,www.habicoop.fr.S!l<strong>en</strong>ce n°379 mai 20103 5