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bénitier - Forez histoire

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Le bénitier en question était probablement très finement décoré, comme tous ceux, en or ouen argent, utilisés par la noblesse, mais la plupart d'entre eux ont disparu, dans les fontes ou lespillages des guerres de religion et de la Révolution.Par contre, le bénitier-seau courant, utilisé dans nos humbles demeures foréziennes, n'était,le plus souvent, pas décoré, mis à part les bénitiers en bronze coulés par les fondeurs du Puy, quiprésentaient, en bosse, de petits motifs répétés montrant le Christ, la Vierge ou les saints.Mais quand le Concile de Trente eut, en réaction à la Réforme protestante, recommandéd'instruire le peuple chrétien des vérités de la religion par tous les moyens et notamment parl'image, on vit apparaître, à la maison, le bénitier-applique c'est-à-dire non plus le seau qui nepermettait pas d'embrasser d'un seul coup d'œil l'ensemble de sa décoration, quand il en présentaitune, mais l'applique plate, ornée en son centre d'un motif religieux, avec, au bas, fixée à elle, lacuvette que l'on remplit d'eau bénite. C'est sous cette forme que le bénitier de chevet s'est répandudans tous les pays catholiques depuis la fin du XVI e siècle.Que montre-t-on sur son applique ? Une très grandevariété de sujets se rapportant à Dieu ou à l'Eglise. Le plussouvent, c'est le crucifix, car si l'Eglise n'a jamais demandé auxfidèles de posséder un bénitier de chevet, qu'elle considèrecomme un objet privé, par contre elle a toujours désiré quechaque foyer chrétien ait au moins un crucifix dans sa maison,pour y témoigner de la présence du Christ. C'est pourquoi lesfabricants de bénitiers ont, en premier décor, façonné sur leurspièces le crucifix, permettant ainsi aux familles pauvres de nepas faire deux achats (fig. 1, 2, et 3).Après le crucifix c'est la simple croix que l'on rencontrefréquemment ( fig. 4). Puis la Vierge Marie, le plus souventavec L'Enfant Jésus (fig. 5), mais également seule, en Reined'apparition (fig. 8) ou en Assomption vers le ciel. Le Saint-Esprit apparaît toujours sous la forme d'une colombe quidéploie ses ailes au centre ou au haut de l'applique.On peut voir également, sur l'applique de bénitiers plusélaborés de nombreuses scènes évoquant la vie de Jésus, parexemple 1'Annonciation, avec l'ange Gabriel, une branche delys, symbole de la pureté, à la main, apparaissant à la Viergesagement assise ; la naissance de Jésus, entre Marie et Joseph,avec le bœuf et l'âne et parfois les bergers et les mages ; lebaptême du Christ par saint Jean ; l'apparition de Jésus à laSamaritaine, la guérison de l'aveugle-né, etc.La passion donne lieu à de multiples représentations : c'est Jésus, à genoux, au jardin desOliviers, Jésus flagellé, l'Ecce Homo (Jésus aux liens), partant sa croix, présentant sa sainte facedouloureuse, sa descente de croix, la Piéta, c'est-à-dire sa sainte mère assise, soutenant sur sesgenoux le corps inanimé de son fils. Et la Résurrection, le Christ-Roi, le Christ en Majesté. Ladévotion au Sacré-Cœur motive aussi le décor du bénitier : on nous montre tantôt le cœur de Jésus(fig. 6), tantôt les deux cœurs de Jésus et de la Vierge, tantôt le buste du Christ qui, la poitrineouverte, nous désigne son cœur de son index tendu, tantôt Marguerite-Marie, la voyante de Parayle-Monial.Parmi les objets religieux offerts en cadeau de première communion, le bénitier de chevetvenait en bonne place et on choisissait celui dont la décoration pouvait le mieux éveiller le senschrétien du jeune communiant. Par exemple, l'Eucharistie présentée soit sous la forme d'un4Henri Chaperon, Le bénitier de chevet, Patois Vivant n° 11, novembre 1982.


ostensoir d'où partent des rayons de gloire, soit sous celle d'une hostie émergeant d'un calice. Maisc'est plus encore le bénitier présentant l'ange gardien qu'on offrait à cette occasion.Car, si de nombreux bénitiers montrent dans leur décoration des anges qui entourent,surplombent ou supportent la scène principale, il en est d'autres où l'ange est seul : soutenant de sesdeux bras tendus la cuvette qu'il maintient sur ses genoux, il offre l'eau bénite.La céramique a, depuis le début du XIX e siècle, produitde nombreux bénitiers de ce dernier type et on peut les daterfacilement d'après 1'expression du visage angélique : grave,recueilli, tout spirituel vers 1810, il se banalise plus tard pourdevenir, vers 1900, un jeune enfant ailé et bouclé, au souriremièvre, aux cheveux parée d'une étoile dorée.Sur d'autres pièces, l'ange a une attitude éducative :c'est ainsi qu'on le verra debout. levant le bras droit, l'indextendu vers le ciel, tandis que sa main gauche posée à plat sur lapoitrine exprime la garde du cœur. Il peut avoir, à son côté, unenfant qui l'écoute, la tête levée ; parfois, ce sont deux enfants,un garçon et une fille, ce qui permettait d'offrir le bénitier auxcommuniants des deux sexes.Un bénitier montre un ange adolescent soutenant de sonbras gauche la croix tandis que sa main gauche serre un missel: l'expression grave et sereine du visage angélique était sansdoute celle que l'aïeule aurait voulu reconnaître chez soncommuniant.Car c'étaient souvent les grand'mères qui offraient unbénitier à leurs petits-enfants ; ainsi que me l'a confié uneantiquaire parisienne, elle voit revenir dans sa boutique chaqueannée, avant les premières communions, de vieilles clientesqui, ayant toujours offerts ce genre de cadeaux, continuent cesdonations pour leurs arrière petits enfants.Les saints ont aussi une grande place dans la décoration du bénitier. Un baptême ou unepremière communion était l'occasion de remettre à l'enfant le bénitier présentant le saint patron dontil portait le prénom. Certains de ces bénitiers, en céramique, étaient d'ailleurs des pièces uniquesque l'on commandait aux faïenciers de Lyon, Nevers ou Roanne : indépendamment du portrait dusaint, ils mentionnaient les nom et prénom de l'enfant, ainsi que sa date de naissance. Dans cettecatégorie d'objets, que l'on appelle bénitiers patronymiques, il faut inclure celui que le faïencierfaçonnait pour sa fiancée, avant son mariage : on y voyait les deux saints patrons et une légende quiportait les deux noms et prénoms.On peut trouver en <strong>Forez</strong> beaucoup de bénitiers présentant saint François-Régis, le saintCuré d'Ars, Sainte Marie Alacoque, pièces que l'on rapportait des pèlerinages à la Louvesc, à Ars,ou à Paray-le-Monial. Car, dans chaque lieu de pèlerinage on ne manquait pas - et on continueencore aujourd'hui – d'offrir, à la vente, des bénitiers de chevet.C'est pourquoi on peut en voir aussi beaucoup qui montrent Notre-Dame de Fourvière,Notre-Dame de Lourdes (fig. 8) et Sainte Bernadette (fig. 9), Notre-Dame du Puy (fig. 10), de laSalette, de Valfleury, avec des représentations très variées des apparitions.5Henri Chaperon, Le bénitier de chevet, Patois Vivant n° 11, novembre 1982.


Mais c'était souvent par le colporteur qu'on acquérait unbénitier. Sa balle en présentait plusieurs modèles : on ytrouvait, outre des pièces en bois (fig. 9), en métal (fig. 10), ouen porcelaine (fig. 8), des bénitiers en faïence blanche oupolychrome.Ces pièces pouvaient provenir des faïenceries de larégion, soit Brives-Charensac, Charolles (fig. 6), Clermont-Ferrand, Lezoux, Moulins, Roanne ( fig.1, 2 et 3), Saint-Georges-deBaroille, ou même de fabriques plus lointaines :Auvillars (fig. 3), Quimper (fig.7), Samadet (fig. 4).Ces bénitiers se transmettaient de génération engénération et si l'usage en a été perdu entre les deux guerres, etsurtout après la seconde guerre mondiale, il y a encorebeaucoup de vieilles chambres où, on les conserve au-dessusdu lit, tels qu'ils étaient autrefois. C'est ainsi qu'on peut y voiraccroché le brin de buis béni le jour des Rameaux et parfois unchapelet qui, ceinturant le bénitier, laisse pendre sa croix audessousde la cuvette : en cas d'orage, on faisait brûlerquelques feuilles du buis dans la cheminée pour se préserverde la foudre ; le brin de buis, plongé dans un verre d'eau béniteposé sur la table de nuit des défunts, servait aussi de goupillonpour asperger leur dépouille.Parfois le bénitier était utilisé pour des pratiques superstitieuses : ainsi quand de jeunesenfants perdaient leurs premières dents, on les plaçait dans le bénitier pour être sûr qu'il leur enpousserait d'autres.Dans toute l'Europe catholique, on a utilisé le bénitier de chevet dans des conditions à peuprès semblables à celles de la France avec cependant quelques variantes : c'est ainsi qu'en Italie onplaçait deux bénitiers dans la chambre conjugale, un de chaque côté du lit ; ces bénitiers étaient demême facture, mais leur sujet central différait : du côté de l'époux, c'était le Christ, et du côté del'épouse la Vierge.Dans certains pays : la Pologne, la Belgique, l'Irlande, les bénitiers étaient placés à l'entréede la maison. Les hôtes les utilisaient en sortant et les visiteurs en entrant. En Roumanie on donnaitde l'eau bénite à boire aux malades.Si l'usage du bénitier s'est, comme en France, raréfié dans de nombreux pays, par contre ilest resté très vivace dans certains comme la Pologne et le Tyrol. En Pologne des potiers et despotières façonnent encore des bénitiers que l'on vend couramment dans les magasins de l'étatcommuniste. Il en va de même en Autriche et particulièrement au Tyrol où l'on peut s'en procurernon seulement dans les magasins d'objets religieux, mais aussi dans les bazars et les drogueries.Dans les églises il y a près de la porte d'entrée, de grands récipients en cuivre, surmontés de la croixet pourvu, à leur base, d'un robinet où l'on voit des fidèles venir remplir des bouteilles pouralimenter leurs bénitiers domestiques.En France même, quand on pénètre dans l'église Saint-Sulpice, à Paris, on découvre àgauche une grande jarre portant sur sa panse, en gros caractères "EAU BENITE" qui sert au mêmeusage. Mais ce qu'il faut aussi admirer dans cette église, ce sont les deux bénitiers : portés par dessoubassements de marbre simulant le fond des mers sur les deux piliers d'entrée de la nef, ils offrentl'eau bénite aux fidèles par une très large ouverture de 88 X 53 cm et pèsent chacun plus de centkilos.6Henri Chaperon, Le bénitier de chevet, Patois Vivant n° 11, novembre 1982.


Offerts par la République de Venise au Roi François 1 er , ils sont constitués par la simplecoquille du tridacne, mollusque géant qui hante les mers tropicales. Cette utilisation religieusefréquente a d'ailleurs valu, à l'animal, le nom de bénitier. Sa coquille est non seulement très grande,mais sa force l'est aussi, ainsi que nous l'a révélé le philosophe Gaston Bachelard :La force du grand bénitier, écrit-il, va de pair avec la grandeur et la force de ses murailles.Il faut, dit un auteur, atteler deux chevaux à chaque valve pour obliger le grand bénitier à baillermalgré lui.( La Poétique de l'espace p.119 )Mais bien plus puissante encore est l'action de l'eau bénite à qui sa coquille peut servir debassin, car elle est sanctifiée par la prière de toute l'Eglise et, comme l'écrivait sainte Thérèsed'Avila, en exprimant ce qu'elle ressentait à son contact : il ne s'agissait pas pour elle d'idéesimaginées, mais d'une joie qui se répandait dans toute son âme et la fortifiait.C'est pourquoi il ne faut pas considérer le bénitier de chevet comme un simple objetfolklorique. N'oublions pas, d'ailleurs que le folklore c'est le savoir du peuple et que le peupled'hier, c'est-à-dire nos aïeux savaient s'élever chaque jour vers Dieu, en partie grâce à cette eaubénite par l'Eglise que le bénitier leur offrait dans la chaleur de la maison familiale.7Henri ChaperonP.S. Etant en train d'élaborer un ouvrage sur le bénitier de chevet que je voudrais aussicomplet que possible, je serais particulièrement reconnaissant à toutes les personnes qui pourraientme communiquer leurs souvenirs concernant son utilisation et celle de l'eau bénite.(Les illustrations de cet article sont de M me Andrée Liaud)Extrait de Patois Vivant, n° 11 de novembre 1982Henri Chaperon, Le bénitier de chevet, Patois Vivant n° 11, novembre 1982.


Henri Chaperon, Le bénitier de chevet, Patois Vivant n° 11, novembre 1982.8

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