CourrierLa résili<strong>en</strong>ce, un concept ambiguJ'ai bi<strong>en</strong> apprécié votre article sur la "transition" et les "transitionneurs"et sur le fait que - à l'image de notre époque - la CHOSE n'a pas besoind’être vraim<strong>en</strong>t là pour qu'on <strong>en</strong> fasse beaucoup de MOTS !! C'est lesyndrome de la VITRINE, et c'est terrible de voir que même le milieu «alternatif » (de vitrine ???) est susceptible de tomber dans ce piège del’illusion sur lequel repose la société boursière (il faut v<strong>en</strong>dre, et vite,quoi que ce soit qui inspire confiance <strong>en</strong> sa r<strong>en</strong>tabilité - qui devi<strong>en</strong>t,aujourd’hui, sa simple capacité de donner de l’espoir - ; et vite autrechose, et <strong>en</strong>core autre chose, car l’illusion de r<strong>en</strong>tabilité/viabilité nedure pas, tel un mirage, il faut donc mirage sur mirage pour continuerdans cette voie, à un rythme haletant d’où découl<strong>en</strong>t <strong>en</strong> chaîne toutes leshâtes, toutes les pressions… c’est du « toujours plus » puissance 10 !!).Mais autre chose me pose problème : autant le tableau que donne Hopkins :"contribue/ne contribue pas à la résili<strong>en</strong>ce" me paraît plein d’exemplesconcrets jud<strong>ici</strong>eux pour se remettre dans le réel, le vivant, les valeurshumaines et l’eff<strong>ici</strong><strong>en</strong>ce, (ti<strong>en</strong>s, on pourrait mettre <strong>en</strong> regard « faire de lapub autour de ce qui n'existe pas, faire pr<strong>en</strong>dre les mots pour les choses »et « agir - sans parler de ce qu'on fait », mais est-ce recevable ? le cons<strong>en</strong>sus,toujours <strong>en</strong>thousiasmant, semble justem<strong>en</strong>t se faire dans la grandemesse de la « communication », qui permet de faire exister ce qui n’existepas), autant son concept de résili<strong>en</strong>ce m’est suspect par sa définitionmême : "l'aptitude d'un système à maint<strong>en</strong>ir son intégrité et à continuerde fonctionner sous l’impact de changem<strong>en</strong>ts et de chocs prov<strong>en</strong>ant del’extérieur". Quand les fourmis ont une rivière à traverser, elle font un pontde leurs corps ; des milliers y succomb<strong>en</strong>t, mais une partie arrive à traverser<strong>en</strong> passant sur ce pont : c’est le principal pour leur grand organisme, leurgrand corps de fourmis. Hopkins, comme beaucoup d’autres, pr<strong>en</strong>d pourréfér<strong>en</strong>ce ce grand corps social, de type animal, cet organisme dont nousavons peu à peu perdu l’intuition et l’intellig<strong>en</strong>ce stupéfiantes. Certes,l’individualisme nourri par le système de ces soixante dernières années apour conséqu<strong>en</strong>ce ou pour but insidieux de nous réduire à moins que ri<strong>en</strong>,de détruire l’énergie collective, mais si cela fonctionne, c’est parce quel’individualisme – au s<strong>en</strong>s de la consci<strong>en</strong>ce et de l’expéri<strong>en</strong>ce individuelles– nous correspond profondém<strong>en</strong>t ; si l’étape de la consci<strong>en</strong>ce individuelleest <strong>en</strong> train de se dépasser vers autre chose de plus humain <strong>en</strong>core, c<strong>en</strong>’est pas régresser vers une consci<strong>en</strong>ce de groupe qu’il nous faut, maisdépasser le clivage <strong>en</strong>tre consci<strong>en</strong>ce individuelle et intuition collective.A la réflexion, il me semble que l’espèce animale homme – non l’individu <strong>en</strong>évolution – fait preuve justem<strong>en</strong>t de beaucoup d’intuition, d'une merveilleuserésili<strong>en</strong>ce : ce n'est pas parce que des milliards d'individus <strong>en</strong> crèv<strong>en</strong>t etque l'imm<strong>en</strong>se majorité a vocation, pour la préservation de ce système,à dev<strong>en</strong>ir du bétail, que cela prouve que ce système n'est pas résili<strong>en</strong>t, aucontraire, il poursuit parfaitem<strong>en</strong>t son but de "paradis terrestre" pourla minorité oligarchique, avec poubelles tout autour et esclaves dans cespoubelles, avec bi<strong>en</strong> sûr une caste d’intellectuels, de s<strong>en</strong>soriels et de manuelspour servir directem<strong>en</strong>t l'oligarchie dans ce paradis. Ri<strong>en</strong> de nouveau, il semainti<strong>en</strong>t parfaitem<strong>en</strong>t et garde son cap élitiste <strong>en</strong> surfant magnifiquem<strong>en</strong>tsur les catastrophes humaines et naturelles. Comme son credo impl<strong>ici</strong>teest que la terre restera vivable et agréable (avec les jets privés, on trouvetoujours un <strong>en</strong>droit où aller passer l’été ou l’hiver) si l’on supprime 90%de la population, il n’y a aucun problème de résili<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> réalité, pour le« système » et pour l’homme dont il s’agit, qui vit dans la peur panique,avec armes à la main, et qui fait un carnage pour ne pas s<strong>en</strong>tir cette peur.Avec ce fameux concept phare de résili<strong>en</strong>ce, qui fait déjà mode, j’ai bi<strong>en</strong>peur que Rob Hopkins ne fasse les délices des serviteurs du système <strong>en</strong>place : ce concept sert trop bi<strong>en</strong> la com' autour du développem<strong>en</strong>t durable.Alors, si on dit résili<strong>en</strong>ce « locale », c’est tout autre chose ? On pourrait direque oui, et que cela signifierait inv<strong>en</strong>ter un système local qui soit résili<strong>en</strong>t,mais <strong>en</strong>core une fois, cette fameuse résili<strong>en</strong>ce qui devi<strong>en</strong>t si vite un conceptsi précieux, si unanimem<strong>en</strong>t approuvé, si <strong>en</strong>thousiasmant et rassurant à lafois, me donne à p<strong>en</strong>ser que nous avons malgré tout désir de changem<strong>en</strong>t,une terrible peur du changem<strong>en</strong>t, peur de ne plus nous y reconnaître, de voirtout passer par-dessus bord ; et <strong>en</strong> fait, nous voulons tout changer maistout garder, ou plutôt ne changer que ce qui ne va pas. C’est pourquoi l’idéed’un système qui ne se laisse pas détruire par les assauts extérieurs, qui aune force et une souplesse telles qu’il peut surmonter toutes les épreuves,est pour nous très séduisante : Hopkins est le sauveur qu’il nous fallait.Or non, ça c’est impossible, on ne peut pas garder les avantages mêmeparaissant « durables » de ce système et supprimer ses inconvéni<strong>en</strong>ts.Il faut avoir le courage de vivre complètem<strong>en</strong>t autre chose, d’allervers le totalem<strong>en</strong>t inconnu, de choisir de ne garder que l’humanité, lecœur, l’amour, et de laisser tomber tout regret pour quoi que ce soit.Enfin, j’ai peut-être mal compris l’objectif de Hopkins. Je l’espère.Alma WangParisjjExercice autour de la résili<strong>en</strong>ce (voir n° 385)D. R.42 S!l<strong>en</strong>ce n°387 février 2011
Si vous ne disposez pas d’une librairie indép<strong>en</strong>dante près de chez vous, vous pouvezcommander vos livres auprès de Quilombo. Une partie de la somme est reverséeà S!l<strong>en</strong>ce. Il suffit de remplir sur papier libre, vos coordonnées, les ouvrages quevous souhaitez vous procurer, d’inscrire le montant des livres (notés sous les titresde chaque livre), de rajouter 10% du prix total pour les frais de port. Règlem<strong>en</strong>tpar chèque (à l'ordre de Quilombo Projection). R<strong>en</strong>voyez le tout à : Quilombo/Sil<strong>en</strong>ce, 23, rue Voltaire, 75011 Paris. Délai de livraison <strong>en</strong>tre 10 et 15 jours.livresLe royaume descieux est <strong>en</strong> vousLéon TolstoïEd. Le Passager Clandestin2010 - 192 p. - 12 €Tout au long de cet essai LéonTolstoï, à la fin du dix-neuvièmesiècle, s’<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>d à la religioncatholique et à ses m<strong>en</strong>songes.Ce livre et son auteur ont inspiré, <strong>en</strong>treautres, la non-viol<strong>en</strong>ce de Gandhi de parles positions qu’il développe et les réponsesqu’il apporte à la viol<strong>en</strong>ce des Egliseset de l’État qui bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t manœuvr<strong>en</strong>tmain dans la main. Tolstoï est croyantcertes, mais il ne se reconnaît pas dans lesdéclarations et appels quand il s’agit deservir les puissants, de partir à la guerrepour quelque raison que ce soit. Il prône<strong>en</strong> effet une non-résistance au mal par laviol<strong>en</strong>ce c’est-à-dire que la réaction de toutun chacun doit être de refuser de part<strong>ici</strong>peret de dénoncer toute instrum<strong>en</strong>talisationdes croyances. Il n’est ni anarchiste nicommuniste… pour lui la révolution ne peutse faire qu’individuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> rejetant lesordres des puissants et <strong>en</strong> proclamant saliberté de ne pas subir, de refuser de servir.Tolstoï dénonce <strong>ici</strong> une manipulation, et demanière claire, concise et argum<strong>en</strong>tée, destextes "sacrés" à des buts de soumission dupeuple. JP.Les sols du mondepourront-ils nourrir neufmilliards d'humains ?Yves Coquet et Alain RuellanEd. Le Pommier / Les petitespommes de savoir2010 - 64 p.Après des explications sur laformation des sols et les différ<strong>en</strong>tssols que l'on trouve dansle monde, les auteurs nous montr<strong>en</strong>tce qui <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> jeu pour yfaire pousser des végétaux :l'<strong>en</strong>soleillem<strong>en</strong>t, la disponibilité<strong>en</strong> eau, mais aussi d'autres facteurscomme la richesse <strong>en</strong> azote (que l'on peutaméliorer par la culture de légumineuses),les risques d'érosion par l'eau et par lev<strong>en</strong>t, la place de la matière organique…En s'appuyant sur les meilleurs résultats et<strong>en</strong> extrapolant à l'<strong>en</strong>semble de la planète,les auteurs avanc<strong>en</strong>t que l'on pourraitnourrir… dix fois plus de monde ! Ce sontd'autres facteurs qui expliqu<strong>en</strong>t qu'un milliardde personnes souffr<strong>en</strong>t de la faim :l'inégalité des niveaux de production, lesd<strong>en</strong>sités de population, et surtout les problèmesde réseaux économiques et politiques.Les auteurs propos<strong>en</strong>t d'aller versune "agriculture de précision", c'est-à-direune agriculture qui bénéf<strong>ici</strong>e des savoirslocaux, qui cultiv<strong>en</strong>t les espèces locales etqui y intègre les connaissances sci<strong>en</strong>tifiques.Des rappels fondam<strong>en</strong>taux même sila question politique reste <strong>en</strong>tière. MB.Indignez-vous !Stéphane HesselEd. Indigène2010 – 29d - 3 €Précieuse, l'indignation toujours intactede cet homme radieux de 93 ans, résistant,échappé d'un camp de la mort, corédacteurde la Déclaration universelle desdroits de l'homme, anci<strong>en</strong> ambassadeurde France. Toujours lucide, il reste actif<strong>en</strong> souti<strong>en</strong> aux combats pour les droitsaujourd'hui. Alors que "la finn'est pas bi<strong>en</strong> loin", et pr<strong>en</strong>antappui sur l'héritage du Conseilnational de la Résistance ilnous livre quelques éclats deréflexions. Un adversaire principal: l'indiffér<strong>en</strong>ce. Et deux défisc<strong>en</strong>traux aujourd'hui : l'écartgrandissant <strong>en</strong>tre riches etmiséreux, et les droits humainset l'état de la planète. Hesselnous livre aussi son indignationconcernant la situation <strong>en</strong> Palestine, ettermine son plaidoyer avec un chapitresur "la non-viol<strong>en</strong>ce, le chemin que nousdevons appr<strong>en</strong>dre à suivre". Un cailloud'espoir dans la chaussure d'une sociétéqui marche à reculons. GG.15 ans, clandestineLoriane K.Ed. J’ai lu2010 - 286 p. - 6,70 €Un témoignage dans le quotidi<strong>en</strong> d’unefamille angolaise de sans-papiers quidevra att<strong>en</strong>dre sept ans avant de se voirrégulariser. Et ce après maintes complicationsadministratives, peurdu quotidi<strong>en</strong> et sil<strong>en</strong>ce quantà leurs conditions de vie. Sanscompter les frustrations d<strong>en</strong>e pouvoir vivre comme leur<strong>en</strong>tourage, collègues de travailet ami-es d’école.Quelques fois nous pouvons ress<strong>en</strong>tirdes similitudes avec Lejournal d’Anne Franck, quant àla peur au v<strong>en</strong>tre qui vous rongeà tout instant, au moindre bruitdans la cage d’escalier, au moindre pol<strong>ici</strong>eraperçu dans la rue. La peur de retournerdans un pays inconnu.Un livre d’une humanité poignante quinous fait compr<strong>en</strong>dre nos privilègesd’Occid<strong>en</strong>taux et nous pousse à rejoindreRESF. JP.SuperphénixDéconstruction d'un mytheChristine BergéEd. La découverte2010 - 148 p. - 13 €Le programme nucléaire prévoyait laconstruction d'une quarantaine de surgénérateurs.Cela aurait permis de multiplier,<strong>en</strong> théorie, par c<strong>en</strong>t la production électriqued'origine nucléaire. Malheureusem<strong>en</strong>t,la mise au point des surgénérateursn'a pas été couronnée desuccès. Après deux petits réacteursexpérim<strong>en</strong>taux (Rapsodieet Phénix), la France se lance, <strong>en</strong>1975, dans un prototype industriel: Superphénix, construitau bord du Rhône <strong>en</strong>tre Lyon etG<strong>en</strong>ève. Celui-ci va multiplier lespannes, <strong>en</strong>gloutissant des sommesgigantesques et provoquantune opposition de plus <strong>en</strong> plus forte. Il estfinalem<strong>en</strong>t arrêté <strong>en</strong> 1997. Depuis cettedate, EDF essaie de le "déconstruire", cequi ne va pas sans mal. L'auteure qui seprés<strong>en</strong>te comme anthropologue se perddans la communication d'EDF. Son objetd'étude serait la déconstruction du mytheque cela représ<strong>en</strong>tait. C'est assez peu visible,les témoignages de personnes sur lesite étant succincts, quant aux voisins, auxopposants… ils sont pratiquem<strong>en</strong>t abs<strong>en</strong>ts.Le résultat est peu probant. MBMon combat contreles empoisonneursAndré AschieriEd. La découverte.2010 - 260 p. - 18 €Voilà le livre d’un véritable écologistesoucieux du bi<strong>en</strong> public.André Aschieri, le maire deMouans-Sartoux raconte sonexpéri<strong>en</strong>ce au sein de l’Afsset,Ag<strong>en</strong>ce française de sécuritésanitaire de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t etdu travail. Soucieux autant desanté que du bi<strong>en</strong> public : sa ville dans leVar est <strong>en</strong> régie mun<strong>ici</strong>pale pour l’eau etfait figure d’exemple <strong>en</strong> matière d’écologiepratique. Elle a même une régie mun<strong>ici</strong>paleagricole. Et André Aschieri avait réussi <strong>en</strong>2005 à rouvrir la ligne ferroviaire Cannes-Grasse.Veilleur des questions <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales, ilmet <strong>en</strong> garde contre les nanotechnologies etrappelle le succès industriel de l’amiante <strong>en</strong>son temps. Aschieri n’a pas oublié le miragede la grippe H1N1 et les contradictions dela risible Roselyne Bachelot. Trou de lasécu, demandez à Rosy ? L’auteur rappelleque Brice Hortefeux voulait organiser desc<strong>en</strong>tres pour administrer des vaccins à lachaîne au rythme d’une injection toutes lesdeux minutes. CG.Pour une nouvellearchitecture vernaculaireLearning from vernacularPierre FreyEd. Actes sud2010 - 180 p. - 36 €Les écoles d'architecture, lespublications, les expositionssont dominées par l'architectureindustrielle internationale.L'auteur a, lui, fait le choix d'étudierles pratiques vernaculaires,c'est-à-dire locales et le plus possible <strong>en</strong>S!l<strong>en</strong>ce n°387 février 2011 43