EnergiesEoli<strong>en</strong> :retoursur unepolémiqueHans Kosina(1) La réglem<strong>en</strong>tation n'impose pasde distance minimale, mais limitel'émerg<strong>en</strong>ce sonore (niveau debruit ajouté au bruit préexistant).Celle-ci ne doit pas dépasser 5décibels dans la journée et 3 décibelsla nuit (art R111-3 du codede l'urbanisme et art. R1334-32 et -33 du code de la santépublique), ce qui est très faible.(2) Selon l'étude Avian collisions withwind turbines ; Summary of existingstudies and comparisons to othersources of avian collision mortalityin the USA, août 2001, il existemoins d'une collision par an etpar éoli<strong>en</strong>ne. Selon une autre étudede 2001, portant sur 15 000éoli<strong>en</strong>nes A summary and comparisonof birth mortality from anthropog<strong>en</strong>iccauses with an emphasis ofcollisions, chaque éoli<strong>en</strong>ne tuerait<strong>en</strong> moy<strong>en</strong>ne 1,8 oiseau par an. Acomparer avec les autres causes :pour 10 000 décès d'oiseaux,5820 sont dus aux immeubleset baies vitrées, 1370 aux lignesélectriques, 850 aux voitures,et moins de 1 aux éoli<strong>en</strong>nes.Contrairem<strong>en</strong>t à des pays comme le Danemark, l’Allemagne,l’Espagne, où les éoli<strong>en</strong>nes se multipli<strong>en</strong>t sans susciterde problèmes, elles ont t<strong>en</strong>dance <strong>en</strong> France à soulever lapolémique. En li<strong>en</strong> avec le lobby nucléaire ? Jean Aubinrevi<strong>en</strong>t sur les différ<strong>en</strong>ts élém<strong>en</strong>ts de cette controverse.Cet t e s p éc i f ic i t é f r a nç a i se n’e st p roba bl e m e n t pa s s a n s l i e n av e c l e p o i d s d ulobby nucléaire, dissimulé sous des associationsqui déclar<strong>en</strong>t déf<strong>en</strong>dre le paysage ou lesriverains contre les implantations d’éoli<strong>en</strong>nes.Valéry Giscard d’Estaing, sous la présid<strong>en</strong>ceduquel ont été mis <strong>en</strong> place les élém<strong>en</strong>ts ess<strong>en</strong>tielsdu plan nucléaire français, s’est <strong>en</strong>gagé fermem<strong>en</strong>tdans cette bataille. Mais la contestation provi<strong>en</strong>tégalem<strong>en</strong>t de certains élém<strong>en</strong>ts du monde écologiste,qui accept<strong>en</strong>t volontiers les petites éoli<strong>en</strong>nesde quelques mètres de diamètre, mais refus<strong>en</strong>tl’éoli<strong>en</strong> industriel. Parmi les élém<strong>en</strong>ts de la polémique,certains argum<strong>en</strong>ts sont parfaitem<strong>en</strong>t recevables,d’autres <strong>en</strong> revanche ti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t du mythe,de l’obsession, quand ce n’est pas de la mauvaisefoi la plus grossière. Examinons d’abord ceux-ciavant de regarder les argum<strong>en</strong>ts plus sérieux.Tintamarre et plume d'oiseauLe bruit ? Les rares éoli<strong>en</strong>nes implantées vo<strong>ici</strong>une quinzaine d’années étai<strong>en</strong>t parfois bruyantes.Ce n’est plus le cas : tous ceux qui se sont approchésd’une éoli<strong>en</strong>ne réc<strong>en</strong>te ont pu constater qu’elleest incomparablem<strong>en</strong>t plus sil<strong>en</strong>cieuse qu’untracteur ou qu’une simple route départem<strong>en</strong>tale.Le chuintem<strong>en</strong>t que le v<strong>en</strong>t produit dans les palesest le plus souv<strong>en</strong>t couvert par le bruissem<strong>en</strong>tdes feuilles des arbres ou du champ de maïs, sibi<strong>en</strong> que la nuisance sonore d’une éoli<strong>en</strong>ne, quin’est jamais située à moins de quatre à cinq c<strong>en</strong>tsmètres d’une habitation, est pratiquem<strong>en</strong>t inexistante,sauf peut-être dans quelques dispositionstrès particulières du terrain (1) .Le découpage <strong>en</strong> rondelles des oiseaux ?La vitesse de rotation est l<strong>en</strong>te, même si du faitdu grand diamètre, la vitesse <strong>en</strong> bout de pale estrapide. Les oiseaux voi<strong>en</strong>t donc le mouvem<strong>en</strong>tdes pales : les études ont montré qu’une grandeéoli<strong>en</strong>ne peut tuer un à cinq oiseaux par an (2) , unbilan à mettre <strong>en</strong> regard des dix à c<strong>en</strong>t qui sonttués annuellem<strong>en</strong>t par kilomètre de ligne à hautet<strong>en</strong>sion ou d’autoroute. Même la baie vitrée d’unemaison <strong>en</strong> campagne est largem<strong>en</strong>t plus meurtrièrequ’une éoli<strong>en</strong>ne.C’est laid ! On peut juger qu’une éoli<strong>en</strong>ne prés<strong>en</strong>temoins de charme que d’autres infrastructureséconomiques, raffinerie pétrolière, parking desupermarché, pylône de ligne à haute t<strong>en</strong>sion, tourde retransmission de téléphone, silo à céréales ouporcherie industrielle. C’est une question de goût,mais ce goût est lié au jugem<strong>en</strong>t qu’on porte surtelle ou telle activité : <strong>en</strong> fonction de ses priorités,chacun sera plus ou moins <strong>en</strong>clin à juger bellesou moches les raffineries de pétrole, les éoli<strong>en</strong>nes,34 S!l<strong>en</strong>ce n°387 février 2011
Energiesles affiches publ<strong>ici</strong>taires ou les tours de téléphoneportable.La proximité d’une éoli<strong>en</strong>ne fera perdre dela valeur à ma maison. C’est possible, surtout sic’est vous qui le dites, et si vous allez faire signerdans tout le canton une pétition qui affirme quela vue, le bruit et l’odeur — non, pas l’odeur toutde même ! — sont insupportables. Mais ce seraitsûrem<strong>en</strong>t pire avec une porcherie industrielle, uneautoroute ou une voie de TGV à cinq c<strong>en</strong>ts mètres,ou un aéroport à cinq kilomètres.Une énergie coûteuse ?V<strong>en</strong>ons-<strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant aux argum<strong>en</strong>ts plussérieux.Le coût, d’abord. L’électr<strong>ici</strong>té d’origine éoli<strong>en</strong>neou solaire bénéfice aujourd’hui d’un tarif incitatifgaranti sur quinze ans. Aujourd’hui, ce tarif estsupérieur au prix du marché de l’électr<strong>ici</strong>té, mais,avec la t<strong>en</strong>dance lourde au sur<strong>en</strong>chérissem<strong>en</strong>tgénéral de l’énergie, la différ<strong>en</strong>ce ne peut que seréduire, voire s’inverser (3) . Déjà, lors du pic 2008du tarif de l’énergie, le prix de revi<strong>en</strong>t du kWhissu des c<strong>en</strong>trales à gaz avait rejoint celui du kWhd’origine éoli<strong>en</strong>ne. En att<strong>en</strong>dant que ce rattrapagede prix s’installe dans la durée, le surcoût estpayé par une contribution spéciale sur la factured’électr<strong>ici</strong>té. Chaque ménage français acquitteainsi pour l’éoli<strong>en</strong> 3,50 € par an (4) . Ce montant, leprix de deux à trois litres de carburant, ne semblepas exorbitant pour favoriser le démarrage d’unefilière, si celle-ci est utile. La question porte surcette utilité. Actuellem<strong>en</strong>t, la substitution de l’éoli<strong>en</strong>au nucléaire et aux émissions existantes de gazà effet de serre est plus que dérisoire : elle est nulle,puisque la consommation d’électr<strong>ici</strong>té continue àmonter si rapidem<strong>en</strong>t que la production éoli<strong>en</strong>n<strong>en</strong>e couvre que la moitié de cette augm<strong>en</strong>tation (5) .Mais il est absurde d’incriminer l’éoli<strong>en</strong> aulieu de se poser la question de cette augm<strong>en</strong>tationcontinue et de l’impasse d’une telle t<strong>en</strong>dance. Ondoit <strong>en</strong> revanche rester vigilant afin que l’énergiej En 2010, 40 000 MW d'éoli<strong>en</strong> ont été installés.D. R.La t<strong>en</strong>tation del'île de PâquesPiller la planètejusqu'à l'effondrem<strong>en</strong>tJean AubinEd. LME2010 - 253p. – 18 €Après la réédition de Croissanceinfinie, la grande illusion,Jean Aubin poursuitdans ce livre la réflexion sur la finitude des ressourcesterrestres et la destruction écologique.Le mérite de cette lecture réside dans la clarté etla grande pédagogie de ses propos. Abordant lesquestions énergétiques, climatiques, démographiques,celles de l'eau et de la faim, et les choixhumains et de société qui leur sont liés, Jean Aubindonne une vision d'<strong>en</strong>semble qui nous amène àvoir comm<strong>en</strong>t nous pouvons faire adv<strong>en</strong>ir l'improbable,et éviter l'auto-destruction qu'ont connusles habitants de l'île de Pâques. Le prés<strong>en</strong>t articleest issu d'un extrait de ce livre stimulant. GGéoli<strong>en</strong>ne (ou solaire) ne constitue pas un alibi <strong>en</strong>or dans la course folle vers le toujours plus, ou unecaution écologique facile au milieu d’une gestionglobale aberrante.Souv<strong>en</strong>t v<strong>en</strong>t varie,bi<strong>en</strong> fol est qui s'y fie !L’irrégularité de la production. Le manque deconstance pose évidemm<strong>en</strong>t problème : les éoli<strong>en</strong>nesproduis<strong>en</strong>t plus de 80 % du temps, mais pasà pleine puissance. En ram<strong>en</strong>ant leur productioneffective à leur puissance maximale, tout se passecomme si elles produisai<strong>en</strong>t le quart du temps<strong>en</strong>viron. En revanche, si la production éoli<strong>en</strong>n<strong>en</strong>’est pas régulière, elle est largem<strong>en</strong>t prévisible :grâce à la météo, on peut prévoir trois jours à(3) Lesechos.fr, 16 avril 2007, MyriamChauvot, "Energies r<strong>en</strong>ouvelables: la Bourse est-elle <strong>en</strong>proie à une bulle verte ?" : leprix du kWh éoli<strong>en</strong> y est déjàprés<strong>en</strong>té comme devant serapprocher du kWh thermique,pour un tarif du pétrole à 60 $(rappelons qu'il a atteint 147 $lors de la pointe de 2008)(4) La Croix, 7 juin 2010, MarieVerdier : "L'énergie éoli<strong>en</strong>ne <strong>en</strong>cinq questions" : "Le surcoût parrapport au prix de marché del’électr<strong>ici</strong>té est supporté par leconsommateur au travers de lacontribution au service public del’électr<strong>ici</strong>té (CSPE) dont celui-cis’acquitte sur sa facture à raisonde 4,50 € pour 1000 kWh. Lacommission de régulation del’électr<strong>ici</strong>té (CRE) a estimé quele surcoût imputable à la productionéoli<strong>en</strong>ne s’élèverait cetteannée à 320 millions d’euros,soit 14 % de l’<strong>en</strong>veloppe globaleCSPE. De ce fait, la contributiond’un ménage français àl’éoli<strong>en</strong> s’élève à 3,50 € par an."(5) Entre 2007 et 2008, la consommationd'électr<strong>ici</strong>té <strong>en</strong> Franceest passée de 480,4 à 486,1 TWh(augm<strong>en</strong>tation de 5,7 TWh)p<strong>en</strong>dant que la productionéoli<strong>en</strong>ne augm<strong>en</strong>tait de 2,5TWh. Source : www.planetoscope.com/eoli<strong>en</strong>ne/804-Production-d-electr<strong>ici</strong>te-d-origine-eoli<strong>en</strong>ne-<strong>en</strong>-France-<strong>en</strong>-KWh-.html. En 2009,la consommation électrique areculé (<strong>en</strong> raison de la crise),alors que la production éoli<strong>en</strong>nea continué à augm<strong>en</strong>ter. RTEprévoit à moy<strong>en</strong> terme uneaugm<strong>en</strong>tation de consommationélectrique annuelle de 1 à1,3 % (soit 5 à 6,3 TWh de plus).Source : www.notre-planete.info/actualites/actu_1509_hausse_consommation_electr<strong>ici</strong>te_France_m<strong>en</strong>ages.phpS!l<strong>en</strong>ce n°387 février 2011 35