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Le prieuré Sainte-Croix de Savigneux - Forez histoire

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<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong><strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>Joseph BarouUn prieuré casadéenFondation du prieuré<strong>Le</strong>s communes actuelles sont, pour la plupart, issues <strong>de</strong>s paroisses <strong>de</strong> l'AncienRégime qui correspondaient elles-mêmes à <strong>de</strong>s communautés d'habitants fort anciennes.Pour comprendre la situation actuelle <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>, ses limites territoriales et sa proximitéd'avec Montbrison, il est indispensable <strong>de</strong> connaître son <strong>histoire</strong> sur le plan religieux. Cette<strong>histoire</strong>, jusqu'à la Révolution, se confond pratiquement avec celle <strong>de</strong> son prieuré car<strong>Savigneux</strong> doit son existence aux disciples <strong>de</strong> saint Benoît.On a peu <strong>de</strong> précisions sur la fondation du prieuré <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> qui intervient avantl'an mil. Selon Auguste Broutin 1 elle aurait eu lieu en 930 à l'initiative d'un comte <strong>de</strong> Lyon et<strong>de</strong> <strong>Forez</strong>, Gérard ou Arthaud 1 er , mais la charte <strong>de</strong> fondation ne nous est pas parvenue.Pierre Roger Gaussin, très pru<strong>de</strong>mment, indique qu'il pourrait avoir été fondé par les comtes<strong>de</strong> Lyon et <strong>de</strong> <strong>Forez</strong> au X e siècle et qu'il est attesté dès 1116 2 .Quelques moines bénédictins installent au bord du Vizézy un petit monastère dédiéd'abord à saint Nizier puis à la <strong>Sainte</strong> <strong>Croix</strong> au lieu aujourd'hui nommé Bicêtre. Ilsentreprennent <strong>de</strong> défricher le voisinage, un territoire peu engageant, bas, humi<strong>de</strong> et couvert<strong>de</strong> forêts. A <strong>de</strong>ux kilomètres plus au sud se trouvent les restes <strong>de</strong> la ville gallo-romaine <strong>de</strong>Moingt (Aquae Segetae) et réduite à un petit village après avoir été ruinée au III e siècle parles invasions germaniques.Bien que mo<strong>de</strong>ste le prieuré bénédictin <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> n'en est pas moins le plusancien établissement religieux <strong>de</strong> la région si l'on excepte, peut-être, une petite chapelledédiée à la Vierge Marie qui aurait été incluse dans l'enceinte d'un premier château sur labutte volcanique <strong>de</strong> Montbrison. C'est aussi l'un <strong>de</strong>s plus anciens monastères du <strong>Forez</strong>après Montverdun et Ambierle.Cette ancienneté fait que le prieuré a juridiction ecclésiastique sur un vaste territoirequi correspond aujourd'hui aux communes <strong>de</strong> Montbrison, <strong>Savigneux</strong>, Moingt, Chalain-le-Comtal et Boisset-lès-Montrond. Montbrison se réduit d'ailleurs, vers l'an mil, à un petitvillage situé en bordure du grand chemin <strong>de</strong> <strong>Forez</strong> près du ruisseau venant <strong>de</strong> Curtieu, àl'emplacement <strong>de</strong> l'actuel faubourg <strong>de</strong> la Ma<strong>de</strong>leine. L'église dédiée à sainte Marie-Ma<strong>de</strong>leine dépend <strong>de</strong> la paroisse <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> qui est, elle-même, sujette du prieuré.La paroisse <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong><strong>Le</strong>s gens du voisinage fréquentent l'église du prieuré et jusqu'en 1115 le prieurexerce directement les fonctions <strong>de</strong> curé avec l'ai<strong>de</strong> d'un moine comme vicaire. La paroisse1 Auguste Broutin, Histoire <strong>de</strong>s couvents <strong>de</strong> Montbrison avant 1793, Saint-Etienne, 1874, tome I.2 Pierre Roger Gaussin, <strong>Le</strong> rayonnement <strong>de</strong> la Chaise-Dieu, éd. Watel, Briou<strong>de</strong>, 1981, p. 472.


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 2ainsi jointe au prieuré <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> est placée sous le vocable <strong>de</strong> saint Nizier. Après le XII esiècle, le prieur reste le curé primitif et nomme à la cure <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>, aux cures <strong>de</strong>sparoisses <strong>de</strong> Montbrison (<strong>Sainte</strong>-Ma<strong>de</strong>leine, Saint-Pierre et Saint-André) et <strong>de</strong> Saint-Julien<strong>de</strong> Moingt. Cette <strong>de</strong>rnière paroisse a comme annexe <strong>Sainte</strong>-Anne à Montbrison.Cependant, le lieu étant trop inhospitalier, le prieuré n'attire pas, semble-t-il, autour <strong>de</strong>lui beaucoup d'habitants <strong>de</strong>s environs.Jusqu'au XVIII e siècle il reste isolé contrairement à ce qui se passe en d'autres lieux,à Champdieu par exemple où une agglomération se forme auprès du prieuré. La populationpeu nombreuse est éparpillée dans <strong>de</strong>s hameaux anciens mais chétifs avec, ici et là,quelques châteaux ou maisons fortes : Cromirieu (Crémérieux), Foris, Merlieu, Bullieu,Vaure...En revanche une décision politique va déci<strong>de</strong>r du développement <strong>de</strong> Montbrison.Vers 1075-1080, le comte Arthaud II qui est en conflit avec l'archevêque <strong>de</strong> Lyon fait bâtir -ou agrandir - le château sur la colline, forteresse qui comman<strong>de</strong> le grand chemin <strong>de</strong> <strong>Forez</strong>.En 1173, le comte <strong>de</strong> <strong>Forez</strong> et l'archevêque <strong>de</strong> Lyon mettent un terme à leur long conflit. GuyII abandonne ses possessions en Lyonnais et Montbrison <strong>de</strong>vient la capitale et le centre <strong>de</strong>ses possessions.Une agglomération se forme entre le château et le Vizézy suivant l'axe nord-suddéterminé par le chemin déjà existant. <strong>Le</strong>s paroisses <strong>de</strong> Saint-Pierre et surtout <strong>de</strong> Saint-André prennent <strong>de</strong> plus en plus d'importance. Au XIV e siècle, Montbrison, en plein essor,atteint une population <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 4 000 habitants, nombre important pour l'époque. De 1428à 1438, la ville s'entoure d'une enceinte fortifiée. <strong>Le</strong> développement <strong>de</strong> Montbrison ruineainsi pour <strong>Savigneux</strong> toutes chances <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir une ville.Selon une note datée <strong>de</strong> 1699 d'un auteur resté anonyme 3 , il y aurait eu autour dumonastère un bourg considérable qui aurait subsisté jusqu'au XII e siècle. Ce village se seraittotalement dépeuplé quand les comtes <strong>de</strong> <strong>Forez</strong> résidant à Montbrison attirèrent leshabitants en faisant faire une gran<strong>de</strong> enceinte <strong>de</strong> murailles autour <strong>de</strong> leur château situé surun rocher qui domine sur la plaine. Et, ajoute-t-il, les guerres firent hâter le reste <strong>de</strong>shabitants <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> <strong>de</strong> se renfermer dans la clôture nouvelle <strong>de</strong> ce fort, tellement qu'àpeine est-il resté une petite maison près le monastère. L'explication est plausible mais il n'ya, vraisemblablement, jamais eu beaucoup d'habitations autour du prieuré. Et il est bien vraique sur le plan dressé en 1775 par le sieur Argoud, ne figure qu'une seule petite maisondans le voisinage <strong>de</strong> <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong>.Sous la tutelle <strong>de</strong> la Chaise-Dieu<strong>Le</strong> prieuré <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> passe en 1116 sous la dépendance <strong>de</strong> la puissante abbaye<strong>de</strong> la Chaise-Dieu. Il suit en cela d'autres prieurés foréziens : ceux <strong>de</strong> Montverdun, l'Hôpitalsous-Rochefort,<strong>Sainte</strong>-Eugénie <strong>de</strong> Moingt. Au XIII e siècle cette gran<strong>de</strong> abbaye, la Romeauvergnate, a plus <strong>de</strong> trois cents moines et <strong>de</strong> très nombreux prieurés, non seulement enAuvergne mais aussi dans les provinces voisines et même en Italie et en Espagne.Avec onze moines, le prieuré <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> a alors une certaine importance puisqu'ilcompte trois "bénéfices" comme ceux <strong>de</strong> Saint-Romain-le-Puy ou <strong>de</strong> Champdieu : celui duprieur, celui du sacristain et un autre dit <strong>de</strong> la chapelle <strong>de</strong> Saint-Thomas alors que nombre3 Archives Diana 1 F 42 308 n° 3.2


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 3d'autres prieurés n'en ont qu'un seul comme ceux <strong>de</strong> Moingt, Gumières, Marcilly, Bard, Sailsous-Couzan,Rochefort, Montverdun et Feurs (Randans).<strong>Le</strong> prieur percevait <strong>de</strong>s droits à <strong>Savigneux</strong>, Barges et Boisset. Il recevait aussi <strong>de</strong>shommages comme, en 1251, celui <strong>de</strong> Gau<strong>de</strong>mard d'Ecotay qui avait repris en fief les biensdu prieuré dans les paroisses <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> et Moingt ou, en 1313, celui <strong>de</strong> Pierre duVernet pour ses biens à Boisset 4 .<strong>Le</strong> prieuré et les établissements religieux du voisinageToute la politique <strong>de</strong>s prieurs va consister, au cours <strong>de</strong>s siècles, à essayer <strong>de</strong>préserver leurs droits et prérogatives sur les établissements religieux voisins. Il en résulteune interminable série <strong>de</strong> procès avec différents niveaux <strong>de</strong> procédures et <strong>de</strong>s appelssuccessifs : le comté <strong>de</strong> <strong>Forez</strong>, l'abbaye <strong>de</strong> la Chaise-Dieu, l'archevêché <strong>de</strong> Lyon, le Saint-Siège à Rome. De temps à autre, quand les plai<strong>de</strong>urs se lassent, une transaction aboutit.Notons quelques dates pour situer les principaux différends :- 1193 : différend avec les hospitaliers <strong>de</strong> Saint-Jean-<strong>de</strong>-Jérusalem (comman<strong>de</strong>riedans le faubourg <strong>de</strong> Montbrison du même nom).- 1198 : transaction entre Arthaud, prieur <strong>de</strong> "Savignieu-les-Montbrison" et Pierre,maître et recteur <strong>de</strong> la maladrerie Saint-Lazare <strong>de</strong> Moingt ; un moine <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> seraaumônier <strong>de</strong> Saint-Lazare.- 1198 encore : conflit entre Guy IV, comte <strong>de</strong> <strong>Forez</strong> et le prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> àpropos du terrain sur lequel doit être bâtie Notre-Dame <strong>de</strong> Montbrison. La charte <strong>de</strong>fondation du chapitre <strong>de</strong> la collégiale est tout <strong>de</strong> même promulguée le 5 juillet 1223.En 1224, l'archevêque <strong>de</strong> Lyon, Renaud, oncle <strong>de</strong> Guy IV, donne raison au comte <strong>de</strong><strong>Forez</strong> contre le prieur.<strong>Le</strong> prieur en appelle à Rome et <strong>de</strong>man<strong>de</strong> la démolition <strong>de</strong> l'église dont le chœur estdéjà bâti. Il faut un bref du pape Honoré III, le 7 mai 1225, pour arriver à un arrangemententre les <strong>de</strong>ux parties : le prieur conserve ses droits <strong>de</strong> patronage. <strong>Le</strong> territoire en questionreste - indirectement - à la paroisse <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>. La chapelle <strong>Sainte</strong>-Anne, qui sert aussi àl'aumônier <strong>de</strong> l'hôpital, sera <strong>de</strong>sservie par un vicaire du curé <strong>de</strong> Moingt, lui-même nommépar le prieur. De plus une re<strong>de</strong>vance sera versée par les chanoines <strong>de</strong> Notre-Dame. Encontrepartie, le prieur doit accepter la construction <strong>de</strong> la nouvelle église.- 1212 : procès intenté contre le "vicaire perpétuel <strong>de</strong> Saint-André". En 1423 laparoisse Saint-André, la plus peuplée <strong>de</strong> Montbrison n'a pas encore <strong>de</strong> fonts baptismaux.On n'y célèbre ni les mariages ni les funérailles.- 1233 : conflit du même type que celui qui avait opposé le prieur aux chanoines àcause <strong>de</strong> l'hôpital <strong>de</strong> Montbrison qui avait été transféré <strong>de</strong> l'enceinte du château sur la rivedroite du Vizézy.- 1277 : procès entre le prieur et la comman<strong>de</strong>rie <strong>de</strong> Saint-Antoine installée près <strong>de</strong>l'église <strong>de</strong> la Ma<strong>de</strong>leine à Montbrison.- 1327 : traité passée entre le prieur et les chanoines à propos du cimetière <strong>de</strong> Notre-Dame.4 Pierre Roger Gaussin, <strong>Le</strong> rayonnement <strong>de</strong> la Chaise-Dieu, éd. Watel, Briou<strong>de</strong>, 1981, p. 4723


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 4- 1431 : procès entre le prieur d'une part, le chapitre <strong>de</strong> Notre-Dame et les Cor<strong>de</strong>liersd'autre part pour <strong>de</strong>s questions d'inhumation.- 1448 : fin d'un litige entre le prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> et le prieur <strong>de</strong> Moingt (en quelquesorte la Chaise-Dieu contre la Chaise-Dieu) au sujet <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong>s terroirs sur lesquelschacune <strong>de</strong>s parties levaient la dîme. Un accord intervient le 16 avril entre l'abbé <strong>de</strong> laChaise-Dieu, agissant comme prieur <strong>de</strong> Moingt et le prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> 5 .- 1452 : transaction passé par le prieur Jean <strong>de</strong> Dyo et plusieurs particuliers à propos<strong>de</strong> l'étang 6 .- 1468 : accord entre le prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> et le chapitre <strong>de</strong> Notre-Dame au sujet <strong>de</strong>leurs droits respectifs...Ces querelles qui nous paraissent aujourd'hui <strong>de</strong>s broutilles montrent à quel point,dans la société moyenâgeuse, les droits étaient imbriqués et combien chacun tenait à sesprérogatives, si minimes fussent-elles.L'essor <strong>de</strong> Montbrison <strong>de</strong>venue capitale comtale gêne, bien sûr, le prieuré toutproche. <strong>Le</strong>s efforts déployés par les prieurs freinent un peu son déclin. Cependant, <strong>de</strong>procès en transactions, le prieuré perd peu à peu la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> son anciennesuprématie. Progressivement, les paroisses montbrisonnaises s'émancipent, obtenant fontsbaptismaux et cimetières. Il ne lui reste au prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> qu'une primauté d'honneur.A la fin du XIV e siècle, selon les renseignements fournis par les pouillés diocésains, leprieuré <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> apparaît encore comme un établissement relativement riche parmi lesmaisons casadéennes. Ses revenus le placent immédiatement après la Chaise-Dieu etGaillac 7 .Quelques prieurs parmi les plus notables : abbé, évêque, pape...Frère Guillaume <strong>de</strong> la Roue, un prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>, moine profès <strong>de</strong> la Chaise-Dieu, est choisi comme évêque du Puy à cause <strong>de</strong> ses mérites. Il est sacré par Urbain IV en1263 et meurt en 1282 ayant rempli dignement son office.En 1250 frère Pierre <strong>de</strong> Vertolet est prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>. <strong>Le</strong>s moines <strong>de</strong> l'Ile-Barbe lechoisissent comme abbé pour remplacer son frère Geoffroi <strong>de</strong> Vertolet mort en 1268. Pierreest considéré comme un bienfaiteur <strong>de</strong> l'abbaye lyonnaise.Mais le plus célèbre prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> est sans conteste Pierre Roger. Issu d'unefamille <strong>de</strong> petite noblesse du Limousin il rentre très jeune à l'abbaye <strong>de</strong> la Chaise-Dieu puispoursuit <strong>de</strong> brillantes étu<strong>de</strong>s. Il commence son éblouissante "carrière" dans les ordressacrés en <strong>de</strong>venant pour une courte pério<strong>de</strong> prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>, 8 avant <strong>de</strong> diriger une5 Cf. Philippe Pouzols, "<strong>Savigneux</strong> et Moingt, <strong>de</strong>ux prieurés casadéens", Bulletin <strong>de</strong> la Diana, n° 2,tome LIII, 1992.6 Noté par Marguerite Fournier, "Histoire <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", Village <strong>de</strong> <strong>Forez</strong>, n° 30, avril 1987.7Au titre <strong>de</strong> la taxation <strong>de</strong>s bénéfices pour l'imposition <strong>de</strong> la décime pontificale (10 % <strong>de</strong>s revenustoutes charges déduites) la Chaise-Dieu verse 57 livres 10 sols 6 <strong>de</strong>niers, Gaillac 51 livres 3 sols et<strong>Savigneux</strong> 28 livres... Pierre Roger Gaussin, <strong>Le</strong> rayonnement <strong>de</strong> la Chaise-Dieu, éd. Watel, Briou<strong>de</strong>,1981, p. 472.8 Archives du Vatican, <strong>Le</strong>ttres communes <strong>de</strong> Jean XXII, n° 20 705 (24 sept. 1324) ; Maurice <strong>de</strong>Châteauneuf <strong>de</strong>viendra plus tard prieur <strong>de</strong> Montverdun, Bulletin <strong>de</strong> la Diana, tome 32, 1953, p. 20.4


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 5abbaye, <strong>de</strong> grands diocèses et enfin toute la chrétienté quand il <strong>de</strong>vient le pape Clément VI 9dit le Magnifique (voir encadré).<strong>Le</strong> pape Clément VI le Magnifique : un ancien prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>Pierre Roger, second fils <strong>de</strong> Guillaume Roger et <strong>de</strong> son épouse Guillaumette <strong>de</strong> laMonstre, est né en 1291 à Rosiers d'Egletons (Corrèze).Ce rejeton <strong>de</strong> la petite noblesse limousine est reçu, en 1302, à l'abbaye <strong>de</strong> la Chaise-Dieu à l'âge <strong>de</strong> dix ans. Profès dès 1305, il étudie ensuite à Paris où, en 1323, il reçoit lamaîtrise et la licence en théologie. En 1326, il est déjà chargé <strong>de</strong> cours à la Sorbonne et<strong>de</strong>vient proviseur <strong>de</strong> ce collège.Il est prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> pour une brève pério<strong>de</strong> car il cè<strong>de</strong> très vite sa charge àMaurice <strong>de</strong> Châteauneuf. Il <strong>de</strong>vient ensuite abbé <strong>de</strong> Fécamp puis évêque d'Arras. En 1329, ilest archevêque <strong>de</strong> Sens, en 1330, archevêque <strong>de</strong> Rouen. La même année, Philippe VI <strong>de</strong>Valois qui apprécie son intelligence et son sens <strong>de</strong> la diplomatie, le nomme chancelier duroyaume. On le retrouve chargé d'ambassa<strong>de</strong> en Angleterre et en Avignon, auprès du papeJean XXII. En 1338, Benoît XII le fait cardinal.Pierre Roger est élu pape, au premier tour et à l'unanimité, le 7 mai 1342, sous lenom <strong>de</strong> Clément VI. Il continua la tradition <strong>de</strong> Clément V qui avait choisi comme rési<strong>de</strong>nceAvignon en 1309.Son pontificat <strong>de</strong> 1342 à 1352 représente l'âge d'or <strong>de</strong> la papauté avignonnaise(1342-1352). Bien qu'ancien moine bénédictin, il déteste l'austérité. Il dépense sanscompter, dilapi<strong>de</strong> les finances du Saint-Siège mais y gagne le titre <strong>de</strong> "Clément leMagnifique". Il s'entoure d'une cour brillante, fait décorer le palais <strong>de</strong>s Papes et entreprendre<strong>de</strong> nombreux travaux dont la restauration du pont d'Avignon. Il rachète à la reine Jeanne <strong>de</strong>Sicile la ville d'Avignon pour 80 000 florins d'or. Amoureux <strong>de</strong>s arts et mécène, il protège lesartistes dont le poète Pétrarque <strong>de</strong>venu son ami.Il favorise aussi sans vergogne sa famille et ses compatriotes limousins. Il dira aprèsson élection : "Je planterai dans l'Eglise <strong>de</strong> Dieu un tel rosier <strong>de</strong> Limousin, qu'après cent ansil aura encore <strong>de</strong>s racines et <strong>de</strong>s boutons".A côté <strong>de</strong> ces défauts bien visibles, la fin <strong>de</strong> son pontificat met en valeur un beaucomportement que les historiens lui reconnaissent volontiers. Lors <strong>de</strong> l'épidémie <strong>de</strong> peste quiravage Avignon, Clément VI refuse <strong>de</strong> fuir la ville, fait soigner les mala<strong>de</strong>s et prend encharge les orphelins. Surtout, il défend avec vigueur les Juifs qui sont accusés d'avoirprovoqué l'épidémie 10 . Faisant preuve d'ouverture d'esprit il autorise les autopsies et luttecontre le fanatisme en interdisant en 1349 les processions <strong>de</strong> flagellants.En 1414 le prieuré <strong>de</strong> Valfleury (lieu <strong>de</strong> pèlerinage, à 5 km <strong>de</strong> Saint-Chamond) estannexé par <strong>Savigneux</strong>. Cette dépendance durera plus <strong>de</strong>ux siècles, jusqu'en 1744, bien que9 Pierre Roger, moine <strong>de</strong> la Chaise-Dieu puis prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>, transmet sa charge à Maurice <strong>de</strong>Châteauneuf, docteur en décrets, grand hôtelier <strong>de</strong> la Chaise-Dieu le 24 septembre 1324. Cf.Bulletin <strong>de</strong> la Diana, t. XXXII, n° 1, p. 20.10 Par ses bulles <strong>de</strong>s 4 juillet et 26 septembre 1348.5


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 6dès 1688 Valfleury soit confié aux Lazaristes et passe donc en fait aux mains <strong>de</strong> cettecongrégation.En 1466, le prieur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> est choisi parmi les chanoines <strong>de</strong> Notre-Dame, cequi est une manière élégante d'éviter les conflits avec le puissant chapitre <strong>de</strong> la ville. <strong>Le</strong>prieur est alors Renaud <strong>de</strong> Bourbon, fils naturel <strong>de</strong> Charles II, duc <strong>de</strong> Bourbon et d'Auvergneet comte <strong>de</strong> <strong>Forez</strong>. Renaud est aussi prieur <strong>de</strong> Montverdun. Il <strong>de</strong>viendra ensuite archevêque<strong>de</strong> Narbonne. On peut voir sa pierre tombale dans le transept sud <strong>de</strong> l'église <strong>de</strong> Monverdundans laquelle il est enterré. Il fut sans doute le premier prieur commendataire du prieuré <strong>de</strong><strong>Savigneux</strong> en 1466-1467.<strong>Le</strong> système <strong>de</strong> la commen<strong>de</strong> veut que le prieur ne rési<strong>de</strong> pas sur place. Un prieur"claustral" le représente mais, le plus souvent, il se désintéresse complètement du prieuré secontentant d'en percevoir les revenus. C'est particulièrement néfaste pour les petitsmonastères qui périclitent rapi<strong>de</strong>ment.<strong>Le</strong> prieur suivant est un autre fils naturel du comte <strong>de</strong> <strong>Forez</strong>, Hector <strong>de</strong> Bourbon qui,lui, <strong>de</strong>viendra plus tard archevêque <strong>de</strong> Toulouse.En 1600, le prieur est Grégoire Perrossel. <strong>Le</strong> prieuré possè<strong>de</strong> alors <strong>de</strong>s vignes près<strong>de</strong> Montbrison, à Pierre-à-Chaux et près du faubourg <strong>de</strong> la <strong>Croix</strong>. <strong>Le</strong> 7 mai il consent àl'affranchissement d'une dîme sur une vigne sise au Royat, près <strong>de</strong> Montbrison, en faveur <strong>de</strong>Benoît Fasson, marchand à Montbrison moyennant la re<strong>de</strong>vance d'un <strong>de</strong>mi baril <strong>de</strong> vin 11 .Longue pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> déca<strong>de</strong>nce<strong>Le</strong>s guerres <strong>de</strong> religion<strong>Le</strong>s guerres <strong>de</strong> religion n'arrangent pas les choses. Selon une note trouvée dans lesarchives du prieuré, l'année 1562 fut particulièrement néfaste :La ville <strong>de</strong> Montbrison fut mise au sac et au pillage par les hérétiques, qui ycommirent les plus inhumaines et barbares cruautés <strong>de</strong>s tirans du paganisme ;particulièrement dans le monastère <strong>de</strong> Savignieu qui fut ruiné et brûlé <strong>de</strong> fond en comble,avec tout ce qu'il y avait <strong>de</strong> plus précieux, comme ornemens d'églises, reliques et papiers. 12En 1614, les bâtiments sont dans un triste état : <strong>Le</strong> couvent du prieuré et lesbastimentz d'icelluy sont en danger <strong>de</strong> ruyne, une partie estant déjà tombée.<strong>Le</strong>s ressources du prieuréEn 1649, le prieur donne à ferme les biens du prieuré pour la somme <strong>de</strong> 2 000 livresà payer annuellement. De plus le preneur doit fournir <strong>de</strong> l'argent et <strong>de</strong>s prestations en natureaux curés dépendant du prieuré :- 18 livres d'argent, 8 ânées <strong>de</strong> vin, 2 setiers <strong>de</strong> seigle et un setier <strong>de</strong> froment au curé <strong>de</strong><strong>Savigneux</strong> ;- 17 setiers <strong>de</strong> froment et 6 setiers <strong>de</strong> seigle au curé <strong>de</strong> Chalain-le-Comtal ;- 200 livres au curé <strong>de</strong> Saint-Pierre <strong>de</strong> Montbrison ;11 Mayet, notaire royal à Montbrison, archives Diana 7 H 27.12 Cité par Broutin, op. cit.6


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 7- 18 livres au curé <strong>de</strong> Saint-André ;- 8 ânées <strong>de</strong> vin, 2 setiers <strong>de</strong> seigle et un setier <strong>de</strong> froment pour les pauvres <strong>de</strong><strong>Savigneux</strong>.- 2 setiers <strong>de</strong> seigle au sonneur <strong>de</strong> cloche du village ;et enfin- 6 livres 10 sous à l'abbaye <strong>de</strong> la Chaise-Dieu 13 .Mise en commen<strong>de</strong>, diminution du nombre <strong>de</strong>s religieux, ressources qui faiblissent…le déclin est inéluctable.La visite pastorale <strong>de</strong> 1662<strong>Le</strong> procès-verbal <strong>de</strong> la visite pastorale effectuée à <strong>Savigneux</strong> le 19 juin 1662 par MgrCamille <strong>de</strong> Neuville, archevêque <strong>de</strong> Lyon, nous montre comment, pratiquement, cohabitentla paroisse et le prieuré :Comme à Savignieu il y a un prieuré et une parroisse, l'églize est divisée en <strong>de</strong>uxparties. <strong>Le</strong> bas est occupé par les religieux, ou pour mieux dire, il l'estoit autrefois, car leprieuré estoit conventuel et entretenoit onze religieux. Mais ils ont esté transférés à laChaize-Dieu et il n'y a qu'un sacristain à Savignieu dont le prieuré dépend <strong>de</strong> l'abbayesusdite <strong>de</strong> la Chaize-Dieu et est <strong>de</strong> mesme ordre qui est celuy <strong>de</strong> Saint Benoist.Dans la partie <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssus qui est soutenue par un plancher et est moitié carrellée,moitié boisée, le curé fait ses fonctions curiales. Il y a en cette partie un grand autel et unechappelle du costé <strong>de</strong> l'évangile.<strong>Le</strong> Saint Sacrement ne repose point en cette partie, mais seulement sur l'autel duchœur <strong>de</strong> la partie inférieure <strong>de</strong> l'églize qui est celuy <strong>de</strong>s religieux.En procédant à la visite du Saint Sacrement sur ledit autel, le chœur et le tabernacleont esté ouverts par le sacristain, et le St Sacrement a esté trouvé dans un ciboire d'argent. Ily a aussi un soleil d'argent et une pixi<strong>de</strong> pour le saint viatique.<strong>Le</strong> luminaire <strong>de</strong> la parroisse est entretenu d'aumosnes. <strong>Le</strong> calice n'a que la coupped'argent. Il y a 2 chazubles, <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>vants d'autel et du reste suffisamment.Sur le grand autel paroissial il y a commission <strong>de</strong> messes fondée du patronage duprieur <strong>de</strong> Savignieu. Messire Blaise Soret, curé <strong>de</strong> St-André <strong>de</strong> Montbrison, est prébendier.<strong>Le</strong> service est d'une première messe tous les dimanches. On n'a sceu en dire le revenu.La confrérie du Rosaire est establie en cet autel dédié à la <strong>Croix</strong>.<strong>Le</strong> nombre <strong>de</strong>s communians est d'environ 200.Messire Clau<strong>de</strong> Henrys 14 est curé <strong>de</strong>puis le 22 <strong>de</strong> juillet 1642. Il a pour revenu uneportion <strong>de</strong> dixme <strong>de</strong> 300 livres. Ces registres et capacités sont en bon estat.<strong>Le</strong> prieur est nominateur.<strong>Le</strong>s saintes huiles et fonts baptismaux sont en <strong>de</strong>u estat.La maison curiale l'est aussy et le clocher est garni <strong>de</strong> 4 cloches.<strong>Le</strong> cimetière est déclos et le curé a promis qu'il le ferrait clorre à ses dépens.13 Cf. Philippe Pouzols, "<strong>Savigneux</strong> et Moingt, <strong>de</strong>ux prieurés casadéens", op. cit.14 Clau<strong>de</strong> Henrys, curé <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> a probablement une parenté (est-ce un neveu ?) avec JeanHenry curé <strong>de</strong> Saint-André <strong>de</strong> 1633 à 1645.7


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 8L'église <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> est alors curieusement aménagée. Un plancher coupe la nef en<strong>de</strong>ux déterminant une sorte d'église basse ou crypte à l'usage exclusif <strong>de</strong>s moines et uneéglise haute pour le service paroissial. L'église semble décemment tenue.<strong>Le</strong>s <strong>de</strong>rniers prieursDom Pierre Sauret 15 (ou Soret) entreprend la construction <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux dortoirs <strong>de</strong>chacun six chambres, un cloître, "le tout fort régulier et commo<strong>de</strong>". Il fait aussi bâtir un<strong>de</strong>uxième clocher où trois cloches sont installées. Ces travaux relativement importantssemblent indiquer qu'il y a une embellie pour le prieuré après une longue pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>déca<strong>de</strong>nce.Autre signe <strong>de</strong> cette timi<strong>de</strong> renaissance. <strong>Le</strong> 13 octobre 1683, le prieuré bénéficied'une donation <strong>de</strong> livres. Messire Pierre Manis, chanoine <strong>de</strong> Saint-Paul <strong>de</strong> Lyon et prieurcommendataire <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>, offre 28 ouvrages aux moines <strong>de</strong> <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong>. Il s'agit <strong>de</strong> laBible, <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong>s Pères <strong>de</strong> l'Eglise et d'ouvrages <strong>de</strong> théologie. <strong>Le</strong>s religieux <strong>de</strong><strong>Savigneux</strong> <strong>de</strong>vront dire chaque jeudi à perpétuité une messe basse pour la gloire <strong>de</strong> Dieu etle salut du donateur et <strong>de</strong>s siens 16 . <strong>Le</strong> prieuré compte alors trois moines : Pierre Sauret, leprieur claustral, Aymard <strong>de</strong> Floris, titulaire <strong>de</strong> la prében<strong>de</strong> <strong>de</strong> Saint-Thomas et BalthazardDesmolins.Dom Pierre Sauret qui s'était fait une gran<strong>de</strong> réputation par sa vertu et sa pru<strong>de</strong>ncemeurt à <strong>Savigneux</strong> l'an 1687.<strong>Le</strong> Révérend Père Aymard <strong>de</strong> Flory qui lui succè<strong>de</strong> étonne les gens du pays parson adresse manuelle. C'était un artisan très habile qui "se rendoit fort utile par son industrie,travaillant en menuiserie et au tour aussy proprement qu'un maître <strong>de</strong> profession" 17 . Il estprobable qu'il utilise ses compétences en effectuant <strong>de</strong>s travaux pour les gens du voisinageafin <strong>de</strong> procurer quelque ressource au prieuré.Il y a toujours <strong>de</strong> fréquents procès entre le prieur et le curé <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> quiutilisent le même sanctuaire : disputes à propos du grand autel qui est réservé au prieur, quel'archevêque <strong>de</strong> Lyon veut visiter au cours <strong>de</strong>s tournées pastorales, querelle en 1678 ausujet <strong>de</strong>s fonts baptismaux... En 1682 c'est un ormeau planté <strong>de</strong>vant la porte du monastèrequi est l'objet du litige : il faut déterminer à qui reviendront les branches après élagage !En 1713, le prieur commendataire est Jean Bonnet, prêtre <strong>de</strong> la congrégation <strong>de</strong>Saint-Lazare et le prieur claustral Dom Arnaud Dazellest. <strong>Le</strong> couvent héberge <strong>de</strong>ux autresmoines : Dom Gabriel Béal et Dom François Chamuron 18 .D'autres procédures suivent en 1714 et en 1735.En 1728, selon la déclaration faite à l'assemblée générale du clergé <strong>de</strong> France 19 ,les revenus du prieuré permettent la nourriture et l'entretien <strong>de</strong> 6 religieux et <strong>de</strong> 3domestiques. Cependant, selon Broutin, le prieuré n'est plus considéré comme un couventmais comme un simple hospice pour <strong>de</strong>ux ou trois moines vieux ou infirmes que l'abbaye <strong>de</strong>la Chaise-Dieu y envoyait, quand leur âge ou leur santé imposait le repos, ou <strong>de</strong>mandait un15 Dom Pierre Sauret, prieur, est sans doute un parent <strong>de</strong> Blaise Soret (Sauret), curé <strong>de</strong> Saint-André<strong>de</strong> Montbrison <strong>de</strong> 1645 à 1683 et titulaire d'une prében<strong>de</strong> à <strong>Savigneux</strong>.16 Cf. l'article d'Alain Collet, "Une donation <strong>de</strong> livres au prieuré bénédictin <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> en 1683",Bulletin <strong>de</strong> la Diana, tome LXII, p. 143-152.17 Archives Diana 1 F 42 308 n° 3.18 Archives Diana 7 H 28.19 Archives départementales <strong>de</strong> la Haute-Loire, 1 H 1 (La Chaise-Dieu), H 152, 91-95.8


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 9climat plus doux... Vers 1730, le couvent est presque toujours vi<strong>de</strong>, avec <strong>de</strong>s bâtiments quimenacent ruine et le jardin inculte.En 1751, les moines, sans doute pour accroître leurs ressources, préten<strong>de</strong>ntexercer les fonctions curiales...Dom Jean Marie Palerne prend possession <strong>de</strong> la prében<strong>de</strong> dite <strong>de</strong> <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> et<strong>de</strong> Saint-Thomas, le 15 février 1738. <strong>Le</strong> prieur commendataire est alors Jean Couty,supérieur général <strong>de</strong> la congrégation <strong>de</strong> Saint-Lazare et le curé <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> MessireJacques Fargeix 20 .Procès avec Pierre Chappuis <strong>de</strong> VilletteEn 1700, le prieur et les moines sont en procès avec Pierre Chappuis <strong>de</strong> Villette ausujet d'aménagements que ce <strong>de</strong>rnier a fait effectuer le long du Vizézy. Ces travaux auraientendommagé un terre chènevière et un pasquier (pâture) <strong>de</strong> 4 métrées dépendant du prieuréet bordant aussi la rivière.Pour terminer la contestation, le 2 mai 1700, les moines ven<strong>de</strong>nt cette terre auseigneur <strong>de</strong> Villette pour la somme <strong>de</strong> 350 livres. Il est convenu que jusqu'à ce les moinestrouvent à placer cette somme en achetant un nouveau terrain, M. Chappuis <strong>de</strong> Villettegar<strong>de</strong>ra les 350 livres et leur versera une rente d'un sol par livre (5 pour cent). La vente estpassée au monastère par Duby, notaire royal, le 2 mai 1700.<strong>Le</strong>s moines sont alors au nombre <strong>de</strong> cinq : Dom Charles Mathieu, prieur claustral,Dom Joseph Faure, Dom Jean Maurat, Dom François Simonnet, Dom Joseph Gadaud, tousprêtres et religieux 21 .<strong>Le</strong> pigeonnier <strong>de</strong>s moines<strong>Le</strong> prieuré possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pigeonniers dans le clos qui l'entoure. Un plan <strong>de</strong> 1775 22donne une idée <strong>de</strong> la disposition <strong>de</strong>s bâtiments. L'église est orientée à l'est comme il se doit.Son côté nord jouxte un clos rectangulaire dont une petite partie, tout contre l'église, sert <strong>de</strong>cimetière aux moines. Au sud, l'habitation <strong>de</strong>s religieux et le cloître sont accolés à l'égliseprieurale. Un <strong>de</strong>uxième clos entoure le couvent. <strong>Le</strong>s pigeonniers sont probablement les <strong>de</strong>uxbâtiments carrés situés en bordure du clos, tout près du Vizézy. Il s'agit <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux tours enpisé ressemblant aux pigeonniers traditionnels dont nous possédons encore quelquesspécimens en <strong>Forez</strong>.<strong>Le</strong>s moines louent leurs <strong>de</strong>ux pigeonniers à un aubergiste <strong>de</strong> Grézieux-le-Fromentalpour la coquette somme <strong>de</strong> cinquante livres, cinquante-trois livres en fait, puisque à cefermage s'ajoute la fourniture <strong>de</strong> douze couples <strong>de</strong> pigeons estimés à cinq sols le couple.Quel était donc l'importance <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux pigeonniers et quel intérêt économiqueprésentaient-ils ? Un couple <strong>de</strong> pigeons peut, si les conditions sont favorables, élever <strong>de</strong> dixà seize pigeonneaux chaque année. Pour récupérer le seul montant du fermage, le preneur<strong>de</strong>vait vendre plus <strong>de</strong> 400 pigeonneaux. Il est vrai qu'il pouvait aussi disposer <strong>de</strong> laprécieuse colombine, engrais très apprécié... <strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux colombiers du monastère pouvaientdonc héberger <strong>de</strong> nombreux pigeons adultes, probablement plusieurs centaines.20 Bochetal, notaire royal à Montbrison, archives Diana, 1 F 42 308.21 Acte du 2 mai 1700, passé par Duby, notaire royal à Montbrison.22 Archives <strong>de</strong> la Diana, 1 C 9.9


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 10Ferme <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pigeonniers au prix <strong>de</strong> 50 livrespassée par les prieur et religieuxdu monastere <strong>de</strong> <strong>Sainte</strong> <strong>Croix</strong> <strong>de</strong> Savignieuà Sieur Jean Perrin hoste <strong>de</strong> Grézieux du 8 avril 1736 23Par<strong>de</strong>vant le notaire royal au bailliage <strong>de</strong> Forest reservé pour la ville <strong>de</strong> Montbrisonsoussigné et en présence <strong>de</strong>s temoins cy-après nommés furent présents Dom 24 JeanPalerne prieur claustral du monastère <strong>de</strong> S[ain]te <strong>Croix</strong> <strong>de</strong> Savignieu Dom Jean AntoinePelardy, frère Gabriel Geoffrenet, frère Laurent Javelle, tous religieux dud[it] Monastere,lesquels <strong>de</strong> leur bon gréz et volontéz ont assencée et affermé a S[ieu]r Jean Perrin,hoste du bourg <strong>de</strong> Grezieu icy present et acceptant, a scavoir <strong>de</strong>ux pigeonniers <strong>de</strong>pendantdud[it] monastere scitué dans l'enclos et jardins <strong>de</strong>sd[its] religieux ainsy qu'ils se contiennentet comportentet ce pour le temps et espace <strong>de</strong> six années entières et consécutives quicommanceront au premier jour du mois <strong>de</strong> may prochain et a pareil jour finiront lesd[ites]années finies et resolus, pendant lequel temps le sr Perrin preneur promet et s'oblige <strong>de</strong>bien et duement nourrir les pigeons jusques au premier may <strong>de</strong> l'année mil sept centquarante <strong>de</strong>ux que la presente ferme finira,Laquelle est faitte moyennant le prix et somme <strong>de</strong> cinquante livres par chacuneannée payable en un seul terme dont le premier commancera a la Toussaint prochain etdouze paires <strong>de</strong> pigeons aussy annuellement et au cas que lesd[its] religieux ne prennentpoint lesd. douze paires <strong>de</strong> pigeons led[it] Perrin les payera a raison <strong>de</strong> cinq sols la paire etsy lesd[its] religieux en ont besoin <strong>de</strong> surplus ils les luy payeront a raison <strong>de</strong> cinq sols sanspréjudice <strong>de</strong> six bichets <strong>de</strong> pezettes 25 que led[it] preneur s'est obligé <strong>de</strong> délivrer aux termesdu précé<strong>de</strong>nt bail et qu'il promet payer auxd[its] religieux a requesteainsy convenus promis observer et ny contrevenir a peyne <strong>de</strong> <strong>de</strong>pens dommages etinterest par promesse obligation <strong>de</strong> biens et propre personne dud[it] preneur qui jouira<strong>de</strong>sd[its] pigeonniers en bon pere <strong>de</strong> familles et fournira a ses frais auxd[its] dom et religieuxexpéditions <strong>de</strong>s presentes a requeste soudmissions renon[ciations] et clauses necessairesfait et passé audit Savignieu dans la salle dudit monastere le huitiesme avril mil septcent trente six en présence <strong>de</strong> sieur Jean Baptiste Fasson praticien <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Montbrison<strong>de</strong> present audit Savignieu, <strong>de</strong> François Mollin cuisinier <strong>de</strong>sd[its] dom et religieux <strong>de</strong>meurantactuelement audit Savignieu, temoins requis <strong>de</strong>squels led[it] sr Fasson a signé avec lesd[it]sieurs bailleurs et ledit preneur a déclaré ne scavoir signer <strong>de</strong> ce enquis et somméz soitcon[tro]lléJean Palerne, prieur J. A. Pelardy FassonBochetal notaire royalfr. Gabriel Geoffrenetfr. Laurent JavelleCon[tro]llé a Montbrison le 21 avril 1736 Reçu douze sols [signé] <strong>Le</strong>vacher23 Archives <strong>de</strong> la Diana, fonds <strong>de</strong>s notaires, Bochetal, 1736.24 Dom, <strong>de</strong> Dominus, maître, titre que reçoivent les moines bénédictins qui sont prêtres.25 <strong>Le</strong>s "pezettes" sont une variété <strong>de</strong> pois <strong>de</strong>s champs, <strong>de</strong> petite taille.10


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 11Vers la suppression du prieuréDe 1752 à 1755 le prieur est Jean-Charles-François <strong>Le</strong>gros, docteur en théologie <strong>de</strong>la faculté royale <strong>de</strong> Navarre, chanoine <strong>de</strong> la <strong>Sainte</strong>-Chapelle <strong>de</strong> Paris.Peu à peu les ressources du prieuré diminuent : dîmes et rentes sont vendues. <strong>Le</strong>montant total du fermage passe <strong>de</strong> 5 800 livres en 1757 à seulement 1 700 livres en 1771 26 .En 1770 il reste seulement les produits du vaste clos qui entoure le couvent, <strong>de</strong>l'étang voisin qui existait déjà en 1452 27 , d'un pré <strong>de</strong> 18 métérées 28 situé au lieu-ditChampage, d'une terre <strong>de</strong> 12 métérées à Montrouge et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux domaines : le grand et lepetit Vergnon. <strong>Le</strong>s revenus s'élèvent à 8 300 livres mais les charges sont <strong>de</strong> 7 523 livres. Ilfaut notamment verser <strong>de</strong>s portions congrues aux curés <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>, Saint-Pierre et Saint-André. Il ne reste que 777 livres, une somme insuffisante pour permettre à trois moines <strong>de</strong>subsister. Chaque année l'abbaye <strong>de</strong> la Chaise-Dieu doit donc verser un secours <strong>de</strong> 1 300livres à sa filiale <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>.Dès 1771, la réunion du prieuré <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> avec le collège <strong>de</strong> l'Oratoire <strong>de</strong>Montbrison est décidée pour 100 livres <strong>de</strong> rente annuelle à verser à la Chaise-Dieu maisl'année suivante l'accord est annulé. Il sera repris dix ans plus tard 29 .<strong>Le</strong> prieur Rat <strong>de</strong> MondonAn 1773, après le décès <strong>de</strong> Donzeau <strong>de</strong> Saint-Pons, le prince <strong>de</strong> Rohan, abbécommendataire <strong>de</strong> la Chaise-Dieu, attribue le prieuré <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> et l'église <strong>de</strong> Valfleury safiliale à un autre membre du haut clergé. Il s'agit <strong>de</strong> Messire André Rat <strong>de</strong> Mondon, quicumule <strong>de</strong> nombreuses charges : prêtre du diocèse <strong>de</strong> Poitiers, vicaire général du diocèse<strong>de</strong> Bor<strong>de</strong>aux, lecteur ordinaire du roi, avocat spécialisé en droit canon au parlement <strong>de</strong> Parispour le clergé <strong>de</strong> France et le comte <strong>de</strong> Provence... 30 Il rési<strong>de</strong> à Paris, rue du Four, dans laparoisse <strong>de</strong> Saint-Sulpice du faubourg Saint-Germain.<strong>Le</strong> nouveau prieur commendataire désigne un homme <strong>de</strong> loi montbrisonnais pourreprésenter ses intérêts à <strong>Savigneux</strong> : Antoine Chavassieu, un procureur ès cours <strong>de</strong><strong>Forez</strong> 31 .Ce <strong>de</strong>rnier est aussitôt chargé <strong>de</strong> donner en ferme tous les biens du prieuré àl'exception du logis prieural et <strong>de</strong> l'habitation <strong>de</strong>s moines. La ferme <strong>de</strong> tous les revenus etproduits temporels du prieuré est passée le 2 novembre 1773 32 . A la suite d'enchères, elleest adjugée pour 9 ans et pour la somme annuelle <strong>de</strong> 10 050 livres à Joseph Riboulet,marchand, et Charles-Joseph Cibost. bourgeois.26 Cf. Philippe Pouzols, "<strong>Savigneux</strong> et Moingt, <strong>de</strong>ux prieurés casadéens", op. cit.27 Etienne Fournial, <strong>Le</strong>s villes et l'économie d'échange en <strong>Forez</strong> aux XIII e et XIV e siècles, 1967, Paris.28 Une métérée équivaut à environ 950 m 2 .29 Cf. Philippe Pouzols, "<strong>Savigneux</strong> et Moingt, <strong>de</strong>ux prieurés casadéens", op. cit.30 Acte passé au Châtelet <strong>de</strong> Paris le 12 août 1773, une expédition figure dans les archives <strong>de</strong> laDiana.31 Acte passé au Châtelet <strong>de</strong> Paris le 21 octobre 1773, expédition dans les archives <strong>de</strong> la Diana.32 Acte passé <strong>de</strong>vant Chavassieu d'Au<strong>de</strong>bert, notaire royal à Montbrison le 2 novembre 1773, archivesDiana.11


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 12Outre la ferme <strong>de</strong> 10 050 livres et celle <strong>de</strong> 1 560 livres payées à Maître Chavassieupour pot <strong>de</strong> vin 33 , les preneurs ont <strong>de</strong>s charges en nature :- 40 boisseaux <strong>de</strong> seigle à la prieure <strong>de</strong> Saint-Thomas (à cause <strong>de</strong> la dîme <strong>de</strong>Champ).- 8 ânées <strong>de</strong> vin pur et marchand au curé <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> (à cause <strong>de</strong> la dîme en vin<strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>).- 3 setiers et huit boisseaux <strong>de</strong> seigle et 25 poignées <strong>de</strong> chanvre au curé <strong>de</strong><strong>Savigneux</strong> (à cause <strong>de</strong> la dîme en grains <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>).- 2 setiers <strong>de</strong> blé au sonneur <strong>de</strong> cloches <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>.- 2 setiers <strong>de</strong> seigle aux recteurs <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> Charité <strong>de</strong> Montbrison.- 6 setiers <strong>de</strong> froment et 8 setiers <strong>de</strong> seigle au curé <strong>de</strong> Chalain (au titre <strong>de</strong> la dîme<strong>de</strong> Chalain-le-Comtal).<strong>Le</strong>s preneurs s'engagent à payer les charges qui reviennent au prieur et qui sontdonc déduites <strong>de</strong> la somme <strong>de</strong> 10 050 livres. Ils verseront notamment 900 livres pour le curé<strong>de</strong> Saint-André <strong>de</strong> Montbrison et ses 2 vicaires, 700 livres pour celui <strong>de</strong> Saint-Pierre et sonvicaire, 200 livres pour le curé <strong>de</strong> la Ma<strong>de</strong>leine, 500 livres au curé <strong>de</strong> Champ, 84 livres aucuré <strong>de</strong> Saint-Bonnet-le-Courreau, 20 livres au curé <strong>de</strong> Chalain-le-Comtal, 65 livres au curé<strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>.<strong>Le</strong> nouveau prieur entre aussitôt en conflit avec l'abbaye <strong>de</strong> la Chaise-Dieu. Il tientpourtant sa nomination <strong>de</strong> Mgr <strong>de</strong> Rohan, abbé commendataire du monastère auvergnat. Ilreste un seul moine bénédictin à <strong>Savigneux</strong>, Dom Lagorrée. Il s'efforce <strong>de</strong> lui faire quitter leslieux. <strong>Le</strong> 22 décembre 1773, son procureur se rend au prieuré et somme le religieuxbénédictin qui est venu y habiter <strong>de</strong>puis quelque temps <strong>de</strong> se retirer dans son monastèreconventuel et <strong>de</strong> vi<strong>de</strong>r les lieux 34 . Messire Rat <strong>de</strong> Mondon veut bien le prieuré mais vi<strong>de</strong> <strong>de</strong>tout moine.Dom Lagorrée réplique qu'il rési<strong>de</strong> à <strong>Savigneux</strong> par ordre <strong>de</strong> ses supérieurs légitimeset que le prieur n'a aucun droit <strong>de</strong> lui intimer un tel ordre. D'autre part, explique-t-il, tous lesbiens du prieuré appartiennent à la Chaise-Dieu et doivent lui revenir en cas d'abandon total<strong>de</strong> la vie conventuelle. De plus, <strong>de</strong> nombreuses fondations doivent être acquittées sur leslieux et c'est lui qui s'en acquitte. Selon Dom Lagorrée, s'il n'y a plus <strong>de</strong> conventualité à<strong>Savigneux</strong> c'est parce que le prieur ne verse pas suffisamment <strong>de</strong> fonds.Des revenus insuffisants pour un minimum <strong>de</strong> moines, l'abbaye <strong>de</strong> la Chaise-Dieu quis'obstine à gar<strong>de</strong>r un représentant à <strong>Savigneux</strong>, un prieur qui voit les choses <strong>de</strong> très loin, àla veille <strong>de</strong> la Révolution la situation est inextricable.Rat <strong>de</strong> Mondon ne semble pas avoir obtenu satisfaction car, en 1782, un moineoccupe encore le prieuré <strong>de</strong> <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong>.Il entame aussi un procès contre les consuls et collecteurs <strong>de</strong> taille <strong>de</strong> Montbrison àcause <strong>de</strong>s impositions qu'il conteste 35 .Suppression du prieuréInévitablement on s'achemine vers la disparition du prieuré. C'est chose faite en1781. Par décret du 6 septembre, l'archevêque <strong>de</strong> Lyon, Antoine <strong>de</strong> Montazet, supprime le33 C'est le terme expressément cité dans l'acte notarié.34 Sommation du 22 décembre 1773, faite par M e Chavassieu d'Au<strong>de</strong>bert à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d'André Rat<strong>de</strong> Mondon, archives <strong>de</strong> la Diana.35 Archives Diana 1 F 42 305 - 42 F 319.12


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 13prieuré <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>. <strong>Le</strong>s biens et revenus sont réunis au collège <strong>de</strong> Montbrison. L'église, leclocher et les cloches sont attribués à la paroisse <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> tandis que les meubles,livres, linges et vases sacrés reviennent à la Chaise-Dieu. Titres et bénéfices sontsupprimés.<strong>Le</strong>s Oratoriens qui régissent le collège <strong>de</strong> Montbrison auront annuellement la charge<strong>de</strong> verser 500 livres à un jeune étudiant choisi par l'abbé <strong>de</strong> la Chaise-Dieu, <strong>de</strong>vront payeraux curés <strong>de</strong> Saint-Pierre et <strong>de</strong> Saint-André <strong>de</strong> Montbrison 500 livres chacun et donner 2livres <strong>de</strong> cire à la Chaise-Dieu. Enfin l'archevêque <strong>de</strong> Lyon se réserve le patronage <strong>de</strong>scures dépendant auparavant du prieuré. Pour <strong>Savigneux</strong> l'archevêque choisira le curé parmitrois candidats que lui présenteront les Pères <strong>de</strong> l'Oratoire <strong>de</strong> Montbrison.L'abbaye <strong>de</strong> la Chaise-Dieu fait, naturellement, opposition à la décision <strong>de</strong>l'archevêque <strong>de</strong> Lyon mais n'est pas suivie par son abbé commendataire, Louis-René-Edouard, prince <strong>de</strong> Rohan, cardinal-évêque <strong>de</strong> Strasbourg, grand seigneur très peusoucieux <strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong> son monastère auvergnat.En 1782 un seul moine, Dom Philippe Viaud, rési<strong>de</strong> encore à <strong>Savigneux</strong>. <strong>Le</strong>sOratoriens prennent possession du prieuré <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> le 7 octobre 1783 en présence <strong>de</strong>M. Benoît, curé <strong>de</strong> la Ma<strong>de</strong>leine, et archiprêtre. En 1785 meurt Antoine Rat <strong>de</strong> Mondon.C'est pour <strong>Savigneux</strong> la fin <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> huit siècles <strong>de</strong> présence monastique. Un père <strong>de</strong>l'Oratoire est désormais chargé <strong>de</strong> <strong>de</strong>sservir la paroisse. Quant à la paroisse, elle estsupprimée après le départ du curé constitutionnel.Une pauvre paroisse <strong>de</strong> plaineA côté du prieuré subsistant presque dans l'indigence, la paroisse <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> peutalors être considérée comme pauvre ainsi que beaucoup <strong>de</strong> villages <strong>de</strong> la plaine. En 1680,elle compte 65 feux et paye moins <strong>de</strong> 800 livres <strong>de</strong> taille, 12 livres environ par feu. <strong>Le</strong>sparoisses <strong>de</strong>s monts du <strong>Forez</strong> sont beaucoup plus imposées : Sauvain, qui a le mêmenombre <strong>de</strong> feux, verse le triple, Lérigneux presque quatre fois plus par feu 36 . Cela tient aufait qu'à <strong>Savigneux</strong> les ordres privilégiés, noblesse et clergé, détiennent directement une partimportante <strong>de</strong>s terres, sous forme <strong>de</strong> grands domaines, et que les journaliers, paysans sansterre, sont nombreux. En outre le climat est malsain à cause d'un terroir mal drainé et leshabitants souffrent <strong>de</strong>s fièvres. Dans la montagne, au climat ru<strong>de</strong> mais salubre, il y a enrevanche une forte proportion <strong>de</strong> petits et <strong>de</strong> moyens laboureurs, paysans propriétaires <strong>de</strong>leurs terres.36 Cf. M. et Mme François Tomas, "Géographie sociale du <strong>Forez</strong> en 1788 d'après les tableaux <strong>de</strong>s"propriétaires et habitans", Bulletin <strong>de</strong> la Diana, tome XXXIX, p. 80 à 117.13


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 14Avril 1789 : Claudine, enfant trouvéeà la porte <strong>de</strong> la cure <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>...Au cours <strong>de</strong>s 18 e et 19 e siècles, plusieurs milliers d'enfants abandonnés à Montbrisonont été recueillis par les hôpitaux <strong>de</strong> Montbrison, l'hôtel-Dieu <strong>Sainte</strong>-Anne et la Charité. C'estle cas <strong>de</strong> la petite Claudine exposée à <strong>Savigneux</strong> en avril 1789.Devant les recteurs <strong>de</strong> <strong>Sainte</strong>-Anne<strong>Le</strong> 28 avril, André Lombardin et sa femme Claudine Golin portant un enfanteletentrent timi<strong>de</strong>ment dans le parloir du bureau <strong>de</strong> l'hôtel-Dieu. Là siègent gravement un dignechanoine <strong>de</strong> Notre-Dame et trois bourgeois. Ce sont <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong> l'hôpital. Ils ont aussiconvoqué les notaires Bourboulon et Chantemerle. De quoi s'agit-il ? De la remise à l'hôtel-Dieu d'un enfant trouvé, une fillette âgée <strong>de</strong> quelques jours.Vers minuit, alors qu'il pleuvait fortCes bonnes gens habitent la cure <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>, tout près <strong>de</strong> l'église <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong>.Dans la nuit du 9 au 10 avril, vers minuit "dans le plus profond sommeil, ils sont éveillés par<strong>de</strong>s coups multipliés qu'ils enten<strong>de</strong>nt frapper à la porte d'entrée <strong>de</strong> leur domicile" 37 .André Lombardin et sa femme se lèvent et, <strong>de</strong> la fenêtre, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt ce qui sepasse. On leur répond <strong>de</strong> la ruelle "qu'on vient d'exposer un enfant à leur porte, <strong>de</strong> le leverpromptement" sinon "qu'il va périr et <strong>de</strong> le faire baptiser". En effet, cette nuit-là, il pleut trèsfort. Et aussitôt, dans la nuit, s'enfuient "un homme et une femme à eux inconnus".<strong>Le</strong>s époux trouvent effectivement à leur porte "un enfant emmailloté qui crie, placé<strong>de</strong>ssous l'égout du couvert... les eaux pluviales tombent et il est déjà [trans]percé..."<strong>Le</strong> procès-verbal précise : "<strong>Le</strong>s mariés Lombardin et Golin pour empêcher ledépérissement certain <strong>de</strong> cet enfant n'ont rien <strong>de</strong> plus pressé que <strong>de</strong> le lever et <strong>de</strong> l'emporterdans leur domicile où ils le réchauffent et lui changent <strong>de</strong> linge".Refus du seigneur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong><strong>Le</strong> len<strong>de</strong>main, ils s'empressent <strong>de</strong> raconter ce qui s'est passé au curé <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>,"lequel sieur curé baptise l'enfant sous le nom <strong>de</strong> Claudine". <strong>Le</strong> jour suivant, ils vont chez M.<strong>de</strong> Meaux, lieutenant général, auquel ils présentent les faits et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt, en sa qualité <strong>de</strong>seigneur <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>, <strong>de</strong> s'occuper <strong>de</strong> l'enfant "exposé". Mais M. <strong>de</strong> Meaux "fait refus <strong>de</strong>se charger dudit enfant".André et Claudine sont charitables mais pauvres. Simples journaliers, ils expliquentqu'ils "ont fourni les aliments à cet enfant <strong>de</strong>puis le jour <strong>de</strong> son exposition mais qu'ayant euxmême <strong>de</strong>s enfants, se trouvant sans fortune" ils ne peuvent s'en charger plus longtemps. Ilsn'ont agi "que par un principe <strong>de</strong> charité et d'humanité".La petite Claudine <strong>de</strong>vient donc "enfant <strong>de</strong> l'hôpital" <strong>de</strong> Montbrison. Elle est placéeaussitôt en nourrice, dans les monts du <strong>Forez</strong>. A sept ans, si elle vit encore, elle entrera à laCharité jusqu'à ce qu'elle puisse "prendre une condition", <strong>de</strong>venir servante chez unbourgeois ou dans quelque ferme. Un bien pauvre <strong>de</strong>stin ! Heureux si elle n'a pas un enfantqu'à son tour elle <strong>de</strong>vra abandonner car il y a une sorte <strong>de</strong> cycle <strong>de</strong> la misère...37 Archives <strong>de</strong> la Diana, fonds <strong>de</strong>s notaires, Bourboulon, 1789.14


Joseph Barou, "<strong>Le</strong> prieuré <strong>Sainte</strong>-<strong>Croix</strong> <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong>", <strong>Savigneux</strong>, hier et aujourd'hui, <strong>Savigneux</strong>, 2005 15La vente du prieuré et du presbytère <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong><strong>Le</strong> vingt-neuf pluviôse an 5, le prieuré est vendu au citoyen Antoine Forest, marchandclincailler 38 <strong>de</strong>meurant à Montbrison pour 86 446 F. L'acte <strong>de</strong> vente nous fournit uneintéressante <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s bâtiments et <strong>de</strong>s terrains.<strong>Le</strong> prieuré qui est accolé à l'église comprend alors :o Un corps <strong>de</strong> bâtiment formant trois ailes, donc en U, avec une cour au milieu (lecloître). <strong>Le</strong> rez-<strong>de</strong>-chaussée comporte dix pièces. Dans l'aile du sud il y a, au-<strong>de</strong>ssus,un vaste grenier, dans le corps central, cinq chambres (le logement <strong>de</strong>s moines),dans la troisième aile, <strong>de</strong>ux chambres et <strong>de</strong>s latrines. Seule cette <strong>de</strong>rnière partiepossè<strong>de</strong> un second étage distribué en <strong>de</strong>ux chambres et un cabinet. C'était là,vraisemblablement, le logement du prieur. L'ensemble mesure 81 pieds <strong>de</strong> long soitun peu plus <strong>de</strong> 26 m.o Des locaux d'exploitation agricole qui joignent les bâtiments d'habitation, toujours ausud <strong>de</strong> l'église. Plusieurs remises (<strong>de</strong>s chapits foréziens), une écurie et une fenière(autre mot local pour désigner le fenil) sont en mauvais état. Parfois il n'en restepresque rien. On trouve ainsi un emplacement <strong>de</strong> bâtiments hors <strong>de</strong> service.o Un jardin <strong>de</strong> 3 métérées (environ 2 850 m 2 ) entourant le prieuré. Un pigeonnier estinstallé dans ce clos tout près <strong>de</strong> la rivière. Mais le lot le plus important est l'étang"prenant sa source à la rivière <strong>de</strong> Vizézy" qui mesure 177 métérées soit presque 17hectares.Antoine Forest achète le même jour, 29 pluviôse an 5, la cure <strong>de</strong> <strong>Savigneux</strong> pour lasomme <strong>de</strong> 2 614 francs. Il s'agit d'une mo<strong>de</strong>ste maison en "L" avec au rez-<strong>de</strong>-chausséecuisine, salon, écurie, cave et, à l'étage, chambres, grenier et fenière. Elle est entourée d'unjardin <strong>de</strong> trois métérées sur lequel est bâti un pigeonnier.Notons que l'église et le cimetière, <strong>de</strong>venus propriétés <strong>de</strong> la commune ne figurent pasdans la vente du prieuré.** *Avec l'aliénation <strong>de</strong>s biens <strong>de</strong> l'Eglise, une étape importante s'achève pour <strong>Savigneux</strong>qui est en grand danger <strong>de</strong> disparaître en tant que collectivité. Sans église ni bourg, il nereste aucun lieu pour rassembler la population. Certes, après la Révolution, une communesubsiste, mais les édiles sont contraints <strong>de</strong> se retrouver dans un cabaret isolé à la croixMeyssant. La population est clairsemée et décimée par la fièvre. Au cours du 19 e siècle,<strong>Savigneux</strong> risque plusieurs fois d'être réuni à Montbrison. Il faut attendre le début du 20 esiècle pour que se produise une véritable renaissance.38 Quincaillier.15

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