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FSC n° 390 - SNUipp

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13 e Enfant« Une appartenance nationale, quiest pensée sur un mode unitaire »Universitéd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Vous avez étudié la placedans l’école des enfantsissus de l’immigration...GB. J’ai mené une enquête qualitativeentre 2003 et 2006 dansdes écoles primaires situées dansdes villes où l’immigration estancienne et importante (commeà Paris ou à Nice) ou plus faible(comme à Nantes et à Brest) etdans des quartiers différentssocialement (populaires, mixtesou plus favorisés). Les questionsrenvoyant à l’immigration, à lanation et à sa pluralité sont trèsprésentes dans les débats publicsdepuis trois décennies. Enrevanche, elles sont très peu traitéesdans les prescriptions officiellesdu Ministère de l’Educationnationale et dans les programmesscolaires récents.Très peu traitées,c’est-à-dire ?GB. Dans les programmes scolairesdu primaire de 2008, par exemple,on ne parle pas de l’histoire del’immigration. Plus largement, lapluralité des groupes et des référentsculturels et religieux dans lasociété française (passée et présente)est peu illustrée dans lescontenus d’enseignement. Ce queles instructions officielles prescriventsurtout, c’est d’apprendreaux enfants une appartenancenationale, qui est pensée sur unmode unitaire. Et, en matière delaïcité, ce sont surtout les interditsqui touchent l’expression des identitéset croyances religieuses quisont mis en avant. Autrement dit,on parle de ce qui pourrait rassemblerles enfants, mais peu dece qui fait leurs différences et leurindividualité : leur histoire familiale(qu’elle renvoie à l’immigration ounon), leurs origines multiples, lessingularités individuelles X ou Y.C’est plutôt vécu comme un problème,cette question de la pluralitéet des différences. L’école doitfabriquer du commun mais cetteconstruction ne peut reposer surGéraldine bozecGéraldine Bozec est docteure en science politique, chercheuse associée auCentre d’études européennes de Sciences Po et enseignante en sociologiede l’éducation et sociologie politique à l’Université de Rennes. Sesprincipaux thèmes de recherche sont la socialisation politique à l’école, lacitoyenneté et les identités collectives (appartenances ethniques etreligieuses, rapport à la nation et à l’Europe). Sa thèse portait sur lasocialisation civique des enfants à l’école primaire en France, avec unéclairage comparatif fondé sur le cas anglais.la négation de la pluralité.Et ça, c’est pour vous unedifficulté en matièred’intégration ?GB. Ce qui est une difficulté, c’estsurtout qu’on laisse les enseignantsse débrouiller avec cesquestions. Il ne s’agit pas d’opéreren classe des assignationsidentitaires (du type « toi,raconte-moi ton pays »), sachantque beaucoup d’enfants désignéscomme étant « issus de l’immigration» ont en fait des parentsqui sont eux aussi nés en Franceet n’ont pas forcément de lienavec un pays « d’origine ». Lesrevendications ethniques et religieusesqui existent dans certainscontextes scolaires sont inséparablesde sentiments d’exclusionscolaire et sociale, et c’est surtoutà cela qu’il faut répondre. Mais cequi me parait dommage, c’estque les enseignants ne soient passuffisamment armés pour penserces questions et donc agir. Commentappréhender l’histoire de laFrance et la société françaiseactuelle autrement qu’en termesd’unité seulement ? Commentprendre en compte au quotidienla pluralité des référents au seindu public scolaire ?Et donc comment lesenseignants de votreenquête agissent-ils auquotidien sur ces enjeux ?GB. Il y a beaucoup de différencesen fonction du contexte d’enseignement,mais aussi et surtoutdes profils enseignants… Certainsenseignants de mon enquêtetiennent un discours très positif© mira / NAJA« Dans les programmesde 2008, on ne parle pasde l’histoire del’immigration »sur la pluralité des origines dansleur classe, perçue comme une« richesse ». Il s’agit là d’enseignantspolitisés qui mettent encause la stigmatisation des populationsissues de l’immigrationdans la société, ou d’enseignantsqui accordent beaucoup d’importancedans leur pédagogie engénéral à la parole de l’enfant et àsa singularité. Dans un second casde figure, certains enseignantsenquêtés (qui rejoignent là uneconception républicaine plusrépandue dans les débats français)craignent que l’attachementmanifeste de certains élèves à unpays d’origine ou à l’islam signifieun rejet de la France et des autrescitoyens. Enfin, dans un troisièmecas de figure, on peut identifierchez certains enseignants unevision plus homogène de la nation,qui associe la France à une traditioncatholique.Les enseignants nes’obligeraient pas à cetteneutralité de la laïcité dansleurs pratiques de classe ?GB. Si, bien sûr : très rares sont lesenseignants qui affichent leurscroyances religieuses (ou leur noncroyance) en classe. Mais demanière générale, enseigner anécessairement à voir avec ce quel’on est. Les enseignants enquêtésmettent donc plus ou moins l’accenten classe sur la diversité desidentités des enfants, ou encoresur la lutte contre le racisme. Audelàde ces variations, on notetout de même qu’ils agissent dansun contexte institutionnel qui neles aide pas à penser et à valoriserla singularité individuelle ni la pluralitéinterne de la nation.Propos recueillis par Francis Barbe83etsociété

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