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FSC n° 390 - SNUipp

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13 e Enfant« La pédagogie sort de l’école »Universitéd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Vous parlez demédicalisation de l’échecscolaire. De quoi s’agit-il ?SM. Il désigne le fait d’appréhenderles élèves en échec scolairecomme des patients. Ce termeenglobe aussi la psychologisation,même si les « psys » essayent souventde démédicaliser leurapproche. Il y a médicalisationchaque fois que les élèves sontreçus par des professionnels dusoin que ce soit dans le domainemédico-social comme dans lesCMPP ou dans les centres de référencedu langage qui traitent lestroubles de la galaxie des « dys- ».Ce phénomène est-ilnouveau ?SM. Non, les approches médicopsychologiquesdes difficultésscolaires remontent à la fin duXIX e , par exemple avec les tests deBinet-Simon. La dyslexie est unecatégorie qui a un siècle d’existence...Ce qui est nouveau, c’estl’ampleur du phénomène et lerenouveau des approches organicisteset génétiques. La tentationest aujourd’hui grande d’imputerl’échec des fameux 15 à 20 % d’enfantsen difficulté à des troublesmédico-psychologiques, à des« besoins éducatifs particuliers »principalement définis à partir decritères médicaux.Comment expliquez-vouscette évolution ?SM. Elle est d’abord la conséquencedirecte de la montée en puissancedes neurosciences cognitives audétriment de la psychanalyse etdes sciences sociales. Mais cetteraison n’est pas suffisante. Ellerésulte aussi des redéfinitions del’échec scolaire (recentrage sur lessavoirs fondamentaux, individualisation,multiplication des modesde ciblage des enfants en difficulté,etc.) qui favorise lesréponses médico-psychologiques.Le recours à des professionnels dusoin procure aux enseignants desStanislas MorelStanislas Morel est maître de conférences à l’université de Saint-Étienne eteffectue ses recherches dans le cadre du laboratoire Éducation, cultures etpolitiques. Ses premiers travaux ont porté sur les rapports entre classespopulaires, culture savante et culture scolaire (Une classe de ZEP à l’Opérade Paris, Réseaux, 137, 2006). Poursuivant les recherches initiées lors de sathèse (L’échec scolaire en France (1960- 2010). Sociologie d’un champd’intervention professionnelle, thèse pour l’obtention du doctorat ensociologie, EHESS, 2010), il se consacre actuellement à l’analyse de laconstruction sociale du problème de l’échec scolaire.solutions opératoires : on identifieune difficulté, un spécialiste, untraitement. Les familles jouentenfin un rôle central car ellestendent de plus en plus à s’appropriercertains diagnostics peu stigmatisants(troubles spécifiquesdes apprentissage ou précocitéintellectuelle) pour revendiquerdes adaptations scolaires.Comment expliquez-vous labanalisation du recours auxorthophonistes ?SM. Le recentrage sur les savoirsfondamentaux a eu pour conséquenceune focalisation sur l’apprentissagede la lecture. L’accentest désormais mis sur l’apprentissagesystématique des correspondancesgrapho-phonémiques. Or,devant des classes hétérogènes,les enseignants tendent à déléguerune partie de ce travail, parfoisjugé répétitif et moinsintéressant que le travail sur lesens, aux professionnels du soin, àcommencer par les orthophonistes.Les orthophonistes sontaujourd’hui 20 000 contre 160dans les années 1960. Ce recourss’explique également par un principede précaution, les enseignantspensant que « ça ne peutpas faire de mal » aux élèves. Ilsn’ont pas toujours conscience quel’orthophonie est une professionparamédicale.Quels sont les effets de cettemédicalisation ?SM. La question des territoires professionnelsest en jeu. Les lieux deproduction des savoirs pédagogiquess’éloignent du monde scolaire.Les psychologues© BILAL / naja« Elle est laconséquence directe dela montée en puissancedes neurosciencescognitives. »cognitivistes et les médecins quidétiennent une forte légitimitéscientifique s’imposent dans ledébat pédagogique. Sur la lecture,Stanislas Dehaene, psychologuecognitiviste au Collège de Francea davantage d’audience queRoland Goigoux, professeur desciences de l’éducation. L’enquêteque j’ai réalisée dans un centre deréférence du langage montre quece type d’institution est avant toutdes lieux de production d’unepédagogie scientifique inspirée dela psychologie cognitive et despratiques rééducatives des professionsparamédicales. Cette pédagogies’adresse aux élèves atteintsde « troubles » mais aussi à l’ensembledes élèves.La médicalisationapporte-t-elle des solutionsà l’échec scolaire ?SM. Les neurosciences le prétendent.Mais, elles vont devoiradministrer la preuve de l’efficacitéde leurs approches au sein desclasses. Ce qui est loin d’êtreévident. En fait, il me semble queles controverses actuelles entreneurosciences et approches inspiréesde la psychanalyse rejouentau sein du monde médical certainesgrandes questions qui traversentl’éducation et plusparticulièrement les débats surl’échec scolaire. Quelle placeaccorder aux savoirs scolaires ? Lacause des difficultés doit-elle êtrecherchée dans l’histoire du « sujet »ou dans une défaillance technicopédagogique? Je ne pense pasque le transfert de ces questionsau monde médical permettent d’yapporter une réponse définitive.Propos recueillis par Lydie Buguet79etsociété

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