mÉtierEntretien« Le fonctionnement de l’écoledoit être repensé »Depuis la rentrée, le recoursau plus de maîtres que declasse se développe.Quelles sont les attentesdes enseignants ?Ces dispositifs existent depuisquelques années, mais restentlimités à certains secteurs del’éducation prioritaire. Avec lesmaîtres surnuméraires, les équipesont su développer des organisationsnouvelles, décloisonner lesclasses, travailler par petitsgroupes, faire de la co-intervention...Ce qu’attendent aujourd’huiles enseignants, c’est qu’on leurdonne le temps et les moyens depenser ensemble ces formes detravail en équipe. Repenser sonorganisation de classe, apprendreà travailler autrement pourprendre en charge la difficultéscolaire, cela ne s’improvise pas. Ilfaut remettre à plat et confronterses pratiques dans un collectif detravail, ou encore expliciter collectivementles enjeux d’apprentissageet les remédiations possibles,en mettant en place des aménagementspour une différenciationpédagogique. Cela s’apprendaussi. Mais sans formation initialeet continue solide, les attentesrisquent de ne pas trouver lesréponses adaptées.« Le principed’éducabilité de tous doitêtre réaffirmé. »13 e université d’automne du <strong>SNUipp</strong> - 18-19-20 octobre 201310La rénovation de l’éducationprioritaire est annoncée,qu’est-ce que lesnuipp-FSU entend porterlors des discussions ?L’ouverture du chantier de l’éducationprioritaire doit être l’occasionde tourner le dos à la logiqued’empilement des dispositifs. Leprincipe d’éducabilité de tous doitêtre réaffirmé en repartant de lavolonté de donner plus à ceux quiont le moins. C’est un vrai défi àrelever pour que les inégalitéssociales cessent de se traduire eninégalités scolairesIl faut revoir la cartographie enprenant en compte la ruralité. Maiscela ne suffira pas. Le fonctionnementmême de l’école doit êtreAline BeckerAline Becker est secrétaire générale adjointe du SNUIpp-FSU.repensé. Changer les pratiques enintégrant le plus de maîtres que declasses pour permettre desregards croisés, scolariser lesmoins de trois ans, s’appuyer surl’expertise des RASED, sont desleviers incontournables. Les enseignantsont aussi besoin de tempsinstitutionnel pour travailler, seformer en équipe, accéder auxresultats de la recherche. Lesconditions de travail doivent doncêtre améliorées significativement.Mais l’école ne peut pas tout. Il fautapporter des réponses globalesautour de l’école : mixité sociale,services publics, lieux de soinssont autant de facteurs déterminants.La direction et lefonctionnement d’école sontégalement en discussion...Le dossier est resté trop longtempsen souffrance. Les conditionsde travail se sont dégradéesces dernières années. Les directriceset directeurs s’épuisent dansdes taches administratives toujoursplus chronophages. La diminutiondu temps de concertationen équipe avec la mise en place del’aide personnalisée, ne leur permetplus d’assurer toutes leursmissions. Aujourd’hui, ils sont enpremière ligne pour mettre enœuvre les nouveaux rythmes. Ilfaut redonner toute sa place àcette fonction indispensable aubon fonctionnement de l’école.Les directrices et directeursattendent des réponses concrètesdu ministre. Ils veulent du temps,ce qui est légitime quand 17000écoles de moins de 4 classes fonctionnentsans décharge de direction.Ils veulent aussi unallègement des tâches administrativesinutiles qui les décentrent deleur mission d’animation d’équipe,de relation avec les familles ouavec les partenaires de l’école.Mais il est aussi temps de reconnaîtrecette fonction en la revalorisantfinancièrement et en offrantune réelle formation.© MIRA / najaLes ESPE, est-ce une bonnefaçon de rentrer dans lemétier ?La masterisation de la formation aconduit à la disparition d’uneréelle formation initiale au sein desIUFM. L’ouverture des ESPE àcette rentrée marque la volonté deremettre en œuvre une formationinitiale avec un niveau de qualificationélevé. Les masters "métiersde l’éducation de l’enseignementet de la formation" (MEEF) doiventarticuler une formation universitaireliée à la recherche avec uneformation professionnelle s’appuyantsur des stages en alternance.Mais la mise en œuvre estloin d’être évidente. La culture universitaires’oppose encore à la formationprofessionnelle. Desinégalités commencent déjà à voirle jour concernant les volumes etcontenus de formation entre lesESPE, car il n’existe pas de cadragenational ni de cahier des chargesde la formation. Chaque ESPEbâtit son parcours en fonction desmoyens et ressources dont ellesdisposent. Il y a des réajustementsà faire pour garantir une équité deformation avec des moyens effectifspour toutes les ESPE. D’autantqu’elles ont à prendre en charge laformation continue des enseignants.Or sur ce point les reculsont été si importants, qu’il ne resteplus que les heures d’animationpédagogique pour faire évoluerles pratiques, s’adapter aux nouveauxdispositifs ou prendre encompte les besoins éducatifs particuliers.Or, on ne transformerapas l’école sans donner aux enseignantsles moyens et les outils des’approprier de nouvelles pratiqueset de mener des réflexionscollectives.Propos recueillis par Pierre Magnetto
mÉtierAtelierDevoirsUn attachementcontre-productifLes études de Séverine Kakpo montrent que si l’externalisation du travail personnel des élèvescontribue à la production et à l’accentuation des inégalités sociales de réussite scolaire, laré-internalisation des devoirs, même lorsqu’elle permet de les placer sous la responsabilité desenseignants, n’est pas en soi un gage de réduction de l’échec scolaire.© Treviers / naja13 e université d’automne du <strong>SNUipp</strong> - 18-19-20 octobre 201312q Devoirs à la maison : interdits ou non ?Un rapport de l’Inspectiongénérale rendu public en2012 sur « Le travail desélèves en dehors de laclasse » interroge une pratiquegénéralisée...bien qu’officiellementinterdite depuis un demi siècle. De fait,l’interdiction des devoirs à la maison estconstamment réaffirmée par les textesofficiel depuis 1956, où une circulaire précisaitqu’ « aucun devoir écrit, soit obligatoire,soit facultatif, ne sera demandé auxélèves hors de la classe. Cette prescription[ayant] un caractère impératif » notent lesrédacteurs du rapport.Rappelée en 1958, l’interdiction fait l’objetd’un nouveau texte en 1964 précisantqu’elle « s’applique également aux élèvesdes cours préparatoires et vise, d’unefaçon plus générale, l’ensemble desélèves de l’école primaire. » En 1971, està nouveau répété qu’ « il reste interdit,dans l’enseignement élémentaire, de donnerdes travaux écrits à exécuter à la maisonou en étude » tandis qu’en 1995 unelettre ministérielle indiquait « dans lalogique de la mise en œuvre cohérentedes études dirigées » que « la suppressiondes devoirs à la maison (…) trouve sapleine justification ». Depuis 1994, et lamise en place de multiples dispositifsd’accompagnement à la scolarité, « lesdevoirs à la maison sont-ils toujours interdits? » s’interrogent les Inspecteurs généraux,avant de constater que « sur le planréglementaire, la réponse est pour lemoins ambiguë. » La question resteaujourd’hui posée, le récent rapport issude la concertation sur la refondation del’école préconisant d’ « intégrer l’aide personnaliséedans le temps scolaire et organiserl’accompagnement du travailpersonnel à l’école même (…) ce quisignifie la suppression effective desdevoirs à la maison ».