14.07.2015 Views

FSC n° 390 - SNUipp

FSC n° 390 - SNUipp

FSC n° 390 - SNUipp

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

13 e mater-« Faire semblant : la base des activitéssur des objets abstraits »Universitéd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Que recouvre pourvous le terme d’activitéssymboliques ?MB. Depuis Piaget, on considèrequ’il y a activité symboliquechaque fois qu’un sujet dissocie,différencie, un « signifiant » - uneforme perçue - et son signifié - lesens habituel qui lui est attribué-.Une des premières activités symboliquesde l’enfant est ce qu’onappelle le jeu symbolique, ou jeude faire semblant, vers deux ans.Il prend un bâton, s’assoit dessuset dit « hue dada !», il attribue aubâton le statut de cheval : c’estune activité intellectuelle de hautniveau, réservée aux seulshumains. Ces jeux vont évoluerjusqu’au moment où, vers quatreà cinq ans, un enfant change sonpropre statut et celui des copains :c’est la formule « tu serais le cowboyet moi l’indien ». Jusqu’ici, onest dans du développemental,c’est-à-dire ce qui se fait en milieufamilial... quand tout va bien.Parallèlement, et c’est là que lesmilieux de vie vont être discriminants,les enfants vont « recevoir »des activités symboliques complètementculturelles, ou pas.C’est le cas du dessin, de l’écriture,de la littérature enfantine, dudomaine numérique. Le cas leplus abstrait étant l’écrit qui utilisedes symboles (lettres) de symboles(phonèmes).Mais à l’école ?MB. L’école maternelle est plus queconcernée, elle est au début dudébut, elle est le lieu du croisementdéveloppement – culture.Or pour l’instant, elle n’en faitrien. Alors que les travaux anglosaxonss’accumulent sur cettequestion, nous faisons comme sitout allait de soi. Parfois même,les jeux symboliques sont considéréscomme si peu intéressantsqu’on supprime les coins-jeuxdes classes (dînette, garage, etc).Je travaille donc à fournir auxmaîtres des repères théoriques etmireille brigaudiotMireille Brigaudiot, spécialiste du langage chez les petits est maître deconférences en sciences du langage et a été formatrice en IUFM. Sesrecherches la conduisent aujourd’hui à explorer les activitéssymboliques comme un domaine à part entière pour l’école maternelle.Elle travaille à un nouvel ouvrage sur le langage et la maternelle qu’elledestine aux enseignants, à leur envie de regarder et écouter les enfantscomme des chercheurs explorateurs, notamment ceux qu’elle perçoitcomme « prioritaires ».des exemples d’actions pour leurmontrer que c’est possible, et pastrès difficile, de considérer lesactivités symboliques des enfantssur le cycle « maternelle » commeun continuum. C’est une manièrepour moi d’arrêter cette épouvantablerupture : les deux-troisans jouent librement, en attendantd’avoir cinq ou six ans pourpasser dans des grandes sectionsconçues comme des petits CP. Jecaricature à peine.En quoi la petite section estelle une année décisive ?MB. Vygotski voit dans les premiersjeux symboliques, la tracede progrès dont vont dépendreles apprentissages ultérieurs queje viens d’énumérer : il dit qu’ilsprovoquent la séparation duchamp sensori-moteur (perceptiondirecte, manipulation) decelui des signes (bâton - chevalpar exemple). L’activité de fairesemblant est, pour lui, la base desfutures activités sur des objetsabstraits. Si l’on accepte ce postulat,la petite section est le lieude « démarrages » intellectuelsaux conséquences considérables.© BILAL / naja« il y a activitésymbolique chaque foisqu’un sujet différenciele signifiant de sonsignifié. »Quelle place pour cesactivités dans le travail desenseignants ?MB. Selon moi, il y a une conditionpremière de leurs actions, c’est laformation. Si on donne d’abordaux enseignants des repères théoriquessur ce que peuvent développer,dans ce domaine, lesenfants de deux à six ans, ilspeuvent ensuite aller les observeractivement. C’est plus importantqu’une visite de classe ! C’est s’entraînerà avoir un regard professionnel: « Tiens, la fillette vient decoucher sa poupée en disantqu’elle est malade, elle simule unscénario de la maison et simuled’être la maman. » Il y a ceci et celaen jeu, ça signifie ceci et cela.Ensuite, il faudrait que la formationintègre la notion de « zone proximalede développement » commeun noyau dur de l’action enseignante.Il faut agir dans la classede manière à induire du « un toutpetit peu plus difficile » par rapportà ce qu’on a observé. Avec desfiltres théoriques, dans le cas de lafillette, l’enseignant peut prendrele jouet téléphone et dire à l’enfant« hou la la...elle a de la fièvre,appelle vite le docteur ». Ainsi la fillette-mamandevra s’adapter à unpartenaire de jeu, un garçon-docteur,à qui elle va parler et demanderdes conseils de soins.Je suis persuadée que c’est laseule façon d’empêcher les écartsde s’aggraver entre des enfantsqui disposent d’un environnementstimulant et les autres. Car si unemaîtresse, pleine de bonnevolonté, choisit, voyant le mêmejeu en section de petits, d’allerchercher une histoire de littératurejeunesse où un personnage faitsemblant d’être quelqu’un (parexemple « Au loup !» de StéphanieBlake, École des Loisirs), elle vafaire avancer les enfants les plusperformants qui comprennentqu’on peut simuler d’être ce qu’onn’est pas et elle va perdre ceux,qui pour l’instant, simulent desactions avec des objets. Ça seraitbien, que tout cela apparaissedans les nouveaux programmes,annoncés comme curriculaires.Propos recueillis par Francis Barbe63nelle

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!