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FSC n° 390 - SNUipp

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13 e arts« Rascal, un lascar qui trompele lecteur »Universitéd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Pourquoi le choix deRascal ?YC. L’association française pour lalecture (AFL) dont je fais partie acréé en 1974 les bibliothèquescentre documentaire. Les BCD onttrès vite échappé au projet initialqui était moins de promouvoir lalittérature de jeunesse que demettre à disposition des enfantstous les types d’écrits. Les deuxaxes fondateurs de la BCD étaientd’appréhender la lecture commeun projet nécessitant de mettre àdisposition des lecteurs des écritsde toute nature et de faire percevoirque derrière les écrits, ontrouve des points de vue quel’éducation doit apprendre à repérer.Pour l’AFL, le lecteur n’est pasquelqu’un qui recueille le sens. Ilest dans une activité de coopérationau sens dans laquelle ilapporte 80 % d’informations pouren retirer 20 %. L’idée est doncd’avoir des textes lacunaires quine disent pas tout et qui favorisentle travail d’interprétation dulecteur. C’est la première chosequi m’intéresse chez Rascal. C’estun auteur qui utilise les écritureselliptiques, les métaphores, quipropose des fins ouvertes et quitravaille avec des illustrateurs quiont la même approche que lui. Ilsuscite ainsi chez les enfants unelecture qui entraîne de leur partune implication critique.Quelles sont les autresparticularités de sontravail ?YC. Rascal met les enfants face àune stylisation de la vie qui n’occulteaucun problème. Les sujetscomme la guerre, le racisme, lamémoire, la violence de la vie, lamisère sont abordés sans trucages.C’est aussi quelqu’un quiutilise une grande diversitéd’écrits. Il ne se cantonne pas auxrécits et aux albums. Il a fait descarnets de voyage, de la poésie,des aphorismes, des romans etmontre ainsi aux enfants qu’il y aYvanne ChenoufD’abord institutrice, Yvanne Chenouf a travaillé pendant 20 ans à l’Institutnational de la recherche pédagogique dans l’équipe de Jean Foucambert,puis a enseigné en tant que professeur de français à l’IUFM de Créteil(Site de Livry-Gargan). Yvanne Chenouf écrit des articles et participe àdes conférences sur les domaines croisés de la lecture et de la littératureà l’école. Elle anime la rubrique « Des enfants, des écrits » dans Les Actesde Lecture, revue de l’Association Française pour la Lecture dont elle estun membre actif (www.lecture.org).plusieurs façons de parler desmêmes chosesL’enseignant doit donc êtreattentif aux auteurs ?YC. Oui, il y a des auteurs quiracontent des histoires, il y en ad’autres qui écrivent. S’il y a untravail sur l’écriture conséquent,alors le travail de lecture suivra.Les enfants ne peuvent rendreque ce qu’on leur a donné. Tropd’albums sont construits mécaniquementavec un début, unmilieu et une fin à l’aide d’uneoralité transcrite sur papier quin’est ni de l’oral ni de l’écrit. Onapprend alors à lire aux enfantsavec des textes qui ne demandentpas de stratégie complexe maisseulement de décoder et recoder.A l’opposé, Rascal qui est un lascar,anagramme de son nom,trompe ses lecteurs et montrebien que la littérature est unmensonge.Faire de la littérature uneactivité de classe collectiven’est-il pas paradoxal ?YC. Chacun avance avec sesconvictions. Moi je pense que toutest socialisé et que l’être humainse construit par ses relationssociales. La littérature intime etsolitaire est le résultat d’un longtravail interactif. La lecture estavant tout la rencontre entre unlivre, un auteur et des lecteurs ;c’est ce trio que l’enseignant doitmettre en place. En classe, on vadéjà mettre le sens en débat cequi va conduire chaque enfant àexprimer sa subjectivité en disantce qu’il a compris, retenu du texte.Comme on est en littérature, il n’y© BILAL / naja« En classe, on vadéjà mettre le sensen débat. »a pas un sens, mais un miroitementdu sens, il ne peut donc yavoir de questionnaire de compréhensionmais plutôt uneconfrontation d’interprétations.Dans un monde envahi parles nouvelles technologies,la littérature a-t-elletoujours sa place à l’école ?YC. Le goût pour la littératuredemeure si on en juge par le succèsdes éditeurs. Le fait est quela télévision, une certaine formede cinéma réorientent le goût desgens vers des choses immédiateset simplistes. Face à cette volontédes marchands, l’école doitconserver son rôle émancipateur.C’est le lieu des langages et l’abstraction.Si l’oral est l’arithmétique,la langue écrite estl’algèbre du langage et on abesoin des deux. Comme le disaitBourdieu, la littérature est lemeilleur outil d’exploration de lavie. Pour revenir à Rascal, c’est unauteur qui a une grande culturedu travail, on trouve dans sonœuvre des ouvriers, des artisans,des chauffeurs routiers... Mais iln’y a pas d’usine, pas de collectif,ce ne sont que des travailleursindividuels. Ce qui va être intéressantavec des enfants , c’est dequestionner cette vision pleinede bons sentiments « de gauche »mais qui n’interroge pas le systèmequi permet que les chosessoient là où elles en sont. Lesœuvres littéraires proposent despoints de vue mais n’apportentpas de solutions. Pour aller plusloin, on pourra proposer auxenfants d’autres types d’écrits quidécrivent dans quelles conditionsréelles travaillent les personnagesde Rascal. Propos recueillis parPhilippe Miquel55àl’école

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