artsàl’écoleDossierQuelles sont les racines dumanga dans la culturenippone ?JPM. Manga peut se traduire par« dessin caricatural ». Dès le 19 esiècle, le peintre Hosukaï,célèbre dans le monde entierpour ses peintures du mont Fuji,a réalisé de rapides dessins narratifsqu’il a appelés manga. Lescaricatures politiques publiéesdans les journaux vont ensuites’appeler des mangas. Et justeavant la 1 re guerre mondiale, cesont les « BDprimitives » destinéesaux jeunes qui vontprendre ce nom.La tradition franco-belgede BD de jeunesse est trèsaxée sur l’humour.Retrouve-t-on cephénomène dans lesmangas ?JPM. La dimension humoristiqueest concomitante de la productionde la BD jeune public. Dansle monde entier on observe lemême phénomène : l’essor au20 e siècle d’une BD jeune publicavec une dimension humoristiqueet « éducative ». En France,13 e université d’automne du <strong>SNUipp</strong> - 18-19-20 octobre 20135« l’essor au 20 e siècled’une BD jeune publicavec une dimension humoristiqueet éducative. »un personnage comme Bécassineest à la fois amusant et ilvise à enseigner des conduitesaux jeunes filles… Au Japon, dèsles années 20, les « yonkoma »sont des histoires très courtes,en 4 cases, proches du strip,comportant une chute humoristique.52Leur développement est liéà un contexte particulier…JPM. C’est après la 2 nde guerremondiale que le manga va véri-
13 e arts« Manga, vous avez dit manga ? »Universitéd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Jean-Philippe MARTINJean-Philippe Martin est directeur de l’action culturelle de la Citéinternationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême. Diplômédes études approfondies en communication art et spectacle, critique debande dessinée, il a collaboré à de nombreuses revues spécialisées etcontribué à la rédaction de plusieurs ouvrages. Ce passionné de BDrevient sur le phénomène manga qui a inondé le marché français cesdernières années, notamment en raison du développement de la culture« pop asiat ». Véritable socle culturel nippon, le manga a désormaisacquis en France une place à part entière dans le 9 e art.tablement se développer soussa forme actuelle. Après-guerre,le Japon, traumatisé, est placésous la tutelle des USA. La« culture du vainqueur » va s’imposeret alimenter l’imaginairedes auteurs. Osamu Tezuka, lepère du manga moderne, commenceà publier en 1946 desrécits longs inspirés de la littératureeuropéenne et empruntsd’une esthétique à la Disney,avec des dessins plus « ronds »et dynamiques. Son premierouvrage, « l’île au trésor »,obtient un succès populaire quasi« le passage de l’un àl’autre se faitnaturellement »immédiat.© mira / NAJAOn associe souvent lemanga aux dessins animés.Pourquoi ?JPM. A la fin de la guerre le Japonn’a pas de budget militaire ettous ses efforts de reconstructionvont se tourner vers l’électronique,l’informatique, larobotique, les télécommunications,la télévision. Comme auxUSA, la télévision va arriver massivementdans les foyers nipponsau milieu des années 50. C’est ledébut de l’âge d’or du cinémad’animation pour la télévisiondont Osamu Tezuka va être l’undes principaux contributeursavec notamment le célèbre« Astroboy ». A cette époque, lemanga et les séries pour la télévisionconnaissent un essor comparableet le passage de l’un àl’autre se fait naturellement. Etles producteurs peuvent être desfabricants de jouets comme Bandaïqui a produit le célèbre Goldorak.Cette culture« transmédia », vraiment propreau Japon, perdure encore et s’estélargie avec le temps, aux jeuxvidéo notamment.« La France est ledeuxième consommateurde manga. »Les jeunes lecteurs de BDont désormais une vraieculture manga : c’estnouveau ?JPM. La France est le deuxièmeconsommateur de manga aumonde, derrière le Japon. Il représente40% du chiffre d’affaire dela BD française. D’abord diffusésde manière « confidentielle » dansles années 1970, le manga et l’esthétiquejaponisante connaissentun succès énorme avec lesannées « Club Dorothée » et l’introductionmassive des dessinsanimés japonais comme « Akira »ou « Dragonball » qui serontensuite publiés. Cette période vaforger la culture « pop asiat » detoute une génération. Ce phénomèneculturel ne va cesser des’amplifier, notamment parceque les ados détiennent quelquechose qui échappe aux adultes.On a parfois lareprésentation de scenariiet illustrations violents.C’est exagéré ?JPM. Avec la massification dumanga, les adultes ont très viteexprimé leur suspicion : BD violentes,mal écrites… La forme del’expression, des traits de mouvement,le dynamisme du mangapeuvent laisser un sentiment deviolence pour un lecteur non« les ados détiennentquelque chose quiéchappe aux adultes. »averti. C’est essentiellement l’effetde nouveauté qui fait peur. Lacommission issue de la loi de1949 sur les publications de jeunessen’a d’ailleurs interdit quequelques mangas qui étaient enréalité destinés à des adultes…Y-a-t-il une désaffectionpour la BD classique ?Il y a plutôt une approche segmentéecar les lecteurs demanga ont souvent un intérêtexclusif pour cette culture. Unerécente étude du lectorat de labande dessinée montre que lesprincipales tranches de lecteursde BD sont les 11-14 ans, suivisdes 7-10 ans. L’étude montre quela lecture constitue une vraiepratique culturelle chez lesjeunes et que le manga y tientune place importante. Les 7-10ans regardent à la TV des séries« les principalestranches de lecteurs deBD sont les 11-14 ans,suivis des 7-10 ans. »comme « Naruto », « One piece »ou « Fairy tale », puis les achètentensuite en support papier…Le manga, c’est que pourles jeunes ?Ce qui caractérise le manga c’estla segmentation de son lectorat.Il existe des mangas pour lesjeunes filles, les jeunes garçons,les femmes au foyer, les trentenaires,les séniors les ados, leshomos… Il existe même desmangas pornos, politiques ouculinaires !Propos recueillis par Vincent Martinez53àl’école