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FSC n° 390 - SNUipp

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Universitéd’automnedu <strong>SNUipp</strong>« La poésie, pour étreindre le réel … »La poésie a-t-elle sa justeplace à l’école aujourd’hui ?Jp S. Non, elle n’y a pas une placesuffisante. Elle devrait être aucœur de l’école parce que, à monsens, elle concentre les enjeux detous les arts et de tous les gestesartistiques. Elle permet une priseen compte du réel dans sa complexitéet dans tous ses états quece soit la réalité concrète et immédiate,mais aussi la réalité pensée,rêvée, ou vécue dans la sensation.Or la poésie comme les enseignementsartistiques, c’est toujours unsupplément d’âme, ce que l’on faitaprès les choses sérieuses. Je neveux pas qu’on considère cesenseignements comme supérieursaux autres mais au moins à parité.Il faut apprendre à l’enfant dematernelle à lacer ses chaussures,mais aussi à se mouvoir dans sessonges.Vous placez la poésiedélibérément dans ledomaine artistique et paslittéraire …Jp S. Les poèmes écrits forment évidemmentune part du corpus littéraire,mais la poésie est d’abordpour moi le geste artistique premier.Je cite souvent cette formuledu poète Georges Perros « Le plusbeau poème du monde ne serajamais qu’un pâle reflet de cequ’est la poésie : une manièred’être, d’habiter, et de s’habiter. »Le poème n’est que la concrétisationimmédiate dans la langued’un état humain plus profond etfondateur qui permet l’étreinte duréel. La poésie a donc toute laplace à l’école si on admet que sonenjeu fondamental n’est pas qued’instruire mais aussi d’éduquer.La transmission de savoir, oui mais« Apprendre à lacer seschaussures mais aussi à semouvoir dans ses songes. »Jean-Pierre SiméonPoète, romancier, dramaturge, critique, Jean-Pierre Siméon est aussienseignant. Professeur agrégé de lettres modernes, il a longtempsenseigné à l’IUFM de Clermont-Ferrand. Depuis 2001, il est directeurartistique du Printemps des poètes. Il travaille également au ThéâtreNational Populaire de Villeurbanne, aux côtés de Christian Schiaretti. Il apublié « Vitamine P » en 2012 chez « Rue du Monde », Il prépare « Lapoésie au quotidien » pour la célèbre collection du Scéren/Cndp. Leprintemps des poètes aura lieu cette année du 8 au 23 mars 2014 et aurapour thème « Au cœur des arts ».à part égale avec la formationd’une conscience. C’est à direrendre celle-ci agile, souple, habile,curieuse, ouverte, toujours prête àl’inconnu et au questionnement.Cela ne place t-il pas labarre un peu haute pour lesenseignants ?Jp S. L’enjeu est ambitieux mais ilpeut se vivre de façon très simpledans la fréquentation si possiblequotidienne du poème, dans lesessais d’écriture poétique, dans ladiction du poème. Il y a des scénariospédagogiques concrets quipermettent d’assumer cet enjeu. Ilfaut donner aux enseignants letemps et les moyens pour leprendre en charge. Ils doiventcomprendre ce qui se joue dansl’art et qu’il est légitime de se préoccuperde cette éducation de laconscience. Car à travers la poésie,on fait entendre des languesdiverses, pas des langues étrangères,mais de multiples états dela langue commune. L’oreilleprend conscience de l’extraordinairepotentialité de la langue. Onapprend la liberté parce qu’onentend d’autres langues que cellesde la norme et de la conformité.Les enfants vont le comprendreintuitivement parce qu’ils vontl’entendre et l’éprouver. Ils vontmâcher ces mots, cette langue,cette syntaxe atypiques.Mais l’enseignant n’est-ilpas le gardien de la norme ?Jp S. Bien sûr c’est sa mission d’enseignerles normes lexicales,orthographiques et syntaxiques.Mais si on ne fait que ça, on nedotera les gens que d’une seule© mira / NAJAlangue, la même pour tous. Commentrendre compte de la multiplicitédu monde avec une languemédiane et de convention ? Elleest indispensable mais elle écrasele réel. Tout ce qui est en infraction,qui déborde consciemmentla norme pour dire du réel ce quela langue officielle ne peut pasdire, il n’y a que la littérature quil’assume et c’est l’enjeu premierde la poésie. Si les enfantsentendent de la poésie de laPetite section au CM2, ils aurontun rapport à la langue complètementlibéré. Ils pourront s’affranchirde la norme en s’amusantavec insolence de la langue à lasuite de Tardieu ou de Hugo. Maissurtout, au delà de la provocation,on donnera la possibilité à chacund’inventer sa propre langue, dedévelopper son langage singulieret son autonomie dans la langue.Quels sont les leviers pourchanger ce rapport à lapoésie ?Jp S. C’est bien sûr la formation desenseignants qui doit permettre untravail intime et personnel de restaurationdu lien avec la poésie etl’art. Car l’éducation desconsciences ne se fait pas avecdes leçons de morale, cela ne s’enseignepas comme un savoir, ça seconstruit. La poésie incite à l’actionet passe par l’agir. Il faut liredes poèmes, dire des poèmes,écrire des poèmes, faire l’expériencedu poème, faire l’essai d’unregard autre. Pour cela il faut solliciterle répertoire le plus vastepour échapper aux représentationscloses et sortir de notre petitrépertoire classique et sacralisépour aller vers le trésor poétiqueuniversel. Il faut aussi s’écarter desfaux poèmes qui donnent unefausse idée de la poésie car ils nesupposent pas d’efforts deconscience. Il faut des efforts pouraller sur des chemins nouveaux etdécouvrir une lecture du réel inattendue.Proposrecueillis par Alexis Bisserkine13 e 47artsàl’école

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