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FSC n° 390 - SNUipp

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« Évaluer l’éducation prioritaire :provocation indécente ou nécessité ?»13 eUniversitéd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Quels types d’hypocrisiel’évaluation des politiquesd’éducation prioritairepermet-elle de dévoiler ?MD. L’idée centrale des politiquesd’éducation prioritaire et doncdes ZEP, en France au moins,s’est construite autour de l’idéede compensation, « donner plusà ceux qui ont moins », pourreprendre le slogan des années1980. Mais est-ce bien vrai ?Donne-t-on ainsi vraiment plusà ceux qui ont moins ? Et c’estquoi « avoir moins » ou « donnerplus » ? L’idée même de compensationinduit celle de déficit,de manque, voire de handicap…qui rend plus difficile la remiseen cause du fonctionnementhabituel de l’École. Pourtant, en1981, à la création des ZEP,celles-ci étaient destinées àconstituer des laboratoires duchangement, de l’innovation.Cette idée a très vite été oubliée.« Quand on évalue, on neconnaît pas lesrésultats à l’avance eton doit donc accepter deprendre des risques. »Alors même que la question du« donne-t-on vraiment plus… »ne reçoit pas une réponse trèsconvaincante et positive, commele montre par exemple les travauxde Benabou, l’approchecompensatoire est, elle aussi,très questionnable. C’est audépart de telles questions ques’est mis en place le projetEuoPEP, piloté par l’INRP, àl’époque. L’objectif est de sortirdes évidences et des habitudesen « ouvrant les fenêtres » et enregardant ce qui se passe dansd’autres systèmes éducatifs, à lafois en termes d’objectifs, deciblage de certaines populations-y compris en questionnantMarc DemeuseMarc Demeuse, psychologue et statisticien, est professeur à la facultéde l’Université de Mons (Belgique) où il dirige l’institut d’Administrationscolaire. Il a coordonnée des équipes de recherche inter-universitaireschargées de contribuer à la mise en place des politiques d’éducationprioritaire en Belgique et a assuré, avec Daniel Frandji, David Greger etJean-Yves Rochex, la coordination d’un projet européen (EuroPEP)impliquant une douzaine d’équipes de recherche dans ce domaine(Ed. ENS Lyon).cette idée de ciblage-, d’actionset d’évaluation des politiques.L’idée n’est pas d’imiter d’autrespays, mais de mieux comprendrenotre propre fonctionnementen ne considérant pasque ce que nous mettons enplace est la seule ou la meilleuresolution. Alors qu’il est périodiquementquestion de changement,de refondation, derelance… ce détour n’est sansdoute pas inutile.Cette évaluation permetaussi de pointer lesincohérences du système.Lesquelles ?MD. Depuis des années, les politiquesd’éducation prioritaireont connu de nombreux changements,mais l’appellation ZEPreste, sans véritable évaluationd’ensemble. On garde, en apparence,le même emballage, quiarrange bien, car on continue às’occuper des plus défavorisés...mais on infléchit la politiquesans vraiment le dire des plusdémunis… pour autant qu’ils leméritent... Alors qu’en Grande-Bretagne, on a abandonné lesZEP pour des politiques plussectorielles, ciblant chacune despublics spécifiques avec unobjectif particulier -par exemple,« Une évaluationréussie, ce n’est pasjuger de la qualité,ou pas, de l’action dugouvernementprécédent. »© BILAL / najapréscolarisation des enfants desfamilles précarisées-, en France,on semble continuer le mêmeprogramme qui pourtant a étécomplètement dénaturé.Quelles sont les conditionsnécessaires pour uneévaluation utile de cespolitiques d’éducationprioritaire ?MD. L’évaluation des politiquespubliques est une nécessité,mais elle doit identifier clairementce qui doit être évalué etmettre à plat à la fois les objectifsde ces politiques, les moyenseffectivement mis en œuvre etles résultats obtenus. Sinon, quelintérêt pour le système ? Quandon évalue, on ne connaît pas lesrésultats à l’avance et on doitdonc accepter de prendre desrisques, ce qui semble particulièrementdifficile pour le politique.La difficulté en France, c’estaussi l’alternance du pouvoirpolitique, avec d’incessantessituations de conflit. Une évaluationréussie, ce n’est pas jugerde la qualité, ou pas, de l’actiondu gouvernement précédent, nis’autoproclamer le meilleur.Pour évaluer, il faut être libre dereconnaître ses erreurs. Celan’implique pas de modifier sesprincipes comme une girouette,mais d’admettre qu’entre ceuxciet leur mise en œuvreconcrète, il existe plusieursvoies, qu’il est nécessaire d’expérimentersans généraliserimmédiatement. Malheureusement,l’expérimentation prenddu temps et elle doit être… évaluée.La tendance actuelle, c’est« on évalue immédiatement uneaction qui vient juste d’être initiéeet après, c’est pour tout lemonde »! Il ne suffit pas de légiférerpour que les choses semettent en place sans délai etde la manière attendue…Propos recueillis par Ginette Bret19métier

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