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FSC n° 390 - SNUipp

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« Enseignantes, militantespour l’égalité »13 eUniversitéd’automnedu <strong>SNUipp</strong>Pourquoi vousintéressez-vousspécifiquement auxenseignantes et à laprofession enseignante ?SD. C’est une profession anciennequi a joué et qui joue encore unrôle important pour la promotiondes femmes dans le salariat. Cetteprofession dans laquelle lesfemmes sont majoritaires estvisible, repérable et repérée, trèsstructurée et dotée de syndicatsqui ont su la faire connaître et ladéfendre. Elle a de ce fait unimpact non négligeable en termesde modèles pour la société, etprécisément la place occupée parles enseignantes dans l’histoire dutravail des femmes ne va pas êtresans conséquence sur la questionféministe. En m’attachant particulièrementau travail des enseignantesmilitantes féministes, jemets toutefois en évidence lesobstacles qu’elles rencontrentdans leur action.« Elles incarnent de faitune figure progressistede la femme active. »Quels sont ces obstacles ?SD. Le premier obstacle est la structuresexuée de la profession etdonc la division sexuée du travailscolaire. Il existe en effet uncontraste entre, d’une part lareprésentation commune d’uneprofession qui respecte l’égalité -àtravail égal salaire égal- et, d’autrepart des inégalités quant à la placequ’occupent les acteurs dans lastructure. L’égalité et l’impartialitésont souvent revendiquéescomme piliers d’une éthique professionnelleenseignante alorsmême qu’on constate que cetteégalité est à questionner au seindu système éducatif. Ainsi, plus onmonte dans les degrés plus lesfemmes se raréfient : elles« cette profession n’estpas aussi égalitaire qu’onvoudrait le croire. »Sophie DevineauSophie Devineau est maîtresse de conférences à l’université de Rouen.Sociologue de l’éducation, elle mène depuis une dizaine d’années desrecherches portant sur les inégalités sexuées dans et par l’école (Le genreà l’école des enseignantes : embûches de la mixité et leviers de la parité,l’Harmattan, 2012). Le point de vue adopté est celui du rôle social joué surla longue durée par cette profession certes très féminisée mais surtoutpartie prenante de l’égalité entre les sexes et plus largement dumouvement d’émancipation des femmes.occupent plus de 90 % des postesà l’école maternelle alors qu’ellesne sont plus que 30 % dans l’enseignementsupérieur. Il y a doncbien une ségrégation verticalecomme dans les autres secteursde l’emploi. Pour les jeunes générations,les mêmes phénomènessont observés : quand on interrogedes étudiants inscrits dansles nouveaux masters MEEF sur lafaçon dont ils se projettent dansle métier, on s’aperçoit que lesfemmes, très majoritaires dans cesfilières, déclarent le plus souventvouloir travailler en maternelle ouau CP alors que les hommess’imaginent dans des niveaux plusélevés. Tout n’est donc pas résoludu point de vue de la parité professionnelleet de la mixité au travailet cette profession n’est pasaussi égalitaire qu’on voudrait lecroire. C’est ce qui motive les militantesféministes dans leur action.Un autre obstacle réside dans lefait d’avoir subi soi-même uneéducation sexuée. A l’image desautres acteurs sociaux, lesenseignant(e)s n’échappent pas àla socialisation sexuée dans lafamille pas plus qu’aux rapportssociaux de sexe qu’implique ladomination masculine. Dans laréalité quotidienne de l’école, onobserve des situations pédagogiquesqui attestent encore de laprésence de pratiques d’un autreâge (par exemple des activités enmaternelle autour des jouets supposésde filles ou de garçons),mais on relève aussi un regardsexué des inspecteurs sur la compétenceprofessionnelle. Les militantesvont donc se heurter à desfaits qui existent aussi bien dans© BILAL / najal’organisation professionnelle qu’àl’intérieur des classes ou encoredans les attentes des familles.Autant d’embûches à la mixité quisont au cœur du travail des militantes.En quoi cette professionconstitue-t-elle un levierféministe ?SD. Il faut une fois encore rappelerla place spécifique de la professionenseignante dans le salariatféminin. Elle a été historiquementle secteur le plus ouvert auxfemmes diplômées et le lieu oùelles ont été le mieux traitées d’unpoint de vue salarial. Ensuite, cesfemmes, par leur compétenceprofessionnelle et par la maîtrisequ’elles ont de la langue, vont trèstôt dans l’histoire s’emparer de laparole écrite, animer des associations,fonder des revues... pourdiffuser leurs idées égalitaires.Elles incarnent de fait une figureprogressiste de la femme activeaussi bien sur la scène publiquequ’auprès des élèves ou de leursparents. La minorité agissante desmilitantes va ainsi œuvrer sur tousles fronts de l’école à la cité pourune éducation populaire à l’égalitéentre les sexes au bénéfice del’égalité entre tous. Aujourd’huipar exemple, au regard de lasituation défavorable des femmespour la retraite, défendre lesfemmes comme le font les syndicatsenseignants parce que lesfemmes sont majoritaires dans cemilieu, c’est avant tout défendrel’égalité.En somme, l’étude que j’ai menéeconduit à décrire la dynamiqued’un groupe professionnel, certestraversé par des contradictions,mais aussi moteur de l’émancipation.Propos recueillis par Claude Gautheron17métier

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