Vers une cartographie de la traduction littéraire en Europe - Petra

Versune cartographiede la traduction littéraireen Europe

2PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeAvant-proposC’est en septembre 2008, à l’occasion des États-Généraux du multilinguisme à Paris, que futlancé le mot d’ordre « Plus d’une langue ». Il invitait à une vision plus large de la traduction littéraireet à la constitution d’un programme européen d’envergure portant sur la traduction et lestraducteurs littéraires.Quelques mois plus tard, en avril 2009, le président de la Commission européenne JoséManuel Barroso exprimait le vœu de valoriser la pratique de la traduction. Cela s’est passé aucours de la conférence Traduction littéraire et Culture organisée par les commissions Multilinguismeet Culture de la Commission européenne à Bruxelles.Le projet PETRA (Plateforme Européenne pour la Traduction Littéraire) relève le défi. Il sedonne pour mission de promouvoir et de soutenir la traduction et les traducteurs littéraires, etd’apporter des améliorations à la situation actuelle. Pour ce faire, PETRA s’adressera tant auxdécideurs politiques européens qu’aux responsables politiques nationaux.PETRA est un projet de collaboration conduit par la Maison internationale des littératuresPassa Porta (Bruxelles), l’Institut polonais du livre (Cracovie), le Colloque littéraire de Berlin, laSociété slovaque des traducteurs littéraires (Bratislava) et Transeuropéennes (Paris).PETRA peut compter sur l’expertise de quelque cinquante organisations originaires de plusde trente pays. Onze d’entre elles se sont engagées en tant que partenaires associés.La Commission européenne reconnaît la plus-value européenne de PETRA. L’Agence exécutive« Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA) a intégré PETRA dans son programme culturel.Un congrès européen entièrement consacré à la traduction et aux traducteurs littéraires auralieu à Bruxelles les 1, 2 et 3 décembre. Ce congrès est le moteur de PETRA.Des dizaines d’organisations actives sur les terrains nationaux ou internationaux, à titreindividuel ou dans le cadre d’un réseau, ont répondu à l’appel. Conjuguant leurs forces, ellessigneront ensemble un Plan d’action européen.Le congrès est le véritable coup d’envoi du projet PETRA. Après le congrès, PETRA publieraun Plaidoyer pour un changement qui ne se contentera pas de faire un tour d’horizon de la traductionlittéraire en Europe, mais formulera en outre des recommandations concrètes en vued’apporter des changements réels à la situation de la traduction et des traducteurs littéraires.Un congrès de ce genre exige naturellement une préparation approfondie. Le documentque vous avez sous les yeux est le point de départ de discussions de groupes de travail et desessions plénières du congrès. Six thèmes y sont traités : (1) le statut économique et social,(2) la visibilité, (3) l’éducation et la formation du traducteur littéraire, (4) la relation entre latraduction littéraire et le marché, (5) le livre numérique et le droit d’auteur et (6) les enjeuxculturels et politiques de la traduction littéraire.Ces six thèmes sont d’emblée les noms des six groupes de travail qui se réuniront au congrèspour échanger leurs idées sur la situation actuelle et arriver à la formulation de recommandationspour un avenir meilleur.

Bart Vonck _ Avant-propos3Pour étayer les travaux du congrès, les partenaires de PETRA préparent une cartographie quipuise dans deux sources importantes : les rapports et les connaissances accumulées depuis2008 par le CEATL et les études sur la traduction littéraire dans la région euro-méditerranéennequ’a menées le réseau « Traduire en Méditerranée », sous la conduite de Transeuropéennes etde la Fondation Anna Lindh. Ces sources se sont enrichies des données de l’Expertise CentrumLiterair Vertalen (ELV) et du Nederlands Letterenfonds.En annexe, vous trouverez une note du CEATL traitant de l’éducation et de la formation destraducteurs littéraires et une note de la Direction générale de l’éducation et de la culture de laCommission européenne portant sur le soutien qu’elle dispense à la diversité culturelle.Réfléchir sur la traduction littéraire et sur la situation concrète des traducteurs littérairesen Europe est un processus qui ne se déroule pas qu’au niveau national des États, maiss’inscrit aussi dans un défi : celui de créer un véritable continuum culturel au niveau européen,dans lequel la place réservée au traducteur, ce bâtisseur de ponts entre les cultures,est loin d’être négligeable.Il nous paraît particulièrement judicieux d’engager un dialogue entre tous les acteurs de la« chaîne » de la traduction littéraire : les associations de traducteurs, les formations, le mondede l’édition et les décideurs politiques. En tant que plateforme européenne, l’organe de concertation,de conseil et de développement de la politique à mener qu’est PETRA veut jouer un rôlemodeste mais pertinent dans ce processus.PETRA n’est que trop consciente de la complexité du phénomène de la traduction littéraire etde ses traducteurs. C’est pourquoi cette cartographie n’est qu’une amorce, un work in progress,et que ce document s’intitule : Vers une cartographie de la traduction littéraire en Europe.Dans les six groupes de travail du congrès, tant les dissensions que les points communssont à l’ordre du jour. En tant que « réseau des réseaux » PETRA veut transcender ces contradictionset ces concordances.Si la cartographie veut réellement être un outil pour les décideurs européens, elle doit secomposer de deux volets, l’un offrant un panorama compréhensif de l’ensemble, et l’autre soutenantl’image générale de façon détaillée. Les données fournies par un certain nombre d’organisationsdoivent être synthétisées dans le but d’inspirer et d’orienter une politique européenne.La cartographie de l’état des lieux actuel fera naturellement ressortir les changements qu’uneautre gestion européenne de traduction peut occasionner. Qui prend part au congrès doit faireface à un authentique défi européen : à partir de secteurs et d’aspects sectoriels se dégagentune description synoptique et un ensemble de recommandations qui entendent préparer leschangements à apporter à la politique européenne de la traduction.Ce n’est que lorsque nous cesserons de considérer l’Europe comme une mosaïque decultures clairement différenciées pour y voir au contraire l’espace de l’échange culturel parexcellence, que la traduction littéraire revêtira sa réelle importance : chaque livre traduit est l’incarnationmatérielle du véritable continuum européen.Cette amorce de cartographie invite donc à l’entretien et à la discussion. Elle ne se base passur une description exhaustive de la traduction littéraire en Europe, mais sur des instantanés quidemandent à être complétés. Elle n’agit pas dans le sens des intérêts particuliers des personneset des organisations, mais dans la perspective de l’intérêt général.Pour PETRA, la traduction littéraire n’est ni plus ni moins qu’une pratique et un modèle philosophiquesur lesquels repose la culture européenne.Bart Vonck _ Coordinateur du comité de rédaction de la Cartographie.traduit du néerlandais par Monique NagielkopfLe comité de rédaction se compose de Jürgen Jakob Becker, Henri Bloemen, KatarinaBednÁROVÁ, Ghislaine Glasson Deschaumes, Andy JelČiĆ, Bart Vonck et Françoise Wuilmart.

4PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeCongrès – 2 décembre 2011 – Groupe de travailÉducationet formationdes traducteurslittéraires

Henri Bloemen _ Vers une infrastructure européenne pour la formationdes traducteurs littéraires5Vers une infrastructureeuropéenne pour la formationdes traducteurs littérairesObjectifL’objectif de ce groupe de travail est de formuler des propositions en vue d’établir une infrastructureeuropéenne pour la formation théorique et pratique des traducteurs littéraires.Ces propositions définiront de façon explicite le rôle de l’UE dans la réalisation de cet objectif.Les propositions devront se baser d’une part sur une analyse de la situation actuelle dans lesdifférents États membres et les pays associés, d’autre part sur la conception d’une structure deformation théorique et pratique des traducteurs littéraires, qui n’existe pas encore mais qui est souhaitable.Les discussions porteront notamment sur la forme que peut prendre une telle structure.Les principales questions nécessitant une discussion et une réponse sont les suivantes :––La formation théorique et pratique des traducteurs littéraires doit-elle être proposée sousla forme d’un diplôme universitaire ?––Quelles sont les initiatives à prendre afin de proposer des combinaisons linguistiques quine font pas partie d’un cursus universitaire ? À cet égard, il faut tenir compte du contexteactuel, dans lequel seules les langues “principales” sont couvertes par les programmesuniversitaires, alors que la traduction littéraire concerne toutes les langues existantes.––Comment établir un système d’échanges, un soutien mutuel et une coopérationentre différents pays ?––Existe-t-il des exemples de bonnes pratiques en matière de (1) cursus universitaires,(2) formation postuniversitaire, (3) programmes complémentaires, (4) coopérationtransnationale et (5) coopération entre les mondes universitaire et professionnel ?––Comment favoriser la formation continue et le transfert de connaissancespour les traducteurs littéraires ?Situation actuelleLe CEATL prépare actuellement une étude exhaustive sur la formation théorique et pratiquedes traducteurs littéraires. Ce bilan présentera de façon détaillée le type et le niveau deformation offerts (universitaire ou autre, ciblée sur la traduction littéraire ou non), le contenudes programmes, les enseignants (la participation de traducteurs expérimentés par exemple),les conditions d’admission, les formes de coopération (internationale, interdisciplinaire,professionnelle), les systèmes d’évaluation et des exemples de bonnes pratiques. Le rapportdu CEATL vise à présenter la situation actuelle, à dégager les principales tendances et surtout,à déceler les lacunes et faiblesses du système.D’après les résultats préliminaires, la formation des traducteurs littéraires varie sensiblementd’un pays à l’autre. Dans certains pays, des systèmes prometteurs ont été mis aupoint (bases d’une infrastructure de formation), tandis que dans d’autres, les progrès dansce domaine sont presque inexistants.

6PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeUne première synthèse de l’étude du CEATL permet de distinguer quatre cas de figure dansle domaine universitaire :––Dans quelques pays, des cursus universitaires de traduction littéraire offrent un diplômespécifique.––Dans d’autres pays, la traduction littéraire fait partie d’un cursus de traduction plus général.––Dans certains pays, une formation en traduction littéraire est offerte dans le cadre d’étudesde lettres, de langues ou de linguistique appliquée.––Dans d’autres, aucune formation en traduction littéraire n’est proposée.Actuellement, il existe deux types de diplôme : ceux qui font mention explicite de la traductionlittéraire comme spécialisation et ceux qui n’en font pas mention.De plus en plus souvent, on note l’existence d’initiatives visant à combler les lacunes de cechamp universitaire fragmenté. Les enseignants sont souvent des universitaires ou des doctorantsqui offrent des cours de traduction littéraire ambitieux, en collaboration étroite avec desprofessionnels (CETL à Bruxelles et ELV à Utrecht / Anvers, par exemple). D’autres initiativesont été lancées par des associations de traducteurs qui opèrent en dehors de tout contexteuniversitaire (LCB à Berlin, La fabrique des traducteurs à Arles et la Vertalers Vakschool àAmsterdam, par exemple).Dans les pays non anglophones, l’anglais est la langue source la plus souvent offerte dans lescursus universitaires de traduction littéraire. On peut donc dire que l’anglais est la langue prédominante,même si l’espagnol, le français et l’allemand sont également proposés. Si l’on tient comptedes langues offertes dans les cursus complémentaires, la situation est quelque peu nuancée.Dans les deux cas, la conclusion est la même : la plupart des langues sont mal représentées.La prédominance de l’anglais et la concentration de certaines langues principales ouémergentes représentent une menace réelle pour l’échange littéraire en Europe. La traductionlittéraire s’effectue dans et vers toutes les langues. Le problème de la qualité dans le domainede la traduction littéraire est évident, même pour les langues les plus courantes. Que dire alorsdes langues qui ne sont pas du tout représentées par un cursus de formation ?PropositionsBien qu’il soit nécessaire de collecter d’autres données pour pouvoir vérifier l’évolutionde la situation, certaines tendances se dessinent clairement :– – Des masters et doctorats de traduction littéraire autonomes ont été introduits danscertains pays. Dans d’autres, des modules de traduction littéraire sont offertsdans le cadre d’études similaires ; la plupart des cursus universitaires ne proposentque les langues les plus courantes.– – Dans certains pays, il existe des cursus supplémentaires soit pour des langues qui ne sontpas offertes par les masters ou doctorats, soit dans le cadre d’une professionnalisationou de la formation continue (également pour les langues principales).– – Des cursus de formation hors université ont été mis en place, notamment pardes associations de traducteurs et des fonds littéraires.

Henri Bloemen _ Vers une infrastructure européenne pour la formationdes traducteurs littéraires7Cela soulève plusieurs questions :- Quelles spécificités devrait présenter un cursus universitaire de traduction littéraire ?- Comment remédier aux problèmes posés par le choix de langues offert ?- Comment établir une coopération entre les mondes universitaire et professionnel ?- Comment intégrer des traducteurs professionnels chevronnés au seindes cursus universitaires ?- Comment préparer le transfert de connaissances mutuel entre les mondesuniversitaire et professionnel ?Quelques remarques fondamentales :––Il est naturel d’avoir des programmes universitaires ciblés sur les principales langueseuropéennes (anglais, français, allemand, espagnol). Naturel, car aucun pays n’est enmesure d’offrir d’une infrastructure couvrant toutes les combinaisons linguistiquespossibles, pour des raisons financières et logistiques évidentes. En même temps,proposer uniquement les principales langues risque non seulement de renforcerleur position dominante (en particulier pour l’anglais), mais aussi de bloquer l’évolutionde la littérature européenne, impossible sans la traduction entre toutes les langues.––Plusieurs années de pratique sont nécessaires pour devenir un traducteur littérairecompétent : une licence et un master ne permettent donc pas à un traducteur de pouvoirse lancer immédiatement sur le marché professionnel. Des initiatives complémentairesmenant à la professionnalisation et la formation continue sont donc nécessaires.––Des traducteurs expérimentés devraient participer à la formation pratique des étudiants entraduction littéraire. Cela semble évident, mais les questions de certification et la nécessitéde se concentrer sur la recherche constituent souvent des obstacles à une telle démarche.Sur la base de ces constats, les propositions suivantes peuvent être formulées :––Afin d’établir une infrastructure adaptée à la complexité de la traduction littéraire, un masterde traduction littéraire devrait être créé dans tous les pays européens et dans tous les Étatspartenaires, au moins pour les principales langues. À moyen terme, la création de réseauxd’instituts devrait être encouragée pour faciliter les échanges entre enseignants, étudiants,connaissances et savoirs.––Il faut également mettre en place une coopération structurelle avec les professionnelsde la traduction, notamment pour amener les traducteurs chevronnés à enseignerdans le cadre d’un master de traduction. Les difficultés juridiques liées à la certificationet à la priorité donnée à la recherche doivent être résolues.––Afin de lutter contre la prédominance actuelle des principales langues, en particulierde l’anglais, des activités complémentaires devraient être menées en coopération étroiteavec les professionnels de la traduction.––Les systèmes facilitant le transfert de connaissances et la formation continuedoivent être développés.Recommandations : que peut faire l’Europe ?L’UE peut aider en :– – encourageant tous les États membres à créer un master de traduction littérairedans le but d’établir une infrastructure harmonisée dans toute l’Europe.– – contribuant au financement de cursus complémentaires destinés à soutenir les languesnon proposées par les masters et parallèlement, à la professionnalisation.– – facilitant la création de réseaux transnationaux pour la formation des traducteurs littéraires(comme le réseau EMT).

8PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en Europe––renforçant l’échange des enseignants grâce aux programmes d’échanges existants.––intégrant des traducteurs expérimentés aux cursus universitaires et en permettantà leur travail d’être mis en valeur au niveau universitaire.––permettant la coopération entre l’université et les professionnels(en particulier les éditeurs et les organes de financement).––apportant une aide financière visant à soutenir les « bonnes pratiques »,notamment celles qui consistent à créer des structures complémentairesentre les formations universitaires et les autres.––prenant toutes les mesures possibles pour promouvoir une véritable culturede la traduction basée sur l’échange d’idées et de textes, et pas uniquementsur la logique économique d’import-export.Henri Bloemen _ Expertise centrum literair vertalen (elv)Traduit de l’anglais par Isabelle Cluzel

Martin de Haan _ The translator’s (in)visibilityCEATL _ 12/10/20119Congrès – 2 décembre 2011 – Groupe de travailCopyrightet e-statut

10PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeDroit d’auteuret droits électroniquesen traduction littéraireObjectifs : Sensibilisation, modification des réglementationset moyens de mise en œuvreSituation : Trois des principales organisations internationales proches du métier de traducteur,FIT (Fédération Internationale des Traducteurs), PEN et CEATL, s’accordent sur le statutd’auteur des traducteurs et donc sur le droit d’auteur qui en découle.FIT : 14. La traduction, étant une création intellectuelle, jouit de la protection juridique reconnueaux œuvres de l’esprit.15. Le traducteur est donc titulaire d’un droit d’auteur sur sa traduction, et investi, par suite,des mêmes prérogatives que l’auteur de l’œuvre originale.(Charte du Traducteur, Chapitre II, Droits du traducteur)PEN : Article 3. Le traducteur doit être considéré comme un auteur et à ce titre, jouir des droitscontractuels associés à ce statut, pami lesquels le droit d’auteur.(Déclaration sur les droits et responsabilités des traducteurs)CEATL : Le droit d’auteur est basé sur la notion d’originalité : toute expression nouvelle qui diffèred’expressions existantes est considérée comme la propriété intellectuelle inaliénable de sonauteur et comme telle, bénéficie d’une protection automatique. (…) C’est pour cette raison que,légalement, le traducteur bénéficie exactement des mêmes droits que l’écrivain. Cela signifieaussi que la traduction littéraire n’est pas une simple prestation de services : quand un éditeursigne un contrat avec un traducteur, dans la réalité il passe commande d’une œuvre originaleportant la marque de son auteur. (www.ceatl.eu/droits-du-traducteur/statut-legal/)Bien que la FIT défende tous les traducteurs (pas seulement littéraires), que le PEN représenteplutôt les écrivains et que le CEATL soit une association européenne alors que la FIT et le PENagissent au niveau mondial, ces trois organisations ont globalement recours aux mêmes formulations.L’entente semble générale, où se situent donc les problèmes ?D’abord, ces définitions et conclusions (y compris la Convention de Berne et la Recommandationde Nairobi de l’UNESCO datant de 1976) n’ont pas assez de poids sur les législationsnationales. Seules quelques-unes de ces définitions ont été intégrées aux législations nationales(même dans certains pays signataires des documents en question) et la plupart du temps, defaçon approximative. En conséquence, les procès constituent souvent des procédures longues,complexes et donc coûteuses qui entraînent des dépenses supérieures aux bénéfices. En général,les États sont très réticents à entamer automatiquement des poursuites en cas de violation dudroit d’auteur, en particulier dans le domaine de la traduction. Le plus souvent, la partie concernéeest directement orientée vers une poursuite civile – ce qui revient à une lutte de David contreGoliath, d’un artiste indépendant contre une organisation (éditeur, fournisseur Internet etc.) qui,

Andy Jelčić _ Droit d’auteur et droits électroniques en traduction littéraire11en général, possède son propre service juridique. Le traducteur indépendant se retrouve dansle rôle de Michael Kohlhaas, ce personnage éponyme de la nouvelle de Heinrich von Kleist (1811)qui s’embarque dans une quête de justice presque fanatique, position particulièrement ingrate.Toutefois, il serait injuste de penser qu’une telle malveillance est généralisée parmi les nombreuxparticipants de la chaîne de publication qui exploitent des œuvres littéraires traduites.Souvent, il s’agit tout simplement d’une méconnaissance de certains faits :––Le traducteur est un auteur et pas seulement un prestataire de services.––Une traduction contient une part importante de créativité originale ou d’originalité créative.––La relation commerciale établie avec un traducteur ne prend pas fin avec l’impressiondu livre traduit.––Les droits du traducteur ne sont pas les mêmes que les droits de l’auteur. Cela signifiequ’une œuvre peut se trouver dans la sphère publique en termes de droits d’auteur maispas en termes de droits du traducteur.––Les termes d’un contrat conclu entre un traducteur et un éditeur sont définis en grandepartie dans plusieurs documents reconnus et acceptés au niveau international, il ne s’agitdonc pas d’un accord créé spécialement ex nihilo.Dans certains cas, il est possible de remédier au problème (partiellement ou complètement)à l’aide d’initiatives qui contribuent à sensibiliser les acteurs concernés. D’autres cas nécessitentdes mesures plus fortes, par exemple des réglementations clairement définies qui spécifientles droits du traducteur. Définir ces droits de façon claire permet de dissuader efficacementdes abus et des poursuites civiles, tout en ayant un impact très positif sur la formulation descontrats. Mais même des lois clairement définies peuvent être facilement contournées, c’estpourquoi les États qui les ont adoptées doivent veiller à leur application. Cet aspect est particulièrementimportant dans le domaine des droits numériques, en pleine expansion. En 2009,le CEATL a mené une étude sur les droits numériques et en a publié les résultats en 2010.Publication dans les médias électroniquesLe développement des médias électroniques (souvent appelés médias numériques) n’a paschangé les rapports de façon radicale mais a mis à nu les faiblesses du système. L’augmentationdu piratage de médias numériques est comparable à une situation dans laquelle des objetsde valeur seraient déposés dans un coffre surveillé par une institution et protégé par des murs,gardiens et caméras, situation qui s’oppose à celle où des objets de valeur sont exposés dansdes lieux publics et rendus accessibles. Dans les deux cas, il est illégal de toucher, de saisirou de s’approprier ces biens ; dans les lieux publics, de tels objets sont souvent accompagnésd’un avertissement explicite en plusieurs langues. Dans les deux cas, il s’agit d’un vol. Dans lepremier cas, le vol est ressenti à cause de tous les efforts investis pour placer les objets en lieusûr ; dans le second, c’est le fait d’emporter les objets qui est à déplorer. Le vol du second casde figure est-il moins grave et la législation se montre-t-elle plus indulgente ?Le progrès technique sans contrôle juridique a d’autres conséquences que le piratage.Les œuvres traduites numérisées peuvent demeurer accessibles de façon illimitée dans le temps,ce qui est contraire aux revendications fondamentales exprimées dans l’Hexalogue du CEATL.Il est important ici de faire la différence entre principes permanents et aspects techniquestransitoires. Le principe permanent le plus important est le suivant : quelle que soit la facilitéd’accès à un contenu littéraire traduit, chaque étape et forme de publication d’une œuvreoriginale par un traducteur, si elle est protégée par le droit d’auteur, nécessite l’autorisation dece dernier et une rémunération adéquate.

12PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeL’étude du CEATL sur les droits numériques (http ://www.ceatl.eu/wp-content/uploads/2010/10/CEATL_E-RIGHTS_2010EN.pdf – version anglaise uniquement) qui donne une idée de la situationactuelle, établit une distinction entre les téléchargements pour liseuses (e-readers), pourPC (lecture seule et impression), pour smartphones, pour livres audio et pour impression àla demande (POD). Le taux de téléchargement pour téléphones est inférieur à 50 %. Pour lesautres supports, ce taux est de 70 %, la disponibilité n’étant pas la même dans tous les pays.On peut penser que dans un avenir proche, cette distinction prendra une autre forme ou cesserad’exister. Par exemple, dès que l’usage d’écrans pliables ou extensibles sera répandu, la division entrePC, tablettes et smartphones tendra à disparaître. Les revendications des traducteurs en matière delégislation ont donc intérêt à ne pas être trop techniques. Pourquoi ? Parce que si un terme comme« liseuse » entre dans une législation, quelle qu’elle soit, il peut devenir rapidement obsolète.L’étude du CEATL sera enrichie de nouvelles questions et conduite une nouvelle fois avantle Congrès PETRA. Le pourcentage de pays dans lesquels sont pratiqués de tels téléchargementsdevrait augmenter fortement (n’oublions pas qu’il n’est souvent plus possible de qualifierces téléchargements de « nationaux ». En général, ils passent par des serveurs situés dans desrégions du monde où la législation compte moins que les frais d’hébergement).Il sera intéressant de vérifier si la hausse attendue de la disponibilité coïncide avec une modificationdes contrats. Dans 70 % des pays ayant participé à l’étude, la cession de droits pour despublications numériques est courante.Dans la plupart des pays (74 %), aucune distinction n’est faite entre les différentes formesde publications numériques. Cela corrobore l’affirmation faite plus haut selon laquelle leprincipe juridique ne devrait pas comporter de spécifications techniques détaillées, sansquoi des changements devront constamment y être apportés. Toutefois, dans le cas de certainssupports disponibles sur le marché, une approche complètement indifférenciée risquede désavantager l’éditeur ou le traducteur.Il se peut que la question de savoir si les droits numériques sont des droits primaires ousecondaires ait été mal comprise par certaines associations/particuliers. La nouvelle étudecontiendra donc une brève explication sur ces termes qui, entre-temps, seront peut-être aussiplus clairs. Cette rectification aura probablement un impact sur les résultats.Les principaux changements devraient concerner les droits d’auteurs et dividendes. L’expériencemontre qu’au sein d’un même pays, les montants versés par les principaux éditeurs pourla version imprimée d’un texte peut varier de zéro au montant recommandé. Il est intéressant deconstater que dans certains pays, les éditeurs ont fixé eux-mêmes les droits standards alors quedans d’autres, ils ont suivi les recommandations des associations de traducteurs.Dans près de la moitié des pays ayant participé à l’étude, la rémunération pour la cession desdroits numériques prend la forme d’une quote-part sur les bénéfices. Dans les pays de languemoins courante, on note une tendance au paiement unique car les ventes ne peuvent générerque des recettes très faibles. Cependant, il est impossible de prévoir l’évolution du domaine desdroits numériques (les informations disponibles au moment de l’étude étaient encore moins nombreuses).Il est évident que, dans les années passées, les traducteurs étaient rémunérés uneseule fois et n’avaient aucune chance de faire valoir leurs droits à l’ère numérique. Pour récupérerces droits, ils se sont montrés prêts à accepter d’autres types d’arrangements. Mais les éditeursont très peu de certitudes concernant le marché numérique et préfèrent dépenser un peu plusd’argent en choisissant un paiement unique qui, en même temps, les protège d’un éventuel échec.Les pays de langue plus courante optent généralement pour la solution de quote-part sur bénéfices,au point même qu’un traducteur peut arriver à accepter une rémunération initiale plus bassesi les éditeurs tablent sur des ventes élevées. On prévoit donc un partage des bénéfices dans cespays. La nouvelle étude pourrait montrer que ce chiffre commence à baisser, les traducteurs despays de langue moins courante se rendant compte qu’un paiement unique est finalement peut-êtrepréférable, tout comme la rémunération initiale. Les éditeurs pourraient accepter cette solution àcondition que le paiement soit sensiblement inférieur à la rémunération initiale.

Andy Jelčić _ Droit d’auteur et droits électroniques en traduction littéraire13La nouvelle étude du CEATL sur la visibilité contient désormais une question pertinente sur les droitsd’auteur et droits électroniques : les droits du traducteur sont-ils explicitement mentionnés dans leslégislations nationales sur le droit d’auteur ? Si tel est le cas, la forme prise par la mention de cesdroits devrait varier d’un pays à l’autre. Les résultats seront rendus publics au cours de la conférence.Alors que la plupart des pays européens poursuit l’ajustement des critères et tente de trouver uncompromis satisfaisant pour toutes les parties concernées, quelques exemples extrêmes méritentnotre attention. En Italie, les traducteurs ne cessent de répéter qu’ils sont impuissants face aux éditeursqui font bloc ; en Lituanie, les traducteurs mettent en garde contre l’accord avec les éditeurslocaux qui veulent un rachat total des parts, en d’autres termes, la suppression de tous les droitsdu traducteur une fois la rémunération initiale effectuée. Il s’agit d’un précédent très dangereux caril est contraire aux principes fondamentaux établis par la FIT, le PEN et le CEATL, à la Conventionde Berne, à la Recommandation de Nairobi ainsi qu’aux principes fondateurs de l’UE. Situationégalement alarmante en Turquie : le traducteur et l’éditeur portent tous deux la responsabilité d’uneéventuelle violation des mœurs locales par la publication d’une œuvre traduite, même si elle estconsidérée comme un chef-d’œuvre ailleurs dans le monde. Une situation d’autant plus absurdeque le droit d’auteur est souvent violé à cause de la publication non autorisée de traductions.D’un côté donc, le traducteur est tenu responsable du contenu d’une œuvre littéraire ; de l’autre, iln’a pas la possibilité de protéger la traduction de cette œuvre dont il est effectivement responsable.Pour une situation optimaleLes efforts combinés de tous les acteurs du monde de la traduction doivent servir à sensibiliseraux problèmes décrits dans ce document. Actuellement, les parties concernées n’ont conscienceque d’une partie de ces problèmes liés à production et l’exploitation d’une œuvre littéraire.Cette sensibilisation progressive devrait faire comprendre la nécessité d’un changement delégislation et de certaines pratiques.La nouvelle législation devrait viser la création de normes européennes universelles permettantl’existence de variantes locales adaptées à la nature et à la fréquence d’une langue et de laculture locale qui y est associée. Cela s’applique en particulier au droit d’auteur à cause de laréaction en chaîne, autant positive que négative : si les droits du traducteur sont violés, son statutsocial est automatiquement menacé, ce qui entraîne une visibilité négative. Au contraire, si sesdroits sont reconnus, son statut économique et social s’améliore et sa visibilité devient positive.Que peut faire l’UE ?––Relayer les informations venant du monde de la traduction. Cela faciliterait certainementles évaluations et décisions futures dans la mesure où le financement d’enquêtes etd’études individuelles serait moins nécessaire. Par ailleurs, le bilan de la situation seraitplus approfondi et précis.––Faire pression sur les organes législatifs nationaux afin qu’ils adaptent leurs lois etréglementations. Les normes devraient être définies conformément aux conclusionsémanant du dialogue entre ces organes et le monde des traducteurs (et ses institutionspermanentes et temporaires).––Geler toute aide financière accordée aux marchés qui font fi des bonnes pratiques etrediriger ces ressources vers les marchés qui font des progrès sensibles dans ce domaine.––Financer des projets initiés par des institutions chargées de défendre les traducteurs etpar les organismes qui s’efforcent d’améliorer la situation actuelle.Andy Jelčić _ CEATL (conseil européen des associations des traducteurs littéraires)Traduit de l’anglais par Isabelle Cluzel

14PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeCongrès – 2 décembre 2011 – Groupe de travailTraduction littéraireen Europe :culture, politique,politiques culturelles

Ghislaine Glasson Deschaumes _ Traduction, culture, politique, politiques culturelles15Traduction, culture, politique,politiques culturelles1 Actuellement disponible en19 langues de l’Union européennesur le site de Transeuropéennes :http ://www.transeuropeennes.eu/fr/articles/325[consulté le 21 octobre 2011]2 Voir la publication en lignesur le site de la Délégationgénérale à la langue française etaux langues de France :http ://www.dglf.culture.gouv.fr/publications/publications.htm[consulté le 21 octobre 2011]Depuis plusieurs années, le projet politique européen d’un vivre ensemble est soumis à la rudedouble épreuve de logiques nationalistes, voire xénophobes, décomplexées et d’une crise économiqueet financière systémique. On reparle de frontières au sein de l’Union européenne, touten s’arc-boutant plus que jamais aux logiques de la forteresse Europe quand il s’agit des rapportsavec les pays partenaires de la Politique européenne de voisinage.Dans ce contexte, la culture est confrontée à un double risque, celui d’être de plus enplus instrumentalisée au service de replis nationaux, et celui d’être entièrement livrée, dufait des coupes budgétaires, à la logique de marchandisation. Le secteur du livre et desrevues et celui de la traduction littéraire ne sont pas les moins exposés à ces évolutions.Et les chantiers à explorer pour construire un véritable projet politique et culturel européenne peuvent se résumer aux seuls aspects commerciaux, financiers ou juridiques deséchanges culturels. Plus particulièrement, le voyage des œuvres de l’imaginaire et de lapensée, leur mise en traduction linguistique et culturelle ne peuvent être traités comme unaspect anecdotique des politiques culturelles de l’Union européenne, ni comme un voletillustratif de sa politique du multilinguisme.Ainsi que le rappelait avec force l’Appel Plus d’une langue. Pour une politique européennede traduction 1 , lancé le 26 septembre 2008 par une vingtaine d’intellectuels européens« une langue n’est pas seulement un instrument de communication, un service », et « ce n’est pasnon plus seulement un patrimoine, une identité à préserver ». Les langues sont des mondes, il nousfaut connaître et comprendre ces mondes, il nous faut pour ce faire en passer par l’expériencede la traduction. La reconnaissance et la valorisation de la diversité linguistique ne suffit pas àconstruire la compréhension et le dialogue entre les citoyens européens, pas plus qu’elle ne suffità construire la relation entre les sociétés de l’Union européenne et celles des pays dits voisins.« Parce qu’elle est dépassement des identités et expérience des différences, la traductiondoit être au cœur de l’espace public européen qu’il incombe à tous de bâtir, dans ses dimensionscitoyennes et institutionnelles, dans ses composantes culturelles, sociales, politiques, économiques», lit-on encore dans l’Appel Plus d’une langue. Où en sommes-nous de cette invitationforte ? Pour répondre à cette question, il paraît urgent d’ouvrir une réflexion collective sur lesenjeux culturels et politiques de la traduction et leurs liens avec les politiques culturelles et derappeler pour ce faire quelques faits.Trois ans après les États généraux du multilinguisme organisés en septembre 2008 2 à Parisdans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne, force est de constater que le« programme européen de traduction » souhaité par tous est resté lettre morte et que les ambitieusespistes de travail lancées par le Commissaire au multilinguisme L. Orban, en 2008, n’ontété que partiellement reprises dans les priorités et programmes de la Commission européenne.Alors que l’on attendait un engagement européen sur le multilinguisme, dans ses liens avec lesenjeux de citoyenneté et les dynamiques culturelles, c’est plutôt d’un repli qu’il faudrait parler,comme l’a signalé la suppression même du poste de Commissaire européen sur la question.

16PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en Europe1 Chiffres annoncéespar la DGEAC dans sa notepour le projet PETRA jointeen annexe de la cartographie.2 Pour l’année 2011, le prix seradécerné le 7 décembre 2011. LeJury 2011 est présidé par JulianBarnes, lauréat du Booker Prize.3 Chiffres communiqués pour leCongrès PETRA par la DG EAC,que nous remercions de son aide.4 Voir http ://ec.europa.eu/languages/documents/literary-summary_en.pdf5 http ://ec.europa.eu/culture/archive/culture2000/historique/ariane_fr.html[consulté le 21 octobre 2011]Le multilinguisme est désormais l’un des thèmes d’action de la Commissaire à l’éducation, à laculture, au multilinguisme et à la jeunesse A.Vassilliou, qui aborde essentiellement cette prioritésous l’angle de l’apprentissage des langues.Même si cet aspect « multilinguisme » n’entre pas en compte dans le projet PETRA, il participedu contexte dans lequel le projet « PETRA » prend forme. Il convient donc de lui prêter attention.À l’intérieur du programme Culture, lui-même marginal dans le budget de l’Union européenne,le multilinguisme et la traduction littéraire sont incontestablement présents, Cependant, auvu des informations fournies de la DGEAC – Commission européenne, ils restent relativementpériphériques par rapport au budget global du programme Culture (moins de 10 % par an).Les aides à la traduction et aux traducteurs littéraires, à proprement parler, sont marginales enregard des besoins et proportionnellement faibles par rapport aux projets valorisant la diversitélinguistique en littérature par des actions de rencontres, festivals, mises en réseau. Or,il importe de dire que les enjeux de la traduction littéraire excèdent la seule valorisation dela diversité linguistique par la littérature. La traduction littéraire est le creuset d’une Europeréellement interculturelle, pour autant qu’elle se fonde sur une approche de la langue commeculture, comme monde. Cependant, le programme d’aide à la traduction littéraire, d’un montantmoyen de 3 millions d’euros par an 1 , porte exclusivement sur les œuvres de « fiction » (lapoésie et les récits sont intégrés à cette catégorie). Il fait ainsi l’impasse sur un aspect centralde la traduction littéraire dans les sociétés contemporaines : traduire le débat d’idées, traduireles savoirs, ouvrir ainsi un espace public européen où ne domine pas une seule langue et, avecelle, ses catégories, concepts, modes de description du monde. D’autre part, le programmed’aide à la traduction littéraire incite les éditeurs à traduire les auteurs lauréats du Prix européende littérature, soutenu par la Commission européenne. Deux questions se posent ici. Pourquoifavoriser des lauréats de prix ? La vie et la création littéraires se résument-t-elle à des labels ?Et pourquoi les lauréats du Prix décerné par la Commission européenne sont-ils privilégiés,au détriment d’auteurs couronnés, par exemple, par le Prix du livre européen 2 , par l’autre Prixeuropéen de littérature, celui de l’Association Capitale Européenne des Littératures (ACEL), ouencore par tout autre Prix national, régional, émanant de fondations ou de sociétés littéraires,etc. ? Cette logique doit être questionnée, de même qu’il faut interroger la tendance à abordertout projet d’aide à la traduction sous l’angle de « listes » (d’auteurs à traduire), tendance àlaquelle fait écho le goût très répandu pour les classements soumis à la logique du marché, telsque les « Top ten » ou « Top cinquante », des auteurs les plus traduits.Enfin, avant de clore ce trop bref aperçu, il faut s’arrêter un instant sur le programme« Apprentissage tout au long de la vie », de la DGEAC, qui affiche sur la période 2007-2013 untotal d’environ 7 milliards d’euros. Dans ce cadre, une dizaine de projets pour un montant de3 millions d’euros ont été soutenus en cinq ans 3 , mais un seul d’entre eux porte explicitement etuniquement sur la formation des traducteurs, alors même que celle-ci est problématique dansde nombreux pays de l’Union européenne.Sur l’ensemble du programme Culture de la Commission européenne, dont le montantavoisine 50 millions d’euros par an, la traduction littéraire ne représente donc qu’un trèsfaible pourcentage des projets soutenus et ne touche que le seul créneau de la fiction.À ces engagements s’ajoute, certes, l’effort de la Commission européenne pour faire vivrele chantier du multilinguisme et réfléchir à de futurs programmes, qu’il importe de souligner.Des études sont financées (pour un Prix européen de traduction 4 , pour un programme desoutien à la mobilité des traducteurs, etc.) Cependant, des questions peuvent être ici poséesquant à la prise en compte des expériences antérieures au sein de l’UE pour construirede nouveaux projets. Quel est le regard porté sur des expériences antérieures, comme lePrix Aristeion 5 , par exemple ? Comment les archives des programmes antérieurs d’aide àla traduction sont-elles interrogées ? Dans quel sens ? Comment les nouvelles initiatives,notamment aux « frontières » de l’Europe sont-elles prises en compte ? Quelles conceptionsdu livre, de la lecture, de la traduction se propose-t-on de privilégier ? À quelle cohérence

Ghislaine Glasson Deschaumes _ Traduction, culture, politique, politiques culturelles17répondent ces choix ? Ce sont autant de questions qu’il appartient de poser collectivementafin de nourrir un débat constructif avec les pouvoirs publics européens et de contribuerutilement à la mise en place d’un réel programme européen de traduction.Car le besoin se fait sentir d’un véritable débat public. Sur le plan de la société civile, on peutici regretter que Culture Action Europe, plateforme qui réunit de nombreux acteurs culturels etmène des actions de plaidoyer auprès des institutions de l’UE, ne s’empare pas de cette question.Or la Plateforme européenne de la société civile en faveur du multilinguisme « organisée » en2009 par la Commission européenne 1 pour réfléchir à la mise en œuvre des orientations présentéespar la Commissaire Orban en 2008, et en partie composée d’organisations gouvernementales,vient de produire un rapport très nourri, qu’il convient de lire et de mettre largement en discussion.Ce document a le grand mérite de remettre en avant l’importance du multilinguisme pour l’Unioneuropéenne, dans la suite du Rapport Maalouf et des États généraux du multilinguisme de 2008.Il est riche d’informations et recommandations dans un ensemble de domaines clés. Cependant,il insiste essentiellement sur la valorisation des langues minoritaires et des langues les moins utilisées,maintient une position ambiguë sur la position dominante de l’anglais (tout en signalant lesdébats contradictoires à ce sujet lors de la préparation du rapport). On lit notamment : « Concretemeasures on national and EU level should be taken to promote literary translations of less widelyusedlanguages (LWULs) into English and into other LWULs. » (p.58). On est ici en droit de sedemander si cette prévalence de l’anglais vise seulement à rétablir le déséquilibre bien connu enEurope entre traductions de l’anglais vers les autres langues de l’UE et traductions de ces languesvers l’anglais ou si elle ne renvoie pas aussi à l’idée selon laquelle l’anglais pourrait être une langueintermédiaire pour la traduction, comme on le lit dans le Rapport d’activité 2010 2 du ProgrammeCulture : « From the perspective of promoting cultural diversity, it would be interesting in the future toobtain more translations into English, as it often serves as pivot language for further translations. »On peut saluer dans le rapport de la Plateforme sur le multilinguisme la large place faite à laterminologie et aux nouvelles technologies de la traduction. Cependant, dans la perspective dela traduction littéraire, il importe ici aussi de refaire le lien entre l’apprentissage des langues, latraduction et les cultures que portent ces langues – sous peine de former de mauvais locuteurset de mauvais traducteurs.En définitive, il faudrait souligner davantage l’impact culturel et politique de la traduction.Mais ce n’est pas chose aisée. Il est en effet est fréquent de rencontrer dans les milieux professionnelsles termes d’ « intraduction » et d’ « extraduction », comme si la traduction n’était aprèstout qu’un mécanisme de régulation entre le dedans et le dehors, le contenant et le contenu.Or la traduction est bien plus et bien autre chose qu’un simple outil au service d’une « gestion desflux ». Elle est un processus complexe, qui engage un ensemble d’acteurs, du traducteur et del’éditeur au lecteur, en passant par les libraires, les bibliothécaires et, last but not least, les médias.Est-il impensable de proposer au niveau européen un programme d’aide à la traductionlittéraire conçu de manière structurante, qui prenne en compte la spécificité du livre parmi lesbiens culturels, et du livre traduit parmi les livres – un programme qui interrogerait ses propresarchives, saurait entendre une pluralité de voix et d’initiatives, se donnerait les moyens de reposerla question de l’offre et la demande, inciterait à la coordination et à la mise en commun àtoutes les étapes de la traduction littéraire, prendrait en compte le débat d’idées et les savoirs ?1 Lire le rapport surhttp ://ec.europa.eu/languages/news/20110707-civil-society-report_en.htm[consulté le 21 octobre 2011]2 Voir http ://ec.europa.eu/culture/documents/activity_report2010.pdf. (p.29)Les questions qui suivent esquissent quelques pistes d’approfondissement du débat.Politique de l’offre ou politique de la demande ?Aucune politique de traduction ne peut se bâtir sur la seule logique de la demande. Ainsi quele prouvent sur le long terme les programmes réussis d’aide à la traduction, le développementde l’offre nourrit la demande. Comment encourager, au niveau européen, une politique de l’offreplus diversifiée, plus ambitieuse, qui suscitera à son tour l’envie de lire d’autres traductions ?

18PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeAu-delà du traducteur, quel statut pour le livre traduit ?Les études sur la traduction se portent presque toujours, et à juste raison, sur l’invisibilité dutraducteur. Cependant, comme le montre également l’état des lieux de la traduction en Méditerranéeque viennent de réaliser Transeuropéennes et la Fondation Anna Lindh avec une quinzainede partenaires de la région euro-méditerranéenne 1 , le livre traduit n’est pas valorisé comme tel.Souvent invisible au moment de sa parution, si ce n’est pour les bestsellers, le livre traduit estcommenté sans référence à la langue d’origine, au processus de traduction, au résultat proposépar le traducteur. Il s’agit ici non seulement d’un problème théorique d’approche de la critiquelittéraire, mais aussi d’une question de compétence chez le critique littéraire, voire d’une réalitéplus ample de désintérêt des médias pour la réalité spécifique de l’œuvre traduite.Quel lien avec les initiatives existantes ?Des réseaux existent, réunissant des associations de traducteurs littéraires (CEATL), descollèges de traducteurs (RECIT), des organismes promouvant les langues moins parléesou moins connues en Europe (comme Traduki, Literature Across Frontiers) ou les échangesavec les langues des pays partenaires de l’UE (comme la Escuela de Traductores de Toledo,la Fondation Next Page, Transeuropéennes).Un « observatoire des langues » est en cours de création, dans la suite de la Plateforme dela société civile pour le multilinguisme. Un observatoire sur la profession des traducteurs a étécréé. Un observatoire euro-méditerranéen de la traduction existe désormais. Comment articulerun programme européen pour la traduction littéraire avec les initiatives existantes ?Ghislaine Glasson Deschaumes _ transeuropeennes1 http ://www.transeuropeennes.eu/fr/62[consulté le 21 octobre 2011]

Martin de Haan _ The translator’s (in)visibilityCEATL _ 12/10/201119Congrès – 2 décembre 2011 – Groupe de travailSituation culturelleet visibilitéde la traductionlittéraire

20PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en Europe(In)visibilitédu traducteurLe paradoxe de la visibilitéÉvoquer la traduction littéraire en termes de visibilité peut d’abord paraître étrange. Un traducteurest censé produire un texte fidèle à l’original, comme s’il lui tenait un miroir – autrement dit, onattend de lui qu’il soit aussi invisible que possible. C’est ce paradoxe qui nous intéresse ici :afin d’être invisible dans le texte – ou plutôt, de fournir une traduction qui puisse rivaliser avecl’original en termes de beauté ou de force de persuasion etc., pour éviter que le lecteur n’aitl’impression de lire une pâle copie d’un original sans doute magnifique –, le traducteur littérairedoit être visible dans la vie réelle comme auteur, c’est-à-dire comme créateur de forme et desens. Sinon, il sera considéré comme un simple « copiste dans une autre langue » et risqueramême de le devenir réellement par manque du capital symbolique et économique nécessaire àla réalisation de traductions de qualité.La mention du nom du traducteurD’un point de vue juridique, les traducteurs littéraires ont depuis longtemps été considérés commedes auteurs d’œuvres originales. L’article 2 de la Convention de Berne pour la protection desœuvres littéraires et artistiques, dont la première version date de 1886, stipule : « Sont protégéscomme des œuvres originales […] les traductions, adaptations, arrangements de musique et autrestransformations d’une œuvre littéraire ou artistique ». La raison évidente de cette disposition est queles traductions littéraires, comme les arrangements musicaux, ne peuvent être produites de façonmécanique, en soumettant l’œuvre originale à un certain nombre de règles fixes : la traduction littéraireest un art dans la mesure où elle repose sur les choix interprétatifs et créatifs du traducteur,choix qui diffèrent d’une personne à l’autre – il est facile de s’en convaincre en comparant deuxtraductions d’un même texte. La traduction littéraire est aussi bien une question de différence (originalité)que d’identité (répétition), et ce fait est confirmé par le droit d’auteur international. Le Conseileuropéen des associations de traducteurs littéraires (CEATL) en tire même sa définition : « Nousentendons par traduction littéraire tout texte dont le traducteur est l’auteur au sens juridique, c’està-diretoute traduction qui, en tant que texte unique, est protégée par le droit d’auteur. »De par leur statut juridique d’auteur, le traducteur littéraire jouit donc de droits moraux surson travail, y compris le droit d’avoir son nom mentionné. Cela inclut également le droit d’êtrementionné – « à moins que cela ne s’avère impossible » – en tant que (co-)auteur dans le cas decitations brèves. En général, et ce n’est guère étonnant, le grand public connaît mal cette législation.Il est en revanche plus étonnant de constater que les rédactions des maisons d’édition,des journaux et des stations de radio et de télévision en savent aussi peu sur leurs obligationslégales que le grand public. Une étude menée par le CEATL auprès de ses membres en 2010-2011 (les conclusions peuvent être consultées sur le site du CEATL) montre que dans la majoritédes pays européens, le nom du traducteur n’est pas mentionné de façon systématique dans lecas de citations brèves (ou même longues).

Martin de Haan _ (In)visibilité du traducteur21Plus révélateurs encore sont les contextes où le livre et l’auteur original sont mentionnéssans qu’aucune citation du texte ne soit faite. Dans ce cas de figure, mentionner le nom dutraducteur n’est généralement pas une obligation légale (même si dans certains pays, le titrefait partie intégrante de l’œuvre, ce qui impliquerait que la simple mention du titre constitue déjàune citation) et le plus souvent, il n’est effectivement pas mentionné – même s’il est clair que lecritique a lu l’œuvre dans sa traduction et non dans sa version originale. Cette attitude courantevient bien sûr de la supposition erronée selon laquelle les traductions doivent (et peuvent) êtreidentiques au texte d’origine – alors que, paradoxalement, les langues européennes ont souventrecours à un mot issu du champ sémantique de la traduction pour qualifier l’exécution unique etsubjective d’une œuvre musicale : interpretation, interprétation, vertolking…Dans le livre lui-même, le nom du traducteur est généralement mentionné : parfois uniquementsur la page de copyright (3 réponses sur 24), le plus souvent sur la page de titre (22 sur 24). Toutefois,le nom du traducteur n’apparaît régulièrement sur la première de couverture que dans trois pays, etsur la quatrième de couverture que dans quatre. Cet état de fait, ajouté à l’absence du nom du traducteurdans les critiques et discussions portant sur des œuvres traduites, montre clairement que laqualité d’auteur du traducteur littéraire n’est toujours pas prise au sérieux – en grand contraste avecdes situations comparables de « double paternité », comme celle des représentations musicales oudramatiques (où il va de soi que l’interprète est le « second auteur » de l’œuvre). Mais à en juger par lenombre de pays (5 sur 24 réponses) où le nom du traducteur apparaît de plus en plus souvent sur lapremière de couverture, un changement est peut-être en train de se produire.Visibilité culturelleLa mention (ou pas) du nom du traducteur n’est en réalité qu’une partie infime de l’iceberg,qu’une première indication de la santé du système. Cette indication peut évidemment s’avérertrompeuse : dans certains pays arabes, par exemple, le nom du traducteur apparaît toujourssur la première de couverture, mais la rémunération y est si basse qu’aucun traducteur n’est enmesure de vivre de son travail tout en livrant des traductions de qualité. Toutefois, globalement,on est en droit de penser que la mention du nom du traducteur sur la couverture va finir par amenerle lecteur à réfléchir au fait que le livre est passé par le cerveau et par le corps d’un secondauteur, voire à se faire une idée du travail de ce dernier (quoique probablement sans pouvoir« discerner le danseur de la danse »), de sorte qu’à l’avenir, le traducteur sera l’un des facteursdéterminants dans son choix de lecture – et dans sa façon de lire.C’est là que commence la visibilité culturelle du traducteur. L’étude du CEATL sur la visibilitéconfirme que l’invitation du traducteur à des conférences de presse, présentations de livre,lectures et débats est loin d’être une pratique répandue dans la plupart des pays européens.Le fait qu’on demande souvent à un comédien de lire la traduction lors d’un événement public,tandis que l’auteur lit son propre texte, est révélateur. Les traducteurs littéraires ne font que derares passages à la télévision pour parler de leur travail et ne sont interviewés par des journauxgénéralistes que lorsqu’ils reçoivent un prix prestigieux ou s’ils ont traduit l’œuvre intégrale deShakespeare ou de Proust. Bref, ils ne sont pas encore visibles d’un point de vue culturel.Pourquoi devraient-ils l’être ? D’abord, parce que la qualité des traductions et la santéphysique et mentale des traducteurs s’en trouveraient largement améliorées. Ensuite, et c’estessentiel, parce que l’invisibilité des traductions et des traducteurs contribue à une vaste impostureculturelle, un conte de fées qui continue de tromper les sociétés humaines depuis la tour deBabel. Cette impostureest celle des métaphores du pont et du bateau, systématiquement utiliséespour caractériser la traduction : le traducteur serait un « jeteur de pont » ou un « passeur »(Über-setzer) permettant à un texte toujours identique de traverser le fleuve entre deux langueset deux cultures. C’est évidemment une théorie rassurante : Babel n’aurait donc causé que desdommages superficiels facilement réparables par le biais de la traduction. Mais il s’agit bel etbien d’une imposture. Les traducteurs ne transportent pas les textes d’une langue à une autre,

22PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en Europeils lisent ces textes et essaient de saisir ce qu’ils y décèlent avec leur propre langage, leur propresubjectivité. Ces deux processus sont actifs et créatifs, c’est pourquoi la traduction est autantune perte (départ) qu’un gain (arrivée).Le dialogue interculturel, censé être au cœur de ce qu’est l’Europe même, ne peut donc en aucuncas être réduit à la simple « diffusion des idées et des savoirs et la circulation des œuvres » quepromeut la Résolution du Conseil relative à une stratégie européenne en faveur du multilinguismeadoptée en 2008. Les livres et les idées ne peuvent traverser les frontières (y compris les frontièresentre les êtres humains) que s’ils sont interprétés et recréés. C’est là l’essence de la traductionlittéraire, et la qualité de ce processus dépend de la visibilité de ses agents.Perspectives et meilleures pratiquesPour ces raisons, presque toutes les associations de traducteurs en Europe cherchent à donneraux traducteurs une meilleure visibilité. Partout en Europe, des événements sont organisés afin desensibiliser le grand public à l’importance culturelle de la traduction et des traducteurs. Afin de faciliterl’échange d’idées entre ses associations membres, le CEATL fait actuellement la collecte desmeilleures pratiques constatées dans ce domaine, qui seront publiées sur son site public et intranet.Bien sûr, il n’existe pas de solution miracle. Pour ce qui est de l’omission du nom du traducteurlors de citations, l’Autriche offre un précédent instructif : en 1999, après avoir entenduà la radio de longs passages extraits de deux de ses traductions, Werner Richter décide depoursuivre la station. Le dossier est présenté devant tous les tribunaux jusqu’à ce que finalement,en 2002, la Cour suprême décide que M. Richter aurait effectivement dû être citécomme auteur. Tous les pays européens n’ont pas la même loi sur le droit d’auteur, mais ils onttous signé la Convention de Berne qui stipule très clairement les conditions que les citationsdoivent remplir : « Les citations […] devront faire mention de la source et du nom de l’auteur, sice nom figure dans la source » (Art. 10.3). En Autriche, cette règle est maintenant bien respectéeen ce qui concerne les traducteurs littéraires.Mais la méthode « dure », juridique, ne peut être efficace sans la méthode « douce » quiconsiste à sensibiliser le grand public et les responsables des maisons d’édition, journaux, festivals,radios etc. Ainsi, on peut lancer des campagnes de presse thématiques, comme celledu CEATL autour du Hexalogue ou « Six commandements du ‘fair-play’ en traduction littéraire »(l’un des commandements étant de toujours mentionner le traducteur quand l’auteur original estmentionné). Une façon plus festive de sensibiliser les lecteurs est d’organiser des événementsà l’échelle internationale ou européenne (comme la Journée internationale des traducteurs pourlaquelle le Groupe de travail du CEATL sur la visibilité est en train de développer des projets).Mais n’oublions pas le plus important : partager son enthousiasme pour des livres et essayerde montrer que des livres traduits peuvent être des œuvres d’art et des sources de savoir à partentière qui servent le texte original, non pas simplement en le répétant mais en le réinventant. Lemeilleur moyen d’y parvenir est probablement d’organiser des rencontres locales qui permettent auxlecteurs d’avoir un contact direct avec le traducteur. C’est pourquoi des initiatives comme la « Weltlesebühne» en Allemagne (www.weltlesebuehne.de) sont particulièrement précieuses. Une sériede lectures et de discussions publiques organisées régulièrement dans différentes villes, voilà ce quipeut permettre au public d’approcher du mystère de la traduction – bien mieux que des événementsde grande ampleur où des personnalités viennent magnifier les ponts jetés entre les cultures.À l’époque de Google Translate, ce type d’actions est d’autant plus urgent que la contributioncréative et culturelle du traducteur littéraire semble plus invisible que jamais. Il y a làune grande responsabilité pourles institutions chargées de protéger et de promouvoir notrediversité culturelle et linguistique.Martin de Haan _ CEATL (conseil européen des associations des traducteurs littéraires)Traduit de l’anglais par Isabelle Cluzel

Martin de Haan _ The translator’s (in)visibilityCEATL _ 12/10/201123Congrès – 2 décembre 2011 – Groupe de travailPolitiqueséditorialeset rapportavec le marché

24PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeTraduction et marché(selon la perspective publique)Qui clame haut et fort que les traductions littéraires constituent un instrument indispensable de lamédiation culturelle tant au sein de l’Europe qu’au-delà, ne fait qu’enfoncer par une lapalissade laporte ouverte de cette salle de conférence. Mais force est de constater aujourd’hui que de multiplespays européens opèrent des coupes impitoyables dans les budgets des arts, que les émotionséquivoques l’emportent sur les arguments politico-culturels – avec pour conséquences l’appauvrissementet la radicalisation du débat public, le déclin de la connaissance et de l’attention portant surce qui se passe dans le reste du monde et la prééminence éhontée des intérêts commerciaux sur lacourtoisie interculturelle. Dans ce contexte, l’importance des traducteurs culturels augmente parceque ces derniers permettent à des cultures de franchir des frontières linguistiques et culturelles etd’ainsi contrebalancer un climat qui asphyxie non seulement toute bonne argumentation mais aussitoute créativité. En outre, l’échange culturel présente un avantage économique et peut faire office demoteur d’une intégration européenne qui, à l’heure actuelle, paraît s’effriter toujours plus.Les principaux acteurs de ce domaine de médiation littéraire sont bien entendu les éditeurs :ils déterminent en premier lieu quelle littérature traduite sera proposée sur le marché, et ils choisissentles traducteurs. Dans leur politique de traduction, ils se laissent idéalement guider par leprincipe de réciprocité, indispensable à un dialogue interculturel : qui souhaite voir ses propresouvrages édités par des collègues étrangers doit être disposé à éditer les traductions d’ouvragesde ces mêmes collègues. Même si chaque maison d’édition littéraire qui se respecte conçoitl’importance de la médiation culturelle et s’y engage autant que faire se peut, générer du bénéficeest une nécessité. Et le bénéfice se réalise avec des traductions de best-sellers internationauxplutôt qu’avec des traductions de perles littéraires qui ne font le bonheur que d’un public fortrestreint. D’où l’émergence dans le monde entier d’une culture croissante du best-seller, qui sereflète dans la publication du plus grand nombre possible de traductions à gros tirage – surtout àpartir de l’anglais – que les éditeurs veulent voir en outre arriver le plus vite possible en librairie afinde profiter au maximum du battage publicitaire.Bien qu’il ait toujours été de bon aloi dans le monde de l’édition de financer la publicationlimitée des dites perles littéraires avec les bénéfices des best-sellers – ce qui au demeurantn’exclut pas que cette catégorie puisse contenir des joyaux littéraires –, on observe sur le planinternational un recul perceptible de la publication de titres à haute teneur littéraire. On peut certesavancer qu’il existe depuis longtemps une surproduction dans bon nombre de pays : dans cetteperspective, le fait que la crise économique y mette un terme ne devrait pas être une tragédie ensoi ; mais il est regrettable que ce soient justement les ouvrages à haute valeur littéraire – et essentiellementceux qui ne sont pas écrits en anglais – qui en pâtissent, avec toutes les conséquencesnéfastes pour la diversité de l’offre littéraire et par extension du dialogue interculturel.Par ailleurs, la culture croissante du best-seller a des conséquences drastiques pour lestraducteurs littéraires : d’une part, on leur accorde de moins en moins de temps pour réaliserleurs traductions, afin de permettre aux éditeurs de profiter de manière optimale du battagemédiatique autour de l’ouvrage à succès ; d’autre part, ils font face à une réduction de l’offre

Peter Bergsma _ Traduction et marché (selon la perspective publique)25littéraire, en particulier quand ils ne traduisent pas de l’anglais. Parallèlement, et aussi paradoxalque cela puisse paraître, nous risquons de connaître bientôt une pénurie internationalede traducteurs littéraires à cause du vieillissement de cette catégorie professionnelle.En résumé, le marché de la traduction littéraire doit faire face aux problèmes suivants :––Une réduction de l’offre littéraire en conséquence de la culture du best-seller ;––Une pression de travail accrue pour les traducteurs littéraires, notamment les traducteursde l’anglais, combinée à un statut précaire et une rémunération totalement insuffisante ;––La menace d’une pénurie de traducteurs littéraires dans un avenir proche.Dans la suite du texte, nous exposons en les illustrant au besoin par les bonnes pratiques dusecteur public des recommandations qui, lorsqu’elles sont réalisées au niveau régional, nationalou européen, contribuent au maintien et à l’essor de la culture européenne de la traduction.Promotion de la diversitéIl incombe bien entendu en premier lieu aux éditeurs eux-mêmes de combattre l’amenuisementde la diversité littéraire. Hélas, les grandes maisons d’édition internationales, nées defusions transnationales, ont cessé depuis longtemps de faire du travail de pionnier et nefont que suivre les tendances du marché sur les injonctions de leurs contrôleurs financiers.Et le marché, c’est-à-dire le public, s’intéresse toujours plus à la culture anglo-saxonne et àsa littérature, une évolution amorcée dans les années 70 du siècle passé. Heureusement, ilexiste dans bon nombre de pays européens des fonds littéraires qui peuvent aider les éditeurs– et par là les traducteurs – à s’acquitter de leur tâche culturelle. Jusqu’à présent, la plupart deces fonds littéraires se consacrent surtout à l’exportation de leur propre littérature au moyende subventions à la traduction octroyées à des éditeurs étrangers. Par ailleurs, il existe aussiun fonds de la Commission européenne qui attribue des subventions aux éditeurs. Si utiles quesoient ces subventions à la traduction, elles s’alignent strictement sur le marché dans la mesureoù elles respectent le choix des éditeurs étrangers, dont nous avons déjà mentionné le suivisme.Voilà qui explique pourquoi l’on retrouve de plus en plus souvent les traductions des mêmesouvrages dans les librairies européennes, à l’instar des rues commerçantes de nos villes oùl’on voit apparaître les mêmes enseignes internationales. En 2010, le Nederlands Letterenfonds(fonds littéraire néerlandais) a pris une initiative en vue de briser ce cycle : il a créé le site internetSchwob, nommé d’après l’auteur, essayiste et traducteur français Marcel Schwob. Ce site internet,www.schwob.nl, présente de la littérature importante des quatre coins du monde qui n’estpas encore disponible en traduction néerlandaise. Cela peut concerner des classiques oubliésou des auteurs contemporains encore inconnus. Chaque mois, des traducteurs, éditeurs étrangers,chercheurs, maîtres de conférence et critiques braquent les projecteurs sur un nouvelouvrage par le biais de textes, d’interviews, de fiches de lecture et de traduction d’extraits, ainsique des informations relatives au tirage, aux éventuelles attributions de prix, aux possibilités desubvention à l’étranger et aux droits. Afin de réduire le risque financier d’une nouvelle traductionlittéraire pour les éditeurs néerlandais, ceux-ci peuvent s’adresser aux fonds littéraires pour unesubvention maximale de 70 % de la totalité des frais de publication. Cette initiative n’a pas pourobjectif explicite de créer une réserve d’ouvrages oubliés, mais de donner une véritable chancecommerciale à de la littérature de haut vol. Le but de l’initiative n’est pas de dicter la politiqueéditoriale des éditeurs littéraires, ni même de la guider, mais uniquement d’aider ces derniersà élargir leur horizon littéraire. La promotion de la diversité littéraire mérite que l’on suive cetteinitiative, tant au niveau national qu’européen.

26PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropePression de travail, statut et rémunération des traducteurs littérairesComme mentionné dans l’introduction, la culture du best-seller contraint les éditeurs littéraires àmettre les traductions de plus en plus vite sur le marché, ce qui oblige les traducteurs littérairesà travailler toujours plus vite. Par ailleurs, une étude comparative des revenus des traducteurslittéraires en Europe réalisée en 2007 par le CEATL démontre que la majorité d’entre eux gagneau mieux 67 % du revenu d’un ouvrier d’usine ; dans certains pays cela descend même jusqu’à40 %. Voilà qui crée une impasse : d’une part, le traducteur est obligé de travailler de plus enplus vite, de l’autre les maigres revenus de ses traductions le forcent à accomplir des activitéssubalternes pour survivre, au détriment du temps à consacrer à ses traductions littéraires.C’est avant tout aux éditeurs qu’il incombe de rémunérer les traducteurs conformément à leurniveau de formation, leur effort créatif, l’investissement en temps qu’ils fournissent et l’intérêtculturel de leur travail. Sur ce plan, presque tous les pays européens ont fort à faire pourredresser la situation. Ceci est non seulement vrai en matière de rémunération, dont les tristeschampions sont l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la plupart des pays d’Europe Centrale et de l’Est,mais aussi en matière de contrats standards incluant le règlement de royalties et autres droitsd’auteur, clauses auxquelles quasi tous les pays européens se dérobent. Mais même si les éditeurslittéraires se mobilisaient pour traiter plus correctement leurs traducteurs, ils ne pourraientjamais leur procurer un revenu décent, car le livre traduit ne survivrait pas aux lois du marché enraison de sa cherté. Aussi, un système de bourse de travail comme il en existe par exemple auxPays-Bas et en Flandre s’avère indispensable : d’une part pour garantir un revenu acceptableau traducteur littéraire et d’autre part pour lui permettre de travailler à ses traductions dans uncalme relatif et en assurer ainsi la qualité. La création d’un tel système de bourse de travail revienten premier lieu aux fonds littéraires nationaux, dont nous avons vu que la plupart se consacrentsurtout à l’exportation de leur propre littérature. Il leur faudra prendre mieux conscience du faitque les échanges culturels ne fonctionnent pas à sens unique et que s’il leur faut soutenir leséditeurs étrangers, ils doivent en faire autant pour leurs propres traducteurs. En tant que grandepuissance qui ne peut exister que par la grâce de la diversité culturelle et linguistique, l’Unioneuropéenne doit contribuer à une rémunération acceptable de celui qui garantit cette diversitépar excellence, à savoir le traducteur littéraire. Il faudrait, par exemple, réfléchir à un système debourse de travail couplé au programme de subventions de la CE pour les traducteurs littéraires.Il va de soi que lors de l’attribution d’une bourse de travail, il faut exiger de la part de l’éditeuren question qu’il s’engage à rémunérer le traducteur au moins selon les critères en vigueur dansson pays, une exigence qui devrait d’ailleurs aussi valoir sans exception pour les « subventions àl’exportation » dont bénéficient les éditeurs étrangers.Tout aussi indispensable qu’un statut et une rémunération acceptables permettant aux traducteurslittéraires d’effectuer leur travail dans un calme relatif et de prétendre à la meilleure qualitépossible, est le contact avec la langue et la culture source et avec des collègues allophonesqui traduisent à partir de ou vers cette même langue source. Dans ce cadre, le système des maisonsde traducteurs représente une possibilité relativement modeste mais efficace. Bon nombrede pays européens en comptent une ou deux à l’heure actuelle, dont quatorze sont réunies dansle réseau RECIT. Celles-ci accueillent annuellement quelque cinq cents traducteurs pour unepériode de deux semaines à deux mois, et animent des dizaines d’ateliers de traduction par an,tant pour des traducteurs débutants que chevronnés. En outre, elles organisent chaque annéede multiples événements autour de la traduction littéraire, auxquels sont associés des milliersd’intéressés, tant des collègues que d’autres passionnés de traduction. Jusqu’en 2006, les maisonsde traducteurs du réseau RECIT demandaient une subvention d’un an à la Commissioneuropéenne, un soutien qu’ils ont pour ainsi dire toujours obtenu. Mais le nouveau programmeculturel non sectoriel 2007-2013 ne prévoit plus de budget littéraire fixe et oblige toutes les disciplinesartistiques à se faire concurrence dans leurs requêtes de subventions européennes :depuis, presque toutes les demandes des maisons de traducteurs ont été refusées. Entre-tempsla Commission européenne a manifesté un nouvel intérêt pour la traduction littéraire, comme en

Peter Bergsma _ Traduction et marché (selon la perspective publique)27témoignent l’organisation d’un important congrès de traduction littéraire en 2009 et la créationde la Civil Society Platform for Multilingualism, dans laquelle il a été abondamment questionde la traduction littéraire. Pendant le congrès comme au sein de la Plate-forme, le CEATL etle réseau RECIT ont insisté sur un double soutien renouvelé pour les maisons de traducteurs,d’une part sous la forme d’une subvention de fonctionnement annuelle, et d’autre part sous laforme d’un système de bourses de voyage, d’après le modèle du programme Erasmus, pour destraducteurs qui souhaitent effectuer une résidence dans des maisons de traducteurs.La menace d’une pénurie de traducteursLes recherches mettent en lumière un vieillissement de l’effectif de traducteurs dans bien despays européens. Il est vrai que bon nombre de ces pays disposent de formations de traductionlittéraire, universitaires ou non, dont des données chiffrées plus spécifiques sont attenduesau cours de l’année grâce à une étude du CEATL portant sur la situation de ces formationsen Europe. Il s’avère cependant que trop peu de diplômés s’orientent vers le marché de latraduction littéraire pour contrer le vieillissement de la profession. Cette tendance découle sansaucun doute de la situation sociale et financière précaire décrite précédemment et ne prendrafin que lorsque les éditeurs et les institutions nationales et européennes s’efforceront de rendrela profession plus attrayante sur le plan financier et plus gratifiante sur le plan social. Qui plusest, l’extension de la visibilité des traducteurs littéraires est un élément incontournable qui,outre la consolidation de leur statut économique et culturel, générera plus d’estime de la partdes lecteurs et des critiques et plus d’intérêt pour cette profession chez les jeunes. Cette tâcherelève tant de la responsabilité des éditeurs que de celle des institutions européennes.SynthèseEn synthétisant ce qui précède, nous en pouvons distiller les recommandations suivantes :––Tant les fonds littéraires nationaux que la Commission européenne doivent stimulerles éditeurs littéraires, au moyen de conseils et de soutien financier, à mener une politiquede traduction plus variée, pour laquelle le site internet Schwob du fonds littérairenéerlandais peut servir d’exemple ;––Tant les fonds littéraires nationaux que la Commission européenne ont l’obligationde s’engager à rehausser le statut social et la rémunération du traducteur littéraire :les fonds littéraires et la CE pourraient mettre en place un système de bourses de travailà cet effet. Et les éditeurs pourraient décider de ne plus considérer le traducteur commeun simple poste budgétaire, un mal nécessaire en quelque sorte, mais le traiter en fonctionde son niveau de formation, son effort créatif, l’investissement en temps qu’il fournitet l’intérêt culturel de son travail ;––Tant les fonds littéraires et la Commission européenne que les éditeurs littéraires devraientpromouvoir une plus grande visibilité des traducteurs littéraires, afin de consolider leurstatut social et financier et rendre la profession plus attrayante pour les générations futures.Que ces recommandations coûteront de l’argent à toutes les parties intéressées est une évidenceet en ces temps de rigueur économique, celle-ci se provoquera bien entendu des réticences. Parailleurs, dans une période où les échanges culturels subissent de plus en plus de pression, unepolitique de traduction intensifiée au niveau national et européen est incontournable. La Commissioneuropéenne qui tient depuis toujours les échanges culturels en haute estime devra faire dela traduction littéraire le fer de lance de son nouveau programme culturel comme d’autres programmes,ou en tout cas lui donner une priorité plus élevée que cela n’a été le cas jusqu’à présent.Peter Bergsma _ nederlands letterenfondsTraduit du néérlandais par Isabelle Grynberg & Monique Nagielkopf

28PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeCongrès – 2 décembre 2011 – Groupe de travailStatut économiqueet socialdu traducteurlittéraire en Europe

Holger Fock _ La littérature internationale prospère, les traducteurs littéraires jeûnent29La littérature internationaleprospère, les traducteurslittéraires jeûnentSituation matérielle et sociale du traducteur littéraire en Europe 1La littérature européenne c’est la traductionLes statistiques de l’UNESCO, des bibliothèques nationales, des associations d’éditeurs, desfoires du livre internationales ou encore du « Diversity Report » ainsi que quelques études dumarché de la traduction littéraire au niveau national ou international, telle l’étude du CEATL 2 ,montrent que la traduction littéraire continue à prospérer depuis des décennies.Dans 10 pays (Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Lituanie, Norvège, Pays-Bas,Suède, Tchéquie) un tiers ou plus de toutes les nouvelles parutions sont des traductions. Situationplus réjouissante encore pour la fiction : dans 9 pays plus de la moitié des nouveautéssont des traductions. Bien sûr, la proportion de traductions est beaucoup plus grande pour les« petites » langues ou dans les petits pays ; il est néanmoins étonnant que les proportions enAutriche, Allemagne et Suisse atteignent moins de 10 % et seulement 3 % en Grande-Bretagne.Concrètement, trois fois plus de traductions sont publiées en Espagne qu’en Allemagne;elles sont encore deux fois plus nombreuses en Italie , et dans le domaine de la fiction, lesFrançais et même les Tchèques traduisent plus de livres par an que les Allemands. Les vrais« champions européens » de la traduction littéraire sont les Tchèques et les Slovaques avec uneproportion de 80 % pour la fiction.Toute cette belle diversité est en contradiction avec ce constat frappant : presque partout lestraductions de l’anglais constituent entre la moitié et les trois quarts de toutes les traductions. Orla Grande-Bretagne ne compte que 3 % de traductions dans les nouveautés. Malgré ce déséquilibreon peut constater que la littérature européenne se fonde sur la traduction.La traduction littéraire est donc en plein essor ; dans certains pays, la littérature est mêmearrivée à une surproduction qui pèse sur les marchés, et on pourrait supposer que les créateursde ses œuvres, les traducteurs littéraires, se portent plus ou moins bien – ainsi que leurs éditeurs.En réalité, dans presque tous les pays de l’Europe les traducteurs littéraires et leurs associationsse plaignent, se trouvant dans une situation précaire ou dans la misère. Apparemmentquelque chose ne fonctionne pas sur les marchés du livre.1 Résumé et conclusion se fondentsur l’étude du CEATL : Revenuscomparés des traducteurs littérairesen Europe / ComparedIncome of Literary Translators inEurope, Bruxelles/Brussels 2008.2 Holger Fock, Martin de Haan,Alena Lhotova, Revenus comparésdes traducteurs littérairesen Europe/Compared Incomeof Literary Translators in EuropeCEATL Bruxelles 2008, voir:www.ceatl.org/docs/surveyfr.pdfou http://www.ceatl.org/docs/surveyuk.pdfLes revenus des traducteurs littéraires –un paysage dissocié et disparateJusqu’en 2008 on ne disposait pas de chiffres comparables sur les revenus des traducteurs littéraires.Les enquêtes restreintes du CEATL (1994), du FEP (2005) ou du LCB (2006) ne portaientque sur les rémunérations soit par feuillet bien défini, soit par mot ou par signe (espaces inclus).En effet, dans certains pays les autres sources de revenus ne jouent aucun rôle : participationproportionnelle à l’exploitation principale et continue, aux droits annexes et dérivés ainsi qu’auxdroits de gestion collective, obtention de bourses. Or, pour compléter l’image du traducteurlittéraire en Europe, il faudrait quand même prendre en compte toutes sortes de revenus, enparticulier les bourses qui sont d’une grande importance dans certains pays.

30PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeDe plus ces chiffres n’ont pas de valeur, si on les compare directement sans tenir compte desdifférences énormes de niveau de vie, des revenus en général et du pouvoir d’achat en Europe.Il en va de même avec les systèmes sociaux et fiscaux. Et il faut pour finir prendre en considérationune productivité littéraire très différente chez les traducteurs d’un pays à l’autre. Pourne citer que les deux exemples les plus extrêmes : aux Pays-Bas, où les traducteurs littérairesprofitent du meilleur système boursier en Europe, la production moyenne par an d’un traducteurlittéraire s’élève à 800 pages (à 1800 signes espaces inclus), en Espagne à 1600 pages à2100 signes espaces inclus, mais les traducteurs payés aux tarifs minimums traduisent souventjusqu’à 2500 pages par an – on imagine bien sûr les répercussions sur la qualité littérairedes traductions dans chacun de ces pays.C’est pourquoi le CEATL a lancé en 2007 une première enquête auprès de ses associationsmembres en tenant compte de l’ensemble de ces différences, pour obtenir des donnéesréellement comparables. Fin de l’année 2008 le CEATL publiait la première étude sur les revenuscomparés des traducteurs littéraires. Pour avoir des données encore mieux fondées, leCEATL a lancé une nouvelle enquête de plus grande envergure en 2011 par le biais de sesassociations membres auprès de leurs adhérents individuels, des enquêtes qui se déroulentpendant cette année et qui mettent les associations dans une situation plus confortable pourrépondre aux questions du CEATL. On attend les résultats de la deuxième édition de l’enquêtedu CEATL pour le printemps 2012.Revenus à bout de souffleL’image splendide de la traduction littéraire s’assombrit si l’on regarde de plus près les revenusdes traducteurs. Dans la plupart des pays leurs revenus bruts n’atteignent même pas les deuxtiers des salaires moyens bruts dans la production industrielle et les services (secteur PIS). Et sil’on compare leurs revenus nets au standard du pouvoir d’achat par personne (SPA), la misèreest plus évidente encore : les traducteurs littéraires n’atteignent qu’à 60 % du SPA, mais dansdeux tiers des pays moins de 50 % du SPA.Mais il y a quand même des différences importantes entre les pays ainsi qu’entre les traducteursd’un pays, entre ceux qui travaillent aux tarifs et avec des revenus minimums d’une part,et d’autre part ceux qui bénéficient de rémunérations maximums et de bourses. C’est pourquoiil est utile de regarder les détails au plus près.Dans 10 pays, (Italie, Finlande, Allemagne, Grèce, Autriche, Danemark, Suisse, Tchéquie,Catalogne et Slovaquie), les traducteurs littéraires travaillant au tarif minimum gagnent moins de40 % du revenu moyen brut dans le secteur PIS, et dans 6 pays leurs revenus n’atteignent pasles deux tiers. Dans 16 pays, même les revenus bruts des traducteurs les plus chanceux, quibénéficient des tarifs maximums et qui ont accès à des bourses, n’atteignent pas les revenusmoyens bruts d’un ouvrier industriel. C’est uniquement dans les pays où le niveau des salairesest encore assez bas (notamment dans les pays du Sud de l’Europe) ou même très bas (dansles pays de l’Europe de l’Est) que les revenus bruts des traducteurs peuvent dépasser (pour lestarifs maximums) les revenus moyens bruts des employés dans le secteur PIS. Cependant lacomparaison des revenus moyens bruts est peu significative pour ces pays – ce que confirme lacomparaison des revenus nets (voir ci-dessous).L’échelle des revenus moyens bruts des traducteurs – statistiquement la plus significative –montre qu’il n’existe qu’un pays, parmi les pays d’économies fortes, où les traducteurs littérairesgagnent plus de 80 % du revenu moyen brut (France, 83 %), 3 pays où ils gagnent plus de 70 %(Grande-Bretagne, Irlande, Suède), et encore 3 pays où ils dépassent les 60 % (Belgique, Norvège,Pays-Bas). Cependant ces chiffres ne veulent pas dire grand chose pour des pays commela Belgique, la Grande-Bretagne et l’Irlande étant donné qu’il n’y a presque pas de traducteurslittéraires professionnels dans ces pays.

Holger Fock _ La littérature internationale prospère, les traducteurs littéraires jeûnent31En Italie, la situation est catastrophique. En Grèce, en Allemagne, en Finlande, en Autriche, auDanemark et en Suisse la situation matérielle des traducteurs est critique, les traducteurs littérairesprofessionnels vivent dans la précarité, voire à la limite du minimum vital. Sans parler del’Espagne, y compris ses régions, où les montants des revenus sont le résultat d’une productivitémoyenne par traducteur littéraire dépassant de loin celle des autres pays (aux dépens de laqualité littéraire des traductions – voir ci-dessus).Si l’on compare leurs revenus nets au Standard du Pouvoir d’Achat par personne (SPA), lamisère des traducteurs littéraires dans la plupart des pays de l’Europe est encore plus frappante.Dans 9 pays (Catalogne, Espagne, Grèce, Italie, Lituanie, Pays basque, Slovaquie, Slovénie,et Tchéquie) ceux qui travaillent au minimum des revenus nets – ce qui arrive très souventaux traducteurs de livres difficiles ou de haut vol littéraire – ne disposent même pas de 30 %du SPA, dans 7 pays (Finlande, Autriche, Portugal, Allemagne, Pays-Bas, Danemark et Croatie)entre 30 % et 40 % du SPA, et dans 6 pays entre 40 % et 50 % du SPA (Belgique, France,Grande-Bretagne, Norvège, Suède et Suisse). Si la situation en Tchéquie, en Slovaquie et enGrèce est la pire, il faut tout de même noter que dans 20 pays sur 23 le pouvoir d’achat moyendes traducteurs littéraires est en dessous de 60 % du SPA.En prenant comme base de comparaison la moyenne des revenus nets, on constate quedans 2 pays les revenus nets des traducteurs littéraires ne dépassent même pas 30 % du SPA(Grèce 29 %, Tchéquie 19 %), dans 4 pays (Catalogne, Finlande, Italie, Slovaquie) ils atteignententre 30 % et 40 %, dans 8 pays (Allemagne, Autriche, Espagne, Lituanie, Pays-Bas, Paysbasque, Portugal et Slovénie) entre 40 % et 50 % et dans 6 pays (Danemark, Belgique, Norvège,Croatie, Suisse, Suède) entre 50 % et 60 %.Même en prenant comme base de comparaison les revenus maximums que les traducteurslittéraires professionnels peuvent gagner, il n’y a que 2 pays, la Grande-Bretagne et l’Irlande,où leurs revenus nets pourraient dépasser le SPA, mais dans ces 2 pays il n’y a pas de traducteurslittéraires « professionnels » au sens où nous l’entendons – et même dans les pays où il y abeaucoup de traducteurs littéraires « professionnels », moins de 10 % arrivent à des tarifs et desrevenus maximums.Si l’on fait abstraction des pays où il y peu ou prou de traducteurs littéraires « professionnels» (Grande-Bretagne, Grèce, Irlande, Slovaquie), on dénombre 3 pays (la France, la Croatieet le Danemark) où les revenus nets maximums des traducteurs littéraires peuvent occasionnellementatteindre les trois quarts du SPA, contre 13 pays où les revenus nets maximumsn’atteignent jamais les deux tiers du SPA.Autres résultats marquantsRelation entre accords avec l’édition ou codes d’usages et revenus :En général les revenus des traducteurs littéraires sont plus stables et plus élevés dans les paysoù existent des accords ou une réglementation entre traducteurs et éditeurs concernant larémunération et les pourcentages ou la participation à l’exploitation.Par « plus stables », nous entendons que les écarts entre les revenus minimum et maximumsont beaucoup moins importants, tandis que dans les pays sans aucune réglementation ouentente avec les éditeurs, les écarts entre les revenus, et tout particulièrement entre les rémunérationspar page, sont nettement plus grands.Surtout dans les pays qui ne disposent pas d’un droit d’auteur bien établi ou dans lesquelsle droit d’auteur n’a pas force de loi ou est encore mal respecté (par. ex. la Grèce, l’Italie,la Lituanie, la Tchéquie, la Slovaquie), les écarts entre les revenus minimum et maximumsont considérables.

32PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeInfluence des droits de gestion collective et des boursesPar contre les conditions de vie des traducteurs littéraires sont nettement meilleures dans lespays qui disposent de systèmes de bourses, qu’il s’agisse de fonds financés par l’État (ministèresde la culture) par exemple aux Pays-Bas, soit de fonds financés par des sociétés de gestioncollective comme au Danemark, ou d’une combinaison des deux types de financementcomme en Norvège.Participations et pourcentagesÉtant donné que le travail d’un traducteur littéraire est d’une part une commande de l’éditeur,rémunérée au forfait, et d’autre part une œuvre de l’esprit, le traducteur littéraire devra avoirdroit, en plus de la rémunération de base, à une participation proportionnelle, en général unpourcentage des recettes liées à l’exploitation.Dans les « grands » pays, où les tirages moyens sont plus élevés, on peut améliorer les revenusdes traducteurs littéraires de façon significative par une participation appropriée à l’exploitation,surtout si les pourcentages s’additionnent à une rémunération sur base forfaitaire(par exemple aux Pays-Bas).Mais si le pourcentage n’est qu’un amortissement de l’à-valoir, ne fournissant plus de revenusque dans le cas des « bestsellers », cela n’a pas d’effet sur les revenus moyens des traducteurs.Dans les « petits » pays, où les tirages moyens sont plus bas, des participations comme lespourcentages ne peuvent pas augmenter les revenus.Dans les pays où il y a un grand marché du livre de poche et un marché florissant du livreaudio, les droits annexes et dérivés peuvent considérablement contribuer à l’augmentation desrevenus des traducteurs littéraires.Conclusions et …L’étude du CEATL de 2008 ainsi que maintes enquêtes dans les associations nationalesdémontrent que les revenus moyens nets des traducteurs littéraires atteignent au maximum60 % du SPA, sachant que dans deux tiers des pays ils sont inférieurs à 50 %. Autrement dit :la grande majorité des traducteurs littéraires en Europe vit à la limite ou au-dessous duseuil de pauvreté.Les meilleures conditions de vie pour les traducteurs existent dans des pays qui disposentde systèmes de bourses, financés directement par l’État (par des fonds) ou de manière indirectesous forme de prêts publics et de garanties d’achat des bibliothèques –notamment aux Pays-Bas et dans les pays nordiques – et dans les pays avec des accords entre traducteurs et éditeursou avec des codes d’usage (comme en France par ex.) Mais il faut ajouter que dans la plupartdes pays, malgré l’essor formidable du marché du livre, la situation des traducteurs littérairesne s’est pas améliorée depuis 1990, comme le dénonce au niveau national un grand manifesteaux Pays-Bas (2008) 1 ainsi que « Le Livre blanc » en Espagne (2010), ou s’est même dégradéecomme en France, ce qu’a récemment montré le « Rapport Assouline »(2011) 2 .1 Martin de Haan, Rokus Hofstede,A pamphlet for preservinga flourishing translation culture,Amsterdam 20082 Pierre Assouline, La Conditiondu traducteur, Centre Nationaldu Livre, Paris 2011.… PerspectivesLa situation des éditeurs s’aggrave même de plus en plus – pression des grandes chaînes dedistribution et du commerce en général, de l’augmentation du nombre de nouveautés accompagnépar une diminution des tirages, pression sur les prix due à la concurrence des livresnumériques (e-book) etc. – les marges à l’augmentation nécessaire de la rémunération sontassez limitées. Toutefois, l’étude du CEATL démontre clairement que les traducteurs littérairesne peuvent subsister dans les conditions que leur impose « le marché ».

Holger Fock _ La littérature internationale prospère, les traducteurs littéraires jeûnent33Quel problème social dans un continent qui se veut développé, multilinguistique et multiculturel! Mais c’est surtout un très grave problème artistique et culturel. Que dire de la qualité deséchanges littéraires entre nos sociétés, si les traducteurs littéraires sont obligés de bâcler leurtravail pour pouvoir manger ? Les objectifs établis par l’UNESCO dans sa Recommandation deNairobi de 1976 sont loin d’être réalisés. Il est grand temps d’agir.Donc il est nécessaire de trouver d’autres moyens pour que les traducteurs puissent vivre ettravailler d’une façon décente. Les meilleurs exemples à suivre sont les fonds et les systèmes debourses existant aux Pays-Bas et en Norvège. Si l’Union Européenne veut se présenter commeun espace d’échanges culturels, il est grand temps pour l’Europe de venir en aide aux traducteurslittéraires qui sont à la source de tout échange culturel, qui en constituent les bases. Dansles faits nous espérons quelque chose de l’ordre d’un « Fonds européen pour traducteurs littéraires». Mais qui vaHolger Fock _ CEATL (conseil européen des associations des traducteurs littéraires)

34PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en Europeannexes

Cecilie Cave _ La Commission européenne soutient la diversité littéraire35La Commission européennesoutient la diversité littéraireLa traduction d’œuvres littéraires peut apporter une double contribution aux objectifs de l’Unioneuropéenne visant à soutenir la diversité culturelle et linguistique définie dans les Articles 3et 167 du Traité. Premièrement, la traduction littéraire permet aux lecteurs d’accéder à desœuvres majeures de la littérature mondiale qui font partie de notre patrimoine culturel commun.Deuxièmement, la traduction littéraire contribue à la diversité nationale et régionale en donnantune meilleure visibilité à la culture littéraire de tous les États membres, ainsi mieux connue etappréciée. La traduction littéraire représente également l’un des principaux moyens de favoriserla diffusion des œuvres culturelles.Le programme « Culture » de l’Union européenne (2007-2013) contient un volet consacré àla traduction littéraire qui prévoit la diffusion la plus large possible des œuvres littéraires écritesdans une langue européenne. Avec un budget de plus de 3 millions d’euros par an, l’UE soutientla traduction de livres dans toutes les langues officielles de l’UE ainsi que dans celles des payspartenaires de ce Programme. Depuis son lancement en 2007, le programme « Culture » a permisde financer la traduction de plus de 2 000 œuvres littéraires, soit une aide totale de 11 millionsd’euros. Les maisons d’éditions ou groupes éditoriaux peuvent bénéficier de bourses allant de2 000 à 60 000 euros pour la traduction d’œuvres de fiction, tous genres confondus (poésie,roman, conte, bande dessinée, théâtre). L’objectif global de ce programme d’aide est de favoriserla diffusion de la littérature européenne. Le mécanisme adopté à cet effet – financementpublic sous forme de bourses – porte ses fruits car il permet de réduire les contraintes ou lesrisques financiers que représente la publication d’un auteur étranger pour un éditeur européen.Dans le cadre du programme « Culture », l’UE a également créé un Prix européen de littératurecontemporaine en 2009. Il vise à célébrer la diversité de la fiction européenne, à faireconnaître les auteurs au-delà de leurs frontières nationales, notamment par la traductionde leur œuvre et à favoriser la diffusion internationale de la littérature de façon générale.C’est un prix unique car il est le seul à récompenser des auteurs originaires de multiples payseuropéens qui représentent différentes langues. La compétition est ouverte aux 36 pays participantau programme « Culture ». Chaque année, les jurys nationaux des 12 pays candidatsdésignent les lauréats de sorte qu’en trois ans, tous les pays européens sont représentés.Le palmarès est annoncé chaque année lors de la Foire du livre de Francfort, suivi d’une cérémoniede remise des prix qui a lieu à Bruxelles en novembre.Afin de faire connaître les lauréats de ce prix dans le plus grand nombre de langues possible,le programme « Culture » contribue depuis 2010 à la traduction de 19 des 23 auteurs récompensésen 12 langues, par exemple en bulgare, italien, tchèque ou slovène. Ainsi, Longshore Drift(« Dérive littorale ») de Karen Gillece, lauréate irlandaise en 2009, a pu être traduit en croate,hongrois, lituanien et polonais ; De Bewaker (« Le gardien ») qui a valu au Belge Peter Terrin le prix2010, est disponible en bulgare, tchèque, hongrois et serbe.

36PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropePar ailleurs, un projet de coopération sur trois soutenus par le programme « Culture » concernela littérature, la lecture et les livres. Ces projets rassemblent des acteurs européens afin desensibiliser le grand public au patrimoine linguistique, de faciliter l’accès à la littérature et defavoriser la mobilité des écrivains et traducteurs grâce à des résidences mises à leur disposition.Parmi ces acteurs, on retrouve des bibliothèques publiques, des écrivains et des associationsde traducteurs. Chaque année, le programme « Culture » soutient environ 130 projets de coopérationpour un budget annuel de 25 millions d’euros.Prix européen de littérature : http ://ec.europa.eu/culture/our-programmes-and-actions/prizes/literature-prize_fr.htmProgramme « Culture » : http ://ec.europa.eu/cultureCecilie Cave _ Commission européenne – dg culturetraduit de l’anglais par Isabelle CluzelPrésentation des projets destinés à promouvoirla diversité littéraire et la traduction littérairedans le cadre du programme EFTLV Jeunesse et culture (2007-)EFTLVProgramme Principal organisateur Nom du projet2007 Activité clé n°2Langues –Projet multilatéral2007 Activité clé n°2Langues – Réseau2008 Comenius –Projet multilatéral2008 Grundtvig –Projet multilatéral2009 Comenius –Projet multilatéral2009 Comenius –Projet multilatéral2009 Erasmsus Mundus –Action 1a (masters)2009 Erasmus Mundus –Action 1b (doctorats)Cilt The NationalCentre For LanguagesThe WelshLanguage BoardAcadémiedes Sciences BulgareL’uniondes AssociationsmultikulturaUniversitéde GroningenThe Universityof the Westof England, BristolUniversitéde Porto, PortugalScuola di dottoratoin scienze letterarieuniversita degli studidi Bergamo135123-LLP-1-2007-1-UK-KA2-KA2MPLingu@net Europa EXTRA.Subvention UE : 246 367 EUR135427-LLP-1-2007-1-UK-KA2-KA2NWNetwork to Promote Linguistic Diversity.Subvention UE : 447 535 EUR142075-LLP-1-2008-1-BG-COMENIUS-CMPIntercompetency and dialogue through literature.Subvention UE : 275 740 EUR141924-LLP-1-2008-1-PL-Grundtvig-GMPeMULTIPOETRY.Subvention UE : 300 000 EUR502357-LLP-1-2009-1-NL-COMENIUS-CMPLiterature Framework for TeachersSecondary Education.Subvention UE : 300 000 EUR503589-LLP-1-2009-1-UK-COMENIUS-CMPThe Learning & Teaching of Children’sLiterature in Europe.Subvention UE : 176 199159452-1-2009-1-PT-EMMCGerman literature in the European Middle Ages159881-1-2009-1-IT-EMJDCultural studies in literary interzones

Cecilie Cave _ La Commission européenne soutient la diversité littéraire372010 Comenius –Projet multilatéral2010 Comenius –Projet multilatéral2011 Activité clé n°2Langues – Réseau2011 Grundtvig –Projet multilatéralUniversitéde JyväskyläUniversità degli StudiGuglielmo Marconi-TelematicaAssisesde la TraductionLittéraire en ArlesLandcommanderijAlden Biesen510127-LLP-1-2010-1-FI-COMENIUS-CMPA Science-Based Tool for Training Fluencyin Literacy for Teachers and Learners.Subvention UE : 275 919 EUR510834-LLP-1-2010-1-IT-COMENIUS-CMPTraining teachers to make READingfun through digITal storytelling.Subvention UE : 297 217 EUR519386-LLP-1-2011-1-FR-KA2-KA2NWLa Fabrique européenne des traducteurs.Subvention UE : 450 000 EUR518365-LLP-1-2011-1-BE-GRUNDTVIG-GMPSheherazade, 1001 stories for adult learning.Subvention UE : 299 980 EURJeunesse en actionProgramme Principal organisateur Nom du projet2011 1.1 échangesde jeunes2011 2 – Servicevolontaireeuropéen2008 3.1 – Projetsjeunesse avecdes pays tiersGiosef – GiovaniSenza Frontiere –Caserta, ItalieONG Mondo, EstonieAssociationde littératurejeunesse de Skopje521169-1.1-IT-2011-R2The Volunteer Library.Subvention UE : 23 909 EUR521204-2-EE-2011-R2Letters from the world : Global educationthrough reading clubs.Subvention UE : 9 829 EUR142253 3.1 YE MK* 225 2008 RlYouth Literature association Skopje.Subvention UE : 11 454 EURCultureProgramme Principal organisateur Nom du projet2007 1.1 – Projetsde coopérationmulti-annuels2007 1.2.1 – Mesuresde coopération2007 1.3.5 – Projet spécialavec des pays tiersCentre culturelde Stavanger, NorvègeEurozine, AutricheHrvatski savez zaesperanto -KroataEsperanto-Ligo, CroatieSHAHRAZADEurozine – Traduction de culturesIndian children’s book in Europe –three European children’s books in India.Subvention UE : 63 950 EUR2007 2 – Réseau Congrès des écrivainseuropéens, BelgiqueCongrès des écrivains européens2008 1.1 – Projetsde coopérationmulti-annuelsMercator Centre,AberystwythUniversity,Royaume-UniLiterature Across Frontiers.Subvention UE : 1 384 620 EUR

38PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en Europe2008 1.2.1 – Mesuresde coopération2008 1.2.1 – Mesuresde coopération2008 1.2.1 – Mesuresde coopération2008 1.2.1 – Mesuresde coopération2008 1.2.1 – Mesuresde coopérationUniversita Di Napoli,L’orientale, ItalieEurozine, AutricheHi8us Midlands,Royaume-UniProvincia Di Pescara,ItalieStudentska Zalozba,SlovénieL’Europe comme espace de traductionA Longlasting Cultural Programmeand a Festival.Subvention UE : 118 378 EUREurozine – Europe Talks To Europe.Subvention UE : 188 940 EURCOMIXSubvention UE : 184 268 EURPopular Roots of European Culture ThroughFilm, Comics and Serialized Literature.Subvention UE : 159 480 EURMoving Borders with the Days of Poetry andWine Medana Festival.Subvention UE : 191 219 EUR2008 1.2.1 – Mesuresde coopérationBaltic Centre for Writers Common Sea – Come And See !and Translators, Suède Subvention UE : 199 615 EUR2008 2 – Ambassadeur Tigh Fili, Irlande Poets House.Subvention UE : 74 925 EUR2008 2 – Réseau Eurozine, Autriche Eurozine.Subvention UE : 100 000 EUR2008 2 – Réseau Congrès des écrivainseuropéens, BelgiqueCongrès des écrivains européensSubvention UE : 62 000 EUR2009 1.1 – Projetsde coopérationmulti-annuels2009 1.2.1 – Mesuresde coopérationUniversität Innsbruck,AutricheInternational PEN,Royaume-UniEbooks on Demand –A European Library Network (Eod)Subvention UE : 1 815 226 EURFree The Word !Subvention UE : 200 000 EUR2009 2 – Réseau Congrès des écrivainseuropéens, BelgiqueCongrès des écrivains européensSubvention UE : 64 020 EUR2009 2 – Réseau Eurozine, Autriche Eurozine.Subvention UE : 100 000 EUR2010 1.1. – Projetsde coopérationmulti-annuels2010 1.2.1 – Mesuresde coopération2010 1.2.1 – Mesuresde coopération2010 1.2.1 – Mesuresde coopérationDiözese St. Pölten –Diözesanarchiv,AutricheDip.to Studi Europeie Interculturali – Univ.“La Sapienza” ItalieŠtudentska založbaŠtudentskeorganizacije Univerzev Ljubljan, SlovénieDruštvo slovenskihpisateljev -Associationslovène des écrivains,SlovénieEuropean Network on Archival Cooperation.Subvention UE : 2 249 000 EURUniversity and school fora European literary canonSubvention UE : 199 680 EURPoetry Reaching Out.Subvention UE : 198 589 EURRead Me Live-Promotion of ReadingCulture Through Live Literature.Subvention UE : 199 117 EUR

Cecilie Cave _ La Commission européenne soutient la diversité littéraire392010 1.2.1 – Mesures decoopération2010 1.3.5 – Projet spécialavec des pays tiersSia Apgads Kontinents,LettonieCentre Internationald’Écrivains etde Traducteursde Rhodes, GrèceExpansion de l’espace culturel européen grâceà une coopération durable dans le domaine dela recherche de nouvelles méthodes et de leurintégration dans des innovations littéraires ainsique dans le domaine de la diffusion internationaled’œuvres littéraires et du soutien du patrimoinelittéraire des pays européens.Subvention UE : 157 894 EURMeeting Cultures Between the Lines. SubventionUE : 59 369 EURPartenaire pays tiers :Ogarit Cultural Centre Association, Territoirespalestiniens occupés2010 2 – Réseau Congrès des écrivainseuropéens, BelgiqueCongrès des écrivains européensSubvention UE : 64 020 EUR2010 2 – Réseau Eurozine Eurozine.Subvention UE : 100 000 EUR2011 1.2.1 – Mesuresde coopération2011 1.2.1 – Mesuresde coopération2011 1.2.1 – Mesuresde coopération2011 1.2.1 – Mesuresde coopération2011 1.2.1 – Mesuresde coopérationSchool der Poëzie,Pays-BasPassa Porta,InternationaalLiteratuurhuis BruxellesSagenhaftes IslandAssociação CulturalFatias de Cá, PortugalAssociation “Child’sFriend”, BulgarieY-Poetry.Subvention UE : 80 000 EURPlate-forme de traducteurslittéraires européens.Subvention UE : 133 800 EURSagas and Eddas : The Rediscovery ofa European Cultural Heritage for the 21 st Century.Subvention UE : 200 000 EURShakespeare’s Tempest :Ontology, Reconstruction & Manipulation.Subvention UE : 199 290 EURSubvention UE : 57 000 EUR2011 1.3.6 – Festivals Centre De PromotionDu Livre De JeunesseSalon du Livre et de la Presse JeunesseSeine-Saint-Denis.Subvention UE : 100 000 EUR2011 2 – Réseau Eurozine Eurozine.Subvention UE : 100 000 EUR2011 2 – Réseau HALMA, le réseaueuropéen des centreslittéraires, AllemagneHALMA, le Réseau européende centres littéraires.Subvention UE : 34 000 EURProjets pilotes pour la mobilité des artistes en 2008 et 2009Programme Principal organisateur Nom du projet2009 Soutien à la mobilitédes artistesHALMA, le Réseaueuropéen de centreslittéraires, AllemagneHALMA,le Réseau européen de centres littéraires.Subvention UE : 108 500 EUR

Ceatl _ Formation à la traduction littéraire41Cette disparité s’explique d’une part par le contexte culturel et les traditions éditoriales propresà chaque pays, et d’autre part par les mises en pratique diverses, aux niveaux nationaux, desréformes issues des Accords de Bologne. Sans oublier le rôle joué par la disparité dans le statutdes langues sur le marché de la TL.En conclusion : on constate qu’il existe deux types de diplômes : celui qui mentionne explicitementla spécialisation en TL et celui qui n’en fait pas état malgré la formation dispenséeau cours des études.Situation des langues dans le cadre de la formation à la TLDans la majorité des formations, la TL s’effectue à partir d’une ou de plusieurs langue(s)étrangère(s) : B + C +… vers la langue maternelle : A.On constate que la langue de départ la plus enseignée actuellement (dans les pays nonanglophones) est l’anglais. Le choix de la deuxième langue est fonction du contexte culturel etde la situation géographique, avec un accroissement de l’espagnol comme langue C et un reculde l’allemand et du français. Depuis quelques années, l’arabe, le chinois, le japonais et le russefont l’objet d’un intérêt croissant auprès d’un certain nombre d’institutions universitaires.Par contre, l’intérêt pour un grand nombre d’autres langues est peu marqué, ce qui risquede limiter la réciprocité des échanges littéraires et de bloquer l’accès à la connaissance decertaines cultures.Corps enseignantLes enseignants en charge de la formation à la TL ont des profils différents. Les cours théoriques(histoire et théories de la TL) sont assurés par des philologues qui ne pratiquent pas forcément laTL. Les ateliers sont parfois dirigés par des praticiens expérimentés, familiers du milieu éditorial.Étant donné que la TL n’est généralement pas considérée comme une activité de recherche, lestatut du traducteur professionnel au sein de l’université reste problématique. Les modalités decollaboration vont de la fonction à plein temps ou à temps partiel au bénévolat.Quant à l’enseignement des questions relatives aux pratiques de l’édition, au statut légaldu traducteur littéraire et aux droits d’auteurs, très peu d’universités font appel à la contributionde professionnels.Cursus universitaires et contenus des enseignementsDans les trois types de cursus universitaires répertoriés au paragraphe A,les matières principales sont les suivantes :1et 2 :––a) en tronc commun : linguistique, littérature de la culture d’arrivée, théories de la littératureet de la TL, histoire de la TL, méthodologie de la TL, et dans certains cas,initiation à la pratique éditoriale et écriture créative en langue maternelle ;––b) dans l’enseignement des langues de départ : linguistique, littérature, histoireet culture du pays ; réception de la littérature traduite dans le contexte d’arrivée ;––c) séminaires, généralement répartis selon les genres suivants : prose, poésie, théâtre,et audio-visuel (particulièrement en vogue depuis quelques années).La traduction des textes de sciences humaines est considérée comme relevant tantôt de la TL,tantôt de la traduction de textes spécialisés.3 :––Pratique de la TL, analyse textuelle, critique de la TL.

42PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeRecommandationsHarmonisationIl serait souhaitable que :––au niveau national, les diplômes sanctionnant une formation en TL et délivrés par différentesuniversités couvrent une formation équivalente, ce qui n’est pas toujours le cas ;––l’élaboration de directives communes au niveau européen tienne compte des particularitésdu contexte culturel et du marché éditorial de chaque pays.Corps enseignantÉtant donné la spécificité du métier de traducteur littéraire qui implique une grande part de créativité,notamment au niveau de la réécriture, il serait souhaitable d’intégrer dans la formation despraticiens ayant une expérience de cet aspect de la discipline et maîtrisant une technique et unsavoir-faire artisanal acquis à la suite d’une longue pratique.Il serait souhaitable que les traductions littéraires publiées soient un élément valorisant dansle curriculum de l’enseignant et qu’il en soit tenu compte dans son parcours académique.Liens avec le monde éditorial et le marché du travailIl serait souhaitable que l’Université s’ouvre par le biais de la formation au monde de la pratiqueéditoriale et aux aspects juridiques du métier, par l’introduction dans les programmes de coursciblés et de stages.Choix des langues de départIl serait souhaitable d’élargir la palette des langues inscrites dans les programmes universitaireset, partant, des langues de départ dans les masters de TL.Il serait souhaitable que le dictat des quotas ne soit plus un obstacle à l’ouverture de sectionslinguistiques pertinentes dans le contexte interculturel.Culture générale des apprenants, connaissance de la langue maternelleForce est de constater les carences croissantes dans la culture générale des étudiants et dansla maîtrise de la langue maternelle. Il serait souhaitable que l’université comble ces lacunes parle développement de cours culturels généraux et d’exercices d’expression écrite et orale.CEATL, GdT « Formation à la traduction littéraire »,coordinatrice Katarína Bednárovámembres Anne Damour, Ildikó Lőrinsky, Françoise Wuilmart, Vincenzo Barca,Markus Hediger, Lluis Maria TodóEnquête réalisée avec le soutien de la Fonds néerlandais des lettreset de l’Association slovaque des traducteurs littéraires (SSPUL)

43BiographiesPeter Bergsma Pays-BasA traduit quelque 70 livres, notamment de JM Coetzee,William Faulkner, John Hawkes, Ernest Hemingway, MalcolmLowry, Vladimir Nabokov, Thomas Pynchon, George Steineret John Updike. Depuis 1997, il dirige la Maison des traducteursd’Amsterdam. Il a présidé le CEATL de 1996 à 2000.Il est actuellement à la tête de RECIT, le réseau européen descentres de traducteurs.Henri Bloemen BelgiqueEst professeur associé de traduction et traductologie au Collègeuniversitaire de Lessius (Louvain/Anvers). Il est co-directeurde l’Expertisecentrum Literair Vertalen (Utrecht/Anvers).Il s’intéresse particulièrement à la théorie de la traduction et àla traduction littéraire.Martin de Haan Pays-BasEst traducteur littéraire et essayiste néerlandais. Traducteurattitré de Milan Kundera et de Michel Houellebecq, il a égalementtraduit des oeuvres de Marcel Proust, Denis Diderot, JeanEchenoz et Régis Jauffret. Il est co-auteur d’un manifeste pourla traduction littéraire aux Pays-Bas et président du Conseileuropéen des associations de traducteurs littéraires (CEATL).Andy Jelčić CroatieTraduit des oeuvres littéraires de l’anglais vers l’allemand etvice-versa (Sebald, Musil, Habermas, Auerbach, Díaz, Fitzgerald).Il signe lui-même des fictions, collabore régulièrement àdes revues internationales et donne des conférences sur dessujets liés à la traduction.Ghislaine Glasson Deschaumes FranceEst directrice de la revue internationale de pensée critiqueTranseuropéennes, qu’elle a fondée en 1993. Elle coordonnel’État des lieux de la traduction dans la région euro-méditerranéenne,coorganisé par Transeuropéennes, dans le cadre duprojet « Traduire en Méditerranée » et par la Fondation euroméditerranéenneAnna Lindh pour le dialogue entre les cultures,avec une quinzaine de partenaires de la région euromed.Bart Vonck BelgiqueEst poète et traducteur littéraire de poésie (de l’espagnol, françaiset portugais vers le néerlandais). Il a traduit e.a. Guy Vaes,Federico García Lorca, Pablo Neruda, Antonio Gamoneda,Chantal Maillard, Juan Laurentino Ortiz et César Vallejo. Il estun des initiateurs du projet PETRA.Holger Fock AllemagneEst traducteur allemand de la littérature française depuis25 ans. Il a traduit entre autres Théophile Gautier, André Breton,Pierre Michon, Erik Orsenna, Antoine Volodine, Patrick Deville,Jean Rolin, Mathias Énard. Il est membre de la commission detarification du VdÜ/Ver.di et vice-président du CEATL.

44PETRA _ Vers une cartographie de la traduction littéraire en EuropeComité de rédaction Jürgen Jakob Becker, Henri Bloemen, Katarina Bednárová, Ghislaine Glasson Deschaumes,Andy Jelčić, Bart Vonck, Françoise WuilmartCoordination Anne Janssen, Nathalie Schmitz, Bart VonckMise en page, couverture SignéLazerPETRA est un projet initié par Passa Porta, Maison internationale des littératures à Bruxelles, avec l’Institut polonaisdu livre (Cracovie), le Literarisches Colloquium Berlin, la Société slovaque des traducteurs littéraires (Bratislava)et Transeuropéennes (Paris).Ce projet a été financé avec le soutien de la Commission européenne. Cette publication n’engage que ses auteurs.La Commission n’est pas responsable de l’usage qui pourrait être fait des informa tions qui y sont contenues.Avec le soutien financier de la Fondation Gulbenkian, Robert Bosch Stiftung, Pro Helvetia, Nederlands Letterenfonds,Expertisecentrum Literair Vertalen, Nederlandse Taalunie, S. Fischer Stiftung, Vlaams Fonds voor de Letteren,Ambassade du Portugal à Bruxelles, CETL, Vlaamse Gemeenschap, Fédération Wallonie-Bruxelles, Wallonie-BruxellesInternational, SABAM et la Loterie Nationale de Belgique.

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