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la france - Mondomix

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SommaireMagazine <strong>Mondomix</strong> — n°37 Nov / Dec 20090304 - EDITO // France acide acidulée06 / 13 - ACTUALITEL’actualité des musiques et cultures dans le monde06 - ACTU-Monde07 - Tony Gatlif // Invité08 - ACTU-Musiques10 - Cheny Wa Gune // Bonne Nouvelle11 - AFRICOLOR // Festival12 - ACTU-Voir14 - ACTU-Web16 / 26- MUSIQUES16 - bal<strong>la</strong>ké sissoko et vincent segal, Frères18 - CHUCHO VALDÉS et BUIKA,20 - TITI ROBIN et FAIZ ALI Faiz, Simple élévation22 - ANOUAR BRAHEM, Le oud au corps23 - YOM, L'homme c<strong>la</strong>rinette24 - WOODY GUTHRIE, Tueur de fascistes26 - Pink Martini, Inspirés par le monde18Chucho Valdes et Buika29 /41 - EN COUV Bonjour <strong>la</strong> France' 29 - Rachid Taha, Vous avez le bonjour de Rachid Taha !32 - HISTOIRE, Le Maghreb dans l'Hexagone34 - Sanseverino, La voix des exclus36 - enquête, Diversi-télé38 - OXMO PUCCINO, Au-delà des couleurs40 - Mo ka<strong>la</strong>mity, Reggae nouvelle génération41 - Hindi zahra, Folk nomade42 /44 - Voyag e s42 - Après <strong>la</strong> mousson, Carnet de voyage (Inde, Népal)42 - Japon plein sud, Fête au bout du monde46 /73 - SELECTIONS46 - ibrahim maalouf, Dis-moi ce que tu écoutes?47 - Chroniques disques47 - AFRIQUE49 - Amériques53 - Asie54 - europe57 - 6 eme continent60 - Collection // Label STRUT62 - Cinema62 - d'une seule voix de Xavier de Lauzanne64 - cinemix66 - Livres66 - Missak , l'enfant de l'affiche rougede Didier Daeninckx et Laurent Corvaisier68 - Chroniques dvds, livres70 - Dehors // Les événements à ne pas manquer23Yo m24Woody Guthrie29..Rachid Taha41Hindi Zahra42Voyage , Inde/Nepal


04 éDITO mondomix.com>France acide, acidulée,parLes suicides à France Telecom, 25 personnes à ce jour, tombent comme une pluie acide surnos écrans. Mais que se passe t-il au juste ? Comment pouvons nous arriver à ce point dedécomposition du vivre ensemble dans une entreprise pour que des pères et des mères defamille se donnent <strong>la</strong> mort ?Quoique qu’on en dise, quelque soit le politiquement correct qu’on cherche à nous faire avalercomme de jolis bonbons acidulés, <strong>la</strong> France ne va pas bien. Et cette situation à France Telecomne concerne pas seulement les 102 000 sa<strong>la</strong>riés du groupe mais le pays tout entier et aussi lesquelques 300 personnes qui tous les ans se suicident sur leur lieux de travail. Véritable tabouen France.Analyser précisément les causes à chaud est un exercice impossible, et l’incapacité de <strong>la</strong> directionde France Telecom à réagir correctement est sans doute une preuve de cette immense difficultéà bien comprendre <strong>la</strong> situation. Mais il semble qu’un certain modèle français du travail et de<strong>la</strong> productivité soit totalement en crise. La mondialisation des biens et des services perturbecomplètement l’organisation du modèle français du travail et amène à des obligations derésultats démentiels pour rester compétitifs.Sur le p<strong>la</strong>n théorique comment s’opposer à <strong>la</strong> logique apparemment imp<strong>la</strong>cable de <strong>la</strong> compétitivitédans un modèle basé sur <strong>la</strong> performance, le profit et <strong>la</strong> croissance économique ? Le managementde France Telecom ne fait qu’appliquer les directives de ses actionnaires qui est en premier lieul’Etat et donc par voie de conséquence chacun de nous. Même si le gouvernement semble trèsloin de nous, même si nous nous sentons impuissant face à <strong>la</strong> force publique, c’est à nous demodifier le cours des choses et construire un vivre ensemble plus humain.L’art, <strong>la</strong> culture, <strong>la</strong> musique nous permet sans doute de mettre en perspective autrement leschoses et de nous donner l’énergie de participer activement à <strong>la</strong> société civile. Dans ce numérodes artistes prennent <strong>la</strong> parole sur <strong>la</strong> question de <strong>la</strong> diversité en France, autant d’inspiration etde force pour changer les choses à notre mesure et construire enfin une France vraiment plurielleou chacun se sent pleinement représenté et respecté.>Notre édito ou l'un de nos articles vous fait réagir? écrivez-nous !Édito <strong>Mondomix</strong>, 144 - 146 Rue des poissonniers, 75018 Paris,ou directement dans <strong>la</strong> section édito de www.mondomix.comn°37 nov/dec 2009


06<strong>Mondomix</strong>.com // actuMondeACTU - Monde© stephane.pouyl<strong>la</strong>u photo prises sur Flickr.comLes sons du murAvant qu’il ne s’écroule, le Mur de Berlin a inspiré quelques chansons fortes en tensions dramatiques à des rockersoccidentaux. Citons ainsi le Heroes de David Bowie, ou l’album conceptuel Berlin de Lou Reed. Mais le 11novembre 1989, ce sont les notes de Bach, interprétées par le virtuose violoncelliste Mstis<strong>la</strong>v Rostropovitch, quiaccompagnent le démantèlement du rideau de fer. Une fois les frontières ouvertes, le monde « libre » découvreet se régale des musiques incroyables qui se terraient jusqu’alors dans l’Est européen, et particulièrement dansles Balkans. Fanfares euphoriques ou gitans acrobates y jouent des répertoires sans âge, avec <strong>la</strong> dextérité desjazzmen les mieux aguerris, <strong>la</strong> finesse technique de musiciens c<strong>la</strong>ssiques, mariées à l’énergie du rock. Le Tarafde Haïdouks, <strong>la</strong> fanfare Ciocarlia, le Kocani Orkestar ou le rocker reconverti Goran Bregovic ne cessent, depuis,de séduire des publics de plus en plus <strong>la</strong>rges.Pour commémorer les vingt ans de <strong>la</strong> chute du Mur, deux compi<strong>la</strong>tionsoffrent un aperçu des musiques qui se sont échappéesdes deux côtés de l’Allemagne et des pays voisins durant les deuxdécennies qui précédent l’évènement.En deux cds, Berlin 61/89 Wall of Sound (Le Maquis/Harmonia Mundi) dresse un panorama subjectif de <strong>la</strong> contrecultureallemande de l’époque. A l’exception de Kraftwerk, ony retrouve les chefs de file de ce que l’on a appelé, avec uneonce de mépris, le « Krautrock » (le « rock choucroute »). MaisNeu!, Can, Faust, Amon Düül, Edgar Froese ou Cluster partagenttous l’expérimentation d’une esthétique industrielle qui apavé le chemin aux musiques électroniques. Leurs homologuessuisses comme The Young Gods ou Bruno Spoerri et les égériespunks Nina Hagen et Nico complètent ce tableau, haut encouleurs psychédéliques.L’intérêt de Sound of Revolution (A collection of songsthat made the iron curtain fall) tient, quant à lui, à <strong>la</strong> réunionde chants révolutionnaires qui accompagnèrent les mouvementsde contestations précédant <strong>la</strong> fin de l’ère soviétique. Chanteurs,chanteuses ou collectifs venus des pays de l’Est, de <strong>la</strong> Baltiqueou des Balkans… ont souvent choisi, pour accompagner leursmessages, des formats popu<strong>la</strong>ires en vigueur à l’époque, quiaujourd’hui sonnent un peu kitsch. Passionnant pour les férusd’histoire, cet album peut s’avérer difficile pour les mélomanes./ SauvegardeculturelleLe cantu in paghjel<strong>la</strong> corse, leradif iranien, le tango d’Uruguayet d’Argentine, le maloyaréunionnais, le chant ca trùdu Vietnam, l’art des Ashiqd’Azerbaïdjan ou <strong>la</strong> musiqueHua’er du Centre-Nord de <strong>la</strong>Chine font partie des 88 traditionsartistiques, artisanalesou rituelles nouvellement inscritespar l’Unesco à <strong>la</strong> liste dupatrimoine immatériel de l’humanité.Dès lors, des moyensmatériels ou financiers pourfavoriser leur conservation,leur enseignement ou leur divulgationseront favorisés.http://www.unesco.org/culture/ich/index.php?pg=homen www.europa1989-2009.eu/n°37 nov/dec 2009


16<strong>Mondomix</strong>.com // musiquesMUSIQUEsFrèresVincent SegalBal<strong>la</strong>ké SissokoTexte Anne-Laure LemancelPhotographie C.GassianAvec le sublime Chamber Music, petit bijoud’intimité et de charmes murmurés, levioloncelliste français Vincent Segal et lekoriste malien Bal<strong>la</strong>ké Sissoko révèlent uneosmose qui transcende l’art du duo.Téléchargersur mp3.mondomix.com27994Ils sont nés le même mois de <strong>la</strong> même année, il y a 42 ans,sous des cieux différents. L’un est grand, noir, malien. L’autreplus petit, b<strong>la</strong>nc, français. Tous deux révèlent pourtant <strong>la</strong> mêmeélégance, c<strong>la</strong>sse revendiquée et pudeur manifeste, lovées dansles méandres de leurs discours. Une gémellité étonnante qui serévèle en 2005, lors d’un concert de Bumcello. Dans le public,Bal<strong>la</strong>ké Sissoko, virtuose de <strong>la</strong> kora, imagine une rencontre avecle violoncelliste prodige, Vincent Segal. Ce soir-là, l’échangede numéros initie une amitié rare, cordes et âmes entremêlées.Depuis, dès que Bal<strong>la</strong>ké passe sur Paris, il court chez Cello,dans le Marais. Ces deux in<strong>la</strong>ssables parlent peu, mais jouentjusqu’au lever du soleil, pa<strong>la</strong>brent en musique à l’infini, é<strong>la</strong>borentun dialogue fusionnel, architecture fine, bâtie sur le partage d’unevision et d’une sensation commune. « Un seul coup d’œil éveille cefeeling », explique Bal<strong>la</strong>ké. « Il y a ce côté cœur ». Une alchimie quis’explique par le croisement, à point nommé, de deux trajectoiressingulières.n°37 nov/dec 2009


19n Quels sont les points de jonction de vosdeux univers ?B : do-ré-mi-fa-sol-<strong>la</strong>-si-do, bémol, dièse.n Comment avez-vous préparé cetterencontre musicale ?B : Je suis une fille du front, un soldat, j’aime être en premièreligne…Alors, à part l’écoute des originaux, franchement, jen’ai pas travaillé en amont.CV : En fait, on a beaucoup communiqué, et une re<strong>la</strong>tions’est tissée. C’était très facile. Dès <strong>la</strong> première seconde,nous avions l’intuition exacte de ce qui al<strong>la</strong>it se passer.n Racontez-nous ces 11h00 de studio d’affilépour enregistrer El Ultimo Trago…B : Cette session a été très drôle, nous nous sommesbeaucoup amusés. Nous étions en connexion visuelle, ensymbiose, dans un climat très familial. Il y a eu des momentstrès vivants, très beaux.CV : L’enregistrement de <strong>la</strong> voix en direct constitue uneaudace à <strong>la</strong>quelle se frottent peu de musiciens. Ici, ellerepose sur une artiste tellement attirée par <strong>la</strong> musique,qu’elle chante comme en live. Cette expérience explique, jecrois, <strong>la</strong> dimension magique de ce disque : il s’éc<strong>la</strong>ire à sapropre énergie, dans une communion directe permanente.n Pouvez-vous nous parler de Chave<strong>la</strong>Vargas ?B : Putain, c’est <strong>la</strong> reine du monde hispano, <strong>la</strong> reine absolue,LA reine. Comme Edith Piaf ici. Y’a même pas à discuter. Ellefait partie de ces artistes qui te <strong>la</strong>issent sur le cul. Chave<strong>la</strong>, tul’entends toujours, partout, elle t’accompagne. Sa musiqueme suit depuis des années… comme si j’avais enregistré lemême disque toute ma vie ! Aujourd’hui, j’existe à traverscette femme très belle.n Elle a écouté trois de vos titres. Ce<strong>la</strong> luip<strong>la</strong>ît-il ?B : Bien sûr que ça lui p<strong>la</strong>ît…Attends… Comment çapourrait ne pas lui p<strong>la</strong>ire ?n Vous paraissez tous deux très fiers decette col<strong>la</strong>boration...CV : Ce projet a été réalisé avec beaucoup de cœur,beaucoup d’amour et de spontanéité. On vou<strong>la</strong>it fairequelque chose au nom de <strong>la</strong> musique, POUR <strong>la</strong> musique.B : L’une de mes idées avec ce disque, c’était de pousser lesjeunes à revenir à cet amour de <strong>la</strong> poésie. Qu’ils se <strong>la</strong>ncent,qu’ils reprennent l’écrit et <strong>la</strong> mélodie. Qu’ils se tournentvers ce qu’ils ont <strong>la</strong>issé de côté, et ne se contentent pasde petites chansons à <strong>la</strong> va-vite pour un succès rapide.Non. Qu’ils reviennent à quelque chose de plus profond, unvéritable amour de <strong>la</strong> musique.n Concha Buika/Chucho ValdésEl Ultimo Trago (Warner)n En concert : Chucho Valdés et Concha Buikaà <strong>la</strong> Salle Pleyel le 13 Novembren video de buika sur modomixhttp://buika.mondomix.com/fr/artiste.htmn video de Chucho Valdés sur modomixhttp://chucho_valdes.mondomix.com/fr/artiste.htmn°37 nov/dec 2009


20<strong>Mondomix</strong>.com // musiquesTiti RobinFaiz Ali FaizTexte Bertrand BouardMontage photo Habib Hmima Louis VincentSimpleélévationMusicien voyageur et adepte des rencontres,Titi Robin a, cette fois, frotté sa guitare et son bouzouqà <strong>la</strong> voix de Faiz Ali Faiz, maître de <strong>la</strong> musique indopakistanaiseqawwali. Où il est question de poésie soufie,de f<strong>la</strong>menco et d’un étonnant triptyque à venir.n Votre première col<strong>la</strong>boration avec Faiz Ali Faiz eut lieu aufestival des Escales de Saint-Nazaire, en 2006. Comment leprojet a-t-il ensuite évolué ?Titi Robin : A Saint-Nazaire, on avait joué cinq morceaux de nos répertoires respectifsavec l’ensemble de nos groupes. Lorsque <strong>la</strong> maison de disque Accords Croisésnous a proposé d’enregistrer, j’ai posé <strong>la</strong> condition de créer un répertoire original deqawwali, avec un groupe unique ; Faiz avait en effet déjà fait des rencontres très réussiesqawwali/f<strong>la</strong>menco et il n’y avait pas d’intérêt à renouveler ces juxtapositions demusique. Le qawwali est une musique qui me touche depuis longtemps. Les rythmeset les modes que j’utilise habituellement en sont assez proches. On s’est retrouvés,en juin 2008, au Festival de Saint-Denis où j’étais en résidence : Faiz a p<strong>la</strong>cé despoésies soufies sur les mélodies que j’avais composées, j’ai appris les morceaux auxmusiciens, et on a joué ce répertoire en clôture à <strong>la</strong> Basilique de Saint Denis. Noussommes entrés en studio le lendemain.n Quel rapport entretenez-vous avec <strong>la</strong> poésie soufie ?TR : Qu’elle soit indopakistanaise, turque ou iranienne, <strong>la</strong> poésie soufie essaie toujoursd’exprimer des sentiments très élevés à l’aide d’images très simples. C’est ce qu’il y ade plus difficile et c’est aussi ce que j’essaie de faire dans ma musique, où mon ambitionne se situe jamais dans <strong>la</strong> virtuosité, mais dans le propos et dans l’investissementhumain. Et puis à une époque où il y a beaucoup d’intégrismes, j’aime le fait que cesoit une poésie œcuménique, qui cherche à regrouper les gens plutôt qu’à les opposer.Ayant toujours navigué entre plusieurs cultures, je suis très attaché à ça.n Votre connaissance duf<strong>la</strong>menco vous a-t-elle aidépour dialoguer avec <strong>la</strong> voix,centrale dans le qawwali ?TR : Tout à fait. Ce qui prime dansle qawwali, c’est <strong>la</strong> parole, le texte: <strong>la</strong> musique est au service de<strong>la</strong> poésie. J’ai essayé de faire ensorte que <strong>la</strong> partie instrumentalesoit aussi un chant. En matièred’accompagnement de <strong>la</strong> voix, il ya aussi beaucoup à apprendre duf<strong>la</strong>menco. Il y a un tronc communentre ces musiques, y compris dans<strong>la</strong> poésie, dont les images sont proches.Pourquoi ? J’ai des intuitionsliées à mon vécu, sans certitudescientifique. Un courant venu d’Indedu Nord a irrigué <strong>la</strong> Méditerranée,en passant par l’Asie centrale. Lesgitans ont, eux aussi, véhiculé unepartie de cette poésie. Tout ça s’estperdu aujourd’hui, où on pense lemonde selon des notions Est/Ouest,Nord/Sud, qui ne sont plus liéesà ce creuset méditerranéen. Maisquand on écoute le chant f<strong>la</strong>mencoou qawwali, ces similitudes ressortent.n Quels projets vousattendent ?TR : Je vais réaliser trois disques,un en Inde, un en Turquie et un auMaroc. Souvent, nous autres musiciensoccidentaux, nous inspironsdes musiques d’autres pays et le publiclié à ces cultures n’a pas accèsà ce que l’on en fait. Ce déséquilibreme mettait mal à l’aise depuis longtemps.L’idée est donc de rendre ceque j’ai reçu aux habitants des paysqui m’ont inspiré, en sortant un disqueà l’intérieur de l’économie locale,enregistré là-bas, fabriqué là-bas. Ils’agira de compositions personnelles,avec des morceaux communsaux trois disques. Il y a encore pleinde trucs à résoudre, mais inch’al<strong>la</strong>h,on va y arriver.n Titi Robin et faiz Ali FaizJaadu (Accords Croisés)n En concert : le 11 et 12Novembre 2009 au Café de <strong>la</strong>Danse à Parisn video de <strong>la</strong> rencontresur mondomixhttp://thierry_titi_robin.mondomix.com/fr/artiste.htmn°37 nov/dec 2009


22<strong>Mondomix</strong>.com // musiques“ Expression souvent solitaire quand on compose, ouque l’on joue pour soi, pour son propre p<strong>la</strong>isir et pourse surprendre, <strong>la</strong> musique se partage aussiavec les autres. ” Anouar BrahemAnouar BrahemTexte Patrick LabessePhotographie CF Wesenberg / ECM RecordsLe musicien tunisien raconte sonhistoire avec l’instrument qui traceson chemin.Le oudau corpsDébut octobre, Anouar Brahem était àParis, peu de temps avant <strong>la</strong> sortie deson nouvel album The Astounding Eyes ofRita. Dans les couloirs de sa maison dedisques, quelqu’un portait son oud pourlui. Fait rare. Un oudiste <strong>la</strong>isse rarementson instrument aux bons soins d’autresmains. « Aujourd’hui, j’ai un peu mal audos, alors j’accepte, mais je ne reste pasloin », dira, dans un sourire, le musicien.Intimité partagéeLe oud, quand il l’enveloppe, l’oreille auplus près du bois et des cordes, c’estcomme un prolongement de son corps,explique-t-il ce jour-là. « Ça fait quaranteans que j’en joue, alors forcément, ilse crée un rapport d’intimité entre lui etmoi. Il y a une proximité, un lien particulier». La posture du musicien, penché surl’instrument, donne l’impression d’un dialogueintime entre eux deux, d’une conversationisolée de tout, comme si unebulle les enveloppait, empêchant touteingérence extérieure, toute dispersion del’attention. Au-delà de l’apparence, pourtant,l’oreille reste ouverte. « Expressionsouvent solitaire quand on compose, ouque l’on joue pour soi, pour son proprep<strong>la</strong>isir et pour se surprendre, <strong>la</strong> musiquese partage aussi avec les autres, les musiciensqui nous accompagnent, le publicqui nous écoute. » Il faut donc trouver unéquilibre entre l’attention à l’instrument, <strong>la</strong>concentration et <strong>la</strong> disponibilité, l’écoutepour ceux qui sont là, autour, complicesmusiciens ou spectateurs.L’instrument du maîtreNé en 1957, à Halfaouine, dans <strong>la</strong> Médinade Tunis, fils d'un artisan graveur et imprimeur,Anouar Brahem a fait des études auConservatoire National de Tunis, et auprèsd'Ali Sriti (1919-2007), un maître du oudet compositeur tunisien. Celui-ci le recevratous les jours chez lui pendant quatreannées consécutives après le conservatoireet continuera à lui transmettre toutesles subtilités du maqâm et les secrets dutaqsim parfait. Pourquoi a-t-il choisi d’allervers le oud, quand il est entré au conservatoireà dix ans ? « Je ne sais pas précisément,répond le musicien. J’entendaisdes joueurs de oud à <strong>la</strong> radio, j’en voyaisà <strong>la</strong> télévision. Je trouvais une certainebeauté à cet instrument, tant visuellementqu’au niveau de sa sonorité ». Le oud surlequel il joue aujourd’hui l’accompagnedepuis toujours. Il lui a été donné par sonmaître, Ali Sriti. « Au départ, c’était un instrumentd’étude, mais j’y ai fait quelqueschangements avec l’aide d’Ali Sriti quiétait également luthier. Nous avons gardé<strong>la</strong> caisse, mais changé <strong>la</strong> table. C’est devenuun bon luth, il a bien vieilli. » AnouarBrahem possède un autre oud, plus ancien,fabriqué par un grand luthier syrien.Mais celui-ci reste à <strong>la</strong> maison, à Tunis.Trop fragile pour voyager. Le pire qui puissearriver à un oudiste, c’est qu’une cordese casse pendant un concert, explique lemusicien. Quand on monte une corde surl’instrument, il faut au moins deux-troisjours pour qu’elle se stabilise, pour qu’ellepuisse garder un accord. Les fées veillentsur Anouar Brahem. Cette catastrophe nelui est jamais arrivée.n anouar brahemThe Astounding Eyes of Rita(ECM / Universal)n Concerts:- 14 novembre : Nantes (Lieu Unique)- 15 novembre : Offenburg (FestivalJazz d’or)- 5 décembre : Combs La Ville (LaCoupole)- 9 décembre : Paris (salle Pleyel)n chronique sur mondomixhttp://anouar_brahem.mondomix.com/fr/artiste.htmn°37 nov/dec 2009


23Haut comme trois pommes, Yom débute à l’école de musiquede son quartier. D’abord <strong>la</strong> flûte à bec, puis l’instrument élu, qu’iljoue de sa seule main gauche, quand le prof assure <strong>la</strong> droite. Il faitl'acquisition d'une petite c<strong>la</strong>rinette de fanfare, avant de récupérercelle de son grand-père. A dix ans, il entre au Conservatoire deParis (CNR). En 1997, Diplôme d’Etudes Musicales en poche, ilpart s’adonner à son autre passion : le klezmer. Pour Yom, cettemusique des joies et des peines ashkénazes, où <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rinette estreine, relie judaïté maternelle et héritage instrumental de son grandpère.“ Ca m’a donné envie d’aller dans un imaginaireplus lointain, de me tourner vers le désert et departir de rien plutôt que de me surcharger d’unetradition qui n’est pas vraiment <strong>la</strong> mienne. ” YOML’hommec<strong>la</strong>rinetteYomTexte Benjamin MiNiMuMPhotographie D.R.Avec son deuxième album, le très inspiréc<strong>la</strong>rinettiste français Yom confirme sestalents d’improvisateur et de compositeur. Il ytransforme <strong>la</strong> musique klezmer en un terreaufertile pour rencontres libres.Yom ne se sépare jamais de sa c<strong>la</strong>rinette, le même instrument depuis20 ans, et ne <strong>la</strong>isse personne y toucher. Même si ça provoque parfois<strong>la</strong> jalousie de ses fiancées, son ambition reste de passer le plus detemps possible à jouer. Il ne se <strong>la</strong>sse jamais et ne cesse de découvrirdes voies à explorer. Cette histoire d’amour dure depuis toujours.Un chat précoce1984 – Guil<strong>la</strong>ume a quatre ans et entend Pierre et le loup. Lorsquele chat du conte musical de Prokofiev entre en scène, il est subjuguépar le son qui personnifie le félin. Il affirme à ses parents sa volontéde jouer de <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rinette. Pour expliquer cette vocation précoce, Yoma deux hypothèses : «Récemment, une voyante indienne m’a dit quej’avais été chat dans une autre vie...Sinon, après l’épisode Pierre et leloup, mes parents m’ont appris que, dans sa jeunesse, mon grandpèrepaternel était c<strong>la</strong>rinettiste dans les bals des mines du Nord. Legène aurait sauté une génération ».Dans le désertNé à Buenos Aires en 1936, l’éminent Giora Feidman a œuvrétoute sa vie pour <strong>la</strong> reconnaissance et l’enrichissement du klezmer.Pour Yom, il reste un guide depuis l’enfance. En février 2009, lorsde l’intense échange qui suit un concert commun – une demiheureinoubliable à <strong>la</strong> Maison de Musique de Nanterre – unephrase du maître fait mouche : « Quand tu joues, ça me rappellequ’au départ, nous autres juifs étions noirs et venions du désert ».Affirmation étonnante qui ouvre l’esprit de Yom. « Ca m’a donnéenvie d’aller dans un imaginaire plus lointain, de me tourner versle désert et de partir de rien plutôt que de me surcharger d’unetradition qui n’est pas vraiment <strong>la</strong> mienne. »Cette exploration passe par des rencontres avec des musicienshabités d’une même f<strong>la</strong>mme, dialogues sur espaces vierges.DuosPour cet album de duos dédicacé à Feidman, Yom s’est choisiun mot d’ordre dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue qui unit peuples et cultures. Enespéranto, Unue signifie « Au commencement ». Il y met à nu sesdualités, offre le fruit d’échanges généreux avec des participantsélus avec le cœur et rencontrés en tête-à-tête. Ils sont prodiges,aux trajectoires voisines, tels le violoncelliste explorateur Farid D etle trompettiste libanais Ibrahim Maalouf ; ou bien ami fidèle commele pianiste Denis Cuniot. Quant aux trois autres, il ne les connaissaitpas avant de les voir sur scène. Envoûté, après leurs concertsrespectifs, il branche tour à tour le joueur de cymbalum moldaveLurie Morar, le percussionniste iranien Bijan Chemirani ou le joueurde guimbarde chinois Wang Li. Il a écrit pour chacun d’eux et a su,avec l’ingénieur du son Philippe Teissier du Cros, conserver unebelle cohérence entre ces univers et le sien. Raconter, en somme,une histoire passionnante. Et inédite.n YOM Unue (Buda musique)Téléchargersur mp3.mondomix.com28524n Voir aussi page 49 <strong>la</strong> chronique faite par Yom d’Abram Inc.,le projet de Krakauer, So Called et Fred Wesleyn Sur mondomix.com, Yom interprète Cesaria Evorahttp://yom.mondomix.com/fr/artiste.htmn°37 nov/dec 2009


24 <strong>Mondomix</strong>.com // musiquesueure fascistesWoody GuthrieTexte JP Bruneauphotographies D.R.Père du protest song, Woody Guthrie était un griot b<strong>la</strong>nc, untroubadour moderne qui pointait de ses vers les inégalitésde l’Amérique du siècle dernier et se servait de sa guitarepour tuer les fascistes, selon l’autocol<strong>la</strong>nt qui y était apposé.Alors que l’on publie un coffret de 4 cds d’enregistrementsinédits, voici un petit rafraîchissement de mémoire sur l’undes piliers de <strong>la</strong> musique américaine.« Si je devais donner un conseil à ceux qui veulent écrire des chansons, je leur diraisd'écouter Robert Johnson et Woody Guthrie », Bob Dy<strong>la</strong>nEn 1960, un étudiant de l’Université du Minnesota dénommé Robert Zimmerman emprunteà un prof une copie du livre En route pour <strong>la</strong> gloire de Woody Guthrie, à <strong>la</strong> foismanifeste et autobiographie. Révé<strong>la</strong>tion. Le jeune homme affirme avoir alors appris200 chansons du vagabond/chansonnier de l’Ok<strong>la</strong>homa (« J’étais le Juke-Box deWoody », a-t-il écrit). Ayant entendu dire que le chanteur était mourant sur son litd’hôpital, il part en stop pour New York, lui rend visite en 1961 et, un an plus tard,il sort son premier album, sobrement appelé Bob Dy<strong>la</strong>n, dont l’influence guthriennese révèle patente : photo de <strong>la</strong> pochette avec casquette, phrasé, accompagnementguitare sèche, répertoire de folk songs et deux compositions originales dont un Songto Woody.Héros de <strong>la</strong> gauche américaineLe « Rock and Roll Hall of Fame », institution américaine chargée d’honorer <strong>la</strong> mémoiredes grands noms de l’histoire du rock, décrit assez justement Guthrie comme « le premierhéros popu<strong>la</strong>ire, un homme qui durant les années 1930 et 1940 a transformé lesbal<strong>la</strong>des folk en instruments de protestation et d’observation sociale, pavant ainsi lechemin pour Dy<strong>la</strong>n, Springsteen, John Mellencamp, Ry Cooder et beaucoup d’autreschanteurs-compositeurs désireux de décrire leurs expériences et d’affirmer des opinions.La vie colorée et aventureuse deGuthrie, nourrie par une curiosité sansbornes pour le monde qui l’entouraitest devenue aussi légendaire que leschansons qu’il a pu écrire ».Ainsi, This Land is Your Land, composéeen 1937 en réaction au God BlessAmerica d’Irving Berlin est devenul’hymne alternatif américain, celui detoute <strong>la</strong> gauche, repris au long des réunionsde campagne de Barack Obamaet, bien sûr, lors de son intronisation enjanvier 2009 par Springsteen, Pete Seegeret Joan Baez, ensemble sur scène,devant une foule considérable.Communistenon orthodoxeTroubadour des temps modernes,hobo, trimardeur, rebelle avec cause,héros du prolétariat américain, Woodyest né en 1912 à Okemah, trou perdude l’Ok<strong>la</strong>homa. Il a été très marquépar <strong>la</strong> crise de 1936, doublée d’unesécheresse qui transforme une partiedu Mid-West en désert de poussièreet ses habitants en « Dust Bowl Refugees», forcés à partir sur les routesvers <strong>la</strong> terre promise californienne. Lesort de ces déracinés appelés péjo-n°37 nov/dec 2009


Légende 25“ This Land is Your Land,composée en 1937en réaction au God Bless Americad’Irving Berlinest devenu l’hymnealternatif américain ”rativement Texicans, Okies (de l’Ok<strong>la</strong>homa) ou Arkies(de l’Arkansas) a été dépeint dans le roman de JohnSteinbeck, Les Raisins de <strong>la</strong> colère. C’est aussi le sortde Guthrie qui gagne ainsi <strong>la</strong> Californie, s’y forgeant uneconscience sociale aiguë, g<strong>la</strong>nant au passage une myriaded’impressions, d’idées, de chansons popu<strong>la</strong>ires, d’hymnesreligieux ou syndicalistes, de blues, les transformant à samanière et en tirant <strong>la</strong> base de son répertoire : plus de 1000chansons et poèmes. A partir de 1939, il col<strong>la</strong>bore régulièrementau People’s Daily World, le quotidien communistede San Francisco où il tient une rubrique intitulée « WoodySez » (Woody à dit). Communiste, il l’était peut-être à samanière, c'est-à-dire bien peu orthodoxe, car inspiré toutautant par le christianisme, le populisme, le Jeffersonisme(<strong>la</strong> poursuite du bonheur) et un certain radicalisme historiqueaméricain. Mais cette image de « Rouge » ne lui valutpas que des amis, surtout et y compris dans sa bourgadenatale d'Okemah où ce n'est qu'en 1988, 31 ans après samort à l’âge de 55 ans en 1967, qu'une statue en son honneur- devenue lieu de pèlerinage donc de profit - a étéédifiée, seulement après que les gens qui n'aimaient pasWoody eurent rendu l'âme.n woody guthrie"My Dusty Road"4 Cd (Rounder/ Universal)n Retrouvez de nombreux albums de Woody Guthrieen téléchargement surhttp://mp3.mondomix.com/woody_guthrie.www.woodyguthrie.orgn°37 nov/dec 2009


26 <strong>Mondomix</strong>.com // musiquesFESTIVALPink MartiniTexte Florence Thireau et Jean-Sébastien JossetPhotographie Adam LeveyDouze ans après leur premier album,Sympathique, qui les a révélés au mondeentier, Pink Martini présente son quatrièmealbum studio, Splendor in the grass.Thomas Lauderdale, co-fondateur dugroupe, revient sur son histoire et surl'é<strong>la</strong>boration de ce nouveau disque,où <strong>la</strong> joie convie à l'espoir.n Peu de gens savent que <strong>la</strong> naissance de PinkMartini est liée à vos engagements politiqueset citoyens. Pouvez-vous nous raconter cetteaventure?Thomas Lauderdale : Après l’Université, China Forbes, <strong>la</strong>chanteuse du groupe est partie à New York pour écrire deschansons et je suis retourné à Port<strong>la</strong>nd pour m’engager enpolitique tout en étudiant le piano. En 1992 et 1994, un groupeappelé « The Oregon Citizen Alliance » (L’alliance des citoyensde l’Oregon) a essayé de changer <strong>la</strong> Constitution de l’Etat, endéc<strong>la</strong>rant notamment que l’homosexualité était illégale ou enessayant de faire annuler certains de nos droits fondamentaux.J’ai travaillé contre eux. Pink Martini a commencé à jouer aucours de meetings politiques et de réunions de levées de fondsen faveur de l’environnement ou du logement à loyer modéré.n C’était il y a 15 ans… Aujourd’hui, quepensez-vous d’Obama à <strong>la</strong> présidenceaméricaine ?TL : C’est une chose extraordinaire. J’ai été très surpris, jene pensais pas qu’au cours de ma vie j’assisterais à un événementaussi important que l’élection d’un noir-américain à <strong>la</strong>présidence. L’esprit de Pink Martini est très proche des idéesdéfendues par Barack Obama. Nous nous intéressons à <strong>la</strong> diversitédu monde, aux styles musicaux des quatre coins de <strong>la</strong>p<strong>la</strong>nète.Inspiréspar le monden Pink Martini offre une musique nourried’influences venues du monde entier. Quellessont vos principales sources d’inspiration ?TL : J’ai toujours adoré créer des compi<strong>la</strong>tions de chansons,les mixer ensemble. Par exemple Schubert avec Philippe Catherineou encore Bernard Herrmann avec Jesus Christ Superstar.J’aime beaucoup relier des musiques de différentesépoques. A côté de ça, il y a beaucoup d’influences dans notremusique car China Forbes et moi avons grandi dans des famillesmulticulturelles et avons étudié différentes <strong>la</strong>ngues. Le grouperéunit des musiciens de tous horizons. Par exemple, RobertTaylor, notre tromboniste, a étudié les cuivres à l’orchestresymphonique de Chicago, a fait des tournées en Europe avecle « American Russian Youth Orchestra » et a appris <strong>la</strong> trompettetout seul en écoutant Miles Davis. Chaque membre dugroupe introduit continuellement de nouvelles influences, denouveaux répertoires.n Pouvez-vous nous raconter votre rencontreavec Chave<strong>la</strong> Vargas ?TL : Je n’ai jamais eu l’occasion de <strong>la</strong> rencontrer mais je suisfan de sa musique depuis dix ans. J’ai toujours rêvé de lui faireenregistrer une chanson avec le groupe et j’en ai discuté avecelle au téléphone l’an dernier. Chave<strong>la</strong> m’a alors suggéré Piensaen Mi d’Agustin et Maria Teresa Lara qui est justement l’unede mes chansons préférées. Alors qu’elle était en tournée auxEtats-Unis, elle a enregistré le titre accompagnée de ses deuxguitaristes. Nous avons ensuite ajouté une autre guitare, unpiano et un violon.n Quel message souhaitez-vous passer avec cedisque ?TL : Sans aucun doute un message d’espoir. C’est un albumjoyeux bien que réfléchi, et nous nous sommes beaucoupamusés lors de l’enregistrement.n Pink Martini Splendor in the grass (Naïve)n°37 nov/dec 2009


30<strong>Mondomix</strong>.com // en couv'Vous avez le Bonjourde Rachid Taha !n°37 nov/dec 2009


Rachid TahaTexte Squaaly Photographie D.R.31Simplement baptisé Bonjour, le huitième album studio de Rachid Taha retourne lescodes de <strong>la</strong> politesse pour mieux saluer une France qui ne sait plus trop sur quel pieddanser.Nus, en babouches ou en tiags, Rachid Taha adore mettreles pieds dans les p<strong>la</strong>ts. Pour lui, toutes les vérités sontbonnes à dire, surtout lorsqu’un ministre de <strong>la</strong> Républiques’aventure à se moquer des Auvergnats. « Quand même,vous devriez apprendre un peu plus l’arabe », lâchait-il entredeux chansons au public de <strong>la</strong> récente édition de Marsatac.« Et après, je vous initierai à l’Auvergnat », ajoutait-il, heureuxde son effet.Douce FranceProvocateur, Rachid l’est assurément, avec un naturel qui frise <strong>la</strong>candeur. C’est dans son tempérament. Carte de Séjour, le groupelyonnais avec lequel il s’est fait connaître au tout début desannées 1980, ne s’appe<strong>la</strong>it pas ainsi par hasard. Carte de Séjourdisait haut et fort ce que <strong>la</strong> France une et indivisible (à l’époqueon ne par<strong>la</strong>it pas encore de France d’en haut et de France d’enbas) ne vou<strong>la</strong>it pas entendre. Carte de Séjour par<strong>la</strong>it déjà decette France à plusieurs vitesses, de cette France au dérailleurgrippé. Né un an avant <strong>la</strong> Marche pour l’Egalité et contre le Racisme,aussi appelée Marche des Beurs, qui traversa en 1983l’hexagone de Marseille à Paris pour réunir dans <strong>la</strong> capitale plusde 60000 personnes, Carte de Séjour vivait le plus simplementdu monde sa double (voire triple) appartenance. Ces enfantsd’immigrés dynamitaient les codes musicaux alors en vogue.Ces Lyonnais donnaient enfin un son d’ici au rock anglo-saxon,vulgarisant dans <strong>la</strong> foulée le « rhorho », cette <strong>la</strong>ngue métisse faited’arabe et de français. Nombreuses furent les radios à refuser“ Un pays a besoin de minorités,de toutes ses minorités,fachos compris ” Rachid Tahade jouer « cette musique de bougnoules », même lorsque cesmusiciens eurent l’idée délicieusement subversive de reprendreDouce France du vénéré Trenet à <strong>la</strong> veille du débat sur le Codede <strong>la</strong> Nationalité à l’Assemblée Nationale. La France, mère desDroits de l’Homme, montrait alors ses limites.Un bonjour sans exclusiveDepuis, Rachid a fait son chemin, tracé sa route, croisé quelquesgrands noms du rock-business (Santana, Brian Eno,David Byrne, Robert P<strong>la</strong>nt, Damon Albarn…), imposant unson nouveau à chaque album. Bonjour, son huitième, surprendbien évidemment. Ce « Bonjour », Rachid le chante encompagnie de Gaëtan Roussel, <strong>la</strong> voix de Louise Attaque.C’est ce dernier qui co-réalise avec Mark P<strong>la</strong>ti (David Bowie,A<strong>la</strong>in Bashung…) <strong>la</strong> dizaine de titres. « C’est un bonjour sansexclusive, un bonjour <strong>la</strong>rge et généreux », confie-t-il entredeux mots échangés avec des amis dans une loge pleine àcraquer. « Ce n’est rien de plus que ça, un mot qui vient ducœur, plus qu’une simple politesse, une attention à l’autreque je rencontre. » Car sans l’autre, Rachid a du mal àvivre. C’est l’autre qui l’oblige à argumenter, à défendreson point de vue, à le c<strong>la</strong>rifier. C’est l’autre qui l’oblige à allerau fond des choses, plutôt que de se contenter d’une simpleapproximation. Quand, il y a des années déjà, il esquisse unefiliation entre <strong>la</strong> santiag et <strong>la</strong> babouche, certains pensent àune p<strong>la</strong>isanterie, à un trait d’esprit furtif comme il arrive souventen fin de soirée entre gens de bonne compagnie. Pourle chanteur né à Sig, non loin d’Oran, c’est bien plus queça, comme en témoigne ce nouvel opus enregistré à NewYork. « J’aime <strong>la</strong> musique popu<strong>la</strong>ire. Que ce soit du chaâbi,du rock ou une romance. Une bonne chanson demeure unebonne chanson. »Un pays a besoin de minorités« J’avais envie de nouvelles expériences », glisse celui qui,depuis Rhorhomanie, le premier album de Carte de Séjour,n’a pratiquement toujours travaillé qu’avec le producteur londonienSteve Hil<strong>la</strong>ge (Gong, System 7). « Ma rencontre avecGaëtan Roussel a fait le reste. Tout a été très vite », expliquet-i<strong>la</strong>u sujet de cet opus aux accents country, réalisé en deuxmois seulement. L’Amérique, cette nation d’immigrés qui senourrit de <strong>la</strong> sève de chacun, est une vision qui convient bienà ce chantre de <strong>la</strong> différence. « Un pays a besoin de minorités,de toutes ses minorités, fachos compris. Les Etats-Unis sontun grand pays pour ça. » Pour lui, « le départ des juifs despays arabes est, à ce titre, une perte ». Provocateur, vousdisais-je. S’il s’interdit « de se mêler de politique française entant qu’Algérien », affirme-t-il un sourire dans <strong>la</strong> voix, Rachidse permet tout de même de donner son avis sur l’état duracisme en France, lui qui vient dereprendre sur scène à Marseille,son célèbre Voilà, voilà (que çarecommence), accompagné aumic par le rappeur OrelSan et à <strong>la</strong>guitare par Mick Jones, l’ex-C<strong>la</strong>shdont <strong>la</strong> silhouette n’est pas sansrappeler celle de notre nouveauMinistre de <strong>la</strong> Culture : « La Francen’est pas un pays raciste, juste un pays habité par desracistes. Ce sont généralement des personnes qui n’ont aucuneculture. Les récents propos de Brice Hortefeux auraientdû conduire Fade<strong>la</strong> Amara et Rama Yade à démissionner »,estime le chanteur. « Si elles ne l’ont pas fait, c’est juste poursatisfaire à l’idée de réussite sociale qui est véhiculée dansleur famille » ajoute-t-il avant d’esquisser un « bonsoir » explicite.n Rachid Taha Bonjour (Barc<strong>la</strong>y/Universal)n En concert à paris : le 10 novembre 2009 à l’Olympian Chroniques et video sur mondomixhttp://rachid_taha.mondomix.com/fr/artiste.htmn°37 nov/dec 2009


32<strong>Mondomix</strong>.com // en couv'HISTOIRELes musiques tirent souvent leurs origines de circonstanceshistoriques et sociales particulières.La rubrique « Histoire » a pour ambition d’éc<strong>la</strong>ircir <strong>la</strong> genèseet le développement de mouvements musicaux.Les commerçants Saïd Hadjem et Arab Ougad devant leur boutique à Paris. 1922.Carte postale. Collection particulière Hamou Al<strong>la</strong>mLe Maghrebdans l’HexagoneTexte Eg<strong>la</strong>ntine ChabasseurPhotographies D.R.Présentée cet été à Lyon, l’exposition« Générations : un siècle d’histoire culturelledes Maghrébins en France » s’installe à <strong>la</strong>Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration(CNHI), à Paris. Photos, enregistrements etaffiches racontent l’aventure de l’exil et <strong>la</strong>construction d’une identité culturelle francomaghrébineau cours du XX e siècle.Le fond exposé y est unique : l’association Génériques, qui travailledepuis <strong>la</strong> fin des années 1980 autour de <strong>la</strong> mémoire des histoiresmaghrébines en France, a collecté de part et d’autre de <strong>la</strong> Méditerranéedes archives privées ou publiques, complètement inconnuesdu grand public. Elles permettent de comprendre les différentespériodes qui marquent l’histoire commune de <strong>la</strong> France et du Maghreb.Photos, musiques, extraits sonores, films, scopitones…donnent à voir et à entendre le discours des immigrés et leur perceptiondans <strong>la</strong> société française, de <strong>la</strong> fin du XIX e siècle aux années2000.Du folklore à <strong>la</strong> poudrePour dérouler ce siècle d’histoire, commençons par le commencement: au début était <strong>la</strong> fascination. A <strong>la</strong> fin du XIX e siècle, malgré<strong>la</strong> violence coloniale, les sociétés des deux rives se découvrent ets’apprivoisent... Les « ambassades maghrébines », de retour deParis, noircissent, en arabe, les pages de carnets de voyage vantantles splendeurs des Champs-Elysées et du raffinement français.Parallèlement, <strong>la</strong> vague orientaliste submerge les milieux artistiques,mais pas seulement. Dans le Doubs, par exemple, le médecin PhilippeGrenier, tombé en amour pour l’Algérie, se convertit à l’Is<strong>la</strong>m,se fait élire député et va à l’Assemblée Nationale en burnous. DansRencontre des membres de l’Etoile Nord-Africaine dansun café, en région parisienne. Vers 1936. Marcel Cerf.Photographie. Collection Marcel Cerfles expositions coloniales ou universelles, on fait venir des troupesfolkloriques de Tunisie, d’Algérie et du Maroc. Mais quelques annéesplus tard, les canons grondent en Europe et on mobilise leshommes de l’Empire : 300 000 soldats originaires du Maghreb seretrouvent au front et 130 000 ouvriers « importés » remp<strong>la</strong>cent lesouvriers français dans les usines. Après <strong>la</strong> guerre, une partie destirailleurs repart en Algérie, en Tunisie ou au Maroc. Trente mille sonttués au combat.Egalité !A partir des années 1920, s’ouvre une période de « cheminementde <strong>la</strong> conscience ». « Les Maghrébins ont fait leurs les valeurs républicaineset le prolétariat maghrébin dit, en gros : “au nom de vosvaleurs, <strong>la</strong> liberté, l’égalité, on demande l’indépendance” », expliqueNaïma Yahi, chargée de recherches de l’association Génériques.Pendant cette période, on joue à Paris beaucoup de musiquearabo-andalouse. Plusieurs artistes inventent, en parallèle desthèmes c<strong>la</strong>ssiques, une musique de l’exil, qui jette les fondementsd’une chanson maghrébine nourrie par <strong>la</strong> vie à Paris et son importantbrassage culturel. La bande-son de l’exposition redonne àcette musique <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qu’elle mérite. Le coffret Hna Lghorba : noussommes l’exil, a ainsi été co-édité par EMI Music et Génériques en2008. Il est le résultat d’une fouille minutieuse des archives d’EMI etpeut être considéré comme une introduction sonore à l’expositionGénérations. Pathé Marconi, devenu EMI Music, a enregistré tousles artistes de l’époque. Naïma Yahi, de l’association Génériques« a passé des heures les genoux dans <strong>la</strong> poussière », à exhumerpatiemment les trésors musicaux de cette période qui racontent,mieux que personne, les préoccupations des Maghrébins de l’exil.« EMI avait ces sons dans ses archives, mais sans avoir l’expertisepour savoir qu’un enregistrement du “Bourvil algérien”, RachidKsentini, intitulé Chômage par exemple, constituait un trésor. Ce<strong>la</strong>a été <strong>la</strong> même chose avec les affiches »… Les chansons en kabyle,en arabe ou en français, sur le ton comique, jazz, rumba ou variété…reflètent le bouillonnement culturel de <strong>la</strong> fin des années 1930 à1970. Des années de prise de parole cruciale. Dès 1940, les musi-n°37 nov/dec 2009


HISTOIRE <strong>Mondomix</strong>.com 33La France-Maghreben 5 dates• 14 novembre 1848 /La Constitution françaisede 1848 proc<strong>la</strong>me dans sonarticle 109 : « Le territoirede l'Algérie et des coloniesest déc<strong>la</strong>ré territoirefrançais ».• 13 juillet 1926 /Inauguration de La GrandeMosquée de Paris, dansle 5 ème arrondissement,en remerciement officieuxaux musulmans qui ontcombattu pour <strong>la</strong> France.• 17 octobre 1961 /les « Français musulmansd'Algérie » sortent dans <strong>la</strong>rue pour manifester contrele couvre-feu instauré poureux par le préfet de policede Paris, Maurice Papon.Le bi<strong>la</strong>n officiel fait état dedeux morts. Pas d'enquête,ni de condamnation :on ne sait toujours pasexactement combien depersonnes furent tuées.• 18 mars 1962 /Signature des Accordsd'Evian. L'Algérie devientindépendante, après leMaroc et <strong>la</strong> Tunisie (1956).Manifestation à Marseille aprèsl’assassinat de Laïd Moussa.1975. Photographie. CollectionAssociation Génériques• 3 décembre 1983 /Cent mille personnesmarchent à Paris pourl'égalité et contre leracisme. Alors que <strong>la</strong>manifestation avaitcommencé dansl'indifférence mi-octobreà Marseille, les marcheurssont accueillis par lePrésident de <strong>la</strong> République,François Mitterrand.Funérailles d’un tirailleur algérien mort des suites de ses blessures. Le « Taleb » récitant les prières devant le corps de soncamarade. 1914-1918. Maurice Branger. Photographie. Collection particulière Patrick Vegliaciens chantent « le social » dans les bars de Barbès, les cafés du 15 ème arrondissement de Paris, à côtéde l’usine Citroën, ou dans les cabarets orientaux du quartier <strong>la</strong>tin. Mais bientôt, les hommes en âgede se battre repartent au combat. Cette seconde guerre pour <strong>la</strong> libération de <strong>la</strong> France a des répercussionsdans tout l’empire colonial. Elle fait souffler sur l’Afrique un vent de liberté.De nouveaux combatsEn 1962, l’Algérie devient indépendante et parallèlement, beaucoup d’Algériens s’installent en Franceà cette période. Pendant ces années, l’Algérien Kateb Yacine (père d’Amazigh Kateb, fondateur dugroupe Gnawa Diffusion) qui donne à sa <strong>la</strong>ngue française des images et des couleurs algériennes, devientun écrivain majeur de sa génération, symbole puissant de cette double appartenance culturelle.Dans l’exposition, un poème de Kateb Yacine est mis en musique par les Têtes Raides. Non loin de là,une machine à scopitone (l’ancêtre du clip), permet de découvrir l’Algérienne Noura chanter en robe àmotifs sixties, devant un décor des mille et une nuits. En 1971, elle est <strong>la</strong> première chanteuse du « cataloguearabe » de Pathé à remporter un disque d’or. Dans les années suivantes, Djamel Al<strong>la</strong>m ou Idirreprésentent une nouvelle génération de musiciens qui modernise <strong>la</strong> chanson maghrébine. Beaucoupd’artistes chantent maintenant l’exil sans retour.Pour les immigrés des années 1970, démarrentde nouveaux combats : ceux du permis de travailet de <strong>la</strong> carte de séjour.Demande socialeLes années 1980, sont celles de <strong>la</strong> Marche pourl’Egalité, du mouvement SOS Racisme. Le raïexplose en Algérie et, en 1986, un grand concertest organisé à Bobigny, avec Cheb Khaleden tête d’affiche. C’est le début d’une périoded’effervescence autour de <strong>la</strong> « beurs génération »,rapidement troublée par les premiers heurts dansles cités entre les jeunes et <strong>la</strong> police, qui n’en finirontpas de coller à <strong>la</strong> peau des jeunes Français« issus de l’immigration ».La dernière partie de l’exposition, « Wesh, wesh, qu’est ce qui se passe ? », qui court des années 1990à aujourd’hui projette le visage des figures de <strong>la</strong> réussite, qui ont permis de faire prendre conscience à<strong>la</strong> société française de l’apport des cultures maghrébines dans <strong>la</strong> culture française.En terminant l’entretien, Naïma Yahi souligne simplement : « Cette exposition veut répondre à uneamnésie collective. Toute cette histoire, ce patrimoine culturel commun, rend possible aujourd’hui uneidentité culturelle franco-maghrébine. Il y a une demande sociale forte. On n’aurait jamais pu faire cetravail il y a dix ans ».n Exposition du 17 novembre 2009 au 18 avril 2010, à <strong>la</strong> Cité Nationale de l’Histoire del’Immigration, 293 av. Daumesnil, 75012 Parisn Hommage à Kateb Yacine à l’IMA le 9 décembrewww.generiques.orgwww.histoire-immigration.fr6h de soutien aux luttes des travailleurs immigrés. Vers 1975.Tract. Collection particulière Khemissi Djataoun°37 nov/dec 2009


34<strong>Mondomix</strong>.com // en couv'La voix des exclus“Quand je suis entré en sixième, on m’a demandé :“Vous êtes de quelle nationalité ?”J’ai répondu : “Française”.Et on m’a dit : “Mais non, vous êtes italien !”Ça m’a beaucoup vexé ... ” Sanseverinon°37 nov/dec 2009


SanseverinoTexte François Bensignor Photographie Jean-Baptiste Mondino35En enregistrant Les Faux Talbins (« faux billets » en argot, ndlr), nouvel album qu’il réaliseseul, Sanseverino n’avait d’autre concept que de capter <strong>la</strong> fraîcheur du live en studio.Il y aborde le thème de l’exclusion sur le mode décalé, comme l’indique sa phrasefétiche : « Je ne sors pas avec toi, je sors de l’hôpital. »Avec son costard italien au look années 1950, palpant uneliasse de faux billets, dans sa poche intérieure, Sanseverinoa un petit air de trader déjanté sur <strong>la</strong> pochette de son nouve<strong>la</strong>lbum, Les faux talbins. Loin de lui, cependant, l’intention des’attaquer aux dérives de <strong>la</strong> finance internationale. « En tantqu’auteur, un personnage comme celui de Kerviel — sur lequelon est en train de faire un film parce qu’il a défrayé <strong>la</strong> chronique— m’intéresse mille fois moins qu’un ma<strong>la</strong>de mental ou unepute », explique-t-il.Courts-métragesGalerie de portraits truffés de clins d’œil humoristiques, ce recueilde 17 chansons s’écoute comme un festival de courtsmétrages.Celui que l’on connaît en maître du swing tsiganen’a pas son pareil pour brosser, en quelques coups de griffes,le pertinent tableau de l’exclusion ordinaire : <strong>la</strong> tapineuse (Lareine du périphérique), l’interné psychiatrique (Ma<strong>la</strong>de mental),les tau<strong>la</strong>rds (Les marioles), le gros dégueu<strong>la</strong>sse (Tu puesBenny)…Le Grand Grégory serait un thème idéal pour faire vibrer le pathosà <strong>la</strong> manière d’une chanson réaliste. Un SDF des paysde l’Est vit sous un pont, fait <strong>la</strong> manche au feu rouge, meurtde froid et a « le même enterrement que le Petit Grégory ».Mais Sanseverino sait mettre <strong>la</strong> distance, alliant réalité sordide,émotion, humour et réflexion. Et surtout, il désamorce le risquede sentimentalisme en dérou<strong>la</strong>nt l’enchaînement des scènesau rythme décalé d’un bluegrass taillé au cordeau. « Jamais jen’illustrerai l’histoire d’un Ukrainien avec de <strong>la</strong> ba<strong>la</strong><strong>la</strong>ïka, affirmele chanteur. Si je fais une chanson tsigane, je n’ai pas envie deparler de roulotte. Et pour moi, un bluegrass donnera quelquechose de plus intéressant pour parler d’un SDF ukrainien, quesi je raconte qu’on est dans le Tennessee à bouffer du pain demie… »Amateur de pirouettes et d’humour grinçant, Sanseverinol’est tout autant de cavalcades sur six cordes. Ici, trois guitaress’enchevêtrent en permanence. Violemment chaotiquepar moments, leur son finement affûté dérape aussi sur unruti<strong>la</strong>nt rockabilly. Des accents de beug<strong>la</strong>nts chavirent sur lebord d’un bayou, pendant que les deux temps cognés d’unevalse américaine croisent une bal<strong>la</strong>de swing. Pour le premieralbum qu’il réalise lui-même, Sanseverino déverse un paquetde rock sur ses tsiganeries. « J’ai envie de me démarquer ducôté “chanson française” qu’on m’a collé. C’était très sympaparce que j’ai rencontré plein de gens intéressants, fait plein dechoses avec Bénabar, Jeanne Cherhal, etc. Ce sont de bonsamis, même si on ne se voit pas beaucoup. Mais je me sensun peu plus décalé et certainement plus proche d’amis commeSchultz, de Parabellum, et André Minvielle. »Enfant nomadeCette propension au déca<strong>la</strong>ge lui vient sans doute de <strong>la</strong> vienomade qu’il a vécu avec sa famille jusqu’à l’adolescence.« Mon père, qui travail<strong>la</strong>it dans l’industrie du papier, al<strong>la</strong>itmonter des usines un peu partout, raconte-t-il. Pendant mes15 premières années, on changeait de façon de vivre quasimenttous les six mois. Après trois mois passés en France,ma mère, mon frère et moi étions impatients de savoir oùnous allions repartir. Quand mon père nous annonçait quele départ était prévu, c’était <strong>la</strong> bonne nouvelle pour toute<strong>la</strong> famille. J’ai fait <strong>la</strong> découverte des pays de l’Est quandj’étais môme : Bulgarie, Tchécoslovaquie, Yougos<strong>la</strong>vie… J’aiété exposé aux musiques tsiganes, qui se jouaient dans lesrestaurants. Mais pour mon père, c’était assez horrible d’ytravailler pendant les années 1960, en pleine période communiste.»Un autre choc musical se produit au Mexique en 1972-73. « Lamusique mexicaine me rappelle le fado et <strong>la</strong> musique tsiganedans ce qu’elle a de romantique, pleurnichard et joyeux. LeMexique est le pays qui nous a fait le plus délirer. Ensuite, noussommes restés un an et demi en Nouvelle-Zé<strong>la</strong>nde. En dehorsde <strong>la</strong> variété, il y avait <strong>la</strong> musique maori : des rythmiques terribles,des instruments étranges, comme les bambous. Leschants, qui vont jusqu’au haka, peuvent être très prenants.Mais on ne rencontrait cette musique que dans les lieux pourtouristes, ce qui ne <strong>la</strong> rendait pas très intéressante. »Fibre ritaleL’impression d’être différent des autres, Stéphane Sanseverino<strong>la</strong> tient sans doute du nom dont il a hérité et qu’il conserve à <strong>la</strong>scène. « J’ai des grands-parents napolitains, qui sont arrivésen France dans les années 1930. Quand on al<strong>la</strong>it chez eux rejoindre<strong>la</strong> famille de mon père à Grenoble, je disais qu’on al<strong>la</strong>iten Italie, parce que tout le monde par<strong>la</strong>it en napolitain, sansse préoccuper des brus qui étaient françaises. À <strong>la</strong> fin du repas,on se mettait à chanter en napolitain. J’étais petit et je necomprends pas cette <strong>la</strong>ngue. Je défie d’ailleurs quiconque de<strong>la</strong> comprendre et je connais beaucoup d’Italiens qui n’y pigentrien … Mais j’aime bien échanger des mots en italien avec GPCremonini, le bassiste avec lequel je travaille depuis toujours,qui est un Vénitien. Et quand je vois mes enfants, surtout mesdeux grandes filles de 12 et 14 ans, sitôt qu’elles portent desfringues c<strong>la</strong>sses et de grandes boucles d’oreilles, je les trouveterriblement “ritales”. »Trop jeune pour avoir expérimenté <strong>la</strong> discrimination qui sévissaità l’encontre des Italiens à l’époque où ses grandsparentsont émigré en France, Stéphane garde un souvenircuisant du mépris affiché à son égard : « Quand je suis entréen sixième, on m’a demandé : “Vous êtes de quelle nationalité?” J’ai répondu : “Française”. Et on m’a dit : “Mais non,vous êtes italien !” Ça m’a beaucoup vexé, parce que c’étaitdit d’une manière insidieuse. Mais c’est à peu près <strong>la</strong> seulefois où j’ai eu des problèmes avec ça. Quand on me traitait de“Rital”, je m’en fichais, parce que dans les années 1970, entreLino Ventura à Joe DiMaggio, l’image était plutôt sympa. »n Sanseverino Les faux Talbins (Columbia)n video de Sanseverino sur mondomixhttp://sanseverino.mondomix.com/en/artiste.htmn°37 nov/dec 2009


36<strong>Mondomix</strong>.com // en couv'Diversi-TéléTexte Catherine Humblotphotomontage Benjamin MiNiMuMIl ne faut jamais désespérer.Combien de rapports, d’enquêtes,de pétitions, d’articles, de conférences,il aura fallu pour faire avancer <strong>la</strong> causede <strong>la</strong> « diversité » dans les medias !Mais « avancer » reste un bien grand mot…Il suffit de regarder trois jours de suite lesgrandes chaînes nationales pour apprécierl’ampleur de <strong>la</strong> discrimination, dont unepartie de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française continued’être l’objet.Dix années de luttes pour constater le travail colossal qu’il resteà faire. Si quelques comédiens noirs sont intégrés ici et là dansdes séries françaises, combien de fictions parlent de <strong>la</strong> Francetelle qu’elle est aujourd’hui ?Télévision monocoloreLe 4 septembre 2003, Zaïr Kedadouche, alors membre du HautConseil à l’Intégration (HCI), faisait part de son inquiétude dansune tribune du Monde. Après le « bonheur télévisuel » de regardertous les jours des B<strong>la</strong>cks-B<strong>la</strong>ncs-Beurs pendant les championnatsdu monde d’athlétisme, il s’étonnait de retourner, dujour au lendemain, à une télévision monocolore. Il en appe<strong>la</strong>itau président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) poursensibiliser les responsables des chaînes à cet enjeu « républicain». Sa tribune avait fait mouche. Des rencontres avaient étédécidées entre les deux institutions pour tenter de remédier à cetriste constat.“ Le modèle républicainqui imprègne discours et modesde pensée, pose un sérieux défi àqui veut évaluer <strong>la</strong> présence desFrançais dont les parents sontarrivés d’Afrique, du Maghrebou d’Asie, autrement dit des« minorités visibles » ”On ne fera pas ici l’historique d’un dossier qui a avancé puisstagné, avant de régresser à nouveau. Mais lorsque nous revenonsen arrière, nous voyons, avec intérêt, comment les chosesont évolué. La question de <strong>la</strong> représentation de <strong>la</strong> « diversité »de <strong>la</strong> société française (pour reprendre <strong>la</strong> seule terminologie officiellementautorisée) a commencé à devenir un sujet de préoccupationen France à <strong>la</strong> fin des années 1980, soit près devingt ans après <strong>la</strong> Grande-Bretagne. Autre fait à noter : celui del’approche spécifique de <strong>la</strong> France concernant l’appréhensiondu problème. Le modèle républicain qui imprègne discours etmodes de pensée, pose un sérieux défi à qui veut évaluer <strong>la</strong>présence des Français dont les parents sont arrivés d’Afrique,du Maghreb ou d’Asie, autrement dit des « minorités visibles ».La loi républicaine qui promeut l’égalité entre les citoyens, neveut pas voir qu’il y a des minorités ethniques, de couleur. Elleinterdit de les nommer, rendant tout travail des chercheurs particulièrementdifficile.L’action des associationsOn aurait pu s’attendre à ce que les gouvernements français,comme au Royaume-Uni, soient à l’initiative. Or, c’est l’actiondes collectifs citoyens qui a impulsé le débat en le portant sur<strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce publique. Le collectif Egalité d’abord, puis d’autres : leclub Averroes, le Cercle d'Action pour <strong>la</strong> Promotion de <strong>la</strong> Diversité(CapDiv), le Conseil Représentatif des Associations Noiresn°37 nov/dec 2009


“ Le collectif Egalité,fondé par des artistes noirs(Calixthe Beya<strong>la</strong>, Jacques Martial,Manu Dibango…) a créél’évènement en septembre 1999en appe<strong>la</strong>nt un chat un chatet en dénonçant <strong>la</strong> sousreprésentationdes Noirsà <strong>la</strong> télévision”(CRAN)… Ce sont leurs questions, remarques et revendications,peu à peu reprises, voire amplifiées par <strong>la</strong> presse, qui ont contribuéà une prise de conscience de l’inégalité de traitement. Pourmémoire, le collectif Egalité, fondé par des artistes noirs (CalixtheBeya<strong>la</strong>, Jacques Martial, Manu Dibango…) a créé l’évènementen septembre 1999 en appe<strong>la</strong>nt un chat un chat et en dénonçant<strong>la</strong> sous-représentation des Noirs à <strong>la</strong> télévision. Il avait menacéde porter p<strong>la</strong>inte pour discrimination et d’appeler au boycottdes portables de <strong>la</strong> marque Bouygues, propriétaire de TF1, si<strong>la</strong> première chaîne ne faisait pas d’efforts. Un coup d’éc<strong>la</strong>t quiavait valu au collectif d’être reçu par le président du CSA, quià son tour, avait commandé une étude sur « <strong>la</strong> présence et <strong>la</strong>représentation des minorités visibles (mot tabou jusque-là) à <strong>la</strong>télévision ». Le rapport avait conclu sur une sous-représentationeffective.Une progression lenteLe CSA avait alors demandé au Ministère de <strong>la</strong> Culture d’étudierune modification des cahiers des charges des grandes chaînespubliques et privées, et aux chaînes d’envoyer, une fois paran, le bi<strong>la</strong>n de leurs initiatives pour corriger le déficit. TF1 aété <strong>la</strong> première à bouger. Ses dirigeants ont entamé une réformesecteur par secteur (lettres aux producteurs, politiqued’embauche, travail sur les castings…) jusqu’à <strong>la</strong> nominationspectacu<strong>la</strong>ire de Harry Roselmack comme présentateur du JTde 20 heures le 6 mars 2006 ! France Télévisions a, de son côté,nommé un « Monsieur diversité » dont les travaux ont abouti àl’adoption d’un P<strong>la</strong>n d’action positive pour l’intégration, fin janvier2004. Canal + et M6, enfin, chacune à sa manière. Ensuite,il y a eu <strong>la</strong> création d’un Fonds Images de <strong>la</strong> diversité en 2007,de l’Observatoire de <strong>la</strong> diversité au sein du CSA en 2008, d’unnouveau comité au sein de France Télévisions… Des initiatives,certes, des efforts assurément.Ce qui frappe pourtant, c’est <strong>la</strong> lenteur et le peu de résultats.Force est de constater l’existence de blocages, pas seulementau niveau politique, mais à tous les étages de <strong>la</strong> société françaiseencore imprégnée de son histoire coloniale et des stéréotypesqui perdurent. Comment faire bouger vraiment ? Si changementsil y a eu, c’est parce que les différents secteurs de <strong>la</strong>société – les institutions, les politiques, <strong>la</strong> presse, le pouvoir –, sesont à un moment ou un autre, tour à tour, mis en mouvement.Un mouvement qu’il ne faut pas oublier. Reste alors l’espoir queles nouvelles générations prennent le re<strong>la</strong>is, se mêlent du dossier,et contribuent à ce que les chaînes s’ouvrent, et participentà <strong>la</strong> fabrication d’un nouvel imaginaire collectif.n°37 nov/dec 2009n°37 nov/dec 2009


38 <strong>Mondomix</strong>.com // en couv'Au-delàdes couleurs“ A l’heure où l’on parle de métissage,je pense qu’on ne peut plus résumer les chosesà une couleur. ” Oxmo puccinon°37 nov/dec 2009


OXMO PUCCINOTexte Jean Berry Photographie Jean-Baptiste Mondino<strong>Mondomix</strong>.com 39Conversation avec le rappeur d’origine malienne, nouveau parrain de l’Unicef, à quelquesjours de <strong>la</strong> sortie de l’album du collectif Music’All.Il a pris de <strong>la</strong> hauteur, apporté au rap français une touchedifférente, à <strong>la</strong> fois très musicale et poétique, s’immergeantnotamment dans l’univers du jazz avec Lipopette Bar et sesJazzbastards, chez Blue Note... avant d’inviter, sur son dernieralbum L’Arme de Paix K’Naan, Sly Johnson et Olivia Ruiz, dansun axe plus « chanson ». Côté scènes, il sillonne les routesde France jusqu’à <strong>la</strong> fin de l’année, entouré de ses musiciens.En parallèle, sort, le 9 novembre, l’album du collectif Music’All,fondé par les deux jeunes producteurs Sidney Regal & MickaelMinacca. Signé sur le tout nouveau B<strong>la</strong>ck Stamp Music, cetopus constitue un hommage aux grandes heures « soul » Pourl’occasion, il réunit des rappeurs dont Feniksi et Sir Samuel(ex-Saïan Supa Crew), ou Busta Flex…L’occasion d’une conversationavec Oxmo Puccino sur <strong>la</strong> France d’aujourd’hui, lehip-hop, ses origines africaines, ses parents ou son enfance àParis. Magnéto.n Y’a-t-il une dimension identitaire dans B<strong>la</strong>ckStamp et le projet Music’All ?Oxmo Puccino : Non, pas vraiment. Pour moi, c’est plutôtune référence à <strong>la</strong> grande époque des <strong>la</strong>bels Stax et Motown.Une période dont les saveurs inégalées résonnent encoreaujourd’hui. Un son chaud, qui vient des Amériques, auquelnous avons ajouté notre « french touch ». B<strong>la</strong>ck Stamp n’a rienà voir avec l’identité. A l’heure où l’on parle de métissage, jepense qu’on ne peut plus résumer les choses à une couleur.n Votre démarche musicale est-elle liée à unedémarche citoyenne ?OP : Involontairement, oui. Je suis plutôt dans le souci de faireune musique distrayante, aimée. Parfois, ajouter des messagessociaux ou des problèmes quotidiens, sans vraie teneurpoétique, peut contribuer à l’alourdir. J’ai donc toujours évitéd’être engagé trop directement. D’un autre côté, comme ditl’un de mes potes, dès que l’on prend le micro, c’est un acteengagé, militant, quoi qu’on fasse.n Vous êtes issu de <strong>la</strong> diversité culturelle etethnique de <strong>la</strong> France. Pensez-vous que lesdifférentes communautés sont bien acceptéesaujourd’hui ?OP : On sait très bien que non. C’est un sujet dont j’entendsparler depuis tout petit... Les choses changent parce que nousgrandissons mais, au fond, je n’attends rien de spécial. Onéduque nos enfants, et puis on essaie d’avancer. On est là, et iln’y a pas tellement de questions à se poser. Les gens pensent,pensent, pensent…mais le monde appartient à ceux qui font.n La politique très dure au détriment desimmigrés, des réfugiés, c’est quelque chosequi vous touche ?OP : J’ai connu <strong>la</strong> période Pasqua, alors que voulez-vous quej’en pense ? C’est <strong>la</strong> France. Ca fait partie de <strong>la</strong> France. J’aiappris à faire avec, je n’en suis plus à me révolter ou à êtreoffusqué. Les choses ne changent pas tant que ça, en fait. Regardezle bruit qu’il y a eu récemment autour des propos d’unministre : ça n’a choqué personne, au fond. On sait bien quebeaucoup pensent <strong>la</strong> même chose que lui. Voilà <strong>la</strong> réalité.n Vous n’avez pas grandi en banlieue mais àParis...OP : Je <strong>la</strong>isse souvent dire et écrire que j’ai grandi en banlieue,parce que ça m’amuse. Ca colle tellement aux clichés !Lorsque l’on appartient à une certaine catégorie ethnique, onvient forcément de banlieue. Mais j’ai grandi dans le 19èmearrondissement, à Paris qui a été mon unique quotidien jusqu’àmes 25 ans…n Comment était-ce de vivre à Paris, en tantqu’enfant africain, dans les années 1970 et1980 ?OP : Ce que je retiens des familles noires ici, c’est essentiellementles parents, qui faisaient tout pour qu’on soit bien, pourqu’on rentre dans le rang et dans le moule, pour ne pas faire debruit, pour ne déranger personne, quitte à se taire. On garde çaen mémoire. Puis, en grandissant, on commence à rentrer encontact avec le monde extérieur. Et quand on voit <strong>la</strong> manièredont on peut être reçus, perçus, on s’imagine ce qu’ont vécules parents... Ca ne devait pas être facile, comme aujourd’huiça ne l’est pas.n Musicalement vous avez suivi une directionqui dénote dans le rap français. Que pensezvousdu mouvement aujourd’hui ?OP : Il ne s’en tire pas mal. Qu’on en parle encore, c’est déjàbeaucoup. Il y a des artistes de <strong>la</strong> nouvelle génération qui seportent bien, des artistes d’avenir. A l’époque où j’ai commencé,l’avenir était hors de question... Donc, malgré tout ce qu’onpeut entendre, ce qu’on peut reprocher ou constater, je suisassez optimiste. Aujourd’hui, nous avons nos anciens, nosnostalgiques, les nouveaux... Il s’est passé quelque chose quin’a pas été vain. Même si des choses ont perdu en intensité,qu’il y a beaucoup de rappeurs, qu’ils sont trop ceci ou tropce<strong>la</strong>, je suis quand même content, parce que je n’aurais jamaispensé qu’on puisse en arriver là... Ce week-end par exemple,j’étais à Saint-Etienne au festival des Potos Carrés. Dans lemême train et sur <strong>la</strong> même scène, il y avait Bustaflex, Youssoupha,Sefyu, Dany Dan, DJ Sek et DJ Mars, Rocca, Cutkiller...Vingt ans de hip-hop réunis.n Sur quels projets travaillez-vous en cemoment ?OP : D’abord j’écris une chanson sur l’enfance qui sortira le20 novembre pour l’Unicef, dont je suis parrain. J’écris aussides titres pour des chanteuses, un inédit pour <strong>la</strong> réédition del’album... Et puis je repars en tournée jusqu’à <strong>la</strong> fin de l’année.Du pain sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nche, beaucoup de pain.n Oxmo Puccino L’Arme de Paix,(<strong>la</strong>bel Cinq sept Music’All, <strong>la</strong>bel B<strong>la</strong>ck Stamp Music)n En concert La tournée française d’Oxmo Puccinopassera par l’Olympia le 7/12www.oxmo.net/n video d'Oxmo Puccino sur mondomixhttp://oxmo-puccino.mondomix.com/fr/artiste.htmn°37 nov/dec 2009


40 <strong>Mondomix</strong>.com // en couv'Mo Ka<strong>la</strong>mityTexte Eg<strong>la</strong>ntine Chabasseurphotographie Bugs StefenEnfin une voix féminine dans le reggaehexagonal !Et ce<strong>la</strong> n’a rien d’anecdotique,car celle de Mo Ka<strong>la</strong>mity, douceet ouatée, réchauffe ce débutd’automne. Elle sort, ces jours-ci, sonsecond album : Deeper Revolution,une auto-prod’ dense et séduisante.ReggaenouvellegénérationMo Ka<strong>la</strong>mity est arrivée en France avecson père à l’âge de six ans. Le souvenirle plus précis de son enfance sur l’île deSantiago, <strong>la</strong> plus grosse du Cap-Vert, estsonore. Mo se rappelle <strong>la</strong> p<strong>la</strong>tine vinyle dusalon de ses parents, où Burning Speardébou<strong>la</strong>it sans prévenir, entre un albumde funana ou un morceau de morna, deuxgenres musicaux de l’archipel.Des Iles à l’HexagoneEn débarquant à Paris, un jour où <strong>la</strong> pluiefaisait briller les pavés, Mo a rompu avecsa culture capverdienne. Le reggae, parcontre, est resté : « Ce n’est pas un hasard.Je me retrouve complètement danscette musique. Il y a quelque chose detrès africain dans le reggae : des bassestrès fortes et un rythme entraînantcomme dans <strong>la</strong> musique capverdienne,et puis quelque chose d’occidenta<strong>la</strong>ussi… ». Aujourd’hui, Mo reste loin del’actualité quotidienne de l’archipel, maissuit par contre celle de ses compatriotesféminines qui portent haut les couleurs duCap-Vert : Lura, Mayra Andrade ou SaraTavares. Pour autant, dans le reggae deMo Ka<strong>la</strong>mity, rien ne met sur <strong>la</strong> piste deses origines. « Mon inspiration, c’est plutôtle reggae de <strong>la</strong> fin des années 1960au début des années 1980 : The Congos,Alton Ellis, Burning Spear, BarringtonLevy…J’écoute tellement ce son depuisdes années, qu’il m’influence certainementquand je compose, d’une manièreou d’une autre… ». Basse en avant, rythmiqueimpeccable, solos de guitare électrique,dub, cuivres et flûte, rapprochentsoudainement Paris de Kingston...“ Le monde tourneactuellementselon une logiqueillogique. La sociétéet <strong>la</strong> télévisionpoussent les gensà ne plus êtreeux-mêmes... ” Mo Ka<strong>la</strong>mityChangement intérieurMo Ka<strong>la</strong>mity & the Wizards proposent eneffet un reggae de « deuxième génération» : les influences des pères de <strong>la</strong> musiquejamaïcaine ont été digérées, mûrieset jaillissent dans Deeper Revolution. Lepropos, lui, est contemporain : il colle à <strong>la</strong>réalité de <strong>la</strong> société française des années2000. Chantés en français et en ang<strong>la</strong>is,les textes de Mo Ka<strong>la</strong>mity séduisent parleur sincérité. Elle s’explique, regard directet sourire généreux. « Le titre de l’album,Deeper Revolution, c’est une façon dedire que le changement doit d’abord êtreintérieur, pour se répercuter ensuite collectivement.Le monde tourne actuellementselon une logique illogique. La sociétéet <strong>la</strong> télévision poussent les gens à neplus être eux-mêmes... Je dis simplementque <strong>la</strong> “concrete jungle” que chantait BobMarley, c’est toujours d’actualité : en ville,les gens deviennent de plus en plus sauvages.Pour moi, il est possible de revenirà quelque chose de plus “terrien”, de plushumain ». Le propos n’a rien de révolutionnairedans <strong>la</strong> forme. Par contre, dans <strong>la</strong>voix, l’écriture des textes, <strong>la</strong> personnalitéforte et tranquille et le son puissant de MoKa<strong>la</strong>mity & The Wizards, brûle une f<strong>la</strong>mmequi renvoie aux meilleures années jamaïcainesdu genre.n Mo Ka<strong>la</strong>mity & the WizardsDeeper Revolution (L’Assos Pikante)sortie 31 octobre 2009n En concert A Paris le 31 octobreau New MorningMo Ka<strong>la</strong>mity & The Wizardscherchent un tourneur, contacter :www.<strong>la</strong>ssospikante.comn video de Mo Ka<strong>la</strong>mity sur mondomixhttp://mo-ka<strong>la</strong>mity.mondomix.com/fr/artiste.htmTéléchargersur mp3.mondomix.com28059n°37 nov/dec 2009


Hindi ZahraTexte Isadora DartialPhotographie D.R.La chanteuse berbère Hindi Zahraest l’une des plus belles promessesmusicales surgies en France cesderniers mois. A force de participationsremarquées à de prestigieux festivals(Rock en Seine, Womad, Rio Loco, AfricaExpress…) et de premières partiesjudicieuses (Amazigh Kateb ou PiersFaccini), <strong>la</strong> rumeur f<strong>la</strong>tteuse autour decette jeune trentenaire venue du Marocà l'âge de 13 ans ne cesse d’enfler. Enattendant de découvrir son premieralbum, Hand Made, en janvier prochainsur l’illustre <strong>la</strong>bel Blue Note, un cinq titrespétil<strong>la</strong>nt arrive en éc<strong>la</strong>ireur.n On connaissait le son « indie », commentsonne le Hindi ?Ma base est vraiment blues et folk. J'essaie d'y insuffler desreflets orientaux, berbères… J'aime que ces influences semé<strong>la</strong>ngent pour donner un son nouveau. Pour le chant etl'interprétation, j'ai beaucoup écouté et appris de chanteusescomme Yma Sumac, Amália Rodrigues, Oum Kalthoum, DimiMint Abba, ainsi que des chanteuses berbères. Il y a quelquechose dans leur manière de chanter qui, selon moi, touche àl'essentiel.n Tes titres sont en ang<strong>la</strong>is, en berbère, mais tudis aussi quelques mots en français...Oui, deux mots (rires). J'écris beaucoup de poésie et de textesen français parce que <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue colle, mais pour le chant, <strong>la</strong><strong>la</strong>ngue ang<strong>la</strong>ise me vient plus facilement... Déjà, au Maroc, jechantais en ang<strong>la</strong>is. Chez nous, les grandes références sontberbères, orientales, africaines et ang<strong>la</strong>ises. Pour les titres enberbère, j'ai voulu une interprétation différente de celle qui existe.J'ai amené <strong>la</strong> mélodie à sonner dans des contextes nouveauxet ça a donné Oursoul, l’un de mes premiers titres. ...n Voilà près de 15 ans que tu vis en France.Comment te sens-tu ici ?J'ai mis cinq ans à rentrer en France mentalement parce que,quoi qu'on en dise et peu importe <strong>la</strong> destination, on met dutemps à assimiler une culture. Et ça vaut aussi pour un provincialqui débarque à Paris ! C'est au moment où j'ai commencéà maîtriser <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue, l'argot, son humour, ses finesses que j'aiété intégrée (quel horrible mot)...Coluche m'a fait du bien, parexemple. Il ne par<strong>la</strong>it pas que des Français. Il racontait les gensen général et, pour moi, c'était important. Après, ça ne mecorrespond pas de dire : je suis marocaine ou je suis française.Je préfère tisser un patchwork des cultures que je rencontreet des gens que je croise, plutôt que de faire référence à uneculture précisément. Je survole <strong>la</strong> France comme je survoleraisl'Angleterre.n As-tu eu envie de t'installer là-bas ?Oui, en Belgique aussi. J’aime le bouillonnement artistique deLondres, son côté décomplexé. Là-bas, je ne suis pas unecuriosité. Je ne me sens pas jugée. Ce qui les intéresse c'estce que je fais, et non ce que je suis.n Hindi zahra Hand Made (Blue note)Folknomade“ C'est au moment où j'ai commencéà maîtriser <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue, l'argot,son humour, ses finessesque j'ai été intégrée (quel horrible mot) ”Hindi Zahran°37 nov/dec 2009


42 <strong>Mondomix</strong>.com // voyagescarnet de v oyag eAprès <strong>la</strong> moussonTexte et photos Nadia AciEn août dernier, notre col<strong>la</strong>boratrice Nadia Aci s'est rendue en Indeet au Népal pour un périple solitaire d'un mois, à <strong>la</strong> recherche d'unpeu de sens et de sensations.Voici un extrait de son carnet de voyage.10 août, New DelhiIl est 5h30, et déjà les vélo-rickshaws pédalent et k<strong>la</strong>xonnent, en proie à <strong>la</strong> chaleur suffocante de <strong>la</strong> ville.Premier bain en Inde, dans cette atmosphère de turbulence et de noncha<strong>la</strong>nce perpétuelle qui bouleverseinsidieusement le visiteur <strong>la</strong>mbda.New Delhi est une mégalopole affolée qui se nourrit de contrastes, de sons et de couleurs. Comme souventen Inde. Mais ici, tout est plus ample : les distances, les bruits, l'écart entre richesse et pauvreté. Ons'extasie devant <strong>la</strong> sublime Mosquée Jama Masjid en surplomb et déjà, au bas des escaliers, on retrouveles enfants qui mendient, l'humidité crasseuse et les ruelles moyenâgeuses qui forment le poumon de <strong>la</strong>ville, le quartier de Old Delhi. « Il y a une odeur, une couleur, un sens qui est l'Inde : le moindre fait le plusinsignifiant a un poids d'intolérable nouveauté. » C'est en 1961 que Pasolini écrit L'odeur de l'Inde, etaujourd'hui, j'y retrouve le même souffle, cette même stupeur devant l'inconnu.15 août, Bénarès (Varanasi)Bénarès au bord du GangeIl y a 62 ans exactement, l'Inde fêtait son premier jourd'indépendance, après un siècle de colonisation britannique.Pourtant, à Bénarès, c'est une journée sans feux d’artifices dans le quotidien mystique de l'unedes plus vieilles cités du monde. Les venelles escarpées du Chowk, au cœur de <strong>la</strong> ville, demeurent ce<strong>la</strong>byrinthe qui vous égare, dans un fourmillement continu où se croisent brebis, enfants rieurs et vachessacrées.Équivalent de La Mecque pour les musulmans, Bénarès est un lieu de pèlerinage incontournable pour leshindous. Ils sont des milliers à venir y brûler leurs défunts pour mettre fin au cycle infernal de <strong>la</strong> réincarnationet accéder au nirvana, sur les bûchers ardents installés le long des ghâts (les marches au bord duGange) et dont <strong>la</strong> f<strong>la</strong>mme persiste depuis plus d’un millénaire. C'est sur le Manikarnika ghât que je voiss'élever le feu sacré dont l'incessante vivacité noircit les immeubles et consume un corps recouvert d'unlinceul rouge et de colliers de fleurs, ce corps qui a besoin de plus de 400 kilos de bois pour devenir cendres.Ici, tous les extrêmes se côtoient, avec cette excitation <strong>la</strong>tente, ce besoin de purification qui exagèreles sens et donne à l'ensemble un parfum de mort aux couleurs de feu. Le corps brûle, et pourtant lesbarques naviguent, les vendeurs ambu<strong>la</strong>nts racolent le touriste en perte de repères, les vaches s'arrêtentet cachent le spectacle, les enfants chahutent dans l'eau pendant qu'un cadavre à demi calciné flotte sur<strong>la</strong> rive.A 18h, plus loin, sur le Dasashwanedh ghât, a lieu, comme chaque jour, <strong>la</strong> Puja, une cérémonie religieusequi rend hommage à <strong>la</strong> déesse Ganga. Portés par les f<strong>la</strong>mmes, les effluves d'encens et les fleurs en pagaille,les musiciens donnent le ton pour démarrer une prière qui bientôt se transforme en véritable dansedu feu. Et l'écho dégradé des haut-parleurs qui assaillent les rues finit d'échauffer l'ambiance surréalistequi se propage, dans cette fumée d'un autre monde.n°37 nov/dec 2009


<strong>Mondomix</strong>.com 43Durbar Square / Patan22 août, KatmandouJe n'oublierai jamais mon arrivée à Katmandou, cette grandejoie étouffée devant <strong>la</strong> beauté de Durbar Square, une p<strong>la</strong>ceoù l'imp<strong>la</strong>cable sagesse des temples et des pa<strong>la</strong>is s'oppose àl'agitation des passants et des k<strong>la</strong>xons (toujours !). Katmandoua quelque chose de l'Inde : le même grouillement permanent, lemême trafic, <strong>la</strong> même pollution. Mais elle conserve une touchede poésie asiatique bien à elle, avec sa vallée en toile de fond,son architecture bouddhique, ses visages dont les traits rappellentceux des Indiens, des Tibétains, des Chinois, mais qui sont en faitceux des Népa<strong>la</strong>is.Ce 23 août au matin, les rues déploient leurs plus beaux apparatspour célébrer Teej, <strong>la</strong> fête des femmes. Fleurs et guir<strong>la</strong>ndess'amoncèlent et décorent les murs de Durbar Square. Les femmes,toutes de rouge vêtues, dansent au son des battements demains, des tintements de bracelets, de cloches et de tambourins,acc<strong>la</strong>mées par les cercles qui se forment pour prendre part àl'allégresse ambiante.Les jours suivants, l'exploration de <strong>la</strong> vallée de Katmandou me faitdécouvrir l'immense spiritualité qui parcourt des lieux aux fortesémanations hindouistes et bouddhistes : Bhaktapur (où fut tournéle célèbre Little Buddha de Bertolucci), Pashupatinath (le Bénarèsdu Népal, où les crémations ont lieu le long du fleuve Bagmati),Patan (<strong>la</strong> plus ancienne cité bouddhique d'Asie)...Fin du voyageJe passe les derniers jours dans mon quartier d'adoption, FreakStreet, à Katmandou, l'ancien QG des hippies. Fini le temps oùl'on venait y fumer l'herbe népa<strong>la</strong>ise vautré sur le pavé en buvantle <strong>la</strong>ssi local ! C'est devenu une zone accueil<strong>la</strong>nte où l'on boit sonthé à l'heure de <strong>la</strong> coupure d'électricité quotidienne avec quelquechevelu nostalgique. Car les péripéties politiques qui ont touché leNépal ont <strong>la</strong>issé des séquelles, et <strong>la</strong> police veille.Cette semaine, pour fêter <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> mousson, on célèbre IndraJatra. J'assiste à <strong>la</strong> cérémonie annuelle <strong>la</strong> plus importante qui sedéroule le troisième jour, où l'on peut enfin voir <strong>la</strong> Kumari. Cettefillette d’à peine dix ans est l’incarnation vivante de <strong>la</strong> déesse Taleju(protectrice de <strong>la</strong> cité). Elle ne sort de son pa<strong>la</strong>is qu'une dizainede fois par an. Ce jour-là, soulevée sur un char, elle donne sabénédiction au Président de <strong>la</strong> République qui salue le peuple de<strong>la</strong> terrasse de l'ancien Pa<strong>la</strong>is Royal. Alors que <strong>la</strong> foule c<strong>la</strong>me sajoie et son admiration envers sa candide divinité, des drapeauxnoirs s'agitent de plus en plus, et c'est bientôt un mouvement depanique qui nous presse les uns contre les autres, en fuite faceaux forces de l'ordre. Passée <strong>la</strong> peur, je me faufile dans <strong>la</strong> massequi se dissout et comprends qu'une contre-manifestation maoïstes’est infiltrée pour cracher sa haine au visage du Président et deson Premier ministre. Du haut de son auguste trône, <strong>la</strong> Kumari partsillonner les rues de sa cité.À quelques pas de là, Freak Street semble ne rien entendre. Ledisquaire du coin passe pour <strong>la</strong> douzième fois aujourd'hui le mantratibétain connu de tous, Om mani padme hum ; Matthew, lenomade australien, boit son thé en griffonnant un dessin sur uncahier. J’y vois ce temps en suspens, ce temps déroutant quechantait Cat Stevens: « Katmandu, I'll soon be seeing you, andyour strange bewildering time will keep me home » (« Katmandou,je te verrai bientôt, et ton temps étrange et déroutant me maintiendra»). C’était il y a 40 ans. Et malgré l'instabilité politique et <strong>la</strong>fièvre religieuse, j'y retrouve, moi aussi, cet air familier, immuable,ces visages sereins au sourire naïf. Le calme après <strong>la</strong> mousson.Vaches sacrées / Katmandoun°37 nov/dec 2009


44 <strong>Mondomix</strong>.com // voyagesFETE AU BOUT DU MONDEJAPON plein SudTexte Laurent Cata<strong>la</strong>Photographie Munehide IdaLoin des ferveurs urbaines métissées de <strong>la</strong> capitale Tokyo et dutourisme envahissant des temples vénérables du Kansai et deKyoto, les îles de l’extrême-sud du Japon se démarquent par leurcalme et leur identité culturelle – et plus particulièrement musicale –préservée. Une singu<strong>la</strong>rité forte dans ses spécificités, où se dessinenéanmoins une tendance à l’ouverture.Si vous désirez voyager au Japon et sortir des sentiers battus, <strong>la</strong> meilleure solution pourrait consister àfaire glisser votre p<strong>la</strong>n de route vers l’extrême-sud du pays. Une fois passée <strong>la</strong> dernière grande étendueterrestre de Kyushu, le regard s’arrête sur un chapelet d’îles défiant l’Océan : l’archipel des Ryukyu, et lesplus célèbres d’entre elles, Okinawa et Amami.Longtemps isolées du reste du Japon – l’archipel ne fut rattaché au pays qu’à <strong>la</strong> fin du XIX e siècle, puisannexé provisoirement par les Etats-Unis à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> deuxième guerre mondiale –, ces îles ont cultivéune singu<strong>la</strong>rité culturelle toujours de mise aujourd’hui. La musique traditionnelle y garde notamment uneprévalence pas toujours évidente à saisir pour le visiteur de passage. Elle est ici un élément du quotidienet les salles de concerts, par ailleurs bien rares, font peu de cas du genre.L’été, période de fêtes par excellence, est donc le meilleur moment pour avoir accès à cette musique, à<strong>la</strong> fois proche par ses inflexions tonales des musiques chinoises et japonaises, mais aussi éloignée parses harmonies si particulières. C’est là l’occasion d’assister aux cérémonies spectacu<strong>la</strong>ires, les « crazydancing », où musiciens et danseurs tournent en rond en chantant et jouant, s’interrompant à intervallesréguliers pour boire du saké sur Amami, ou encore de vibrer pour les chorégraphies de drapeaux agitéset danses frénétiques sur Okinawa.« Sanshin » intime, ouverture ultimePrivilégiant cependant le plus souvent une certaine retenue expressive, ces musiques îliennes se chantentavec des modu<strong>la</strong>tions qui varient grandement entre Okinawa et Amami, soutenues dans leur forme intimistepar les dissonances du « sanshin » (sorte de shamisen, luth à trois cordes japonais) voire, pour lesparties plus rythmées, de quelques tambours (Wa Daiko et Taiko). Indiscutablement, <strong>la</strong> musique procèdeici d’un minimalisme et d’un sens répétitif qui invite à d’étranges rapprochements avec les musiques contemporainesoccidentales.De fait, des ouvertures commencent d’ailleurs à s’opérer. Lors de <strong>la</strong> fête d’éclipse so<strong>la</strong>ire totale à Amamien juillet dernier, <strong>la</strong> programmation mé<strong>la</strong>ngeait allègrement musiques locales et trance/techno.Plus <strong>la</strong>rgement, certains artistes-phares de <strong>la</strong> région, reconnus comme tels dans l’ensemble du Japon,é<strong>la</strong>rgissent leur registre, que ce<strong>la</strong> soit en direction d’autres styles traditionnels, comme <strong>la</strong> musique degame<strong>la</strong>n balinais pour <strong>la</strong> réputée Ikue Asazaki, ou vers une musique pop plus moderne pour <strong>la</strong> jeuneet talentueuse Kizuki Minami. Enfin, c’est vers les horizons jazz que se tourne le chanteur et joueur desanshin Yasukatsu Oshima, dont l’album, en col<strong>la</strong>boration avec le pianiste Geoffrey Keezer, vient desortir sur Victor Records.De quoi assurer <strong>la</strong> vitalité d’une scène musicale qui, tout en respectant sa singu<strong>la</strong>rité, se met à l’écoutedes autres.n°37 nov/dec 2009


46<strong>Mondomix</strong>.com // sélectionsPLAYLISTDis-moi...ce que tu écoutes ?IbrahimMaaloufA l’écoute de son nouvel album, le splendideet foisonnant Diachronism (chronique p57)on décèle, chez Ibrahim Maalouf, unecompréhension des logiques musicales horsnormes. On comprend mieux ce talent, lorsquel’on découvre l’étendue des artistes aveclesquels il a travaillé et l’éventail des musiquesqu’il apprécie.Propos recueillis par Benjamin MiNiMuMn La première fois que tu as entendu de <strong>la</strong> trompette?Je pense que j’étais dans le ventre de ma mère. Mon père me jouaitde <strong>la</strong> trompette bien avant ma naissance. Pour <strong>la</strong> petite histoire,au moment où je suis né, à Beyrouth, sous les bombardements en1980, mon père était à Paris. Il était invité dans une émission deJacques Chancel sur Antenne 2, aux côtés de Maurice André etDizzy Gillespie.n Le premier disque que tu as acheté?Smooth Criminal, de Michael Jackson. J’avais sept ans et je dansaisdessus in<strong>la</strong>ssablement.n Tes cinq œuvres préférées qui donnent à <strong>la</strong> trompette unep<strong>la</strong>ce de choix?Ascenseur pour l’échafaud de Miles Davis, <strong>la</strong> 5 ème Symphonie deMahler, Night In Tunisia de Dizzy Gillespie, Superstition de StevieWonder, P<strong>la</strong>ya p<strong>la</strong>ya de D’Angelo.n Ton disque de chevet?J’ai grandi avec Alf Lei<strong>la</strong> wa Lei<strong>la</strong> d’Oum Kalthoum.n Trois artistes libanais à découvrir?Fairuz, Soap Kills, Wajdi Mouawad.n Trois musiciens avec lesquels tu aimerais col<strong>la</strong>borer?On m’a souvent posé cette question et j’ai toujours répondu à côtépour ne pas répondre vraiment. C’est difficile, quand vous avez déjàjoué aux côtés d’artistes « prestigieux » tels Sting, Marcel Khalifa,Toumani Diabaté ou Elvis Costello…de prétendre rêver col<strong>la</strong>boreravec des gens moins « connus ». Mais, pour une fois, je vais essayerde donner trois noms, mais il y en a tellement d’autres. J’adoreraisposer mon son sur <strong>la</strong> voix feutrée de Norah Jones, ou avec unechorale bulgare car je trouve ces chants incroyables. Il y a quelquesmois, j’aurais ajouté Snoop Dogg. Mais je ne vais pasm’arrêter là ! J’adorerais rencontrer John Zorn pour memé<strong>la</strong>nger à Masada, faire un beau solo oriental sur Dors deCéline Dion, un duo avec Wynton Marsalis. Et aussi HüsnüSenlendirici pour qu’il m’apprenne certains modes turcsincroyables, Steve Reich pour comprendre de l’intérieur salogique sérielle, Cesaria Evora, Danny Elfman…n Le dernier disque que tu as écouté?Moffou, de Salif Keita. Ce<strong>la</strong> fait partie du répertoire àabsolument avoir dans une discothèque. J’ai écoutécette musique il y a longtemps, et je n’avais pasvraiment compris <strong>la</strong> dimension de cet album. Je l’aiacheté récemment pour le réécouter avant de poser uneimprovisation sur son prochain opus réalisé par un ami,Patrice Renson. J’ai retrouvé une sérénité rare grâce àce disque. J’ai un faible pour ces voix africaines, à <strong>la</strong> foisdouces et puissantes. Cette année, je produis sur mon<strong>la</strong>bel, Mi’ster, l’album d’un artiste guinéen incroyable :Maky Sow. Rappelez-vous son nom. Cet homme, qui vitdans un bidonville de Conakry, a l’une des voix les plusbelles que j’aie entendue dans ma vie.n Le disque que tu as écouté le jour de <strong>la</strong> naissancede ta fille ?J’ai écouté Liberian Girl et Man in the Mirror de MichaelJackson et Snows they melt the soonest de DickGaughan. Ensuite, j’ai flirté quelques minutes avec Kind ofBlue de Miles, puis j’ai écouté des trios de Schubert.n Le morceau que tu as joué?Absolument rien !!! Je l’ai écoutée me souffler à l’oreille <strong>la</strong>nouvelle mélodie de ma vie.n ibrahim maalouf Diachronism (Mi'ster/Discograph).n En concert le 25 nov. au New Morningn video d'Ibrahim Maalouf sur mondomixhttp://ibrahim-maalouf.mondomix.com/fr/artiste.htm©Gaston Bergeretn°37 nov/dec 2009


chroniquesAFRIQUETéléchargersur mp3.mondomix.com28244<strong>Mondomix</strong>.com 47Salif Keita"La différence"(Emarcy/ Universal )La différence qui donne sontitre au nouvel album estcelle qui a déterminé toute<strong>la</strong> vie du rossignol malien.Né albinos dans un pays oùmusiques et cultures dans le mondecette bizarrerie est souventconsidérée comme un signemaléfique, Salif Keita s’estbattu in<strong>la</strong>ssablement contre lespréjugés et superstitions liées à cette anomalie génétique.Cette différence, il ne l’a pas cultivée, il s’y est adaptéet a appris à l’aimer. Il chante : « Je suis un noir, ma peauest b<strong>la</strong>nche et moi j’aime bien ça. C’est <strong>la</strong> différencequi est jolie, Je suis un b<strong>la</strong>nc, mon sang est noir etmoi j’adore ça ». Il en profite pour attirer l’attentionsur <strong>la</strong> fondation qu’il a créée en 2001 pour venir enaide aux albinos d’Afrique. Plus loin, il avoue aussides préoccupations écologiques sur le sautil<strong>la</strong>nt Ekolod’amour. Sinon, ce nouvel album, réalisé par PatriceRenson, referme avec élégance une trilogie entamée avecMoffou en 2002 et poursuivie en 2005 avec M’Bemba.Avec <strong>la</strong> participation du ba<strong>la</strong>fon de Kélétigui Diabaté, despercussions de Mamadou Koné et des guitares de KantéManfi<strong>la</strong> et Ousmane Kouyaté, l’art musical mandinguey est à l’honneur, à peine modifié par des arrangementsde facture plus occidentale, avec des pointes de violonsorientaux et quelques featurings dans l’air du temps –Vincent Segal (violoncelle), Ibrahim Maalouf (trompette),Seb Martel ou Bill Frisell (guitares). Sans doute mis enconfiance par cet environnement, Salif donne le meilleurde lui-même. Un chant qui module puissance etretenue émotionnelle, des compositions marquantes,auxquelles le chanteur adjoint des réinterprétationsd’anciens morceaux comme Seydou qui date de sesdébuts au sein des Ambassadeurs du Motel et lesémouvants Folon (1995) et Papa (1999) qui trouvent icisans doute leurs versions définitives.MONDOMIXM'aimeCet album, dont <strong>la</strong> sortie a été de nombreuses fois annoncéepuis repoussée durant les deux dernières années, va ravirles fans, et peut-être ouvrir une brèche dans le cœur denouveaux amateurs.Benjamin MiNiMuM© Richard DumasBonga"Best Of"(Lusafrica/Sony Music)La figure emblématique du sembapublie un Best Of qui pourraitbien sembler définitif. Un albumqui embrasse toutes les facettesde l’artiste, des premières heuresengagées de sa carrière avecles chansons Mona Ki Ngi Xicaet Sodade (reprise plus tardpar Cesaria Evora), tirées deslégendaires Ango<strong>la</strong> 72 et 74,jusqu’aux dernières réalisationsde Maiorais. Les <strong>la</strong>mentationsde l’inédit Dikanga croisent lebouillonnant Recordando Pio oule chaloupé Mulemba Xango<strong>la</strong>, enduo avec <strong>la</strong> Capverdienne Lura.Bien équilibré, ce disque permetde redécouvrir des perles duchanteur à <strong>la</strong> voix rauque etau sourire malicieux. Petit pointfaible : un remix, peu convaincant,de Kapakiao vient clôturer l’écoutesans vraiment <strong>la</strong> gâcher. Nonexhaustif, mais réussi.Arnaud CabanneHugh Maseke<strong>la</strong>"Pho<strong>la</strong> "(Four Quarters Entertainment/Times Square records)musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeTéléchargersur mp3.mondomix.com24982« Se sentir bien, guérir, sereposer » : « Pho<strong>la</strong> » veut toutdire à <strong>la</strong> fois. Et il présente unHugh Maseke<strong>la</strong> en pleine forme.Epaulé par le multi-instrumentisteet producteur Erik Paliani, legéant de <strong>la</strong> musique sud-africainelivre un trente-cinquième albumqui ne surprendra pas sesaficionados. Voguant toujoursentre un jazz suave (à <strong>la</strong> limitede l’indigestion) avec MwanayuWaku<strong>la</strong> ou bien cadencé avecMoz, et des chansons auxaccents plus popu<strong>la</strong>ires commeGhana, sa musique n’a pas perduune once d’authenticité danscette nouvelle col<strong>la</strong>boration. Lestitres s’écoulent tranquillement,rythmés par l’apparition dejeunes musiciens talentueux etprometteurs comme le guitaristeJimmy Dludlu. A soixante-dixans, Hugh Maseke<strong>la</strong> maîtrise sonunivers musical à <strong>la</strong> perfection.A.C.Cesaria Evora"Nha Sentimento"(Lusafrica/Sony BMG)musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXUne indicible mé<strong>la</strong>ncolie etbeaucoup de déhanchementscanailles, de grands traits detristesse et des parfums fruités…Il y a tout ce<strong>la</strong> à <strong>la</strong> fois dans leschansons, dans les musiquesinterprétées par Cesaria Evora,<strong>la</strong> voix <strong>la</strong> plus célèbre du Cap-Vert. Celles d’aujourd’hui,comme celles d’hier. On ne se<strong>la</strong>sse pas de cette constancedans <strong>la</strong> proposition, tant elle estsavoureuse, tant <strong>la</strong> voix séduit,toujours et encore, avec cettefois une couleur un peu plus mate,peut-être. Délicieusement dansantou grisant comme le bruit desvagues venant mourir sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ge,cet album, dans lequel apparaîtune surprenante touche orientale(des violons enregistrés au Caire,sous <strong>la</strong> direction de Fathi Sa<strong>la</strong>ma)a valeur d’hommage posthume àManuel de Novas, l’un des auteurscompositeursfidèles de CesariaEvora, décédé le 27 septembre àl’hôpital de Mindelo, sur l’île de SãoVicente. Il signe six titres de l’album.Le reste est essentiellement le fruitdu savoir-faire de Teofilo Chantre, unautre des complices préférés de <strong>la</strong>dame. Patrick LabesseMONDOMIXVOUS OFFRELA POSSIBILITÉD’ACHETER EN MP3LES MUSIQUESCHRONIQUÉES DANSLE MAGAZINE.Téléchargersur mp3.mondomix.comXXXXXM'aimePour ce<strong>la</strong>, il vous suffitd’aller sur http://mp3.mondomix.com/ etde saisir le numéro quitermine certains articlesdu magazine dans lemoteur de recherche, enayant sélectionné l’option« Code magazine ».n°37 nov/dec 2009


48 AFRiqueTéléchargersur mp3.mondomix.com28182ADAMA YALOMBA"KASSA"(Makasound/Pias)Multi-instrumentiste multiinfluencéavec une préférencepour les cordes et lespercussions, Adama Yalombaa traîné sur bien des scènes,g<strong>la</strong>nant au passage vibrations etrencontres, de Cheick TidianeSeck à Keziah Jones. Aprèsneuf albums, Kassa est lepremier à quitter l’Afrique, sansavoir à se faufiler dans le traind’atterrissage d’un avion.Maestro de l’ancestral « dan »(six cordes et six manches !)enseigné par son musicien depère, Yalomba donne <strong>la</strong> part dulion à son instrument fétiche dansun album qui alterne <strong>la</strong>nguesd’Afrique de l’Ouest et français,envie de pousser les meubles etintimité au coin du feu. Surtout,il frictionne les f<strong>la</strong>ncs de son Malinatal de funk, rock et reggae,sortant ainsi du cadre parfoisétroit de <strong>la</strong> musique traditionnelle.Frank CochonKimi Djabaté"Karam"(Cumbancha discovery)Le Guinéen Kimi Djabaté est négriot. Il marchait à peine qu’iljouait déjà de son ba<strong>la</strong>fon, cexylophone africain, instrumenttraditionnel par excellence,accompagnateur puissant etdélicat des chants ancestraux.La souplesse, l’académisme deses compositions témoignentdu parcours du musicien. Sesorchestrations, qu’elles intègrentdes instruments à vent ou non,paraissent c<strong>la</strong>irement marquéespar son passage au sein del’Ensemble National de Musiqueset de Danses de Guinée-Bissau,avec lequel il a tourné dans toutel’Europe durant plusieurs années.Aujourd’hui installé à Lisbonne,avec Karam (« éducation »), KimiDjabaté offre un second albumd’une grande élégance mettant envaleur ses talents de chanteur, deba<strong>la</strong>foniste et d’arrangeur raffiné.A.C.Toumast"Amachal"(Green United Music/Pias)On l’avait appris avec leur premieralbum, Toumast signifie identitéen tamasheq, <strong>la</strong>ngue touareg.Amachal semble affirmer celle dece groupe qui a vu le jour dansl’ombre du grand Tinariwen.Exilé à Paris, le duo, formé parMoussa Ag Keyna et AminatouGoumar, s’est entouré demusiciens de tous horizons pourpeaufiner un son définitivementrock, qui joue pourtant avec lescodes en invitant le rappeur B.A.sur Timerhitin ou le reggaemanmarseil<strong>la</strong>is Jehro sur Baba. Mêmesi elle sent moins le désert quecelle de ses aînées, l’expressionmusicale de Toumast nemanque pas de caractère, nouspromenant d’une ambiance decamps aux chants rythmés parles c<strong>la</strong>quements de mains jusqu’àune audacieuse reprise de YouGot Me Floatin’ de Jimi Hendrix.A.C.Ziskakan"Madagascar"(Ziskakan/L’Autre Distribution)Presque pléonastique sur une îledont le nom seul suffit à évoquerl’idée du vivre-ensemble, le termede fusion illustre parfaitement <strong>la</strong>démarche de ce groupe guidépar Gilbert Pounia depuis 30ans déjà. Entre Afrique et Asie,les chansons de ce troubadourréunionnais, de ce folk-singer auxorigines indiennes (« malbar»,dit-on au pied du Piton de <strong>la</strong>Fournaise) rencontrent, sur cenouvel album, les textes créoles(traduits dans le livret) du natif deMadagascar Serge Ulentin, quandils ne sont pas signés par GilbertPounia lui-même. Ces délicatesbal<strong>la</strong>des, souvent teintées denostalgie, mettent en lumièreles liens avec <strong>la</strong> grande îlevoisine, arrondissant les anglesdes particu<strong>la</strong>rismes locaux dansune approche universelle, au sonparfois trop léché.Squaalyn°37 nov/dec 2009


ameriques49Omar Pene"Ndam"(Aztec Musique/Discograph)Téléchargersur mp3.mondomix.com28523Depuis son très beau Myamba,album acoustique et dépouillé sortien 2005, Omar Pene s’était faitdiscret dans les bacs des disquairesfrançais. Alors, bien sûr, au pays,il a produit en 2007 <strong>la</strong> cassetteMoom Tamit, mais rien pour nous.Ce Ndam (« triomphe ») étaitdonc attendu avec gourmandise.Peut-être pour mieux p<strong>la</strong>ire auxOccidentaux, Omar Pene s’est,une nouvelle fois, vêtu des habitsles plus sobres. Ses compositionsont rencontré les arrangementsintimistes et énergiques du bassisteA<strong>la</strong>in Genty et du guitariste ThierryGarcia. Subtilement soutenue parune basse omniprésente, parl’apparition de cuivres commedans Ndam ou d’un accordéondans Sounou Xaléyi, <strong>la</strong> voixexceptionnelle du chanteursénéga<strong>la</strong>is brille de bout enbout. On n’est pas déçus... A.C.David Krakauer©B.MUne fois n’est pas coutume !Un musicien s’arme de ses feuilles et de sa plumepour tenter l’exercice critique. Premier essairéussi pour Yom : soit l’écoute funky d’un roi de<strong>la</strong> c<strong>la</strong>rinette klezmer (mais pas que !) sur un projetklezmer-funk (mais pas que…)Abraham Inc.(DavidKrakauer,Fred Wesleyet Socalled)"Tweet, tweet"(Label bleu)res dans le mondeMONDOMIXM'aimeRupa& The April Fishes"Este Mundo"(Cumbancha/Harmonia Mundi)Téléchargersur mp3.mondomix.com28160Rupa chante comme elle cuisine:par touches vagabondes,forcément parfumées voireépicées. Cette jeune femmeà l’histoire peu banale maistellement actuelle, a grandi sur<strong>la</strong> côte Ouest des Etats-Unis, enInde et dans le Sud de <strong>la</strong> France.Elle parle l’ang<strong>la</strong>is, l’espagnol,l’hindi et le français. Avec sesPoissons d’Avril, son orchestre,elle s’amuse à faire tournoyerles folklores du monde dansune ronde frénétique commeen témoigne ce deuxième opus.Mitonné à l’ancienne avec <strong>la</strong>complicité du magicien duson Oz Fritz (Tom Waits), EsteMundo affirme une directionsans équivoque, fraternelle etappétissante. Pour Rupa et sesamis, il ne fait aucun doute quele monde a des allures de vil<strong>la</strong>geoù tout se termine toujours enchansons.SQ'Des zikos de rêve surun groove d'enfer :ça commence fortcette chronique…Mais avant de démarrer, uneprésentation des trois protagonistes s’impose. Il y ad’abord, aux manettes de <strong>la</strong> production, Socalled,pionnier déjanté du hip-hop klezmer, chanteuryiddish et accordéoniste ; puis Fred Wesley,tromboniste et arrangeur réputé au service despapes du funk (James Brown, Bootsy Collins…) ;et enfin David Krakauer, très très sérieux rival dansnotre petit monde de <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rinette klezmer, inventeuracharné depuis son album Klezmer Madness chezTzadik d'une nouvelle façon de faire (j'en dis pastrop, sinon vous allez vraiment vous rendre comptequ'il joue ultra-bien et que ses idées d'arrangementset de col<strong>la</strong>borations sont toutes plus excellentes lesunes que les autres, donc….chut!)En gros, le reste des effectifs (musiciens de KlezmerMadness, entre autres), est instrumentalementirréprochable : ça joue!Point de vue esthétique globale, on a le droit à pasmal d'éclectisme. On voyage à travers ce disquedans le hip-hop klezmer (Tweet, tweet me rappelle le« c<strong>la</strong>ssique » de Krakauer Alt(dot)Klezmer), puis l’onglisse dans l'électro à <strong>la</strong> « Caravan Pa<strong>la</strong>ce » avecle Moskowitz remix du second titre. A <strong>la</strong> quatrièmepiste (The H Tune) on entend plus l'influence directede Fred Wesley sur des arrangements précis etsur-efficaces : le beat s’y fait plus funky, Krakauers'efface un peu dans le mix, pour finalementressortir avec une belle et sensible comp<strong>la</strong>intec<strong>la</strong>rinettistique, Baleboste: a beautiful picture…(etpourtant j'aime pas dire du bien de <strong>la</strong> concurrence!).On achève enfin le périple dans une électro plushard avec Abe inc techno remix qui m'a provoquéune petite remontée d'acide loin d'être désagréable.Funk? Hip-Hop? Klezmer? Techno?Franchement on s'en fout!Ca groove!!!YOMn°37 nov/dec 2009


50ameriquesBEBEL GILBERTO"ALL IN ONE"(Verve/Universal)William Vivanco"El Mundo esta Cambia’o"(P<strong>la</strong>nète Aurora/Naïve)C’est un disque qui amène dusoleil, mais pas celui de quinzeheures qui <strong>la</strong>isse des grandsbrûlés derrière lui. Plutôt celuide fin de journée, chaud sansêtre agressif. On pourrait ypasser des heures. C’est unalbum porté par une voix quisusurre au creux de l’oreille, enportugais ou en ang<strong>la</strong>is. Rienque pour celui qui l’écoute. Sans« batucadas ». C’est une bossanova à <strong>la</strong> fois noncha<strong>la</strong>nte etmé<strong>la</strong>ncolique, avec piano, cordeset chuchotements de percussions.Avec même à l’occasion quelquesarrangements d’électro. Mais àpeine. Faut pas gâter.Bref, ce sont douze titres à <strong>la</strong>délicatesse d’une plume, commeune caresse qui court dans le dos.Et plus bas si affinités.F.C.Troisième album pour WilliamVivanco. Sa particu<strong>la</strong>rité ? Etrené de <strong>la</strong> rencontre du chanteurcubain et du musicien producteuraméricain Robert Aaron, sax’pour Bowie, compagnon de routede Wyclef Jean dans son retourvers ses racines haïtiennes etréalisateur du dernier album duFrançais Raphaël. L’expérimentémusicien a su apporter unedensité au son du chanteur deSantiago de Cuba. Acoustiqueset énergiques, les compositionsde William Vivanco semblent avoiratteint une maturité que l’on netrouvait pas dans Cimarron ouEl Pilón, ses précédents tubes.Il s’amuse avec les traditionset les sonorités, proposant seschansons cubaines mâtinéesde tango, de samba, de reggae,de meringue ou de rumbaf<strong>la</strong>menca.A.C.Téléchargersur mp3.mondomix.com28443musiques et cultures dans le mondeSWAMI JR."OUTRA PRAIA"(Montuno / World Vil<strong>la</strong>ge)Homme de l’ombre, arrangeuret producteur majeur de ces dixdernières années au Brésil etau-delà, Swami Jr. a coutumede <strong>la</strong>isser sans voix les artistesqu’il accompagne lorsqu’ilprête <strong>la</strong> sienne à des exercicesinformels, en coulisses. Il suffit,pour s’en convaincre, de l’écouterchanter Vou na vida, l’une desrares interprétations contenuessur son premier album. Carcette « autre p<strong>la</strong>ge » – c’est sontitre – révèle surtout les talentsde compositeur de ce maîtrede <strong>la</strong> guitare brésilienne à septcordes, au service des règlesd’or de <strong>la</strong> bossa nova. En guisede garde rapprochée : ChicoCésar, Luciana Alves ou encorel’impayable Marcelo Pretto surBom Dia, qui apporte une touchede fantaisie à cette productionpour le reste très c<strong>la</strong>ssique.Yannis RuelTumbélé !MONDOMIXM'aime"Biguine, afro & <strong>la</strong>tin soundsfrom the French Caribbean,1963-74"(Soundway)Coup de projecteur sur <strong>la</strong>musique des Antilles françaisesdes années 1960 et du débutde <strong>la</strong> décennie suivante, cettenouvelle compi<strong>la</strong>tion du <strong>la</strong>belSoundway dessine en unevingtaine de titres un panoramade l’ère pré-zouk. Les hérosd’alors ont pour nom Abel Zénon,Lo<strong>la</strong> Martin, La Perfecta, LesLéopards, les Aiglons de Basse-Terre, les Loups Noirs d’Haïtiou les Kings. Tous participent àun mouvement qui dépasse lessimples barrières linguistiques deces îles pour fondre leurs composdans le maelström des rythmesafro-<strong>la</strong>tins (biguine, calypso,bomba, plena, gwo-ka, tumbélé,meringue haïtien…) des Caraïbesde l’époque. Un épais livret, touten ang<strong>la</strong>is, enrichit l’écoute deces titres aux grooves irrésistibles.SQ'n°37 nov/dec 2009


ameriques 51musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeMR BONGO"LATIN BEATS BOXSET"(Mr Bongo)Son coffret Brésil à peine digéré,Mr Bongo poursuit son OPA surle marché de <strong>la</strong> compi<strong>la</strong>tion aveccette nouvelle collection de huitCDs consacrée aux rythmes<strong>la</strong>tins, du mambo de papa à<strong>la</strong> <strong>la</strong>tin-house en passant parles sonorités new-yorkaises duboogaloo et de <strong>la</strong> salsa. Fidèle àl’éclectisme qui le caractérise, le<strong>la</strong>bel londonien décline ce menugargantuesque entre rééditionsde c<strong>la</strong>ssiques (les descargas deCachao et le catalogue Fania),productions maison (avec ses« Montuno Sessions », Hanny,Jose Conde…), enregistrementsvintage (Don Barreto, Azpiazu,Lecuona Cuban Boys) et remixesélectro (Louie Vega, 4 Hero,Bonde Do Role, Gilles Peterson).C’est pas encore Noël, mais çavaut bien une inscription en clubde gym pour tous vos amis, <strong>la</strong>bonne musique en plus.Y.R.Kiddus I"Green Fa Life"(Grass Yard Productions/Naya Records/Makafresh)Plus d’une trentaine d’annéesséparent l’enregistrementdu Graduation in Zion,immortalisé pour le film Rockers,de ce Green Fa Light, produitpar son ami guitariste,Earl « Chinna » Smith. Entretemps, Kiddus I n’a <strong>la</strong>issé quepeu de traces : un opus pour <strong>la</strong>série « Inna de Yard » du <strong>la</strong>belparisien Makasound enregistré à<strong>la</strong> volée en 2004 dans <strong>la</strong> cour de« Chinna », suivi, plus récemment,d’une compile sur le <strong>la</strong>bel japonaisDubstore, de ses 45 tours gravés à<strong>la</strong> fin des seventies.Si <strong>la</strong> voix du chanteur est toujoursbelle et son engagement intact,on regrettera juste que ces quinzetitres gravés entre 2006 et 2008ne l’aient pas été sur une périodeplus resserrée, pour offrir plus decohérence et d’unité au retourattendu de ce grand Monsieur.SQ'musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeOs Mutantes"Haih or Amortecedor "(Anti/Epitaph)A tous ceux qui resteraientpétrifiés de bonheur à <strong>la</strong> visiond’un nouvel album des OsMutantes.Sérgio Dias, le dernier desmutants (en activité), a repris saguitare trente-cinq ans après<strong>la</strong> sortie de <strong>la</strong> première facétiedu plus génial des groupestropicalistes. Que pouvions-nousen attendre ? Le son est moinsexubérant, moins coloré, l’universmoins foutraque, on ne tombeplus à chaque coin de chansonsur ces petits bonheurs qui vouscollent le sourire, et pourtant…Malgré une pointe de déception,on passe quand même debons moments avec ce Haihor Amortecedor. On y retrouveune écriture, une identité. Biensûr, ce n’est plus vraiment lesOs Mutantes – pour ça, il restetoujours nos vieux disques –,mais cet album mérite qu’ons’intéresse à lui.A.C.Gilzene & The BlueLight Mento Band"Sweet Sweet Jamaïca"(World vil<strong>la</strong>ge/Harmonia Mundi)A <strong>la</strong> différence du rock-steady,du ska ou du reggae qui ontprofité de l’explosion des studiosd’enregistrement pour serépandre sur les sonos du mondeentier, le mento, genre rural parexcellence, apparu au coursdes années 1930, n’est joué,aujourd’hui encore en Jamaïque,que dans de rares bals decampagne et dans les salons desgrands hôtels. Formé en 1986 parle chanteur et guitariste LandfordGilzene, cet ensemble traditionnel(guitare, banjo, shakers,harmonica, « rhumba box »,un instrument qui doit autantau cajón qu’à <strong>la</strong> sanza, et voix)signe ici son premier album. Cesquinze p<strong>la</strong>ges conservent toute<strong>la</strong> fraîcheur et <strong>la</strong> truculence decette musique du quotidieninspirée tant des chants detravail africains que de <strong>la</strong> polkaou des quadrilles européens.SQ'Téléchargersur mp3.mondomix.com27979n°37 nov/dec 2009


52ameriquesmusiques et cultures dans le mondemusiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeMONDOMIXM'aimeFREDDIE McGREGOR"Mr. McGREGOR "(VP Records/Wagram)Lorsqu’en 1979, sort son premiervéritable album, Freddy McGregorn’a que 22 ans, mais est loind’être un novice. Depuis sesdébuts, à sept ans, au sein dugroupe ska The C<strong>la</strong>rendonians,il a assidûment fréquenté lemythique Studio One, où il acôtoyé <strong>la</strong> crème des musiciensde Kingston. Produit par legénial Niney The Observer, MrMcGregor est un condensé de cequi se faisait de mieux en reggaejamaïcain à cette époque. Un sonauthentiquement roots, où semêlent thèmes de lovers rock,hymnes rastas (Walls of Jericho,Jah will bless you), reprises destandards reggae (We got lovedes Heptones) ou de pop etrhythm’n’blues américain (Ohno, not my baby, Sitting in thepark). Edité pour <strong>la</strong> première foisen CD, cet album est assurémentindispensable !Tony O.Raúl Barboza &Horacio Castillo"Invierno en Paris"(Zig Zag / Harmonia Mundii)C'est une musique d'Argentinequi tangue avec une sensualitérieuse. C'est une musique quiexhale des parfums de terre,se nourrit du bruit de galop deschevaux, des chants d'oiseaux.Elle s’appelle chamamé. Née dans<strong>la</strong> pampa, au Nord-Est du pays,inventée par les indiens Guaranisqui ont accaparé les polkas,mazurkas et valses des immigréseuropéens. Raúl Barboza a dusang guarani dans les veines.Il a fait de cette musique sacompagne pour toujours etenregistré pour elle plusieursalbums dont celui-ci, conçu avec<strong>la</strong> complicité du délicat guitaristeHoracio Castillo. Un pas de deuxpassionnant que Raúl Barbozadevra jouer sur scène avec unautre partenaire. Horacio Castilloest décédé dans un accidentde bus en juillet, à Rosario, enArgentine.P.L.Téléchargersur mp3.mondomix.com28266Forro In The Dark"Light A Candle"(Nublu records/Naïve)Autant le dire : on n’attendait pasvraiment le deuxième album deForro In The Dark. Leur premierdisque sorti en 2006, parrainé pardes invités prestigieux commeDavid Byrne ou Bebel Gilberto,avait bien fait son petit effet, maisdans le domaine des musiquesbrésiliennes festives, de nombreuxautres noms occupaient déjà<strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce. Pourtant, avec ceLight A Candle, le groupe demusiciens new-yorkais affirmeune personnalité cosmopoliteamusante. Il mêle les rythmestraditionnels nordestins aureggae, empruntant même auxinstrumentations rock, passantdes sautil<strong>la</strong>nts Bandinha etCaipirinha aux tubes Better ThanYou ou Silence Is Golden, chantépar Sabina Sciubba des BrazilianGirls. Une joyeuse relecture desfameuses musiques des balsruraux brésiliens.A.C.musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeLord Newborn& the Magic Skulls(Ubiquity/La Baleine)Cet album est à ranger dansle dossier « inc<strong>la</strong>ssables ».Rencontre entre Money Mark,c<strong>la</strong>vier des Beastie Boys,Shawn Lee, multi-instrumentistetalentueux, et Tommy Guerrero,bassiste et ancien championde skateboard, ce SeigneurNouveau-né et ses SquelettesMagiques est aussi surprenantque son nom bizarre. S’enéchappe une musique quiflirte avec le dub, le rockpsychédélique, <strong>la</strong> soul àl’ancienne et le funk torturé.Enregistré en deux semaines,durant l’hiver 2008, dans le studiocalifornien de Money Mark, cetobjet musical non identifié mêleaux expérimentations sonoresdes trois cerveaux ma<strong>la</strong>desqui l’ont engendré, ambiancescinématographiques, nappesde c<strong>la</strong>vier, effets hallucinatoires,sitar et break-beats furieux. Uneétrangeté enthousiasmante !A.Cn°37 nov/dec 2009


ASIE53res dans le mondeMONDOMIXM'aimeAli Ahmad khan"Serenity"(Felmay/Orkhestra international)Instrument fétiche destemples et des cérémonies demariage en Inde, le hautboisshehnai possède une sonoritéimmédiatement reconnaissableet particulièrement saisissante.Depuis le décès de Bismil<strong>la</strong>hKhan en 2006, Ali Ahmad Khan reste le joueur de shehnaile plus influent de <strong>la</strong> musique hindoustanie (Inde du Nord),issu d’une grande lignée de virtuoses. Son grand-père,Ustad Wazir Ali Khan est connu pour avoir fait découvrir leshehnai à <strong>la</strong> Cour d’Angleterre en 1910 et lui-même pouravoir donné le concert inaugural de <strong>la</strong> télévision nationaleen 1973. Sur Serenity, le maître (« ustad ») interprèteavec beaucoup de finesse trois ragas : le popu<strong>la</strong>ire etromantique Jhinjhoti, le plus confidentiel Madhumadet termine par le c<strong>la</strong>ssique point d’orgue de nombreuxconcerts, Mishra bhairavi. Indispensable !B.M.D.R.Vadhya Sunadha"Pravaham"(Felmay/Orkhestra )musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeEnsemble féminin de musiquecarnatique (Inde du Sud) créé par <strong>la</strong>violoniste Lalgudi Vijaya<strong>la</strong>kshmi, letrio Vadhya Sunadha réunit violon,flûte (Ma<strong>la</strong> Chandrasekhar) et veena(Jayashree Jairaj), soutenus par despercussions mrudangam (KallidaikurichiSivakumar) et ghatam (N. Guruprasad).Initiée dans les années soixante parSri Lalgudi Jayaraman, le père deVijaya<strong>la</strong>kshmi, cette combinaisond’instruments solistes propose unhorizon sonore riche en timbres eten possibilités expressives. Les troisvirtuoses improvisent, enchaînantles citations de ragas et lescompositions originales avecbeaucoup d’agilité et une grandecomplicité. Joyeux et dynamique !B.M.Yasmin Levy"Sentir "(Adama Music / World Vil<strong>la</strong>ge)Téléchargersur mp3.mondomix.com28551Yasmin Levy suscite <strong>la</strong> passion.Sa voix, ses yeux, sa présence…chez elle, tout enf<strong>la</strong>mme. Les motsde ses musiques, eux aussi, sontde feu. Impérieuse et fragile à <strong>la</strong> fois,elle a besoin d’un guide musical quilui donne confiance. Cette fois, c’estle guitariste espagnol Javier Limónqui joue ce rôle, parant l’album del’esthétique léchée du f<strong>la</strong>mencocontemporain. Yasmin y perd un peuson grain original, pour gagner en<strong>la</strong>rgeur de public… Prouesse : pourun duo sur Una pastora, historiquechant <strong>la</strong>dino transmis dans les cuisinesséfarades, elle ressuscite <strong>la</strong> voix deson père, l’inspirateur de son parcoursartistique qu’elle n’a pas connu. Bellesmusiques et textes chargés d’émotionen attendant l’album turc qu’elle nousavait promis. Patience !François Bensignor


54 EUROPE© Jean-Louis Neveu, coll.UPCP-MétiveFRANCE"UNE ANTHOLOGIEDES MUSIQUES TRADITIONNELLES"(Frémeaux & Associés)res dans le mondeMONDOMIXM'aimeCe coffret de dix CDs aux livretsdocumentés présente des centainesde chansons, des airs instrumentaux, àdanser pour <strong>la</strong> plupart, des captationssonores de <strong>la</strong> vie rurale journalière ouréalisées lors d'événements festifs etrituels. Œuvre de grande ampleur, cevoyage au cœur d'archives sonores,de 1900 à aujourd'hui, ne prétendpas à l'exhaustivité. En effet, depuisl'époque des collecteurs du XIX esiècle, on sait <strong>la</strong> grande richesse dece qui constitue <strong>la</strong> tradition orale enmétropole, en outre-mer et au sein desminorités francophones de nationseuropéennes et nord-américaines.Au fil de l'écoute, les pépites abondent.Ainsi, dans le volume consacré à<strong>la</strong> Corse, François Bianconi, alorsadolescent, nous gratifie d'un chantsaisissant à <strong>la</strong> gloire du Mont Alcudina,enregistré en 1949. Dans celui nommé « Centre France », les frèresGuillemin interprètent une marche d'éc<strong>la</strong>tante façon à <strong>la</strong> vielle et à <strong>la</strong>cornemuse en 1926 pour Odéon. Dans « Français d'Amérique », en1972, deux musiciens et chanteurs créoles, Alphonse « Bois Sec »Ardoin et Canray Fontenot font valser leur auditoire sur un air cajun, etça chavire! De nombreux chants sont interprétés en solo et c'est dansce dénuement que <strong>la</strong> magie des paroles opère. L'art de chanteusescomme Eva Burgaud, en Vendée, Andrée Duffault et Juliette Pearron, en Berry, NorinaSandreyou, en Guyane, ou Marie-Josèphe Bertrand, en Bretagne, en témoigne. Les répertoiresse sont transmis en écoutant les membres de son entourage ou parfois par le biais de carnets,des feuilles de colporteurs et, plus récemment, par <strong>la</strong> radio ou le disque. Les enregistrementsprésentés proviennent de musées, dont les ex-Arts et Traditions Popu<strong>la</strong>ires, d'associations enrégion et d'irréductibles passionnés, acteurs du folk revival des années 1960 et 1970. Guil<strong>la</strong>umeVeillet, artisan de cette belle somme patrimoniale, a recensé une vingtaine de <strong>la</strong>ngues qui y sontchantées ! La prochaine aventure éditoriale pourrait être consacrée aux communautés issues del'immigration, où se sont façonnées des pratiques musicales singulières.Pierre CunyFrancesco Giannico"Folkanization"(Porter Records / Orkhestra)A <strong>la</strong> manière d’autres musiciensréputés, comme ChristianFennesz ou Jim O’Rourke, l’ItalienFrancesco Giannico transposesa guitare dans un universélectronique trouble et diffus.A leur différence, son approchesemble beaucoup plus humaine.Sa guitare ou son piano jouent deleur c<strong>la</strong>rté pour <strong>la</strong>isser filtrer deshumeurs folk nostalgiques. Ici, leslignes de frondaison électroniquescherchent à donner une profondeursupplémentaire, un sens esthétiquebrouillé qui fait autant vaciller <strong>la</strong>quête de mémoire de ce disque,perclus de samples de voix et defield recordings, que <strong>la</strong> musique,subtile et imagée. Des titrescomme Caminar con mi cerebroou Jokio Pagrindo Mums s’avèrentsaisissants… De <strong>la</strong> folk musicmutante mais surtout profonde etcaptivante.Laurent Cata<strong>la</strong>n°36 sept/oct 2009


5654EUROPEDavid Walters"Home"(¡Ya Basta!/Naïve)Rageous Gratoons"Everywhere’s Garbage"(Crock Note/L’Autre Distribution)Quel joli chapelet de chaleureusesritournelles ! Mais où sont passéesles ambiances éthérées, unpeu décalées, les instrumentsbizarroïdes et les scansions quifaisaient l’identité du David Waltersque l’on connaissait ? Elles ont étéremp<strong>la</strong>cées par des col<strong>la</strong>borationsavec Arthur H sur le texte de Ausoleil, ou <strong>la</strong> chanteuse Asa surHome. On ne peut pas dire quecet album soit raté, il fonctionne,apportant soleil et bonnesvibrations à travers ses dix titres.David Walters y développe lesatours d’un chanteur qui p<strong>la</strong>iraau plus grand nombre. Ce qu’ilmérite. Mais, du même coup,Home sacrifie à <strong>la</strong> simplicité, <strong>la</strong>surprise et l’intérêt nés à l’écoutedes envolées un peu barrées dupremier opus.A.C.Preux chevaliers pour ne pasdire militants d’une musique dumonde sans frontière ni drapeau,les Borde<strong>la</strong>is de RageousGratoons signent un sixième opusautoproduit servi par un visuelbucolique et un intitulé qui l’estmoins (Everywhere’s Garbage).Inspirés par les mélodies d’uneEurope centrale ouverte auxquatre vents, ces treize titresau caractère festif tissentun folklore iconoc<strong>la</strong>ste oùrésonnent pêle-mêle cymbalum,vielle à roue, bouzouki,harmonium, accordéon, sax,violons et quelques ratons<strong>la</strong>veurs. En bonus, Post NuclearMusic & Brocante Stylee, undocumentaire réalisé par LesRateliers, permet de pénétrerun peu mieux l’univers de cesmusiciens bohèmes et de lessuivre jusqu’au Canada.SQ'musiques et cultures dans le mondeManu Chao"Live Baïonarena"(Radio Bemba/Because Music)MONDOMIXM'aime« La vie est belle ! Le mondepourri ! » Furieux, coloré,Manu Chao ne fait pas dans<strong>la</strong> demi-mesure. Durant lesdeux heures de ce concertenregistré à Bayonne en juillet2008, les amplis crachent, lescuivres c<strong>la</strong>quent aux rythmeseffrénés de <strong>la</strong> batterie et despercussions. Le voyageurdéchaîné revisite tous ses tubessolo (C<strong>la</strong>ndestino, Desaparecido,El Viento, A Cosa…), ressuscite <strong>la</strong>Mano Negra avec Casa Babylon,The Monkey ou Ma<strong>la</strong> Vida, ets’amuse avec les mélodiestraditionnelles sud-américaines.Live Baïonarera contient deuxdisques, un dvd avec les imagesdu concert, des clips ainsi qu’unpetit documentaire qui suit <strong>la</strong>tournée mondiale, témoignage deson extraordinaire popu<strong>la</strong>rité, duMexique à <strong>la</strong> Russie.Un objet à l’image du gars et desa musique : entier.A.C.A<strong>la</strong>n Stivell"Emerald"(Keltia III / Harmonia Mundi )musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeA<strong>la</strong>n Stivell, l'artiste qui apropulsé les musiques celtiquesdans les grandes salles dumonde entier, revient avec unalbum des plus toniques. Il ydirige un band qui sait fort biengérer les contrastes entre legros son électrique des piècesà danser (Gaels' Call, TammHa Tamm, Goadec Rock) et <strong>la</strong>délicatesse instrumentale quiaccompagne les bal<strong>la</strong>des. Surces dernières, l'émotion se faitpalpable, tant A<strong>la</strong>n Stivell chanteles textes – en <strong>la</strong>ngues bretonneet gaélique – avec une douceuret une conviction évidente (Lusk,Eibhlin, Aquarelle). La harpe à<strong>la</strong> sonorité cristalline, le violon,les cornemuses, une chorale, etsa propre voix paraissent alorscomme portés par les paysagesqu'ils évoquent. Océanique!P.C.n°37 nov/dec 2009


6 e continent57musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeIbrahim Maalouf"Diachronism"(Mi'ster/Discograph)Biréli Lagrène"Gipsy Trio"(Dreyfus Music)Guitariste français de renomméemondiale, Biréli Lagrène revientsimplement soutenu par HonoWinterstein à <strong>la</strong> guitare et DiegoImbert à <strong>la</strong> contrebasse, deuxmembres de son quintet (GipsyProject). Ce trio d’exceptionoù chacun tient sa p<strong>la</strong>ceà merveille, nous offre 14p<strong>la</strong>ges dans un plus pur stylejazz manouche. Reprises destandards du jazz (Night andDay) de <strong>la</strong> pop (Something desBeatles), du cinéma (Singin’ inthe Rain) ainsi que quelquescompos de celui que mêmeBabik Reinhardt, le fils du grandDjango, considère commele digne héritier de son père,constitue le track-listing de cetalbum. Un sans faute si l’onexcepte <strong>la</strong> version du Be MyLove plombée par <strong>la</strong> voix duténor Roberto A<strong>la</strong>gna.SQ'Maha<strong>la</strong> Raï Banda"Ghetto B<strong>la</strong>sters"(Asphalt Tango)musiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeCinq ans après <strong>la</strong> sortie deson premier opus réalisé parShantel, le Maha<strong>la</strong> Raï Banda, unorchestre tzigane de Roumanied’une douzaine de musiciens,revient avec un album où semêlent à nouveau dans <strong>la</strong> joieet l’allégresse airs traditionnelsroumains, rumbas cata<strong>la</strong>nes,musiques militaires moldaves etrythmes actuels (ska, reggae,funk). Mais plus encore quepar le passé, ces souffleursdu ghetto et leurs nombreuxinvités martèlent un groovecuivré irrésistible soutenude temps à autres par despercussions orientales. Lestrompettes et le violon du chefde Banda Aurel Ionitsa ont beaujeu alors de dévaler les lignesmélodiques, d’insuffler <strong>la</strong> frénésieau cœur de ces treize p<strong>la</strong>gesruti<strong>la</strong>ntes et toutes différentes.Précis et redoutable ! SQ'res dans le mondeMONDOMIXM'aimeLa musique d'IbrahimMaalouf échappe à toutec<strong>la</strong>ssification. Bien sûr, on y retrouve, brassésà l'intérieur, des vrais morceaux de musiquesorientales, des saveurs électroniques, duzeste de hip-hop ou le fruit d'improvisationsassez jazzy, mais l'ensemble est le juste refletd'une forte personnalité qui se moque desfrontières et se méfie des écoles. Comme lechant de sa trompette, son inspiration est libre etsa souplesse de jeu lui permet de faire de grandsécarts sans craindre <strong>la</strong> luxation, d'accélérerdans les virages sans redouter les dérapages.Son secret tient sans doute dans sa capacité àaffronter ses contradictions, à refuser de donnerplus d'importance à un côté ou à l'autre des deuxmondes qui le constituent.L'Orient et l'Occident agissent en lui comme lesdeux hémisphères d'un même cerveau, les deuxmoitiés d'un seul cœur. Si <strong>la</strong> construction de sonnouvel album, Diachronism, souligne les différencesqui cohabitent en lui, en séparant l'ensemble en unduo de cds baptisés Disoriental et Paradoxidental,on sent <strong>la</strong> continuité du souffle qui le traverse depart en part.Alors que les percussions méditerranéennes et lesdéf<strong>la</strong>grations électroniques bâtissent des paysagesoù <strong>la</strong> mythologie antique se confond avec desintuitions du futur, <strong>la</strong> trompette entraîne les troupesvers <strong>la</strong> lumière. Elle est de tous les combats, soliste,rythmique, mélodique, aquatique ou aérien, elleprovoque les invités dans des joutes où chacunsort gagnant. Le oud d’Adnan Joubran, le saz deBijan Chemirani ou le piano de Jacky Terrassontrouvent un interlocuteur de rêve, attentif et agile.Tout du long, les voix ponctuent l’histoire : leschœurs tragiques ou joyeux, <strong>la</strong> foule qui reprend lesnotes que l'artiste vient de lui apprendre, le chanthaut perché de Matthieu Chédid, venu en vieuxcomplice souligner <strong>la</strong> bizarrerie de <strong>la</strong> vie, ou le flowde Lolibob, faux rapper Westcoast, habilementincarné par Maalouf lui–même.Il y a, dans <strong>la</strong> musique d’Ibrahim Maalouf, dessouvenirs de rires et de <strong>la</strong>rmes, des traces deguerre et de paix, <strong>la</strong> présence de <strong>la</strong> nostalgie et del’euphorie, mais toujours jaillit <strong>la</strong> promesse de <strong>la</strong> vie.© Gaston BergeretBenjamin MiNiMuMn°37 nov/dec 2009


58Téléchargersur mp3.mondomix.com27693Abaji"Origine Orients"(Absilone/Harmonia Mundi)Un voyage n’est jamais anodin,surtout lorsqu’il s’agit, commece fut le cas pour Abaji, d’unvoyage au Liban, terre qui l’a vunaître et qu’il n’avait pas fouléedepuis 33 ans. A son retour,c’est comme saisi par un étatd’urgence qu’il entre en studio.Enregistré en une seule prise etdeux jours seulement, sans fard ni« béquille » comme il l’écrit dans lelivret, cet album, son cinquième,est porté par l’émotion du retour.Ivre de cet orient qui vibre enlui et lui a ouvert les portesdu vaste monde, passant d’uninstrument à l’autre et chantantdans les cinq <strong>la</strong>ngues que partagesa famille, il se délivre du secretde ses origines, des mystères del’amour qu’il porte aux déserts età <strong>la</strong> mer. Estompant quelque peul’aimable sourire qu’on lui connaît,ces quatorze p<strong>la</strong>ges révèlent <strong>la</strong>profondeur de cette belle âmed’orient.SQ'The Very Best"Warm heart of Africa"(Moshi Moshi / Cooperative Music)Avis aux habitués des rythmesmusclés des deux comparsesde Radioclit : ils risquent d’êtreun peu déçus… Warm Heart ofAfrica, premier album concoctépar le duo avec le chanteurma<strong>la</strong>wi Esau Mwamwaya sousle nom de groupe The VeryBest, peut déstabiliser ceux quis’attendaient à une œuvre prochede leurs autres productions pour,entre autres, Bonde do Role, oumême de leur mixtape sortie en2008.On est, en effet, bien loin dumé<strong>la</strong>nge world-beat auquelils nous avaient habitués. SiWarm Heart of Africa estinstrumentalement sous-produit,c’est pour mieux <strong>la</strong>isser <strong>la</strong>p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> voix riche d’EsauMwamwaya, exposée ici soustoutes ses couleurs. Et pour lesnostalgiques du beat, consolezvous.Il y a toujours Rain Dance,très bon duo avec M.I.A.Perrine Beaufilsmusiques et cultures dans le mondeMONDOMIXM'aimeKasbah Rockers(with Bill Laswell)(Barraka El Farnatshi/ 121 Digital Media)Comme sur quelques-uns deses récents projets (Massafat,Maghrebika…), le producteursuisse Pat Jabbar convie lebassiste et producteur américainBill Laswell à partager à distanceles séances d’enregistrement dece Kasbah Rockers, nouveaucombo produit par son <strong>la</strong>belBarraka el Farnatshi. Originairesde Marrakech, ces musiciensparmi lesquels figurent quelquesvieilles connaissances du <strong>la</strong>bel(Youssef El Mejjad…), signentavec <strong>la</strong> participation du bassisteaméricain et de leur mentorhelvète, 16 titres aux tempimajoritairement apaisés, entredub, rock et grooves du Sudmarocain. Cohérent, cet album,servi par une productionsoignée, renforce l’empreinte dece <strong>la</strong>bel avant-gardiste sans enbousculer les contours.SQ'Bé<strong>la</strong> Fleck, ZakirHussain, Edgar Meyer"THE MELODY OF RHYTHM"(E1 / Universal Jazz )Concerto en trois mouvementspour tab<strong>la</strong>, banjo, contrebasseet orchestre symphonique,The Melody of Rhythm, œuvreambitieuse, résulte d'un travailcollégial entre trois virtuoseset compositeurs de grandrenom : Zakir Hussain (tab<strong>la</strong>),Bé<strong>la</strong> Fleck (banjo) et EdgarMeyer (contrebasse). Il s'agitd'une rencontre fructueuseentre les polyrythmies desmusiques savantes indiennes etles résonnances percussives dubanjo, instrument éminemmentnord-américain mais d'origineafricaine. La contrebasseeffectue le pont avec l'OrchestreSymphonique de Detroit, quiinterprète une partition trésmélodique, en contraste. Letrio <strong>la</strong>isse enfin son imaginationimprovisatrice faire merveilledans les six autres titres quiaccompagnent le concerto. Unvrai bonheur!P.C.n°37 nov/dec 2009


6 e continent 59Nguyen Lê, MiekoMiyazaki, PrabhuEdouard etHariprasad Chaurasia"Saiyuki"(ACT/Harmonia Mundi)C’est à un voyage que nousconvient le guitariste NguyenLê et ses amis Mieko Miyazaki(koto) et Prabhu Edouard (tab<strong>la</strong>s),un voyage au cours duquel ilsretrouvent sur quelques titresle bonze de <strong>la</strong> flûte indienne« bansuri », Hariprasad Chaurasia.Connu pour participer, commeleader ou instrumentiste, àde nombreux projets auxesthétiques aussi variéesqu’excitantes, Nguyen Lê réunitici quatre fortes personnalitésdes musiques du continentasiatique. Porté par Le Voyageen Occident, « une fantastiqueépopée à <strong>la</strong> recherche du Graalbouddhiste écrite en Chine auXVI e siècle », ce quatuor inventeun dialogue intracontinental où <strong>la</strong>complexe rythmique des tab<strong>la</strong>ssigne <strong>la</strong> mesure de cette heureuserencontre, sereine et surprenanteà <strong>la</strong> fois.SQ'EBTEKAR AND THE IRANIANORCHESTRA FOR NEW MUSIC"Ornamentalism"(Sub Rosa / Orkhêstra)Pionnier de <strong>la</strong> musique moderne enIran, Alireza Mashayekhi a toujourscherché à aiguiller ses inspirationsprovenant de <strong>la</strong> musique iraniennec<strong>la</strong>ssique sur des bases beaucoupplus contemporaines, où le médiumélectronique aurait égalementsa note à dire. Au sein de sonOrchestra For New Music, fondéen 1995 pour promouvoir lesœuvres de jeunes compositeurs dupays, il fait se côtoyer instrumentstraditionnels persans et occidentaux(santours, tars, setars, kamanchés,dafs, tombaks, neys, violoncelleset piano) dans des jeux d’écriturepassionnés que l’artiste sonoreirano-américain Ata Ebtekarvient délibérément corromprede saisissantes altérationsélectroniques. Instable et mêmebouillonnant, cet album, avecses collisions sonores perclusesde souffle tribal (Turquoise icein g<strong>la</strong>ce), de retenue spectraleet d’un sens du détail trèsélectro-acoustique (Phonataopus II remod), se révèle <strong>la</strong> suiteappropriée de l’album rétrospectifPersian Electronic Music déjà publiésur Sub Rosa.A.C.musiques et cultures dans le mondeBETHANY & RUFUSROOTS QUARTET"LIVE À FIP"(Daquí / Harmonia Mundi)Une basse funky en diable rejointepar le chant d’une flûte peul et <strong>la</strong>cadence d’un tambour vaudou ;une incantation ancestralequi chevauche l’archet d’unvioloncelle électrifié… : révé<strong>la</strong>tiondes Nuits Atypiques de Langonet coup de cœur du Studio 105de Radio France, le duo folkBethany & Rufus se transformeen quartet post-moderne pourune séance d’envoûtementdéfinie comme « musiquefolklorique de New-York, c’est-àdiredu monde entier ». Articuléeautour de standards militantsdu répertoire US, cette créationvoit les talents de <strong>la</strong> chanteuseBethany Yarrow et ceux duvioloncelliste Rufus Cappadociaproduire, en compagnie du flûtisteet chanteur de Mamar Kassey,le Nigérien Yacouba Moumouniet du maître du tambour d’Haïti,Bonga, <strong>la</strong> délicieuse image sonored’une autre Amérique.Y.R.FangaMONDOMIX"Sira Ba"(Underdog Records/Rue Stendhal)M'aimeOriginaire de Montpellier, Fanga(« force de conviction » en diou<strong>la</strong>)écume les scènes de France etde Navarre depuis plus d’unedécennie. Sira Ba, leur troisièmeopus, creuse un peu plus encorel’empreinte de ce band marquépar les grands noms de l’Afrobeat(Fe<strong>la</strong> bien évidemment, maisaussi ses alter ego comme TonyAllen ou disciples tel SegunDamisa récemment disparu,qu’ils ont côtoyés). Plutôt quede se limiter à un copié-collé,Fanga agglomère influenceship-hop et électro auxpuissantes tourneries inspirésdes rythmiques yorubas. Aumic, Korbo rend hommage à saculture mandingue en chantantaussi en français et en diou<strong>la</strong>.Une ouverture que complète <strong>la</strong>présence du chanteur de reggaeWinston McAnuff qui les rejointsur I Go On Without You. SQ’n°37 nov/dec 2009


60<strong>Mondomix</strong>.com // sélectionscollectiontexte Isadora DartialPhotographie D.R.Après une première vie de1999 à 2003, le <strong>la</strong>bel ang<strong>la</strong>isStrut Records relève lestore en 2008 avec, dansses rayons, des rééditions àfaire saliver n'importe quelcollectionneur. Entre autres:Nigeria 70, Calypsoul 70,Funky Nassau, Disco Italia,The August Darnell Years1974-1982 et « InspirationInformation », une série dedisques-rencontres qui réunit,le temps d'un album, dejeunes artistes et ceux qui lesont inspirés.Face AAngleterre, 1999. Partant du principe queles meilleurs sons ne doivent pas se cantonneraux bacs des DJ's, Quinton Scottfonde Strut Records. Le <strong>la</strong>bel exhume lesintrouvables, déniche des musiques auxquatre coins du monde ou retrouve les bandesde mix cultes de l'histoire du clubbing.Des rééditions et compi<strong>la</strong>tions qui nous ontfait découvrir aussi bien le courant soul dusamba carioca des 70's (B<strong>la</strong>ck Rio) que lesmix historiques de Grandmaster F<strong>la</strong>sh, premierDJ à se servir de ses p<strong>la</strong>tines commed'un instrument, ou ceux de Larry Levan,père de <strong>la</strong> Dance Culture. Avec minutie, le<strong>la</strong>bel travaille à partir de bandes masters,soigne livrets et graphisme des pochettespour offrir ses pépites au plus grand nombre.A l'été 2003, des problèmes financiers obligentStrut Records à mettre <strong>la</strong> clef sous <strong>la</strong>porte. Fin de <strong>la</strong> face A.Face B2008. Le <strong>la</strong>bel de musiques électroniquesberlinois !K7 prend sous son aile Strut etlui donne un second souffle. Quinton Scottà <strong>la</strong> direction artistique, le <strong>la</strong>bel étend sonchamp au delà de <strong>la</strong> b<strong>la</strong>ck music. Il sortainsi des compi<strong>la</strong>tions d'Italo Disco, exhumeles débuts d'August Darnell (avant « KidCreole ») et aide à faire resurgir le mythique<strong>la</strong>bel new-yorkais ZE Records, via unecompi<strong>la</strong>tion qui, du post-punk de Suicideaux expérimentations de Lizzy MercierDescloux, renoue avec <strong>la</strong> hype des années1980. Strut n'en oublie pas pour autant lesamoureux de rares grooves. En chineuraverti, il sort Funky Nassau, soit six annéesde production du studio de Chris B<strong>la</strong>kwell,le Compass Point Studio à Nassau (Bahamas),mais aussi Africa 70's ou encore B<strong>la</strong>ckRio 2. Côté nouveauté, on découvriraavec bonheur le premier album studio deGrandmaster F<strong>la</strong>sh et une nouvelle série dedisques : « Inspiration Information ». Basésur l'idée de <strong>la</strong> rencontre, ce projet permetà des artistes de jouer avec ceux quiles ont inspirés sans contrainte de formes.Ainsi, le dandy soul Amp Fiddler enregistre,à Kingston, quelques morceaux avec sesidoles Sly&Robbie. Le producteur AshleyBeedle fusionne avec Horace Andy, quandle collectif ang<strong>la</strong>is The Heliocentrics rendaériennes les nappes profondes du père del'éthio-jazz, Mu<strong>la</strong>tu Astatke. Des sessionsheureuses, qui confirment que le p<strong>la</strong>isir restel'objectif numéro 1 du <strong>la</strong>bel. P<strong>la</strong>isir partagédernièrement par deux adeptes desrencontres, entre le Fin<strong>la</strong>ndais Jimi Tenoret le roi du rythme afrobeat Tony Allen quiviennent juste d'agrandir <strong>la</strong> série...n http://www.strut-records.com/n http://www.inspiration-information-series.com/n°37 nov/dec 2009


62<strong>Mondomix</strong>.com // sélectionsA l’unisson© D.R.Derrière le film D'une Seule Voix, se cache un défi : réunir des chanteurs israéliens etpalestiniens sur une même scène le temps d'une série de concerts en France. Seul derrière sacaméra, Xavier de Lauzanne s'est immergé dans les coulisses de <strong>la</strong> tournée. Témoin privilégiéde cette expérience humaine, le cinéaste en a tiré un documentaire et gardé des souvenirs.Entretien. Texte Julien Abadiel Comment avez-vous débarquédans cette aventure humaine ?Xavier de Lauzanne : Par hasard. A l'origine,il était question d'un reportage pour unechaîne du câble, KTO. Je devais prendre lesimages d'un concert israëlo-palestinien. Etpuis je rencontre ce type, Jean-Yves Labat,qui a réussi à faire sortir des Palestiniens pourqu'ils se produisent sur scène. J'étais trèsimpressionné et, en même temps, curieuxde découvrir les coulisses de ce genred'aventures. Il m'a alors révélé qu'il avaitun projet en France : emmener en tournéedes chanteurs israéliens et palestiniens. Lesréunir sur scène le temps d'une série deconcert.l Drôle de bonhomme, quandmême !XDL : Oui, c'est un type assez étrange. Ilétait musicien, c<strong>la</strong>vier pour être exact. Dansles années 1970, il a joué avec un groupeaujourd'hui tombé dans l'oubli : Utopia(projet du musicien, producteur américainTodd Rundgren ndlr). Les excès de sacarrière l'ont un peu détruit, mais il a finipar se recentrer sur l'essentiel. Son premierprojet et défi aura été de reconstituer <strong>la</strong>chorale de Sarajevo. Puis il est tombé sur leproblème israélo-palestinien et s'est mis entête de faire chanter les deux communautésensemble. De cette initiative un peu folle,est d'abord sorti un disque, Une Seule Voix,puis cette tournée en France sur <strong>la</strong>quelle jeme suis greffé.l Quelle est votre motivation ici ? Le conflit israélo-palestinien ?XDL : Non. La politique m'intéresse peu. D'ailleurs je ne connaissais rien du conflit. A part un avisarbitraire sur <strong>la</strong> question, comme tout le monde. Mais filmer les liens entre des gens différents,ça, c'est passionnant. Toute ma carrière, j'ai essayé de me concentrer sur l'humain, en filmantle travail d'associations humanitaires par exemple. D'une seule voix est <strong>la</strong> suite logique de ceparcours.l Tout de même, avec un sujet pareil, c'est difficile d'évacuer <strong>la</strong> question duconflit. Tout du long, on assiste à des frictions entre Israéliens et Palestiniensà cause de paroles ou de gestes dép<strong>la</strong>cés. La sphère politique n'est jamaisbien loin...XDL : C'est vrai, mais ce n'était pas le sujet. Ou en tout cas pas l'enjeu. Je ne cherche pas àrégler le problème là-bas, juste à filmer un rapprochement entre des gens qui ne se parlent plus.Blocage politique n'entend pas forcément blocage humain. C'est <strong>la</strong> grande force de l'expressionartistique et, par ricochet, le message du film.n°37 nov/dec 2009


a voir / CINema <strong>Mondomix</strong>.com 63l Pour autant, D'une seule voix n’a pas une approche naïve ou béate. Onsort de là avec un arrière-goût dans <strong>la</strong> bouche. Malgré les concerts, malgrél'expérience humaine, c'est <strong>la</strong> lucidité qui prédomine dans les paroles dechaque bord. Pas l'espoir.XDL : C'est impossible pour eux d'espérer un changement à court ou moyen terme. Alorsforcément, quand ils s'expriment sur <strong>la</strong> réalité politique, ils sont amers. On ne peut pas évacuerça. Vous savez, au départ, ce qui a motivé tous ces chanteurs, ce n'est pas l'expériencehumaine, ni le message pacifiste, mais <strong>la</strong> possibilité de chanter sur scène. C'est tout. C'est aufur et à mesure que les amitiés se sont créées. Ce moment où ils dansent tous sur scène, jamaisje n'aurais pu le filmer au début de <strong>la</strong> tournée. Ils l'ont fait spontanément, au bout de plusieurssemaines de cohabitation.l Trois ans après cette aventure, que reste-t-il de tout ça ?XDL : Le bi<strong>la</strong>n est inévitablement contrasté. Mais, en règle générale, l'expérience a <strong>la</strong>issé destraces chez ces artistes. Lorsque j'ai présenté le film en juin à Jérusalem, j'en ai profité pour allerles voir chez eux. Tous m'ont remercié de les avoir montrés sous un autre jour. J'ai alors découvertque, parmi les chanteurs, certains radicaux de droite israéliens changeaient doucement de bord.Qu'une chanteuse avait fait le choix d'éviter un paragraphe douteux sur les Arabes dans unechanson traditionnelle. Quelques groupes se voient même régulièrement pour trouver un moyende s'accorder entre Israéliens et Palestiniens. Preuve qu'il ne faut pas sous-estimer ce genred'initiatives. La société civile peut changer des choses. Mais ce n'est pas Hollywood non plus.Le beau couple que formaient Eti, artiste pop israélienne et Saz, rappeur arabe, ne chantent plusensemble. Ils n'ont pas été encouragés. Saz est un jeune homme étonnant, très mature danssa réflexion. Mais il vit une désillusion, il n'est plus dans le même état d'esprit depuis <strong>la</strong> dernièreguerre du Liban. Il est fier d'avoir vécu cette expérience, mais il ne recommencera que lorsque<strong>la</strong> situation aura évolué. *« Blocage politique n'entend pas forcémentblocage humain. C'est <strong>la</strong> grande force del'expression artistique et par ricochet lemessage du film. » Xavier De Lauzannel La conclusion est d'ailleurs terrible. Un carton nous apprend le décès d'undes chanteurs arabes lors de cette guerre. Un choriste que l'on n'avait mêmepas remarqué...XDL : C'était un type charmant. Très discret. Je ne l'ai pas choisi comme personnage majeurdu film, mais je n'ai aucun regret. Le bouleversement discret de sa mort en devient d'autant plussymbolique. Avec une boule dans <strong>la</strong> gorge, j'ai demandé à sa femme si elle vou<strong>la</strong>it dire quelquesmots du drame. Très digne, elle a simplement lâché : « J'espère juste que ça servira à quelqueschose. »*Eti et Saz seront réunis début novembre à Paris pour promouvoir le film.l D'une seule voix, de Xavier De Lauzannesort le 11 novembren°37 nov/dec 2009


64<strong>Mondomix</strong>.com // sélectionsCinémixC'est dans le « trop » plutôt que le « pas assez » que l'art trouve refuge. Encorefaut-il s'y abandonner. Prenez le dernier Terry Gilliam, L'Imaginarium duDocteur Parnassus (11 nov.). Dans cette énième traversée du miroir shootéeaux champis, c'est excès de tout mais p<strong>la</strong>isir de rien, une saturation artificiellequi vire à l'hystérie collective. Sabordé en plein tournage par <strong>la</strong> mort de son acteur,Heath Ledger, Gilliama sauvé son film fantastiquegrâce à une astuce narrative :confier le rôle principal à troisautres acteurs (Johnny Depp,Jude Law, Colin Farrell). Unedémultiplication qui a faittâche d'huile : le bric et lebroc règnent en maître danscette mascarade multicolore.L'exercice pourrait fasciner,mais sa poésie au bulldozer lelimite au lourd pot de peintureplutôt qu'à l'aérien coup depinceau.Il y a de ce<strong>la</strong>, aussi, dans le Vincere de Marco Bellocchio (25 nov.). Une volontémanifeste de tout excéder. De tout exsuder. Mais voilà : récit des amourspassionnées de Mussolini,Vincere brûle de telles pousséesde fièvre baroques queson style pompier en devientpyromane. A force d'assumerson emphase, le film s'offrecomme un titanesque incendied'images où se consumeraientHistoire et fiction.Jamais on ne saura <strong>la</strong> part devérité là-dedans (par exemplesi le Duce a vraiment fait internersa femme), mais qu'importe,au fond : les beautésde l'opéra valent bien quelquesarrangements.Et puis, il y a Tetro (23 dec.). Signé de l'artiste excessif par essence, Coppo<strong>la</strong>,voilà un film monté hors système, en grande partie financé par les vignes du cinéaste,qui se paie le plus bel excès qui soit : <strong>la</strong> liberté. Il est là le prix de ce drôlede drame en noir et b<strong>la</strong>nc,dans cette beauté fragmentaire,parcel<strong>la</strong>ire, qui brille inopinément,comme un éc<strong>la</strong>t deverre au soleil. Rien à fiche de<strong>la</strong> logique de spectacle ou desréflexes narratifs, cette histoired'artiste maudit (VincentGallo) et d'Oedipe mal réglése déploie sans fers, passantd'un deux-pièces-cuisine àBuenos Aires à <strong>la</strong> Patagonie,des flonflons des bandonéonsà une quasi tragédie antique.En faire trop sans en faire descaisses : tout un art.n L'Imaginarium du Docteur Parnassus, de Terry Gilliam,avec Heah Ledger, Johnny Depp, Colin Farrell...n Vincere, de Marco Bellocchio,avec Giovanna Mezzogiorno, Filippo Timi, Fausto Russo Alesi...n Tetro, de Francis Ford Coppo<strong>la</strong>,avec Vincent Gallo, Maribel Verdu, Alden Erhenreich...Julien Abadien°37 nov/dec 2009


66 <strong>Mondomix</strong>.com // sélectionsa voir / livresMissak, l’enfant de l’Affiche rougeDidier Daeninckx/Laurent CorvaisierEntretien Anne -Laure LemancelImage Laurent CorvaisierPlusgrandque sa statueHéros du poème d’AragonL’Affiche rouge, mis en musiquepar Léo Ferré, l’Arménien MissakManouchian, « amoureux de vivreà en mourir », incarne, dans <strong>la</strong> Franceoccupée, le verbe « résister ».En parallèle de L’Armée du Crime,film de Robert Guédiguian consacré àson histoire, l’écrivain Didier Daeninckxpublie le roman Missak, mais aussiun album pour enfants, Missak, l’enfantde l’Affiche rouge, magnifiquement illustrépar Laurent Corvaisier.Un ouvrage essentiel, dont <strong>la</strong> poésieà fleur de pages suscite questionset émotions justes.l Pourquoi Missak Manouchian suscite-t-il un tel intérêtdans l’actualité?Didier Daeninckx : AvecGuédiguian, j’ai eu l’occasionde cerner cette urgenceà parler de Missak.Aujourd’hui, on peut considérerqu’il y a, dans ce pays,une sorte d’indignité à avoircréé un Ministère de l’IdentitéNationale. En résonnance,l’histoire de ces dizainesd’immigrés, apatrides,sans passeports, menacésde toutes parts, qui prirentles armes pour défendre <strong>la</strong>France, prend, je trouve, untout petit peu de sens…l Qu’a de fascinant ce personnage ?DD : Il a survécu au génocide arménien – son père meurt contreles Turcs en 1915, sa mère succombe à <strong>la</strong> faim dans les persécutions– et il va combattre un autre génocide, le génocide juif.Première symbolique. Il y a surtout cette ligne forte : adolescent, ilfait vœu de s’adonner à <strong>la</strong> poésie. Tombé amoureux de <strong>la</strong> culturefrançaise dans un orphelinat libanais, il s’exile à Paris. En margede son poste d’ouvrier chez Citroën, il fréquente <strong>la</strong> Sorbonne,écrit, côtoie des peintres (Krikor Bedikian, Carzou…), créée desrevues de poésie…jusqu’au 6 février 1934*, où sa vie bascule. Ilprend conscience que ce havre de paix, d’art, de poésie qu’est <strong>la</strong>France, peut être réduit au fascisme. Dès ce moment, il pare auplus urgent : arrêter <strong>la</strong> poésie pour se <strong>la</strong>ncer dans le combat politique,afin de <strong>la</strong> rendre possible dans le futur. L’histoire problématiquede Missak retrace celle d’un être voué à <strong>la</strong> beauté, à l’amour, à<strong>la</strong> nature qui se voit contraint d’emprunter <strong>la</strong> voie des armes.l En quoi son histoire peut-elle intéresser les enfants ?DD : C’est un héros incroyable ! Et d’après ce que j’ai pu trouversur lui, notamment dans les archives inédites de sa petite-nièce,sa statue lui fait de l’ombre. Il est plus grand qu’elle ! Il permetde se poser une foule de questions. Par exemple, cet apatrideadopte <strong>la</strong> France parce qu’il s’agit du pays de <strong>la</strong> Révolution, celuides Droits de l’Homme. Là où il va habiter, ce n’est pas dans lenationalisme français, mais dans l’Idée d’une République universelle,qui rayonne bien au-delà de ses frontières. Et puis, les petitslecteurs s’apercevront qu’au premier rang, en France, il y avaitdes Italiens, des Arméniens, des Juifs… S’ils grattent un peu, ilsverront que des Africains ont pris les armes, qu’il y a des nomsalgériens parmi les résistants. Ca modifie notre manière de voirl’histoire de France. Chacun peut y trouver sa p<strong>la</strong>ce. L’AfficheRouge, devenue symbole de <strong>la</strong> Résistance par une sorte d’inversionde <strong>la</strong> propagande nazie, représente bien cette Internationalede <strong>la</strong> Liberté. Surtout, l’histoire de Missak enseigne aux enfantsqu’il faut savoir désobéir, qu’il ne faut pas accepter l’autorité simplementparce qu’elle s’impose comme telle, qu’elle peut êtresoumise à critique et à réflexion, et qu’il est parfois légitime dedire « C’est pas juste ! »l Pourquoi p<strong>la</strong>cez-vous le travail de mémoire au cœurmêmede votre métier d’écrivain ?DD : Quand on ne connaît pas l’histoire de Missak, elle nous manque.Quand on l’apprend, elle nous devient vitale. Il y a tout un tasde vides sur des périodes, sur des gens qui incarnent l’histoire,mais s’absentent des consciences. Prenons l’exemple de cettephrase de Guy Môquet: « Vous les copains qui restez, soyez dignede ceux qui vont mourir » Ce « soyez dignes » résonne fort.Des gens sont morts pour que nous puissions être tranquilles, frivoles,prendre des vacances… A certains moments, il suffit d’êtreau courant de ces parcours, pour se faire un devoir de résister àl’avachissement ...n°37 nov/dec 2009


<strong>Mondomix</strong>.com 67« L’histoire de Missak enseigne auxenfants qu’il faut savoir désobéir,qu’il ne faut pas accepter l’autoritésimplement parce qu’elle s’imposecomme telle, qu’elle peut être soumiseà critique et à réflexion,et qu’il est parfois légitime de dire" C’est pas juste ! " » Didier Daeninckxl L’une des phrasesde l’album parle du mot« résister » comme du« plus indispensable de <strong>la</strong><strong>la</strong>ngue française »…DD : Pour moi résister, c’estré-exister, exister plus fort.Quand il y’a une injustice, quel’on trouve des solidarités pourrétablir le monde dans ce qu’ildoit être, d’un seul coup, çaenrichit l’existence. Elle devientsupérieure. On a l’impressiond’habiter pleinement sa proprevie. Résister : nous pouvons (etdevons) le faire au quotidien, etce, de manière moins tragiqueque Missak Manouchian.*manifestation antiparlementaireorganisée à Paris par des liguesd’extrême droite, qui vire àl’émeute.Laurent CorvaisierDans l’atelier de l’illustrateur :secrets de fabrication" En tant que peintre et illustrateur, je réalise beaucoupde portraits, et je trouvais intéressant de caractériserMissak. Je suis allé à <strong>la</strong> bibliothèque pour me renseigner,m’approprier son histoire, puis j’ai pris des distancespar rapport à ses photographies, soumises àma propre interprétation. Dans cet album, les imagesdéfilent, rythment le texte. L’idée des rabats, des dessinsqui se prolongent de pages en pages, s’imbriquenten plusieurs niveaux de lecture, vient de l’éditeur, A<strong>la</strong>inSerres. Comme l’alternance couleurs/noir-b<strong>la</strong>nc, quipermet de passer des souvenirs à <strong>la</strong> réalité, de l’évasiondu rêve à <strong>la</strong> prison. Sur ces pages vierges, avecle texte déjà séquencé, j’ai <strong>la</strong>issé courir mon pinceau –encre de chine pour <strong>la</strong> douleur vive, acrylique et gouachepour les fresques colorées, en opposition au textetrès rude – guidé par un jeu de relief, mon inspiration etune vraie quête de sens. Vous verrez par exemple, enfeuilletant l’ouvrage, cet oiseau, en couleur ou non, debon ou mauvais augure, qui finit par incarner Missak.Entre Didier Daeninckx et moi-même, s’est établi unjeu de ping-pong symbolique. Je suis très fier de cetouvrage, j’espère qu’il vous p<strong>la</strong>ira. "Missak, l’enfant de l’Affiche rouge Didier Daeninckx/Laurent Corvaisier (Rue du Monde, Pas comme lesautres, 2009, 60p.)A lire :Missak Didier Daeninckx (Librairie Académique Perrin,2009, 285p.)A voir :L’Armée du Crime Robert Guédiguian (Studio Canal,2009)n°37 nov/dec 2009


68<strong>Mondomix</strong>.com // sélectionsDVDsa voir/ Made in AmerikkkaThe Last Poets(La Huit Productions)« Les Last Poets vou<strong>la</strong>ient ôter le nègre du noir »,Abiodun Oyewole.Légendes vivantes de <strong>la</strong> poésie engagée, témoinsde l’histoire américaine, pères inspirateursdu mouvement hip-hop, les Last Poets ont marquéde leur verbe acerbe des générations entièresd’Afro-Américains. « Les nègres aiment toussauf eux-mêmes ! » crache Umar Bin Hassandans son antienne Nigger are scared of revolution.Voilà un parfait résumé de l’énergie primordialede leur art ! Né dans un parc de Harlem, en 1968, au lendemainde l’assassinat de Martin Luther King, le groupe a été <strong>la</strong> voix d’unerébellion sociale et identitaire.Ce documentaire de C<strong>la</strong>ude Santiago, composé de passages d’unconcert enregistré lors du festival Banlieues Bleues 2008, d’entretienset de moments de répétition, retrace l’essor, <strong>la</strong> chute et <strong>la</strong> renaissanced’un groupe de versificateurs noirs, politisés et influents,dans une société américaine, b<strong>la</strong>nche et raciste.Un témoignage capital pour <strong>la</strong> musique, <strong>la</strong> poésie, et l’histoire.A.C./ LIVE IN PEACE TOURAlpha Blondy & The So<strong>la</strong>r System(Mediacom)Cuivres pétaradants, guitare sail<strong>la</strong>nte, rythmiqueappuyée, un bataillon sur scène…on se croirait à un concert de P-Funk ! Maispassée l’intro tonitruante, c’est bien Blondy etson reggae qui investissent <strong>la</strong> scène de Paris.Depuis que Tiken Jah Fakoly a pris en main <strong>la</strong>locomotive de <strong>la</strong> musique de Jah made in Africa,on en aurait presque oublié l’Ivoirien précurseuret porte-étendard du genre. Pourtant, malgré 25 ans de scène dansles locks, le Brigadier Sabari ne semble toujours pas décidé à baisserle poing. Ou alors pour cogner sur tout ce qui gangrène son continentdepuis des décennies : guerres, corruption, dictatures, il y ena tant... Alors, quand les p<strong>la</strong>nches se muent en tribune de revendications,quand <strong>la</strong> musique associe forme et fond, le complet treillisdevient <strong>la</strong> tenue idoine et tendre le micro aux autres un devoir. Avecun répertoire garni de c<strong>la</strong>ssiques, le lion rugit encore, sans oublier lesfondements contestataires d’une musique trop souvent ramenée àdes clichés de p<strong>la</strong>ge.Alpha Lives !Franck Cochonn°37 nov/dec 2009


a lire <strong>Mondomix</strong>.com 69RAP/ Le rap est néen JamaïqueBruno Blum(Castor Astral)Séparez-vous de toutes vos idées reçuessur l’origine du rap ! Voici, en une seulephrase, ce que Bruno Blum nous invite àfaire dans son livre Le rap est né en Jamaïque.Alexandre Dumas père disait : « Il est permisde violer l’histoire, à condition de lui faire unenfant ». Or, Blum défend avec verve <strong>la</strong> thèsede l’illégitimité de <strong>la</strong> filiation directe du rapavec <strong>la</strong> ville de New York. L’auteur s’évertueà rétablir <strong>la</strong> vérité historique sur l’histoire du mouvement, né en Jamaïque,des pratiques des « deejays » pour désigner celui qui, « par analogieau jockey sur un cheval “monte” le rythme en utilisant un micropour s'exprimer vocalement ». On apprend ici que Kool Herc et Coke LaRock, tous deux Jamaïcains et respectivement selecter et deejay, ontété les premiers importateurs de ces techniques qui ont donné naissanceau rap dans le Bronx, où ils vivaient au début des années 1970. Lessoirées qu’ils faisaient dans le sound system de Herc ont notammentaccueilli Grandmaster F<strong>la</strong>sh & The Furious Five entre 1975 et 1977.En partant du simple postu<strong>la</strong>t que le rap porte « des messages decontestation, de protestation, de commentaire social et d’appel à <strong>la</strong> mobilisation», Blum revient sur l’histoire détaillée de <strong>la</strong> Jamaïque, à 95%d’origine africaine ou de sang mêlé, pour démontrer que l’île constituaitun terreau idéal pour <strong>la</strong> naissance du mouvement. J.B.BD/ Silex and the CityJul(Dargaud)Avec sa nouvelle BD, Jul sort à nouveaudes colonnes de Charlie Hebdo– et de <strong>Mondomix</strong> ! – pour nous propulserà l'ère du Paléolithique, en 40000 av. JC. Dans ce qu'il qualifielui-même de « péplum préhistoriqueultra-réaliste », le dessinateurde Charlie Hebdo, nous racontele quotidien désopi<strong>la</strong>nt de <strong>la</strong> familleDotcom, composée du pèreBlog, prof de Chasse et « homo erectus qui se lève tôt », de <strong>la</strong>mère Spam, prof de Préhistoire-Géo en ZEP (Zone d'EvolutionPrioritaire) et de leurs deux enfants, Web et Url. Prenant pourtrame narrative l'engagement politique de Blog, malmené parune société loufoque divisée entre homo-sapiens, lémuriens,néanderthaliens et primates, Jul fait mouche à chaque page.Des salles de c<strong>la</strong>sses bondées, aux polémiques sur l'affairedes « 12 caricatures de mammouths » en passant par <strong>la</strong> privatisationdu volcan EDF (Energie Du Feu) et les affrontementspolitiques entre partisans d'une « évolution à visage humain »et apôtres du « évoluer plus pour gagner plus », l'auteur nousrévèle, à grands coups de fous rires, l'aspect souvent dérisoirede bien des débats médiatiques qui agitent notre sociétécontemporaine.Jean-Sébastien Josset


70<strong>Mondomix</strong>.com // sélectionsDEHORSMONDOMIX AIME !Les meilleures raisonsd’aller écouter l’air du temps/ Origines Contrôlées22 au 28 novembreBourse du travail(Toulouse, 33)Dialogue et musique : voilà les deux armes dégainées pour luttercontre les discriminations liées à l’immigration. Des rencontresdébatsabordent des sujets qui fâchent, tels que les discours publicssur l’immigration (le 27). Zone Libre (avec Serge Teyssot-Gay,guitariste de Noir Désir), Casey (La Rumeur) et B-James préparent leterrain le 22, re<strong>la</strong>yés par <strong>la</strong> gouaille des Ogres de Barback (le 26).DJ Abdel nous offre, quant à lui, un aller-simple vers les étoiles,soirée « Starlight » oblige (le 28). De quoi faire tourner les têtes ettaire les mauvaises <strong>la</strong>ngues…n www.tactikollectif.org// Jazz’n Klezmer15 novembre au 3 décembreParis (75)Du klezmer au jazz, il n’y a qu’un pas ! Le 26, retrouvez le FreylekhTrio à <strong>la</strong> Bellevilloise accompagné de son collectif Gou<strong>la</strong>shsystem, dont fait notamment partie Erika Serre, voix tzigane dugroupe Emigrante. Le 30, c’est au c<strong>la</strong>rinettiste David Kraukaueret son Klezmer Madness d’y créer un pont entre les styles, avecnotamment le déjanté Socalled aux p<strong>la</strong>tines ! Et le 3, au centre FleuryGoutte d’Or, p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> création : Oy Division, défenseurs du Shtetel,croise <strong>la</strong> route du contrebassiste Brad Scott (Arthur H, JacquesHigelin…). Une édition explosive !n www.myspace.com/jazznklezmer/// Folles nuits Berbères4 au 26 décembreCabaret SauvageLa culture berbère s’approprie le chapiteau le temps d’un voyageabolissant les frontières de l’espace et du temps. Laissons-nousguider par Stéphane Laisné, maître de cérémonie clownesque, parmiles multiples démonstrations de jonglerie, trapèze, danse, mais ausside yoyo ! Akli D, chanteur et guitariste kabyle se charge de nousaccompagner en musique au long de l’exploration, accompagnépour l’occasion de <strong>la</strong> chanteuse Samira Brahmia. Entre music-hall etcabaret, voilà tout un monde enchanteur à (re)découvrir…n http://www.cabaretsauvage.comn°37 nov/dec 2009VILLES DES MUSIQUESDU MONDE15 octobre au 15 novembreSeine-Saint-Denis et ParisPour ses 10 ans,le festival Villes des Musiquesdu Monde invite auvoyage, dans 18 villes de<strong>la</strong> Seine-Saint-Denis et àParis. Au programme,cinq parcours porteursde rêves : Trad’N Rock ;Entrons dans <strong>la</strong> Transe ;Tonnerre de Voix ; Je, Tu,Iles ; Ode-là des Frontières.Pour illustrer ses promesses,citons Titi Robin &Faiz Ali Faiz le 4 novembreà Aubervilliers, La Canailleet Beat Assai<strong>la</strong>nt le 6à Pantin, un Bal Créoleavec Gilzene and TheBlue Light Mento Bandet Roger Raspail le 8(Aubervilliers), ou encoreles Marseil<strong>la</strong>is du Còr de<strong>la</strong> P<strong>la</strong>na et les Touaregsde Tinariwen qui seproduiront respectivementles 12 et 14 novembre àAubervilliers.www.villesdesmusiquesdumonde.comVoix de Femmes18 au 28 novembreBelgique (Bruxelles, Anvers,Utrecht, Liège)Différents parcours defemmes se croisent autourde l’identité, <strong>la</strong> mémoire etl’imaginaire. La chanteusemauritanienne engagéeMalouma partage sapassion pour les luthstraditionnels et les incursionsblues. Elle est re<strong>la</strong>yéepar Aynur, chanteusekurde connue pour sonalbum Kece Kurdan (2005)violemment critiqué par lepouvoir…L’incontournableRokia Traoré est ausside <strong>la</strong> partie, tandisque l’Ivoirienne DobetGnahoré, et <strong>la</strong> TchadienneMounira Mitcha<strong>la</strong>partagent <strong>la</strong> scène pour<strong>la</strong> première fois. Théâtre,danse et expositionscomplètent le programme !www.voixdefemmes.orgFestival internationaldu film d’Amiens13 au 22 novembreAmiens (80)Voilà un festival cinématographiqueouvert surle monde! En plus deslongs et courts-métragesde <strong>la</strong> compétition internationale,l’événement comptebien dresser un panoramades cinémas d’Afriqueet d’Amérique <strong>la</strong>tine. Unesérie de rétrospectivespermet ainsi d’investir lesstudios turcs de Yesilçam.Et, cerise sur le gâteau,des hommages sontrendus à des cinéastesdes quatre coins du globe(en leur présence, s’il vousp<strong>la</strong>ît !) tels que l’actriceTurkan Soray, figure pharedu cinéma turc, ou encoreFlora Gomes, réalisateuroriginaire de Guinée-Bissau, notamment connupour son film Nha Fa<strong>la</strong>(2002).www.filmfestamiens.orgLes Guitares 200913 novembre au 5 décembreRhôneAvis aux aficionadosdes six cordes : les voiciqui entament leur défiléannuel ! P<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> CanadienneMélissa Laveauxpour une exploration dufolk bercée par sa voixrauque et envoûtante, ouencore à l’univers bluesde son compatriote MarcAndré Léger. Le NorvégienBjorn Berge offre unsolo empreint de rock etde blues, re<strong>la</strong>yé par celui,acoustique, de l’AllemandPeter Finger. Côté scènefrançaise, Usthiax, TomPoisson, Maloh et Josephd’Anvers mêlent leursquatre voix en rivalisantde riffs efficaces. Enfin,les Doigts de l’Hommerendent un hommage à <strong>la</strong>déesse guitare avec leurunivers métissé « gypsyjazzrockmanouche» !www.netleoville.org


Blues sur Seine13 au 28 novembreYvelinesUne vague de sonoritésblues s’apprête à déferlersur le département desYvelines ! Le 13, retrouvezle guitariste émériteLucky Peterson, qui<strong>la</strong>issera <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce le 14 aurhythm’n’blues so britishde James Hunter. Le 21,<strong>la</strong> musique Zydeco est àl’honneur avec CJ Chenier(fils du grand accordéonisteClifton Chenier) & TheRed Hot Louisiana Band.Rokia Traoré, récemmentrécompensée aux Victoiresde <strong>la</strong> Musique pour sonnouveau-né Tchamantchéet marraine de cette 11 èmeédition, est à retrouver le27. C’est au chanteur belgeArno que revient l’honneurde clore le bal le 28. Un tourdu monde éclectique !www.blues-sur-seine.comAfricolor13 novembre au 20 décembreSeine-Saint-DenisVoiciun appel <strong>la</strong>ncé aumétissage des sonorités !Preuve en est avec <strong>la</strong>rencontre surprenanteentre le maloya de DanyelWaro et les polyphoniescorses d’A Filetta (13 et15 nov.). Puis p<strong>la</strong>ce à deuxvirtuoses, Lansiné Kouyatéau ba<strong>la</strong>fon et DavidNeerman au xylophone,qui se réunissent pourmêler musique mandingue,rock, dub et jazz (14nov). Le grand AhmedFofana explore, quant àlui, les sonorités estampilléesAfrique de l’Ouestavec son ensemble MétisMandingue (20 et 22 nov),tandis que Dédé Saint-Prix partage <strong>la</strong> scèneavec <strong>la</strong> griotte malienneFanta Disco (le 26 nov).La performance du maîtredu chaâbi kabyle CheikhLounès Khéloui (5 déc) estaussi à ne pas rater !www.africolor.comLes 38 e Rugissants17 au 28 novembreGrenoble (38)Pas de <strong>la</strong>ngue de bois pourcette nouvelle édition quiflirte avec sens et sons !En grand explorateurdes mots et des formes,Jacques Rebotier, invitéd’honneur, propose sonspectacle « L’oreille droite »(17 et 18 nov) avec AlexandreTharaud au piano.Dgiz ou encore BastienMots Paumés célèbrentles envolés du s<strong>la</strong>m le 21.Le lendemain, le chanteurbasque Beñat Achairy etl’écrivain/poète Serge Peycroisent le verbe pour unepoésie sonore sur mesure.David Krakauer, prodige de<strong>la</strong> c<strong>la</strong>rinette nous inonderade sonorités klezmer le 25,et c’est <strong>la</strong> rencontre entrel’ensemble contemporainArs Nova et un ensembletraditionnel burkinabé quidonne <strong>la</strong> dernière note le 28!www.38rugissants.com/ CinémaDu 4 novembre au 18 décembrele Musée Guimet présente le cycle « Hima<strong>la</strong>ya », à l’AuditoriumAvec les documentaires Bhoutan, <strong>la</strong> perle de l’Hima<strong>la</strong>ya de Jean-Charles Deniau ; La première route et Bhoutan, chronique d’unretour de Jacques-A<strong>la</strong>in Raynaud ; Bhoutan, un petit pays possédédu ciel de Ludovic Segarra ; Le <strong>la</strong>ma et <strong>la</strong> turquoise de FrançoisKohler, ; Gross National Happiness d’Erick Allgoewer ; Bhoutan,naissance d’une démocratie de Frédéric Compain ; La vallée desfemmes de Marianne Pletscher ; Les béquilles du Lama Yapo deJowan Le Besco ; La nuit du Shaman de Véra Frossard et The spiritdoesn’t come anymore de Tsering Rhitar SherpaEt les fictions La coupe (Phörpa) de Khyentse Norbu ; Voyageurset magiciens de Khyentse Norbu ; Hima<strong>la</strong>ya, l’enfance d’un chefd’Eric Valli ; Mukundo (Mask of desire) de Tsering Rhitar Sherpa.n www.guimet.frn°37 nov/dec 2009


72<strong>Mondomix</strong>.com // sélectionsn LES CYCLES PARISIENSDEHORSEn novembre et décembre, les grandes salles parisiennes rendenthommage ou accueillent des maîtres à <strong>la</strong> Cité de <strong>la</strong> Musique ou àPleyel (Miles Davis, Shivkumar Sharma, Zakir Hussain, Tomatito,Anouar Brahem,….) et célèbrent <strong>la</strong> chute du Mur de Berlin (Théâtrede <strong>la</strong> Ville). Et comme l’Auditorium du Musée Guimet et le Musée duQuai Branly, tous présentent de précieuses traditions de tous lescontinents.0 3 / 1 0 / 2 0 0 902/11/200904/11/200907/11/200913/11/200914/11/200921/11/200921/11/200921/11/200922/11/20092 2 / 1 1 / 2 0 0 92 5 / 1 1 / 2 0 0 92 7 / 1 1 / 2 0 0 92 7 / 1 1 / 2 0 0 92 7 / 1 1 / 2 0 0 92 8 / 1 1 / 2 0 0 92 8 / 1 1 / 2 0 0 92 9 / 1 1 / 2 0 0 90 2 / 1 2 / 2 0 0 90 9 / 1 2 / 2 0 0 91 1 / 1 2 / 2 0 0 91 2 / 1 2 / 2 0 0 91 9 / 1 2 / 2 0 0 92 2 / 1 2 / 2 0 0 9Miles From India – hommage à Miles Davis – (Inde) – fusion musique c<strong>la</strong>ssiqueindienne et jazz américain - Cité de La MusiqueAbd Al Malik – (France) – Hip hop - Cité de La MusiqueChérif Mbaw – (Sénégal) - Mba<strong>la</strong>x - Musée du Quai BranlyConcha Buika & Chucho Valdés – (Espagne/Cuba) - Salle PleyelBerlin est de nouveau Berlin – avec Joachim Kühn / Michael Wollny 17 Hippies(Allemagne) - Théâtre de <strong>la</strong> VilleJayanthi Kumaresh – (Inde du Sud) - veena sarasvati - Théâtre des AbbessesEnsemble Amare Save – (vil<strong>la</strong>ge Nyirmihalydi, région de Szabolcs-Szatmar-Bereg, Hongrie) – Répertoire tsigane - Cité de La MusiqueSzaszcavas Band – (vil<strong>la</strong>ge de Csavas, région de Transylvanie centrale, Roumanie)– Répertoire tsigane - Cité de La MusiqueEnsemble Pipás – (vil<strong>la</strong>ge Fehérgyarmat, région de Szabolcs-Szatmár-Bereg,Hongrie) – Répertoire tsigane - Cité de La MusiqueEnsemble Sentimento Gipsy Paganini – (Budapest, Hongrie) – Répertoiretsigane - Cité de La MusiqueRenata Rosa et les Polyphonies Indiennes Kariri-Xoco – (Brésil) -Cité de La MusiqueIz<strong>la</strong>n chants, poésies et danses berbères. L’At<strong>la</strong>s et le désert marocain– Cycle Maroc - Musée du Quai BranlyUlzhan Baibussynova, Ardak Issataeva – (Kazakhstan) – Chant, dombra -Cité de La MusiqueEnsemble Tengir-Too – (Kirghizstan) – Musique des Steppes -Cité de La MusiqueForum Musiques des nomades et des sédentaires en Asie centrale– Conférences - Cité de La MusiqueFarhad Dav<strong>la</strong>tov, Mahmudjon Tojibaev, Nodira Pirmatova – (Ouzbékistan) –Chant, târ, dôtar - Cité de La MusiqueLa route de l’Orient au temps de Francisco Javier – (Espagne, Japon, Inde) –viole de gambe, shinobue, nokan, biwa, sarod, tab<strong>la</strong>s, chant, shakuhachi -Cité de La MusiqueEn Chordais – (Grèce) concert enregistré par France Musique pour l’émissionCouleurs du Monde - Théâtre de <strong>la</strong> VilleAnouar Brahem – (Tunisie) - Salle PleyelTeruhisa Fukuda (shakuhachi), Shihô Kineya (shamisen), Kyoko Tashiro (koto)– Musiques du Japon - Auditorium du Musée GuimetPandit Shivkumar Sharma et Ustad Zakir Hussain P (Inde du Nord) – Santur ettab<strong>la</strong>s - Auditorium du Musée GuimetKouyaté & Neerman (Mali/Grande-Bretagne) – Jazz Afro-Beat -Musée du Quai BranlyTomatito Sextet – (Espagne) F<strong>la</strong>menco - Salle Pleyel


Télérama Dub Festival24, 27 et 28 novembreG<strong>la</strong>zart, Elysée Montmartre,Trabendo à Paris(75)Après <strong>la</strong> disparition deManutension, membrefondateur d’ImprovisatorsDub, <strong>la</strong> famille dub est endeuil… C’est donc en sonhommage que débute lefestival (24, G<strong>la</strong>zart).Des featurings détonantssont à déguster les jourssuivants : le pilier de<strong>la</strong> scène ang<strong>la</strong>ise MadProfessor accompagnépar The Robotiks p<strong>la</strong>neen accord avec le chanteurreggae Earl 16 et <strong>la</strong> formationcuivres Faya Horns.Puis, le Parisien Moleculese frotte aux accents triphopde Martina TopleyBird (27, Elysée Montmartre).Le lendemain, nemanquez pas <strong>la</strong> réunionfamiliale entre le batteur/chanteur Blood Shanti &the Shanti-ites, et le livedub mix de son frère AbaShanti-i (Trabendo). Ruba-dubstyle !www.dubfestival.telerama.frTransmusicales2 au 5 décembreRennes (35)Voilà une programmationqui promet de nousréchauffer les oreilles !Le 4, retrouvez MajorLazer, personnage fictifderrière lequel se cache leduo de producteurs Diploet Switch. Le lendemain,ne ratez pas le retour dusongwriter folk Rodriguez,ou encore le trio The VeryBest qui nous fait goûtersa musique éclectique,entre France, Suède etMa<strong>la</strong>wi !A peine le temps dereprendre votre souffle, queles Blk Jks, en provenanced’Afrique du Sud, nousstimulent de leur rock teintéde ska et reggae. Puis leduo Fauna, accompagnédu trio Tremor, défendson « Tropitronica », entreélectro et sonorités <strong>la</strong>tinoaméricaines.Et ceci n’estqu’un échantillon de ce quinous attend…www.lestrans.comVibrations Caraïbes4 au 13 décembreMaison des Cultures duMonde et Alliance Française(Paris 6 ème )Pour sa quatrième édition,Vibrations Caraïbes célèbrel’archipel comme passerelleentre Afrique et Amériques,et invite des artistes detous horizons et de toutesdisciplines – musiciens,artistes visuels, sociologueset écrivains, dont JMG LeClézio. La programmationmusicale s’ouvre avec unesoirée Gwo Ka-Gnawa Jazzqui réunit le pianiste newyorkaisRandy Weston, lesaxophoniste guadeloupéenJacques Schwarz-Bartet le batteur algérien KarimZiad. Elle se poursuit parune série de concertsau cours desquels sesuccèdent le Soul Makossadu Camerounais ManuDibango, le reggae-folk duMartiniquais Kali et le popfolkcréole de son compatrioteVictor O. De bellescol<strong>la</strong>borations « africaméricaines» en perspective.www.vibrationscaraibes.comRachid TahaKhaled© D.R.l 10 novembreà l’Olympia - Paris17 - Montgeron4 décembre- Annemasse© B.M.l 6 et 7 novembreau Batac<strong>la</strong>n - ParisIbrahim Maalouf© Gaston Bergeretl 6 novembre - Brest7 - Penmarc’h13 - Limoges21 - Evry25 et 26 au New Morning - Pariset le 27 - ToulonAgendawww.mondomix.com/fr/agenda.phpLe nouvel agenda complet des concerts, sorties, festivals, expo...est sur www.mondomix.com/fr/agenda.php !Pour aller écouter l’air du temps en septembre et octobre partouten France et au-delà, <strong>la</strong>issez-vous guider par <strong>la</strong> sélectiondes événements « <strong>Mondomix</strong> aime ».n°37 nov/dec 2009n°36 sept/oct 2009


ABONNEZ-VOUS ÀMONDOMIXET RECEVEZ LE DERNIER ALBUMDE rachid taha "bonjour"(barc<strong>la</strong>y / UNIVERSAL )dans <strong>la</strong> limite des stocks disponiblesOui, je souhaite m’abonner à<strong>Mondomix</strong> pour 1 an (soit 6 numéros)au tarif de 29 euros TTC.(envoi en France métropolitaine)NomPrénomAgeAdresseVilleCode PostalPayse-mailOù avez-vous trouvé <strong>Mondomix</strong> ?libertéégalitétzigane© Marina ObradovicRenvoyez-nous votre coupon rempliaccompagné d’un chèque de 29 eurosà l’ordre de <strong>Mondomix</strong> Média à l’adresse :<strong>Mondomix</strong> Média -144 - 146, rue des Poissonniers 75018 ParisTél : 01 56 03 90 85abonnement@mondomix.comHors France métropolitaine : 34 eurosnous consulter pour tout règlement par virement> Prochaine parutionLe n°38 (jan/fev 2010) de <strong>Mondomix</strong> sera disponible fin decembre.Retrouvez <strong>la</strong> liste complète de nos lieux de diffusion surwww.mondomix.com/papier<strong>Mondomix</strong> remercie le Ministère de <strong>la</strong> Culture pour son soutien et tous les lieux qui accueillent lemagazine dans leurs murs, les FNAC, les magasins Harmonia Mundi, les espaces culturels Leclerc,le réseau Cultura, l’Autre Distribution, Staf Corso ainsi que tous nos partenaires pour leur ouvertured’esprit et leur participation active à <strong>la</strong> diffusion des musiques du monde.MONDOMIX - Rédaction144 - 146 rue des poissonniers – 75018 Paristél. 01 56 03 90 89 fax 01 56 03 90 84redaction@mondomix.comEdité par <strong>Mondomix</strong> Media S.A.SDirecteur de <strong>la</strong> publicationMarc Benaïche marc@mondomix.comRédacteur en chefBenjamin MiNiMuM benjamin@mondomix.comRédacteur en chef webJean-Sébastien Josset jean-sebastien.josset@mondomix.netConseiller éditorialPhilippe Krümm philippe@mondomix.comSecrétaire de rédactionAnne-Laure LemancelDirection artistiqueStephane Ritzenthaler stephane@mondomix.comCouverture / PhotomontageStephane Ritzenthaler stephane@mondomix.comResponsable marketing / partenariatsLaurence Gilles<strong>la</strong>urence@mondomix.comtél. 01 56 03 90 86Partenariats / Re<strong>la</strong>tions aux publicsYasmina Bartova Zouaoui yasmina@mondomix.comtél. 01 56 03 90 86MONDOMIX RegieChefs de publicitéAntoine GirardMathieu Prouxtél. 01 56 03 90 88Ont col<strong>la</strong>boré à ce numéro :Julien Abadie, Nadia Aci, Perrine Beaufils, François Bensignor, Jihane Bensouda,Jean Berry, Bertrand Bouard, Jean-Pierre Bruneau, Arnaud Cabanne, Laurent Cata<strong>la</strong>,Ég<strong>la</strong>ntine Chabasseur, Franck Cochon, Pierre Cuny, Isadora Dartial, Catherine Humblot,Patrick Labesse, Anne-Laure Lemancel, Tony O. Jérôme Pichon, Camille Rigo<strong>la</strong>ge,Yannis Ruel, Squaaly, Florence Thireau.antoine@mondomix.commathieu@mondomix.comTirage 100 000 exemp<strong>la</strong>iresImpression Rotimpres, EspagneDépôt légal - à parutionN° d’ISSN 1772-8916Copyright <strong>Mondomix</strong> Média 2009- Gratuit -RéalisationLe Studio <strong>Mondomix</strong> info@studio-mondomix.comtél. 01 56 03 90 87Toute reproduction, représentation, traduction ou adaptation,intégrale ou partielle, quel qu’en soit le procédé, lesupport ou le média, est strictement interdite sans l’autorisationde <strong>la</strong> société <strong>Mondomix</strong> Média.<strong>Mondomix</strong> est imprimésur papier recyclé.

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