54<strong>Mondomix</strong>.comBarbara Luna"Ruta Tres"(Alvaro Lemos)A l’image de la route à laquelle ilemprunte son nom et des sentiersqu’elle coupe, le nouvel albumde Barbara Luna (son 4ème)traverse les nombreux paysagesmusicaux argentins (candombé,tango, murga) ou non (salsa,boléro, jazz…). En effet, c’est surcette Ruta 3 qui démarre dansla capitale Buenos Aires pour seperdre 3000km plus au sud, quela lumineuse et souriante BarbaraLuna a choisi d’avancer, le cœuren oriflamme. Inspiré autant par lesfièvres urbaines que par le calmedes espaces aux horizons infinis,par les tensions du barrio que lesfrissons du vent sur la plaine, cetalbum enregistré avec quelquesinvités (Raul Paz…) est uneinvitation à découvrir l’Argentineavec comme guide ce « roadmusic» sensible et passionnant.SQ’Carnaval brésilien1930-1956(Frémeaux & Associés)Ce double album du labelFrémeaux & Associés se penchesur les sambas, marchinhas,frevos et autres musiques qui ontrythmé les carnavals brésiliens de1930 à 1956. Autant le dire toutde suite, les enregistrements étantd’époque, le son n’est pas toujoursparfait (surtout sur le premierdisque). Cela n’enlève pourtantrien à la force des compositionsqui se trouvent réunies sur cetteanthologie. Dans cette assembléede légendes brésiliennes, lessambas d’Orlando Silva côtoientcelles composées par Jamelãopour la fameuse école Mangueiraou les chansons de CarlosGalhardo. Les interprètes fémininesne sont pas oubliées avecMarlene, Carmélia Alves, EmilinhaBorba… Une très belle plongéedans le passé d’une musiqueindémodable. A.C.Bitty McLean« Movin’On »(TAXI/Jamaica Distribution)A priori, le casting a de quoiséduire : une des voix les plusprometteuse de la jeunesseanglaise associée aux « jumeauxrythmiques » les plus parés deJamaïque, Sly et Robbie (collèguesde jeu de Grace Jones, Tosh,Shakira, Black Uhuru, …).Tous trois ont prouvé que leurassociation en live dépotesacrément, en traversant les styles(lover, rocker, ska ou même ragga).Et pourtant, le résultat sur galettesonne froid et sent terriblement leXXIe siècle. Seule la reprise d’OtisRedding (Try a Little Tenderness)et quelques bons mix dubsnous ramènent à la chaleur desseventies…Elodie MaillotCaetano Veloso"Zii & Zie"(Emarcy / Universal Jazz )Caetano Veloso nous revient avectreize chansons environnées parune pop minimaliste, presquedésossée et paradoxalementchatoyante. La voix del'icône musicale brésilienne atoujours cette fraîcheur juvénileconfondante. A 66 ans, il peutpartir dans des registres aigusenchanteurs et chante avecdouceur et limpidité. Guitaristeau toucher des plus fins, il estcomme un poisson dans l'eau ausein de son groupe constitué dePedro Sá, Ricardo Dias Gomes(respectivement guitariste etbassiste) et du batteur MarceloCallado, amis de son fils Moreno,lequel a travaillé à la production.Fait marquant, Caetano a décidéd'associer son public et lesinternautes au choix des versionsretenues pour l'album. Leschansons, structurées concertaprès concert ont été mises enligne sur le blog obraemprogresso.com.br ainsi que sur You Tube.Toutes les ébauches ont étédivulguées, Caetano les acommentées, et un vote a étéorganisé. Comme souvent dansses albums, Veloso nous faitpartager ses coups de cœuresthétiques. Dans cet album,il rend hommage à la sambisteClementina de Jesus à traversdeux reprises de chansons d'unLP de 1976: Incompatibilidade deGênios et la très belle Ingenuidade,composée par Serafim Adriano DaSilva. Ses propres compositionsparlent de rencontres (Menina daRia, bien partie pour faire un hit,relate, épisode furtif et sensuel, lessentiments conjugués pour unefemme noire venue lui demanderd'être pris en photo ensemble,lors d'une visite à Aveiro auPortugal). Elles évoquent aussides lieux qui lui sont chers (Lapa,un des quartiers du centre de Riole plus animé le week-end, avecson dédale de bars et de petitessalles de concerts: « Lapa, minhainspiração », « Lapa, choro erock'n'roll »). Et puis, elles se fontpolitiques et pamphlétaires: Basede Guantánamo (« Le fait que lesaméricains violent les Droits del'Homme sur le sol cubain est bientrop fort symboliquement pourque je ne me manifeste pas ») etDiferentemente qui clôt brillammentl'opus: (« Et contrairement àOsama et Condoleezza, je ne croispas en Dieu »).Zii & Zie (« Oncles et tantes »,en italien) laisse présager que lechanteur bahianais, parolier etmélodiste de génie, ne baisserapas les armes de si tôt. P.C.K’Naan"Troubadour"(OctoScope Music)Avec ce nouvel album, le rappeurd’origine somalienne K’Naanse lance dans une traversée del’Atlantique, mais nous laisse unpeu perdus au milieu de l’océan.On balancerait bien quelquescaisses à la flotte avec, entreautres, les tubes formatés d’AdamLevine (chanteur de Maroon 5)et de Kirk Hammett (guitaristede Metallica). Heureusement, lestitres ne ressemblent pas tous àde grosses machines prêtes àécumer les radios. Damian Marley,Mos Def, Chali2na relèvent un peule niveau. Ce résultat, qui sembleabandonner le « philosophe auxpieds poussiéreux » un peu loinde chez lui, est d’autant plusdommageable qu’une bonnemoitié de l’album laisse entrevoirune identité bien plus intéressante.Après son rafraîchissant premieropus, on attendait mieux… A.C.Avishaï Cohen"Aurora"(Blue Note/EMI)Vous connaissiez Avishaï Cohencontrebassiste et pianiste ?Sur ce bel album, signé chezle prestigieux label Blue Note,l’un des fleurons du jazz actuelplace sa voix au centre d’unitinéraire qui emprunte le retouraux sources de son pays,l’Israël. En hébreu, ladino ouanglais, son chant pudique,doté d’une instrumentationinattendue (oud, percussions,contrebasse, chœurs, piano) etépaulé de l’art des Belmondo(guests), construit un territoireaux confins du swing et de laMéditerranée. Exit les tensionsjazzistiques : irisé d’épicesorientales et flamencos, Auroras’écoute comme un éveil dessens, un matin apaisé auxharmonies délicates, un tempointerne alangui et fluctuant quirayonne vers d’autres sphères.Une divagation généreuse etenvoûtante. AllSoname"Plateau"(World Village/Harmonia Mundi)Soname, dont le nom signifie« bonne fortune » en Tibétain,est née il y a 35 ans au Tibet.Installée en Angleterre depuispratiquement une décennie, ellesigne un deuxième album qui,sans perdre la force tranquilledes chants de son pays natal,s’inscrit dans une démarched’ouverture aux confins d’uneesthétique pop. Enregistréeentre Calcutta et Londres etréalisée par le producteur DavidM. Allen (The Cure, Sisters ofMercy, Depeche Mode…), cettedouzaine de plages cultive unesorte d’équilibre, de juste milieuentre deux mondes. Servie parun riche instrumentarium (tabla,harpe celtique, sarangi, viole…),la voix de cette femme au visagedoux en guise de fléau ne basculejamais dans la faute de goût.C’est probablement cela sa bonnefortune ! SQ'Téléchargersur mp3.mondomix.com24766n°34 mai/juin 2009
ASIE55Gamelanof Central Java"X. Sindhen Trio""XI. Music of Remembrance"(Yantra Productions/Orkhestra International)Tel un bouddha reposantsereinement sous une cloche enpierre du Temple de Borobudur,on prend la route du nirvana àl’écoute du sublime gamelan.Emblème musical et rythmiquede l’île de Java, le gamelan estun orchestre de percussionsmétalliques (gongs, cymbales,xylophones…) auxquelles s’ajoutent d’autres instrumentsà cordes et/ou à vents, selon les régions. Ici, autour durebab à cordes frottées, se posent des chœurs masculinset féminins harmonieux et puissants. Dans Sindhen Trio,le volume 10 de la collection consacrée à cette traditionpar le label Yantra, les voix séduisantes de Sri Suparsih,Rini Rahayu et Yayuk Sri Rahayu envoûtent, grâce à leurschants en Javanais, colorés d’imperceptibles influencesoccidentales. Les interprétations des pesindhen (soliféminins), doués d’une grande liberté d’improvisation,bercent non seulement les oreilles mais aussi les esprits, enparticulier dans le Gendhing Budheng-Budheng. Derrièredes règles rythmiques cadrées par des gendhings (élémentde composition de la musique) sur lesquels sont chantésdes sindhenan (poèmes), se cache une réelle intimité desmusiciens avec leurs instruments. A travers leurs sons, sedégage une atmosphère onirique et délicate.A Java, une croyance affirme qu’une musique douloureuseet triste en hommage aux défunts ne ferait que réveiller lesesprits malveillants-jeteurs-de-mauvais-sorts. D’où l’humblerépertoire du volume 11, Music of Remembrance, danslequel les chants font vibrer des notes sereines et optimistes.L’orchestre de cet album se compose de quatre musiciensdont la force réside dans le son fluide et langoureux,particulièrement dans le Ketawang Ghending Tlutur.Dommage que les livrets des albums, complets et signés pardes musicologues, ne soient pas franchement accessiblesà ceux pour qui le jargon musical du gamelan reste… duJavanais ! G.W.LaosMolams & Mokhènes"Chants et orgue à bouche"(Inédit Maison des Cultures du Monde)Dans les vallées énigmatiques duLaos, une femme aurait inventéle khène pour imiter le chant desoiseaux… Révélé à travers cetalbum, l’orgue à bouche laotien estle point commun des 68 ethnieséparpillées du nord au sud du pays.Parfois doux, parfois trompetant,cet instrument en bambou disposed’un large éventail de mélodieset de rythmes que le mokhènejoue en soufflant et en aspirant,tel un harmonica, et se pratiqueà la moindre occasion festive ouspirituelle. Molams & Mokhènes estune collection de titres choisis oùles chants improvisés et poétiques(lams) de talentueux chanteurs(molams) voguent sur les sonsfluides et charmeurs du khène.Une mise en abyme de voix et desons envoûtants auxquels nosoreilles ne sont encore que troppeu habituées. G.W.Téléchargersur mp3.mondomix.com248042009 MAi/juin n°34