26 <strong>Mondomix</strong>.comdossier reggaereportageGOOD MORNINGJAMAICAJAMAÏQUEDe gauche à droite : Chezidek, un jeune rasta et Omar (manager de Romain Virgo)Carnet de routejamaïcainTexte Sacha Grondeau / Reggae.frPhotographies S.G.Kingston, Jamaïque,décembre 2008.Après 15h d’avion,il fait bon retrouver un airchaud et lourd, exact contrairedes grands froids laissésderrière nous à Paris !Dans la patrie du reggae,la température accueillele visiteur avec bienveillance.Nous voici donc fin prêtspour user les « dancefloors »jamaïcains et découvrir lesderniers hits à ramener dansnos valises.BUJU BANTON, TARRUS RILEY, CHEZIDEKLe programme est chargé, car Kingston grouille de soirées reggaeet de festivals où les stars, bien trop rares en Europe, enchaînentdes prestations de tout premier rang. L’événement du momentc’est le concert du Buju Banton que l’on n’avait pas vu depuislongtemps sur scène, y compris dans son île. L’artiste, qui amarqué l’histoire du reggae avec son album Till Shiloh, a pris leprétexte de sa venue au festival « Reggaelution » pour annoncer lasortie de son prochain opus Rasta Got Soul. Ce soir-là, il proposeune électrisante prestation scénique, qui enflamme le publicchaud-bouillant de New Kingston venu acclamer l’auteur d’UntoldStory. La foule est en délire. Il faut dire qu’il vient de succéder àl’artiste new roots (nom donné aux chanteurs de la nouvelle scènereggae) du moment, Tarrus Riley. Fils du vétéran Jimmy Riley quia séduit les fans de reggae de la fin des années 1970, Tarrus aconquis le monde en quelques morceaux dont le plus connu est lelangoureux She’s Royal. Accompagné de Dean Fraser, le mythiquesaxophoniste rasta, véritable chef d’orchestre du groupe, le jeunechanteur fait se pâmer les jamaïcaines des premiers rangs quiconnaissent par cœur toutes ses paroles.Pour se remettre de ces émotions, rien ne vaut un détour par lescollines d’Ocho Rios où nous avons rendez-vous avec Chezidek,l’un des leaders de la nouvelle scène reggae jamaïcaine. EnEurope ce sont ses deux hits Call Pon Dem et Inna di Road quiont su convaincre ; en Jamaïque c’est plutôt Leave the Trees quia remporté les suffrages du public exigeant de l’île. Porté par lavoix aiguë du chanteur, ce véritable hymne écologique a interpelléla population et connu un beau succès. C’est au bord de larivière où il a composé de nombreux titres, que Chezideknous confie sa gratitude envers le public européen qui, s’iln’est pas rasta, a su apprendre et comprendre le sens deses chansons. « En Jamaïque, c’est plus dur, nous expliquel’artiste. Ici le dancehall est roi et les jeunes n’écoutent pas enpriorité de roots ». Ils lui préfèrent son lointain descendant plussaccadé, destiné aux boîtes de nuit. Les mots de Chezidek nesont pas empreints de regret ou de nostalgie : ils sont justelucides.DANCEHALL ET VIOLENCE.Les Européens de passage sont toujours surpris de voir laJamaïque d’aujourd’hui délaisser bon nombre de ses légendesmusicales et la nouvelle génération d’artistes roots pour luipréférer la culture bling-bling du dancehall, dont les deux fers delance actuels sont Mavado et Vybz Kartel. Ces deux-là passentune grande partie de leurs chansons à se défier et s’insulter et,s’ils restent conformes à la tradition du clash né en Jamaïque, ilsne donnent pas un très bon exemple à la jeunesse jamaïcaine.n°34 mai/juin 2009
<strong>Mondomix</strong>.com 27Toutes les semaines, les journaux de l’île s’interrogentsur l’influence des paroles violentes crachées lors desconcerts et désormais censurées à la radio. Mavado etVybz Kartel leur répondent qu’ils ne parlent que de la réalité desghettos où tous les jours cinq personnes meurent par balle. Leconstat est terrible et la réalité des artistes jamaïcains bien loin duponcif du chanteur rasta baba cool défoncé toute la journée.EN STUDIO AVEC ANTHONY BDe retour à Kingston, nous avons rendez-vous avec Anthony Bpour discuter de son album Life over Death. La Jamaïque estun pays paradoxal et Anthony B en est un digne représentant.Pendant longtemps, il a abandonné les lyrics violents adressésaux colons et à leurs leaders (la reine Elizabeth et le pape),préférant dénoncer les abus de la corruption et de la police.Il consacrait son énergie à éduquer son peuple, conjurait lesenfants des ghettos à aller coûte que coûte à l’école… Depuispeu, il est revenu à des thèmes plus proches du gangsta rap quedu slogan « One Love ». Il justifie cela par son inspiration et citeen exemple Bob Marley qui n’a pas hésité à interpréter I Shotthe Sheriff en son temps. L’icône absolue du reggae a pendantlongtemps chanté les histoires des rude boys, les jeunes voyousdes années 1960 vivant dans les mêmes ghettos qui gangrènentKingston aujourd’hui.Anthony B au studio AnchorHeureusement, en Jamaïque, tout finit toujours en chanson, etalors que la nuit tombe sur la capitale du pays, Anthony B nouspropose de le suivre en session studio où il doit enregistrer unnouveau morceau. Direction le studio Anchor, où l’on croise entreautres Sly & Robbie, Bunny Ruggs – légendaire chanteur desThird World – et une jeune inconnue venue au culot demanderà Anthony B son avis sur un de ses titres. Séduit par le couragede la jeune femme, le chanteur jamaïcain l’écoute patiemment,lui donne deux conseils avant de lui proposer de revenir dans unmois. Si elle s’est améliorée, il posera un duo avec elle. C’est celaaussi la Jamaïque, crise mondiale ou pas… : le reggaepasse de génération en génération et s’adapte à tous. Lefil conducteur de ce pays si accueillant !EN CONCERTCHEZIDEKLe 31 Mai au Garance Reggae Festival àl’Elysee Montmartre, ParisBOB ANDY, KEN BOOTHE ...Le 05 Juin à Mizik Factory, Grande Halle de la Villette, ParisDON CARLOS ...Le 06 Juin à Mizik Factory, Grande Halle de la Villette, Paris2009 MAi/juin n°34