Réflexions sur les prix Nobel de physiologie ou médecine *

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Il y a là, pour les Européens, un sujet de réflexion sur lequel nousreviendrons plus loin.L'Australie, en grande partie désertique et sujette périodiquement à deterribles sécheresses, par conséquent à de graves crises économiques, a réussià obtenir 3 lauréats. L'Afrique en a obtenu 1 pour l'Union sud-africaine ;l'Amérique du Sud 1 également pour l'Argentine.L'Asie, qui est de beaucoup le continent le plus peuplé, mais aussi le pluspauvre, a été totalement absente de la compétition.Quels furent les sept lauréats françaisdu prix Nobel de médecine ?Le premier fut Alphonse Laveran qui reçut son prix « en reconnaissancede ses travaux sur le rôle joué par les protozoaires dans certaines maladieshumaines ». Ce bref exposé des motifs demande à être un peu développé.Médecin militaire en Algérie, il découvrit en 1880 l'hématozoaire dupaludisme au laboratoire de l'hôpital de Constantine, avec un microscopequ'aucun élève du cours de microbiologie de l'Institut Pasteur ne consentiraitaujourd'hui à utiliser.Rentré en France comme professeur agrégé au Val-de-Grâce, puis atteintpar l'âge de la retraite, il accepte l'offre du Dr Roux de diriger, à l'InstitutPasteur, un centre de recherches et d'enseignement de protistologie créépour lui. Il consacre une partie importante de l'argent de son prix àl'équipement matériel des trois étages du pavillon donnant sur la rue Falguièreet auquel on a donné son nom après sa mort.Laveran entreprit de nouvelles et méticuleuses recherches. Son centre,animé par lui-même et ses collaborateurs, Félix Mesnil, Emile Marchouxpuis Emile Roubaud et, après eux, André Lwoff et Marguerite Lwoff,Robert Deschiens, Jacques Colas-Belcour et Louis Lamy, et de nombreux« coloniaux » pendant les longs mois de leurs congés, devint surtout une trèsactive école où vinrent se former de nombreux médecins militaires et civilsdésireux d'entreprendre des recherches dans les hôpitaux et les laboratoiresd'Outre-Mer. Tous y rendirent d'immenses services dans la lutte contre lesmaladies tropicales de l'homme et des animaux : trypanosomiases, leishmanioses,piroplasmoses, pian, mycoses, schistosomoses, ainsi que sur lesarthropodes vecteurs d'infections diverses.Enfin, Laveran et ses collaborateurs créèrent en 1908 la Société depathologie exotique, qui est toujours bien vivante.Le Pavillon Laveran, sérieusement menacé, est maintenant sauvé.Ensuite, vint le tour d'Alexis Carrel. Resté Français bien qu'il eut choiside travailler une grande partie de sa vie aux Etats-Unis, il reçut le prix Nobelde médecine pour ses beaux travaux sur « la suture vasculaire et lestransplantations d'organes ». Il perfectionna aussi les techniques de culturede tissus et de cellules. Ces dernières méthodes ouvrirent plus tard la voieà de nombreuses recherches sur le cancer et, plus récemment, après lui,90
à la préparation des vaccins préventifs contre certaines maladies virales,comme la poliomyélite. Carrel est surtout connu du grand public par sonlivre : L'Homme, cet inconnu.La découverte de l'anaphylaxie par le grand physiologiste, philosophe etadepte convaincu du spiritisme, Charles Richet, fut récompensée par le prixNobel de 1913. Il fut l'un des inventeurs de la sérothérapie passive.Quinze ans plus tard (les prix Nobel des Français s'espacent !), c'estCharles Nicolle qui obtint le sien en 1928 pour ses recherches sur le typhusexanthématique. Il avait montré expérimentalement que cette redoutablemaladie épidémique était transmise à l'homme par le pou du corps, d'oùil ressortait que la quarantaine et l'épouillage étaient les moyens immédiatementefficaces pour lutter contre les épidémies de typhus. De fait,sur les fronts français et allemand, grâce aux mesures systématiques dequarantaine pour les troupes venant d'Afrique du Nord, d'Orient et d'Extrême-Orient, et malgré la pullulation de la vermine dans les tranchées, il n'y eutpas de typhus.Mais dans les Balkans, lors de la retraite de Serbie en 1915, en Roumanieet en Russie, en raison de la misère des populations aggravée par les défaiteset les révolutions, la maladie prit des proportions désastreuses et prolongées.Qu'on se souvienne de la terreur inspirée par le typhus dans le roman deBoris Pasternak intitulé : Le docteur Jivago.Lénine lui-même, dans son discours du 6 décembre 1919 aux Commissairesdu Peuple, rendit, sans le nommer, un discret hommage à Charles Nicolle :« Camarades, proclame-t-il, voici le troisième fléau qui s'approche, le pou qui,avec le typhus, fauche notre armée. Ici, il est impossible d'imaginer l'horreurqui règne dans les contrées infestées par le typhus exanthématique, quandla population est affaiblie... Camarades, soyez vigilants, les poux vaincrontle communisme ou le communisme triomphera du pou. »Trente-sept ans plus tard (l'intervalle est encore plus long pour lesFrançais), trois de nos compatriotes se partagent le prix Nobel en 1965 :André Lwoff, François Jacob et Jacques Monod, pour leurs « découvertesconcernant le contrôle génétique des enzymes et la synthèse des virus » (3).Ainsi, le pays qui a donné au monde Louis Pasteur et ses brillantscollaborateurs, Claude Bernard et ses élèves, n'a reçu que sept prix Nobelde médecine.Est-ce à dire qu'il n'en méritait pas plus ? Rien n'est plus contraire à lavérité. Chacun de vous pourrait citer trois, quatre, cinq noms de savantsfrançais qui eussent été dignes de figurer sur la liste.Cependant, nous nous garderons pour l'instant d'en nommerun seul.Rendons hommage au Comité Nobel de médecine ; sa tâche n'est pas facileet il l'accomplit certainement en toute conscience.(3) Pour plus de détails sur ces importantes recherches, le lecteur est prié de sereporter à l'article de l'un de nous (P.N.), publié dans le Bulletin de liaison de l'Associationdes anciens élèves et diplômés de l'Institut Pasteur (1965, n° 26, 175-178).91
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