Voyage à Péking à travers la Mongolie en 1820 et ... - Chine ancienne

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Voyage à Pékinaprès mon arrivée à Péking, on exposa, dans une de ces boutiques,le portrait de l’un de nos cosaques. Le peintre, afin de piquerdavantage la curiosité, lui avait donné une taille colossale, desmoustaches excessivement longues et naturellement une poitrineextraordinairement large.Au sud des boutiques de bijouterie, on voir dans la rue (n° 17),qui va de l’est à l’ouest, six théâtres, situés l’un près de l’autre.Depuis midi jusqu’au soir, on y joue presque tous les jours destragédies et des comédies, mêlées de chants p2.175 et de musique.Les rôles de femmes sont remplis par des jeunes gens, qui jouent sibien leurs rôles qu’à moins d’en être prévenu, on les prendrait pourde jeunes filles ; quelques-uns gagnent beaucoup d’argent ensatisfaisant les fantaisies des gens riches.L’entrée aux théâtres ne coûte que 150 copèques en cuivre. Il ya un parterre et des loges ; les spectateurs sont assis sur des bancsde bois et ont devant eux des tables, sur lesquelles les propriétairesdu théâtre font servir gratuitement du thé, qui n’est pas depremière qualité, et placer des bougies pour allumer les pipes 1 .Les règles dramatiques, admises et consacrées en Europe, nesont pas les mêmes à la Chine. On n’y connaît point nos troisunités, ni rien de tout ce que nous observons pour donner de larégularité et de la vraisemblance à l’action théâtrale. Ce n’est pointune action unique qu’on représente dans ces drames, c’est la vietout entière d’un héros ; et cette représentation doit être censéedurer quarante ou cinquante ans. L’unité de lieu n’est pas mieuxobservée. Le spectateur, qui est à la Chine au premier acte, setrouve dans le suivant transporté dans le pays des Mandchoux oudans la Mongolie. L’auteur chinois n’a p2.176 d’autre guide que lanature ; toutes nos règles lui sont inconnues ; peut-être n’a-t-il paslieu de le regretter, puisqu’il garde la principale, celle de plaire, de1 Les réflexions sur le théâtre chinois, qui suivent, sont textuellement extraites del’ouvrage de l’abbé Grosier, intitulé : De la Chine, vol. VI, par. 20-57. Kl.442

Voyage à Pékintoucher, d’exciter à la vertu, et de rendre le vice odieux.Les Chinois ne font aucune distinction de la tragédie et de lacomédie, ils n’ont en conséquence point de règles particulièresappropriées à chacun de ces genres si disparates. Toute piècedramatique se divise en plusieurs parties, que précède une sorte deprologue ou d’introduction. Ces parties, ou ces actes, peuvent êtresubdivisés en scènes, en déterminant celle-ci par l’entrée et lasortie des acteurs. Chaque personnage, lorsqu’il paraît, commencetoujours par se faire connaître aux spectateurs ; il leur apprendquel est son nom et le rôle qu’il va jouer dans la pièce. Le mêmeacteur représente souvent plusieurs rôles dans la même pièce. Tellecomédie, par exemple, sera jouée par cinq acteurs, quoiqu’ellecontinue et fasse successivement paraître dix ou douzepersonnages qui parlent.La figure du comédien, reconnue pour être la même dans deuxacteurs différents, doit détruire un peu l’illusion. Un masquepourrait remédier à cet inconvénient ; mais les masques ne sontd’usage que dans les ballets, et ne se donnent sur la scène qu’auxscélérats, aux chefs de voleurs, aux assassins.Les tragédies chinoises n’ont pas de chœurs p2.177 proprementdits ; mais elles sont entremêlées de plusieurs morceaux de chant.Dans les endroits où l’acteur est censé devoir être agité de quelquepassion vive, il suspend sa déclamation et se met à chanter.Souvent les instruments de musique l’accompagnent ; cesmorceaux de poésie sont destinés à exprimer les grandsmouvements de l’âme, comme ceux qu’inspirent la colère, la joie,l’amour, la douleur. Un personnage chante lorsqu’il est indignécontre un scélérat, lorsqu’il s’anime à la vengeance, ou qu’il est surle point de mourir. Les mêmes absurdités se retrouvent donc danstous les climats.Les comédiens chinois n’ont point de théâtres fixes, exceptédans la capitale et dans quelques grandes villes ; ils sontambulants, courent les provinces et les villes, et vont jouer dans les443

<strong>Voyage</strong> <strong>à</strong> Pékinaprès mon arrivée <strong>à</strong> <strong>Péking</strong>, on exposa, dans une de ces boutiques,le portrait de l’un de nos cosaques. Le peintre, afin de piquerdavantage <strong>la</strong> curiosité, lui avait donné une taille colossale, desmoustaches excessivem<strong>en</strong>t longues <strong>et</strong> naturellem<strong>en</strong>t une poitrineextraordinairem<strong>en</strong>t <strong>la</strong>rge.Au sud des boutiques de bijouterie, on voir dans <strong>la</strong> rue (n° 17),qui va de l’est <strong>à</strong> l’ouest, six théâtres, situés l’un près de l’autre.Depuis midi jusqu’au soir, on y joue presque tous les jours destragédies <strong>et</strong> des comédies, mêlées de chants p2.175 <strong>et</strong> de musique.Les rôles de femmes sont remplis par des jeunes g<strong>en</strong>s, qui jou<strong>en</strong>t sibi<strong>en</strong> leurs rôles qu’<strong>à</strong> moins d’<strong>en</strong> être prév<strong>en</strong>u, on les pr<strong>en</strong>drait pourde jeunes filles ; quelques-uns gagn<strong>en</strong>t beaucoup d’arg<strong>en</strong>t <strong>en</strong>satisfaisant les fantaisies des g<strong>en</strong>s riches.L’<strong>en</strong>trée aux théâtres ne coûte que 150 copèques <strong>en</strong> cuivre. Il ya un parterre <strong>et</strong> des loges ; les spectateurs sont assis sur des bancsde bois <strong>et</strong> ont devant eux des tables, sur lesquelles les propriétairesdu théâtre font servir gratuitem<strong>en</strong>t du thé, qui n’est pas depremière qualité, <strong>et</strong> p<strong>la</strong>cer des bougies pour allumer les pipes 1 .Les règles dramatiques, admises <strong>et</strong> consacrées <strong>en</strong> Europe, nesont pas les mêmes <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong>. On n’y connaît point nos troisunités, ni ri<strong>en</strong> de tout ce que nous observons pour donner de <strong>la</strong>régu<strong>la</strong>rité <strong>et</strong> de <strong>la</strong> vraisemb<strong>la</strong>nce <strong>à</strong> l’action théâtrale. Ce n’est pointune action unique qu’on représ<strong>en</strong>te dans ces drames, c’est <strong>la</strong> vi<strong>et</strong>out <strong>en</strong>tière d’un héros ; <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te représ<strong>en</strong>tation doit être c<strong>en</strong>séedurer quarante ou cinquante ans. L’unité de lieu n’est pas mieuxobservée. Le spectateur, qui est <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> au premier acte, s<strong>et</strong>rouve dans le suivant transporté dans le pays des Mandchoux oudans <strong>la</strong> <strong>Mongolie</strong>. L’auteur chinois n’a p2.176 d’autre guide que <strong>la</strong>nature ; toutes nos règles lui sont inconnues ; peut-être n’a-t-il paslieu de le regr<strong>et</strong>ter, puisqu’il garde <strong>la</strong> principale, celle de p<strong>la</strong>ire, de1 Les réflexions sur le théâtre chinois, qui suiv<strong>en</strong>t, sont textuellem<strong>en</strong>t extraites del’ouvrage de l’abbé Grosier, intitulé : De <strong>la</strong> <strong>Chine</strong>, vol. VI, par. 20-57. Kl.442

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