— 338 —On distingue trois sortes de mise à l'épreuve.A. La mise à l'épreuve avant le jugement, système en usageau tribunal de la municipalité de Boston. La cour ne prononcepas la sentence, mais la diffère durant un certain temps, autrefoisdeux mois, aujourd'hui six mois en général, à la conditionque l'accusé soit confié à un surveillant. A l'expiration de lapériode fixée, l'accusé doit comparaître de nouveau devant letribunal (jour de l'épreuve) ; alors, ou bien l'accusé est définitivementlibéré s'il s'est bien conduit, ou bien il est traduit enjugement s'il n'a pas observé les conditions qui lui étaient fixées,ou bien la mise à l'épreuve est prononcée pour une nouvellepériode.B. Mise à Vépreuve après condamnation avec sursis. Dansce cas, la condamnation est prononcée, mais l'emprisonnementest différé par la cour durant un certain laps de temps, sixmois dans la règle. Le surveillant admet comme garantie quele délinquant mis à l'épreuve se conduira bien. Si ce derniers'acquitte de son engagement durant la période fixée, il estdispensé de comparaître à nouveau devant le tribunal; le surveillanten avise simplement le greffier du tribunal et la causeest classée. Le juge ne revoit pas le délinquant après que celui-cia été mis à l'épreuve, à moins que le surveillant ne lefasse arrêter de nouveau pour dérogation aux conditions imposées; l'ordre de sursis est alors immédiatement révoqué et suivide l'emprisonnement.C. Mise à l'épreuve pour une durée indéterminée. L'accuséayant été reconnu coupable est mis à l'épreuve, aucune condamnationn'étant prononcée, à moins qu'il ne soit déféré denouveau au tribunal pour n'avoir pas observé les conditionsauxquelles était subordonnée sa libération. Dans ce derniercas, le surveillant autorise d'ordinaire une autre personne àarrêter le délinquant et à le traduire devant le tribunal, attenduque cette opération est jugée imcompatible avec les fonctionsdu surveillant, celui-ci étant en quelque sorte un missionnairedu tribunal représentant le département de la grâce. La duréede la mise à l'épreuve n'est pas fixée, mais elle est ordinairementde douze mois pour le délit d'ivrognerie. Elle est— 339 —plus longue pour d'autres délits ou crimes, mais elle dépasserarement trois ans dans la pratique. Ce genre de mise à l'épreuvea été plus spécialement appliqué par le tribunal criminel supérieurde Middlesex, qui y recourt très souvent.Pour stimuler la coopération des surveillants des diverstribunaux du Massachusetts et introduire autant que possiblede l'uniformité dans l'application du système de la mise àl'épreuve,' il a été désigné en 1903 une commission qui présentaitle 30 avril 1904 un rapport proposant diverses mesuresdé réelle valeur pour atteindre les deux buts indiqués et fixantla forme des registres, des rapports et des cartes en usage danschaque tribunal.Tribunal central dé la municipalité de Boston.Ce tribunal dispose de neuf surveillants, dont six hommes(l'un d'eux porte le titre de chef-surveillant) et trois femmes.Ils sont nommés par le chef du Département de Justice etrétribués par le comté de Suffolk, qui comprend la ville deBoston avec sa banlieue ; ces fonctionnaires sont exclusivementau service de la mise à l'épreuve. Les surveillants sont seulschargés de contrôler la conduite des délinquants; les surveillantess'occupent seules des délinquantes.Enquête préliminaire*).De bonne heure le matin (à 6 heures pour les hommes et6 heures et demie pour les femmes), le surveillant arrive auxcellules (tombes), situées au rez-de-chaussée du bâtiment du tribunal,pour procéder à l'interrogatoire des personnes arrêtéesla veille après la clôture de l'audience du tribunal 2 ). J'ai accompagnénon seulement un surveillant, mais aussi une surveil-') L'exposé qui suit ne concerne que les causes qui donnent heu aune arrestation et qui forment la grande majorité.s ) Un fait digne de remarque, c'est que la direction de la prison pourfemmes est confiée à une femme et que le service de garde n'y est faitque par des femmes.
— 340 —lante au cours de leurs visites. Chez plusieurs prisonniers, lesommeil n'avait pas encore dissipé complètement les effets del'intoxication de la veille (c'est surtout l'ivrognerie qui motiveles arrestations), mais on put procéder à l'interrogatoire d'uncertain nombre d'entre eux. Nous passâmes de cellule en cellule;les détenus venaient à la grille en fer et le surveillantles interrogeait sur leurs familles, leurs habitudes, leurs occupations,leurs compagnons, etc., et il leur demandait en outres'ils se reconnaissaient coupables du délit dont ils étaient accusés.Ceux qui sont arrêtés pour cause d'ivresse et ne l'ont pas étédurant les douze derniers mois ou ne l'ont été qu'une seulefois pour le même délit peuvent être libérés d'emblée, si lesurveillant envisage qu'il existe des raisons pour leur accordercette faveur; ils peuvent ainsi retourner à leur travail le matinsans que personne ait connaissance de ce qui s'est passé.On permet alors à ces accusés de sortir de leur cellule et dese placer sur deux rangs et, après une dernière inspection, onles autorise à partir librement.Apres avoir procédé .à l'enquête dans les cellules, le surveillantest appelé à se rendre au domicile des délinquantspour vérifier leurs assertions et se fornîer une opinion sur lanature du milieu où ils vivent, ce qui permet souvent de trancherla question de savoir s'il convient ou non de décider lamise à l'épreuve. Le surveillant recueille aussi chez les voisinsdes renseignements sur le délinquant et sur sa famille.Enfin, avant l'audience du tribunal, le 10 de chaque mois, lesurveillant doit rédiger, en consultant également les dossiersdu bureau des surveillants, un mémoire qu'il présente à lacour à l'ouverture de l'audience et qui relate les délits commisantérieurement par l'accusé, lorsque celui-ci a déjà été misprécédemment à l'épreuve (rapport préliminaire). Si le tempsa manqué au surveillant pour procéder à une enquête approfondie,il requiert un délai dans ce but. Ici, comme danstoutes les autres parties de l'Union, grâce à la facilité descommunications et à la manière expéditive dont l'enquête estconduite, tout est prêt d'ordinaire pour l'audience du tribunal quis'ouvre à l'expiration du délai fixé.— 341 —Procédure en tribunal.Lorsque j'entrai dans la salle du tribunal le 10 du mois,le public occupait à. peu près toutes les places disponibles.Invité à m'asseoir sur le banc à côté du juge, j'avais devantmoi, sur une estrade plus basse, le greffier; au-dessous decelui-ci était la barre, à gauche de laquelle étaient assis des surveillantsen uniforme et quelques témoins; à droite, se trouvaientles individus arrêtés; ils étaient placés derrière une hautecloison qui les dérobait à la vue du public; un peu plus loinse tenaient les délinquants élargis sous caution. Autour d'unetable, dans la partie la plus reculée de la salle, étaient assisplusieurs surveillants. A droite, dans le fond de la salle, il yavait une trentaine de Chinois sous l'inculpation de jeu.Lorsqu'une cause est appelée, l'accusé monte sur une estradederrière la cloison et devient visible pour le juge. L'agent depolice qui a procédé à l'arrestation du délinquant fait alors sadéposition, généralement assez sommaire; celle-ci est complétéepar le rapport plus détaillé du surveillant sur les résultats deson enquête. Le greffier demande ensuite à l'accusé s'il sereconnaît coupable ou non. Dans ce dernier cas, on procèdeà l'audition des témoins et lorsque ces derniers ont fait leurdéposition, l'accusé raconte son histoire. S'il est reconnu coupabledu délit à sa charge, il s'agit alors de décider les mesuresà prendre à son égard et le surveillant expose son opinionsur la question de savoir s'il convient ou non de placer le délinquantsous le régime de la mise à l'épreuve ; il motive sa manièrede voir et, pour un étranger, c'est bien ce qu'il y a deplus intéressant dans la procédure.Une condition indispensable à laquelle est subordonnéel'élargissement du délinquant sous le régime de la mise àl'épreuve, c'est qu'il avoue spontanément sa culpabilité. Durantla procédure à laquelle j'ai assisté, la cour a invariablementadhéré aux propositions du surveillant. Quand la cour aprononcé la mise à l'épreuve, l'accusé en état d'arrestationest immédiatement autorisé à sortir de derrière la cloison etil est reçu par le surveillant, qui remplit pour lui une carteformulairesur laquelle il indique les divers jours où il est