— 310 —détenus. Nous voyons par le rapport daté du 18 décembre1908 du comité départemental chargé de faire une enquêtesur l'œuvre de la «loi sur les ivrognes» en Angleterre, qu eles réformatoires ne furent pas établis d'après un systèmeuniforme et que plusieurs furent montés sur un pied de prodigalitéinutile. Les éléments du travail continu, si nécessairepour reconstituer la fibre morale, et de la discipline indispensablepour apprendre aux ivrognes à obéir et, par conséquent,à se contrôler eux-mêmes faisaient nécessairement défaut. Lesautorités locales se plaignaient de l'insuffisance des subsidesalloués par le Trésor, et quelques-unes, en conséquence, ontretiré leur aide et deux réformatoires se sont fermés. Lorsmême que l'on croit qu'en grand nombre de détenus de cesétablissements placés sous un contrôle privé ou local ont donnéles preuves d'une amélioration sensible après leur libération,plusieurs de ces réformatoires n'ont pu fournir de statistiquesprécises. Ils n'ont pas les facilités qui permettent à un établissementde l'Etat de suivre les détenus dans leur carrière subséquenteet d'obtenir des informations exactes, dans un butde statistique, des sources officielles ou autres. Les donnéesstatistiques qui ont été fournies par certains réformatoirespour ivrognes et asiles privés pour buveurs en Angleterre,paraissent donner à peu près les mêmes résultats que cellesd'Ennis.Au bout de quelques années, on reconnut en Angleterrela nécessité d'approprier certaines portions de prisons à desréformatoires de l'Etat, dans le but d'y appliquer un traitementpénal au cas les plus pénibles, absolument intraitables dans lesréformatoires attestés.Dans son important rapport, le comité départemental, endossantainsi la méthode suivie à Ennis, recommande que letraitement de tous les ivrognes criminels incombe à l'Etat, eten outre que le Trésor alloue des subsides aux associations depatronage approuvées pour détenus libérés, afin de les encouragerà venir en aide aux ivrognes après leur libération. Ilrecommande encore certaines simplifications et améliorations dela loi, qui présente certainement des difficultés aux magistrats,à la police et aux procureurs, mais des difficultés qui n'ont pas— 311 —été trouvées insurmontables en Irlande, où le pays est petit etoù il y a un f° rt pouvoir exécutif central.La question de l'emploi des drogues comme remèdes àl'ivrognerie a été soumise à ce comité départemental, comprenantplusieurs autorités médicales distinguées, et n'a pasobtenu son approbation. L'opinion des médecins, en général^est contre l'efficacité de remèdes pareils. Autant qu'un profanepeut juger un sujet par l'évidence, je suis d'avis que l'on voitsans doute des guérisons se produire à la suite de semblablestraitements et qu'elles sont analogues au phénomène de la«guérison par la foi» ou «Science chrétienne». Il ne faut pasoublier que ceux qui se soumettent à ces cures-là ont foi autraitement et qu'ils ont le désir et, si possible, la résolutionde guérir, tandis qu'on n'en saurait dire autant de la plupartdes ivrognes criminels à leur condamnation. En outre, ce traitement,même s'il est applicable aux ivrognes non criminelsn'étant pas sous la contrainte pénale, serait incompatible avecles longues sentences qui font l'essence du traitement dont nousnous occupons ici pour les ivrognes criminels. Si un régimede drogues devait être appliqué au commencement d'une détentionde deux ans, quelle preuve de son efficacité aurait-on,puisqu'on ne pourrait pas alors le mettre à l'épreuve? Si c'étaità la fin qu'on l'appliquât, quelle raison aurait-on de croire qu'unepersonne n'ayant goûté à .aucune boisson alcoolique pendantdeux ans en eût besoin?Outre la question de régénération subséquente, l'un desprincipaux bienfaits du nouveau système de traiter les ivrognesrécidivistes, c'est l'avantage qui en résulte pour la communautéen général et spécialement pour la famille de l'ivrogne.La communauté bénéficie de l'éloignement d'un mauvais exempleenlevé au public pour une longue période et de la crainteinspirée aux autres ivrognes, crainte jugée excellente puisquela terreur d'une détention prolongée à Ennis est répandue danstoute l'Irlande parmi les ivrognes récidivistes. Voici comments'exprime le gouverneur au sujet de l'avantage qu'en retire lafamille : « L'ivrogne invétéré, loin d'être un soutien pour safamille, dissippe souvent non seulement ses gains, s'il en a,mais encore ceux de sa femme et de ses enfants, et son éloigne-
— 312 —ment est pour les siens un profit bien plutôt qu'une perte. Enfait, la majorité de ces gens-là ne travaillent pas du tout, maisdépensent en boisson tout l'argent qu'ils peuvent se procurer.Pour boire, ils mettent en gage la nourriture, le mobilier, enun mot tout ce dont ils peuvent s'emparer à la maison. Detous les ivrognes condamnés jusqu'ici au réformatoire, je n'enai pas connu un seul dont l'absence ait fait souffrir sa familleen aucune manière. Dans un grand nombre de cas, le contraires'est produit. La famille de l'ivrogne, délivrée de la gêne causéepar son intempérance, s'est élevée à une meilleure position, etlorsque le buveur reste sobre après sa libération, toute la familleparvient à une aisance et à une prospérité qu'elle n'avait jamaisconnues auparavant. »<strong>TROISIÈME</strong> <strong>SECTION</strong>QUATRIÈME QUESTIONL'expérience de plus de dix années faite en certains payspossédantdes établissements spéciaux avec détention de longuedurée (2 ou 3 ans) pour ivrognes criminels, même récidivistes,a-t-elle réussi ou non?Faut-il compléter le traitement spécial pénitentiaire appliquédans ces établissements pour des traitements médicauxspéciaux?RAPPORTPRÉSENTÉ PARM. le D r LEGRAIN,Médecin en chef de l'asile de Ville Evrard,Membre de la Société générale des prisons.I.La rétention des buveurs d'habitude ayant commis quelqueméfait est une sorte de traitement légal mixte de l'ivrogneriedangereuse par l'action combinée de la loi et des agentsmoraux (médecins, missionnaires, religieux ou autres).Elle est un moyen logique et sensé de mettre à profit ceque la science d'observation a péremptoirement démontré, à,