— 451 —HISTOIRE DE M SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DES PRISONSM. J. SPACHDocteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Paris,membre de la Société générale des Prisons.Le 9 septembre 1814, Louis XVIII, ému de l'état déplorabledans lequel se trouvaient la plupart des prisons du royaumeainsi que de la promiscuité des individus, ordonnait la créationd'un établissement destiné à réaliser toutes les améliorationsque l'on estimait alors possibles. Ainsi se trouvait, pour lapremière fois, officiellement affirmé en France ce principe fécondque la prison doit être une école de réformation et non dedépravation et de vice.Quelques années plus tard, en 1819, les Chambres votèrentun fonds de secours pour encourager et aider les départementsà restaurer les prisons.La tâche en reprise était considérable ; car si, d'une part,la réalisation des réformes projetées allait nécessiter des dépensesénormes, il fallait avant tout combattre des préjugésprofondément enracinés, vaincre même des intérêts particuliers,la construction et l'aménagement des prisons relevant nonpas directement du pouvoir central, mais des autorités départementales.Un groupe de philanthropes songea alors à constituer unesociété, dont l'objet serait: «de concourir, avec l'administration« publique, à apporter dans les prisons toutes les améliorations« que réclamaient la religion, la morale, la justice et l'humanité. »Le 14 juin 1819 prenait ainsi naissance la «Société royaledes Prisons», qui est l'aïeule de la «Société générale desPrisons » actuelle de France.Le roi s'inscrivait comme son protecteur et le duc d'Angoulême,son neveu, en était élu le Président.Un conseil général des prisons, composé de 24 membres,choisis par le Ministre de l'Intérieur parmi les sociétaires, devaitêtre chargé d'étudier les projets d'amélioration et de rédigersous son contrôle les règlements concernant le régime intérieurdes prisons. Cette société, purement officielle, puisqu'ellefonctionnait sous la surveillance immédiate du gouvernement,ne tarda pas à exercer autour d'elle une action salutaire.Elle assainit, dans une certaine mesure, l'atmosphère physiqueet morale des prisons et tenta une organisation du patronagedes libérés.Sous son influence, un courant d'idées prit même naissanceen faveur de l'application du système de l'emprisonnementindividuel, mais il n'était pas donné au gouvernement de laRestauration de réaliser la véritable réforme pénitentiaire.Onze ans après la fondation de la «Société royale desPrisons», ce gouvernement sombrait en entraînant celle-ci dansson naufrage. Par la suite, un projet de loi sur les prisons,voté par la Chambre des députés, fut présenté en 1844 devantla Chambre des pairs, mais la révolution de 1848 entraînaitla chute du roi Louis-Philippe avant que ce projet ait puaboutir.Dès lors, ce ne fut qu'en 1875, sur l'initiative de M. lecomte d'Haussonville que la question revint utilement à l'ordredu jour,A cette époque, l'Assemblée Nationale institua une grandecommission pour enquêter sur le régime des établissementspénitentiaires et sur les meilleurs moyens d'améliorer ce régime.D'importantes dépositions furent faites devant elle par lesspécialistes les plus éclairés tant de la France que de tousles pays, et plus particulièrement, nous sommes heureux deno'us rappeler que le D r Wines, le promoteur des Congrèspénitentiaires internationaux, vint tout exprès à Versaillespour y témoigner.Après trois années d'études, la commission fut d'avis qu'ilconvenait, d'une part, d'introduire le régime cellulaire dans lesprisons, d'autre part, de réformer l'ensemble de la législation
— 452 —pénale applicable à l'enfance coupable, ainsi que celle relativeaux colonies correctionnelles. A son président, M. d'Haussonville,elle adjoignit deux autres rapporteurs, M. Bérenger, fils del'ancien pair de France, et M. Voisin, pour soutenir ses conclusionsdevant l'Assemblée Nationale, et le 9 juin 1875, grâceaux efforts énergiques de ceux-ci, l'application du régime cellulairedans les prisons départementales en France était votée.La loi nouvelle consacrait le régime de l'emprisonnementindividuel, mais le limitait à la détention préventive et auxpeines inférieures à un an et un jour, laissant à l'individucondamné à une détention de plus longue durée la facultéd'opter entre la cellule et la prison en commun.Elle déclarait, en outre, qu'aucune reconstruction ou appropriationde prison ne pourrait avoir lieu que suivant le systèmenouveau et répartissait la charge de la dépense entre l'Etatet les départements.Elle créait enfin un Conseil supérieur des prisons et luidonnait pour mission de veiller à l'application de ses dispositions.II.Sitôt après la promulgation de la loi de 1875, malgré lebon vouloir de l'administration, des difficultés devaient prendrenaissance quant à son application.Depuis 1811, en effet, les départements étaient investis dela propriété de leurs prisons; c'était donc d'eux que dépendaitla réalisation effective de la réforme adoptée: en n'acceptantpas de voter les crédits nécessaires, les conseils générauxpouvaient en entraver l'application.De même les pouvoirs qui disposent du budget de l'Etatpouvaient témoigner d'inertie en refusant, contrairement auxvœux du législateur toute subvention à ceux d'entre les départementsqui se montraient décidés à transformer les prisonsexistantes en prisons cellulaires.En fait, dès 1877 et 1878, c'est-à-dire dès le lendemain del'entrée en vigueur de la loi, ses auteurs et ses partisansfurent témoins des efforts que dut faire l'administration pourobtenir de la commission du budget les sommes nécessaires àsa première application.— 453 —C'est alors que, sous l'inspiration de MM. Dufaure etBérenger, quelques hommes généreux s'inspirant de l'exempledonné tout à la fois par l'ancienne « Société royale des Prisons »et par les sociétés étrangères existantes, résolurent de fonderune société nouvelle afin de provoquer en faveur de l'œuvre silaborieusement entreprise un mouvement de Vopinion publique.• «Les Etats-Unis de l'Amérique, l'Angleterre, la Suisse, etd'autres pays, disaient-ils dans le manifeste qu'ils publièrent,ont vu se former dans leur sein de vastes associations pour laréforme pénitentiaire, et c'est grâce à leur persévérante eténergique intervention que l'opinion publique s'est formée peuà peu, qu'elle est devenue favorable et que bien des améliorationsconsidérables ont pu être réalisées. Seule l'association est àmême d'atteindre un pareil but.»Ces mêmes hommes pensaient en outre que, malgré l'existence,à côté du Ministre de l'Intérieur, d'un Conseil supérieurdes prisons, chargé de veiller à l'exécution de la loi, de signalerles progrès qu'il serait désirable de réaliser, une société indépendantepourrait néanmoins constituer un organisme complémentaired'une incontestable utilité.Plus libre que l'administration de se détacher d'un traditionalismeparfois gênant, n'était-il pas possible pour lesmembres d'une pareille association de contribuer avantageusementau progrès des institutions pénitentiaires.La nouvelle société « constituerait un vaste centre d'étudesauquel pourraient recourir tous ceux qui s'intéressent à l'améliorationde notre régime pénitentiaire et qui grouperaient etréuniraient leurs efforts». Faisant appel à tous les concours,tant étrangers que français, car la lutte contre le crime doitêtre internationale, elle cherchait à atteindre le but qu'ellese propose :« 1° En instituant des réunions périodiques où seraient« examinées toutes les questions qui ont trait au régime des« établissements pénitentiaires.« 2° En assurant la publicité la plus large au moyen d'une« revue périodique aux réformes accomplies h l'étranger, aux« travaux, aux observations, aux exemples dont il serait utile« de saisir l'opinion publique.