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la notion d'inadaptation - Les Classiques des sciences sociales

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les publications du C.T.N.E.R.H.I.centre technique nntio~l cïUudWet de recherchesau ies handicaps et les ina27, quai de <strong>la</strong> tournelle 750=%?<strong>la</strong> <strong>notion</strong><strong>d'inadaptation</strong>Evolution dans le cadre <strong>des</strong> prodduresjudiciaires d'A.E.M.0. de 1955 à 1977par Michel GAUDINDoctevmJaencea>rBducmAssismni socialet Louis PERCEROTDoctevmscieneeder-Educateursp4cialis6


INTRODUCTION ........................................................ page 11- METHODOLOGIE1.A . . Hypothèses pré1 iminaires et hypothesesrévisées .................................................. page 31.B .. Conduite <strong>des</strong> travaux ...................................... page 81 . Choix du terrain d'étude .Justifications et limites .............................. page 82 . Recueil et traitements <strong>des</strong> données ..................... page 15a) Nït~re <strong>des</strong> informations recueillies ................. page 16b) Rcpartition dans le temps ........................... page 17c) Nomenc<strong>la</strong>ture . C<strong>la</strong>ssification et codage ............. page 191.C .. Portée et limite de <strong>la</strong> méthode ............................ page 30II- ELEBENTS CONSTITUTIFS DU CONCEPT D'INADAPTATION1I.A .. Pgpglgtlg~-prl~c-~n-~g~ptg1 . Un pourcentage croissant d'étrangers ................. page 322 . Une popu<strong>la</strong>tion ouvrière non qualifiée ................ page 363 . Des familles plus nombreuses que <strong>la</strong>moyenne de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ............................. page 394 . Un taux élevé de noïtalité infantile .............. page 405 . Des famil les qui ont de plus en pl us connu<strong>des</strong> interventions <strong>des</strong> services sociauxavant le signalement ................................. page 426 . Un taux élevé de dissociation familiale .............. page 437 . Synthèse : <strong>la</strong> cible "inadapté" :une popu<strong>la</strong>tion pré-déterminée ? ...................... page 45XI.B.1. . La santé ....................................... .. page 471 . Des significations diverses .................... page 482 . Des usages selon les popu<strong>la</strong>tions.......................................... page 503 . Des préoccupations institutionnelles divergentes ............................. page 52


II.B.2. . La sécurité physique ...................... page 571 . Eléments constitutifs du concept"sécurité physique" .................... page 582 . <strong>Les</strong> popu<strong>la</strong>tions concernées ............. page 603 . Importance de <strong>la</strong> sécurité physiquepour le terrain ........................ page 654 . Un concept peu opérant dansl'institution spécialisée .............. page 67II.B.3. . La moralité ............................... page 731 . <strong>Les</strong> affectations du concept ............ page 742 . Différences par catégorie de popu<strong>la</strong>tion................................... page 763 . Une <strong>notion</strong> au service ducontrôle social ........................ page 794 . Perte de sensibilité de l'institutionau concept de moralité page 82................................................II.B.4. . L'éducation page 861 . Mauvais parents ou mauvais enfants page 882 . Diffusion de <strong>la</strong> <strong>notion</strong> d'obligationéducative ......................... page 913 . Appropriation par les institutionsdu devoir d'éducation spécialisée ...... page 964 . L'éducation : Concept organisateurpour 1 'institution spécialisée ......... page 102.....................1 . Un concept d'apparition récente enprotection de 1 'enfance................ page 1142 . Une idée de plus en plus répandue ...... page 1153 . La sécurité affective mobilisatricedu contexte familial ................... page 1174 . De l'obligation d'éduquer à celled'aimer ................................ page 120II.B.5. . La sécurité affective page 1121 . La période avant 1958 : Des préoccupationsdémographiques ..................................... page 1282 . La période 1960-1962 : La montée <strong>des</strong>difficultés éducatives . Prépondérance<strong>des</strong> données subjectives .................................. page 1343 . La période 1965-1967 : La crise del'autorité paternelle .................................. page 142


4 . La période 1970-1972 : La rupture .Le retour à <strong>des</strong> préoccupiitions plusmatérielles .......S........................................ page 1505 . La période 1975-1977 : Focalisation sur<strong>des</strong> sous-groupes multicat~ncés .......................... page 161UTILISATlON DU CONCEPT D'INADAPTATION : M::SE A JOUR DESS1II.A1II.BI1l.C. . Evolution <strong>des</strong> rdles pamntaux et <strong>des</strong> imagesfamiliales : Un facteur de subjectivitécollective ........................................... page 172. . Le facteur institutionnel : Création d'uneassimi<strong>la</strong>tion spécifique dans le ServiceSocial Spécialish de <strong>la</strong> Sauvegarde del'Enfance de Grenoble .................................. page 1791 . La première periode ................................. page 1802 . A partir <strong>des</strong> années 1970-1972 ....................... page 183.. Le facteur personnel : Sa normalisationprogressive .......................................... page 1871 . Perception de l'inadaptation et sexe dutravailleur social .................................. page 187Au cours de <strong>la</strong> période 15170.1972 .................. page 188. Au cours de <strong>la</strong> période 1975-1977 .................. page 1882 . Perception de 1 'inadaptation et formationinitiale du travailleur social ...................... page 1893 . Perception de l'inadaptation et statutpersonnel du travailleur social ..................... page 192. De 1955 à 1967 .................................... page 192. A partir de 1970 ................. ..... ............ page 1931I.D .. Des mécanismes plus glcbaux ............................ page 1951 . Une évolution de 1 'inadaptation en rapportdirect avec l'évolution sociale ..................... page 1952 . Elévation <strong>des</strong> seuls normatifs ....................... page 1993 . Actualisation de <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>d'inadaptation</strong> ........... page 204CONCLUSION -............................................................... page 207BIBLIOGRAPHIE .......................................................... page 209


I N T R O D U C T I O N


Le concept <strong>d'inadaptation</strong> sociale ancien et nouveau à <strong>la</strong>fois.Ancien parce que, directement lié à l'idée de normes degroupes, au sens le plus vaste du terme, il existe dansles sociétés les plus archaïques comme dans les plusréduites, nouveau parce qu'il a pris, depuis le début duXXème siècle, une signification nouvelle, ou tout aumoins une autre apparence.L'émergence de ce concept apparaft directement liée à <strong>la</strong>mise en p<strong>la</strong>ce de personnels, bénévoles, puis sa<strong>la</strong>riés,<strong>des</strong>tines à intervenir sur certains "individus sociaux",dans le cadre d'une politique ou de politiques d'actionsociale de plus en plus structurées et sophistiquées.La reconnaissance sociale d'un corps professionnel detravailleurs sociaux entraine <strong>la</strong> reconnaissance parallèle<strong>d'inadaptation</strong> sociale, comme potentialité ou commeréalité.Un travail sur <strong>la</strong> genèse du concept <strong>d'inadaptation</strong> socialedans son acception actuel le accorderai t, sans doute,une importance prépondérante aux années 1950 qui ont vu<strong>la</strong> création de mu1 tiples structures de "réadaptation",secteur directement rattaché à <strong>la</strong> reconnaissance et à <strong>la</strong>prise en charge sociale de <strong>la</strong> réalité de l'inadaptation,comme d'ailleurs, le secteur prEventif est lié à <strong>la</strong>reconnaissance de sa potentialité.Appréhender les mécanismes de l'inadaptation sociale peutparaître une gageure à plus d'un titre, ne seralt-ce queparce que, pretendre les connaître, serait prétendreconnaitre l'ensemble <strong>des</strong> mëcanismes sociaux et leurreproduction.La présente recherche, réalisée sous <strong>la</strong> responsabilité duCentre Régional pour l'Enfance et l'Adolescence Inadaptée-Rhône alpes (l), dans le cadre d'une convention d'étudepassée avec le Centre Technique National dlEtu<strong>des</strong> deRecherche sur les Handicaps et les Inadaptations (21, apour objet d'appréhender le concept <strong>d'inadaptation</strong>s socialetel qu'il peut apparaTtre et évoluer à travers lesécrits <strong>des</strong> institutions qui détectent cette inadaptationou qui fa traitent.(1) C.R.E.A.I. Rhône-Alpes.(2) C.T.N.E.R.H.I.


La perspective institutionnel le y est donc trës présente,non seulement parce qu'elle est une preoccupation centrale<strong>des</strong> deux organismes citPs plus haut, mais &galementparce que les auteurs de ce travail sont tous deux travailleurssociaux et que se pose, pour ceux, fe problèmede l'adéquation de leurs actes professionnels et <strong>des</strong>orientations <strong>des</strong> institutions qui les emploient.<strong>Les</strong> recherches actuellement menées, dans le cadre du travailsocial, sont le plus souvent le falt de sociologues,psychologues, économiçtes. .. <strong>Les</strong> plus absents en sontsparadoxalement, les travailleurs sociaux eux-mêmes, cequi a souvent pour coi~sëquence de les faire apparattrecomme de simples vecteurs inconscients de pouvoirs quiles dépassent, et ce qui, bien sûr, n'est pas un élémentfacilitateur pour une plus grande maftrise <strong>des</strong> tenantset aboutissants de 'leur pratique.Cette motivation se doit d'@tre également mentionnee auseui 1 de ce travai 1.


1 - A. HYPOTHESES PRELIMINAIRES ET HYPOTHESES REVISEES


La démarche méthodologique a été construite à partir de3 hypothèses et <strong>des</strong> questions qui, de leur concisioninitiale, ont été affinées voire révisées au cours dutravai i 1 ui -même.Nous présentons, ci-<strong>des</strong>sous, brievement, leur genèse etleur contenu.Notre première hypothèse peut être formulée ainsi :"<strong>Les</strong> critères (1) <strong>d'inadaptation</strong> ne sont pas immuablesmais dëpendent pour une <strong>la</strong>rge part de <strong>la</strong> norme sociale,du tissu social et de leur évolution, ils sont doncégalement ëvolutifs et conditionnës".Cette hypothèse peut paraître relever du lieu commun, ellenous est paradoxalement apparue de façon empirique, à <strong>la</strong>lecture d'anciens documents où étaient décrits, comme cause<strong>d'inadaptation</strong> sociale, <strong>des</strong> éléments qui, aujourd'hui,apparaissent de toute évidence ne pius en constituer.Cette constatation nous a amené à deux questions : commentse définilssent les critères <strong>d'inadaptation</strong>, c'est-à-direquels sont-ils dans les faits : ceci constitue le premierpoint évidemment sous entendu de notre hypothèse.La seule façon de les definir semble être une façon empirique,puisqu'ils appartiennent à une réalité qui n'a pasété codifiés. Il s'agit donc là de rendre patent un discoursqui n'a jamais été c<strong>la</strong>irement explicité.Ces critères définis, il s'agît ensuite de savoir commentet en fonction de quoi ils ëvoluent, c'est le deuxièmevolet de notre hypothèse.Notre deuxième hypothèse est <strong>la</strong> suivante :"L'inadaptation dépend, en outre, de <strong>la</strong> "suàjectivitë" decelui qui <strong>la</strong> perçoit et <strong>la</strong> décrit".(1) Critère doit être entendu ici au sens littéral demarque ou signe, c'est-à-dire élément sinon définidu moins reconnu permettant de juger de l'inadaptation


Il convient ici de s'expliquer sur <strong>la</strong> genèse de cettehypothèse, le sens à donner aux mots. qu'el le contient,et le prédicat qui <strong>la</strong> sous-tend.Lors d'une première recherche, basée sur un échantillonnagerestreint, nous aviors souhaité vérifier une donnéeissue de <strong>la</strong> théorie de <strong>la</strong> communication, à savoir que ceque le travailleur social perçoit est également conditionnépar ce qu'il est, c.est-à-dire, dans une certainemesure, par ses "filtres".Il n'était pas dans notre projet de faire une série d'analysesindividuelles mais de voir si certains de ces filtresévidemment déterminés par nous-même, avaient un rôle dans<strong>la</strong> perception du travailleur social, et quel était ce rôle.Nous avions déterminé une série d'éléments qui nousparaissaient a priori impcirtants, à savoir l'âge, le sexe,<strong>la</strong> formation, le fait d'être marié ou célibataire, etd'avoir ou non <strong>des</strong> enfants.Or, il était c<strong>la</strong>irement apparu que ces éléments avaientun rôle important dans <strong>la</strong> perception du travailleur social(notamment <strong>la</strong> formation).Malheureusement, <strong>la</strong> faible importance de l'échantillonnagene permettait de considérer les résultats que comme indicatifs,du moins quant au contenu du phénomène considéré,son existence, el le, paraissant évidente.Cette hypothése fut, dans un premier temps, centrée surl'"individu travailleur social" seul, mais il est viteapparu que <strong>la</strong> structure dans <strong>la</strong>quelle il travail<strong>la</strong>it pouvaitelle-même constituer un filtre à sa perception.De ce point, nous sommes ensuite passés à l'idée de filtreintéressant l'ensemble de <strong>la</strong> structure, c'est-à-dire à <strong>la</strong><strong>notion</strong> d'"assimi<strong>la</strong>tion sp@cifiquem du système (telle qu'elleest notamment expliquée par Y. BAREL lorsqu'il écrit que"le système fait subir une transformation aux inputs qu'ilreçoit" (l), en analysant cette assimi<strong>la</strong>tion comme lepropre de l'ensemble du système, et non <strong>des</strong> seuls élémentsqui le composent considér6s séparément.(1) Y. BAREL. La Reproduc:ion Sociale.Système viviints. Invariance et changements.Ed. Anthropos. 1973.


Ainsi, le terme de "subjectivité" contenu dans notrehypothèse, et que nous savons impropre, comprend tantl'ensemble <strong>des</strong> filtres propres à l'individu que ceuxintéressant 1 'institution.--Notre troisième hypothèse, en partie, est un résumé etune reformu'<strong>la</strong>tion <strong>des</strong> précédentes :"La popu<strong>la</strong>tion considérée comme socialement inadaptéen'a pas sa dynamique propre, mais évolue en fonction de<strong>la</strong> détection et de l'appréhension de l'inadaptation".Cette hypothèse fait appel à une donnée bien sûr fondamentale,qui est <strong>la</strong> connaissance de cette popu<strong>la</strong>tion etde ses caractéristiques, connaissance qui, pour une grandepart, peut être objective.En fait, cette hypothèse, dont nous aurions peut-être pufaire l'économie, est pour nous un moyen de faire plusc<strong>la</strong>irement apparaître et de confronter les deux élémentsindissociables pour notre propos : le discours et ce qu'i<strong>la</strong> de non objectif et les éléments objectifs concernant lescaractéristiques de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion décrite.Cette hypothèse a donc aussi pour but de déterminer quelleréalité objective le discours sür l'inadaptation recouvre,et de critiquer ce discours.En plus de ces trois hypothèses, nous avions deux questionsà l'esprit au début de ce travail.- La première est de savoir s'il existe <strong>des</strong> données propresaux individus ou aux familles, qui seraient <strong>des</strong>constantes génératrices <strong>d'inadaptation</strong> sociale, indépendantes<strong>des</strong> conceptions et du discours sur l'inadaptation.Cette question peut constituer, en partie, une critiquede nos hypothèses. Elle nous apparaît à <strong>la</strong> fois salubreet indispensable.- La seconde est de savoir s'il existe un processuscohérent d'appréhension de l'inadaptation sociale et detenter d'analyser ce processus.Compte tenu de nos hypothèses de travail, qui relientl'évolution de l'inadaptation sociale à l'évolutionsociale en général, nous avons bien conscience que déter-


miner le processus d'évolution du concept <strong>d'inadaptation</strong>serait en même temps déterminer le processus d'évolutionsociale.Une telle démarche n'est, bien sûr, pas dans notre intention.Il s'agit plutat de savoir, si nos hypothèses se vérifient,à quel point d'évolution sociale rattacher telleou telle évolution de <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>d'inadaptation</strong>, et sices liens sont ponctuels ou en partie gén0ralisables.Par <strong>la</strong> suite, ces hypothèses ont été affinées, et, au furet à mesure de l'évolution du travail, nous les avonsregroupées dans une autre formu<strong>la</strong>tion :l'évolution sociale globale (démographique, économique,symbolique, conceptuelle) détermine l'évolution de l'inadaptationqui se manifeste dans <strong>des</strong> fonctions familialesde plus en plus diversifiées (santé, éducation, affectivité).Cette méme évolution détermine fa popu<strong>la</strong>tion qui seraconsidérée comme inadaptée, en fonction <strong>des</strong> ressourcesmatérielles, culturelles et personnelles dont les famillesdisposent pour intégrer 1'6volution ou l'émergence de cesdifférentes fonctions et y satisfaire.La détection et <strong>la</strong> <strong>des</strong>cription de cette inadaptation passepar un réseau dans lequel le service s&cial a une p<strong>la</strong>cecrois~ante. Ce réseau integre et suit l'évolution globalede façon variable en fonction <strong>des</strong> éléments qui <strong>la</strong>composent et qui peuvent <strong>la</strong> transformer, en même tempsqu'ils l'intègrent, en fonction de leurs caractéristiquespropre.Cette formu<strong>la</strong>tion apparaît mieux à méme de mettre envaleur <strong>la</strong> nature exacte de notre probtèmatique, et expliciterplus c<strong>la</strong>irement <strong>la</strong> réalité que nous souhaitonsappréhender, située au carrefour d'une multitude de facteurs.Appréhender leurôle, <strong>la</strong> focction de ces différents facteursnécessite une mise à p<strong>la</strong>t idéale : les dimensionsindividuelles, institutionnelles, <strong>sociales</strong>, renferment <strong>des</strong>données objectives et <strong>des</strong> données subjectives, et, de plus,ces différentes "dimençions" se recoupent, se chevauchent,sont interdépendantes.


En fonction du systême considéré, nous obtiendronsfatalement <strong>des</strong> niveaux de lecture différents.Cependant, il semble que l'on puisse dégager 4 champsdéterminants :- celui de <strong>la</strong> collectivité,- celui de l'institution,- celui <strong>des</strong> données subjectives,- celui <strong>des</strong> données objectives.Si cette c<strong>la</strong>ssification peut, a priori, paraître arbitraire,elle permet surtout de garder c<strong>la</strong>irement en memoire,au cours de ce travail, les éléments présidant à <strong>la</strong>création et à l'évolution du concept <strong>d'inadaptation</strong>.<strong>la</strong> méthodologie retenue est construite autour de cesdonnées.


1 - B. CONDUITE DES TRAVAUX


Le terrain que nous avons choisi pour <strong>la</strong> vérification denos hypothèses est celui de l'Action Educative en MilieuOuvert Judiciaire dans le département de l'Isère.Ce terrain, qui est cetui de notre pratique professionnelle,pour limité qu',il soit, nous semble particulièrementfiable et présentc!r un grand nombre d'intérêts,outre celui évident de <strong>la</strong> facilité d'accès.Cette fiabilité et ces intérêts tiennent autant à Tanature même de l'Action Educative en Milieu Ouvert judiciairequ'aux caractéristiques locales.Fiabilité et intérêts seront plus apparents lorsque nousaurons brièvement situ@ 1'A.E.M.O. dans ses fondementsjuridiques, dans le coiirant <strong>des</strong> politiques <strong>sociales</strong>, etlorsque nous aurons décrit les particu<strong>la</strong>rités locales.Li A.E .M.O. judiciaire trouve ses origines dans <strong>des</strong> textesdéjà anciens qui sont d'abord l'ordonnance du 2 février 1945re<strong>la</strong>tive i l'enfance delinquante et surtout l'ordonnancedu 23 décembre 1958 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> Protection de l'Enfanceet de l'Adolescence en danger.Cette ordonnance de 1958, qui fut ensuite reprise dans <strong>la</strong>loi du 4 juin 1970 sur l'autorité parentale, est capitalepour notre propos puisque, en quelque sorte, elle codifieles possibilités d'intervention sociale sur les mineurset leur famille en cas <strong>d'inadaptation</strong>, au sens <strong>la</strong>rge duterme, et non plus seulement en cas de délinquance.C'est de cette ordonnaice que découle <strong>la</strong> reconnaissanced'un mandat judiciaire, c'est-à-dire, en fait, d'un mandatsocial, mandat exercé Dar <strong>des</strong> travailleurs sociaux sur lesfamilles jugées deficiitntes.La mise en p<strong>la</strong>ce de ce mandat est donc, dans le même temps,<strong>la</strong> reconnaissance de l'inadaptation comme phénomène socialementreconnu, devant, dans certains cas, entraqner uneintervention.


Il nous semble opportun de rappeler brièvement ici lecontenu <strong>des</strong> textes codifiant les mesures d'assistanceéducatives, tels qu'ils figurent actuellement dans lecode de procédure civile, car l'analyse de ces texteset leur application montrent bien en quoi 1'A.E.M.O.judiciaire est particulièrement fiable pour approcherle concept <strong>d'inadaptation</strong> sociale :Art. 375 :Si <strong>la</strong> santé, <strong>la</strong> sécurité ou <strong>la</strong> moralité d'un mineurnon émancipé sont en danger, ou si les conditions <strong>des</strong>on éducation sont gravement compromises, <strong>des</strong> mesuresd'assistance éducative peuvent être ordonnées par justiceà <strong>la</strong> requête <strong>des</strong> pères et mères, conjointement oude l'un deux, du gardien ou du tuteur, du mineur lu{-même, ou du ministère public. Le juge peut se saisird'office à titre exceptionnel.Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieursenfants relevant de <strong>la</strong> même autorité parentale.Art. 375 - i :Le juge <strong>des</strong> enfants est compétent, à charge d'appel, pourtout ce qui concerne l'assistance éducative. Il doit toujourss'efforcer de recueillir l'adhésion de <strong>la</strong> famille à<strong>la</strong> mesure envisagée.Art. 373 - 2 :Chaque fois qu'il est possible, le mineur doit être maintenudans son milieu d'origine. Dans ce cas, le jugedésigne soit une personne qualifiée, soit un service d'observationou de rééducation en milieu ouvert, en lui donnantmission d'apporter conseil à <strong>la</strong> famille afin de surmonterles difficultés matérielles ou morales qu'ellerencontre.Cette personne ou ce service est chargé de suivre ledéveloppement de l'enfant et d'en faire rapport au jugepériodiquement.Le juge peut aussi subordonner le maintien de l'enfantdans son milieu à <strong>des</strong> obligations particulières, tellesque celles de fréquenter régulièrement un établissementsanitaire ou d'éducation, ordinaire ou spécialisé, oud'exercer une activité professionnelle.


Art. 375 - 3 :S'il est nécessaire de retirer l'enfant de son milieud'origine, le juge peut décider de le confier :1 - A celui <strong>des</strong> pères et mères qui n'en avait pas <strong>la</strong> garde.2 - A un autre membre de <strong>la</strong> famille ou à un tiers dignede confiance.3 - A un service ou à un établissement sanitaire ou d'éducation,ordinaire C U spécialisé.4 - Au service départemental de l'Aide Sociale à l'enfance.Art. 375 - 6 :<strong>Les</strong> décisions prises en matière d'assistance éducativepeuvent y ètre, à tout moment, modifiées ou rapportéespar le juge qui les a rendues, soit d'office, soit à <strong>la</strong>requête <strong>des</strong> pères et mfires conjointement ou de l'un d'eux,du gardien ou du tuteur, du mineur lui-même, ou du ministèrepublic.Art. 375 - 7 :Le père ou <strong>la</strong> mère don.: l'enfant a donné lieu à unemesure d'assistance édiicative, conservent sur lui leurautorité parentale et en exercent tous les attributs quine sont pas inconciliables avec l'application de <strong>la</strong> mesureAinsi, ce bref rappel, en définissant <strong>la</strong> nature de <strong>la</strong>mesure d'A.E.M.0. en montre bien les intérêts pour <strong>la</strong>présente recherche :- Elle n'est pas réductible à une inadaptation donnée,mais intéresse au contraire tous les domaines où uneinadaptation peut se msnifester (ce qui n'est pas le caspour d'autres institutions spécialisées dans certainesinadaptations précises, telles <strong>la</strong> délinquance ou lesdéficiences ïntellectuelles).- Elle intervient à <strong>la</strong> "demande" de toutes les autresinstitutions ou <strong>des</strong> individus et recouvre donc; en cequi concerne le signalement de l'inadaptation, un champsocial extrêmement vaste et flexible.- Elle s'adresse à l'enfant et à <strong>la</strong> famille, c'est-à-direà <strong>la</strong> cellule de base qui est le fondement de notre organisationsociale.


- Elle représente une réelle intervention sociale puisque,par nature, le domaine judiciaire est celui de <strong>la</strong>préservation <strong>des</strong> règles <strong>sociales</strong>. Elle implique donc unereconnaissance et un minimum d'explicitation de l'inadaptation.Ces quatre points méritent d'être davantage expl ici téset resitués par rapport aux implicat~ons pratiques pournctre recherche.- Le fait que 1'A.E.M.O. ne soit pas réductible à uneinadaptation donnée mais qu'au contraire elle puisseintéresser tous les domaines, est précisément pour nous<strong>la</strong> garantie qu'elle constitue un support valide pourappréhender 1 'évolution de <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>d'inadaptation</strong> :cette "ouverture" permet, en effet, que s'expriment parfaitementles conceptions successives possibles de l'ina-daptation qui pourra concerner, tour àtour, dans <strong>des</strong>proportions différences les aomùines physiques, moraux,affectifs, éducatifs.- Le fait qu'elle intervienne à <strong>la</strong> demande de toutes lesinstitutions et individus est, pour nous, une garantiede <strong>la</strong> même nature et ce, pour deux raisons :. Elle permet d'étudier l'évolution <strong>des</strong> origines <strong>des</strong>i nalement de l'inadaptation, ce qui, outre sa nature,-ë&rüïm es volets indispensables à l'étude de sonévolution.. Elle permet <strong>la</strong> confrontation d'une multitude dediscours divers et ce point est fondamental.Un autre support aurait, en effet, 12 risque de limiterle discours sur l'inadaptation sociale au discours d'uneinstitution précise. Or, <strong>la</strong> reconnaissance de l'inadaptationsociale est, précisément le fait de l'environnementglobal de <strong>la</strong> famille et de l'enfant. Cet environnementcomposite peut émettre <strong>des</strong> discours fort différents, dansle temps comme dans l'espace et qu'il convient de prendreeri compte.Enfin, cette donnée, tout en posant <strong>des</strong> problèmes méthodologiquessur lesquels nous reviendrons, constitue,pour les auteurs de cette recherche eux-mémes travailleurssociaux, une nécessaire remise en cause de leur proprediscours qui risquerait de devenir, à son tour, réducteurde <strong>la</strong> realité.


- 1'A.E.M.O. s'adresse à un enfant et à <strong>la</strong> famille, etce point nous semble encore une garantie de fiabilité.Comme nous le disions plus haut, <strong>la</strong> famille est <strong>la</strong> cellulede base de notre organisation sociale et cette assertionnous semble vraie pour 1 'ensembte de <strong>la</strong> période couvertepar notre recherche, c'est-à-dire encore à <strong>la</strong> périodeactuelle.Il ne s'agit là, en aucun cas, d'une proc<strong>la</strong>mation idéologique,pas plus que cette affirmation ne veut présager del 'avenir.Nous constatons simplement que c'est d'abord par <strong>la</strong>famille que <strong>la</strong> société se perpétue et perpétue ses normes.Bien sûr, il existe de trës nombreux lieux où <strong>la</strong> sociétépeut transmettre ses normes, mais l'institution familialeest indiscutablement le lieu premier, ne serait-ce queparce qu'il a une dimension symbolique particuliëre.Ii n'est pas dans notre intention d'analyser ici <strong>la</strong> famillecomme objet inst~tué garant de <strong>la</strong> perpétuation de <strong>la</strong> normesociale.Mais, il nous semble important de rappeler que <strong>la</strong> famillese fonde dans un rapport à <strong>la</strong> société. Actuellement, unformidable appareil 1 égis<strong>la</strong>tif régit 1 'institution fami -liale, <strong>la</strong> protége et l'institue. La société a besoin de<strong>la</strong> famille pour se perpétuer tant du point de vue biologiquepour <strong>la</strong> transmission de modèles de comportementsociaux.Or, l'enfant est "modelé" par <strong>la</strong> famille plus que partoute autre institution, ne serait-ce que parce qu'ily va de sa propre reconnaissance en tant qu'individu.Appréhender l'inadaptation sociale par le biais <strong>des</strong> comportementsfamiliaux est donc l'appréhender là où, préci-.sément elle aura le plus de répercussions dans <strong>la</strong> perpétuationde <strong>la</strong> norme sociale.D'autre part, llA.E.M.O., permet également en comptel'ensemble de l'environnement du mineur et de sa famille,prendra, par là même, en compte, tous les lieux de socialisation,d'intégration sociale, ou de non-intégration,


Ainsi, parce qu'elle est "généraliste" et parce qu'elleest directement centrée sur les divers lieux de socialisationde l'enfant, l'A.E.M.O. apparaît comme particuliérementvalide pour l'étude du concept de l'inadaptationsociale.- L'A.E.M.0. enfin, représente une réelle interventionsociale, qui implique une reconnaissance préa<strong>la</strong>ble de1 'inadaptation.Il y a là, deux points originaux.Le premier est re<strong>la</strong>tif à <strong>la</strong> nature du courant de 'politiquesociale" dans lequel el le s'intègre.L'A.E.M.0. fait, en effet, partie <strong>des</strong> politiques ditesd'"accompagnement" basées essentiellement sur <strong>la</strong> rééducationet l'aide éducative (1).Ce "courant" de politique est déjà ancien (années 60 environ)et, par ailleurs, contesté. Mais, parmi tous les"courants politiques" qui le précèdent et le suivent, ilest le seul qui fasse directement référence à l'inadaptationsociale comme phénomene existont et nécessitant uneintervention spécifique.Or, ce point est précieux pour notre travail. <strong>Les</strong> politiquesde prévention, par exemple, si elles peuvent paraitreplus cohérentes en s'adressant à i'inadaptation commepotentiel et non comme réalité, peuvent aussi permettred'échapper à <strong>la</strong> nécessité de reconnaître, de nommer et dedécrire 1 ' inadaptation.C'est donc surtout dans les institutions issues de cecourant politique que le chercheur pourra trouver leséléments propres à identifier 1 'inadaptation.Le deuxième point d'originalité de 1'A.E.M.O. judiciaireréside dans le fait qu'à notre sens, elle est <strong>la</strong> seuleintervention sociale qui se situe c<strong>la</strong>irement comme telle,et ce précisément parce qu'elle est judiciaire. La justice(1) Voir pour ce<strong>la</strong> : G. MARTINE. MAUKELF. MERCANTONC. OFFREDI-BUISSON''Recherche d'une méthode d3Evaluation <strong>des</strong> effets <strong>des</strong> politiquesen faveur de <strong>la</strong> famille et de l'enfance". Université<strong>des</strong> Sciences <strong>sociales</strong> de Grenoble. CEPES.


est, en effet, garante <strong>des</strong> libertés individuelles maissurtout du respect <strong>des</strong> règles socialement établies."L'intrusion" de ta justice dans le domaine de l'interventionsociale est basée, il est vrai, sur <strong>des</strong> règlesprécisément peu explicites où i'interprétation peut jouerun grand rble. Mais c'est précisé~ent I'nn <strong>des</strong> buts de cetravail que de mettre à j3ur ces regles <strong>sociales</strong> souventpeu mu ma1 explicitées, q ~ i lorsqu'elles sont transgressees,entraînent une inadsptation.Enfln, le fait que <strong>la</strong> justice relève théoriquement d'undébat contradictoire, impase que soit â minime explicité,par celui qui signale une situation au juge, ce qu'$lconsidère comme étant une inadaptation, comme le juge sedoit, pour les mêmes raissns, d'étayer et d'argumentersa décision. L'inadaptatlsn doit donc être nommée etdécrite, et cette nécessité est pour nous une sourced'information sûre, qui, sien sûr, n'échappe ni à f'arbitraireni â <strong>la</strong> ratlonnalisatian mais qui a 1'Smmenseavantage d'exister.Ainsi, 1'A.E.M.O. judiciaire nous apparaît-elle un vecteurparticuli6rement fiable psur 1 "approche de 1 'inadaptationméme si elle mériterait d'Ptre complétée et critiquée par1 'intermédiaire d'autres sources dqnformation, notammentcelles émanant d'autres institutions, telte 1'A.E.M.O.administrative, qui ont ul discours souvent beaucoup moinsexplicite et moins fiable.La Sauvegarde de I'Enfanc? de l'Isère.L'Association départementsle de 7 ' XsSre pour 1 a Sauvegardede l'Enfance et de l'Adolescence (1) est 1'Associationqui, dans 111s6re, a eu le quasi monopole del'exercice <strong>des</strong> mesures d14.E.M.0., et c'est dans cesarchives que nous avons plis6 nos informations.Au départ, seule association de ce type sur le département,deux autres services ont, par <strong>la</strong> suite, égalementexercé <strong>des</strong> mesures d'A.E.Y.0. judiciaire, mais l'on peutconsidérer que, dans tous les cas, 1'A.D.i.S.E.A. a toujoursexercé au moins 80 % de ces mesures.(1) A.D.I.S.E.A.


Cet aspect monopolistique est pour nous <strong>la</strong> garantie de <strong>la</strong>représentativité de notre échantillonnage pour 1 'uni tégéographique qui nous intéresse ici.Cette unité géographique est, en fait, <strong>la</strong> partie sud dudépartement de l'Isère, qui représente environ les 3f4du département.Cette partie étant <strong>la</strong> plus importante et recouvrant <strong>des</strong>secteurs géographiques diversifiés sur le p<strong>la</strong>n du tissusocial, elle nous semble tout à fait représentative del 'ensemble du département.Par contre, d'autres limites interviennent et qui sontliées à lloriginalitO de llA.D.l.S.E.A.Certes, les A.D.I.S.E.A. sont nombreuses en France etregroupées au sein d'une Fédération nationale.Mais, cette Fgdération recouvre <strong>des</strong> types de structureset de fonctionnementufort divers. S'il s'agit toujoursd'Associations type Loi 1901", les personnels employés,l'importance <strong>des</strong> services, l'organisation interne <strong>des</strong>institutions et ses conceptions de <strong>la</strong> prise en chargesont parfois eloignées. De plus, dans d'autres départements,ce sont <strong>des</strong> services de nature différente, notamment<strong>des</strong> services publics qui assurent l'exercice <strong>des</strong>mandats d'A.E.M.0.Ce<strong>la</strong> veut dii-e qde, pour <strong>la</strong> partie de notre recherchequi est l'approche de l'"assimi<strong>la</strong>tion spécifique" de1 'insti tution exerçant <strong>des</strong> mandats d'A.E.M.O., les résultatsdevront être considérés comme ceux intéressant uneinstitution précise, dont les caractéristiques et I'évolutionseront décrites ultérieurement, à l'occasion de1 ' f nterprétation <strong>des</strong> résultats.Nous verrons plus loin comment et en quoi ces résultatspeuvent éventuellement étre é<strong>la</strong>rgis et recouvrir une réalitéplus vaste que celle du service considéré.Comme nous l'avons dit, nous avons recueilli les informationsnécessaires dans les dossiers et archives de <strong>la</strong>Sauvegarde de l'Enfance.11 s'agit uniquement d'une information écrite.


Compte tenu de <strong>la</strong> nature <strong>des</strong> informations recuei 11 ies,seuls, en effet, les docunients écrits semblent être àmême de présenter une fiabilité suffisante.Il auralt été possible de compléter cette source d'informationpar fa collecte de documents oraux, mais nous nousy sommes refusés pour plusieurs raisons.Outre 1 a difficulté de retrouver les travai 1 leurs sociauxconcernés par <strong>des</strong> dossier!; parfois anciens, <strong>la</strong> collectede documents oraux nous simble bealtcoup plus soumise aufiltre de l'interviewer, comme à <strong>la</strong> mémoire et à <strong>la</strong>rationnaltsation possible de l'interviewé.De plus, el le ne permet pas d'appréhender 1 "volution dudiscours, et <strong>des</strong> réalités parfois anciennes, formuléesavec un vocabu3aire et à partir de concepts contemporainsperdraient une grande partie de leur signification.Le matériel écrit disponible, outre sa richesse quantltativeprésente l'avantage de l'uniformité et du détail.Nous avons puisé nos renseignements dans les enquétes<strong>sociales</strong> ayant présidé aux mesures d'A.E.M.0. ou, plusrarement, dans les rapports rédigés par les travailleurssociaux à l'attention du Juge pour enfants au début del'exercice d'une mesure.Or, ces documents ont toujours conservé une forme stable,même si le contenu s'en est modifié.La stabilité de <strong>la</strong> présentation représente, outre uneplus grande racllité de travail, <strong>la</strong> garantie oe trouverdans chaque rubriqueJ' <strong>des</strong> informations de même nature.Compte tenu <strong>des</strong> objectifs de ce travail et de noshypothèses, nous avons retiré <strong>des</strong> dossiers <strong>des</strong> informationsintéressant divers points :- <strong>Les</strong> carac;éristiques <strong>des</strong> familles "signalées au Juge<strong>des</strong> Enfants (nationali tf, niveau socio économique,nombre d'enfants, etc.).


- De qui émane le signalement (individus ou insti,tutionsdiverses).- La nature du danger ou de l'inadaptation décrite parcelui qu? signale.- A quoi ou à qui il attribue T'origine de ce danger oude cette inadaptation.- La nature du danger ou de l'inadaptation telle qu'elleest perçue par le travailleur social de <strong>la</strong> Sauvegarde quiprend <strong>la</strong> famille "en charge".- A quoi ou à qui il attribue à son tour l'origine dudanger qu'il décrit.- Certaines caractéristiques propres au travailleur sociallui-même (sexe, formation, ...).- <strong>Les</strong> "caractères" <strong>des</strong> divers éléments du groupefamilial tels qu'ils peuvent être décrits par le travailleursocial.Nous reviendrons, plus loin, sur le contenu précis etl'utilisation de ces informations et expliquerons en quoielles sont nécessaires et suffisantes pour <strong>la</strong> vérificationde nos hypothèses.Il est évident que les informations "fixent" le niveau duprocessus auquel nous nous situons, dans le cadre de cetterecherche.Compte tenu de nos hypothèses, <strong>la</strong> necessité d'une étudediachronique est évidente.Cependant, une simple étude diachronique, à partir d'unéchantillonnage "global et progressif ne nous a passemblé à même de permettre dans le même temps une étu<strong>des</strong>ynchronique de l'organisation <strong>des</strong> divers éléments retenus.


L'appréhension de cette organisation, et de son évolutionmécessitait donc de posséder <strong>des</strong> informdtions regroupablespour un temps donné.Nous avons donc construit un échantillonnage de 500dossiers répartls en 5 tranches de 100 dossiers, doncd'égale importance numérioue, mais également de durée.<strong>Les</strong> "tranches" sont espacées de deux ans et couvrent chacuneune période de 3 ans, exception faite pour <strong>la</strong> premièretranche pour <strong>la</strong>quelle le faible nombre de dossiersnous a obligé 3 prendre en compte une période plus vastepour obtenir un nombre sui'fisant.tes tranches retenues sont les suivantes :Trl - Avant 1958 (nous sommes, en fait, remontés pourcertains dossiers jusqu'en 1951).Pour chacune de.ces trancqes, les ID0 dossiers représententau moins 80 % de l'ensemble <strong>des</strong> dossiers de <strong>la</strong>perlode conslderee, c'est-a-dire que nous n'avons pas euà construire d'ëchantillonnage à l'intérieur <strong>des</strong> tranches,les dossiers non exploités étant le plus souvent ceux quenous avons nous-même dû rejeter du fait de leur manqued'information ou de facilité, le plus souvent lié àl'absence <strong>des</strong> documents qui nous étaient nécessaires.<strong>Les</strong> cinq tranches ainsi déterminées ne l'ont pas êté defaçon totalement arbitraire.Nous avions. en effet, comme exjgences de "couvrir" l'ensemblede <strong>la</strong> période qui nous Intéressait et de posséderdans chaque tranche un nombre de dossiers suffisant pourpermettre une analyse synchronique fiable. (La période detois ans couverte par chaque tranche est, en fait, uneconséquence de cette nécessité).De plus, le fait de constituer une tranche 'avant 1958''


et <strong>la</strong> seconde de 1960 à 1962 est directement lié pour nousà <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de l'ordonnance de 1958 qui organise1'A.E.M.O. telle que nous <strong>la</strong> connaissons aujourd'hui.II était donc, pour nous, indispensable de maitriser lesconséquences possibles de <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de cetteordonnance, en préservant un dé<strong>la</strong>i de <strong>la</strong>tence suffisant(2 ans).De même, le "choix" de <strong>la</strong> "tranche" 1970-1972 est indiscutablement1 i E , dans notre esprit, aux répercussionspossibles de mai 1968.Quoi qu'il en soit, ce choix, quelle que soit <strong>la</strong> partiearbitraire qu'il peut contenir, couvre une pério<strong>des</strong>uffisamment <strong>la</strong>rge pour garantir <strong>la</strong> fiabilité <strong>des</strong> résultats.Nous nous efforcerons d'ailleurs d'inscrire en "toile defond" de chaque période l'ensemble <strong>des</strong> "événements" tantsociaux que juridiques ou concernant Tes équipements quipeuvent 1 'intéresser.Le codage et le traitement informatique <strong>des</strong> données dudiscours nécessitent, bien sür, sa transformation et saréductjon.Pour un certain nombre de données "objectives" cette réductionne pose aucun problème, si ce n'est celui minime durisque de perte de l'information.Pour 1,es informations de nature moins obiectlve, notrepréoccupation a toujours été de respecter au maximum <strong>la</strong>terminologie employée, 11 nous a toutefois été nécessairede "disloquer" le discours et d'établir une "nomenc<strong>la</strong>ture".Cette nomenc<strong>la</strong>ture n'est pas seulement le "repiquage" decertains éléments constants nous intéressant. Nous avonsvoulu qu'elle conserve son caractère de "points d'arrêtlexicaux privilégiés d'un discours" (l), c'est-à-dire que(1) JOAO NATAL1 - "Une sémiotique de <strong>la</strong> méconnaissance".In Communications ND 28 - 1978 - P. 53.


nous avons dû conserverr pour chaque période, l'ensemble<strong>des</strong> éléments exprimés, meme s'ils n'intéressaient quecette période ou une institution donnée et limitée.Cette exigence a donc entraîné une longue procédure pour1 'é<strong>la</strong>boration de cette c?omencfature et de notre gril lede dépoui t 1 ement .Pour ce<strong>la</strong>, nous avons d2pouillé d'abord 100 dossiers égalementrépartis dans les 5 tranches en relevant scrupuleusementtous les termes et toutes les <strong>notion</strong>s utilisées.Nous avons ensuite regroupé le contenu de cette vasteliste en fonctic <strong>des</strong> catégories d'information souhaitées,puis réduit à UGP tormu<strong>la</strong>tion commune les éléments quipouvaient l'être.Ces regroupements se sont organisés autour de ?a formu<strong>la</strong>tion<strong>la</strong> plus fréquente pour <strong>la</strong> période considérée, lorsqu'ils'agissait de simples synonymies lexicales ouconceptuelles.Nous avons, au maxlmum, évitC <strong>des</strong> risques d'"amalgames"en préférant, chaque fois que ce<strong>la</strong> était possible, creerun terme supplémentalre dans <strong>la</strong> nomenc<strong>la</strong>ture constituant<strong>la</strong> grille.Cette première phase termi née, nous avons recuei Il i 1 esinformations de tous les dossiers en fonction de cettegrille, en l'"enrichissant" encore de nouveaux termes1 orsque ce<strong>la</strong> était nécessaire.Enfin, nous avons apporté certaines "rectifications",consistant le plus souvent à supprimer stmpiement lestermes ne revenant quitilne fois pour l'ensemble de l'@chantillonnage,ou, plus rerement, à regrouper dans une terminologieplus vaste deux termes proches et peu repr&sentés,II résulte de cette procédure que le dépouillement dechaque dossier ne remplit souvent qu'une faible partiede <strong>la</strong> gri:le.II est évident que que les que soient <strong>la</strong> vigi<strong>la</strong>nce etI'honn0teté <strong>des</strong> auteurs de ce travail, il demeure danscette démarche une par-: d'arbitraire qui ne peut iitreévacuée, arbitraire intervenant surtout au moment duregroupement <strong>des</strong> synonymes, où <strong>la</strong> compréhension du contextedu terme peut amenei- une part d'interprétation person-


nelle dans <strong>la</strong> perception d'éventuels changements deréférentiel liés à ce contexte.Il nous semble indispensable de présenter ici notre grilled'analyse, Cette énumération est certes fastidieuse, maiselle nous parait cependant nécessaire pour c<strong>la</strong>rifier lecontenu <strong>des</strong> catégories d'informations definies plus hauten fonction de <strong>la</strong> procédure exposée.- Nationalité : Française1 ta1 ienneEspagnolePortugaiseMaghrébineFrança~se + étrangère (mixte)Autre.- Situatton (successive) <strong>des</strong> familles :MariageConcubinageSéparation garde à <strong>la</strong> mèreSéparation garde au pèreDivorce garde à <strong>la</strong> mèreDivorce garde au pèrePère décédéMère décédéeRemariage du pèreRemariage de <strong>la</strong> mèreConcubinage du pereConcubinage de <strong>la</strong> mèreMère célibataire


oda e et ro ramme ermettent 1 de crif ?tua fions SucOessiveP pour une mgme famiPf:P'!- Nombre total daenfanl:s- Age <strong>des</strong> enfants- Nombre d'enfants hors du foyer- Nombre d'enfants décedés.- Profession du père : Manutentionnaire et ouvrier spéciaiiséOuvrier professionnelCultivateurArtisanEmployéChdmageMa<strong>la</strong>die et invaliditéNon actifAutre.- Profession de <strong>la</strong> mère : Idem.----------------------.-------------------------Information concernant 1 'origine du signalement(qui signale <strong>la</strong> famille comme inadaptée)- Service social de secteur O.D.A.S.S. (1)- Services sociaux divers- Gendarmerie - Parqurtt - Justice- Ecole- Hôpital, médecin- Voisinage- Anonyme


- Mairie- Père- Mère- Conjoints : père et mère- Mineur 1 ui -même- Fami 1 le é1 argie - Parenté (grands-parents, oncles,tantes, etc.)(L'ensemble de ces données sont objectives et ne posentaucun problème de "codage")........................................ Information concernant <strong>la</strong> nature du danger ------- ou deIllnadae4ati?n-ara!ttm?t5!~-1eesI~!aIeme!3- Santé- Sécurité physique- Sécurité affective- Moralité- Education- Autres..........................................Information concernant l'origine du danger- Liée au père : AlcoolismeInstabilité ou <strong>la</strong>xisme professionnelFuite ou désintérêt de <strong>la</strong> familleDé1 inquanceViolence, brutalitéProblèmes d'ordre morauxInfidélité conjugaleMa<strong>la</strong>die mentaleAutori tarisme, rigiditéDébilité, pauvreté intellectuel1.e ouculturel le


Carences au niveau ménagerManque d'affectivitéMa<strong>la</strong>die physiqueCarences éducativesDemande de restitution.- Liëe à <strong>la</strong> mère : Idem.- Liée au couple et à <strong>la</strong> famille :Dispute,conflitInstabilité affectiveCarences éducativesDifficultés économiquesProblèmes sanitaires, condi tions materiellesde vieLogementMauvais traitementsMarginalitéMilieu anxiogèneDemande de restitution.- Ljée aux enfants :DélinquanceFugueProblèmes d'ordre éducatif,les parentsconflit avecTroubles caractériels, agressivitéInstabilité professionnel leRefus du travail, paresseDifficultés sco<strong>la</strong>iresProstitution, immoralitéRe<strong>la</strong>tion avec l'autre sexeTroubles affectifs, perturbationDëbi lité


(En ce qui concerne l'origine du danger "Enfants", codageet programme permettent une <strong>des</strong>cription individuel Je jusqu'àtrois enfants, plus fa fratrie dans son ensemble).Certains de ces termes peuvent paraître très proches lesuns <strong>des</strong> autres et recouvrir <strong>des</strong> réalités semb<strong>la</strong>bles. Nousavons tenu à conserver leur formu<strong>la</strong>tion originale quipeut sous tendre un discours différent.Il va de soi que, pour un même dossier, plusieurs originespourront être citées et, pour une même origine, plusieurstermes..........................................................Informations concernant le travailleur social de <strong>la</strong> S.E.A.s!i-ezt-charge-!!-dossierSexeFormation (éducateur spécialisé ùu assistante sociale)Situation (marié - célibataire).Il nous a été impossible de faire interférer <strong>la</strong> variable"âge" qui semb<strong>la</strong>it pourtant intéressante, du fait de l'impossibilité,dans de nombreux cas de recueillir cetteinformation........................................ Information concernant <strong>la</strong> nature du danger -------- ou de1~lsadaefation-felle-g~1.elle-e~t-eer~~e-e~!-le-tra~aille!!social-de-<strong>la</strong>-S,EZA,-et-~ue-no!s-aee~IIer~!z-~cz-~~~~~~:---------------tions d'A.E.M.0.Nous avons, là encore, retenu les mêmes termes que ceuxdécrits plus haut dans les informations concernant 1 'originedu danger perçue a l'origine du signalement.Cette identité <strong>des</strong> nomenc<strong>la</strong>tures est, comme nous le verrons,nécessaire à <strong>la</strong> vérification de nos hypothèses. Chacuned'elle a donc été enrichie <strong>des</strong> termes de l'autre.


<strong>Les</strong> enfants :- Ayant <strong>des</strong> difficultés économiques / n'enayant pas- Bonnes conditions matérielles / mauvaisesconditions matériel les- Bon logement / mauvais logement- Mauvais traitement / absence de mauvaistraitement- Marginal / bien intégré- Anxiogène / sécurisant.- Paresseux / travailleur- Docile / opposant- Pondéré / emporté- Intelligent / inintelligent- Communi c ati f / taci turne- Dynamique / lymphatique- Contiant / méfiant- Meneur / se <strong>la</strong>isse influencer- Infantile / mature- Affectif / inaffectif- Honnête / malhonnOte- Epanoui / pertubé- Ouvert / renfermé- Manifeste sa sexualité / ne <strong>la</strong> maniteste pas.Il s'agit là <strong>des</strong> traits de caractères effectivement décritsdans les dossiers et non d'une liste arbitraire.Certains <strong>des</strong> termes peuvent rappeler, voire être indent.i -ques avec ceux retenus dans <strong>la</strong> nomenc<strong>la</strong>ture intéressantles "origines de danger". Il s'agit, en fait, de deuxtypes d'information différents car certains carcatèrespeuvent très bien être décrits sans être présentés etanalysés comme une cause <strong>d'inadaptation</strong>.


Chaque trait de caractère a son contraire, ce qui permet,outre de savoir quand il est fait appel à une <strong>notion</strong> précise,par exemple <strong>la</strong> <strong>notion</strong> de travail chez le père, deconnaltre si cette "valeur" est décrite en "positive' ouen "négative" .11 faut noter que nous n'avons retenu cette informationque lorsqu'elle était c<strong>la</strong>irement et explicitement formuléeet non lorsqu'elle étiiit ou pouvait paraître, memec<strong>la</strong>irement, sous-entendue.Avant d'aller plus loin, -il convient de rappeler ici que,dans <strong>la</strong> perspective de nos hypothèses, cette grilled'analyse a également été é<strong>la</strong>borée en vue de faire émerger<strong>des</strong> conceptions de l'inadiiptation éventuellement spécifiqueà <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> ou à <strong>des</strong> institutions.La mise à jour de ces conceptions reposera donc sur <strong>la</strong>nomenc<strong>la</strong>ture qui vient d8i!tre exposée, nomenc<strong>la</strong>ture ellemémetirée du dl scours .Il nous semble important de préciser ici qu'il n'est enrien dans notre intention d'utiliser cette nomenc<strong>la</strong>tureet les résultats de <strong>la</strong> recherche pour é<strong>la</strong>borer une analysedu discours quelle q~'e1le soit.Si notre méthodologie est basée sur ce méme discours<strong>des</strong>criptif de l'inadaptation, pour ce qui est du recueil<strong>des</strong> données, c'est, comme nous l'avons expliqué, parceque c'est le seul moyen que nous avons pu imaginer pourobtenir <strong>des</strong> informations vali<strong>des</strong> pour notre perspective,et parce que nous pensons que, comme 1 'écrit B. BERNSTEIN"c'est le discours qui signale ce qui a du sens" (1).11 n'est ni dans notre propos ni dans notre compétence demettre à jonr et d'analyser d'hypothétiques "stratégiesdiscursives propres à une institution donnée, mais seulementde tenter d'approcher, par l'analyse de <strong>la</strong> nature etde <strong>la</strong> fréquence d'apparition de certains concepts; et del'expression qu'ils revOtent une conception, une idéologie"spécifique à un temps ou une institution donnée.Ces données ont, dans un premier temps, été considéréesséparément. en vue d'obtenir une vision de l'évolutionpour chacune <strong>des</strong> variables considérées.(1) B. BERNSTEIN : "Langage et c<strong>la</strong>sses <strong>sociales</strong>" Bp citP. 26.


Ainsi, nous avons considéré séparément I'évolution <strong>des</strong>origines de signalement, <strong>des</strong> contenus de danger, etc.Ensuite, nous avons établi <strong>des</strong> corré<strong>la</strong>tions visant àfaire apparaître l'impact de chaque variable.Ainsi, par exemple, nous avons "croisé" chaque caractéristiquephysique <strong>des</strong> familles signalées avec le contenu<strong>des</strong> dangers décrits afin d'appréhender l'influence dechaque caractéristique, ou encore <strong>la</strong> provenance <strong>des</strong>signalements avec leur contenu, afin de cerner l'impactdu facteur institutionnel et son évolution, etc.


1 - C. PORTEE ET LIMITE DE LA METHODE


Nous ne reviendrons pas sur les avantages que présentel'A.E.M.O. judiciaire pour appréhender le concept <strong>d'inadaptation</strong>,ni sur les limites du terrain choisi, pour nousarrêter brièvement sur certains points de <strong>la</strong> méthode ellemëme.Elle nous paraît, quant à sa conception, bien adaptée àce type de recherche, dans <strong>la</strong> mesure, précisément, où ellepermet d'intégrer à <strong>la</strong> fois <strong>des</strong> éléments subjectifs et <strong>des</strong>&Iéments objectifs.Comparaison entre différents discours, el le permet de nepas réduire <strong>la</strong> réalité à <strong>des</strong> concepts préétablis.Le principal inconvénient que nous avons rencontré semblerésider dans le choix <strong>des</strong> variables. Dans le désir d'appréhenderune réalité <strong>la</strong> plus vaste possible, nous avons imaginéun maximum de composantes possiblest précîsémentparce que nous ignorions quelles étaient les variablesdéterminantes, d'où l'introduction d'une masse considërablede données.Cette quantitë très impoïtante a @té à <strong>la</strong> source de 2difficultés majeures :- <strong>la</strong> difficulté à manipuler toutes les informations ;- un risque permanent d'éparpillement.Un nombre de variables plus réduit aurait permis une plusgrande rigueur, d'autant plus que <strong>la</strong> procédure informatique,si elle nous a libérés d'un grand nombre de calculsqu'il eut été impossible d'obtenir autrement, a égalementintroduit une certaine confusion dans <strong>la</strong> réorganisationde 1 'information.11 aurait étë nécessaire de procéder par étape, en éliminantd'abord les informa.:ions quantitativement négligeables,ou peu significatives. pour ne conserver que cellesles plus importantes, en restructurant fa recherche autourde ces données.ta caractérologie, par exemple, ou I'introduction du facteur"âge <strong>des</strong> enfants", ri elles ont permis d'obtenirquelques informations val i<strong>des</strong>, ne justifaient pas, a postériori,fa masse de cor*é<strong>la</strong>tions qu'etles ont exig*,


Cette méthode mériterait d'être reconstruite, à <strong>la</strong> finde ce travail, en fonction <strong>des</strong> conclusions qui permettraientalors de réduire <strong>la</strong> réalité aux éléments déteriminants.


II - ELEMENTS CONSTITUTIFS DU CONCEPT D'INADAPTATION


II - A. POPULATION PRISE EN COMPTE


La popu<strong>la</strong>tion signalée offre un certain nombre de caractéristiquesqui <strong>la</strong> differencie profondément de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionglobale.L'évolution de ces caractéristiques, mise en rapport aveccelle de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de référence, est elle-même unélément différenciateur.Cette popu<strong>la</strong>tion 'cible" mérite d'être étudiée par sescaractéristiques dominantes.La majorité <strong>des</strong> famil les signalées comme inadaptées estde nationalité française. Cependant,i,l y a une netteévolution dans le sens d'une augmentation régulière de <strong>la</strong>proportion d'étrangers dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion concernée.Le graphique, ci-après, fait apparaître l'évolution enpourcentage de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangère, signalée en rapportavec l'évolution di? <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangère dans <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion de référence, c'est-à-dire <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionglobale de 1 'agglomérat.ion grenobloise (1).(1) Nous avons utilisé principalement aux sources d'informationspour conna'itre les caractéristiques de <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion de référence.- L'INSEE : Il s'agit, alors, <strong>des</strong> résultats <strong>des</strong> recensementsintaressant 1 'ensemble du département del'Isère.- L'agence d'urbanisme de l'agglomération grenobloisequi recouvre actuellement plus de cent communes, etdont nous utiliserons préférentiellement les donnéescompte tenu qu'elle recouvre une réalité géographiquequi est celle dont proviennent <strong>la</strong> plus grande partie<strong>des</strong> dossiers étudié:;.Nous indiquerons <strong>la</strong> provenance <strong>des</strong> informations : INSCou A.U.G. - Agence ,'Urbanisme de l'agglomération Grer,bloise.Pour certaines pério<strong>des</strong>, nous n'avons pu obtenir aucur,indication quant à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de réference.


LO -.30 -.30 -.8 O-._,-*', -'.#a-------_* -.----------Ci--- ----2P~~uiotior~ 6~obaLeRvt 5 9- 6QCb 65,b'i ?O .il +5 't%Comme on peut le voir, il y a une augmentation considérableet régulière de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion etrangère qui se subtitue,en partie, à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française.La croissance de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangère signalée commeinadaptée est proportionnellement beaucoup plus importanteque celle de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangère de l'agglomérationgrenobloise, et il n'y a donc pas de liens entrel'augmentation globale du nombre d'étrangers dans l'agglomérationet l'augmentation du nombre d'étrangers signalée.Avant 1958, l'écart était faible entre le pourcentaged'étrangers de l'agglomération et le pourcentage d'étrangersdans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée (+ 4 %). Cet écart augmenterégulièrement jusqu'à <strong>la</strong> période actuelle.Si l'on part de l'indice 100, en 1954, pour indiquer lepourcentage d'étrangers dans les deux popu<strong>la</strong>tions, cetindice peut être évalué à 162, en 1975, pour <strong>la</strong> poputationglobale de I'agglomérZTTon, et à <strong>la</strong> même date à330 environ pour <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée, soit un rapportmugmentation de 1 à 3,7, avec une forte poussée entre1965-67 et 1970-72, puisque entre ces deux pério<strong>des</strong>,l'augmentation du nombre d'étrangers dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion


signalée est de 11 %, alors qu'elle est de 1 % dans <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion de 1 'agglomération grenobloise.t'étude de <strong>la</strong> répartition par nationalité peut apporter<strong>des</strong> indications quant à <strong>la</strong> nature de cette augmentationspectacu<strong>la</strong>ire : elle intéresse, en effet, fort différemmentles diverses nationalités et est surtout le fait de<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion maghrébine qui augmente proportionnellementbeaucoup plus que les autres, surtout en regard à <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion de rëférence, comme le montre le tableau ci<strong>des</strong>sous.i : Popu<strong>la</strong>tion Agglomération i( Pério<strong>des</strong> : signalée grenobloise( 1( Avant 1958(: Italiens : 91,6-: 1( i960- 1962 Italiens : 33: Maghrébins : 11 :(' Espagnols : 5( Portugais : 5( : Mixte (1) : 38,8 :f: Italiens : 31,8 : 'l: Maghrébins : 16,6 :: Espagnols : 4 1: Portugais : 5 : 1968 (AUG) Italiens : 50 1: Mixte : 31,8 Maghrébins : 19 1Espagnols : 16 1: Italiens : 15,l : Portugais : 4 1: Maghrébins : 33,3 : 1: Espagnols : 6 1: Portugais : 12 : 1: Mixte : 24,12: 1975 (AUG) Italiens : 35 1: Italiens : 20: Maghrébins : 37,s : Maghrébins : 22: Espagnols : 5 Espagnols : 19: Portugais : 15 : Portugais : 10 f: Mixte : 20 111f(1) Nous faisons figurer ici <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion mixte, c'està-dire<strong>des</strong> familles dont l'un <strong>des</strong> deux parents ;JIfrançais.


Si. avant 1958, <strong>la</strong> popuiation signalée est presque exclusivementi ta1 ienne (ce qui semblerai t correspondre à uneréalité démographique locale), cette popu<strong>la</strong>tion diminuealors que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion mahrébine prend peu à peï cep<strong>la</strong>ce .Ce phénomène est beaucoup plus sensible dans <strong>la</strong> populctionsignalée que dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de référence.Si l'on considère l'évolution par nationalité entre 1968et 1975, dans chacune <strong>des</strong> deux popu<strong>la</strong>tions, les résultatssont très par<strong>la</strong>nts.Alors qu'entre ces deux dates, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion maghrébinecroît de 15,7 % dans l'agglomération de Grenoble, elleaugmente de 126 % dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée, soit unrapport de croissance de 1 à 8.La popu<strong>la</strong>tion portugaise, qui augmente, toujours pour <strong>la</strong>même période, de 150 % dans l'agglomération, augmente de300 % dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée comme inadaptée, soitun rapport de 1 à 2.Par contre, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion italienne, dans le même temps,diminue de 30 % dans l'agglomération, et de 37 % dans <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion signalée, c'est-à-dire plus rapidement.Il y a donc bien, dans ce phénomène d'augmentation de <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion étrangère signalée, une veritable "explosion"de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion Nord-Africaine et une diminution de <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion italienne, phénomène sans rapport et sans proportionavec l'évolution démographique locale.Ainsi, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion qui apparaft <strong>la</strong> plus "sujette" àl'inadaptation est, actuellement, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion maghrébine,puis, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion portugaise, comme le montre les rapportsd'augmentation cités plus haut (1 à 8 et 1 à 2).Par contre, l'ensemble <strong>des</strong> autres popu<strong>la</strong>tions ont un tauxde croissance stationnaire, ou diminuent.Pour résumer, on peut donc dire que si <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion françaisereste majoritairement siçnalée, il y a un ptGnomèned'évolution qui va s'accélérant et qui tend à lui substi-


tuer une popu<strong>la</strong>tion étrangere dans <strong>la</strong>quelle les popu<strong>la</strong>tionsmaghrébines, puis portugaises, sont celles quiont le plus de "chance" dtPtre conçidérGes inadaptées,ceci indépendamment, pour ce qui est du phénomène decroissance, de leur importance numérique sur I'agglomérationgrenobloise.Tout au long de <strong>la</strong> période étudiêe, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signaféeapparaît nettement réduite â une frange de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionglobale, constituée de famil les ouuriêres nonqualifiées, ce caractère Ptant, indiscutablement, le plusévident... CATEGORIES( ." .. . :y& : sans : teurs :mage : dité\ . .,.( Pério<strong>des</strong> ::::O.S. :O.P. :E~nplo- : Art- : Cultiva-:Chû- : fnvali-( ." *.( Avant 58 ::64,6 : 7,3 : 3,6 : O : 7,s : 4,8 : 6Evolirtion <strong>des</strong> pourcentages <strong>des</strong> diverses catégories socioprofessionnellesdans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tjon signalée.


Si l'on compare ces pourcentages avec les quelques indicationsque nous avons pu recueillir, concernant <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionde référence, on se rend compte que le niveau socioéconomiquede ces familles est dans l'ensemble très bas.Ainsi, en 1954, sur 1 'ensemble du département de 1 'Isère(INSEE) <strong>la</strong> proportion d'O.S. était de l'ordre de 22 %,alors qu'à <strong>la</strong> même époque, elle était de 64,6 % dans <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion signalée ; celle d'0.P. était de 24 % environ,alors qu'elle n'était que de 7,3 dans cette mOme popu<strong>la</strong>tion.Il faut noter que les agriculteurs étaient fort peu représentis,7,3 % alors qu'ils représentaient 20 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tiondu département.En 1975, pour l'agglomération grenobloise (BUG), le pourcentaged'O.S. était de 25,5 % alors qu'il était de 66,2 %dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée.Mais, outre ce manque de qualification, le tableau ci<strong>des</strong>susfait apparaître deux phénomènes d'évolution.- Jusqu'en 1967, le niveau socio-économique de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionconsidérée, tout en restant bas, a une nette tendanceà s'élever : le % d'O.S. passe de 64,6 â 46,4 et, inversement,le % d'0.P. de 7,3 à 22,6. Le % d'employés et d'artisans,tout en restant faible, augmente également.- A partir de 1970, ce mouvement s'inverse et le niveausocio-économique de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion co.nsidérée s'abaissesensiblement : le pourcentage d'O.S. passe de 46,4 en1967 à 66,2 pour <strong>la</strong> dernière période, et inversement,celui <strong>des</strong> O.P. diminue de 22,6 à 15, de méme que celui<strong>des</strong> artisans et employés (de 7,l à 3,5).Pour <strong>la</strong> dernière période (1975-1977) les répartitions parniveau socio-économique sont redevenues sensiblement lesmêmes que pour <strong>la</strong> première période (avant 1958).Ce double phénomène peut, en partie s'expliquer par <strong>la</strong>forte augmentation du pourcentage d'étrangers dans <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion considérée à partir de 1967, augmentationqui serait venue contrarier une élévation progressivedu niveau <strong>des</strong> familles signalées.Cette explication ne semble pas totalement satisfaisante,bien que ce<strong>la</strong> ait pu précipiter le processus,


Si l'on considiire les niveaux socio-économiques par nationalité,on se rend compte que ce phénomène les concernetoutes.Le tableau ci -<strong>des</strong>sous f'ai t appara? tre <strong>la</strong> répartition <strong>des</strong>niveaux socio-économiqties par nationalité et par période,en ne retenant que les niveaux et les nationalités quantiatitvementsignificatives,(( PERIODES( Catégories - - - -( par( nationalitës : Avant : 1960 : 1965 : 1970 : 1975 )( : 1958 : 1962 : 1967 : 1972 : 1977 )(\( 1f O S : 63,3 : 50 : 39 : 47 : 52 )f Français O P : 8,4 :17,4 :25 : 23 : 24 )t Employés : 4,2 : 9,5 : 9,3 : 7,8 : 6 )1fO S : 70 :65 :57,1 : 60 : 75 )( Italiens O P : O 7 : 1 4 , 3 : 2 0 : O )( Employés : O : : O O O ]1f( O S: 72,7 : 83 )f Maghrébins O P : 18,2 : O )Employés :0 : Oi


qua1 ifiée, il touche aussi <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion françaisepour <strong>la</strong>quelle le % d'O.S. passe de 39 à 52, et estégalement sensible dans 1 'évolution <strong>des</strong> niveaux socioéconomiques<strong>des</strong> familles étrangères.Il faut noter que celles-ci sont sous qualifiées parrapport à <strong>la</strong> moyenne <strong>des</strong> qualifications <strong>des</strong> différentesnational? tés dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de référence.Ainsi, en 1975, pour l'agglomération (AUG), <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionitalienne comptait environ 44 % d'O.S. et 40 %diO.P., alors qu'à <strong>la</strong> même époque, le % d'O.S. dans lesfamilles italiennes signalées était de 75 %.De même pour les maghrébins, le pourcentage d'O.S. pourl'agglomération était de 74,3 et de 83 pour <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionsignalée.Dans cette dernière popu<strong>la</strong>tion, l'intégralité <strong>des</strong> famlllesportugaises était, en 1975, de niveau manoeuvre ouO.S., alors que ces catégories ne représentaient ''que''59,6 % de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion portugaise de l'agglomération.La sous qualification semble donc être une caractéristiquefondamentale de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée, caractéristiquequi, après siOtre atténuée, se réaccentuefortement depuis 1967.Sur l'ensemble de l'échantillonnage, le nombre moyend'enfants par famille est de 4,2 et, si ce nombre connaqt,bien sûr, <strong>des</strong> variations selon les pério<strong>des</strong>, il ne se dégagepas de diminution très marquée ou significative :Avant 1958 : 4,2Ces nombres moyens sont <strong>la</strong>rgement supérieurs à celuide fa popu<strong>la</strong>tion de référence.


Ainsi, en 1968, sur l'ensemble du département, le nombremoyen d'enfants par fainille française était de 2,5, alorsqu'il était de 4 dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée.En 1974, dans l'agglom5ration grenobloise, le nombremoyen d'enfants par fainille française était de 2,8, alorsqu'il était de près de 4 dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée, et,pour les familles étrangères, de 3,7, alors que l'on peut1 'évaluer à près de 5 dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de 1 'échantillonnage.C'est, bien entendu, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangère qui a le plusgrand nombre d'enfants par famille et l'on s'aperçoit que,dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée, le nombre moyen d'enfantsdécroît beaucoup plus vite dans les familles françaisesqu'étrangères. A <strong>la</strong> dernière période, les familles étrangèressignalées sont préférentiellement <strong>des</strong> familles nombreuses,alors que 30 % <strong>des</strong> familles françaises signaléesn'ont qu'un seul enfant.Il semblerait donc que, si le nombre important d'enfantspar famille demeure une caractéristique importante de <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion étrangère signalée (qui, rappelons-le, augmente),cette caractéristique a tendance à disparaStre pourles familles françaises.Par ailleurs, les familles <strong>des</strong> niveaux socio-économiquesles plus bas sont les plus nombreuses. Ainsi; en 1975-77,38,4 % <strong>des</strong> familles "O.S." ont 3 enfants ou moins, alorsque ce pourcentage est de 46,l pour les "O.P.", et de 50pour les employés.Pour l'ensemble de l'échantillonnage, on est frappé par1 'importance de <strong>la</strong> mortalité infantile, cette mortalitédiminue, d'ailleurs, considérablement : avant 1958, 27 %<strong>des</strong> familles avaient eu au moins 1 enfant décédé. Lepourcentage est de 8 en 1960-62, 14 en 1965-67, 11 en1970-72 et 7 en 1975-77.Mais cette évolution intéresse très différemment lesdiverses nationalités.


Ainsi, pour l'ensemble de l'échantillonnage :13 % <strong>des</strong> familles françaises ont eu au moins un enfant décédé ;27 % <strong>des</strong> familles italiennes ;19 % <strong>des</strong> familles maghrébines.De plus, les évolutions sont diverses selon les nationslités.Le tableau, ci-<strong>des</strong>sous, indique l'évolution du pourcentagede famille ayant eu au moins un enfant décédé, selonles nationalités.f-.Avant/(Nationalités .i: 1958 : 1960-62 I 1965-67 : 1970-72 : 1975-77 1( 1( Française :22% :8,5% : 1 4 % : 11% : 5 % 1(f( Italienne :63% :16% :f 1(( Maghrébine :33% :18% :20% 1La diminution intéresse donc les familles de nationalitéfrançaise, alors que, pour les familles étrangères, lepourcentage a tendance à rester stable, voire à augmenter.Le tableau, ci <strong>des</strong>sous, qui fait apparaître l'évolution dutaux de mortalité infantile par famille selon <strong>la</strong> nationalité,apporte les mêmes indications.(: Avant : j ~ationalités[ 1958 1 1960-62 i 1955-67 i 1970-72 i11975-77 tI(( Française 0,37 ; 0,18 0,15 0.13 0.08I: 1,5 : 0,30 : 0,14 : 0,20 : 0,50 )1( Maghrébine : 0,33 : 0,27 : 0,40 )( 1


La diminution du taux de mortalité infantile est doncgénérale jusqu'en 1967, puis, après cette date, il y adiversification entre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française dont letaux diminue, et <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ëtrangere dont le tauxrédugmente considérablement (ce qui est très signi ficatifpour <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion italienne dont on peut mesurerl'évolution depuis le cébut de 1 'échantillonnage).5. Bes-farliilles-sui-on!.-de-el~s_-en-eIus-c~nn~-Oes,int~rventions <strong>des</strong> services sociaux avant le signalement.............................................. --------Il s'agit ici du nombre d'enfants mineurs p<strong>la</strong>cés hors deleur milieu familial au moment où celui-ci était signalécomme inadapté. Il peut s'agir de divers types de p<strong>la</strong>cements; institutions spécialisées, service de 1 'Ai<strong>des</strong>ociale à 1 'Enfance, p<strong>la</strong>cements nourriciers ou, le pl ussouvent, p<strong>la</strong>cements sco<strong>la</strong>ires spécialisés IMP (If, IME (21,internats sco<strong>la</strong>ires sp2!cialisês, etc.Là encore, l'evolution fait apparaître une "rupture"entre 1967 et 1970.Avant 1958, 16 %"hors du foyer".<strong>des</strong> familles avaient au moins un enfant<strong>Les</strong> deux dernières pér,io<strong>des</strong> regroupent à elles seules51 % <strong>des</strong> enfants hors du foyer de I 'ensemble de l'échanti1 lonnage.Si l'on sait que, pour qu'un p<strong>la</strong>cement soit réalisé, ilfaut nécessairement 1 ' intervention d'un service socialou médical, ce<strong>la</strong> signifie queles familles, lorsqu'ellessont signalées comme i'?adaptées, ont déjà eu dans23 1 <strong>des</strong> cas pour les deux dernières pério<strong>des</strong>, affaire à<strong>des</strong> institutions <strong>sociales</strong> ou médicales.(1) IMP : Institut Médico-Pédagogique.IME : Institut Médica-Educatif.


La diminution, jusqu'en 1967, du pourcentage de familles"touchées" par un p<strong>la</strong>cement, puis, l'augmentation à partirde 1970 sont à rattacher à un phenornéne proche qui s'observeà propos <strong>des</strong> qua1 i fications professionnel les et dunombre d'enfants.On peut émettre l'hypothèse que cette augmentation, àpartir de 1970, du nombre de familles ayant eu préa<strong>la</strong>blementaffaire à <strong>des</strong> institutions <strong>sociales</strong> et médicales àpropos d'un enfant est à rattacher à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce, à<strong>la</strong> meme époque. <strong>des</strong> politiques de globalisation det'action sociale, de prise en charge précoce <strong>des</strong> risques<strong>d'inadaptation</strong>, et à l'extension du rble de l'éducationnationale (notamment, <strong>la</strong> prise en charge <strong>des</strong> enfantsinadaptés).Sur l'ensemble de l'échantillonnage, 43,6 % <strong>des</strong> famillessignalées comme inadaptées ont c o n n u , ~ i n s , une modi -fication, et 21 % au moins deux, c'est-à-dire troissituations successives.Cette donnée apparaît comme re<strong>la</strong>tivement constante dansle temps :- Avant 1958 : 46 % <strong>des</strong> familles avaient connu au moinsune modification, et 22 % au moins deux.- En 1960-62, ces pourcentages étaient de 47 % et 21 %.La diminution qui s'observe entre 1967 et 1970, puis <strong>la</strong>réaugmentation à partir de 1975, s'expliquent par l'accroissementbrutal, à partir de 1970, de <strong>la</strong> proportiond'étrangers dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée.Cette popu<strong>la</strong>tion étranaëre nouvelle. essentiellementmaghrébine et portugaije, est, en effet, entre 1970 et1972, très stable.A partir de 1975, el le connaît les mêmes pertubations ducouple parental que le reste de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée.


Ceci est particulièrement évident pour les famillesnord-africaines : entre 1970 et 1972, seules 18 % d'entreelles avaientconnu une modification, alors qu'elles sont46,7 % entre 1975 et 1977.Quoique numériquement moins importantes, les famillesportugaises connaissent <strong>la</strong> même évolution qui va de Oà 50 % entre 1970-72 et 1975-77.On peut donc dire que l'instabilité du couple parentalest une caractéristique de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée,caractéristique qui intéresse pour <strong>la</strong> dernière période,toutes les national i tés.Enimoyenne, au moment où les familles sont signalées àl'autorité judiciaire, seules 51,4 % d'entre elles sontconstituées <strong>des</strong> deux parents naturels, c'est-à-dire que,dans 48,6 % <strong>des</strong> familles, les enfants ne vivent qu'avecun seul de leurs géniteurs, c'est alors le plus souvent<strong>la</strong> mère qui est présente et le père absent (?0,8 % <strong>des</strong>cas).Il convient encore de noter que, parmi les famillessignalées, le % <strong>des</strong> fasilles dont le couple est marié,diminue pour <strong>la</strong> dernière période de 61 % à 44 %.Nous n'avons aucun élésent qui nous permette de comparerces caractéristiques avec celles de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de1 'agglomération.On peut toutefois rapprocher ces chiffres de ceux citéspar Jean Olivier MAJASIRE et Martine BLANCHET, dans uneétude portant sur <strong>la</strong> ccnsultation d'Hygiène MentaleEnfants du secteur Mistral à Grenoble.Ils y signalent un tacx de dissociation familiale de prèsde 44 % pour les les familles consultantes, familles pour <strong>la</strong>plupart pertubges et cc.nsidërées comme inadaptées.Il semble donc que l'or puisse avancer sans risque d'erreurque le taux élevé de dissociation familiale est une<strong>des</strong> caractéristiques <strong>des</strong> familles considérées commeInadaptées.


La popu<strong>la</strong>tion signalée se caractérise donc essentiellementpar 3 caracteristiques :- Il s'agt t d'une popu<strong>la</strong>tion ouvrière sous qualifiée- Le nombre moyen d'enfants par famille y est élevé,- Le taux de dissociation y est élevé.Si le dernier point semble assez automone, les deux premierssont en partie dépendants et liés à <strong>la</strong> nationalité,les familles étrangères étant les moins qualifiees etayant de plus grand nombre d'enfants.Ces trois caractéristiques fournissent donc le terrain àpartir duquel 1 'inadaptation sociale va s'exprimer.Elles nous paraissent toutes trois interdépendantes, maisl'on peut postuler que le bas niveau socio-économique est,en partie, déterminantaans ce terrain puîsqu'il est leplus constant et est <strong>la</strong> caractéristique qui recouvre quantitativementle mieux les autres.On pourrait reformuler ce prédicat en affirmant que,pour l'échantillonnage considéré et tes variables étudiées,seul un niveau socio-économique élevé est exclusif du signalement(ce qui n'est pas le cas <strong>des</strong> autres variables),Outre ces caractéristiques, l'étude de I'évolution faitapparaître deux phénomènes :- Une augmentation permanente du pourcentage d'étrangersse substituant à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française et qui atteint40 % dans <strong>la</strong> dernière période. Cette augmentation connaîtUF palier important entre 1967 et 1970 correspondant à unaccroissement spectacu<strong>la</strong>ire de sibnalements <strong>des</strong> famillesmaghrébines, croissance qui se poursuit et qui apparaftsans rapport avec l'auqmentation du nombre de ces famillessur 1 ' agglomération. A !in degré moindre, le méme phénomènes'observe pour les familles portuqaises.- Une rupture entre 1967 et 1970, rupture qui intéresseplusieurs domaines.


A partir de cette date, en effet, le pourcentage de <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion non qualifiée réaugmente après avoir diminué,le pourcentage de famille ayant déjà eu affaire à <strong>des</strong>institutions marquées apparaissent entre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionfrançaise et <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangère.La popu<strong>la</strong>tion française signalée, si elle est sousqualifiée, a par contre, un nombre d'enfants de plusen plus bas (bien que supérieur à <strong>la</strong> moyenne de f'agglomëration)et connaTt un abaissement important du taux demortal i tê i nfanti 1 e.La popu<strong>la</strong>tion étrangère signalée, au contraire, est unepopu<strong>la</strong>tion dont le norbre moyen d'enfants et le taux demortalité infantile augmentent, évolution contraire àce1 le observée sur I 'agglomération.Aussi, plutôt que d'ure popu<strong>la</strong>tion cible, peut-on parlerde plusieurs popu<strong>la</strong>ticns cibles, du moins en <strong>la</strong> périodeactuelles :- familles étrangères nombreuses,- familles dissociées,- clients habituels du service social ("chronicité"),ces popu<strong>la</strong>tions étant unies par un élement commun :le bas niveau socio-économique.


II- B. LES CONCEPTS ORGANISATEURS DE LA NOTION D'INADAPTATION


Parmi tous les dangers, ceux menaçant <strong>la</strong> santé ne sontjamais cités de façon très importante pour justifier lesignalement.A certaines pério<strong>des</strong>, il semble même que ce soit unepréoccupation pratiquement oubliée, comme le montre legraphique ci-<strong>des</strong>sous :L'on peut voir que <strong>la</strong> santé est un souci à peu près constantpendant les deux premières pério<strong>des</strong> étudiées, qu'ildiminue assez consid&rablement dans <strong>la</strong> période 65-67,"consacrée", nous le verrons à <strong>des</strong> problèmes d'education,pour prendre une re<strong>la</strong>tive importance à <strong>la</strong> période suivante,juste après mai 68, puis rediminuer à <strong>la</strong> période actuelle.De telles variations interrogent, et ne semblent, a priori,correspondre à aucune logique d'évolution, si ce n'est unmodêle cyclique "naturel" augmentation - diminution - augmentation,lui-même inexpliqué.En fait, si le concept de santé peut appara'itre re<strong>la</strong>tivementobjectif (il s'agit, rappleons-le, de <strong>la</strong> santé physique),nous verrons qu'en fonction <strong>des</strong> pério<strong>des</strong>, voire<strong>des</strong> institutions qui l'emploient, il peut revêtir <strong>des</strong>contenus di vers.Un certain nombre de points méritent que l'on s'y arrête,dans <strong>la</strong> mesure oü ils permettent de mieux comprendre cequi contri bue non à <strong>la</strong> création, du moins à 1 'évolution


du concept de santé, évtrlution liée à l'interaction d'unemu1 titude d'éléments : clientèle, équipements, insti tutions,mentalités, etc.Bien que <strong>la</strong> santé physique puisse, a priori, paraftre unélément objectif, il est possible de rechercher et demettre à jour, à traver!; <strong>la</strong> <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> facteurs qui<strong>la</strong> menacent, quels sont les "motifs" réels du signalement,et donc de mieux compretidre les cibles sousjacentes à sonutilisation :Dans les explications qui sont données pour justifier lesignalement, les 'icoupa~les" sont toujours désignés, etsi <strong>la</strong> santé <strong>des</strong> enfants, menacée est en soi une justification,l'on peut, dans <strong>la</strong> recherche du "pourquoi",appréhender <strong>des</strong> glissements riches de significations.Si les mauvaises conditions de vie apparaissent à toutesles époques comme les premières responsaoles <strong>des</strong> dangersmenaçant <strong>la</strong> santé <strong>des</strong> enfants, d'autres causes, moinsneutres et moins objectives, apparaissent également.Ainsi, au début du processus, le père est cité dans 33 %<strong>des</strong> situations où le signalement est justifié par un risquemenaçant <strong>la</strong> santé <strong>des</strong> enfants, du fait de san alcoolisme,de sa violence et de son manque d'intérêt pour safamille, puis, sa responsabilité est de moins en moinsévoquée jusquià <strong>la</strong> période actuelle : 33 % avant 58 ;28 % en 60-62 ; 25 % en 65-67 ; 20 % en 70-72 et O % en75-77.Au contraire, <strong>la</strong> mère qui, au depart, n'est jamais mentionnéecomme mettant en cause <strong>la</strong> santé <strong>des</strong> enfants, l'estde plus en plus : O % avant 58 ; 28 % en 60-62 ; 28 % en65-67 ; 33 % en 70-72 et 50 % en 75-77, du fait, au début,essentiellement de problèmes de ma<strong>la</strong>die mentale et surtoutde carences ménagères.De même, l'on peut observer qu'en 1970-72, les difficultéséconomiques, peu évoquOes jusquialors, sont autant citéesque les mauvaises conditions matérielles de vie commemenaçant <strong>la</strong> santé, alors que, précisément, elle est unepréoccupation re<strong>la</strong>tiveaent importante à cette époque.Ainsi, les préoccupations de santé apparaissent extrèmementdiverses quant à leur contenu.


Deux gran<strong>des</strong> évolutions sont à noter :- d'une part, il y a substitution progressive de facteursexplicatifs d'ordre matériel : mauvaises conditionsmatérielles de vie, mauvais logement, par les facteursd'ordre individuel, c'est-à-dire que 1 'on recherche dansles individus les causes menaçant <strong>la</strong> santé <strong>des</strong> enfants ;- d'autre part, le rôle de <strong>la</strong> mère apparaît de plus enplus in>ortant dans <strong>la</strong> préservation de <strong>la</strong> santé <strong>des</strong>enfants : dans le couple parental, elle devient <strong>la</strong> cibleprivilégiée, et ses carences sont de plus en plus misesen avant, à tel point que l'on peut se demander si, defait, le concept de santé ne devient pas un contenant quipermet d'analyser les comportements maternels.Ce glissement d'une responsabilité paternelle à une responsabilitématernelle, au sein même du concept de santé,apparaTt, de toute évidence, lié à un élément de subjectivité,de mentalité, ainsi qu'à une donnée sociologiqueimbriquée, contituée par le fait que <strong>la</strong> mère a un rôlecroissant dans <strong>la</strong> préservation <strong>des</strong> fonctions fami 1 iales.Le concept santé, tel qu'il est décrit dans son évolution,sert indiscutablement à l'expression de cette "mentalitécollective".L'abandon progressif <strong>des</strong> données d'ordre matériel n'apparaît,en effet, absolument pas lié à une modificationréelle et effective de ces données (mauvaises conditionsde vie, logement, etc.).Le fait qu'à <strong>la</strong> période suivante (70-72), l'on assiste àune augmentation considérable et subite de signalementspour problèmes de santé, en même temps qu'une p<strong>la</strong>ce prépondéranteest donnée, de façon tout aussi subite, à cesmêmes données matérielles et économiques dans l'explication<strong>des</strong> dangers menaçant <strong>la</strong> santé <strong>des</strong> enfants, montrebien que c'est <strong>la</strong> perception <strong>des</strong> situations qui changeet non <strong>la</strong> situation elle-même.L'utilisation importante du concept santé durant <strong>la</strong> période1970-1972 qui, nous le verrons, s'explique surtout pard'arrêt, après mai 68, <strong>des</strong> sibnalements liés à <strong>des</strong> problèmesd'éducation, arrêt qui <strong>la</strong>isse le terrain libre pourl'utilisation d'autres concepts, vient encore renforcercette hypothèse et amène à penser que le concept de santéest d'autant plus utilisé que les mentalités collectiveset/ou institutionnelles peuvent, à certaines pério<strong>des</strong>,lui fournir un contenu cohérent et adéquat.


La nouvelle diminution, durant <strong>la</strong> dernière période étudiée(75-77), de l'utilisation du concept de santé, est donciavantage le signe que les mo<strong>des</strong> d'approche de l'inadaptation,de nouveau davsntage centrés sur <strong>des</strong> comportementsindividuels, fournissent un contenu peu cohérent à ceconcept, plus que le signe d'une réelle diminution <strong>des</strong>dangers menaçant <strong>la</strong> saoté.Le contenu et <strong>la</strong> fréquence d'utillsation du concept <strong>des</strong>anté apparaissent également étroitement liés au type depopu<strong>la</strong>tion en regard duquel il est employé.Grossièrement, l'on peut dire que le concept de santé estpréférentiellement utilisé avec un contenu de type matérielet économique en regard <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions les plusdéfavorisées de l'échantillonnage, et avec un contenu axédavantage sur les comportements individuels pour lesfamilles de niveau socio-économique plus élevé, du moinsjusqu'a <strong>la</strong> dernière période étudlée.Diachroniquement, l'on observe l'évolution suivante :Avant 58, les popu<strong>la</strong>tions touchées par les da;gers menaçant<strong>la</strong> santé sont uniquement du niveau "O.S. et sontpréférentiellement <strong>des</strong> familles italiennes, Seuls étrangersde l'échantillonnage à cette période (10 % pour <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion italienne, 6 % pour <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française).Puis, jusqu'en 1967, alors que <strong>la</strong> fréquence d'apparitiondu concept de santé dininue, il est utilisé en regardd'une popu<strong>la</strong>tion de plus haut niveau socio~conomique :Employé : 38 %En 1965-67 : O.S. : 2,6 %O.P. : 5,6 %<strong>Les</strong> dangers menaçant <strong>la</strong> santé sont proportionnellementplus fréquemment cités en regard <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions <strong>des</strong>niveaux socio économiques les plus élevés, et les contenusde ces dangers y sont recherchés davantage dans lescomportements individuels - surtout maternels - alorsque <strong>la</strong> dimension matérielle et économique reste privilégiée


en regard de <strong>la</strong> catégorie "O.S.".A <strong>la</strong> période suivante (1970-72), l'on observe, en mêmetemps qu'une forte augmentation <strong>des</strong> signalements motivéspar <strong>des</strong> problèmes de santé, que les popu<strong>la</strong>tions touchéespar ces signalements sont alors préférentiellement lesplus défavorisées de I'échantil Tonnage :Ma<strong>la</strong>die : 28,6 %O.S. : 18,2 % (moyenne 16,3 %)O .P. : 13 %.De meme, les popu<strong>la</strong>tions étrangères sont beaucoup plusconcernées que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française :Nord-Africaine : 30 %I ta? i enne : 20 %Française : 16 %,A cette époque, nous avons vu que le concept de "dangermenaçant <strong>la</strong> santé" s'alimentait surtout - outre dans lescarences maternelles - dans les mauvaises conditions devie et les difficultés matériel tes.Ainsi, jusqu'à cette époque, le concept de santé tend,à l'interieur de l'évolution décrite, à s'adapter à <strong>la</strong>nature de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion en regard de <strong>la</strong>quelle i l estutilisé : contenu plus comportemental pour les familles<strong>des</strong> pl us hauts ni veaux socio économiques, et contenumatériel et économique pour celles <strong>des</strong> niveaux les plusbas, pour lesquelles, d'ai lleurs, il est davantage utilisé<strong>la</strong> cohérence entre contenu et contenant (le concept)étant plus grande.A <strong>la</strong> derniere période étudiée, alors que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionsignalée, nous l'avons vu, se rétrécit à une popu<strong>la</strong>tionmassivement sous qualifiée et souvent étrangère, leconcept de santé tend pourtant, paradoxalement, à diminueret à s'alimenter non plus dans <strong>des</strong> données matérielles ouéconomiques, mais dans <strong>la</strong> recherche <strong>des</strong> carences maternelles.<strong>Les</strong> familles concernées sont alors surtout <strong>des</strong> familles<strong>des</strong> niveaux socio économiques les plus élevés, et prèférentiellement françaises :O.S. : 2,70 %O.P. : 25 %.


Ce qu:il est donc surprenant oe constater, c'est que,malgre l'abaissement net du nlveau socio économ~quemoyen de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée, c'est pour les famillesles plus favorisées que T'on parle de problgme <strong>des</strong>anté.En fait, il semble que, pour c.ette dernière période, leconcept de santé, porteur, nous l'avons vu, d'une approche<strong>des</strong> comportements maternels, serve à "amener" à <strong>la</strong>justice, d'une façon re<strong>la</strong>tivement neutre, une popu<strong>la</strong>tionqui tend, dans I'&chantillonnage, à devenir quantitativementmarginale.- Le secteur, principal utilisateurLe concept de santé apparait, en fait, tout au long duprocessus, l'apanage du service social de secteur qui,pour chacune <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> étudiées, l'utilise beaucoupplus qu'en moyenne, comme le montre le tableau ci-<strong>des</strong>sous.t: Avant : : 58 : 60-62 : 65-67 : 70-72 : 75-77 1( Moyenne : 6,6 : 7,s : 4 : 16,5 : 3,s jff( Service social( de secteur: 7,7 : 18,8 : 135 : 25,5 : 10,3 1ti(<strong>Les</strong> écarts sont d'autant plus significatifs que le tauxd%tilisation du concept de santé par le service socialde secteur participe à <strong>la</strong> moyenne générale).Il est frappant de constater que c'est lorsque le servicesocial de secteur signale le plus, c'est-à-dire en 60-62et en 70-72, qu-1 utilise au maximum le concept de santé :en 1970-72, un quart <strong>des</strong> signalements faits par le servicesocial de secteur sont motivGs par ce type de danger.Au contraire, tout en l'utilisant davantage qu'en moyenne,


il.llutilisg moins durant les p-rio<strong>des</strong> où il si nalemoins (et ou le concept de sante est globalemen! moinsutilisé).Il est certain que les préoccupations sanitaires sonttrès présentes pour le service social de secteur quiapparaft là très profondément marqué par les poli tiques<strong>sociales</strong> de l'après-guerre qui ont été à <strong>la</strong> base de sonessor, notamment les politiques de prévention sanitaire(ord. de 45 dur <strong>la</strong> PMI).<strong>Les</strong> préoccupations sanitaires restent donc toujours trèsprésentes et ne demandent qu'à ressurgir lorsque l'environnement"symbolique" le permet.II semble, en effet, que ce soit ni l'équipement, ni<strong>la</strong> nature de <strong>la</strong> clientèle qui détermine l'utilisation duconcept de santé : nous avons vu que si, en 1970-72, 25 %<strong>des</strong> signalements du service social de secteur sont motivéspar <strong>des</strong> problèmes de santé, alors, précisément, quele niveau socio économique <strong>des</strong> familles s'abaisse et quele pourcentage d'étrangers augmente, ce pourcentage n'estplus que de 10 à <strong>la</strong> période suivante où, pourtant, leprocessus de déqualification et d'augmentation du pourcentaged'étrangers dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion sikjnalée continueet s'intensifie.De méme, le taux de mortalité infantile, qui peut êtreindicatif de l'état sanitaire <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions signalées,est plus faible en 70-72 qu'en 65-67, alors que c'est àcette période que l'utilisation du concept de santé est<strong>la</strong> plus importante : en 1965-67, le oourcentage de familleayant eu 1 ou plusieurs enfants décédés était de 14 %et le service social de secteur ne justjfiait que 12,5 %de ses signalements pour <strong>des</strong> problèmes de santé, en 1970-72, alors que le pourcentage de famille ayant connu un ouplusieurs décès tombe à 11 %, <strong>la</strong> santé représente + de25 % de ces mêmes signalements.De méme, ce n'est pas l'évolution de l'équipenient médicaldu secteur qui influe sur <strong>la</strong> détection <strong>des</strong> problèmes <strong>des</strong>anté, ni dans le sens d'une plus grande sensibilisationaux problèmes sani taires (donc d'une augmentation de cessignalements), ni dans le sens opposé, d'une meilleureréponse à ces problèmes (donc d'une diminution <strong>des</strong> signalements).Alors que 1Vquipement médical de secteur était pratiquementconstant de <strong>la</strong> période d'avant 1958 à 1967 (c'est-àdireà peu prPs nul), l'on assiste à d'importantes variationsdu taux d'utilisation du concept de santé.


Et si, en 70-72, le secteur est mieux équipé sur te p<strong>la</strong>nmédica 1 (5 infirmières, une pu&ricul trice, en 1872, dansle département), et si le concept de santé est très utilisé,à <strong>la</strong> période suivante 175-77) il 1 'est beaucoupmoins alors que l'équipement est bien plus important (15infirmières, 24 puéri cul tri ces, en 1975).t'évolution du symbolisme, de ïa subjectivité collectiveparait, par contre, beaucoup plus importante, voiredéterminante : ainsi, en 70-72, période qui voit uneprise en compte brutale et géntIrale <strong>des</strong> données matérielleset économiques, le service social de secteur peututiliser le concept de santé avec facilité, en l'etayantde façon cohérente par ces mémt?s données (au conceptobjectif de santé correspond un contenu objectif).Par contre, en 1975-1977, alors que les préoccupationséconomiques et matériel les tendent à diminuer malgré lescaractéristiques de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, et que l'on assiste àun recentrage sur les carences individuelles, ie conceptde santé est moins utilisé par le service social de secteur,1 'appréciation plus subjective de 1 'inadaptationcorrespondant mal au concept dn santé.- Un concept peu approprié au service spécialiséIl est frappant de constater que le service social de <strong>la</strong>Sauvegarde, bien que constitué, comme ce1 ui du secteur,en grande majorité d*assistantt?s <strong>sociales</strong>, fait beaucoupmoins référence à <strong>la</strong> santé.i: Avant :: 58 : 60-62 : 65-67 : 70-72 : 75-77 \(( Moyenne : 6,6 : 7,3 : 4 : 16,5 : 9,5( 1(j( Service social : 7,7 : 18,8 : 12,5 : 25,5 : 10,3de secteur(( Sauvegarde de : 6 : 7,5 : 1 : 10 : 5( l'Enfance 1if1


Si l'évolution de <strong>la</strong> fréquence d'utilisation du conceptde santé par <strong>la</strong> Sauvegarde de l'Enfance suit t'évolutionglobale, le taux d'utilisation est, on peut le voir, trësdifférent, de même que le contenu qui lui est donné.Au début du processus étudié, <strong>la</strong> Saubegarde de l'Enfance,encore très proche <strong>des</strong> préoccupations du service socialde secteur (il s'agit d'une institution "jeune"), utilisele concept de santé avec une fréquence et un contenupratiquement identiques (mauvaises conditions de vie etde logement).Mais, dès les années 60-62, l'institution se spécialise,se structure et se dote de moyens techniques qui vontaffirmer sa spécificité,Cette spécificité se structure essentiellement autour del'aide psychologique : organisation de consultationsmédico-psychologiques, formation <strong>des</strong> assistantes <strong>sociales</strong>au case-work ..., et va entrafner, dans un premier temps,une modification du contenu du concept de santé, puis,dans un second temps, <strong>la</strong> diminution de son utilisation.Ainsi, en 60-62, si l'utilisation du concept de santé,par <strong>la</strong> Sauvegarde, esr égale à <strong>la</strong> moyenne (yais.déjàmoindre de celle du secteur), le contenu qui lui est donnéest trës diffêrent : alors qu'il est habituellement faitappel à <strong>des</strong> données matérielles et économiques pour 1 'alimenter,<strong>la</strong> Sauvegarde de l'Enfance y voit d'aoord lescarences ménagëres, ëducatives, <strong>la</strong> pauvreté intellectuelleet culturelle de <strong>la</strong> mère.L'approche psychologique du service social de <strong>la</strong> S.E.A.entraîne donc, ici, une modification du contenu du conceptde santé.En 70-72, alors que les signalements pour problème <strong>des</strong>anté représentent 1/4 <strong>des</strong> signalements du service socialde secteur, <strong>la</strong> Sauvegarde de 1 'Enfance fait appel préférentiellementà d'autres concepts (éducation, effectivité)plus adaptés à son approche.Concordant peu avec l'approche psychologique de I'inadaptationqu'est celle de l'institution spécialisée, leconcept de santé est donc tour à tour "adapté" à fa pratiqueinstitutionnelle, puis, peu à peu, abandonné,


Zn résumé :?réoccupation primordiale <strong>des</strong> politiques <strong>sociales</strong> de1 'après-guerr 2, <strong>la</strong> prévention sani taire, <strong>la</strong> santé,apparaît, en fait, une donnée beaucoup moins objectivequ'il n'y paraft.La fréquence avec <strong>la</strong>queïle elle est citée pour justifierles signalements à 1 'aurorité judiciaire, son emploicomme critère d'inadaptiition apparaissent liés beaucoupplus à l'évolution symbolique globale et a <strong>des</strong> facteursinstitutionnels qu'a de!; données objectives qui auraientleurs sources dans <strong>des</strong> préoccupations politiques, <strong>des</strong>données d' équipement, olr beaucoup pl us évidemment, dansles caractéristiques <strong>des</strong> popuf ations.De plus, le concept de santé sert de support à l 'expressionde l'évolution <strong>des</strong> mentalités en regard <strong>des</strong> rôlesparentaux (importance croissante donnée au rôle de <strong>la</strong>mère) et sert donc aussl à atteindre <strong>des</strong> "cibles" privilégiées,L'on peut ainsi se demander si le concept de santé n'estpas d'abord un cadre plus ou moins bien adapté pourexprimer <strong>des</strong> réalités s:~mboliques etlou institutionnellesévolutives, l'adéquation - ou <strong>la</strong> non adéquation - entrecadre et contenu expliquant <strong>la</strong> plus ou moins grande fréquenced'utilisation du concept.


II - B. 2 : LA SECURITE PHYSIQUE


Le concept "sécurité physique" disposait d'une audiencetoute particulière avant 1958 puisque, au tours de cettepériode, on observe que sous cette rubrique se regroupe<strong>la</strong> plupart <strong>des</strong> dangers signalés, representant 41,8 % dei'ensemble <strong>des</strong> dangers détectés par les autorités ou <strong>des</strong>institutions très di verses.<strong>Les</strong> dangers de sécurité physique sont ceux qui, avant <strong>la</strong>période 1958, affectent le plus le développement de l'enfant.Le tableau suivant rend compte de l'évolution de ce typede dangers de 1955 à 1977 à partir du pourcentage moyense constituant pour chaque période considérée.Si, avant 1958, on remarque que ce sont surtout <strong>des</strong> dangersqui intéressent <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> mineurs,qui motivent les signalements (41,8 %), ces dangers paraissent,par <strong>la</strong> suite, en déclin,,puisqu'ils ne repré-


sentent successivement plus que :- 20,8 % <strong>des</strong> origines de signalement en 1960-62 ;- 14,l % <strong>des</strong> origines de signalement en 1965-67 ;- 12,l % <strong>des</strong> origines de signalement en 1970-72.Cette décroissance <strong>des</strong> problèmes re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> sécuritéphysique <strong>des</strong> enfants correspond, d'ailleurs, jusqu'en1967, à une montée <strong>des</strong> problèmes d.ordre éducatif.En 1975-77, les signalements liés à <strong>la</strong> sécurité physique<strong>des</strong> mineurs augmentent de nouveau pour se situer à unpourcentage proche de celui observé au cours <strong>des</strong> années1960-62 (19 % en 75-77 et 20,8 % en 1960-62).C'évolution d'ensemble de cette nature de dangers poseplusieurs questions :- Quels sont les éléments explicatifs re<strong>la</strong>tifs à l'audienceque le concept "sécurité physique connaft lors de tapériode située avant 1958 ?- Quelles sont les données explicatives illustrant <strong>la</strong>décroissance <strong>des</strong> problèmes ayant trait à <strong>la</strong> sécuritéphysique <strong>des</strong> mineurs, de 1960 à 1972 ?- Quels sont les facteurs qui sont à l'origine de <strong>la</strong> recru<strong>des</strong>cence<strong>des</strong> probfèmes de violence parentale sur lesmineurs constatés au cours de <strong>la</strong> période 1975-77 ?Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de chercherà expliciter le contenu meme du concept "sécuritephysique" de maniere à rechercher également si, dans satrajectoire d'évolution, te contenu présente une homogénéitéde ses éléments constitutifs.L'analyse <strong>des</strong> origines de dangers et les contenus de signalementrévèlent que les dangers de sécurité physiquesont, avant tout, liés à <strong>des</strong> inadaptations se référantà <strong>des</strong> comportements observés chez le père. Alcoolisme etviolence sont les inadaptations qui sont les plus citées


lorsque le concept "sécurité physique" apparaît. Des nuancess'observent toutefois au cours <strong>des</strong> différentes pério<strong>des</strong>étudiées : a insi, avant 1958, une importance estdonnée aux aspects d'ordre matériel, notamment aux conditionsmatérielles de vie. Ainsi, <strong>la</strong> sécurité physique del'enfant peut se trouver compromise du fait d'un comportementpaternel inadapté, lié à <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> d'intempéranceet de violence (l'un étant à même parfois d'expliquerl'autre), ou 1 'enfant peut être menacé dans sondevenir physique du fait de mauvaises conditions matériellesde vie liées également à <strong>des</strong> problèmes du typecarences éducatives.Aeartir <strong>des</strong> années 1960-62, le cadre matériel perd <strong>des</strong>on importance, et ce sont essentiellemetît les aspectsliés à <strong>des</strong> données comportementales re<strong>la</strong>tives au pèrequi favorisent l'émergence de ce type de danger : vio-lence, brutalité et alcoolisme notamment.A Rartir de 1975, on observe que le concept'sécuri téphysique apparaît presqu'exclusivement lorsque l'inadaptationfait expressément référence à un comportement deviolence attribué, le plus souvent, également au père defamille.Ainsi ces différentes phases. dévolution nous semblentrépondre aux interrogations posées :- Avant 1958, l'incidence et l'importance <strong>des</strong> aspectsmatériels, ainsi qu'une compréhension comportementaliste,sont éléments organisateurs du concept "sécurité physique',- De 1960 à 1967, si le concept perd de son audience,c'est parce qu'émergent d'autres préoccupations, notammentce1 le re<strong>la</strong>tive aux problèmes éducatifs. Mais c'estaussi parce que l'appréhension du concept sécurité physiques'est modifiée : moindre importance <strong>des</strong> donneesmatérielles, recherche d'explication <strong>des</strong> phénomènes<strong>d'inadaptation</strong> permettant de constituer d'autres champspossibles de dangers pour le mineur.- De 1968 à 1972, les dangers de sécurité physique sonten régression et lorsqu'ils apparaissent, ils sont essentiellementliés à <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> de violence issues ducouple lui-meme. Au cours de cette période, <strong>la</strong> vision estbeaucoup moins comportementaliste, elle prend en considérationd'autres aspects, facteurs <strong>d'inadaptation</strong>, enparticulier l'aspect économique.


- A partir de 1975, le concept "sécurité physique" illustreessentiellement un comportement précis se caractérisantdans <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> de violence ou de brutalité, rc3ëréeschez le père en particulier.Toutefois, les actes de comportements émanant du père nesont pas les seuls éléments constitutifs du concept mêmesi l'on ne peut nier leur prédominance :. le cadre matériel de vie a, nous l'avons vu, une importanceavant 1958 ;<strong>la</strong> mère de famille est rendue responsable <strong>des</strong> dangersdu type "sécurité physique" dans 45 % <strong>des</strong> cas, au cours+es pirio<strong>des</strong> 1960-62, du fait de problèmes d'alcoolisme,de ma<strong>la</strong>die mentale ;. le couple, de 1960 à 1972, <strong>la</strong> responsabilité paternelle apparaTtmoindre, par comparaison aux années situées avant 1958,on remarque qu'au cours de <strong>la</strong> période <strong>la</strong> plus récente cesont les comportements du père qui mettent, préférentiellement,les mineurs en danger de sécurité physique, Onobserve donc au cours <strong>des</strong> années 1975-77, en quelquesorte. une affirmation de <strong>la</strong> responsabilité du père dansles dangers du type "sécurité physique". Cette "personnalisation"existait dëjà au cours de <strong>la</strong> première période etfaisait également, préférentiellement, référence à <strong>la</strong>personne investie socialement du rôle d'autorité.Malgré une phase de 'dépersonnalisation" <strong>des</strong> dangers <strong>des</strong>écuri t" physique l iée à <strong>la</strong> reconnaissance et 1 kffirmation<strong>des</strong> données re<strong>la</strong>tionnelles, notamment prises encompte au niveau du couple, le concept sécurité physiques'organise dans le temps autour de données re<strong>la</strong>tivementconstantes.Le concept ''sécurité physique" intëresse davantage certainespopu<strong>la</strong>tions dont il est possible de profiler lescaractéristiques générales.


Si l'on peut observer au cours <strong>des</strong> différentes phasesd'évolution <strong>des</strong> modifications quant à <strong>la</strong> nature <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tionsaffectées, l'analyse diachronique fait aussiapparagtre certains "mécanismesn d'évolution que nousretrouverons, soit d'une manière globale, soit dans l'étuded'autres concepts (éducation et sécurité affectivenotamment).Ainsi pouvons-nous remarquer que les dangers mettant encause <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> mineurss'observent avecplus d'acuité dans les popu<strong>la</strong>tions étrangères. La popu<strong>la</strong>tionfrançaise est, en effet, moins affectée par cettenature de danger que les diverses popu<strong>la</strong>tions étrangèresrepérées et ce, à quelque période que ce soit sur 1 'ensembleou processus d'évolution pris en compte dans cetteétude. Au sein de <strong>la</strong> popunation française, le pourcentagemoyen de dangers du type sécurité physique" est toujoursinférieur à <strong>la</strong> moyenne globale, ainsi que l'illustre letableau suivant :(#f L'utilisation simultanée de deux modèles de représentationgraphique, bien qu'inhabituelle, nous asemblé mieux rendre compte <strong>des</strong> écarts.


Si l'on observe maintenant chacune <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> considérées,on remarque qu'avant 1958 les signalements re<strong>la</strong>tifsà <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> mineurs intéressent plutôt <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion italienne (53 % contre 40,7 % pour <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionfrançaise). Cette observation reste va<strong>la</strong>ble pour lesannées 1960-62, malgré une décroissance générale de cetype de danger. Pour cette même période, les dangers <strong>des</strong>écurité physique apparaissent également comme une caractéristiquede <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion mixte (prédominance <strong>des</strong> dangersdu type sécurité ~hysique par comparaison aux autrescatégories décrites ; française : 11,9 % - italiens : 16,7 %mixte : 28,6 %).Cette observation s'affermit, d'ailleurs, au cours <strong>des</strong>années 1965-67 puisqu'tiu cours de cette période <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionmixte paraCt davantage affectée par <strong>des</strong> dangersde cette nature (42,9 X de danger du type "sécurité physique"- moyenne globa'e : 14,l %).Au cours <strong>des</strong> deux dern-ères pério<strong>des</strong>, c'est-à-dire au cours<strong>des</strong> années 1970-1977, on constate que les dangers de sécuritéphysique affectant les mineurs se situent essentiellementau sein <strong>des</strong> popo<strong>la</strong>tions portugaises et maghrébines,donc au sein <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions les plus nouvellement immigrées.<strong>Les</strong> observations que l'on peut établir au cours<strong>des</strong> années 1970-72 son': d'ailleurs proches de celles réaliséesau sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion italienne avant 1958,c'est-à-dire lorsque cette popu<strong>la</strong>tion était encore nouvellementimmigrée. <strong>Les</strong> deux tableaux suivants illustrentd'ailleurs <strong>la</strong> répartition <strong>des</strong> pourcentages re<strong>la</strong>tifs auxproblèmes intéressant <strong>la</strong> sécurité physiqu~ <strong>des</strong> mineursau cours <strong>des</strong> années 1970-72, et 1975-77, selon les différentesnationalités.


Selon tes gota onaitlrkaAu cours de cette dernière période (années 1975-77), onremarque que l'augmentation globale <strong>des</strong> problëmes re<strong>la</strong>tifsà <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> mineurs intéressed'abord les popu<strong>la</strong>tions d'origine étrangère, phénomenelié également au fait qu'au sein de ces catégories, lepère de famille est davantage considérë comme gënérateurde danger du fait de ses comportements violents.Si ces dangers de securité physique se signalent plusparticuiièrement au sein <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions étrangëres, leprocessus d'évolution nous revèle que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion italienne,caractérisée, au départ, par l'importance <strong>des</strong>dangers de sécurité physique (violence, mauvais traitementsà enfants), perd, peu à peu, ses caractéristiquespour se rapprocher de celles de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française.Cette modification, au sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion italienne,semble se réaliser au profit d'un report sur les popu<strong>la</strong>tionsnouvellement immigrées en 1970 (maghrébins, portugais)de cette nature de danger.Il semble donc, qu'au départ, une popu<strong>la</strong>tion nouvellementimmigrée soit d'abord affectée par <strong>des</strong> signalementsrepérant préférentiellement <strong>des</strong> dangers suscentiblesd&affecter ia sécurité physique, ou encore <strong>des</strong> dangers dutype santé. Ces popu<strong>la</strong>tions entrent ensuite dans l'évolutionglobale, 1 'éventai 1 <strong>des</strong>~idangers possibles s'é<strong>la</strong>rgit


à d.autres sphères intéressant le développement de l'enfant,ainsi que nous le verrons (éducation et affectivitéen particulier).Le concept "sécurité physique" s'organise donc autour <strong>des</strong>dangers repérés préférentiellement au sein <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tionsétrangeres. Dan.; le temps, un mécanisme apparaStqui se constitue dans un phénomène de report sur lespopu<strong>la</strong>tions nouvellemi~nt immigrées de ce type de danger.L'analyse <strong>des</strong> niveaux socio économiques révèle que d'unemanière générale et cDnstante, selon les diverses pério<strong>des</strong>observées, les daqgers du type "sé~urité physique"affectent principalemont les milieux ouvriers spécialisés.C'est, en effet, au soin de cette catégorie qu'lis sontle plus <strong>la</strong>rgement observés. C'est du reste au sein aecette méme catégorie que se repéraient, pl us intensément,les dangers se référent à <strong>des</strong> problemes de santé.<strong>Les</strong> enfants <strong>des</strong> diverses catégories socio professionnellesprises en compte dans cette étude (ouvriers professionnels,employés, ma<strong>la</strong><strong>des</strong>, invali<strong>des</strong>), sont donc moinsaffectés que ceux <strong>des</strong>)ouvriers spécial isés pour lesdangers de sécurité physique. 11 importe, toutefois, denoter qu'au cours <strong>des</strong> années 1975-77, on observe unemodification repérable au sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion constituéepar les ouvriers professionels. Au cours de cettepériode, en effet, cette catégorie professionnelle estmoins présente dans les procédures d'A.E.M.0. Toutefois,lorsque ces milieux font l'objet d'un signalement, onremarque que les dangers qui affectent les mineurs intéressentleur sécurité physique.En 1975, au sein de Ta c<strong>la</strong>sse <strong>des</strong> ouvriers professionnels,<strong>la</strong> protection physique <strong>des</strong> enfants prend le pas sur l'arbitrage<strong>des</strong> conflits familiaux, ou sur <strong>la</strong> résolution <strong>des</strong>difficultés d'ordre éducatif.En règle générale, nous pouvons donc dire que ce sontles niveaux socio économiques les plus bas qui sont leplus affectés par <strong>des</strong> difficultés intéressant <strong>la</strong> sécuritéphysique <strong>des</strong> enfants, comme leur santé d'ailleurs,difficultés liées à l'observation de comportementsviolents et fréquemment alcoolique du père de famille,ou encore à <strong>des</strong> difficultés matérielles de vie,Cette dernière constatation explique sans doute pourpartie le fait que les dangers liés à <strong>la</strong> sécurité physique


<strong>des</strong> mineurs tendent à s'observer plus intensément ausein <strong>des</strong> familles "nombreuses", qu'ils augmententdonc conjointement avec le nombre d'enfants et ce, de1955 à 1972. Cette donnée se modifie au cours <strong>des</strong> années1975-77, <strong>la</strong> sécurité physique étant alors mentionnée ausein <strong>des</strong> familles comportent, en moyenne, de 2 ou 3enfants.Hormis cette dernière période qui révèle également unemodification naissante,les aspects d'ordre sanitaireou de sécurité physique recouvrent davantage d'audienceau sein <strong>des</strong> familles nombreuses.Une dernière remarque complétera l'analyse <strong>des</strong> catégoriesfamiliales concernées par les dangers de sécuritéphysique : <strong>la</strong> stabilité du milieu familial, notammentcelle ayant trait au couple familial, apparaît égalementune condition nécessaire pour que puissent émerger lesproblèmes liés à <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> mineurs. Onobserve, en effet, que le nombre de modifications ducouple parental, lorsqu'il est moindre, s'accompagned'une importance plus accrue <strong>des</strong> problèmes de sécuritéphysique, ou encore de santé. C'est donc dans les milieuxfamiliaux, qui n'ont pas enregistré de perturbations,que 1 'observation de cette nature de danger est<strong>la</strong> plus conséquente.Avant 1958, les courants politiques qui s'observent,visent surtout à organiser une prévention médico-sociale.La guerre de 191s-45, devait, du fait de ses conséquences,donner imyul


<strong>Les</strong>siflnalercnts qui le mettent en cause paraissentre<strong>la</strong>tivement stéréot,ypés quelles qu'en soient les origines:..." Le père est alco3lique et brutalise sa femme" -signalement anonyme de 1957.Avant 1958, c'est <strong>la</strong> communauté sociale qui semble vouloirassurer <strong>la</strong> fonction de détection <strong>des</strong> inadaptations lorsqu'ellesaffectent 13 sécurité physique <strong>des</strong> enfants. <strong>Les</strong>signalements révèlent ces dangers possibles sont doncpréférentiellement cités par le maire du vil<strong>la</strong>ge, le voisinage.Ils peuvent être effectués sous une forme anonymemais dans tous les c3s, on observe qu'ils dénoncentessentiellement <strong>des</strong> romportements parentaux : alcoolismeet/ou violence du père, brutalité de <strong>la</strong> mère sur sesenfants. Durant cette période et jusqu'en 1962, ils émanentparfois <strong>des</strong> mineurs eux-mrîles se p<strong>la</strong>ignant auprès del'autorité judiciaire de <strong>la</strong> brutalité du père à leurégard, mais aussi du désintérét que manifeste parfois <strong>la</strong>mère à l'égard de sa famille.Bien que <strong>la</strong> prise en compte de ce type de problemes seretrouve dans les pr8occupations <strong>des</strong> assistantes <strong>sociales</strong>polyvalentes de secteur, avant 1958, ce n'est seulementque de 1960 à 1967. que cet intérêt se manifeste et s'exprimedavantage. A cdté de préoccupations di verses et,vraisemb<strong>la</strong>blement sous l'impulsion <strong>des</strong> textes nouveaux(ordonnance du 23 décembre 1958 et décret du 7 janvier1959), le service social de secteur, bien que encore malorganisé, porte a10r.j une attention toute particulièreaux dangers susceptibles de mettre en cause <strong>la</strong> sécuritéphysique <strong>des</strong> mineurs.A partir <strong>des</strong> années 1970, et jusqu'à nos jours, bien queT'attention du secteur ne se soit pas soustraite de cespréoccupations, on observe néanmoins que son intérêt sefocalise sensiblement moins sur ces aspects parce qu'iltrouve a côté de lui, dans l'organisation de l'équipementsocial local, d'autrizs institutions re<strong>la</strong>is particulièrementaxées sur ce type de danger. Il s'agit, en particulier,<strong>des</strong> milieux hospitaliers dont les signalements concernentmassivement 'les problèmes mettant en cause <strong>la</strong>sécurité physique <strong>des</strong> mineurs en raison notamment de mauvaistraitements. Ceci explique également le fait que cessignalements apparaissent moins s'illustrer dans <strong>des</strong>éléments explicatifs aprës les années 70-72. Le milieuhospitalier effectue, en effet, davantage un constat lié


à un bi<strong>la</strong>n de santé, mais recherche moins d'explicationsde type psycho-social .Le processus d'évolution du concept 'sécurité physique"conduit donc à plusieurs remarques. <strong>Les</strong> dangers susceptiblesd'affecter <strong>la</strong> sécurité et le devenir physique det'enfant sont d'abord essentiellement repérés dansl'environnement social de <strong>la</strong> famille avant 1958. <strong>Les</strong>parents (le père, notamment), par <strong>des</strong> conduites non conformesà l'image sociale de l'époque, sont jugés mettreen danger leurs enfants parce qu'ils n'assument pas va<strong>la</strong>blement<strong>la</strong> préservation de <strong>la</strong> famille à travers <strong>des</strong> aspectsmatériels. A partir <strong>des</strong> années 1960-62, le servicesocial de secteur reprend, à son compte, ces préoccupations,tout en s'ouvrant à d'autres aspects intéressantd'autres sphères du développement de l'enfant.<strong>Les</strong> explications qu'il fournit sont de type psycho-social.Enfin, on observe actuellement que l'augmentation <strong>des</strong>dangers re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> mineursémanent d'actes de violence décelés chez le père ou <strong>la</strong>mère de famille par diverses instances <strong>sociales</strong> ou rangpremier <strong>des</strong>quels figure le milieu hospitalier. Ce faitexplique <strong>la</strong> coloration médicale qui recouvre actuellementce concept.A <strong>la</strong> diffErence <strong>des</strong> diverses institutions <strong>sociales</strong> prenanten considération les aspects de sécurité physique del'enfant, le service social de <strong>la</strong> S.E.A. utilise peu ceconcept qui ne correspond pas aux schémas d'appréhensionde l'inadaptation sur lesquels l'institution fonctionne.Ce constat conduit donc à dire que 1 'institution spécialiséeapplique une autre realité, une autre analyse auxsituations révélées comme mettant en danger l'enfant dansson devenir physique. Le tableau suivant fait apparaT tre<strong>la</strong> moyenne d'utilisation du concept par le service socialde <strong>la</strong> S.E.A., par comparaison à <strong>la</strong> moyenne globale.


Nous remarquons que depuis les années situées avant1958, les dangers de sécurité physique apparaissent demoins en moins fréquemment.La fréquence d'utilisation de ce concept est de plus enplus faible et l'on n'observe pas au sein de I'institution<strong>la</strong> recru<strong>des</strong>cence <strong>des</strong> problèmes liés à <strong>la</strong> sécuritéphysique <strong>des</strong> mineurs mise à jour au cours <strong>des</strong> années1975-77.Deux interrogations nous semblent devoir se poser à partirde ces constatations :- <strong>Les</strong> situations illustrant un danger de sécurité physiqueoour le mineur sont-elles imputables aux inadaptationsdécrites en amont par les instances détectrices du terrait?- L'écart de perception apparaissant entre les différentesinstitutions détectant les dangers de sécuritéphysique et le secteur social de <strong>la</strong> S.E.A., <strong>la</strong>isse àpenser qu'une même situation peut, selon les institutions,faire l'objet d'une appréciation differente. Qu'en est-ilde ces différences de perception ?<strong>Les</strong> observations que nous avions précédemment réalisées


~,n danger de sécurité physique. Ces dangers apparaissent,en effet, liés, pour 1 'essentiel, à <strong>des</strong> comportements deviolence ou d'alcoolisme de <strong>la</strong> part du père. S'il apparaStcomme premier responsable de ces dangers, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>diementale de <strong>la</strong> mère de famille, sa pauvreté culturelle etintellectuelle peuvent, également, créer <strong>des</strong> conditionsfavorables â l'apparition de ce type de danger, lesenfants étant alors menacés ou exposés dans leur intégritéphysique.Néanmoins, l'appréhension par l'institution spécialisée<strong>des</strong> dangers révéles comme étant de type sécurité physique,fait apparaître plusieurs données indicatives du fonctionnementde l'institution elle-même,On observe, en effet, que jusqule.n


que. Remarquons, nèanmoins, que c'est lorsque les signalementsintéressant <strong>la</strong> sgcurité physique <strong>des</strong> enfantssont les moins nombreux (P2,1 %, en 1970-72) que I'analyseopérée par le S.E.A. converge le plus avec celle issue<strong>des</strong> institutions détectrices.En 1970-72, les 12 %de dangers du type "sécurité physi-que" sont, en effet, pour le service social de <strong>la</strong> S.E.A. :- pour 36 % <strong>des</strong> dangers affectant également <strong>la</strong> sécuritéphysique <strong>des</strong> mineurs ;- pour 18 % <strong>des</strong> dangers de sant6 ;- pour 27 Z <strong>des</strong> dangers de nature sécurité affective ;- pour 18 % <strong>des</strong> dangers de type éducatif.


En résumé :<strong>Les</strong> trois phases d'évolution du concept" sécurité physique"nous semblent répondre à <strong>des</strong> préoccupations diversesex?stant au sein <strong>des</strong> institutions-détectrices du terrain.L'importance que recouvre ce concept avant les annees1958 puisque sont regroupés, en fait, sous ce vocable,<strong>la</strong> plus grande part <strong>des</strong> signalements, est liée à <strong>des</strong>préoccupations <strong>sociales</strong> très axées sur le développementphysique de l'enfant. Cet aspec: est à resituerdans le courant politique "nataliste de l'@poquecherchant à préserver, par une politique de préventionsani taire et sociale, <strong>la</strong> recru<strong>des</strong>cence d'une natalitédont le pays a besoin au lendemain de <strong>la</strong> grande guerre.Cet aspect parait dominant même si, avant 1958, leconcept sécurité physique est plus intensément appliquéaux famll les italiennes, d'immigration récente.A partir <strong>des</strong> années 1960 et jusqu'en 1970 environ, leconcept "sécurité physique" perd de son importance etse trouve appliqué et utilisé le plus fréquemment dansl'analyse portant sur les familles Btrangëres, donc ausein de milieux où se posent, très souvent, dans lescontacts entre partenaires sociaux et familles, <strong>des</strong>problèmes de <strong>la</strong>ngage et de compréhension.Au cours de ces mêmes années (1960-701, <strong>la</strong> percée dudiscours psychologique tend à favoriser une recherchede causalité de <strong>la</strong> part du travailleur social. Cettedémarche a pour effet de minimiser l'intérêt <strong>des</strong> probtèmesde type "sécuritti physique'' que l 'on expliquealors par alcoolisme, ma<strong>la</strong>die mentale, instabilitéprofessionnelle, etc. L'apparition de nouvelles préoccupationsfavorise, et est favorisée, par ce <strong>la</strong>ngagenouveau auquel d'autres concepts correspondent mieux{éducatif,.. .).Enfin, <strong>la</strong> troisiëme explication, re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> recru<strong>des</strong>cence<strong>des</strong> problèmes de sécurité physique, au cours<strong>des</strong> années 1975-77, nous semble devoir être liée aucourant de spécialisation <strong>des</strong> institutions et au r6ledévolu en ce domaine au milieu hospitalier, de mêmequ'à 1 'intérët que manifeste le pouvoir médical, enparticulier, pour les dangers affectant <strong>la</strong> sécuritéphysique <strong>des</strong> mineurs : sévices, mauvais traitements . .


Face à cette évolution générale on peut se demanderpourquoi le service social spécialisé traduit <strong>des</strong> préoccupationsdifférentes.Une <strong>des</strong> explications nous semble devoir se constituerdans l'analyse de <strong>la</strong> finalit8 que se donne l'institution.Au regard <strong>des</strong> quelques observations que nous pouvonsréaliser jusqu'alors, en ce domaine, on remarque quel'institution spécialisée présente une cohérence plusgrande dans son discours, ses analyses. Une méme situationsociale peut danc, selon les instances institutionnelleset <strong>la</strong> fonction qu'elfes s'assignent, recevoir <strong>des</strong>appréciations, <strong>des</strong> analyses différentes, voire opposées.L'enfant et te danger qu'if encourt est apprêhendé àtravers ce schéma ; l'éventail <strong>des</strong> dangers possibles apparaft,de ce fait, comme différent. En ce domaine, constatons,pour l'instant, que 7e service social specialiséprivilégie, de 1958 à 1961, les aspects éducatifs et, àpartir <strong>des</strong> années 1970, parte davantage son intérêt surle devenir affectif de 1 enfant. Ce constat s'illustreà partir de l'analyse qu'opsre le service social spécialisé<strong>des</strong> situations signalées comme mettant le mineur endanger de sécurité physiq~e.


I I - B . 3 : k . A M O R A L I T E


Sur l'ensemble du processus d'evolution, le concept"morali tén ne représente, en moyenne, que 8,78 % de 1 'ensemble<strong>des</strong> dangers signalés. Son importance est doncquantitativement peu conséquente comparativement auxautres concepts pris en considération pour cette étude.Malgré cette importance re<strong>la</strong>tive, i 1 convient d'abserver<strong>la</strong> nature de l 'évolution <strong>des</strong> dangers répertoriéssous cette rubrique ; les données qui apparaissent contribuent,en effet, à confirmer, ou infirmer, ceptaSnesobservations réalisées dans d'autres champs conceptuels.t'importance que les institutions, détectrices de l'inadaptation,attachent aux problèmes re<strong>la</strong>tifs a <strong>la</strong> moralitéapparaît dans le tableau suivant et fournit une premièreindication sur 1 'évot ution <strong>des</strong> dangers de moralité selonles pério<strong>des</strong> considc2rées.On observe, en effet, schématiquement, trois pério<strong>des</strong> aucours <strong>des</strong>quelles une évolution sonsible se <strong>des</strong>sine :- De 1955 à 1967, les dangers re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> moralitéreprésentent environ de 9 à 14 1 de l'ensemble <strong>des</strong> dangeFsrépertoriés dans les signalements. Durant ces annéeset malgré un declin de ce type de danger apparaissantau cours <strong>des</strong> années 1960-62, on peut remarquer quece concept résiste puisqu'en 1965-67, son audience augmentesensiblement, d'ailleurs, au cours de cette derniêre période.


- De 1970 à 1972, les dangers sinnalés sous <strong>la</strong> rubrique"mora I 1 te" ont quasjment disparu pui squ' i 1 s ne représententplus que 1,l % de l'ensemble <strong>des</strong> dangers re<strong>la</strong>tifsà cette période.- De 1975 à 1977, les dangers de moralité ressurgissentde maniere sens~ble pour représenter jusqu'à 6 % del'ensemble <strong>des</strong> dangers pris en considération au coursde ces annses.L1@vo1ution de ce concept est donc essentiellement marquépar un phénomène de rupture qui apparaît nettement aucours <strong>des</strong> années 1970-72. 11 faut remarquer. d'ailleurs,que ce phénomène est de courte durée puisque dés lesannées 1975 le retour <strong>des</strong> dangers re<strong>la</strong>tifs à <strong>des</strong> problèmesde moralité se <strong>des</strong>sine très nettement sans toutefoisatteindre, quanti tativenlent, 1 a méme importance que précédemment.Par comparaison aux autt.es concepts décrits préa<strong>la</strong>blement,le concept moralité est inversement proportionne1 auconcept santé, notamment essentiellement de 1955 à 1972.Durant ces années, on observe donc que les dangers de santésont moindre et inversement.Le rale et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce que joue <strong>la</strong> mère de Famille dans lerepérage de ces deux naxres de danger, nous semble devoirfournir une explication à cette observation. Eneffet, de msme que le rtjle de <strong>la</strong> mère dans le repérage<strong>des</strong> problemes de santé .intéressant les enfants s'affirmenettement surtout à par':ir das années 1960-62, de memeles dangers de moralité lui sont imputés préférentiellementlorsque les dangers re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> santé sont demoindre importance.Sur l'ensemble <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> couvrant les années 1955 à1977, le danger moral eît presque toujours exclusivementlimité à <strong>des</strong> probl~?mes de moralité au sens étroitdu terme, c'est-à-dire dénonçant <strong>des</strong> atti tu<strong>des</strong> d'inconduite.Avant 1958, les signale~nents dénoncent surtout <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong>traduites en terme d'immoralité ou de prostitutionchez les mineurs adoleszentes de 17 à 20 ans. Elfesreprésentent environ 53 % de l'ensemble <strong>des</strong> dangers de


moralité re<strong>la</strong>tifs à cette période, <strong>la</strong> mère étant citéecomme responsable de ce danger dans 38 % <strong>des</strong> cas, lepère dans 15 %.Au cours <strong>des</strong> années 1960-62, le danger moral s'illustresurtout du fait d'attitu<strong>des</strong> de <strong>la</strong> mère de famille, dontl'immoralité est traduite comme origine ou cause d'undanger pour les mineurs. Ces derniers sont toutefoiscités dans 44 % <strong>des</strong> cas comme en danger moral du faitde comportements qui leur incombent et qui recouvrent,en fait, <strong>des</strong> situations très diverses : immoralité,prosuitution, mais Pgalement "re<strong>la</strong>tions avec l'autresexe , c'est-à-dire problème liés à <strong>la</strong> fréquentationd'un autre jeune. Sont attribués au père 10 % <strong>des</strong> originesde dangers d'ordre moral.Durant les années 1965-67, les problèmes de moralité sonten augmentation comparativement à <strong>la</strong> période précédente.Il s'agit principalement de l'immoralité de <strong>la</strong> mère(46 %), mais également à un degré moindre de celle dupère (23 %), et <strong>des</strong> jeunes (38 %). Lorsque <strong>la</strong> conduitede ces derniers est mise en cause, le danger moralrecouvre autant les problemes de prostitution que lessimples "re<strong>la</strong>tions avec l'autre sexe", voire <strong>des</strong> fugues.Si au cours <strong>des</strong> années 1970-72, le danger moral n'estpratiquement plus évoqué (1 % <strong>des</strong> situations), il réapparaîten 1975-77 et, s'il est alors peu associé à <strong>des</strong>comportements se référant au père, il l'est par contre,de manière sensiblement @gale, pour <strong>des</strong> motifs imputablesà <strong>la</strong> mère, au couple, ou au mineur. Ce qu'il faut noterc'est que, lorsque ce danger s'illustre par un comportementinteréssant le mineur ce n'est plus en raison de"re<strong>la</strong>tion avec l'autre sexe". Un fait nouveau apparaftau cours de cette dernière période indication d'unenouvelle tendance. Dans un tiers <strong>des</strong> situations indentifi<strong>Les</strong>comme présentant un danger de moralité pour lesmineurs, le motif en est attribué au couple du fait decarences éducatives.Ainsi, il faut attendre les années 1975-77 pour voirapparattre <strong>la</strong> <strong>notion</strong> de danger moral associé à un problèmeglobal d'éducation donné aux enfants par le couple.Ce fait illustre <strong>la</strong> résurgence de cette nature de dangersquasiment disparue en 1970-72, qui se reconstitue doncsur <strong>des</strong> modalités qui, sont à <strong>la</strong> fois indentiques à cellesobservées précédemment, et différentes en ce sens que leconcept moralité se constitue également à partir d'undéficit repèré dans l'éducation que diffuse le couple àt 'enfant.


Globalement, c'est donc surtout <strong>la</strong> conduite de <strong>la</strong> mèrede famille qui est susceptible d'entraîner un dangermoral pour les enfants, à moins que ceux-ci ne soientconsidérés comme tels du fait de leurs propres attitu<strong>des</strong> decomportements, Il faut enfin remarquer que jusqu'en1967, le fait pour un mineur de rechercher <strong>la</strong> fréquentationd'un jeune de sexe différent est interprété deplus en plus comme un danger moral. Cette donnée setransforme et n'apparaft plus, à partir <strong>des</strong> années 1970.En ce domaine, nous observons également l'impact d'uneévolution sociale apparaissant à partir <strong>des</strong> années 1968-70.<strong>Les</strong> dangers d'ordre more1 s'observent préférentiellementau sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française. En effet, de 1955 à1975, à chaque periode tonsidérée, au sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionfrançaise apparaît un pourcentage de problëmes demoralité chaque fois sensiblement supérieur à <strong>la</strong> moyennegénérale. Ce trait caractéristique est constant. Il fautnéanmoins remarquer que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion mixte est plusconcernée par ces problemes au cours <strong>des</strong> annees 1960-67.<strong>Les</strong> pourcentages sont donc, au sein de cette popu<strong>la</strong>tion,çupérieurs tant à <strong>la</strong> moyenne qu'aux pourcentages enregistréspour <strong>des</strong> familles de nationalité française.Une troisieme observation concernant l'étude <strong>des</strong> nationalitésmérite d'être relevee. El le intéresse <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tiond'origine maghrébine qui, au cours <strong>des</strong> années 1975-77,est <strong>la</strong> plus signalée pour <strong>des</strong> problèmes de moralité.Ces différentes observa.:ions nous semblent organiserl'esquisse d'une tendance se révé<strong>la</strong>nt dans le processusd'évolution. A l'origine, les dangers de moralité s'observentau sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française qui estdavantage confrontée que les autres popu<strong>la</strong>tions aux va-'leurs morales très pugndntes. L'importance aes problêmesde moralité persiste juçqu'en 1967 parce que le dangermoral illustre également, au sein de cette même popu<strong>la</strong>tion, <strong>la</strong> montée <strong>des</strong> problèmes éducatifs qui se repèrentégalement avec plus d'acuité au sein <strong>des</strong> familles françaises.A partir <strong>des</strong> années 1960, et jusqu'en 1967, c'est sur <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion mixte que se reportent les signalements attestantd'un danger de mor8pllté pour l'enfant, Cette popu<strong>la</strong>tionapparaît comme intermédiaire entre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionfrançaise et les popu<strong>la</strong>tions d'origine étrangère. Cefait favorise un dép<strong>la</strong>cement <strong>des</strong> valeurs de confrontationsur cette popu<strong>la</strong>tion. €?fin, en 1975-77, ce sont surtout


<strong>des</strong> familles et <strong>des</strong> femmes d'origine maghrébine qui sontconfrontées aux problèmes de moralité. L'explication nousest fournie par l'étude <strong>des</strong> inadaptations repérées durantcette période au sein de ce milieu, <strong>Les</strong> familles maghrébinessont, en effet, révélées socialement pour <strong>des</strong> problèmeséducatifs apparaissant sous une dynamique conflictuelleopposant les enfants, les adolescents notamment, aleur père ou encore l'épouse maghrébine a son mari. Cephénomène traduit, à notre sens, <strong>des</strong> comportements et undésir d'émancipation de <strong>la</strong> femme d'origine maghrébinerepris et interprété par l'agent social, en terme de dangermoral sous forme de carences éducatives.t'analyse <strong>des</strong> niveaux socio-économiques nous révèle quesur <strong>la</strong> durée totale du processus pris en compte, danscette étude, ce sont, au sein <strong>des</strong> milieux de catégoried'ouvriers professionnels que se repèrent le plus fréquemmentles dangers de moralité. La c<strong>la</strong>sse <strong>des</strong> ouvriersprofessionnels est, en effet, plus marquée par ce typede problèmes que <strong>la</strong> moyenne re<strong>la</strong>tlve à l'ensemble <strong>des</strong>catégories socio professionnelles, ou que <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse <strong>des</strong>ouvriers spécialisés.Cette tendance est constante d'une période 8 l'autre.Il faut, toutefois, noter que 1 'écart est maximal aucours <strong>des</strong> années 1965-67. Durant ces années, <strong>la</strong> catégorie<strong>des</strong> ouvriers professionnels se trouve beaucoupplus concernée par les dangers de moralité. Ce phénomènes'explique par le fait que ce sont les pères de cettecatégorie professionnelle qui signalent, à liautorritéjudiciaire, les dangers de moralité qu'encourent leursenfants, les adolescents notamment.


Pourcrntay de ORn9cK da dorcrle P~rcr*tt,~cde Q&w$4rS de fl or&\ ici$+;k dc <strong>la</strong>. cl asc dos O.S.au gin da \ b. cIe9sC <strong>des</strong> 0-p.L'étude <strong>des</strong> catégories fiimiliales révèlent également queles problèmes de moraliti? apparaissent avec une fréquencebeaucoup plus impc~rtante au sein <strong>des</strong> familles peunombreuses, c'est-àdire, comportant, en moyenne, unnombre d'enfants peu élevés de 1 à 3 enfants, selon lespério<strong>des</strong> considérées. Ce phénomène est également constant,donc appara'it comme caractéristique du concept"moralité".Qu'il s'agisse de comportements "immoraux" imputablesà <strong>la</strong> mère ou aux mineurs, cette mème observation subsiste :les comportements illustrant un danger de moralité sontd'autant moins signalés quand le nombre d'enfants augmenteau sein d'un milieu familial. Un nombre moyen d'enfantsinférieur ou égal à 3 dans une famille favorise, de <strong>la</strong>part <strong>des</strong> instances <strong>sociales</strong> détectant 1 'inadaptation unecentration sur les comportements individuels.


L'étude <strong>des</strong> caractéristiques, re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionsignalée, illustrant le concept moralité", permet <strong>la</strong> misea jour <strong>des</strong> éléments suivants :- <strong>Les</strong> dangers de moralitë s'observent préférentiellementau sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française. Dans le temps, cephénomène s'estompe et se reporte sur les familles d'originemaghrébine. Ce dëp<strong>la</strong>cemeht s'opère par l'intermédiaire<strong>des</strong> familles d'origine mixte qui, au cours <strong>des</strong>années 1960-67, sont le plus concernés par ce type deproblème.- Ils intéressent plus particulièrement <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>des</strong>ouvriers professionnels, Ce phénomène prend davantaged'ampleur au cours <strong>des</strong> années 1965-67, favorisé par <strong>la</strong>montée <strong>des</strong> problèmes éducatifs.- <strong>Les</strong> dangers de moralitë se répgrent davantage au sein<strong>des</strong> familles peu nombreuses. Au sein de ces milieux,l'interprétation <strong>des</strong> comportements individuels recouvreplus d'importance.Jusqu'aux années 1962, voire jusqu'en 1967, le dangermoral se révèle associé aux problêmes de sexualité.Manifester se sexualité en recevant un ami, sortir tardle soir, c'est-à-dire s'exposer sexuellement, ou encoreavouer avoir eu <strong>des</strong> rapports sexuels, c'est faillir auxexigences morales, manquer de dignité, donc être désavoueau niveau éducatif si l'on est investi d'une responsabi-lité àl'égard d'enfants. <strong>Les</strong> signalements établissantun danger moral paraissent très stéréotypés avant 1958,ainsi que le révèlent les exemples suivants émanantd'institutions diverses :". .. <strong>Les</strong> enfants sont en danger moral du fait de l'inconduitede <strong>la</strong> mëre ..." - services sociaux de secteur -1955."... <strong>Les</strong> enfants X sont en dan er du fait de l'alcoolismedu pere et de I ' inconduite de ?a mère.. . - vol sinage -1957.A partlr <strong>des</strong> années 1960-62,<strong>la</strong> montée <strong>des</strong> problèmes éducatifset l'extension <strong>des</strong> conflits entre mineurs et parentss'exprime également à partir de problèmes re<strong>la</strong>tifs


à <strong>la</strong> sexualité <strong>des</strong> mineures, adolescentes notamment,ainsi qu'en témoignent les exemples suivants :".. . Ma fille (15 ans) sort tard le soir et a eu <strong>des</strong>rapports sexuels.. ." - përe de famille - 1961.<strong>Les</strong> filles atnées de <strong>la</strong> famille courent les garçonsO . . .et créent le scandale dans le vil<strong>la</strong>ge. .." - instituteur -année 1960."... F (15 ans) buvait seule dans un café à 10 heures dusoir, et al<strong>la</strong>it souvent seule au cinéma. Elle a avouéavoir eu <strong>des</strong> rapports sexuels avec certains garçons ..."Gendarmerie - 1961.Le danger de moralité est donc révélé par <strong>des</strong> institutionsdiverses, sous 1 'effet de diverses circonstances. Eneffet, le fait que les parents dénoncent entre 1960 et 67<strong>des</strong> comportements jugés immoraux chez leurs enfants, s'explique,nous l'avons souligné, par l'accentuation d'unesituation conflictuel le que 1 'analyse du concept éducatifpermettra de mieux illustrer. Ceci mis à part, deux institutionsrévèlent essentiellement les problémes d'ordremoraux, ce sont les services sociaux de secteur et lesservices de police - gendarmerie - parquet. <strong>Les</strong> deuxgraphiques suivants i 11 ustrent 1 'importance que chacunede ces institutions attachent à ce concept dans le temps.-D paraiscmahyts AP ncrabté de tacth3 9 -&ngers dr rl~~~t;tLp?,. AIS Sr4 ces Scci sur de Scctebrdeitut4$-par bs Sedices he ?elt-ce- T~srireA. \ & FO enne . Comparaira> 2 La wy-ne.Y- A


Par comparaison au pourcentage moyen, nous remarquonsdonc que ces deux types d'institutions tendent à utiliserle concept "moralité" plus fortement que <strong>la</strong> moyenne<strong>des</strong> institutions détectrices de 1 'inadaptation.Ceci revient donc à dire que les services sociaux <strong>des</strong>ecteur et les services de police - gendarmerie, oules services de justice, sont plus attentifs au danger demoralité.Au niveau <strong>des</strong> services sociaux de secteur, 1 'uti 1 isationdu concept de moralité est de moins en moins important.Cette rupture apparaît nettement après 1958. A partir <strong>des</strong>années 1960-62, les services sociaux de secteur, tout endénonçant les problèmes de moralité, tendent donc à attacherune importance sensiblement moindre à ces problèmesparce que l'attention de ce type d'institutions se reportesur d'autres natures de danger. Néanmoins, <strong>la</strong> physionomied'ensemble correspond à l'évolution générale duconcept, et l'on observe donc, en retour, <strong>des</strong> problèmesre<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> moralité au cours <strong>des</strong> années 1975-77.<strong>Les</strong> services de police - gendarmerie - justice, utilisentégalement ce concept plus que <strong>la</strong> moyenne <strong>des</strong> institutionshormis au cours de deux pério<strong>des</strong> recouvrant les années1960-62 et 1975-77. Au sein de ces institutions, l'apogée<strong>des</strong> problèmes éducatifs. Il importe, néanmoins, de noter quece ne sont pas les signalements qui portent sur les mineursqui induisent ce phénomène, mais <strong>des</strong> signalementsrévé<strong>la</strong>nt <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> d'immoralité attribuées, pourl'essentiel, aux mères de famille.Sur l'ensemble du processus, les services de police -justice attribuent le même contenu au concept "moralité".Ce fait explique qu'au cours <strong>des</strong> annêes 1975-77, cesinstitutions ne prennent plus en compte ce type de danger.Ceci explique, également, que ce sont les services sociauxde secteur les principaux détecteurs de dangersmoraux.Nous avons soulignë, en effet, <strong>la</strong> modification qui apparassaitau cours <strong>des</strong> années 1975-77 dans <strong>la</strong> significationattribuée à ce concept, qui prenait en considération,sous cette terminologie, <strong>des</strong> problèmes de carenceséducatives. L'augmentation de cette nature de danger, aucours de <strong>la</strong> dernière période, et <strong>la</strong> modification quant aucontenu du concept, s'explique donc aussi par le fait quece sont les services sociaux de secteur qui attribuentégalement une valeur éducative au concept -moralitén.


Le graphique suivant représente le pourcentage moyend'utilisation du concept moralité par l'institutionspécialisée, covparativement à <strong>la</strong> moyenne généraled'utilisation de ce concept par les institutions détectricesdu terrain.le concept "moralité" n'apparaît pas très approprié audiscours que tient le service social spécialisé sur lessituations qui émanent de diverses institutions, jouantle rôle d'antennes dëteccrices de 1 'inadaptation.Ce fait est surtout sens.ble à partir <strong>des</strong> années 1960-62et 1 '&vol ution confirme que 1 'utilisation du concept"moralité" disparaqtra pt-oqressivement jusqu'en 1975-77.Ce phénomène n'indique pas que les dangers de moralitén'existent plus au cours <strong>des</strong> années 1975-77. Ceci signifieque les dangers qui sont appréhendés par le service socialspécialisé recouvrent une autre appréciation notammentpour ce qui concerne ses effets potentiels sur l'enfant.


Néanmoins, avant 1958, c'est-à-dire, à une période oùle service social sp8cialisé avait pour fonction essentielle<strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce éducative, on remarque que lesdangers de moralite illustrent une réalité que le servicesocial reconnaît. Entre les différents typesd'institutions, 1 'écart d'appréciation est d'ai 1 leurstrès minime. L'analyse et <strong>la</strong> <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> inadaptationsrecouvrent <strong>des</strong> comportements paternels ou maternels,tels que : alcoolisme, immoralité, prostitution,mauvaises conditions matérielles de vie,. . .Au sein de l'institution spécialisée, le danger s'accompagned'un discours qui, au cours <strong>des</strong> années situéesavant 1958, s'organise autour de valeurs morales, tellesque fidélité et attachement. La femme se signa<strong>la</strong>nt pour<strong>des</strong> conduites jugées immorales est donc également miseen cause dans ses sentiments d'attachement à l'égard <strong>des</strong>es enfants. Au cours <strong>des</strong> années suivantes, le contenude ce concept se modifie sensiblement et d'autres donnéesapparaissent. Ainsi, au cours <strong>des</strong> années 1965-67, lecomportement jugé immoral de <strong>la</strong> mère de famille est analyséégalement comme un déséquilibre de <strong>la</strong> personne ; en1967-77, le travailleur social fait davantage appel à<strong>des</strong> termes tels que ceux d'immaturité, infantilisme pourqualifier <strong>des</strong> comportements immoraux repérés chez <strong>la</strong>mère, mais apprécies essentiellement comme créant undanger de type éducatif pour l'enfant.L'institution spécialisée depuis les années 1960-62traduit les dangers de moralité en danger d'éducationpour les mineurs, et ce, dans une ~ro~ortion de 60 à80 % selon les pério<strong>des</strong>.considérées (en 60-62 : 67 %,en 65-67 : 61 %, en 75-77 : 80 %).


En résumé :La mère de famille, essentiellement, peut, du fait decomportements imnioraux, créer un danger de moralité pourses enfants. Ce type de danger apparaît, en effet, pourl'essentiel, comme émanant d'un comportement repéré chez<strong>la</strong> mère de famille.Si cet aspect appara7t dominant, on observe, néanmoins,l'apparition <strong>des</strong> données organisatrices du concept différentesau cours <strong>des</strong> diverses pério<strong>des</strong> observées.Il faut d'abord remarquer que les dangers de moralitésignalés préférentiel lement par <strong>des</strong> institutions tel lesque services soc<strong>la</strong>ux de secteur, voisinages (avant 1958),services de police, gendarmerie, ou justice ... recouvrent,selon les pério<strong>des</strong> considérées, entre 1 à 14,3 %de 1 'ensemble <strong>des</strong> signalements. Quantitativement, 1 'importance<strong>des</strong> dangers moraux est peu conséquente compativementà d'autres types de danger : sécurité physique,éducation ou encore sécurité affective. On remarquemalnré tout que cette nature de danger apparaît quantitativementaussi importante entre les années 1955 et 1967.Durant ces années, le concept "moralité" repose essentiellementsur <strong>des</strong> signalements prenant en compte <strong>des</strong> comportementsindividuels caractérisant <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> parentalesnon conforines aux exigences morales. A cette analyses'adjoint, qotamment, à partir <strong>des</strong> années 1960-62,les comportements d'"émancipation sexuelle" <strong>des</strong> mineursde plus en plus signalés par les parents à l'autoritéjudiciaire ... Sous cet aspect, les dangers moraux s'associentdonc à <strong>des</strong> aspects éducatifs favorisés par une dynamiqueconfiicrueile entre mineurs et parents.Au cours <strong>des</strong> années 1970-72. les dangers moraux ne recouvrentplus que 1 % <strong>des</strong> situations signalées au cours decette période. Une rupture importante apparaît donc aucours de ces années parce que sont prises en considérationpar les institutions détectrices, d'autres préoccupationsfavorisées par <strong>des</strong> évènements divers notammentceux re<strong>la</strong>tifs à une immigration nouvelle en prise àd'importantes difficultés d'ordre économique.En 1975-77, le concept "moralité" réapparaît plus conséquemment.grâce à <strong>la</strong> prise en compte de données plusdiversifiées au rang <strong>des</strong>quelles se situe le repérage decarences éducatives imputées au couple. Ce fait nousparaît devoir expliquer qu'au cours de cette période,le service social de secteur soit le principal détecteurde cette nature de danger, ainsi que l'abandon par les


ervices de police - justice de l'utilisation de ceconcept qui, sous cette forme, ne lui apparaît plusadapté,Le fait que le concept "moralité" s'adresse, pour d'essentiel,à une popu<strong>la</strong>tion d'ouvriers professionnels dont lenombre d'enfants est moins élevé qu'au sein d'autrescatégories : O.S. notamment, apparatt comme une particu<strong>la</strong>ritéqu'il convient de relever. S'agit-il d'un type<strong>d'inadaptation</strong>s paraissant davantaqe "adapté" à une catégoriesocio-professionnelle ? Une <strong>des</strong> explications nousparaft devoir se constituer dans <strong>la</strong> plus grande prise enconsidération <strong>des</strong> données comportementales dans lesfamilles disposant d'un nombre d'enfants peu ëlevé.La catégorie <strong>des</strong> ouvriers professionnels dispose de cetteparticu<strong>la</strong>rité par comparaison aux autres catégories socioprofessionnefles.L'institution spécialisé, citée ici comme exemple, disposantd'une perception spécifique de l'inadaptation,n'attache pas beaucoup d'împortance aux dangers de moralitê,notamment depuis les années 1960-62. De m&me quenous l'avions constaté pour le concept de sécurité physique,le service social spécialise dispose d'une analysequi lui est propre et qui consiste à adapter <strong>la</strong>perception <strong>des</strong> dangers aux finalités de 1 'institution,à savoir le besoin d'éducation ou de rééducation. Ainsi,les dangers de moralité apparaissent ess@c:;cllement dans60 à 80 % <strong>des</strong> cas selon les pério<strong>des</strong> considéréps coinmeétant, en fait, de nature éducative.


De 1955 à 1977, le co~cept d'éducation conserve uneimportance toute particulière dans les procédures judiciairesd'Action Educstive en Milieu Ouvert. En effet,il concerne, en moyenne, sur l'ensemble du processus,près de <strong>la</strong> moitié <strong>des</strong> signalements, soit 47,l % plusexactement.Le concept "éducation" s'alimente à tout un éventail dedangers réels ou potentiels concernant les mineurstouchant <strong>des</strong> problèmes d'éducation et constituant <strong>la</strong>ma jori té <strong>des</strong> dangers dénoncés.Au cours <strong>des</strong> années situées avant 1958, les institutionsdétectant les inadaptations, dénoncent 1 e plus souventde mauvaises conditions d'éducation concernant les mineurs.Néanmoins, il convient de relever, dans le processusd'évolution, <strong>des</strong> modifications concernant aussibien 1 'importance quantitative que peut, selon lespério<strong>des</strong> consi dérées, recouvri r ce type de danger qu' unemodification affectant <strong>la</strong> nature même du concept, c'està-direses éléments constitutifs.Le tableau suivant révèle l'importance accordée auxdangers de type éducatif au cours <strong>des</strong> cinq pério<strong>des</strong>étudiées. Le pourcentage moyen re<strong>la</strong>tif à chaque périodetraduit l'importance donnée à ce concept par l'ensemble<strong>des</strong> institutions <strong>des</strong>cuelles émanent les signalements<strong>des</strong>tings à 1 'autorit:€! judiciaire.


A partir de ce grapnique plusieurs observations méritentd'etre relevées.Avant 1958, les dangers d'éducation ne constituentque 31,9 % de l'ensemble <strong>des</strong> sibnalements. Ainsi quenous l'avons souligné précédemment, les inadaptationsqui sont mises à jour intéressent d'abord <strong>la</strong> sécuritéphysique <strong>des</strong> mineurs. Par ordre d'importance, les dangersd'éducation constituent donc <strong>la</strong> deuxième sourcede dangers pouvant affecter <strong>la</strong> vie ou le devenir de1 'enfant.A partir <strong>des</strong> années 1960-62, on observe une véritableexplosion <strong>des</strong> dangers d'éducation. Ils font l'objet de<strong>la</strong> plus grande partie <strong>des</strong> signalements (56,3 % en 1960-62, 62,6 % en 1965-67). Jusqu'en 1967, on remarque doncune augmentation croissante <strong>des</strong> difficultés d'ordreéducatif .Au. cours <strong>des</strong> années 1970-72, apparaft un phénomène derupture dans cette évolution caractérisé par une importancemoindre attachée aux problèmes d'ëducation.40,7 % de l'ensemble <strong>des</strong> signalements concernent, néanmoins,ce type de danger. Ce pourcentage atteste, néanmoins,d'une diminution de 22 % <strong>des</strong> dangers d'éducationsignalés :A partir de 1975, on remarque un retour très sensible<strong>des</strong> signalements faisant référence à ce type de dangerqui représente 44 % de 1 'ensemble <strong>des</strong> signalementsintéressant cette période.Ces premières remarques soulèvent plusieurs questionsauxquelles notre propos s'efforcera de répondre :- Que traduit <strong>la</strong> montée <strong>des</strong> problèmes éducatifs observésentre 1960 et 1967 ?- Comment s'explique le chute consëquente <strong>des</strong> problemesd'éducation repérable au cours de <strong>la</strong> période 1970-72 ?- <strong>Les</strong> inadaptations susceptibles d'engendrer chez I'enfantun danger de type éducatif, se constituent-elle$autour de données constantes ? Quels sont donc <strong>la</strong> natureet le contenu <strong>des</strong> dangers d'ordre éducatif ?


L'analyse diachronique permet de fixer le contenu <strong>des</strong>dangers d'éducation pour chaque période considéréedonc, permet également de faire apparaftre les modificationsaffectant <strong>la</strong> nature même de ce concept.Avant 1958, les signalements dénonçant un danger d'ëducationportent, pour 41 %, sur <strong>des</strong> comportements intéressantles mineurs pJur <strong>des</strong> problémes de délinquanceet de conflits avec les parents, puis à un degré moindre,pour <strong>des</strong>fugues et <strong>des</strong> difficultés sco<strong>la</strong>ires.L'origine <strong>des</strong> difffcultés éducatives est, néanmoins,pour cette période, moins attribué aux enfants qu'àl'ensemble père-mere-couple à qui est attribué 59 % <strong>des</strong>signalements dénoncent, pour l'essentiel, <strong>des</strong> comportementsde carences éducatives imputables aux parents,c'est-à-dire qu'il est fait appel aux capacités éducatives<strong>des</strong> parents plus qu'à <strong>des</strong> caractéristiques propresaux enfants.De 1960 à 1962, ce ne sont plus les parents, du fait<strong>d'inadaptation</strong>squileur sont reconnues, qui sont surtoutà l'origine <strong>des</strong> dangers éducatifs, mais d'abord les mineurseux-mêmes. En effet, les 3/4 <strong>des</strong> dangers d'éducationse constituent à partir de signalements dénonçant<strong>des</strong> comportements ou <strong>des</strong> conduites intéressant les mineurs.<strong>Les</strong> motifs dëtrits sont, en premier lieu, tesconflits avec les parents, puis <strong>la</strong> délinquance et enfinles fugues.Ainsi, durant cette période, les difficultés éducativesne sont pas d'abord associées aux capacités éducativesou aux comportements <strong>des</strong> parents, mais directement auxenfants dont on dénonce surtout <strong>des</strong> manifestations compormentalesspectacu<strong>la</strong>ires : délinquance, fugue ouconflits avec les pa'-ents. On peut, dés à présent, envisagersous cette <strong>des</strong>cription, outre une transcription de'<strong>la</strong> réalité, une certaine conception de l'éducation ou del'enfant éduqué ideal, conception qui sert de filtre àcette transcription.La période 1965-1967 connatt le prolongement et le pointculminant de 1 'évolution décrite au cours de <strong>la</strong> périodeprécédente : les enfants sont considérés comme étant àl'origine <strong>des</strong> difficultés éducatives dans 79 % <strong>des</strong> cas.Ce sont surtout les conflits avec les parents qui sontévoqués, beaucoup plus que lors de <strong>la</strong> période précédente,


ainsi que délinquance et fugue. Il s'agit donc, au coursde ces années, d'une extension <strong>des</strong> problèmes éducatifsdont le contenu apparaft très voisin de celui re<strong>la</strong>tif auxannées 1960-62. Lorsque les signalements n'intéressentpas le mineur, ils concernent le couple dont on dénonceles mauvaises conditions de vie ou les carences éducatives: <strong>la</strong> mère du fait de comportements de carences auniveau éducatif ou ménager et, accessoirement, le pcrepour <strong>des</strong> motifs divers et quantitativement sans gran<strong>des</strong>ignification.On petit donc cznsidérer que les années 1965-67 correspondentà une période d'état", à une stase dans <strong>la</strong>conception <strong>des</strong> difficul tes éducatives, période d'étatcaractérisée par <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion de causalité établie entredifficultés éducatives et conflits avec les parents.Cette re<strong>la</strong>tion est indicative d'une conception de l'ëducationet d'une norme de comportement de 1 'enfant basésu l'obéissance à l'autorité paternelle. Nous verrons,d'ailleurs, qu'en ce domaine, c'est essentiellement lepère, au cours de ces deux pério<strong>des</strong>, qui assume <strong>la</strong> démarchede signalement auprès de l'autorité judiciaire.11 faut, néanmoins, au cours <strong>des</strong> années 1965-67, étreattentif à l'amorce d'une autre évolution qui tend àattribuer à <strong>la</strong> mère, plus qu'au père, <strong>la</strong> responsabilité<strong>des</strong> difficultés éducatives. Cette évolution, qui sepoursuivra dans les pério<strong>des</strong> suivantes, est matérialiséenon seulement par le fait que <strong>la</strong> mère est davantagecitée, mais également par le fait que c'est à elle, etnon au père, que sont attribuées les carences éducatives.Au cours de <strong>la</strong> période 1970 -72, apparaft un phénomène derupture traduisant un renversement <strong>des</strong> caractéristiquesdécrites précédemment.<strong>Les</strong> difficultés éducatives sont maintenant associées,en premier lieu, à l'snsemble père-mère-couple, et nonplus aux enfants.C'est désormais le couple qui apparaft comme géngrateurde dangers de type éducatifs, non seulement en raisonde carences, mais encore du fait de difficultés économiques.La mère est beaucoup plus mise en cause que le père. Onlui attribue <strong>des</strong> carences éducatives et ménagères, alorsque le père, peu cité, t'est pour <strong>des</strong> motifs beaucoup


plus dispersés et moins significatifs, tels l'instabilitéprofessionnelle, le manque d'intérêt pour <strong>la</strong> famille, <strong>la</strong>moralité, etc.<strong>Les</strong> enfants, quant a eux, beaucoup moins citës, le sonttoujours pour les mémes raisons, mais également pour <strong>des</strong>troubles caractëriels", ce qui peut être considéré commeune autre formy<strong>la</strong>tion <strong>des</strong> mëmes motifs relevant d'uneapproche plus psychologique" que d'une simple constatationd'un comportement.En 1975-77, une partie <strong>des</strong> caractéristiques de <strong>la</strong> périodeprécëdente s'estompe : le couple est beaucoup moins évoquécomme étant à l'origine de difficultés éducatives.Par ai f leurs, Y 'évolutSon commencée dés 1965, attribuant<strong>la</strong> mère beaucoup pl~s qu'au père fa responsabilité <strong>des</strong>difficultés éducatives, se poursuit et s'intensifie : <strong>la</strong>mère est daiantage citée que précédemment et l'est massivementpour <strong>des</strong> carences éducatives alors que le pèreest, au contraire, moins cité et l'est autant pour <strong>des</strong>carences éducatives que du fait de comportements de violenceou de brutalité.Lorsque les enfants sont décrits comme étant 1 1 'origine<strong>des</strong> difficultës, ce n'est plus pour <strong>des</strong> problèmes dedélinquance, mais en raison de conflits avec les parentsou de troubles caractérlels, ce dernier motif étant enaugmentation.Atnsi , les éléments consti tutifs du concept "education"font apparaTtre <strong>des</strong> modifications. Jusqu'en 1967, lesdifficultés éducatives sont de plus en plus liées auxconflits opposant les mineurs a leurs parents, et demoins en moins centrees sur les capacités éducatives<strong>des</strong> parents eux-mémee. Aprës 1967, ce schéma se modifieet l'on perçoit que les difficultés éducatives sontliées prioritairemené aux parents, et non plus aux enfants,les di fficul t@s économiques étant el 1 les-memesdécrites comme génértitrices de difficultés éducatives.Ce constat nous semb'e traduire une double modification:- d'une part, 1 'obéiçssance à l'autorité <strong>des</strong> parentsn'est plus prioritai-e, et les attltu<strong>des</strong> parentalessont soumises à critiques ;- d'autre part, les 4ifficultés éducatives ne sont plusliées seulement à <strong>des</strong> comportements individuels, mais à


<strong>des</strong> données économiques.Ces deux modifications nous paraissent devoir être reliéesau phénoméne "mai 1968" qui a, ici, apporté un changementprofond dans <strong>la</strong> <strong>notion</strong> d'autorité et d'obéissance, etintroduit une approche économique <strong>des</strong> difficultés,Dans <strong>la</strong> dernière période, seule <strong>la</strong> modification portantsur <strong>la</strong> <strong>notion</strong> d'autori té-obéissance subsiste, 1 'élémentéconomique disparaissant au profit d'une approche unenouvelle fois centrée sur les comportements individuels.Enfin, apparail une Lvolution indépendante de celle quenous venons de décrire et qui tend, depuis 1965 environ,à considérer <strong>la</strong> mère comme beaucoup plus responsable <strong>des</strong>difficul tés éducatives que le père.Cette évolution, qui s'intensifie, paraft significatived'une modification <strong>des</strong> r6les parentaux et peut correspondreà une vision différente de ces roles, ou à uneréalité d'"organisation familiale qui attribuerait à <strong>la</strong>mère un role de plus en plus important dans l'éducation,de sorte que ses propres carences auraient <strong>des</strong> répercusslonsd'autant pl us gran<strong>des</strong>.<strong>Les</strong> difficultés éducatives trouvent une résonance touteparticulière au sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française qu'ellesaffectent donc préférentiellement. Des nuances, toutefois,s 'observent au cours <strong>des</strong> différentes pério<strong>des</strong> considérées.Ainsi, avant 1958, faut $1 remarquer que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionfrançaise se distingue davantage pour <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> de<strong>la</strong>xisme @ducatif qui sont dénoncés chez les parentscomme engendrant <strong>des</strong> conduites de délinquance, fugue,immoralité au niveau <strong>des</strong> mineurs. Par contre, au sein de<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion italienne, les problèmes éducatifs recouvrenten fait le prqhlème de l'autorité paternelle,noeud de conflits f rcquents entre mineurs et parents.De 1960 à 1967, <strong>la</strong> montée <strong>des</strong> problémes éducatifs concerne1 'ensemble <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions, mais if convient d'observerque ?a popu<strong>la</strong>tion française est, là encore, sensiblementplus concernée par ce type de danger, Cette sensibilité,différente aux problèmes éducatifs entre popu<strong>la</strong>tion


française et étrangère, s'explique par le fait que lespoputations étrangères. ainsi que nous l'avons vu, sontplus soumises à <strong>des</strong> difficultés susceptibles de porteratteinte à <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> enfants. Ce fait seconfirme d'ailleurs dans les observations portant surles années 1970-72, au cours <strong>des</strong>quelles nous percevonstrès nettement que les popu<strong>la</strong>tions étrangères, les plusanciennes (famil le d'origine mixte, ou italienne), sontà présent plus sensibles aux problèmes éducatifs alorsque ce sont les popu<strong>la</strong>tions plus nouvellement immigrèesqui sont davantage concernées par les problèmes re<strong>la</strong>tifsà <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> enfants. Ce fait trouvera unedeuxième confirmation lors <strong>des</strong> années 1975-77, périodeau cours de <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> perception <strong>des</strong> difficultés éducativesest beaucoup plus uniforme au sein <strong>des</strong> différentespopu<strong>la</strong>tions concernées.Ainsi, l'étude <strong>des</strong> nationalités nous parait révéler unmécanisme dont nous ïrouvons confirmation dans 1 'étude<strong>des</strong> dangers de type iiducatif. En effet, le phénomèned'"ancienneté" de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangère révèle que luisont attribuées peu A peu les mêmes caractéristiques quecelles qui sont applïquées à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française.La popu<strong>la</strong>tion i ta1 ieiine, par exemple, caractérisée audépart par l'importaiice <strong>des</strong> dangers menaçant <strong>la</strong> sécuritéphysique <strong>des</strong> enfants, perd peu à peu ces caractéristiquespour se rapprocher dl? celles re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionfrançaise en prise, 3u cours <strong>des</strong> années 1960-67, à <strong>la</strong>montée <strong>des</strong> problèmes d'ordre éducatif.Ainsi, une popu<strong>la</strong>tion nouvellement immigrée est-ellemarquée, au départ, par <strong>des</strong> caractéristiques particulièresavant d'entrer progressivement dans l'évolution globale.Un exemple tiré <strong>des</strong> observations réalisées nous sembledevoir il lustrer cette affirmation. Au cours <strong>des</strong> annéessituées avant 1958, les familles italiennes sont en priseà <strong>des</strong> problèmes d'autorité se révé<strong>la</strong>nt dans de nombreuxconflits opposant parents et enfants et conduisant lespères italiens à solliciter, eux-mmes, auprès de l'autorité judiciaire, une demande d'intervention éducative.Ce méme phénomène se retrouve au cours <strong>des</strong> années 1970-72 au sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion maghrébine, récemment immigrée,conduisant le père de famille à un même type dedemande auprès de l'autorité judiciaire. Ce phénomènenous semble aussi également indicatif <strong>des</strong> difficul tésde re<strong>la</strong>tions entre parents et enfants, reposant sur <strong>des</strong>problèmes d'autorité au sein <strong>des</strong> familles nouvellementimmigrées.L'etude <strong>des</strong> nationalités permet donc <strong>la</strong> mise à jourd'un mécanisme que FOUS retrouvons dans l'étude de chaqueconcept. Nous reviendrons ultérieurement sur ce


phénomène qui consiste donc à remarquer que se révèlent<strong>des</strong> seuils <strong>d'inadaptation</strong>s plus é<strong>la</strong>borées qui sont,d'abord, <strong>la</strong> caractéristique <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions les pl usproches du tissu social global. Ainsi, 1 'on peut direque si les dangers de type sécurité physique concernantbeaucoup plus les enfants de familles étrangères, lesdifficultés éducatives se répèrent d'abord au sein <strong>des</strong>familles françaises. Rappelons, toutefois, que d'unpoint de vue diachronique, les popu<strong>la</strong>tions étrangèresentrent progressivement dans le système d'évolutionglobale, perdant leurs caractéristiques de départ pourse rapprocher de celles de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française.Ce phénomène de "transmutation" <strong>des</strong> inadaptations trouveégalement une application dans l'étude <strong>des</strong> catégoriessocio-professionnelles concernées par les difficultéséducatives, Nous ne retiendrons que ces deux c<strong>la</strong>ssessocio-professionnelles et celle <strong>des</strong> ouvriers sp@-cialisés. Le graphique suivant indique, pour chacune deces deux catégories socio-professionnelles, le pourcentagemoyen de signalements se référant à <strong>des</strong> dangers detype éducatif. Ces pourcentages sont également mis enrapport avec le pourcentaae moyen global.


Nous constatons donc que les difficultés éducatives, sielles intéressnet l'ensemble de ces deux catégoriessocio-professionnelles, se révèlent avec plus d'intensitédans <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse ouvrière professionnlle. Ce phénomèneest constant de 1955 à 1972, même si, <strong>des</strong> <strong>la</strong> période1970-72, nous percevons que <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse <strong>des</strong> ouvriers spécialiséstend à se rapprocher du pourcentage moyen re<strong>la</strong>tifà l'ensemble <strong>des</strong> signalements liés aux prob1Pmeséducatifs.Un deuxième phénomène mérite d'être relevé : en 1975-77,<strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse <strong>des</strong> ouvrie-s spécialisés est davantage concernéeque <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse <strong>des</strong> ouvriers professionnels par lesdangers d'éducation Ce fait atteste dhne modificationdans les schémas dFa3préhension de l'inadaptation, <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion <strong>des</strong> ouvilers spécialisés étant, à son tour,confrontée à <strong>des</strong> difficultés éducatives de mëme typeque celles qui ëtaient précédemment décrites au sein de<strong>la</strong> catégorie constituée par les ouvriers professionnels.L'analyse du contenu <strong>des</strong> inadaptations révèlent, eneffet, que, jusqu'en 1972, les niveaux socio-économiquesles plus bas (manutentjonnaire, ouvriers spécialisés)sont plus marqués par <strong>des</strong> difficultés intéressant <strong>la</strong>santé et <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> mineurs, difficultésliées principalement à <strong>la</strong> violence du père et à de mauvaisesconditions matérielles de vie. <strong>Les</strong> popu<strong>la</strong>tionsde niveau socio-économique plus élevé (employés et surtoutouvriers professionnels) sont marquées essenliellementpar <strong>des</strong> difficultés liées aux conflits conjugaux ouaux comportements <strong>des</strong> enfants (fugues ou difficultéssco<strong>la</strong>ires), donc à <strong>des</strong> éléments moins matériels et davantagere<strong>la</strong>tionnels. C'est dans ces mêmes milieux que serévèlent plus intensément les conflits intéressant1 'autorité paternelle ou parentale, pour les mêmes raisons.tes inadaptations, dans les milieux socio-professionnelsplus élevés, sont davantage analysées en termesre<strong>la</strong>tionnels.Au cours <strong>des</strong> années 1975-77, <strong>la</strong> catégorie "ouvriers spécialisés"acquiert donc un certain nombre de caracteristiquesnouvelles, notamment l'importance <strong>des</strong> problèmeséducatifs, les conflits conjugaux et les conflits parentsenfants, alors que <strong>la</strong> catégorie <strong>des</strong> ouvriers professionnelsperd une partie de ses caractéristiques et est,désormais, davantage touchée par les problèmes de santé,les difficultés étant moins liées au manque d'fntérêt<strong>des</strong> parents ou à <strong>des</strong> conflits parents-enfants, et davantageà <strong>des</strong> carences éducatives, voire à <strong>des</strong> mauvaistraitements.


Le niveau socio-économique apparaft donc comme un élémentparticuliërement discriminant quant au contenu <strong>des</strong> inadaptationsdécrites, et apporte <strong>des</strong> indications quant auprocessus d'évolution.Ainsi les niveaux socio-économiques les plus bas sontdavantage confrontés, ou touchés, par <strong>des</strong> difficultésrecouvrant <strong>des</strong> aspects plus "objectivables" : santé <strong>des</strong>enfants, sécurité physique liée à l'alcoolisme du père,ou à de mauvaises conditions matérielles de vie.<strong>Les</strong> niveaux socio-économiques plus élevés sont davantageconcernés par les difficultés éducatives liées à <strong>des</strong>conflits familiaux ou à un manque d'intërèt <strong>des</strong> parentspour leur famille, c'est-à-dire à <strong>des</strong> problèmes de natureplus "subjective", du moins quant à leur appréciation.De même, <strong>la</strong> délinquance est davantage citée pour lesenfants de <strong>la</strong> catégorie "O.S.", alors que ce sont lesconflits parents-enfants pour les catégories de niveauplus élevé.Ces caracréristiques sont particulièrement sensiblesjusqu'en 1967. Apres cette période, peu à peu, en mêmetemps que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée se rétrécit à <strong>la</strong> c~tégorie"O.S.", les catégories "O.P.", puis employés , nesont plus que rarement signalées, et le sont alors pour<strong>des</strong> motifs d'appréciation plus objective, centrés davantagesur <strong>la</strong> protection <strong>des</strong> enfants que sur les disfonctionnementsre<strong>la</strong>tionnels familiaux.Dans le meme temps, <strong>la</strong> catégorie "O.S." est signalée, 8son tour, pour <strong>des</strong> difficultés plus diversifiées et moinsaxées sur <strong>la</strong> protection physique <strong>des</strong> enfants, ou surl'aspect de comportement social (délinquance).<strong>Les</strong> observatiotjs tirées de l'étude du nombre d'enfantspar famille permettent de confirmer les 3bservationsprécédentes et apportent quelques éléments nouveaux.En effet, nous savons que les familles <strong>des</strong> niveaux socioéconomiquesles plus élevéç,t.elles celles concernant lesouvriers professionnels, on% un nombre d'enfants inférieurà celui <strong>des</strong> milieux "ouvriers spécialisés".L'analyse de l'incidence du nombre d'enfants sur lesdifficultés éducatives révèle, tant en ce qui concerneles inadaptations se référant au pere qu'a <strong>la</strong> mëre, que<strong>la</strong> perception <strong>des</strong> carences éducatives croSt avec le nombre


d'enfants. Elles sont d'ailleurs d'autant plus signaléeslorsque le nombre d'enfants est important. Cette observationreste constante et s'appltque donc aux différentespério<strong>des</strong> prises en compte pour cette étude.Ainsi, dans les milieux qui comportent un nombre d'enfantsélevés, les difficultés éducattves sont moins expriméesen termes re<strong>la</strong>tionnels, mais beaucoup plus enterme d'incompétence ou de carence intéressant <strong>la</strong> ou lespersonnes sensées remplir un rôle d'éducation aupras <strong>des</strong>enfants : les parents. F,insi, si l'approche individuelleest privilégiée dans les familles peu nombreuses, ausein <strong>des</strong> familles nombreuses le repérage <strong>des</strong> difficultéséducatives se centre sur les rôles dans le systëme familialparce que les comportements de carences (éducativesou ménagères} ont une incidence sur <strong>la</strong> collectivité familiale.Avant les années 1958, :a volonté <strong>des</strong> Pouvoirs Publics,de parvenir à une expançion démographique et une réductionde <strong>la</strong> mortalité innantile, conduit à une politiquenataliste.Malgré ces préoccupations, il ne Faudrait pas mésestimerl'importance de l'ordoniiance du 2 février 1945, re<strong>la</strong>tiveà l'enfance délinquante, qui prévoit <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce demesures de protection, d'assistance, de surveil<strong>la</strong>nce etd'éducation, pouvant 6t.e considérée comme un prémissede l'essor que prendront, dans les pério<strong>des</strong> suivantes,les initiatives en direction de lknfance inadaptée.A cette époque, les politiques de prise en charge <strong>des</strong>jeunes sont, en effet, inexistantes et le taux de présco<strong>la</strong>risation,de 9 % en 1958, montre bien que le milieude vie de l'enfant est pratiquement limité au milieufamilial.A partir <strong>des</strong> années 1960, "de nouvelles préoccupationsse font jour et <strong>la</strong> politique sociale se spécifie dans<strong>des</strong> actions plus spécialisées ... <strong>la</strong> dominante économiqueet médicale <strong>des</strong> années précédentes <strong>la</strong>isse p<strong>la</strong>ce à <strong>des</strong>préoccupations d'ordre essentiellement éducatif : ensei-


gnement de base, rééducation et aide éducative" (1)Pour <strong>la</strong> période qui nous intéresse ici, il faut citernotamment :- 1959, prolongation de <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>rité jusqu'à 16 ans ;- 23.12.1958, ordonnance re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> protection del'enfance et de l'adolescence en danger (accroissementdu rôle du juge <strong>des</strong> enfants) ;- 7.1.1959, décret re<strong>la</strong>tif à <strong>la</strong> protection sociale del'enfance en danger.Ainsi, <strong>la</strong> période de 1960-62 témoigne-t-elle d'une plusgrande prise en compte <strong>des</strong> problèmes de nature éducative,indiquant une évolution dans les préoccupations a l'égard<strong>des</strong> enfants, ainsi qu'une modificatian <strong>des</strong> schémasd'appréhension de l'inadaptation.Au cours <strong>des</strong> années suivantes, les préoccupations d'ordreéducatif s'affirmeront, tant dans le domaine de 1'EducationNationale que dans celui de 1'Education Spécialisée.Comme repére de ces préoccupations, nous pouvons égalementciter :- 1963, création <strong>des</strong> C.E.S. ;- 1964, création <strong>des</strong> C.R.E.A.I. (2) par <strong>la</strong> transaction<strong>des</strong> anciennes A.R.S.E.A. (3) ;- 1965, Reforme Fouchet.(1) 6. MARTIN "Recherche d'une méthode d'évaluation <strong>des</strong>effets <strong>des</strong> politiques en faveur de <strong>la</strong> famille et del'enfance" - op. cit. p. 14.(2) Centres Régionaux pour l'Enfance et l'AdolescenceInadaptée.(3) Associations Régionales de Sauvegarde de l'Enfanceet de l'Adolescence.


L'aspect éducatif s'inscrit donc, en fait, au coeur de<strong>la</strong> politique sociale orientée vers <strong>la</strong> famille et <strong>la</strong>protection de <strong>la</strong> cellule familiale.cet é<strong>la</strong>rgissement, en direction de <strong>la</strong> famille, s'ouvriraencore davantage dans les années à venir, période1970-72, au cours de <strong>la</strong>quelle une poli tique d'animation,pl us directement di rï gée vers <strong>des</strong> groupes sociaux, apparaft(ex. circu<strong>la</strong>ire du 30.8.1970 re<strong>la</strong>tive, entre autres,à <strong>la</strong> fonction d1anim,ition <strong>des</strong> centres sociaux de <strong>la</strong>circu<strong>la</strong>ire CHALANDON, du 15 décembre 1971, sur I'animation<strong>des</strong> grands enseinbles) .C'est aussi au cours de cette période qu'est opérée unerefonte du droit de <strong>la</strong> famille avec, notamment, <strong>la</strong> loidu 4 juin 1970, sur l'Autorité Parentale.Par ta suite, de nombreuses modifications intéressenttant le domaine <strong>des</strong> prestations familiales que celuire<strong>la</strong>tif au droit de <strong>la</strong> famille : réforme de fa filiation(3 janvSer 19721, de <strong>la</strong> majorité (5.7,1974), du divorce(11.7.1975), de l'adaptation (22.12.1976).Ainsi,les epréoccupations éducatives", si elles n'intéressentpas toujours directement <strong>la</strong> personne, semblentse situer nëanmoins au coeur de <strong>la</strong> politique sociale qui,au fil du temps , met en p<strong>la</strong>ce un système et un réseaud'intervention de plus en plus é<strong>la</strong>boré.Comment les préoccupations éducatives sont-elles reprisesen compte par les institutions-détectrices de l'inadaptation?L'analyse <strong>des</strong> origines du signalement, en matière dedangers éducatifs, peut apporter à ce sujet <strong>des</strong> élémentsde réponse.Ainsi, peut-on remattquer que de 1955 à 1967 les servicessociaux de secteur ne traduisent pas <strong>la</strong> montée <strong>des</strong> problèmeséducatifs. Au cours de cette période, et par rapportà 1 'ensemble <strong>des</strong> origines de signalements, leservice social de stzcteur signale donc moins de problemeséducatifs que <strong>la</strong> mo!renne de l'ensemble <strong>des</strong> institutionsdétectricesde I'inddaptation, mais davantage de dangersintëressant <strong>la</strong> sécu-ité physique et affective <strong>des</strong> mineurs,les dangers de moralité et surtout ceux re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong>


santé. Le fait qu'au cours <strong>des</strong> années 1960-1967, lesecteur considère en premier lieu les parents et lecouple comme générateur de l'inadaptation et du danger,paraft devoir constituer une explication à cephénomène l'accent, au cours de ces années, étant mis,nous l'avons vu,,Sur une analyse <strong>des</strong> comportements <strong>des</strong>mineurs.Le service social de secteur, bien que ne se situantpas en dehors de l'évolution globale, traduit, avec uneffet moindre, tes problèmes d'autorité qui sont dénoncésau cours <strong>des</strong> années 1960-1967.L'analyse, que font les services sociaux de secteur<strong>des</strong> problèmes d'éducation, révèle une démarche qui apparaîtcomme le propre de ce type d'institutions et quinous semble indicateur du phénomène d'assimi<strong>la</strong>tionspécifique propre à ce système d'intervention sociale :dans le domaine éducatif, les parents, et les carencesde <strong>la</strong> mère de famille tout particulièrement, sont considér6scomme générateurs de difficultés ou de dangerspour 1 'enfant.Ce qui singu<strong>la</strong>rise donc les signalements du servicesocial de secteur, c'est surtout le fait qu'il décritbeaucoup plus les parents comme générateurs de difficultésque les enfants et qu'il accorde une importancemoindre à fa <strong>notion</strong> de conflit avec les parents, c'està-dired'obéissance à 1 "autorité parentale, <strong>notion</strong> <strong>la</strong>rgementprépondérante au cours <strong>des</strong> années 1960-1967.Du reste, au cours <strong>des</strong> années 1970-2977, ce phénomènepersistera meme si ces institutions signalent sensiblementplus les problémes éducatifs que par le passé,ainsi que 1 'il lustre le tableau ci-<strong>des</strong>sous. Par ailleurs,les di ffi cul tés repérées sont davantage interprétées enterlne de troubles du comportement. t'approche comportementaleest privilégiée par les services sociaux de secteur,ceci apparatt comme une constante ; celle-ci secentre davantage sur les parents que sur les enfants.


A l'inverse, les signalements issus <strong>des</strong> services degendarmerie - police- justice sont beaucoup plus que<strong>la</strong> moyenne, axés sur les dangers d'éducation. Ilsdénoncent prioritairement les mineurs, essentiellement,en raison de problèmes de délinquance.(Le tableau suivant treduit les pourcentages attribuésà ce type d'institution et les compare à <strong>la</strong> moyennede T'ensemble <strong>des</strong> signalements re<strong>la</strong>tifs aux problèmesd'éducation).%J&UC'+ 4% 9 Q % 41 Eddra ri=. r3dr*r\~*nt dd Srdi< es, dr. % ~ k c ~JCSP;LL ~L;w ormtio, Le. ïno<strong>la</strong>nn.:-- P -<strong>Les</strong> services de police - justice - gendarmerie attachentune importance toute particulière aux dangers d'educationsur l'ensemble du processus, hormis au cours <strong>des</strong>annees 1965-67, période au cours de <strong>la</strong>quelle les signalementsémanant de ce type d'institution sont en diminution.<strong>Les</strong> difficultés d'éduciition restent, néanmoins, les premièressignalées sur 1 'ensemble <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> considérées.Toutefois, si les enfaiits sont toujours cités prjoritairementcomme étant à l'origine du danger, ils le sontmoins notamment au cou-s <strong>des</strong> années 1975-77, période aucours de <strong>la</strong>quelfe on observe, qu'en fait, ces institutionsse spécifient de plus en plus dans les signalementsre<strong>la</strong>tifs aux problèmes de délinquance, tant en ce quiconcerne les mineurs que leurs parents.


<strong>Les</strong> signalements émanant du groupe familial sont quantitativementimportants pour ce qui concerne une miseà jour <strong>des</strong> dangers d'éducation. Ce fait peut paraîtreparadoxal mais témoigne, en fait, d'une complexité <strong>des</strong>ituations que nous chercherons à mettre sommairementen évidence. 11 faut remarquer qu'en ce domaine, lescourants politiques, notamment cebx d'accompagnementde <strong>la</strong> cellule familiale, se répercutent <strong>la</strong>rgement surle milieu familial qui, dans les réseaux d'assistanceou de suppléance à 1 'autori té parentale, trouve demu1 tiples occasions pour s'adresser à 1 'autori té judi -ciaire.Ainsi, avant 1958, les divers signalements issus dugroupe familial ont <strong>des</strong> caractéristiques très apparentes. Ils sont centrés sur <strong>la</strong> violence et <strong>la</strong> brutalitédu père, et sont essentiellement le fait <strong>des</strong> mères defamille françaises, de niveau socio-économique plusélevé que <strong>la</strong> moyenne de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion observée. <strong>Les</strong>pères "signalent" peu, et ils le font pour <strong>des</strong> problëmesd'éducation ou de moralité liés à <strong>des</strong> comportementsde <strong>la</strong> mère, ou en raison de conflits avec les enfants.<strong>Les</strong> dangers d'éducation sont donc peu conséquents pource type d' institutions.Ce n'est qu'à partir <strong>des</strong> années 1960-62, que l'on observeune nette amélioration <strong>des</strong> signalements émanant de<strong>la</strong> famille liés à une accentuation <strong>des</strong> problèmes d'autorité.Ce sont, d'ailleurs, ces difficultés qui conduisentles parents à solliciter 1 'intervention judiciaire.Le père, comme <strong>la</strong> mère, considèrent désormaisles enfants comme principaux générateurs de difficultéset s'adressent donc à l'autorité judiciaire pour réglerleurs conflits avec leurs enfants. Ce phénomène estd'autant plus sensible que le niveau socio-économique<strong>des</strong> familles est plus élevé.La période suivante (1965-67), on observe une extension<strong>des</strong> signalements émanant du groupe familial, ainsiqu'une généralisation <strong>des</strong> difficultés d'éducation liéesà <strong>des</strong> conflits entre parents et enfants. Ce phénomènetend d'ailleurs à toucher <strong>des</strong> familles de niveaux socioéconomiqueplus diversifiés et plus élevés.A,lpartir <strong>des</strong> années 1970-72, apparaît le phénomene derupture que nous avons mis en évidence. II est lié, engrande partie, au fait que les familles "signalent"beaucoup moins. Dans l'ensemble, les signalements sontbeaucoup moins motivés par le comportement <strong>des</strong> enfants.


<strong>Les</strong> pères de famille notamment "dénoncent" peu de conflitsparentslenfants, mais d'abord les carences éducativeset ménagères de leur conjointe. Du reste, dans ledomaine de l'autorité parentale, à partir <strong>des</strong> années1970-72, ce sont les mères de famille qui prendront lere<strong>la</strong>is <strong>des</strong> pères dans <strong>la</strong> "dénonciation" <strong>des</strong> conflitsre<strong>la</strong>tifs à l'autorité parentale. S'agit-il, en cedomaine, d'une conséquence liée à <strong>la</strong> loi du 4 juin 1970sur l'autorité parentale ?Malgré ces glissements et les apparentes distinctionsqui se font jour sur l'ensemble du processus, il fautnoter une re<strong>la</strong>tive invariance dans les critères <strong>d'inadaptation</strong>: les enfants sont d'abord signalés pour <strong>des</strong>conflits avec leurs parents, les mères du fait de carencesmênagères ou éducatives, les pères pour leurbrutal i te.<strong>Les</strong> dangers dl@ducation s'organisent, au départ, à partirde comportements de carences attribués aux parents. Cesont, ensuite, ces derniers qui révèlent et signalent à1 'autori té judiciaire <strong>la</strong> montée <strong>des</strong> problèmes éducatifs7iês au problème de 1 'autorité paternelle. En ce domaine,les parents sont d'aiileurs re<strong>la</strong>yés par les services depolice - gendarmerie - justice qui portent un intérétparticuljer à ce type de danger, notamment lorsqu'ilrecouvre <strong>des</strong> problemes de comportement du type délinquance.Ainsi, devons-nous remarquer que Tes servicesde police - gendarnerie - justice privilégient une approcheéducative de l'inadaptation liée aux comportements<strong>des</strong> enfants, approche qui s'observe à toutes les pério<strong>des</strong>,préservée par une intégration moindre d'autresfacteurs explicatifs, notamment économiques, En cedomaine, 1 'approche comportementale est privilégiée,mais s'adresse, à l'inverse <strong>des</strong> services sociaux <strong>des</strong>ecteur, d<strong>la</strong>bord adx mineurs.L1?nstitution specialisée, terrain de cette étude,s'intéresse très vivement aux dangers d'éducation puisqu'ilsreprésentent un pourcentage moyen de 64 % <strong>des</strong>dangers slgnalés pour l'ensemble <strong>des</strong> perio<strong>des</strong> considérées.Le souci éducatlf du service social est donc,particulièrement, évident et très fortement exprimépuisque, d'une période à 1 'autre, les dangers dt@ducationrecouvrent de 3/4 de I 'ensemble <strong>des</strong> signalements(période 1965-67) à <strong>la</strong> moitié (période 1975-77).Le tableau suivant. fait apparaître 1 'évolution de cette


nature de danger pour chaque période considérée et <strong>la</strong>compare à <strong>la</strong> moyenne globale de signalements de ce typeissus <strong>des</strong> institutions du terrain détectant l'inadaptation.'€~:~c~vhch <strong>des</strong> e>awjee di ~=ivca tion~eih &CL s Q ~ J I L SOS~O ~ t Spe'ciaCern a~o*~l-cn & 1% meycnntPLe tableau ci-<strong>des</strong>sus visualise deux phases d'évolutiontrès distinctes du concept "éducation" au sein du servicesocial de <strong>la</strong> S.E.A. De 1955 à 1967, une phase ascendantecaractérise 1 'augmentation croissante <strong>des</strong> problèmeséducatifs. A 1 'inverse <strong>des</strong> autres institutions,cette montée <strong>des</strong> problémes éducatifs apparatt beaucoupplus constante et progressive. Une deuxième phase,caractérisant les années 1970-1977, traduit à <strong>la</strong> foisle phénomène de rupture dans le repérage <strong>des</strong> dangers detype éducatif qui survient au cours de <strong>la</strong> période 1970-1972, en méme temps qu'une importance moindre attribuéeau domaine éducatif. Ce fait s'explique par <strong>la</strong> prise encompte d'autres domaines intéressant le devenir del'enfant : le domaine affectif notamment.Ainsi, l'institutfon spécialisée se spécifie de plus enplus dans les dangers d'éducation jusqu'en 1967. Denouvelles préoccupations, qui émergent essentiellementau cours <strong>des</strong> années 1970-72, viennent interrompre ceprocessus d'où <strong>la</strong> régression apparente <strong>des</strong> dangersd'éducation.Ces données d'ensemble permettent un certain nombred'observations.


D'une part, les écarts de perception et l'appréciation<strong>des</strong> natures de danger sont d'importance entre les institutionsdétectrices du terrain social et 1 'institutionspécialisée qui présente un schéma d'appréhension<strong>des</strong> natures de danger de type éducatif beaucoup plusuniforme, du moins de 1955 à 1967.D'autre part, selon les pkrio<strong>des</strong>, les préoccupations etles centres "d'intérêt" sont divers. Si donc, au cours<strong>des</strong> années situées avant 1.955, les institutions du terrainportent une attention toute particulière sur <strong>la</strong>sécurité physique <strong>des</strong> enfants, t'institution spécialiséese soucie beaucoup plus dejà de son devenir éducatif,danger le plus repéré même si globalement les causesen sont attribuées au pért? de Famille pour son alcoolismeou sa violence et à <strong>la</strong> mëre du fait de ses carenceséducatlves ou ménagères.A sa manière, au cours de <strong>la</strong> përiode suivante (années1960-62), 1 'institution spécialisée traduit <strong>la</strong> crised'autorité se fondant sur l'observation et le développement<strong>des</strong> conflits opposant les mineurs à leursparents. <strong>Les</strong> mineurs, meme si l'on révèle qu'ils "donnent"<strong>des</strong> difficultés à leurs parents" (11, n'apparaissentpas comme les premiers responsables de cettesituation. En 1960-62, les problêmes d'éducation, pourle service social de <strong>la</strong> S.E.A., se fondent avant toutsur l'absence ou le manque d'autorité <strong>des</strong> pères et mèresà l'égard de leurs enfants.Paradoxalement, on observera qu'au cours <strong>des</strong> années1965-67, même si les indications d'Action Educative enMilieu Ouvert traduisent une extension conséquente <strong>des</strong>problèmes éducatifs liés à l'observation <strong>des</strong> conflitsopposant les mineurs à 1 'autori té paternelle, 1 'institutionconserve une logique dans ses schémas d'appréhensionde l'inadaptation et cette période dénonceconséquemment les comporl.ements d'autoritarisme ou de"rigidité" éducative de <strong>la</strong> part <strong>des</strong> péres de famille.La situation telle qu'elle est analysée au cours <strong>des</strong>années 1965-67 révgle, en fait, une dynamique conflictuelle: si 1 'absence d'fiutorité <strong>des</strong> pères et mères aconduit les mineurs à contester de plus en plus intensémentl'autorité paternelle, elle a aussi pour effet(1) Rapport moral du service social - Année 1962.


d'engendrer, par réaction, <strong>des</strong> comportements de "rigidité"éducative chez les pères de familles ou encore d'accentuerles conflits au sein du couple familial.Ainsi, 1 ' institution spécialisée ,rend compte, à semanière, de l'évolution globale qui se caractérise surle terrain social, mais dispose également d'une analyseplus é<strong>la</strong>borée.Faut-il voir, dans 1 'intérët que porte 1 'institutionspécialisée aux dangers d'éducation, le souci pourl'institution de se protéger en créant les conditionsde sa "survie" institutionnelle ? Le phénomène d'assimi<strong>la</strong>tionspécifique aurait alors, pour effet premier,de conserver, "pérenniser" l'institution elle-méme enadaptant, voire transformant son produit, c'est-à-direen l'occurence. <strong>la</strong> clientèle de service social, à sanécessaire reproduction.Ces questions nous semblent devoir ressortir de manièrenon équivoque <strong>des</strong> observations réalisées à partir <strong>des</strong>comparaisons qui peuvent être établies concernant <strong>la</strong>perception spécifique <strong>des</strong> divers types d'institution, àsavoir les institutions-détectrices de l'inadaptationet l'institution spécialisée : le service social de <strong>la</strong>S.E.A.Ainsi que nous l'avons déjà rapporté, l'appréciation<strong>des</strong> natures de dangers, selon 1 'institution qui <strong>la</strong>formule (institutions du terrain social ou institutionspécialisée), est quafi tativement et quantitativementdifférente.En particulier, an observe que le service social spécialiséréduit l'éventait <strong>des</strong> dangers susceptibles d'affecter<strong>la</strong> vie ou le devenir de l'enfant à <strong>des</strong> dangers detype éducatif': Ce phénomène est constant, et apparalttrès nettement sur l'ensemble du processus malgré l'émergenced'un discours nouveau qui se développe surtoutautour <strong>des</strong> années 1970-72, attachant une importance deplus en plus croissante au devenir affectif de l'enfant.Cette donnée constitue d'ailleurs un deuxieme pôleautour duquel se développe le processus d'assimi<strong>la</strong>tionspécifique du service social. S'il tend à suppléer lediscours se constituant a partir de <strong>la</strong> prise en compte<strong>des</strong> problèmes éducatifs, il représente également uneforme plus é<strong>la</strong>borée sur <strong>la</strong>quelle s'organise désormais1 'intervention socio-éducative.


Le service social spécialisé tend donc à réduire l'éventail<strong>des</strong> dangers possibles à <strong>des</strong> dangers de type éducatif.Ainsi, devons-nous remarquer que, avant 1958, leservice social de <strong>la</strong> S.E.A. détecte, plus de deux foisplus, que les autres institutions à 1 'origine <strong>des</strong>signalements à l'autorité judiciaire, les dangers d'éducation(soit 31,9 % pour les organes de signalement,et 68,8 % pour <strong>la</strong> S.E.A.).Si, d'une manière générale, l'appréciation <strong>des</strong> naturesde danger diffère selon les instances, notons égalementque les inadaptations révelées ne recouvrent ni <strong>la</strong>même réalité, ni <strong>la</strong> mëme importance. Par exemple, aucours de ces mëmes années, <strong>la</strong> perception de l'alcoolismepaternel est plus de 5 fois supérieure à celle <strong>des</strong>organes de signalement, lorsqu'elle émane du servicesocial spécialise.Le phénomène de subjectivité, lié à <strong>la</strong> perception d'unesituation, ne nous paraît pas devoir rendre compte entotalité de tels écarts. Si les exemples, ci-<strong>des</strong>sus, nesont qu'indicatifs, il convient notamment de remarquerque les écarts de perception entre les deux typesd'institution : S.E.A. et organes de signalement, sontconstants dans le temps et révé<strong>la</strong>teurs du phénomëned'assimi<strong>la</strong>tion spécifique, donc induits par <strong>des</strong> donnéesinstitutionnelles et structurelles.Ainsi, pour ce qui concerne <strong>la</strong> période "avant 1958" :- <strong>Les</strong> organes de signalemert du terrain se saisissentd'une situation, et révéleat <strong>des</strong> inadaptations lorsque<strong>la</strong> matérialité <strong>des</strong> faits peut étre établie. Une importanceest donc attribuée acx comportements "spectacu<strong>la</strong>ires"repérables chez les jeunes (délinquance, fugue,,- Le service social spécialisé dîspose dhne logique quilui est propre, <strong>Les</strong> éIémenLs de causalité de l'inadaptationsont liés à <strong>des</strong> comportements, <strong>des</strong> déficiencesparentales du père ou de <strong>la</strong> mère. Le devenir éducatif del'enfant est donc gravement menacê lorsqu'il y a alcoolismedu père, ou encare ma<strong>la</strong>die mentale de <strong>la</strong> mère,etc. La sOcurité physique de l'enfant, ou sa santé, sontalterées du fait d'un logentent insalubre dont <strong>la</strong> responsabilité en revient à <strong>la</strong> mer@ de famille du fait de sescarences, ou encore de son ignorance culturelle.


Nous reviendrons ultérieurement sur ce mécanisme quiapparaît derrière ces exemples et qui fonde T'inadaptationà partir d'une analyse centrée sur une recherchede causalité individuelle. On peut éqalement s'interrogersur l'intérêt d'une telle démarch,e et ses effets directssur le processus d'assimi<strong>la</strong>tion spécifique.Si, au cours <strong>des</strong> années suivantes, l'écart, dans lesschémas. de perception, tend à se réduire sensiblemententre le service social spécialisé et les institutions"détectrices" du terrain, le Tangage de 1 'institutionspécialisée conserve <strong>la</strong> même logique puisque, lors deta période 1960-62, dans 43 % <strong>des</strong> situations, le dangerde santé devient, selon le service social spécialisé,un danger de type éducatif ; dans 70 % <strong>des</strong> situationsfaisant état d'un danger de sécurité physique, le servicespécialisé détecte <strong>des</strong> dangers de type éducatif. Ilen est de méme pour les dangers de moralité qui sontconvertis, pour 67 %, en danger d'éducation.Outre les aspects liés aux écarts de perception qui ressortentd'une étude comparative entre l'institutionspécialisée et les institutions détectrices du terrain,l'analyse du discours, tenu par le travailleur social duservice spécialisé, apparaft révé<strong>la</strong>teur et indicateur del'évolution du processus d'assimi<strong>la</strong>tion spécifique dansle temps, c'est-à-dire, pour ce qui nous concerne, de1955 à 1977.La mise à jour <strong>des</strong> inadaptations se fonde dans un discours,justification de l'intervention sociale, qui estnécessairement sods-tendu par <strong>des</strong> valeurs morales faisantréférence, tant à fa subjectivité individuelle del'intervenant à son système de valeur, qu'aux valeurs<strong>sociales</strong> de l'époque et à leur prégnance dans le tissusocial.Traitant <strong>des</strong> problèmes éducatifs, le travailleur socialdu service spécialisé utilise un discours de plus enplus é<strong>la</strong>boré, dont les éléments essentiels référencésaux différentes perio<strong>des</strong> révèlent :- Que lors <strong>des</strong> années situées avant 1958, l'inadaptation<strong>des</strong> pères et mères de famille est très fortement imprégnéede jugements moraux. <strong>Les</strong> éléments explicatifs deI 'inadaptation sont peu décrits. Le travailleur socialtend davantage à décrire <strong>des</strong> comportements qu'il qualifiepar <strong>des</strong> jugements moraux (bonté, courage, ...). L'enfantapparaft comme victime <strong>des</strong> comportements déviants, repéréschez les parents.


- A partir <strong>des</strong> années 1960-62, <strong>la</strong> montée <strong>des</strong> problèmeséducatifs et 1 introduction de nouvel les techniques detravail (case-work, supervision individuelle) tendant 3favoriser une recherche de causalité plus expli ci te quifonde les dangers éducatifs .. à partir d'un constat d'absence d'autorité <strong>des</strong> parentssur les enfants ;. amenant les mineurs à contester 1 ' autori të paternel le,l'ordre familial et social ;. ayant pour effet secondaire un ~omportement réactionnel<strong>des</strong> pPres de familles à l'ëgard <strong>des</strong> mineurs, les conduisantà <strong>des</strong> actes de brutalité ou d'autoritarisme.Mgme, si durant <strong>la</strong> période 1965-67, le mineur est révélécomme étant beaucoup plbs "dynamique" dans ses tnadaptations,le discours appliqué par le travailleur social etles emprunts qu'il fait au vocabu<strong>la</strong>ire psychologique,montrent néanmoins que <strong>la</strong> recherche de causalité en matière<strong>d'inadaptation</strong> sociale s'oriente sur une prise encompte <strong>des</strong> problématiques individuelles et personnelles<strong>des</strong> individus. tes facteurs d'intégration sociale, dematurl té personnel le, apparaissent ainsi comme autantde facteurs explicatifs de I ' inadaptation.Enfin, durant <strong>la</strong> période <strong>la</strong> plus récente, soit les annnëes1975-77,1e vocabu<strong>la</strong>ire psychologique, qui a d'abord étéappliqué au mineur, se reporte sur les parents du fait de<strong>la</strong> résolution, apparaissant au cours <strong>des</strong> années 1970-72,de <strong>la</strong> crise d'autorité <strong>des</strong> années 1965-67. La problëmatiqueindividuelle <strong>des</strong> personnes dont on révèle lesinadaptations, devient aussi élément explicatif de soninadaptation.Ainsi convient-il de remarquer l'é<strong>la</strong>boration <strong>des</strong> mécanismesidentifiant l'inadaptation et leurs 6volutionç.Sur l'ensemble <strong>des</strong> pério<strong>des</strong>, deux phases apparaissent deplus en plus sensiblemelt dans <strong>la</strong> constitution du processusde causali tê :- L'inadaptation se constitue et se définlt â partird'une analyse comportem*ntale, s'attachant à rechercherles effets de l'inadaptation sur les personnes : parexemple, l 'alcoolisme du père a pour effet d'engendrerchez <strong>la</strong> mère <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong> de carences ménagères, Cetensemble de comportements se répercute sur le mineuren danger d'ëducation, ou d16panouissement, etc.L'inadaptation se définit ainsi dans une démarche decausalité linéaire.


- Ce mëme processus, à partir <strong>des</strong> années 1965-67, etsurtout 1970-72, s'applique, non plus seulement à <strong>des</strong>situations interactionnelles, mais également à unerecherche de causalité appliquée à <strong>la</strong> personne mémecomme étant à <strong>la</strong> fois auteur et victime de son inadaptation.L'institution spécialisée é<strong>la</strong>bore donc <strong>des</strong> schémas deplus en plus complexes dont <strong>la</strong> finalité nous paraftdevoir servir avant tout sa préservation. Le conceptéducation et les inadaptations qui s'y rapportent,tout comme les autres concepts étudiés, fournissent <strong>des</strong>exemples révé<strong>la</strong>teurs <strong>des</strong> mécanismes sous-jacente à <strong>la</strong>définition <strong>des</strong> inadaptations.Ainsi, l'importance attachée aux problèmes éducatifs,par le service social spgcialisé, révèle que ce type<strong>d'inadaptation</strong> est aussi au service de 1 'institution,c'est-à-dire, a également une fonction dans le maintienstructurel de 1 ' institution.


En résumé :Le concept "Education" recouvre <strong>des</strong> aspects différentsselon qu'il est appréhendé au niveau <strong>des</strong> institutionsdétectrices du terrain, ou au sein du service spécialisé.S'il peut être au service <strong>des</strong> mêmes finalités,par exemple : préservation de <strong>la</strong> cellule familiale,il sert également <strong>des</strong> intérêts differents. Ce faitnous semble particulièrement évident lorsqu'on s'attacheà faire apparattre les caractéristiques du processusd'assimi<strong>la</strong>tion spécifique au sein de l'institutionspécialisée,Si 1 'on considère les dive-ses origines de signalementet l'évolution du concept Pducation dans le temps, ondistingue trois phases car,ictéristiques :- Avant les années 1960, 11% concept "éducation" repose,pour l'essentiel, sur une lnalyse qui révèle <strong>des</strong> comportementsparentaux de carences. L'accent est donc mis surles parents et favorise l'smergence <strong>des</strong> problèmes <strong>des</strong>écurité physique, de moralité, d'éducation ou de santé.Quelle que soit <strong>la</strong> nature de danger apparaissant, <strong>la</strong>cible reste toujours les parents.- A partir <strong>des</strong> années 1960-62, on observe un phénomènede mutation <strong>des</strong> probl ëmes éducatifs . <strong>Les</strong> dangers d'éducationne sont plus appréhendés à travers <strong>des</strong> constatsde carences, mais recouvrent une forme plus dynamiquepuisqu'ils intéressent les mineurs eux-mêmes manifestant,par leurs attitu<strong>des</strong>, une remise en cause del'ordre familial ou social. Cette përiode, au niveausocial, se prête bien à ce report sur les mineurs <strong>des</strong>problèmes d'éducation : montée démographique importanteliée à l'apparition plus massive <strong>des</strong> jeunes adolescents,conséquence <strong>des</strong> politiques natalistes, phénomèned'urbanisation massive favorisant <strong>la</strong> constitution deban<strong>des</strong> d'adolescents, etc. Dans ce contexte, ce sontd'ailleurs les parents et les institutions garantes del'ordre social, telles que gendarmerie - police -justice, qui se "focalisent" sur ces aspects favorisantou révé<strong>la</strong>nt 1 'explosion <strong>des</strong> problèmes éducatifs liée, à<strong>la</strong> constestation <strong>des</strong> modèles d'autorité au premier rang<strong>des</strong>quels figure 1 'autorité paternelle.- Au cours <strong>des</strong> années 1970-72, plusieurs modificationsapparaissent. D'une part, l'explosion <strong>des</strong> problèmes éducatifs,liée à <strong>la</strong> contestation <strong>des</strong> modèlcs d'autorité, s'estgrandement résorbée favorisdnt on report sur les parents,le couple familial notamment, <strong>des</strong> schémas d'appréhension<strong>des</strong> inadaptations de type éducatif. La mèro est, de plus


en plus, confrontée à une norme éducative ; c 'est doncà partir du repérage de ses carences que se constituentet se révèlent les dangers d'éducation. A noter, quedepuis les années 1970-72, <strong>la</strong> perception <strong>des</strong> problèmeséducatifs décelés chez le mineur, se modifie dans lesens d'une "médicalisation" : troubles caractériels,déiciences sco<strong>la</strong>ires conti tuent <strong>des</strong> inadaptationsplus souvent citées. Ce phénomène est d'ailleurs conjointà une fréquence plus conséquente <strong>des</strong> signalements issus<strong>des</strong> services sociaux de secteur.Le concept "Education", dans le processus d'évolution <strong>des</strong>inadaptations, requiert une forme d'expression plusé<strong>la</strong>borée. Il imolique, en effet, que soient prises enconsidération<strong>des</strong> données plus subjectives que cellesrPvéiant antérieurement les dangers du type santé ousécurité physique. L'aspect re<strong>la</strong>tionnel, en particulier,est un <strong>des</strong> éléments constitutifs du concept le plusimportant. Cet aspect, en particulier, explique que sonapparition est plus fréquente au sein <strong>des</strong> milieux socioprofessionnelsles plus élevés, ou, au sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionfrançaise. Notons, toutefois, que dans le déroulementdu processus d'évolution les dangers d'éducationtendent à "envahir" les couches de ta popu<strong>la</strong>tion lesplus basses,ou les popu<strong>la</strong>tions immigrées. Ce phénomèned'extension du concept Education entrafne à <strong>la</strong> fois sondéclin, mais aussi l'émergence <strong>d'inadaptation</strong>s de formeplus é<strong>la</strong>borée, en particulier, celles re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong>prise en considération du domaine de l'affectivité de1 'enfant.L'institution spécialisée repère et adapte les inadaptationspour <strong>des</strong> nécessités qui sont également d'ordrestructurel . <strong>Les</strong> problèmes éducatifs recouvrent, danscette perspective, une importance de premier ordreparce que, de leur reconnaissance par 1 'institution,dépendent le développement et 1 'équilibre de 1 'institution.II y a bien adaptation <strong>des</strong> inadaptations auxnécessités institutionnelles et structurelles de l'institutionspécialisée qui concourt ainsi à se lggitimer,à légitimer sa fonction et à <strong>la</strong> faire reconnaftre dansle but également de se faire reconnaître.


II - B. 5 : LA SECURITE AFFECTIVE


Le concept "sécurité affective'' est un concept récentpuisqu'il n'apparaît qu'au cours <strong>des</strong> années 1960-62.Son audience demeure re<strong>la</strong>tive jusqu'en 1965-67.Le tableau suivant révèle l'importance attachée auxdangers dénoncés comme susceptibles de porter atteinteau développement affectif de l'enfant, à son épanouissementpersonnel.Le pourcentage moyen <strong>des</strong> dangers répertoriés sous <strong>la</strong>rubrique "sécurité affective" ne recouvre que 13,l %de l'ensemble <strong>des</strong>s-ignalement~ pour les années cornprisesentre 1960 et 1977. Ce pourcentage n'estd'ailleurs que de 5,l % pour les pério<strong>des</strong> 1960-1967,c'est dire <strong>la</strong> faible impcrtance que constituent lesdangers de sécurité affective avant 1968. Ils sontprésents, mais peu pris en considération. La montée<strong>des</strong> problèmes éducatifs, de 1960 à 1967, occulte <strong>la</strong>prise en compte du développement personnel de l'enfant,de son devenir affectif.A partir <strong>des</strong> années 1970-72, les problèmes d'ordreaffectif font brusquement 1 'objet d'une attention touteparticulière. Le repérage <strong>des</strong> dangers affectifs devientbeaucoup pl us conséquent puisqu'i 1 représente, enmoyenne, 21,1 % de l'ensemble <strong>des</strong> signalements couvrantles années 1970-1977. La prise en compte, <strong>des</strong> dangersde type affectif, se réalise bien grâce à <strong>la</strong> résolution<strong>des</strong> conflits éducatifs qui contituaient l'essentiel<strong>des</strong> signalements avant 1977.


Trois étapes apparaissent donc nettement dans le déroulementdu processus global d'évolution <strong>des</strong> inadaptations.Avant 1960, les dangers signalés attestent que l'accentest mis sur <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> enfants, leurspréservations ; de 1960 à 1967, l'aspect éducatif traduitun dép<strong>la</strong>cement dans <strong>la</strong> prise en compte <strong>des</strong> différenteszones du développement du mineur. Enfin, depuis 1970,essentiel lement, il convient de souligner 1 'importanceattachée au développement personnel de 1 'individu,notamment celui concernant l'enfant. La prise en considération<strong>des</strong> facteurs personnels et affectifs de 1 'individuest donc récente notamment en ce qui concerne <strong>la</strong>reconnaissance de <strong>la</strong> personnalité ou de l'affectivitécomme pouvant être altérée, ou perturbée, par <strong>des</strong> inadaptations.Cette troisième zone du développement del'enfant nous paraît avoir été induite également parle phénomène de vulgarisation de <strong>la</strong> psychanalyse qui aorienté l'analyse vers <strong>la</strong> prise en compte <strong>des</strong> donnéesintra-psychiques de l'individu,Si le concept "sécurité affective" apparatt donc commere<strong>la</strong>tivement récent, puiqu'il ne prend en fait réeltementconsistance qu'à partir <strong>des</strong> années 1970-72,ilconvient de remarquer qu'au cours <strong>des</strong> années 1975-77,on perçoit déjà une très faible diminution <strong>des</strong> dangersdits de sécurité affective par rapport à <strong>la</strong> périodeantérieure.Faut-il voir, là, déjà, l'esquisse d'un déclin de ceconcept ? Aucun argument, tiré de l'étude, ne nouspermet de confirmer ce propos. Nous relevons, néanmoins,actuellement 1 'essor que connaissent les théories systémiqueset l'incidence qu'auront, inévitablement, sur <strong>la</strong>pratique éducative en A.E.M.O., <strong>des</strong> formes nouvellesd'intervention, telles celles de thérapies familiales.Ces nouveaux courants, récents en France, affecterontles pratiques éducatives, et favoriseront très vraisemb<strong>la</strong>blementde nouveaux "dép<strong>la</strong>cements" dans <strong>la</strong> priseen compte d'autres spheres du développement de l'individu.Ainsi, peut-on supposer qu'au cours <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> suivantes,<strong>la</strong> prise en considération de <strong>la</strong> sphère affective de1 'individu peut recouvri r moins d'importance.


1. !n_conceet,~:aeearltfo!!-r~cente-en.erot%~t!oc-i~1 'enfance--------*Quel les sont les inadaptations qui paraissent êtredéterminantes dans <strong>la</strong> constitution du concept "sécuritéaffective" ?Avant 1970, les dangers de sécurité affective se constituent,pour l'essentiel, à partir du repérage <strong>des</strong>conflits au sein du couple, ou encore à partir <strong>des</strong>carences éducatives de <strong>la</strong> mère.En 1970-72, si les dangers de sécurité affective apparaissentde façon beaucoup plus significative, ils sonttoujours associés, pour l'essentiel, aux conflits dansle couple parental (60 %), et aux carences éducativesde <strong>la</strong> mère de famille (40 %).En 1975-77, couple et mère de famille constituent toujoursles deux pales favorisant les dangers de typeaffectif, mais si le couple induit, en raison de conflits, ce type meme de danger, ce ne sont plus tant lescarences éducatives de <strong>la</strong> mère que les manifestationsd'un désintérêt pour sa famille qui en favorisent1 'émergence. Le père qui, jusqu'alors, n'était prati -quement pas mis en cause lorsque ce danger apparaissait,l'est, à partir <strong>des</strong> années 1975, pour <strong>des</strong> conduites ou<strong>des</strong> manifestations de désintérêt à l'égard de sa familleAinsi, ce sont donc, essentiellement, les conflits dansle couple parental qui sont perçus dans les signalementscomme mettant en péril <strong>la</strong> sécurité affective <strong>des</strong> enfants.Il est intéressant de constater que c'est <strong>la</strong> mère,beaucoup plus que le pèrt?, qui est décrite comme mettanten jeu cette sécurité affective. Ce dernier est pourtantcité dans <strong>la</strong> dernière pél-iode (annëes 1975-77); ce faitpeut être indicatif d'une modification <strong>des</strong> rôles parentaux,ou tout au moins, de <strong>la</strong> façon de les percevoir.La reconnaissance d'un d


qui doit pourvoir à l'éducation <strong>des</strong> enfants et, cefaisant, au développement personnel et affectif deceux-ci. Si avant 1975, <strong>la</strong> révé<strong>la</strong>tion d'une carenceéducative pouvait donc conduire l'enfant à une situationmettant en danger son développement personnel etaffectif, depuis 1975, l'aspect re<strong>la</strong>tionnel prend lepas sur l'aspect purement éducatif. Manifester undésintérêt pour sa famille, c'est, en effet, ne pasassumer qualitativement une re<strong>la</strong>tion à l'enfant, re<strong>la</strong>tionqui a pu ëtre définie, par certains auteurs, commeune véritable "vitamine de croissance",Harmonie familiale et~re<strong>la</strong>tion qualitative à l'enfant,notamment de <strong>la</strong> part de <strong>la</strong> mère, sont les deux aspectsessentiels qui paraissent fonder les principes de <strong>la</strong>reconnaissance d'une sécurité affective pour l'enfant.Si d'étude <strong>des</strong> nationalités ne parait pas etre unélément particulièrement discriminant pour ce quiconcerne <strong>la</strong> prise en compte <strong>des</strong> dangers d'ordre affectif(ces dangers se repèrent d'ailleurs au sein dechacune <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions de nationalités différentes demanière sensiblement égale), par contre, l'étude duni veau socio-économique permet de confirmer certainesdonnées apparaissant déjà dans l'étude du concept Educati on.<strong>Les</strong> deux tableaux suivants révèlent l'importance, pourchacune <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> considérées, que recouvrent lesdangers d'ordre affectif et les comparent à <strong>la</strong> moyenneglobale, issue <strong>des</strong> signalements se constituant autour<strong>des</strong> dangers de type affectif.EdoluOi **. el#$ ' D _ ~ ~ b ~ e h ' 5 ci*S&.J ri CC P f f e~.Ybi


Si l'on compare ces deux schémas au tableau d'évolutionmoyenne <strong>des</strong> dangers de type affectif, on peutobserver :- Qu'à partir <strong>des</strong> années 1970-72, <strong>la</strong> montée <strong>des</strong> problèmesaffectifs, se réa'iise tant au sein de <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse<strong>des</strong> ouvriers spécialisés, qu'au sein de celle <strong>des</strong>cuvriers professionnels.- Que, toutefois, <strong>la</strong> prise en compte <strong>des</strong> problèmes affectifsse réalise, en 1970-72, pour l'essentiel, au sein<strong>des</strong> catégories socio-professionnelles les plus élevées(ouvriers professionnels, employés).Inversement, au cours de; années 1975-77, les dangers <strong>des</strong>écurité affective sont <strong>la</strong>vantage repérés chez les O.S.qJe chez les O.P. Ce fait atteste d'une plus grande priseen compte de <strong>la</strong> sphère affective au sein <strong>des</strong> catégoriessocio-professionnelles les moins élevées, et illustreun phénomène de dép<strong>la</strong>cement déjà mis à jour (cf.Concept Educatif).C'une manière générale, nous ne pouvons toutefois pasaffirmer que 1 'appartenance à une catégorie socioprofessionnelleconstitue un élément discriminant dansle repérage <strong>des</strong> dangers de sécurité affective.Son étude permet, néanmoins, de confirmer qu'au coursdzs années 1975-77, <strong>la</strong> catégorie <strong>des</strong> ouvriers spécialisésreprend et intègre les éléments qui étaient,auparavant, plus intensément appliqués à <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse <strong>des</strong>ouvriers professionnels.Deux variables, re<strong>la</strong>tives à l'étude <strong>des</strong> catégoriesfaniliales; paraissent induire de manière plus déterminantele repérage <strong>des</strong> dangers de nature affective ;il s'agit du nombre moyen d'enfants par famille et <strong>des</strong>perturbations familiales enregistrées au sein d'un mêmemilieu familial.concernant l'étude du nombre moyen d'enfants par famille,an peut observer, de manière constante au cours <strong>des</strong>différentes pério<strong>des</strong>, que les problèmes de sëcuritéaffective sont d'autant plus fréquemment mentionnésque le nombre d'enfants au sein d'une famille est faible.4nins les familles sont nombreuses, plus l'accent estn s sur <strong>la</strong> dimension individuelle <strong>des</strong> divers membres du


groupe familial, alors qu'au contraire, c'est le rôlequi prédomine au sein <strong>des</strong> familles nombreuses. L'aspectaffectif est donc privilégié dans les familles peu nombreuses,alors que l'aspect sanitaire, ou de sécuritéphysique, prend le pas dans les familles ayant un nombremoyen d'enfants élevé. Le nombre d'enfants par familleinduit donc, sinon <strong>des</strong> inadaptations particulières, dumoins <strong>des</strong> perceptions différentes d'où <strong>des</strong> dangers réelsou potentiels différents.<strong>Les</strong> dangers de sécurité affective apparaissent êtrecorré<strong>la</strong>tifs aux situations et aux modifications susceptiblesd'affecter le couple parental. En effet, le nombrede perturbations familiales (divorce, décès d'un conjoint,vie en concubinage après divorce, etc.) induit unaccroissement dans le repérage <strong>des</strong> dangers de type affectif.Plus une famille a été soumise à <strong>des</strong> perturbationsdans son organisation familiale, plus l'insécurité affective<strong>des</strong> enfants est signalée. L'accroissement de ce typede dangers se fait au "détriment" de ceux menaçant <strong>la</strong>sécurité physique, ou <strong>la</strong> santé, qui sont davantage signalésdans <strong>des</strong> familles au sein <strong>des</strong>quelles il n'y a pas eude perturbations.L'étude <strong>des</strong> caractéristiques <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions concernéespar les dangers de sécurité affective illustre, làencore, l'importance attachée à <strong>la</strong> dimension est davantageprise en compte dans les familles ayant un nombre d'enfantspeu élevé (inférieur ou tout au plus égal à trois),ou encore au sein <strong>des</strong> milieux familiaux traversés par <strong>des</strong>modifications, <strong>des</strong> "perturbations' au niveau du coupleparental.On pourrait penser que leconcept "sécurité affective" estissu également de certain courant de politioue sncinle,certaines "réformes" tel les ce1 les re<strong>la</strong>tives au ServiceUnifié de 1 'Enfance, à <strong>la</strong> sectorisation psychiatriqueou, plus récemment, en 1972, à <strong>la</strong> volonté de promouvoir<strong>la</strong> sectorisation de <strong>la</strong> psychiatrie infanto-juvénile.En réalité, ces courants politiques ont davantage suivil'évolution qui se caractérisait sur le terrain qu'ilsne l'ont précédécou induite, En effet, si <strong>la</strong> sectorisationpsychiatrique, effective dans le département de l'Isère,au cours <strong>des</strong> années 1970-72, peut être un facteur explicatifde l'ëvolution du concept "sécurité affective", dans<strong>la</strong> réaii té, <strong>la</strong> détermination <strong>des</strong> problèmes d'ordre affectifsemble plutôt liée à une nouvelle perception


<strong>des</strong> enfants, qui, à partir <strong>des</strong> années 1970-72, ne sontplus décrits comme <strong>des</strong> éléments "perturbateurs" à éduquer,mais dont le "vécu", l'épanouissement est désormaispris en compte. <strong>Les</strong> enfants ne sont donc plusconsidérés dans leur comportement, mais dans leur vécu.Si les signalements issus <strong>des</strong> services sociaux de secteurintègrent 1 'evolution qui se <strong>des</strong>sine à partir <strong>des</strong> années1970 autour du concept "sécurité affective", ce ne sont pasces insti tutions qui révèlent pour 1 'essentiel les dangersd'ordre affectif, dangers qu'elles signalent moins que <strong>la</strong>moyenne, ainsi qu'en témoigne le graphique suivant :Ce sont, essentiellement, deux autres types d'institutionsdétectrices cui révèlent les dangers de sécuritéaffective :- <strong>Les</strong> services de gendarmerie - police- justice.- La famille é<strong>la</strong>rgie, <strong>la</strong> parenté.(cf. l'importance respective que chacune de ces institu~tions attribue aux dangers de sécurité affective :tableaux ci-après).


<strong>Les</strong> signalements, émanant de ces deux types d'institutions,déterminent l'évolution du concept "sécuritéaffective",S'il peut étre paradoxal de constater que les services degendarmerie - police signalent <strong>des</strong> dangers compromettantle devenir affectif <strong>des</strong> mineurs, 1 'explication nousparaît résider dans le fait que ce sont plutôt les servicesde justice qui induisent et participent à ce phénomène.En effet, si d'une manière générale, 1 'ensemble<strong>des</strong> institutions de police et justice détectent pourl'essentiel, <strong>des</strong> inadaptations se référant à une problèmatiquecomportementale, on doit aussi observer quesurtout, à partir de 1970, tes deman<strong>des</strong> de restitutiond'enfants confiés, par voie judiciaire, aux services de<strong>la</strong> Direction Départementale de 1 'Action Sani taire etSociale, sont en très nette augmentation. Ces deman<strong>des</strong>,émanant <strong>des</strong> parents, pour l'essentiel, se répartissentainsi quant à leur importance dans les procédures <strong>des</strong>ignalement, selon les pério<strong>des</strong> considérées :


1960-62 = 8 % de deman<strong>des</strong> de restitution ;1965-67 = O % dans l'échantillon ;1970-72 = 10 % de deman<strong>des</strong> de restitution ;1975-77 = 16 % de l'ensemble <strong>des</strong> signalementsSans pouvoir affirmer c<strong>la</strong>irement les raisons qul poussentles service de justice à prendre en compte <strong>la</strong>sphère affective, l'importance accrue de deman<strong>des</strong> derestitution d'enfants confiés à <strong>la</strong> D.D.A.S.S. nousparaTt devoir inci ter davantage les services de justiceà se poser <strong>la</strong> question <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions de 1 'enfant à sonmilieu, sa famille, zinsi que celle reIative à sonépanouissement et à :on développement personnel.La famille é<strong>la</strong>rgie, et notamment <strong>la</strong> parenté, constituele type d'institution qui paraît Ptre le plus déterminantdans 1 'évolution du concept "sécurité affective".Bien que les signalenlents issus de <strong>la</strong> famille é<strong>la</strong>rgiene constituent qu'en moyenne 9 % de l'ensemble <strong>des</strong>signalements concerna(t les années 1970-77, i 1 fautreamrquer que, pour . essentiel, ceux-ci dénoncentnotamment à partir de 1970-72 les dangers de sécuritéaffective.Cette augmentation considérable <strong>des</strong> signalements liés à<strong>la</strong> sécurité affective (70-72 = 71,4 %, 75-77 = 54,5 %)paraît induite par uiie évolution très apparente dans <strong>la</strong>prise en considération <strong>des</strong> dangers révélés par <strong>la</strong> familleé<strong>la</strong>rgie : avant 1967, les probTémes dénoncés sont décritscomme Gtant de naturcs éducative, ils sont décrits, après1970, comme menaçant <strong>la</strong> sécurité affective <strong>des</strong> enfants.Ainsi <strong>la</strong> révé<strong>la</strong>tion <strong>des</strong> dangers menagant <strong>la</strong> sécuritéaffective <strong>des</strong> enfant; se réalise préférentiellement parles membres de <strong>la</strong> fainille é<strong>la</strong>rgie, ou de <strong>la</strong> parenté,c'est-à-dire par <strong>des</strong> personnes engagées affectivementavec le, ou les mine~rs pressentis en danger affectif.L'institution spéciallsée utilise le concept "sécuritéaffective" d'une manière qui lui est particulière. Sil'on compare l'évolution globale <strong>des</strong> dangers de sécuritéaffective au sein du service social spécialisé, etau sein <strong>des</strong> institution-détectrices du terrain, lesobservations qui peuvent étre faites sont de plusieursordres :


- Le repérage <strong>des</strong> dangers du type éducatif est pris encompte beaucoup plus tôt au sein du service social.Dès 1960-62, ces dangers représentent, en moyenne, 12 %de l'ensemble <strong>des</strong> signalements formulés par cette institution.- <strong>Les</strong> dangers de nature affective sont quantitativementle plus en plus nombreux puisqu'ils représentent, enmoyenne :. 12 % au cours <strong>des</strong> années 1960-62 ;. 16 % au cours <strong>des</strong> années 1965-67 ;. 31 % au cours <strong>des</strong> années 1975-72 ;. 41 % au cours <strong>des</strong> années 1975-77.Cette évolution est constante ainsi que l'illustre letableau suivant.- Le repérage <strong>des</strong> dangers de sécurité affective croTtsurtout entre 1967 et 1970. Le pourcentage double pratiquemententre <strong>des</strong> deux pério<strong>des</strong>. Il semble donc qu'ausein du service social spécialisé, <strong>la</strong> crise conflictuelleet les dangers d'éducation étant beaucoup moins conséquents,l'institution se trouve une nouvelle "vocation"dans <strong>la</strong> prise en compte <strong>des</strong> données affectives de l'enfant.Le concept "sécurité affective" est, par son importance, ledeuxième concept à partir duquel fonctionne le servicesocial spécialisé.Sur les deux concepts, éducation et sécurité affective,repose d'ailleurs, pour l'essentiel, <strong>la</strong> fonction de


l'institution spécialis6e, fonction définie par le regardet le <strong>la</strong>ngage qu'elle donne aux inadaptations, <strong>la</strong>ngagequi est aussi finalisé par l'institution, justifiantainsi de sa fonction sociale.Le tableau, ci-<strong>des</strong>sous, illustre de manière très schématiquel'importance que recouvre chacun <strong>des</strong> conceptsétudiés pour le service spécialisé à chacune <strong>des</strong> pério<strong>des</strong>considërëes.44Sc -bC-5 c..1 tiJ*c.at~*.-4u -. $,;çJr,ti o~~sbriic'SC -.2" -a..n d*qP~qbc'. i q ~ i- .---------Sa..,-&/-;/Lz---,, \irur,ti ï'hI+..quz.-. ~~s..PI. ti. - - --I ,,?bS 19C.f t'iao-l'ifk ;9;5 .1914


L'évolution du concept "sécurité affective", selon qu'ilest étudié à partir <strong>des</strong> signalements émanant <strong>des</strong> institutionsdétectrices, ou au sein du service social spécialisé,recouvre, à partir d'une même réalité, <strong>des</strong> significationsdifférentes,Au sein du service social, le danger de sécurité affectivese constitue pour l'essentiel, et ce sur I 'ensembledu processus, à partir <strong>des</strong> inadaptations repérées chezles mères (carences éducatives, faute familiale, ma<strong>la</strong>diementale, ...). Toutefois, les accès de violence, d'autoritarisme, les comportements al cocl iques du père defamille favorisant l'émergence de ces dangers, ainsique 7e repérage <strong>des</strong> conflits au sein du couple. D'unemanière générale, le danger de sécurité affective seconstPtue à partir de l'analyse conduit à révéler un déficitde type qualitatif dû à <strong>des</strong> inadaptations diverses, leconcept apparait alors.L'analj,se de <strong>la</strong> situation re<strong>la</strong>tionnelle <strong>des</strong> membres d'ungroupe familial est d'ailleurs une donnée importantepour le service spécialisé. Elle explique, en partie, lesécarts de perception qui se révèlent 3 partir de l'analysed'une mëme situation entre service social spécialiséet antennes détectrices du terraSn.Ainsi, pouvons-nous remarquer que, dès les années 1960-62, <strong>la</strong> perception <strong>des</strong> dangers varie selon ces différentesinstances :- <strong>Les</strong> critères de sécurité physique et de moralité alertentbeaucoup plus les institutions détectrices du terrain.- <strong>Les</strong> dangers d'éducation, ou de sécurité affective, sontpris en compte essentiellement par le service spécialisé.Sur l'ensemble <strong>des</strong> dangers de sécurité affective dénoncéspar le service social, au cours <strong>des</strong> années 1960-62 (soit12 % de l'ensemble <strong>des</strong> signalements pour cette période),27 % seulement <strong>des</strong> dangers étaient identifiés par lesinstStutions du terrain sous <strong>la</strong> même formu<strong>la</strong>tion, 9 %étaient apparus sous <strong>la</strong> formu<strong>la</strong>tion Educative,Cet exemple révèle assez bien <strong>la</strong> logique institutionnellede l'institution spécialisée dont les mécanismes d'appréhensionde l'inadaptation reposent sur <strong>la</strong> mise a jour <strong>des</strong>


éléments explicatifs de 1 'inadaptation au niveau parentalessentiel lement. Ces inadaptations étant repérées,le travailleur social s'efforce d'analyser leurs conséquencesréelles ou éventuelles au niveau <strong>des</strong> enfants,les séquelles en quelque sorte, qui résultent <strong>des</strong> inadaptations: troubles caractériels ou affectifs, difficultés d'intégration sociale, etc. Cette donnée constitued'ailleurs un <strong>des</strong> aécanismes de l'institution spécialisée,élément invariant dont il résulte que, surl'ensemble <strong>des</strong> pério<strong>des</strong>, années 1965-67 comprises, lesinadaptations re<strong>la</strong>tives à 1 'enfant restent toujourssoumises à <strong>des</strong> troubles (caractériels ou essentiellementaffectifs) dont <strong>la</strong> causalité même, si elle est identifiéeau niveau parental, est présentée de plus en plus nettement(surtout au cours de <strong>la</strong> période 1975-77) commerésul tant également au niveau <strong>des</strong> parents, d' une impossibilité,d'une impuissance à être, à assumer <strong>des</strong> fonctionsre<strong>la</strong>tionnelles oh éducatives de qualité avec lesenfants.Dans le <strong>la</strong>ngage du travailleur social du service spécialisé,ainsi que nous l'avons déjà noté, les parentssont de plus en plus pr.ésentés comme étant égalementvictimes d'eux-nBmes,de leur impuissance à étre ou àassumer leurs enfants.Ce phénomène d'analyse nous paraft important car ilmontre bien l'impact <strong>des</strong> courants qui ont traversé letravail social. Après une analyse qui s'affirmait dans<strong>la</strong> prise en compte <strong>des</strong> éléments re<strong>la</strong>tionnels, l'analyseactuelle (période 1975-77) intégre egatement les élementsde <strong>la</strong> vie intra-psychique de l'individu, à partir <strong>des</strong>quelss'é<strong>la</strong>bore plus fi nement le processus de causalitéindividuel le <strong>des</strong> inadaptations. La personnalité, <strong>la</strong> viepsychique de l'individu, <strong>des</strong> pères et mères, deviennentélément explicatif <strong>des</strong> inadaptations dont les effets,sur l'enfant, sont de plus en plus du meme ordre, d'oùle développement de <strong>la</strong> dimension épanouissement et affectivitéde l'enfant.


En résumé :Le concept "sécurité affective" apparaît, au sein <strong>des</strong>antennes détectrices de l'inadaptation, surtout, etpour 1 'essentiel, à partir <strong>des</strong> années 1970-72.L'importance que recouvrent les dangers de sécuritéaffective, à partir de 1970-72, s'é<strong>la</strong>bore grâce à <strong>la</strong>résolution de <strong>la</strong> crise éducative. Le concept "sécuritéaffective" correspond donc, dans le processus d'évolution,à une forme plus é<strong>la</strong>borée <strong>des</strong> schémas d'appréhension<strong>des</strong> inadaptations qui se déterminent à partir d'uneanalyse de type qualitatif, prenant en compte <strong>la</strong> dimensionre<strong>la</strong>tionnelle du mineur par rapport à ses parentsou encore affirmant <strong>la</strong> nécessité d'une harmonie familialecomme nécessaire à son développement personnel etaffectif.Ces faits déterminent également le profil de <strong>la</strong> clientèleressortant <strong>des</strong> dangers de sécurité affective. Si iescritères de nationalités ou l'étude <strong>des</strong> niveaux socioéconomiquesne sont pas particulièrement discriminants(bien qu'il soit nécessaire de remarquer, là encore,que cette forme d-nadaptation apparaît plus intensémentau sein <strong>des</strong> catégories socio-économiques de niveauxplus élevés - c<strong>la</strong>sse <strong>des</strong> O.P.), deux données sontsusceptibles de conduire à une reconnaissance plusaffirmée <strong>des</strong> dangers de sécurité affective, ce sontcelle ayant trait à l'étude du nombre moyen d'enfants parfamille, et celle re<strong>la</strong>tive à l'étude du nombre de perturbationsfamil<strong>la</strong>les observées dans <strong>la</strong> constitutionet les modifications du couple parental. En effet, plusle nombre d'enfants, au sein d'une famille est faible,plus le repérage <strong>des</strong> dangers de type affectif estimportant parce que, dans les familles peu nombreuses,l'aspect re<strong>la</strong>tionnel prend le pas sur l'aspect rolefamilial et induit <strong>des</strong> champs <strong>d'inadaptation</strong>s différentes,L'harmonie familiale et <strong>la</strong> stabilité du couple parental,plus particulièrement, ont <strong>des</strong> effets indéniables surl'enfant. Ainsi, plus un couple familial a subi demodifications, plus 1' insécurité affective <strong>des</strong> enfantsprédomi ne.<strong>Les</strong> institutions détectrices du terrain, tel les quejustice ou famille é<strong>la</strong>rgie, apparaissent comme étantcelles qui sont le plus centrées sur ces natures de


danger. L'intérêt que manifestent ces institutionsparait lié :- pour l'institution ju$iciaire, au fait qu'elle estinduite dans cette démarche par <strong>des</strong> deman<strong>des</strong> de restitutiond'enfants confié; préa<strong>la</strong>blement à <strong>la</strong> D.D.A.S.S. ;- pour <strong>la</strong> famille é<strong>la</strong>rgie, au fait que l'aspect affectifparaît au centre <strong>des</strong> préoccupations entre les personnesengagées, compte tenu de leur situation familiale,d'une maniere afFective avec l'enfant dont elledénonce <strong>la</strong> situation af Fective.Pour 1 'institution spécialisée, <strong>la</strong> concept '*s@curitêaffective" recouvre une importance considérable. Cette<strong>notion</strong>, comme celle d'éducation, constitue pour leservice social une finatité même de son fonctiannement,et engage donc sa reconnaissance sociale. Il trouvedans le concept "sécurité affective" un autre lien dedéveloppement de son assimi 1 ation spécifique qui requiertune forme d'analyse plu!; é<strong>la</strong>borée qui apparaît dans <strong>la</strong>constitutfon <strong>des</strong> mécanismes de causalité de l'inadaptation.Ces mécanismes integren-:, eux aussi, <strong>la</strong> dimension personnelle et affective <strong>des</strong> individus et, traduisentégalement une élévation <strong>des</strong> seuils normatifs, aspectssur lesquels nous reviendrons.


II - C. DIMENSION DIACHRONIQUE DU CONCEPT D"NADAPTAT10N


A l'intérieur de chaque concept étudié, nous avonsintégré une série d'éléments (équipements, popu<strong>la</strong>tion,données institutionnelles, etc.) qui ont été utiliséspour éc<strong>la</strong>irer <strong>la</strong> formation et l'évolution de ces concepts.L'objectif, ici, est de rassembler tous ces éléments,période par période, pour appréhender l'ensemble qu'ilsforment, et l'évolution de cet ensemble.Pour ce faire. nous évacuerons <strong>la</strong> donnée institutionnelleque représente l'institution spécialisée, pourconserver l'image de l'inadaptation qui nous est fourniepar l'ensemble <strong>des</strong> origines <strong>des</strong> signalements, en amont,donc, <strong>des</strong> transformations que lui fera subir <strong>la</strong> Sauvegardede l'Enfance,Cette dernière, en effet, ne détermine pas <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionqui sera signalée, et n'interfère pas directement dans lesignalement, qui est le fait de l'environnement familial.Ce que nous nous attacherons donc à reconstruire, ici,c'est <strong>la</strong> façon dont <strong>la</strong> société détecte l'inadaptationselon les époques, en fonction de l'équipement sociologlque,symbolique, matériel et politique (1) dont elled~spose.(1) Une partie <strong>des</strong> éléments re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> politiquesociale et concernant notamment les différentscourants de politique, ont eté recueillis dans"Recherche d'une méthode d'évaluation <strong>des</strong> effets<strong>des</strong> politiques en faveur de <strong>la</strong> famille et del'enfance" ATP CMRS No 2209. C. MARTIN, E. MRUREL,F. MERCANTON, C. OFFREDI-BUISSON, Université <strong>des</strong>Sciences <strong>sociales</strong> de Grenoble. CEPES. Juin 1977,P. 13 et sp.


1. La période avant 1958 : Des préoccupations démographiques.Cette période qui, dsns notre échantillonnage, couvreles annees 1950-1957 environ, peut Ctre encore consid@rCecomme <strong>la</strong> période d'"après-guerre".ta popu<strong>la</strong>tion du département est encore fortement rurale(près de 20 %), <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangere est re<strong>la</strong>tivementréduite (8 %) et est massivement constituée de famillesitaliennes.A cette épcque, <strong>la</strong> politique sociale en faveur de <strong>la</strong>famil le et de l 'enfance est encore essentiellementmarquée par deux grands axes :- La réduction <strong>des</strong> i avec. surtout'I '5EETZCance du 4 ocen p<strong>la</strong>ce <strong>la</strong> sécuritésociale et les allocations familiales.- La prévention médico-sociale avec, notamment, l'ordonnancedu 2 novembre 1945 sur Ta protection maternelle etinfantile, et <strong>la</strong> mice en p<strong>la</strong>ce d'une protection médicosco<strong>la</strong>ireconfiée à liEducation Nationale.Ces deux axes s'inscrivent dans une poli tique nataliste,marquée par une volonté d'expansion démographique et deréduction de <strong>la</strong> moralité infantile.Enfin, il faut citer l'ordonnance du 2 février 1945re<strong>la</strong>tive à l'enfance délinquante, déjà évoquée.<strong>Les</strong> assistantes socïales poiyvalentes de secteur, dépendantesde <strong>la</strong> Dfrectïon Départementale de l'Action Sanitaireet Sociale, sont au nombre de 51. fl n'y a, biensûr, aucun service de prévention.Dans ce contexte, 7'1 popu<strong>la</strong>tion signalée comme inadaptéeapparaît tres spécifique et ne reproduit absolument Ras<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion giobale.D'une part, elle se limite pratiquement au monde ouvrier,et aux catégories 11s plus défavorisées de cette popu<strong>la</strong>tion; d'autre part, elle concerne <strong>des</strong> familles souventnombreuses, à forte mortalité infantile, et ayant dans


près de <strong>la</strong> moitié <strong>des</strong> cas, connu une désorganisation dumilieu familial.Le pourcentage de familles italiennes est déjà plusimportant dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée que dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionglobale,<strong>Les</strong> agents, à I'origine du signalement, reflètent assezbien <strong>la</strong> réalité de l'époque : un service social re<strong>la</strong>tivementpeu important et surtout non structuré, qui"signale" peu (13 %), et un environnement "naturel' de <strong>la</strong>famille encore très présent et actif, indicatif de <strong>la</strong>survivance d'un processus d'auto-régu<strong>la</strong>tion - ou d'exclusion- du groupe social par lui-même (29 % <strong>des</strong> signalementssont anonymes ou issus du voisinage).<strong>Les</strong> natures de danger et l'inadaptation décrites apportent<strong>des</strong> indications assez précises sur le comportement<strong>des</strong> divers groupes sociaux et institutions, et sur leconcept de norme véhiculé.L'inadaptation s'articule essentiellement autour de 3axes :- La sécurité physique et <strong>la</strong> santé, mises en cause parle comportement du père et les mauvaises conditions devie,- La moralité mise en cause par le comportement de <strong>la</strong>mère et <strong>des</strong> enfants,- L'éducation mise en cause par <strong>la</strong> délinquance <strong>des</strong> enfants,les condi tions familiales de vie et les carenceséducatives du coup le,Comme le montre le graphique ci-<strong>des</strong>sous, qui visualisel'importance de chaque concept et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qu'y tiennentrespectivement le pere, <strong>la</strong> mère, les enfants et <strong>la</strong> famille.


Lorsque le danger et l'inadaptation sont liés- au père, c'est principalement pour sa violence et sabrutalité (32 %), 9uiS pour son alcoolisme (14 %), pourson désintérét par rapport à sa famille (12 %) et sescarences éducatives (12 %), enfin pour <strong>des</strong> problêmes demoralité (10 %) ;- à <strong>la</strong> mère, c'est d'abord pour <strong>des</strong> problèmes de mora-lité (26 % , puis <strong>des</strong> carences éducatives (19 %), <strong>des</strong>carences minagères (9,5 0) et un désintérêt pour <strong>la</strong>famille (9 %), enfin pour son alcoolisme (6 %) ;- au couple et à <strong>la</strong> famille, c'est avant tout pour demauvaises conditions matérielles de vie (37 %), puispour <strong>des</strong> carences éducatives du couple (23 %), de mauvaistraitements sur les enfants (13 %) et <strong>des</strong> conflitsdans le couple (11 %f ;- aux enfants, c'est d'abord pour <strong>des</strong> problèmes de mora-lité 23 %, puis, de façon égale pour <strong>des</strong> problèmes dedéiiniuanc! (15 a), <strong>des</strong> confiits avec les parents (15 %)et <strong>des</strong> troubles affectifs (15 %), enfin pour les fugues(7 %), <strong>des</strong> difficultés sco<strong>la</strong>ires (7 %), <strong>des</strong> troubles ducaractère et de l'agressivité (7 $1 et <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tionsavec l'autre sexe (7 %).Ce sont les enfants les plus âgés qui sont les plussouvent ci tés,les problèmes d'immoralité et de re<strong>la</strong>tionavec l'autre sexe concernent presque uniquement<strong>des</strong> filles de 17 à 20 ans, et ia délinquance surtoutles garçons de pl~s de 17 ans.Ainsi, les rôles apparaissent nettement marqués :- le mauvais père est un homme alcoolique et violent ;- <strong>la</strong> mauvaise mère est immorale ;- les enfants signalés comme inadaptés sont immorauxou délinquants.Cette donnée, qui est indiscutablement à relier à uneforme de subjectivité collective quant à l'appréhensionde l'"anormal" en référant à un modèle implicite, vients'articuler à <strong>des</strong> éléments beaucoup plus objeci fs,constitués par les conditions de vie de l'habitat, cesdeux données alimentant à leur tour les différents concepts,en fonction de leur adéquation plus ou moinsgrande à les accuttillir.


Il est, par ailleurs, possible de distinguer asseznettement deux popu<strong>la</strong>tions :- une popu<strong>la</strong>tion massivement sous qualifiée ;- une popu<strong>la</strong>tion ouvrière, mais qualifiée.La première popu<strong>la</strong>tion, et <strong>la</strong> plus nombreuse, composéede manutentionnaires et d'ouvriers spécialisés, a unnombre d'enfants plus élevé (<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion italienne enfait partie).Cette popu<strong>la</strong>tion "subit" le signalement, et n'en est quetrès exceptionnellement à l'origine.Préférentiellement touchée par les signalements anonymesou les signalements du service social de secteur, <strong>la</strong>santé, <strong>la</strong> sécurité physique, les conditions matériellesde vie et <strong>la</strong> moralité sont les éléments les plus évoqués.La seconde, composée d'ouvriers qualifiés, ayant un nombred'enfants moins élevé, est davantage à l'origine dusignalement.Il s'agit alors de mères de famille qui, le plus souvent,dénoncent <strong>la</strong> brutalité de leur conjoint et qui manifestentlà un comportement plus "actif" et subissent moins<strong>la</strong> situation que les mères de famille de <strong>la</strong> premièrepopu<strong>la</strong>tlon.Dans ces familles, les difficultés éducatives, tes conflitsconjugaux sont beaucoup plus souvent cités, et lesconditions matérielles de vie, <strong>la</strong> moralité et <strong>la</strong> sécuritéphysique beaucoup moins.<strong>Les</strong> difficultés sont donc decrites en <strong>des</strong> termes faisantdavantage appel a une dynamique re<strong>la</strong>tionnelle qu'à unsimple constat de carence.D'autre part, l'immoralité de <strong>la</strong> mère n'est jamats évoquéedans cette popu<strong>la</strong>tion, et celle <strong>des</strong> enfants beaucoupmoins, cette derniëre donnée étant, nous l'avons vu, àrelier au nombre d'enfants par famille.Outre cette distinction, une autre s'opère entre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionétrangère et <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française ; <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion


étrangère, i ta1 ienne, est davantage marquée par les di f-ficultés économique^^, les problèmes de sécurité physique,les mauvais traitements, et <strong>la</strong> seconde par les problèmesde moralité, notammtint en regard de <strong>la</strong> mère.Ainsi, une "hiérarchie" se manifeste : plus le niveausocio-économique est bas, plus les difficultés sont axêessur <strong>des</strong> éléments matériels, sanitaires et sur <strong>la</strong> protectionde <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> enfants, et plus leniveau s'élève, plu*; les problèmes "re<strong>la</strong>tionnels" sontimportants, ou du moins, plus ils sont décrits commetels.Le service social d? secteur, qui est le seul systéme quipuisse être considéré comme "spécialisé" dans le dépistagede l'inadaptation sociale, a <strong>des</strong> préoccupations quipour une part. correspondent à l'orientation de <strong>la</strong> politiquesociale : les signalements dont il est l'auteurprivilégient, en effet, 1 'aspect sanitaire, en insistantsur les mauvaises conditions matérielles de vie et l'insa1ubri té du logement.Mais, outre cet aspect qui est celui de <strong>la</strong> fonction officielle,les assistantes <strong>sociales</strong> sont particulièrementattentives au rôle de <strong>la</strong> mère, et en particulier à samoralité : les siqnalements qu'elles font privilégient,en effet, ces de~x aspects de façon tres nette, manifestantaussi ce qui, de façon implicite, peut &tre considérécomme une seconde fonction : <strong>la</strong> sauvegarde moralede <strong>la</strong> famille.En résumé,L'on peut dire qu'à cette époque, il y a, en partie,concordance entre <strong>la</strong> si tuatlon objective <strong>des</strong> famil les(bas niveau économique) et les dangers décrits (mauvaisesconditions natérielles de vie). Sécurité physique,santé et éducation sont <strong>des</strong> concepts adaptés àaccueillir cette réalité, qui est celle que privilégiele service social c,e secteur.Mais, ces mêmes corcepts servent également à l'expressiond'une réalité plus subjective qui est celle <strong>des</strong> images<strong>sociales</strong> qui server~t de référant à ta démarche <strong>des</strong>ignalementde 1 'entourtge naturel <strong>des</strong> familles : rble d'éducationet de protection du père, moralité de l'épouse et<strong>des</strong> enfants.


La superposition <strong>des</strong> deux facteurs rend leur distinctiondifficile, mais l'on peut affirmer que, quantitativement,tout du moins, c'est le second qui prédominedans <strong>la</strong> lecture <strong>des</strong> difficultés familiales, surtouten regard <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tions les plus défavorisées del'échantillonnage qui sont aussi, nous l'avons vu,les plus "passives".11 faut, toutefois, bien noter que les données objectives(difficultés materielles, sécurité physique)dominent à cette période.


2. La période 1960-62 : La montée <strong>des</strong> difficulés éducatives.Prépondérance <strong>des</strong> données subjectives.A cette période, les caractéristiques de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionglobale sont différentes de <strong>la</strong> période précédente : <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion agricole dPcroît, et <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangèreaugmente, pour atteinc~re 12,5 % environ. Cette popu<strong>la</strong>tionest toujours constituée majoritairement de famillesitaliennes.<strong>Les</strong> assistantes <strong>sociales</strong> de secteur dépendantes de <strong>la</strong>Direction Départementille de l'Action Sanitaire et Socialesont au nombre de 54, dans le Département, (soit 3 de plusque pour <strong>la</strong> période précédente), et le service exerçant<strong>des</strong> mandats d'A.E.M.0. "administratifs" au titre du décretdu 7.1.1959 est créé. Il ne compte qu'une assistantesociale en 1960, et 3 en 1963.Si l'augmentation <strong>des</strong> effectifs d'assistantes <strong>sociales</strong>est faible, cette pér.iode est, par contre, le début de<strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de nouvelles politiques <strong>sociales</strong>.A partir <strong>des</strong> années 60, en effet, nous avons vu que lespolitiques <strong>sociales</strong> étaient caractérisées par <strong>des</strong> textesinteressant prëfëi-entiellement le domaine éducatif.Ces textes s'inscrivent dajfs le tadre d'une montée importantede <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion jeune , d'un accroissementconsidérable <strong>des</strong> effectifs sco?,aires, et au début <strong>des</strong>problèmes de "jeunes inadaptés , problèmes liés, entreautres, à l'urbanisation, et essentiellement interprétés,à cette époque, en terme de délinquance ou de "caractérialité".Pour ce qui est du signalement de l'inadaptation, cettepériode est caractérisée par deux dominantes principales :- une augmentation <strong>des</strong> difficultés éducatives ;- une plus grande prise en compte <strong>des</strong> problèmes re<strong>la</strong>tionnelsfamiliaux,ces deux dominantes pouvant d'ailleurs être liges


Il est évident que <strong>la</strong> poussée démographique brutale <strong>des</strong>popu<strong>la</strong>tions jeunes est <strong>la</strong> cause indirecte de cette évolution(indirecte dans <strong>la</strong> mesure où se pose le problèmede l'adéquation de <strong>la</strong> réponse apportée à cette poussée)Globalement, a cette période, l'inadaptation sociale estbeaucoup moins centrée sur <strong>des</strong> problèmes sanitaires, <strong>des</strong>écurité physique, de violence, mais davantage sur tesproblèmes de rapports familiaux, et plus qu'auparavant,ce sont les difficultés à gérer ou résoudre les conflitsfamifiauxqui sont considérées comme syrnptiim~s <strong>d'inadaptation</strong>.Ce phénomene revgt, en fait, plusieurs aspects :- Une plus grande prise en compte <strong>des</strong> probl$mes de natureéducative, indiquant une évolution dans les préoccupationsà T'égard <strong>des</strong> enfants (de <strong>la</strong> sécurité physique à1 'éducation).- Une modification dans l'apprêhension <strong>des</strong> responsabilitésde 1 'inadaptation et en particulier <strong>des</strong> difficut téséducatives.Ce sont désormais les enfants, et non les parents quisont considérés comme générateurs <strong>d'inadaptation</strong> : lescarences éducatives <strong>des</strong> parents et du couple sont moinsévoquées, et les conflits parents-enfants beaucoup plus,le père est beaucoup moins cité.- Une plus grande prise en compte <strong>des</strong> conflits conjugaux.Le graphique, ci-<strong>des</strong>sous, visualise l'importance de chaqueconcept et <strong>la</strong> "p<strong>la</strong>ce" qu'y tiennnent le père, <strong>la</strong> mère,<strong>la</strong> famille et les enfants.Sécvncr4?hy~iquG(;&"ri fc'4 tfecc'


Lorsque danger et inadaptation sont liés- Au père, c'est toujours avant tout pour sa violence(2g--iit7>5-;mais l'alcoolisme (26 I) et l'instabilité professionnelle(14 %) sont beaucoup plus souvent cités.<strong>Les</strong> carences éducatives sont, au contraire, moins citées :7 % et les problèmes de moralité de façon identique :11 %.- A <strong>la</strong> mère, si c'est toujours, en premier lieu pour <strong>des</strong>problèmes de moralité, ceux-ci sont cités avec une fréquencemoindre : 18 %, soit -8 %. De même, les carenceséducatives qui étaient citées dans 19 % <strong>des</strong> cas dans <strong>la</strong>période précédente, ne sont plus citées que dans 12 %<strong>des</strong> cas.Par contre, Tes problèmes d'alcoolisme, 13 %, de désintérétpour <strong>la</strong> famille, 13 %, de carences ménagères, 13 %,sont davantage cités que précédemment, et <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>diementale "absente' jusqu'a présent, est également citéedans 13 % <strong>des</strong> cas.- Au couple et à <strong>la</strong> famille, c'est moins qu'auparavantpour de mauvaises conditicns de vie (29 %), qui sontpourtant toujours les plus souvent citées.On note également une diminution en ce qui concerne lesmauvais traitements (4 %). <strong>Les</strong> carences éducatives (21 %)sont ci tées de façon égale.Par contre, les conflits dans le couple sont beaucoupplus souvent cités (21 8) et les difficultés économiques,dont on ne par<strong>la</strong>it pas auparavant, sont invoquées dans17 % <strong>des</strong> cas.- Aux enfants, les conflits avec tes parents sont beaucoupplus souvent mentionnés, 16 %, soit +11 %. Sontégalement en augmentation <strong>la</strong> délinquance, 20 %, et lesfugues, 15 %. tes difficul tés sco<strong>la</strong>ires progressentlégèrement, 14 1. Par contre, les problémes de moralité,qui étaient cités dans 23 % <strong>des</strong> cas, ne te sont plus quedans 7 %.Là encore, ce sont les enfants les plus âgés qui sontles pl us souvent concernéç,mais 1 'augmentation intéressetoutes les tranches d'âge. <strong>Les</strong> conflits avec lesparents sont d'autant plus fréquents que les enfantssont dgés,mais, contrairencnt à <strong>la</strong> période précédente,ils sont déjà cités de fet ~n significative dès l'âge de8 ans, et <strong>la</strong> délinquance, dès ï'dge de 11 ans.


<strong>Les</strong> images <strong>sociales</strong> véhiculées sont en nette évolution.S i le père est toujours décrit dans sa violence et dansson alcoolisme, il est beaucoup moins évoqué, et <strong>la</strong> mèreest citée à travers <strong>des</strong> concepts plus variés que <strong>la</strong>seule moralité,Mais, ce qui est surtout remarquable, c'est que les enfantssont beaucoup plus souvent que par le passe jugésresponsables <strong>des</strong> difficultés, non plus seulement du faitd'un comportement social (délinquance), mais surtout dufait de leur rapport avec l'autorité parentale, dans lecadre même de <strong>la</strong> famille. La sexualité <strong>des</strong> jeunes prendégalement une p<strong>la</strong>ce importante dans le dlscours qui esttenu sur leur comportement.C'est cette evolution qui explique l'augmentation et <strong>la</strong>modification <strong>des</strong> signalements émanant du groupe familial :il ne s'agit plus, comme precédemment, de mères dénonçant<strong>la</strong> violence de leur conjoint, mais de parents dénonçantle comportement de leurs enfants.C'est a cette époque qu%pparaît nettement, dans ta <strong>des</strong>criptionde l'inadaptation <strong>la</strong> crise de l'autorité parentale,et surtout paternelle, qui connaîtra son apogéedans <strong>la</strong> période suivante.Ces phénomènes intéressent l'ensemble <strong>des</strong> origines <strong>des</strong>ignalements, ce qui est significatif de leur caractèretrès général.Outre l'augmentation <strong>des</strong> signalements émanant du groupefamilial, cette période connaît aussi une augmentation<strong>des</strong> signalements émanant du service social de secteur,et une énorme diminution <strong>des</strong> signalements émanant del'environnement naturel de <strong>la</strong> famille.11 est difficile de ne pas mettre en re<strong>la</strong>tion ces deuxphénomènes.Sans aller jusqu'à dire que le service social remp<strong>la</strong>cecet environnement (voisinage), il est frappant de constaterque bon nombre d'interventions du service socialet <strong>des</strong> signalements qui en découlent, sont motivés par<strong>des</strong> interventions de voisins auprès de 1 'assistantesociale du secteur, voisins qui viennent se p<strong>la</strong>indre, et


dénoncer <strong>des</strong> situations familiales. Le service social,qui reprend à son compte les informations fournies par<strong>des</strong> voisins pour les trarsmettre à l'autorité judici-aire, semble, ici, jouer - entre autres - un rôle dere<strong>la</strong>is dans le processus "d'autorégu<strong>la</strong>tion" qui existaitencore nettement avent 1958, re<strong>la</strong>is institutionnelqui d'ailleurs, va transformer le "jugement social" enfonction de sa perception propre.En effet, si le service social de secteur est, commeles autres origines de s'gnalement, sensible à <strong>la</strong> montée<strong>des</strong> difficultés éducatives, et est davantage que par lepassé, centré sur le comportement <strong>des</strong> enfants, les caractéristiquesde ces signalements se distinguent <strong>des</strong> autrespar plusieurs aspects :- Le service social de secteur est toujours plus attentifque <strong>la</strong> moyenne à <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> enfants,aux conditions matérielles de vie, à <strong>la</strong> santé et à <strong>la</strong>moral i té.- Si, il prend plus qu'al~paravant en compte les problèmesde re<strong>la</strong>tions familiales, ce sont les conflits conjugauxqu'il privilégie et non les conflits parents-enfants.- Le comportement <strong>des</strong> enfants n'est pas considéré parrapport à l'autorité parentale, mais beaucoup plus dansune dimension individuelle (sco<strong>la</strong>rité, troubles affectifs).Ainsi, à cette période, le service social reste encoretrès proche de ses préoccupations sanitaires et morales,comme précédemment. Le fait qu'il signale fréquemmentles problèmes d'alcoolisme en regard <strong>des</strong> problèmes debrutalité montre une recherche de "causalité" qui n'apparaissaitpas auparavant, et une certaine m6dicalisation.Il intègre également <strong>la</strong> montée <strong>des</strong> problèmes éducatifs,mais en considérant toujours les parents comme premiersresponsables de ces difficultés. sans prise en comptenette du problème de l'autorité parentale.C'est vraisemb<strong>la</strong>blement pour ces raisons, et en particulierdu fait de <strong>la</strong> plus grande attention aux conditionsmatérielles de vie que le service social signale <strong>des</strong>familles de niveau socio-économique plus bas qu'enmoyenne, plus nombreuses, et, en proportion, davantagede familles étrangères.


En effet, si, à cette époque, l'évolution décrite intéressetous le sni veaux socio-économiques, on observe,comme avant 1958, deux popu<strong>la</strong>tions assez distinctes :- Une popu<strong>la</strong>tion d'O.S. et de manutentionnaires, pour<strong>la</strong>quelle les problèmes de santé, de sécurité physique,de violence du père, l'immoralité de <strong>la</strong> mère, tes conditionsmatérielles de vie sont encore fréquemment cités.- Une popu<strong>la</strong>tion d'un ntveau socio-ëconomiqe plus élevé,et quantitativement plus importante que par le passé,pour <strong>la</strong>quelle ce sont tes difficultés re<strong>la</strong>tionnelles, et,en particulier, les conflits parents-enfants qui dominent,avec prépondérance <strong>des</strong> problèmes d'autorité.Outre cette distinction, il faut signaler celle existantentre <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangère et <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française,distinction qui reproduit celle faite entre tes niveauxsocio-économiques.Ainsi, <strong>la</strong> "deuxième génération" de l'inadaptatton, déjà@mergente dans <strong>la</strong> période précédente, s'i nstalle à cettepériode, et là encore, les niveaux socio-économiquesapparaissent déterminants, les famil les <strong>des</strong>,,niveaux lesplus bas connaissent une inadaptation pl us archaTque" ,et le, familles de niveau plus élevé, une inadaptationplus sophistiquée".<strong>Les</strong> facteurs déterminant cette évolution sont, de touteévidence, à rechercher dans l'accroissement <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tionsjeunes et l'arrivée de <strong>la</strong> "génération d'aprësguerre"à l'àge de <strong>la</strong> préadolescence et de l'adolescence.Il n'est pas dans notre propos de rechercher, ici, parquels mécanismes cet accroissement démographique aentrafné une montée <strong>des</strong> problèmes d'autorité; mais, forceest de constater l'évidente re<strong>la</strong>tfon entre les deux phénomenes.Par rapport à cet élément déterminant, les autres donnéesinteressant cette période semblent avoir peu dtiimportance.L'ordonnance de 58, qui "ouvre" pourtant considérablementles possibi ii té de signalements semble appartenir davantageaux "anciennes préoccupations de protec%?;n" qu'à <strong>la</strong>


volonté de prise en c'<strong>la</strong>rge de problèmes éducatifs, mémesi ce texte a pu fourlir un support à l'expression <strong>des</strong>conflits d'autorité.Seuls, deux autres facteurs, semblent avoir pu jouer unrôle dans ce processus.- Le décret de 1959, instituant les mandats "D.D.A.S.S."qui fournit un re<strong>la</strong>is au service social de secteur: <strong>la</strong>mise en p<strong>la</strong>ce de service, en 1960, peut avoir inci téles assistantes <strong>sociales</strong> de secteur à lui signaler lessituations familiales jugées trop "lour<strong>des</strong>", mais 1 'effectifminime de ce service, à cette époque, peut n'avoirfait de lui qu'une "boite aux lettres" du juge <strong>des</strong> enfants,d'où une augmentation <strong>des</strong> signalements émanant du servicesocial de secteur, Cette explication apparaît,toutefois, secondaire en regard du phénomène de substi -tution du service social de secteur à l'environnementnaturel <strong>des</strong> familles, phénomène dëjà signalé plus haut.- La prolongation de <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>rité obTigatoire jusqu'à16 ans, en 1959, est susceptible d'avoir intensifie leseffets de <strong>la</strong> croissance de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion jeune, endifférant, pour une partie de cette popu<strong>la</strong>tion, lepassage dans le monde* du ir-'ail et en <strong>la</strong> maintenantdans IF. statut spécii'ique et "marginal" de 1 'enfance,phénomène d'autant p'us sensible qu'il intéresse préférentiellement <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ouvrière dans <strong>la</strong>que1 le<strong>la</strong> prolongation de <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>rité après l'obligation est<strong>la</strong> plus faible.En résumé,L'on peut dire qu'a cette époque, les données d'ordresubjectif tendent à devenir prépondérantes : 1 'accroissementde ?a popu<strong>la</strong>tion jeune de l'après-guerre, et quiarrive maintenant à l'âge de l'adolescence, entrayneune montée considérable <strong>des</strong> prob1Cmes d'éducation qui setraduisent, le plus ;ouvent, en terme de conflits entreparents et enfants. -a subjectivité demeure essentiellementdans le fait que <strong>la</strong> responsabilité de ces conflitsest attribuée aux enfants.Face à cette évolution, les données plus objectives,d'ordre matériel cèdent le pas.<strong>Les</strong> familles <strong>des</strong> niveaux socio-économiques les plusélevés, se signalent elles-mêmes à l'autorite judiciaire,


tandis que les fami 1 les les plus défavorisées, subissentle signalement. Pour ces dernières, une re<strong>la</strong>tive >concordancesubsiste entre leur situation et les motifs <strong>des</strong>ignalement invoqués.Le facteur insti tutionnet est, ici, important, puisquec'est essentiellement le service social de secteur quiest à l'origine de ces signalements.Mais, il est evident que, globalement, l'inadaptationsociale est appréhendée de manière beaucoup plus subjective,et que les comportements individuels sontdavantage pris en compte que les donnëes matérielles.C'est ce qui explique que le contenu <strong>des</strong> concepts semodifie dans ce sens a cette époque, et que l'ëducationqui est celle qui permet le plus d'interprétation, soitalors préférentiellement utilisée, puisque permettantle mieux l'expression de cette "subjectivité".


3. La période 1965-1967 : La crise de l'autorité~arentale.A cette période, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion de l'agglomération grenobloisecontinue de se transformer : <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionagricole décroît, et si le pourcentage d'étrangers està peu près identique, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion nord africaine tendà se subseituer Zi <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion italienne (10 % d'italiens- 19 % de maghrébins).En matière de poli tique sociale, tes préoccupationsd'ordre éducatif s'affirment.Dans le même temps, l 'on assiste à une forte médicalisationde 1 'inadaptation,Par ailleurs, <strong>la</strong> poliï.ique de prévention primaire semodifie également et se spécifie en dfrection de "popu<strong>la</strong>tionscibles", notanment les familles immigrées.(Modification de l'ortionnance de 1945 re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong>P.M.I. par les décrets de 62, 64 et 65).Enfin, le service soc<strong>la</strong>l de secteur se structure.En 1964, <strong>la</strong> réorganisation <strong>des</strong> services extérieurs duministère de <strong>la</strong> santé unifie les services sociaux départementaux(création <strong>des</strong> D.D.A.S.S.), et renforce leservice social de secteur en mettant en p<strong>la</strong>ce une réellesectorisation.Une instruction du ministère de Ta santé (23 mars 1965)défirtit le role du service social de secteur comme visantà mettre à <strong>la</strong> disposition <strong>des</strong> usagers <strong>des</strong> assistantescapables d'avoir une vue d'ensemble de leurs problèmessanitaires, sociaux, économiques, psychologiques, et deles aider à mettre en oeuvre les moyens d'y porter remëdeavec le concours, le cas échéant, <strong>des</strong> servicesspécialisés. L'assistante polyvalente évite les interventionsmultiples de services à buts limités et lesdép<strong>la</strong>cements inutiles. Elle protège l'intimité <strong>des</strong>familles tout en leur assurant une aide plus complète ;sans sa présence, l'action <strong>des</strong> services spécialisésrisque sauvent de derieurer fragmentaire ou sans lendemain".Dans <strong>la</strong> suite de cette sectorisation, et pour en renforcer1 'efficacité, unfa nouvelle instruction du ministère


de <strong>la</strong> santé (12 décembre 1966) met en p<strong>la</strong>ce les circonscriptions,c'est-à-dire le regroupement de plusieurssecteurs.Comme le fait remarquer, très justement, G. MARTIN,l'ensemble de cette politique tend à <strong>la</strong> protection de<strong>la</strong> cellule familiale, comme unité sociale de base, etse caractérise "par un effet d'accompagnement de <strong>la</strong>structure familiale" (1).Paradoxalement, ce souci de regrouper et de gérer 1 'intervention<strong>des</strong> divers services sociaux (recommandationde 1965) est remis en cause par le cloisonnement excessif<strong>des</strong> divers services et leur hétérogénéité, tant auniveau de <strong>la</strong> sectorisation que du financement, phénomèneliés à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de nombreux servicesspécialisés, mise en p<strong>la</strong>ce induite par <strong>la</strong> politiquesociale elle-même.Dans le département de l'Isère, cette période est caractériséepar, outre <strong>la</strong> sectorisation, une augmentationdu nombre <strong>des</strong> assistantes <strong>sociales</strong> polyvalentes de secteur(52 en 1965, 57 en 1966).Si cette augmentation est re<strong>la</strong>tivement peu importante,le service de "Prévention' de fa D.D.A.S.S. (exerçant<strong>des</strong> mandats au titre du décret de 1959) accroît considérablementses affectifs et compte 7 assistantes<strong>sociales</strong> en 1967 (contre 3 en 1961).La mise en p<strong>la</strong>ce <strong>des</strong> circonscriptions semble avoir peuinfluencé cette période quant aux effets obtenus,puisque leur création n'est intervenue qu'à <strong>la</strong> fin de<strong>la</strong> période étudiée.En 2967, seules trois circonscriptions existaient surle département de l'Isère.En ce qui concerne <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion ?ignalée, cette pério<strong>des</strong>e caractérise ~ a une r véritable crise de l'autoritépaternelle", ailleurs dëjà présente à <strong>la</strong> périodeprécédente.[l) Op. Cit. P. 16.


Cette crise, qui est aussi celle de l'éducation (+ de62 % <strong>des</strong> familles signiilées le sont pour <strong>des</strong> difftcultéséducatives), tend d éclipser, en partie, les autresformes <strong>d'inadaptation</strong> : ? 'insécurité physique et <strong>la</strong>santé sont beaucoup moins citées.Ce sont les enfants qui sont massivement considéréscomme générateurs <strong>d'inadaptation</strong>, parttculiërementpour ce qui est de l%ducattion (77 % <strong>des</strong> cas).L'on observe parallélement un net phenomêne d'é3Pvatlondu niveau socio-écono~~ique moyen <strong>des</strong> faailles signalées(qui appartiennent to~jours, presque exclusivement, àune popu<strong>la</strong>tion ouvrière), Le pourcentage d'O.S. et demanutentionnaires est de 53 Z Dour l'ensemble de l'échantillonnage,et de 39 9: pour 1% popu<strong>la</strong>tion française.Cette instal<strong>la</strong>tion de <strong>la</strong> crise de l'autorité dans <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion signalée se manifeste notamment par 1 'accroissementconsid&rable <strong>des</strong> signalements émanant dugroupe Familial, mais elle est également sensibie dansles signalements émanant d'autres institutions que <strong>la</strong>famille.te graphique, ci-<strong>des</strong>sous, fait apparaître l9mportancerespective de chaque concept et <strong>la</strong> "p<strong>la</strong>ce" qu'y tiennentle pere, ta mère, les enfants et <strong>la</strong> famille,fa2l Pirefamille -Cou&I-'YéreEnpnti .


Lorsque le danger et I 'inadaptation sont 1 iés- Au père, c'est essentiel lement pour sa brutalité(337t son aTcoolisme (24 %) .<strong>Les</strong> problèmes de moralité sont beaucoup plus souventcités (17 %), mais 1 'instabilité professionnel le, citéedans 14 $ <strong>des</strong> cas, ne l'est plus que dans 4 %, de mêmeque les carences éducattves, 3 %.- A <strong>la</strong> mëre, c'est, au contraire, surtout pour <strong>des</strong>carences éducattves, 38 %, puis pour <strong>des</strong> problèmes demoralité, 24 %, et d'infidëlitë conjugale, 6 %.<strong>Les</strong> carences ménagères sont aussi beaucoup plus souventci tées.- A <strong>la</strong> famille et au couple, c'est, :;l:'nurr, d'zf'nrcfpour de mauvaises conditions matérielles Ut :.,, - .ce critere est en diminution, 34 %.<strong>Les</strong> difficultés économiques sont également moins souventcitées (11 %).<strong>Les</strong> carences éducatives restent un élément stable(22 %) , mais il est fait beaucoup moins appel au conflit du couple.- Aux enfants, c'est essentiellement du fait de conflitsavec les parents, 36 %, soit +II %.Par rapport à cette augmentation, tous les autresmotifs restent pratiquement stables ou diminuent :délinquance, 16 %, fugue, 16 %, fmmoralfté, 3 %,re<strong>la</strong>tions avec l'autre sexe, 3 %.<strong>Les</strong> dffficultés sco<strong>la</strong>ires ne sont pl us évoquées.SS ce sont toujours les enfants les plus âgés qui sontles plus fréquemment concernés, cette augmentation <strong>des</strong>conflits intéresse toutes les tranches d'âges.Ainsi, on cite de façon significative <strong>des</strong> confl


De méme, l'augmentation quantitative <strong>des</strong> fugues danscette période, si elle concerne surtout <strong>des</strong> adolescents,est également très sensible dès l'age de 8 ans.Ainsi, ce sont désormais les enfants qui sont considéréscomme principaux responsables <strong>des</strong> inadaptations.Dans le même temps, les signalements émanant de mineurs,se p<strong>la</strong>ignant de l'autoritarisme de leur père augmententconsidérablement... Globalement, -le concept <strong>d'inadaptation</strong> est, ici, enréférence directe avec <strong>la</strong> capacité à autogérer lesre<strong>la</strong>tions et conflits internes, conflits internes analyséscomme ayant une causalité individuelle centréesur les enfants, sans référence à de quelconques déterminantssociaux.Ce phénomène, comme noLs l'avons vu, se retrouve danstoutes les origines de signalement, dans toutes lesnationalités et dans tous les niveaux socio-économiques,mais à <strong>des</strong> degres divers, et <strong>des</strong> différences nettes semanifestent encore à cette période, notamment entreniveaux socio-économiques.Comme précédemment, les problèmes de sécurSté physique,7'alcoolisme et ta violence du père, l'immoralité etles carences de <strong>la</strong> mère sont davantage cités dans <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion "O.S.-manutentionnaires", que dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion"O.P. et employPM, pour <strong>la</strong>quelle se sont lesproblèmes éducatifs et les conflits parents-enfants quisont privilégiés (les signalements émanant de <strong>la</strong> famillesont comme précédemment plus nombreux pour cette popu<strong>la</strong>tion).<strong>Les</strong> signalements concernant <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion"employé" émanent d'ailleurs tous de <strong>la</strong> famille ellemëme.Ces données sont encore renforcées par le fait queles familles <strong>des</strong> plus bas niveaux socio-économiques sontcelles qui ont le plus grand nombre d'enfants, ce dernierfacteur favorisant, nous l'avons vu, le signalementries dangers liés à <strong>la</strong> sécurité physique et les carenceséducatives et ménagères <strong>des</strong> parents.Mais, surtout, il apparaît que désormais, ce sont <strong>des</strong>f,r!èreS de ftnille de bas niveau socio-économique quisignalent le plus, et qui dénoncent le plus souvent<strong>la</strong> brutalité de leur conjoint. Or, $e comportements'observait dans <strong>la</strong> catégorie "O.P. avant 1958.


Il y a donc là un phénomène de glissevent trcs net,certaines caractéristiques <strong>des</strong> poru<strong>la</strong>tions les plus qua-1 ifiées de 1 'échantillonnage apparaissant 10 ans aprèsdans les popu<strong>la</strong>tions les moins qualifiées.D'autres part, à cette époque, le rble de <strong>la</strong> mère, qui,avant 1958, apparaissait peu, ou uniquement par rapportà <strong>des</strong> problèmes de moralité, se <strong>des</strong>sine de façon asseznette.La mère est, en effet, beaucoup plus que le père, citéeen référence aux difficultés educatives ou aux perturbationsaffectives, et son comportement est beaucoupplus que celui du père considéré comme susceptible deremettre en cause l'éducation et l'équilibre affectif<strong>des</strong> enfants, données indicatives de son r61e prépondérantdans le fonctionnement familial, ou du moins, de<strong>la</strong> conception de ce rôle.Enfin, les signalements émanant du service social <strong>des</strong>ecteur méritent d'etre considérés plus attentivement.D'une part, ils diminuent quantitativement, et d'autrepart, ils se transforment.La diminution <strong>des</strong> signalements émanant du service socialde secteur apparaît directement liée à <strong>la</strong> sectorisation,et surtout à l'accroissement <strong>des</strong> effectifs du service"Prévention" (mandats D.D.A.S .S.). La sectorisation enaugmentant le potentiel d'intervention du service socialde secteur, ou du moins en lui fournissant une possibilitéde "réassurance" peut, en effet, expliquer <strong>la</strong> diminution<strong>des</strong> signalements, mais surtout, le serviceexerçant <strong>des</strong> mandats administratifs, suscepti blesd' "absorber" une quantité d'affaires plus importantessemble avoir consitué, ici, un barrage avant le signalementau Juge <strong>des</strong> Enfants.Quand au contenu <strong>des</strong> signalements, l'on observe qu'ilsprennent davantage en compte les difficultés éducativeset que le problème de l'autorité <strong>des</strong> parents sur lesenfants y est davantage mentionné que dans les pério<strong>des</strong>précédentes.Para1 lèlement, les conditions matériel les de vie sontmoins citées, bien que, comme par le passé, le servicesocial de secteur mentionne plus que les autres l'insécuritéphysique et moins les difficultés éducativss.


Cette évolution s'accoinpagne d'une élévation du niveausocio-économique moyen <strong>des</strong> familles signalées.Mais, alors que les difficultés éducatives sont maintenantcitées dans 50 % <strong>des</strong> signalements, le service socialde secteur relie ces difficultés préférentiellement auxparents f essentiel lement aux carences éducatives de <strong>la</strong>mère et à l'alcoolisme du père), et non d'abord auxenfants.Ainsi, le service social de secteur, tout en axantdavantage ses interventions sur le domaine éducatif,centre <strong>des</strong> préoccupations de politique sociale à cetteépoque, et moins sur <strong>la</strong> sécurité physique et matérielle(évolution qui se manifeste aussi au niveau de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionsignalée), conserve une analyse <strong>des</strong> difficultésfamiliales bâtie à partir <strong>des</strong> comportements parentaux.En résume,On peut considérer que nous sommes, ici, en présenced'une "p&riode d'état" caractérisée par <strong>la</strong> mise àT'écart <strong>des</strong> données matérielles et Pconomiques, qui,malgré les caractéristiques <strong>des</strong> po~u<strong>la</strong>tion signal ees,ne sont pratiquement 2tus évoquées.L'inadaptation est, ici, décrite en regard <strong>des</strong> problèmeséducatifs. Cette donnée n'est pas, à proprementparler, subjective puisqu'elle correspond à une donnéedémographique, Mais l'analyse qui est faite, <strong>des</strong> difficuftés, 1 'est par contre beaucoup pl us.Le fait que <strong>la</strong> responsabilité soit centré sur lesenfants (surtout, apparemment, dans le vécu <strong>des</strong> parents),est indicatif d'un phénomène de rejet qui, lui, ne reposesur aucune donnée objective, puisqu'il consiste à attri -buer systématiquement le "tort" aux enfants dans lesconfl i ts.Mais cette montée <strong>des</strong> problèmes ébucatifs, outre cetaspect de "conflits de génération , met le phare surune fonction familiale qui va demeurer privilégiée :<strong>la</strong> fonction éducative, fonctjon qui est reprise encompte par 1 'institution sociale pour justifier,désormais, les signa-ements qu'elle produit. Le servicesocial de secteur signale, en effet, les mêmes poputationsque par le passé, mais "utilise" l'éducation pour


le faire, en lui conservant d'ailleurs un contenu prochede celui <strong>des</strong> signalements antérieurs.Le concept d'éducation, qui est le concept "clé" de cettepériode, "sert" donc à attribuer <strong>la</strong> responsabilité <strong>des</strong>difficultés aux enfants, et fournit à l'institutionsociale une nouveite justification à ses signalements,justification d'autant plus facilement utilisable queles préoccupations éducatives sont profondément partagees.


4. La période 1970-1972-: La rupture.Le retour à <strong>des</strong> préoccupations plus matérielles.A cette époque, le pourcentage d'étrangers sur l'agglomérationgrenobloise est légérement plus élevé queprécêdemment (13 %), mais <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion italienne, endiminution (38 % environ de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangèretotale) tend à être renip<strong>la</strong>cée par <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion maghrébine(20 %) et portugaise (8 %), d'immigration plusrécente.La politique sociale, précédemment axée sur les problèmesd'éducation, di rigi!e vers <strong>des</strong> "groupes cibles" ,déterminée et marquée par une prise en charge individualisée<strong>des</strong> inadaptations, tend à s'orienter vers <strong>des</strong>actions plus globales.C'est, en effet, le d63ut de <strong>la</strong> refonte <strong>des</strong> prestationsfamiliales et du droit de fa famille. L'Education Nationaletend à prendre en charge, elle-méme, une partiede l'enfance inadaptée (circu7aire de 1970 sur llEducationNationale et l'Enfance Inadaptée), et surtout,l'action sociale se transforme. du moins quant a sespreoccupations : d'une part, un processus de décloisonnementinstitutionnel s'engage visant à regrouperles différents services et à leur fournir un cadreadministratif commun, avec notamment <strong>la</strong> création du"Service Unifié de l'Enfanceu prévue par une directivegénérale du 25 mai 1969 (il faut également citer, dansle même esprit, <strong>la</strong> creation d'une commision interministérielle<strong>des</strong> Equipements intégrés, qui n'aura,d'ailleurs, qu'une existence éphémère).Une poli tique d<strong>la</strong>nimat.ion, dirigée vers <strong>des</strong> groupessociaux, et non <strong>des</strong> individus, se met en p<strong>la</strong>ce.17 est bien évident que <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce de cettepolitique ne peut avoir que peu d'incidence sur <strong>la</strong> périodequi nous intéresse, dans <strong>la</strong> mesure où les effetsd'une quelconque pol i-ique ne peuvent être immédiatset où <strong>la</strong> matérialisatSon de lois, décrets ou circu<strong>la</strong>iresest souvent fort longue, Cependant, elle est indicativede préoccupations présentes à cette époque.Sur 1 'agglom6ration grenobloise, seules les poli tiquesT'animation se mettent en p<strong>la</strong>ce ou se structurent. Le décloisonnementque devral t représenter le Service Unifiéde l'Enfance est encore inexistant.


Par contre, <strong>la</strong> politique de sectorisation est bieninstallé, et le service social de secteur s'étoffe.En 1972, il y avait 58 assistantes <strong>sociales</strong> de secteurdépendant de <strong>la</strong> D.D.A.S.S., 5 infirmières, 1 puéricultrice.Sept circonscriptions fonctionnaient.Par contre, le service exerçant les mandats D.D.A.S.S.,au titre du décret du 7 janvier 1959, ne comptait plusque 4 assistantes <strong>sociales</strong>,Enfin, il faut signaler mai 1968, qui semble avoir été unmément fondamental dans l'évolution de l'appréhension del'inadaptation sociale.Il n'est, bien sûr, pas dans notre propos d'analyser icile contenu de mai 1968, mais uniquement de constater sesrépercussions sur le processus qui nous intéresse.Le signalement de 1 'inadaptation se modifie brutalementet orofondément à cette éooaue. Cette ruoture se mani-. .feste notamment par :- <strong>la</strong> quasi disparition du probième de l'autorité et <strong>la</strong>diminution <strong>des</strong> préoccupations "éducatives" ;- une importance considérable accordée au facteur économique;- une diminution <strong>des</strong> signalements émanant du groupe familial ;- une augmentation <strong>des</strong> signalements émanant du servicesocial de secteur ;- un abaissement net du niveau socio-économique moyen<strong>des</strong> familles signalées et une augmentation du nombre moyend'enfants par famille ;- une augmentation plus rapide du pourcentage d'étrangersdans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée,Plusieurs points méri tent d'être soulignés :- La quasi disparition du problème de I'autoritG : <strong>la</strong>période précédente était caractérisée par une cristallisationsur les problèmes dlPducation, eux-memes centrés


sur les conflits parents-enfants, conflits dont lesenfants étaient <strong>la</strong> cause.Or, à cette période, les enfants ne sont plus citéscomme générateurs de l'inadaptation Familiale que dans17 % <strong>des</strong> cas (contre 59 % précédemment), le problèmede l'autorjté n'est que trës peu mentionné.La rupture observée a, donc en grande partie, mis fin(dans le processus étudié) au double phénomène :. "culpabilité" et "rejet" <strong>des</strong> enfants, présentés commeresponsables <strong>des</strong> difficiil tés et, en particulier, de <strong>la</strong>remise en cause de I1aut.orité paternelle ;. préservation de cette autorité.- t1émer ence de nouvel'es prëoccupations : <strong>des</strong> modificationsgapparaissenttirnt au niveau <strong>des</strong> domaines prisen compte qu'à celui du contenu qui leur est donné :S'éducation let le role éducatif de <strong>la</strong> famiTlel estbeaucoup moiRs prise en compte : 40 %, contre 62 %précédemment ; <strong>la</strong> moralité n'est pratiquement plus évoquée,<strong>la</strong> sécurîté physique peu, mais 1 'on observe uneplus grande prise en cornpte <strong>des</strong> problèmes de santé(c'est à cette période qu'ils sont le plus évoqués) etde sécurité affective, gui augmentent brutalement. Deplus, le contenu meme qui est donné à ces "concepts"est différent : comme nous l'avons vu, les enfants nesont pratiquement plus mis en cause, et l'accent estmis davantage soit sur le comportement <strong>des</strong> pfrents,soit sur <strong>des</strong> facteurs non "individualisables , telsles difficultés économiques et les mauvaises conditionsde vie. Ainsl, <strong>la</strong> <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> problèmes d'educationn'est plus basée sur 1 'autorité du père et 1 'obéissance<strong>des</strong> enfants, mais sur les conditions de vie et lespossibilités éducatives <strong>des</strong> parents.Si 3 "ducation reste or domaine privilégié, son approchese modifie, et l'or assiste à <strong>la</strong> remontée <strong>des</strong> préoccupationsde santé (qui avaient pratSquement disparu),à une disparition <strong>des</strong> préoccupations de moralité,tant à l'égard de <strong>la</strong> mare que <strong>des</strong> enfants, et à <strong>la</strong>prise en compte du domaine affectif, les enfants étantalors considérés, non plus dans leur comportement, maisdans leur vécu.Le graphique, ci-après, visualise l'importance de chaqueconcept et le rôle attribui3, pour chacun d'eux, auxdifférents membres du groupe familial :


fzzz3 9ofcFkjlmillc-Lqcrpl~a fl ércEn PL""+$lorsque le danger et l'inadaptation sont liésAu ère c'est toujours pour sa violence et sa bruta-;i*' %, puis pour son alcoolisme, 14 % (diminutionde 10 %), son instabilité professionnelle, 14 % (augmentationde 11 %), son désinterët pour sa famille, 14 %.Ses carences éducatives sont, par ailleurs, citées dans10 % <strong>des</strong> cas, contre 4 % dans <strong>la</strong> période précédente.- A <strong>la</strong> mère, c'est toujours, en premier lieu, pour <strong>des</strong>carences éducatives, 31 %, et, plus que par le passé,pour <strong>des</strong> carences ménagères, 26 %. <strong>Les</strong> problèmes demoralité sont beaucoup moins cités que par le passé,6 %, contre 24 %.- Au couple et à <strong>la</strong> famille, c'est essentiellement,désormais, pour <strong>des</strong> difficultés économiques, 36 %,soit +25 $.<strong>Les</strong> carences éducatives sont citées dans 20 % <strong>des</strong> cas,soit comme auparavant, mais les conditions matériel lesde vie, citées dans 25 % <strong>des</strong> cas précédemment, ne lesont plus que dans 9 %.Par ailleurs, les conflits sont cités dans 12 % <strong>des</strong> cas,et les mauvais traitements dans 7 %.- Aux enfants, c'est toujours d'abord pour <strong>des</strong> conflitsavec les parents, 30 %, pour de <strong>la</strong> délinquance, 17 %,ou <strong>des</strong> fugues, 13 %. Mais, il faut noter une augmentation


<strong>des</strong> motifs "troubless caractériels", 13 %,sco<strong>la</strong>ires, 10 %, troubles affectifs, 10 %.difficultés<strong>Les</strong> enfants les plus âg6s restent ceux qui sont prPférentiellement concernés,.11 y a donc nettement ayiparition de nouvelles cibles :<strong>la</strong> perception de 1 'inaddptation n'est plus centrée surles enfants, mais sur les conditions matérielles etéconomiques, et sur les parents, notamment <strong>la</strong> mère.Alors qu'auparavant, 1 'approche de 1 'inadaptation ëtai t(de plus en plus) basée sur <strong>des</strong> données "subjectives"de re<strong>la</strong>tions familiales, sans prise en compte <strong>des</strong> facteursmatériels, ceux-ci sont, désormais, massivementcités, notamment le facteur économique. D'autre part,<strong>la</strong> mère est égaiement d3vantage considérée comme génératricede danger ; ce qu'il faut voir ici, c'est queles critères de dangers et d'inadaptatton mentionnéspour le père et <strong>la</strong> mère sont beaucoup moins axésqu'auparavant sur les comportements individuels, etbeaucoup plus sur Tes r6Tes "économiques+' : le pèreest moins cité pour sa violence ou son alcoolisme, etdavantage pour son instabilité professionnelle (génératricede difficuf tés financières), et <strong>la</strong> mère n'estplus c~tée pour son immoralité, mais pour ses carencesménagères (économie familiale) et éducatives.L'ensemble de ces modifications dans les préoccupationset <strong>la</strong> perception re<strong>la</strong>tives à 1 'inadaptation s'accompagnede modifications dans les caractéristiques de tapopu<strong>la</strong>tion signalée et dans les vecteurs de signalements.<strong>Les</strong> ori ines <strong>des</strong> si nalements, changent, en effet,considé?ab?ement, chane- qui se manifestent surtoutpar une chute <strong>des</strong> signalements "familiaux" et une augmentationconsidérable <strong>des</strong> signalements émanant <strong>des</strong>servi ces sociaux.La diminution <strong>des</strong> sSgn2 lements familiaux apparait, biensûr, directement lice t <strong>la</strong> disparition (du morns dansses manifestations), de <strong>la</strong> crise de 1 'autoritg parentale,et à <strong>la</strong> très forte attenuation du "rejet" qui se manifestaità l'égard <strong>des</strong> enfants dans <strong>la</strong> <strong>des</strong>cription <strong>des</strong>inadaptations.<strong>Les</strong> parents ne font plus appel à 1 'autori té socialecomme re<strong>la</strong>is à leur prr,pre autorite, dans <strong>la</strong> mesure,peut-être, où \a socié-:é ne leur reconnaît plus cettepossibilité, ou du moins, ne <strong>la</strong> cautionne plus.


La spectacu<strong>la</strong>ire augmentation <strong>des</strong> signalements &manant<strong>des</strong> services sociaux (57 % de l'ensemble <strong>des</strong> signalements,dont 51 % pour le service social de secteur)peut s'expliquer, eu partie, par <strong>la</strong> structuration dece service social (les circonscriptions sont mises enp<strong>la</strong>ce, les effectifs sont plus importants), qui luidonne une plus grande possibilité d'intervention, doncde détection, et par l'abaissement simultané <strong>des</strong> capacitésde prise en charge du service exerçant les mandatsD.D.A.S.S. qui, nous l'avons vu, a perdu. à cette période50 1 de ses effectifs et ne peut donc plus jouer sonrôle de re<strong>la</strong>is et "absorber" les situations familialesjugées inadaptées,Si <strong>la</strong> conjugaison de ces deux facteurs peut Otre uneexplication de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce que tient le service social àcette époque dans le signalement de l'inadaptation,elle ne nous semble que secondaire en regard d'uneexplication moins matérielle, mais plus pertinente,fondée sur l'évolution même du concept <strong>d'inadaptation</strong>.Il est, en effet, à cette époque, basé sur <strong>des</strong> dominantpsmatérielles, économiques et sanitaires, et non pluséducatives. Or, ces dominantes sont précisément cellesprivilégiées par le service social, qui apparaît,d'ailleurs, comme le seul élément du processus dont cesoit <strong>la</strong> fonction effectivement reconnue. Il semble doncque ce soit le fait que l'éc<strong>la</strong>irage est, à cette période,mis sur ces dominantes, qui induit une modification<strong>des</strong> "comportements" du service social de secteur, et unplus grand nombre de signalements.L'analyse du contenu <strong>des</strong> signalements renforce d'ailleurscette hypothèse : en effet, les modifications observéesne sont pas seulement d'ordre quantitatif, mais ausslqualitatif, tant en ce qui concerne les familles que leservice social.La modification <strong>la</strong> plus apparente, en ce qui concerneles signalements émanant du milieu familial, est queles pères ne signalent plus les conflits avec leursenfants, mais les carences de leur conjointe, phénomèneindicatif du raie donné à <strong>la</strong> mère.En ce qui concerne le service social de secteur, lestransformations qualitatives sont importantes et significatives,La dimension économique est désormais privilégiée, cequi n'était pas le cas avant, les pr&occupations éducativesjusqu'alors croissantes, diminuent, <strong>la</strong> moralité,


fréquemment signalée auparavant, ne l'est plus, <strong>la</strong>sécurité affective émeS*ge comme une préoccupation nouvelle,et, en ce qui concerne les parents, c'est <strong>la</strong>mère et non le père qui est considérée d'abord commeétant <strong>la</strong> cause de l1in3daptation. Ce ne sont plus lescomportements individu-1s que le service social privilégie(alcoolisme du père, moralité de <strong>la</strong> mère<strong>des</strong> rôles familiaux : instabilité professionne 1. le mais dupère, carences ménagères et éducatives de <strong>la</strong> mère.La dimension économique de <strong>la</strong> famille est donc privilégiée,et le service social ne porte plus ce qui pouvaitapparaître comme une forme de jugement social surles familles, l'approche étant beaucoup plus neutre.Paradoxalement, apparaît, à cette même époque, <strong>la</strong> dimensionaffective, pourtant d'appréhension essentiellementsubjective. Si <strong>la</strong> sectorisation psychiatrique alorsefficiente peut être un facteur explicatif, du fait d'unpossible processus de "contamination", ce phénomènesemble plutôt lié à une nouvelle perception <strong>des</strong> enfants,qui ne sont plus décrits comme <strong>des</strong> éléments pertubateurs"à éduquer. mais dont le "vécu" est désormais prisen compte. Ce changement d'attitude à l'égard <strong>des</strong> enfantsapparaît prépondérant dans l'émergence brutale <strong>des</strong> préoccupationstouchant <strong>la</strong> sphère affective.Enfin, ces modifications s'accompagnent d'une transformationde <strong>la</strong> "clientèle", le service social de secteursigna<strong>la</strong>nt préférentiellement <strong>des</strong> familles nombreuses debas niveau socio-économique, et souvent étrangères,transformation liée, elle aussi, à ses "nouvelles"préoccupations et aux domaines pris en compte. <strong>Les</strong>caractéristiques de cette popu<strong>la</strong>tion apparaissent,d'ailleurs, proches de celles observees en 1960-1962.Comme nous l'avons vu, les popu<strong>la</strong>tions signalées ont,en effet, à cette pérïode, <strong>des</strong> caractéristiques trèsdifférentes de précédemment.Si <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion décrite comme inadaptée a toujours étéde bas niveau socio-é:onomique et massivement ouvrière,on assistait à une élgvation du niveau socio-économiquemoyen et à l'é<strong>la</strong>rgissement à <strong>des</strong> categories plus favorisées(O.P., employés, artisans), évolution liée à <strong>la</strong>montée <strong>des</strong> préoccupations éducatives. Or, non seulementcette évolution ne se poursuit pas, mais l'on assiste àune chute brutale du niveau socio-économique moyen, quis'accompagne d'une forte r~lgrnentation du pourcentaged'étrangers et d'une augmentation 32 !>timbre moyen d'enfantspar famitle.


On peut réellement dire que cette popu<strong>la</strong>tion change, etest issue maintenant essentiellement <strong>des</strong> couches lespl us défavorisées.Un facteur démographique peut éc<strong>la</strong>irer, en partie, unede ces transformations : l'augmentation de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionmaghrébine dans l'agglomération grenobloise peut être unfacteur explicatif de 1 'augmentation de cette mëme popu<strong>la</strong>tiondans l'échantillonnage.Mais outre que, nous l'avons vu, l'accroissement estbeaucoup plus rapide dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée quedans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion globale, il n'existe aucun autreélément démographique pouvant apporter une explicationcohérente à ces transformations.Là encore, il semble que ce soit <strong>la</strong> fin d'une cristallisationsur les problèmes d'éducation et surtoutd'autorité et 1 'émergence de préoccupations nouvel lesqui 9nt induit cette modification.Des différences subsistent cependant entre les diversespopu<strong>la</strong>tions, même si elles sont toutes concernées partes transformations qui s'observent à cette période :le déca<strong>la</strong>ge existant notamment entre "O.S." et "O.P.",s'il se dép<strong>la</strong>ce, reste à peu près constant : <strong>la</strong> catégorieO.S. est davantage signalée par le service socialde secteur, et les problèmes éducatifs ~t afrectifs ysont moins ci tes que dans <strong>la</strong> catégorie O.P. .La catégorie "employés" se modifie, par contre, totalement: outre le fait qu'elle diminue considérablement,ce ne sont plus les familles elles-mêmes qui signalent,et les problèmes décrits ne sont plus éducatifs, mais,au contraire, centrés sur <strong>la</strong> santé et <strong>la</strong> sécurité physiqueou affective.Ne subsistent donc, de cette catégorie, que les famillesdans lesquelles les parents mettent en cause I'évo1ution<strong>des</strong> enfants, et non plus celles qui sollicitaient un"appui" social pour résoudre les problèmes d'autoritéqu'elles connaissaient.Une autre différence apparaît nettement entre les diversesnationalités : paradoxalement, les popu<strong>la</strong>tionsmaghrébine et portugaise, qui comptent les familles deplus bas niveau socio-économique, sont moins signalées


pour <strong>des</strong> problèmes matériels et économiques, mais davantageque les autres popu<strong>la</strong>t'ions, pour <strong>des</strong> problèmes <strong>des</strong>antti ou de sécurité physique.Dans ces fami 1 les pourtant ficonomiquement défavorisées,alors que <strong>la</strong> dimension économique est privilégiée àcette époque, c'est pourtant une approche comportementalequi prime, approche co'nportementale centrée sur <strong>la</strong>brutalité du përe et les conflits conjugaux.Une telle constatation peut surprendre. En fait, commenous l3vions déjà signalé, ces motifs de signalementssont très proches de ceux concernant fa popu<strong>la</strong>tionitalienne, avant 1958.D'autres "ressemb<strong>la</strong>nces" se manifestent égaiement,notamment le fait que les përes de familles maghrébinessignalent encore les conflits avec leurs enfants (commeles pères de familles italiennes, avant 1958).Il semble donc que les problèmes d'intégration de cesfamilles et les manifestations coqportementaies qui endécoulent, ou qui sont propres à l'ethnie concernée,priment dans l'appré~iatior~ de l'inadaptation et soientplus spectacu<strong>la</strong>ires" que le bas niveau socio-économiqueet les difficultés financiéres . Est-ce une différenceeffective entre comportements, ou une différence d'attitudede celui qui les perçoit ? <strong>Les</strong> deux hypothèses sontprobablement va<strong>la</strong>bles et complémentaires.Il serait donc possible de croire qu'à travers le "rupture",qui caractérise cette époque, un nouveau systèmenormatif se met en pface,ou du moins que les modificationsqui en résultent sont totales. En fait, il n'enest rien.Certaines invariances se minifestent nettement :- La popu<strong>la</strong>tion qui est concernée à cette période, et lescritères <strong>d'inadaptation</strong> décrits existaient d6jà dans lespério<strong>des</strong> précédentes, même si ils étaient en diminution,face à <strong>la</strong> croissance <strong>des</strong> problèmes d'autorité et d'éducatton: i l y a donc plutôt un phénomene d'é<strong>la</strong>rgissement etd'envahissement d'une partie de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion et <strong>des</strong>"préoccupations" an térieures.- L'écart subsiste entre les diverses popu<strong>la</strong>tions.


- L'approche comportementale n'est pas niée par <strong>la</strong> priseen compte <strong>des</strong> difficultés économiques. Elle se dép<strong>la</strong>ce<strong>des</strong> enfants vers les parents, et notamment vers <strong>la</strong> mère.Le service social de secteur, en particulier, qui prenden compte les difficuites financieres les relie a <strong>des</strong>carences dans les fonctions "économiques" du père et de<strong>la</strong> mère (instabilité professionnelle, carences ménagères),comme si ces difficultés fournissaient un supportnouveau à une démarche inchangèe.- <strong>Les</strong> préoccupations éducatives demeurent importantes,même si c'est désormais le rôle <strong>des</strong> parents qui est prisen considération.Enfin, l'évolution commencée précédemment concernant lerôle croissant de <strong>la</strong> mère se poursuit : elle est de plusen plus citée comme étant à l'origine <strong>des</strong> dangers,notammentnéducatifs, affectifs, mais aussi, à cettepériode, ticonomiques". Cette évolution est assez significativede <strong>la</strong> fonction primordiale de <strong>la</strong> mère, dans <strong>la</strong>famille "idéale" qui sert de référence au signalement del'inadaptation (il serait, en effet, possible de concevoircertains rotes comme étant <strong>des</strong> rôles paternels oudu couple).En résumé,Cette période est donc caractérisée par <strong>la</strong> fin <strong>des</strong>problèmes d'autorité, ou, plutôt, de leur prise encompte comme facteurs <strong>d'inadaptation</strong>.L'attitude à l'égard <strong>des</strong> enfants se modifie profondément,et les causes de l'inadaptation sont désormaisrecherchée plutôt dans le comportement <strong>des</strong> parents.<strong>Les</strong> préoccupations "économiques" dominent, à cettepériode, tant dans <strong>la</strong> <strong>des</strong>cription <strong>des</strong> situations financières,que dans celles <strong>des</strong> rôles parentaux.Le service social apparaît comme le principal agentdétecteur de 1 ' inadaptation.La popu<strong>la</strong>tion se transforme et les familles signaléessont d'un niveau socio-économique moyen plus bas queprécédemment et ont davantage d'enfants. La popu<strong>la</strong>tionetrangère, notamment maghrébine, augmente.


Seul, mai 1968 semble avoir pu apporter <strong>des</strong> modificationsaussi profon<strong>des</strong>i qui ont surtout atteint les mentalités,notamment en ce qui concerne l'attitude àd'égard <strong>des</strong> enfants, qui se modifie considérablement.Le phénomène même de rupture indique qu'il ne s'agitpas de <strong>la</strong> conséquence d'un quelconque changement politiqueou institutionnel, dont les effets sont toujourslents et qui n'aurait pas atteint les mentalités et lecomportement <strong>des</strong> famil les de façon aussi évidente.Cet effet de choc, en entraînant un abandon <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong>de rejet à l'égard <strong>des</strong> jeunes, <strong>la</strong>isse le "terrainlibre" pour d'autres concepts que l'éducation. <strong>Les</strong>ervice social de secteur:, notamment, va occuper ceterrain avec les préoccupations qui sont les siennes.C'est ce qui explique I'u-;ilisation de concepts apparemsentplus objectifs, tels <strong>la</strong> santé, et <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tiveconcordance entre 1 es cariictéri stiques de 1 a popu<strong>la</strong>tionet l'inadaptation décrite, notamment dans le domaineëconomique.Enfin, à cette période, trois niveaux <strong>d'inadaptation</strong>apparaissent nettement :- <strong>la</strong> santé et <strong>la</strong> sécurité physique,- 1 'éducation,- <strong>la</strong> securite affective.<strong>Les</strong> niveaux qui sont privilégies semblent dOpendresurtout du niveau socio-ëconomique, du nombre d'enfantset de <strong>la</strong> nationalité, ces trois éléments étant liés ;l'affectivitë, notamment, est d'autant plus considéréeque le nombre d'enfants est réduit et le niveau socioéconomiqueélevé.


5. La période 1975-1977 : Focalisation sur <strong>des</strong> sousarouoesmu1 ti carencés.A cette période, le pourcentage d'étrangers dans <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion grenobloise est à peu près identique àcelui de <strong>la</strong> période précédente (environ 13 %), mais lephénomène de substitution de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion italienne"traditionnelle" par <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion maghrébine et portugaisese poursuit (35 1 d'italiens, 22 % de maghrébins,10 % de portugais).Par ailleurs, le pourcentage d'O.S. est de 25 % environpour <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion globale.<strong>Les</strong> nouvelles orientations en matigre de politiquesociale, qui se mettent en p<strong>la</strong>ce, à <strong>la</strong> période précédente,s'intensifient et se matérialisant sur ce terrain.Le processus de "globalisation" de l'action sociale sepoursuit, avec de nombreuses modifications tant dans ledomaine <strong>des</strong> prestations familiales que du droit de <strong>la</strong>famille.Le rôle de 1 'Education Nationale est accru, avec notamment<strong>la</strong> loi d'orientation <strong>des</strong> handicapés (30.6.1975),ce qui est significatif, outre d'une certaine démédicalisation,d'une "recentralisation" d'un secteur marquépar <strong>la</strong> multitude <strong>des</strong> services privés.Par ailleurs, <strong>la</strong> volonté de décloisonnement <strong>des</strong> institutionss'affirme, le Service Unifié de 1 'Enfance fonctionneeffectivement, le processus de sectorisations'étend (1972, sectorisation de <strong>la</strong> psychiatrie infantojuvénile,1975, circu<strong>la</strong>ire sur les circonscriptionspréconisant l'action globale et <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boration avecles associations d'usagers).En corol<strong>la</strong>ire à cette volonté de décloisonnement et decol<strong>la</strong>boration avec les associations d'usagers, un courantde remise en cause <strong>des</strong> diverses spécialisations se faitjour, lié à <strong>des</strong> tentatives d'intégration non seulement<strong>des</strong> diverses formes de travail social, mais encore <strong>des</strong>divers domaines de l'ensemble du système d'interventionsociale (sanitaire, éducatif, social, etc.).Sur l'agglomération grenobloise, <strong>la</strong> sectorisation estmaintenant bien installée et le service social de secteur


accroît considërablement ses effectifs et ses moyensd'intervention ! en 1975, les assistantes socSales <strong>des</strong>ecteur dépendant de <strong>la</strong> D.D.A.S.S. sont au nombre de84, dans le département, et de 110 en 1977. A cetteméme époque, 15 infirmières et 24 puéricul trices travaillentégalement sur les secteurs,II y a 14 circonscriptions.Le courant de déspécialisation, ou du moins d'intégration<strong>des</strong> différentes institutions, se manifeste defaçon très variable selon les secteurs.Le Service Unlfié de 1 Ynfance n'a pas d'impact très réel .Par contre, le fonctionnement <strong>des</strong> institutions sur unsecteur tel que <strong>la</strong> \lilleneuveN, de grenoble, est un bonexemple de tentative d'intégration <strong>la</strong>rge. Une re<strong>la</strong>tiveintégration <strong>des</strong> divers mo<strong>des</strong> d'intervention (servicesocial, animation, secteur sani taire) s'observe dans denombreux centres sociaux.inada tation apparalt, à cette épo-3& un certain nombre de phénomèness'intensifient, ou continuent de s'estomper, d'autrepart, i 1 y a émergence de données nouvel3es.- La transformation se poursuit : lepourcentage d'U.5. enaires s'accrof tencore, de même que le pourcentage d'étrangers, etparmi eux, celui de fa popu<strong>la</strong>tion maghrgbine.La popu<strong>la</strong>tion signalée tend à se réduire à une popu<strong>la</strong>tionsous qualifiée (66,2 % d'O.S., contre 25 X dans <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion globale), et <strong>la</strong> crotssance du nombre defamilfes ëtrangères essentiellement nord africaines'intensifie.Cette "dequalification" intéresse toutes les nationalitéset apparaît comme <strong>la</strong> caractéristique dominante de Tapopu<strong>la</strong>tion à cette période.(Nous verrons, plus loin, que <strong>des</strong> diffërences subsistent,de nature autre que précédemment).Dans toutes les nat- onal i tés, y compris désormais maghrëbineet portugaise, les pertubations de <strong>la</strong> structurefamiJiale apparalsscint comme une donnèe importante etconstante.


- <strong>Les</strong> problèmes économiques ne sont plus privilégiés etil y a réapparition <strong>des</strong> préoccupations "anciennes" :paradoxalement au phénomène de "déqualification" quis'observe, les préoccupations d'ordre financier et économique,qui avaient fait une apparation "brutale" à <strong>la</strong>période précédente (phénomène 71é à mai 19681, tendentà disparaf tre.<strong>Les</strong> signalements liés à <strong>des</strong> problèmes de sécurité physiqueet de moralité sont plus nombreux. La moralitén'était pratiquement plus citée dans <strong>la</strong> période précedente,et <strong>la</strong> sécurité physique est presque autant citiqu'en 1960- 1962.L'on observe parallèlement une certaine constance dansle signalement <strong>des</strong> problêmes d'éducation et de sécuritéaffective, et une forte diminution <strong>des</strong> problèmes <strong>des</strong>anté,Le graphique, ci-<strong>des</strong>sous, montre 1 a répartition <strong>des</strong>responsabilités" à l ' intérieur <strong>des</strong> différents concepts.Securitc' tantt' Si~ur; Cc'P~YII o.te ~ I ~ ~ L C I V C .Lursqu'et le est attribuée- Au ère, c'est toujours pour sa violence (28 %), maispr&ent plus pour son alcooiisme (6 %) et son instabilité profession.nelle (3 %).Au contraire, les carences éducatives sont davantagecitées (15 %), mais surteut, ses carences ménagPressont évoqu&es dans 13 % <strong>des</strong> cas.


- A <strong>la</strong> mëre, c'est toujours d'abord pour ses carenceséducatives (30 %), puis ses carences ménagères (14 %),(-12 %). Son désintërét pour sa famille est davantagecité que par le passé (14 %), les problèmes de moralitéréaugmentent (10 %), e t les problèmes de ma<strong>la</strong>die mentalesont évoqués comme cause de perturbations familialesdans 12 % <strong>des</strong> cas.- Au couple et à <strong>la</strong> famille, ce n'est plus, comme dans <strong>la</strong>tranche précédente d':-pour <strong>des</strong> difficultés économiques(14 %, soit -22 X), mais de nouveau pour <strong>des</strong> conflitsdu couple (21 %) et drts carences éducatives (21 8).<strong>Les</strong> mauvaises conditions matérielles de vie sont citéesdans 10 % <strong>des</strong> cas de même que les mauvais traitements.- Aux enfants, c'est toujours <strong>des</strong> conflits avec lesparents 36 %f, mais plus du tout pour <strong>des</strong> fugues, etbeaucoupimoins pour <strong>des</strong> problèmes de délinquance (10 $).Par contre, les troubles caractériels sont davantarecités (21 %), de même que les troubles affectifs (1s X),et l'immoralité (10 %) qui réaugmentent.Ce sont surtout <strong>des</strong> pre-adolescents et adolescents quisont concernés.- <strong>Les</strong> "cibles" privilé iées à cette période, se modifient,en partie, du hi <strong>la</strong> disparition <strong>des</strong> préoccupationséconomiques : celles-ci n'étant plus prisesen compte, fa percept.ion de l'inadaptation se centredavantage encore sur les individus, et les rôles privilegiésdiffèrent.La mère apparaît, de plus en plus, comme le principalpersonnage fami 1 ial générateur d' inadaptation, tant ence qui concerne <strong>la</strong> santé, l'éducation et <strong>la</strong> moralité,que <strong>la</strong> securitë affective, mais le père est désormaispris en compte dans son rote éducatif et affectif.Le rôle économique de <strong>la</strong> famille, et <strong>des</strong> parents, disparaîtau prof7t du r61e éducatif, et dans le même temps,les comportements individuels sont de nouveau pris encompte (alcoolisme, noralité, violence).<strong>Les</strong> origines de signalements ont une évolution égalementindicative de CES tendances.


<strong>Les</strong> signalements émanant du service social de secteurdiminuent et ceux émanant du groupe familial réaugmentent.11 faut souligner que ce soit, désormais. les mères defamille qui signalent les conflits avec leurs enfants,alors que les pères de famille denoncent les carencesde leurs conjointes, ce q u ~ apparaft très significatifà <strong>la</strong> fois de l'importance du rO7e de <strong>la</strong> mère dans lesdifférents domaines familiaux, y compris l 'éducationqui, auparavant, appartenait davantage au r6le du père,et d'une certaine "cristallisation" sur les comportementsmaternels.La diminution <strong>des</strong> signalements du service social <strong>des</strong>ecteur apparait, elle, liée à deux facteurs :le sectorisation, le d6cloisonnement re<strong>la</strong>tif <strong>des</strong> institutionset l'intégration <strong>des</strong> diverses formes d'actionsociale qui caractérisent cette période fournissent auservice social <strong>des</strong> possibilités d'intervention accrueset permettent qu'un certain nombre de situations soientprises en charge par le secteur lui-même. D'autre part,<strong>la</strong> "col<strong>la</strong>boration" avec les usagers apparaît à même demodifier l'attitude <strong>des</strong> assistantes <strong>sociales</strong> de secteurqui, se situant différemment par rapport à <strong>la</strong> "clientele",ont parfois une certaine répugnance à faire <strong>des</strong>signalements à 1 'autorité judiciaire.Si les signalements du service social de secteur intéressent,comme précédemment, <strong>des</strong> familles de niveauxsocio-économtques les plus bas, et souvent nombreuseç,les raisons memes du signalement sont apparemmentdifférentes : les données économiques ne sont pluscitées, et l'accent, de nouveau, est mis uniquement surles comportements individuels, <strong>la</strong> moralité réapparaissantcomme une préoccupation re<strong>la</strong>tivement spécifique auservice social.En fait, comme nous le disions déjà plus haut, ces donnéesqui sont re<strong>la</strong>tivement invariantes semblent non pasavoir disparu, mais avoir été seulement occultées, à <strong>la</strong>période précédente par les répercussions de mai 1968,et <strong>la</strong> prise en compte de l'aspect économique, répercussionsqui semblent, de ce point de vue, avoir été aussiéphémères que superfi ciel les.<strong>Les</strong> différences qui se manifestaient jusqu'aiors entreles diverses popu<strong>la</strong>tions {nationalités et niveaux socioéconomiques)changent de nature.


D'une part, les écarts observés dans les pério<strong>des</strong> précédentesentre les diverses nationalités, quant auxtypes <strong>d'inadaptation</strong> signalées, tendent à s'amenuiser,même sl <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion étrangère reste plus marquée parles problèmes de sécurité, liés à <strong>la</strong> violence du père.<strong>Les</strong> difficultés éducatives sont maintenant signaléesde façon à peu près égale.D'autre part, les caractéristiques jusqu'alors propfesaux divers niveaux socio-économiques se "renversent .A cette période, contrairement à ce qui s'observaitauparavant de façon constante, c'est <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion"0.P." qui est surtout marquée par les problèmes <strong>des</strong>anté et de sécurité physique, et <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion "0.S.-manutentionnaires" l'est davantage par <strong>des</strong> problèmeséducatffs et re<strong>la</strong>tionnels.Une évolution identique s'observait à <strong>la</strong> période précédentepour <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion "employés . Ce phénomène estindiscutablement à rattacher au rétrécissement de <strong>la</strong>popu<strong>la</strong>tion signalée à une catégorie de popu<strong>la</strong>tion sousqualifiée.<strong>Les</strong> familles de niveaux socio-économiques plus élevés nesont plus signalées pour les problèmes d'ordre re<strong>la</strong>tionnels,mais lorsque <strong>la</strong> sécurité physique ou <strong>la</strong> santé <strong>des</strong>enfants est menacée, Ces signalements deviennent d'ailleursplus rares.En résumé,C'on peut dire que l'or. assiste, à cette période, à undouble phénomène :- un rétrécissement de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée commeinadaptée à une popu<strong>la</strong>t:ion sous-qua1 ifiée ;- l'"accès" de cette popu<strong>la</strong>tion à tous les niveaux<strong>d'inadaptation</strong>, alors gu'auparavant, les différentesp@rio<strong>des</strong> étaient marquées par <strong>la</strong> prise en compte dedomaines privilégiés (ciducatif, économique), et par <strong>des</strong>correspondances entre catégories de popu<strong>la</strong>tion et type<strong>d'inadaptation</strong>.l'approche comportementale et le r61e croissant de <strong>la</strong>mère apparaissent encore, ici, comme <strong>des</strong> constantes.<strong>Les</strong> effets secondaires de mai 1968 se sont pratiquementestompes, sauf en ce qui concerne <strong>la</strong> fin <strong>des</strong> problemes


d'autorité et l'attitude vis-à-vis <strong>des</strong> enfants, qui, àcette période, ne sont toujours plus considérés commeprincipaux générateurs <strong>d'inadaptation</strong>.En fait, il semblerait que <strong>la</strong> rupture précédente aitpermis que certains concepts réapparaissent, enrichisde données nouvelles, ou même apparaissent, telsl'affectivité, et qu'ils soient alors réinvestis, notammentpar les institutions <strong>sociales</strong> pour lire <strong>des</strong> réalitésfamiliales dans les popu<strong>la</strong>tions défavorisées.En résumé,<strong>Les</strong> deux graphiques, ci-après, illustrent bien lesdifférentes péri o<strong>des</strong> observées.


Famille- - - - - - Environnement naturel+ + + + + + Services sociauxO O O O O O Police


Il est possible de synt.hétiser grossièrement 1 'ensemblede l'évolution de <strong>la</strong> façon suivante :. centrée, au départ, sur <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> enfants,l'inadaptation jusqu'en 1967 est de plus de plusliée aux problèmes éducatifs, éducation conçue en référenceà 1 'autorité paternelle.<strong>Les</strong> difficultés éducatives touchent <strong>des</strong> famil les deniveaux socio-économiques de plus en pl us diversifiéset élevés, les familles <strong>des</strong> niveaux les plus b!s étantdavantage touchées par une inadaptation plus primaire"(sécurité physique).Mai 1968 interrompt brutalement cette évolution et metfin à <strong>la</strong> crise de l'autorité, ou du moins à son signalementcomme facteur <strong>d'inadaptation</strong> familiale.Durant une période re<strong>la</strong>'tivement courte, l'accent estmis sur les difficultés économiques <strong>des</strong> familles, puis,cette caractéristique s'efface, et , en même temps que<strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée comme inadaptée se "rétrécit" àune popu<strong>la</strong>tion sous-qualifiée, l'ensemble <strong>des</strong> domainesest simultanément pris en compte : santé, sécuritéphysique, éducation, affectivité, moralité.Parallèlement à cette évolution, plusieurs niveaux<strong>d'inadaptation</strong> se dégagent :- <strong>la</strong> sécurité physique,- 1 'éducation,- <strong>la</strong> sécurité affective.Ces différents niveaux semblent "hiérarchisés", en cesens que, d'une part, ils apparaissent successivementet que d'autre part, les niveaux <strong>d'inadaptation</strong> lesplus "subjecitfs" (éducation, puis affectivité) semanifestent d'abord dans les familles les moins défavoriséesde 1 'échantil lornage.Un certain nombre de facteurs et de mécanismes se dégagentnettement dans cette évolution. Ils font l'objetdu chapitre suivant.


III - FINALITES DE L'INADAPTATION :MISE A JOUR DES MECANISMES INDUCTEURS


Avant d'aborder, àproprement parler, les mécanismesqui apparaissent à travers l'étude <strong>des</strong> concepts etde leur évolution, il nous semble important d'illustrerbrièvement un certain nombre de facteurs quiconcourent à ces mécanismes et dont l'importance estdéjà apparue :- l'évolution <strong>des</strong> roles parentaux et <strong>des</strong> imagesfamiliales f facteur subjectif) ;- le facteur institutionnel ;- le facteur personnelCes 3 éléments seront brièvement illustrés, car ilssont indispensables à <strong>la</strong> compréhension <strong>des</strong> mécanismeseux-mêmes .


III - A.- Evolution <strong>des</strong> rôles parentaux et <strong>des</strong> imagesfamiliales :Unfacteur de subjectivité collective<strong>Les</strong> graphiques qui s~ivent, illustrent 1 'évolution <strong>des</strong>origines de dangers e t inadaptation : père, mère, couple,famille ou enfants, puis le contenu donné à ces dangers.La l?cture <strong>des</strong> graphiques 2, 3, 4 et 5 doit naturellemenise faire en réference au graphique 1 qui indiquel'importance quantitative de chaque origine, importanceà l'intërieur de <strong>la</strong>quelle se font les répartitions decontenus.60.Sv.4 O -30Co.I


Evolution du contenu <strong>des</strong> origines de danger.340 J30 .20. z-Avant 1958 1960.1962 1965.1967 1970.1972 1975.1977-- ---- __-.a?-;*CC *Ce t __.--..- ***. '.,- / Carences. (I~natabili té prof esaionnelle.1-..->carences ménagères éducative8-10 . -4. *,,v*v~~?vv 4- ImmoralitéIAvant 1958 1960.1902 1965.1967 1970.1972.1975.1977-.4 3 0 LCOUPLE20 .I'8% Carences éducatives',10 -Mauvai ses conditionsde vieIAvant 1958 1960,1962 1965.1367 1~70.1972 1375.1977R4ti ,s 30 .ENFANTS


L 'évolution décrite plus haut est, ici, remarquablementillustrée, notamment en ce qui concerne le r61e croisantdonné aux enfants dans <strong>la</strong> responsabilité <strong>des</strong> difficultesfamiliales, du fait de conflits avec le pèreessentiellement (cg. graphique 1 et 5), croissance quise poursuit jusqu'en 1.967, puis <strong>la</strong> brusque ruptureapportée par mai 1968, et l'importance temporaire donnéealors aux difficultés économiques (cf. graphique I et5)Cette évolution très évidente illustre bien comment unfacteur d'ordre essent:iellement sociologique peut modifierun symbolisme collectif. Nous ne reviendrons passur cet aspect déjà <strong>la</strong>rgement illustré, pour nous attacherà retrouver l'évolution <strong>des</strong> images parentales.Là encore, les graphiques sont très par<strong>la</strong>nts.Au départ, le rôle du père est prépondérant. Sa fonctionest une fonction de protection de ?a cellule familiale,<strong>Les</strong> signalements donnent, du père, une image en réferencedirecte avec cette fonction : le père slgnalé l'est parrapport à sa capacité à protéger et nourrir sa famille.Le rôle de <strong>la</strong> mère est peu apparent en tant que r61efamilial : c'est surtout t'image sociale qui dom+ne et<strong>la</strong> mere est signalée, avant tout, pour <strong>des</strong> problèmesde moralitg.Jusqu'en 1967, le rôle <strong>des</strong> parents décroTt, et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>celes enfants est, nous l'avons vu, privilégiée dansl'appréhension de l'inadaptation. Cependant, l'on peutobserver que te rôle de <strong>la</strong> mère tend devenir plusimportant que celui d%~ pere, notamment dans le domaineéducatif : <strong>la</strong> fonction d-ducation apparait donc, d'abord,comme une fonction maternelle.Puis, jusqu'à <strong>la</strong> période actuelle, le phenomène s'intensifie,et 1 'OR voit le r6le de <strong>la</strong> mère devenir <strong>la</strong>rgementprépondérant par rappsrt à celui du père, notamment ence qui concerne l'éducation, qui est visiblement unefonctlon maternelle, et l'équilibre affectif <strong>des</strong> enfants11 faut attendre <strong>la</strong> période actuelle pour avoir le rôledu père réaugmenter légèrement.Nais, dans cette réaugmentation,il faut voir une modificationdu rôle paternel qui est désormais pris en coppte


dans sa fonction éducative et affective, dimensionjusqu'alors absente. Ainsi, les différentes fonctionsfamiliales sont, tout au cours du processus, de plusen plus assurées par <strong>la</strong> mère, et il faut attendre 1975-77 pour que le père retrouve un rdle dans ces fonctions.fl semble alors que l'on s'oriente vers une non différenciation<strong>des</strong> rôles familiaux : <strong>la</strong> fonction affective,par exemple, est désormais également citée en référenceau père, ce qui est une donnée absolument neuve. Mais,d'autre part, i l semble que les fonctions familialessoient de plus en plus lour<strong>des</strong> et nombreuses.<strong>Les</strong> rsles parentaux et images familiales apparaissentdonc, dans <strong>la</strong> dynamique de l'inadaptation et de sonappréhension [mais le premier terme n'est-il pas uneconséquence du second ?), comme <strong>des</strong> êléments importantsdirectement reliés, sinon à <strong>la</strong> subjectivité, du moins ausymbolisme collectif.Certes, <strong>des</strong> données sociologiques (travail, urbanisation,famille nucléaire) peuvent jouer. Mais, outre le faitqu'il est impossible de faire <strong>la</strong> part de ces données etcelle du seul symbolisme, dans l'interaction qui les lie,il faut bien voir que ne sont plus les données objectivesqui déterminent <strong>la</strong> lecture de l'inadaptation, mai5 bien<strong>des</strong> éléments de seule subjectivité ; d'ailleurs, nousl'avons vu 8 <strong>la</strong> Becture <strong>des</strong> résultats, partagée tant parles institutions qui signalent que par les familles ellesmêmes.Ce symbolisme collectif est d'ailleurs parfaitementapparent lorsqu'on établit <strong>des</strong> corré<strong>la</strong>tions entre lesinadaptations décrites et <strong>la</strong> situation du couple, c'està-direles éventuelles modifications intervenues dans <strong>la</strong>structure familiale. Ce phénomène mérite d'être illustre.Le tableau suivant fait apparattre pour chaque situation<strong>la</strong> "position" de chaque origine de danger par rapport a<strong>la</strong> noyenne.Si une origine de danger apparaît. pour une situationdonnée, plus souvent que dans <strong>la</strong> moyenne, elle sera affectéedu signe t, du signe - si <strong>la</strong> fréquence d'apparitionest moindre et du signe = si il n'y a pas de différencesignificative.Il s'agit d'indications moyennes, les mêmes tendances sedégageant dans toutes les pério<strong>des</strong> étudiées.


Origines de danger -)ConcubinageSBparation garde au pèrsDivorce garde B<strong>la</strong> m$rePère dBced6


Certaines données sont évidentes, telles, par exemple,<strong>la</strong> moindre liaison du danger avec le parent absent quin'assume pas <strong>la</strong> garde <strong>des</strong> enfants, et, au contraire, <strong>la</strong>liaison plus forte avec le parent présent.<strong>Les</strong> autres données demandent à étre regroupées.Une tentative de regroupement par communauté de situation<strong>des</strong> enfants par rapport à leurs géniteurs n'apparaStpas valide, ce qui est pour le moins étonnant.Ainsi, par exemple, le dasger sera davantage lié auxenfants en cas de remariage de <strong>la</strong> mère, et, au contraire,moins lie à eux en cas de concubinage de <strong>la</strong> mère génitrice,alors que les enfants seront pourtant dans <strong>la</strong> mêmesituation.Paradoxalement, il semble que ce soit en fonction de <strong>la</strong>situation <strong>des</strong> parents que le regroupement puisse sefaire : si l'on recherche une logique d'organisation <strong>des</strong>situations parentales, on se rend compte que <strong>la</strong> différencese crGée en fonction du fait que <strong>la</strong> situation <strong>des</strong>parents est ou non légalement instituée.Lorsque <strong>la</strong> situation <strong>des</strong> parents est légalement instituée,le comportement <strong>des</strong> enfants est davantage prisen compte comme générateur de difficultés.Lorsque <strong>la</strong> situation <strong>des</strong> parents n'est pas légalementinstituée, l'origine <strong>des</strong> difficultés se cristallise surle parent géniteur qui a <strong>la</strong> charge <strong>des</strong> enfants.Dans fa première catégorie figurent : les parents mariés,divorcés, remaries, ou dont le conjoint est décédé.Dans <strong>la</strong> seconde les situations de concubinage, les séparationsde fait et les mères célibataires.De même, une distinction s'opère entre mariage et concubinage,situations où pourtant, les deux géniteurs sontprésents,En cas de mariage, les origines de danger sont davantageliées au couple et à <strong>la</strong> famille et aux enfants, et moinsliées aux parents.


En cas de concubinage, les mêmes dangers sont davantagesassociés aux parents, et noins au couple, à <strong>la</strong> familleet aux enfants.Ainsi 1 'analyse de difficultés se cristal 1 ise davantagesur le comportement <strong>des</strong> parents lorsque ceux-ci sont ensituation non légalement reconnue, et s'"ouvre" au comportement<strong>des</strong> enfants lorisque <strong>la</strong> situation du coupleest "légale" ou "légal iséc:".11 serait hasardeux de vo~loir donner une interprétationdéfinitive de ce phénomène. alors qu'un grand nombred'informations sont manquantes. L'absence de mise enre<strong>la</strong>tion de ces données avec, notamment, les origines <strong>des</strong>ignalement prive l'analyse d'un élément fondamental.Toutefois, une telle constatation interroge. S'il estpossible de supposer que le comportement <strong>des</strong> parentsest plus stable et moins "pertubant" lorsque leur situationest juridiquement et socialement instituée, ilest beaucoup plus probable qu'il s'agit là d'un élëmentde subjectivité dans ta perception de t'agent- invidu ou institution - qui signale <strong>la</strong> famille,subjectivité fondée sur un jugement moral, ou du moinsde morale sociale profondément enracinée et partagée.


III - B. - Le facteur institutionnel :Création d'une assimi<strong>la</strong>tion spécifique dans leService Social Spécialisé de <strong>la</strong> Sauvegarde demnfance de Grenoble.L'étude <strong>des</strong> différents concepts nous a permis de différentiersommairement les schémas de fonctionnement <strong>des</strong>institutions-détectrices de l'inadaptation du terrain,de l'institution spécialisée dont certaines particutaritéssont apparues. Nous avons pu observer que chaquetype d'institution disposait d'un "<strong>la</strong>ngage" particulier,que <strong>des</strong> écarts conséquents de perception apparaissaient.tant dans l'appréhension méme <strong>des</strong> phénomènes <strong>d'inadaptation</strong>,que dans le sens qui leur était attribué.Le service socjal spécialisé porte une attention particuliëreau concept éducation sur lequel repose fa baseméme de son fnnctionnement, sa finalité institutionnelle.Nous avons PL par ailleurs, observer que, depuis lesannées 1970-7i, au concept d'éducation, en déclin, tendaità se subsituer le concept sécurité affective, formeplus é<strong>la</strong>borée sur <strong>la</strong>quelle repose de plus en plus lefonctionnement du service social spécialisé.C'est, entre autres, autour de ces deux données, que sedéveloppe le processus d'assimi<strong>la</strong>tion spécifique duservice social, <strong>notion</strong> prise ici dans le sens que luidonne Y. BAREL (1) : "Le système fait subir une transformationaux inputs qu'il reçoit". Bien qu'ayant eul'occasion d'illustrer par <strong>des</strong> exemples certains mo<strong>des</strong>de fonctionnements de l'institution spécialisée, notreprgpos est, ici, de montrer comment les concepts éducationet sécurité affective ont pu s'é<strong>la</strong>borer dans letemps, mais ont également amené l'institution d s'organiserautour de ces données ; comment divers courantsqui ont traversé le travail social, donc à ce titre leservice social de <strong>la</strong> Sauvegarde, ont conduit l'institutionà les intégrer pour préserver sa finalité institutionnelle,à savoir sa reproduction.Plus qu'un discours "fondamental ", il s'agit ici davantaged'illustrer le mode d'évolution du facteur insti-(1) Y. BAREL. "La reproduction sociale" - Ed. Antropos1973. P. 153.


tutionnel depuis les années 1955 jusqu'aux années 1975-77.Deux pério<strong>des</strong> essentielles d'évolution se caractérisentau sein méme du service st)cial spécialisé :- l'une recouvrant les anl?ées 1955-1967 ;- l'autre à partir de 1970.1. La ~rggjgrg-~grjgbg se caractérise autour du conceptéducation qui prend de plus en plus de p<strong>la</strong>ce au sein del'institution spécialisée. Quelles sont donc les donnéesorganisatrices se constituant autour de ce concept ?Avant 1958, le service social spécialisé est tributairede l'appareil légis<strong>la</strong>tif et rêglementaire antérieur,déchéance parentale, correction paternelle, prostitution<strong>des</strong> mineurs, vagabondage, ordonnance de 1945 re<strong>la</strong>tive àl'enfance délinquante ... Ces dispositions fonctionnentsur un mode essentiellement répressif. <strong>Les</strong> mesures judiciairesd'A.E.M.0. conservent ce caractère, en ce sensqu'il s'agit essentiellement d'une mission de surveil<strong>la</strong>nceet non à proprement. parler d'éducation.Le travail social est ressenti comme un <strong>la</strong>beur, aussidéfinit-on les intervent40ns comme étant "... toujougsdélicates, souvent pénib'es, et ... parfois risquées(1). <strong>Les</strong> assistantes soc<strong>la</strong>les remplissent leurs misslons<strong>la</strong> limite de leurs responsabilités. Ce n'estpas un métier qu'elles accomplissent, mais une incontestéemission en ;ant que ce mot comporte pour l'exercerun acte de foi (2). Le r61e de l'assistante socialerepose, en grande partie, sur une idéologie charismatique; elle est un guide qui, dans une mission "attentiveet constante", cherche à enrichir davantage sa pénétrationde plus en plus pr!fonde aupres <strong>des</strong> familles" (3).Si <strong>la</strong> pratique se veut charitable , elle s'insérenéanmoins dans un réel dont l'un <strong>des</strong> objectifs est d'aménager<strong>des</strong> liaisons harmonieuses entre <strong>la</strong> famille,objet de <strong>la</strong> mesure de surveil<strong>la</strong>nce, et les PouvoirsPub1 ics, organismes divers et administrations.(1) Rapport moral du service social. Année 1955.(2) Rapport moral du service social. Année 1956.(3) Rapport moral du service social. AnnPe 1955.


L'intervention sociale, avant 1958, s'adresse doncessentiellement à <strong>la</strong> famille en tant qu'entité socialedans un contexte d'époque très orienté sur les problèmesde démographie, préoccupations trouvant d'ailleursécho au sein du service social, et appliquées à I'interventionsociale :".. . Notre action a été encore plus féconde.. ." (1)."... L'Association de 1'Tsère accuse une vitalitéproductrice.. .' (1)."... <strong>Les</strong> résultats se moissonnent,.." (2).A partir <strong>des</strong> années 1960-62, on commence à observer leseffets del'ordonnance du 23 décembre 1958, et du décretdu 7 janvier 1958. Le terme éducation apparait dans lesraports moraux du service social, au cours de l'année1960, les taches du service social sont présentees dansun aspect plus cohérent, plus fonctionnel, empreintesd'une recherche de technicité : A coté <strong>des</strong> taches d'information(missions d'enquetes <strong>sociales</strong>), les "tâchesd'éducation et de surveil<strong>la</strong>nce" cherchent à affirmer uncaractère plus dynamique de l'intervention sociale.Cette affirmation d'une technicité de l'interventionéducative s'accentuera jusqu'en 1967 et permettra àl'institution spécialisée de s'organiser pour faire faceà <strong>la</strong> montée <strong>des</strong> problèmes éducatifs dénonces par lesparents <strong>des</strong> mineurs eux-mêmes,Si l'assistante sociale définit son intervention commeune aide nécessaire à <strong>la</strong> famille "tant sur le p<strong>la</strong>nmatériel, qu'éducatif et moral, pour améliorer lescondftions de vie du mineur et pour qu'il s'adapte lemieux possible il <strong>des</strong> conditions de vie qui ne peuventêtre modifiées" (31, le mineur, objet <strong>des</strong> soins matériels,moraux et éducatifs, sert les objectifs du travall social.Si <strong>la</strong> visée apparaît, à cette époque, comme essentiellementadaptative, 1-intervention cherche néanmions àaffirmer sa technicité, son efficacité, dans un moded'organisation institutionnel se fondant autour de plusieursrègles :- éviter <strong>la</strong> dispersion sur le terrain <strong>des</strong> intervenants ;(1) Rapport moral du service social. Année 1956.(2) Rapport moral du service social. Année 1955.(3) Rapport moral du service social. Année 1960.


- éviter <strong>la</strong> multipliciti! <strong>des</strong> interventions au sein d'unmeme milieu ;- rechercher l'adhésion de <strong>la</strong> famille à <strong>la</strong> mesure imposée.Ces règles de l'intervention éducative se complètentdans un dispositif inst.itutionnel chenchant à assurer,à l'assistante sociale, une comsétence technique qu'elletire :- de l'apport scientifique <strong>des</strong> psychologues et psychiatresqui font leur ent'rée au serivce social, au cours<strong>des</strong> années 1960-62 (misa en p<strong>la</strong>ce de <strong>la</strong> consultationéducative) ;- d'un travail dit d'équipe , appelé à rendre plus pertinentel'intervention sociale "... l'assistante~s~cialequi a fait 1 'enquéte, présente le mineur au psychologueet au psychiatre. Ce travail d'équipe est précieux, tantpour <strong>la</strong> formatlon <strong>des</strong> assistantes; que pour les mineurset leur orientation ultGrieure.., (1) ;- de techniques nouvelles d'intervention : case-word etsupervision individuelle. Ces données apparaissent auservice, au cours <strong>des</strong> années 1961, et vont constituerun p61e autour duquel va se développer le processusd'assimi<strong>la</strong>tion spécifique, notamment au cours <strong>des</strong> annees1965-67, véritable période de rentabilisation du servicesocial.Le case-work auquel ont été formés, dès 1961, les cadresdu service social, devient une "méthode permettant unegrande cohésion dans l<strong>la</strong>ction,,<strong>des</strong> familles" (21 ; elle aaussi le mérite de renforcer <strong>la</strong> responsabilite de chaquetra:ai?leur social et donc, son intërét pour fetravail (2).La supervision <strong>des</strong> travailleurs sociaux devient, en 1966,un <strong>des</strong> principes de l'organisation du service social :"Un troisième aspect de l'organisation est <strong>la</strong> supervisiondu travail de tous les travailleurs sociaux par leChef de Service (L'Assistante Sociale Chef), et <strong>des</strong>xadjointes (deux assistantes <strong>sociales</strong> prinicipales) .(1) Rapport d'activité du service social. Année 1960.(2) Rapport d'activité du service social. Année 1966.


Avant même que ces métho<strong>des</strong> ne soient é<strong>la</strong>rgies a I'ensemble<strong>des</strong> personnels du service social, on peut observerque le <strong>la</strong>ngage dominant de I9nstitution est préservé,et si les éducateurs ont fait leur appa~itionau service social en 1962, pour s%ccuper <strong>des</strong> adolescentsdonnant <strong>des</strong> difficultés 3 leur famille" f l), onpeut remarquer que les rBles sont indifférenciés etque, de plus, les éducatrices "travaillent chacune sous<strong>la</strong> direction d'une assistante sociale principale, forméeaux métho<strong>des</strong> d'action sociale individualisée; et qui peutles faire passer, peu à peu, du stade de I%bservation<strong>des</strong> comportements, à celui de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion et de l'actionéducative" (1).Lkrganisaiton du service sur le p<strong>la</strong>n admtnistratif,les mo<strong>des</strong> de contrdle institués constituent une formulede travaî3 qui "pouraît être source de désordre et dedispersion, si elle n-tait pas inserée dans un organeadministratif précis, et si, par ailleurs, les travailleurssociaux étaient entièrement livrés à eux-mêmesdans leur travail (2).L "ncadrement du travail leur socia? a pour cor01 <strong>la</strong>i re,au cours <strong>des</strong> années 1965-67, un encadrement nettementplus marqué de <strong>la</strong> clientèle du service social à unepériode d'essor particulièrement importante au cours<strong>des</strong> années 1965-67 :- Le concept Bducation est à son apogëe, le discours etl'analyse psychologtque favorisant &galement cet essor,ainsi que le démontre <strong>la</strong> vitalité de Ia ÇonsultatdonEducative qui n'a jamais autant "fonctionné" qu'aucours de cette période.2. &_pg:$~:-bgs_~~gpgs-~2l~:J~lz, <strong>des</strong> mod3ficationsconséquentes affectent le service social et l'amènenta réaménager son cadre institutionnel. Parall&lement,on observe que le discours sur <strong>la</strong> pratique éducative<strong>des</strong> travail leurs sociaux se modifie également. Cesdonnées sont <strong>la</strong>rgement induites par ce qui s%st passésur le terrain sccial, à savoir le règlement de <strong>la</strong> criseconflictuelle qui opposait jeunes et parents, à partir duproblème re<strong>la</strong>tif de l'autorité paternelle.(1) Rapport d'activit8 du service social. Année 1962,(2) Rapport d'activitë du service social. Année 1966.


La brusque diminution <strong>des</strong> problèmes de type éducatifnécessité un aménagement institutionnel du servicesocial et une ouverture vers d'autres sphères intéressantle devenir de l'enfant. Cette modification s'opèresans à coup parce que l'institution, dès les années1960-67, avait assimilé-progressivement une autre <strong>notion</strong>que celle d'éducation : celle de sécurité affective.C'est donc de plus en plus autour de ce concept nouveauque le service social va fonctionner de 1970 à 1977; <strong>la</strong><strong>notion</strong> de sécurité affective tend donc à re<strong>la</strong>yer progressivementcelle d'éducation, en déclin, après lesannées 1967-68.L'aménagement instituionnel que suscite ce changement,rendu d'autant pl us nicessaire que 1 'activité globaledu service, notamment et surtout dans le domaine deItA.E.M.O,,est en déclin après les années 1965-67; ilrepose aussi sur une prise de sonscience rendant impérieuxle besoin d'un r.enouvellement :"... On dénombrait un nombre important de dossiers dont<strong>la</strong> mesure d'origine remontait à plus de 15 ans pour certains.On notait que 'les familles s'étaient installées,pour ta plupart, dans une mentalité d'assistées chroniques.Une recherche est en cours d'é<strong>la</strong>boration pour mieuxdéfinir le profil <strong>des</strong> familles qui noususont confiées, etdéboucher sur un travail plus adapte.. . (1).Le concept sécurité affective remplit Egalement, à partir<strong>des</strong> années 1970-72, une fonction institutionnelle ; ildonne une nouvelle dinension au travail social qui tendà s'organiser au sein du service social spécialisé autourde deux donnees principales :- <strong>des</strong> emprunts à <strong>la</strong> psychanalyse ;- un travail en équipe pluri-disciplinaire.Ces deux aspects contribuent <strong>la</strong>rgement à développerI'assimi<strong>la</strong>tion spécifique du service social et alimententle concept sécurité affective se constituant de s'é<strong>la</strong>borantpar une reconnaissance institutionnel7e <strong>des</strong> dimensionsaffectives et ~ersonnelles <strong>des</strong> clients du travailsocial.(1) Rapport moral et financier pour l'année 1976.Service social GI-enoble.


Si <strong>la</strong> psychanalyse fournit au travail social un autreregard, un autre <strong>la</strong>ngage, elle permet également d'assurerà l'institution sa finalité institutionnelle.L'intervention socio-éducative en milieu ouvert, commed'ailleurs l'ensemble <strong>des</strong> autres interventions <strong>sociales</strong>vise à l'apport "d'une aide éducative et thérapeutique"(1) qu'explicite te projet socio-éducatif du serviceconstitué au cours <strong>des</strong> années 1976 définissant, entreautres, les moyens à l'usage du travailleur social :"...Re<strong>la</strong>tion de nature autoritaire déjà 1 cause du mandatet aussi parce que normes et interdits peuvent êtreéléments securisants et structurants, en particulier pourles enfants :- ne pas négliger l'impact affectif, non systématique,mais pouvant être utilisé comme un moyen à certains moments(implication du travailleur social, tranferts,,,image que représente le travailleur social, etc.) ... (2).Le <strong>la</strong>ngage psychanalytique permet une nouvelle compréhensiondu travail social, mais fournit également un référentthéorique implicite à 1 'institution et aux travailleurssociaux cherchant une valorisation et une sécurité dans<strong>des</strong> équipes de travail :". .. L'expérience de groupes horizontaux a donné undynamisme et a apporté aux travailleurs sociaux une aidernor~ie et professionnelle très souhaitée, en raison <strong>des</strong>difficultés et de <strong>la</strong> lourdeur <strong>des</strong> cas qui sont souventvécus comme "angoissants"..," (1).Si le <strong>la</strong>ngage psychanalytique fournit au travailleursocial un nouveau savoir, l'idéologie groupale permetaussi de mieux vulgariser ce savoir qui devient <strong>la</strong>ngageinstitutionnel. Le service social pourvoit donc à sanécessaire mutation, assurant par 1.3 même se survieinstitutionnelle même si, au niveau de l'association,de nouvelles préoccupations s'expriment :"... Je n'en suis pas moins inquiet devant l'absence devocations de personnes bénévoles pour assurer <strong>la</strong> péren-(1) Rapport moral et financier pour l'année 1976 -Service social S.E.A. Grenoble.(2) Projet socio-éducatif - Service Social de Grenoble -Réalisation de llA,E.M.O. P. 6.


nité de notre association, afin de poursuivre l'oeuvrecréée par nos prédécesseurs ..." (1).Au-delà <strong>des</strong> inquiétu<strong>des</strong>, <strong>la</strong> finalité institutionnelleest de plus en plus c<strong>la</strong>irement exprimée.(If Rapport moral et financier pour Y 'année 1977A.D.S.E.A. Grenoble. Avant-propgs du SecrétaireAdministratif Général.


III - C. - Le facteur personnel :Sa normalisation progressive.Si l'institution spécialisée dispose d'un tangage quilui est propre, il convient également d'attribuer à sesagents une p<strong>la</strong>ce particulière. <strong>Les</strong> travailleurs sociaux,éléments de l'institution, peuyent avoir de l'inadaptationun <strong>la</strong>ngage dans lequel apparaissent <strong>des</strong> élémentsde subjectivité liés à leur formation d'origine, leurstatut personnel, leur sexe, ou à d'autres éléments quenous n'étions pas en mesure de maîtriser dans cetteétude (exemple : age, le fait d'avoir <strong>des</strong> enfants ounon, ...).Si l'analyse du processus d'assimi<strong>la</strong>tion spécifique rendcompte d'un fangage propre ti l'institution, ce <strong>la</strong>ngagenous paraft aussi se déterminer à partir <strong>des</strong> composantesde l'institution (en l'occurence les travailleurs sociauxet ce qu'il sont). II nous paraft également déterminé oumodifié, affevté en quelque sorte, par <strong>la</strong> composante institutionnelle.Ce sont ces deux aspects que nous voulions tenter d'approcherpar l'analyse diachronique <strong>des</strong> perceptions del'inadaptation et de ses caractéristiques se fondant sur<strong>des</strong> éléments de subjectivité : sexe, formation et statutpersonnel <strong>des</strong> travailleurs sociaux. <strong>Les</strong> éléments repéresnous semblent devoir constituer <strong>des</strong> indications qu'uneétude, centrée sur ces aspects. devrait tenter de valider,ce que ne nous permettait pas l'échantillon dontnou disposions.Le service social de <strong>la</strong> S.E.&. est, pour l'essentiel,constitué d'éléments féminins. Cette donnée se modifiepeu, sinon sensiblement à partir de 1970-1972, où <strong>la</strong>présence masculine dans les dossiers pris en considérationse revèle être de 7 %. Au cours de <strong>la</strong> dernièrepérlode (1975-1977), ce pourcentage est de l'ordre de10 %.Nous nous attacherons essentiellement à ces deux pério<strong>des</strong>en essayant de dégager sommairement <strong>des</strong> différences deperception qui apparaissent au cours de chacune de deux


pério<strong>des</strong>, selon que les situations A.E.M.O. sont appréhendéespar un travailleur social homme ou femme,Au cours de <strong>la</strong> période 19;'O-1972, si l'on veut schématiquementrendre compte <strong>des</strong> aimences de perceptionsselon que l'agent analyseur est de sexe féminin ou masculin,on observe que l'agent spécialisé féminin sembleplus sensible aux dangers d'ordre éducatif, ainsi qu'auxindications A.E.M.O. caractérisant <strong>la</strong> mère dans <strong>des</strong> comportementsinadaptés propi-es à son r6le social (éducation<strong>des</strong> enfants, travail ménager). Le trouble affectifde l'enfant, son épanouissement sont également <strong>des</strong> aspectsqui recouvrent plus d'attention de <strong>la</strong> part de <strong>la</strong>femme.Le travailleur social homine met davantage l'accent surles inadaptations re<strong>la</strong>tives au r6le d'autorité <strong>des</strong> parents(absence ou excès d'autorité du père - absenced'autorité de <strong>la</strong> mère), ainsi que sur le repérage de <strong>la</strong>ma<strong>la</strong>die mentale.Au cours de <strong>la</strong> pêrtode 1975-1977, dans <strong>la</strong> perceptionglobale <strong>des</strong> natures de dange~, le fait d'être travailleursocial femme accentue l'importance attachée auxdangers mettant en cause <strong>la</strong> sécurité affective de l'enfant.C'est <strong>la</strong> femme qui perçoit essentiellement cette naturede danger, l'explicite dans ses effets sur l'enfant(troubles affectifs, épanouissement), en analyse lesraisons qu'elle attribue prioritairement à <strong>la</strong> mère defamille en raison de son manque d'affectivité, de sonimmoralité ou encore de sa désertion familiale.<strong>Les</strong> m&mes caracteristiques essentielles que cellesdéfinies comme étant re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> pgriode 1970-72,apparaissent dans <strong>la</strong> perception du travailleur socialmasculin. L'analyse qu'il porte prend davantage en compteles zones 00 l'autorité parentale s'exerce sous <strong>des</strong>formes très diverses (absence d'autorité ou comportementd'autoritarisme), De même, les effets de ces comportementssont recherchés au niveau de l'enfant (conflits, délinquance,troubles caractériels). Par ailleurs, on peutobserver que le travailleur social homme valorise davantageque sa collègue <strong>la</strong> <strong>notion</strong> de travail, quel que soitle niveau sur lequel porte son discours (père, mëre,enfant).Le personnel spécialis6 féminln attache une Zmportancetoute particulière au développement affectif de l'enfant.


à ses conditions dépanouissement dans son milieu familial,et recherche surtout au niveau de <strong>la</strong> mère, dansses capacités affectives notamment, les causes de l'inadaptation.Deux schemas de fonctionnement apparaissent selon le sexedu travailleur social :- C'est à travers les aspects importants de son r61esocial que l'homme, travailleur social, définit et nommel'inadaptation. Ce qui apparaSt très caractéristiquec'est que c'est essentiellement lui, sur les deux pério<strong>des</strong>considérées, qui évoque le phénomène d'absence dzautorité.C'est lui également qui magnifie le plus <strong>la</strong> valeurtravai 1.Travail et autorité sont bien deux aspects essentiels durôle social de l'homme. C'est, en partie, l'absence deconformité à ce modèle social, dans ses divers aspects,qui définit l'inadaptation.- Le travailleur social féminin développe un schéma quis'é<strong>la</strong>bore pour partie autour du r61e affectif et re<strong>la</strong>tionnelreconnu à <strong>la</strong> mère de famille dans sa missionsociale auprès de l'enfant. C'est I'absence ou l'insuffisancede conformité à ce rsle qui conduit <strong>la</strong> femmetravailleur social à révéler certaines conduites jugéesinadaptées.II importe de remarquer dans ce processus fa p<strong>la</strong>ce dechaque corps d'agents spécialisés :- L'homme est, ici, appelé à définir et reproduire luimêmecertains concepts propres à son rdle social :autorité du père, travail.- La femme est, elle-même, appelée également à définiret reproduire, dahs sa perception, son propre r6le social.Au sein du service social de <strong>la</strong> S.E.A., les travailleurssociaux sont essentiellement issus de <strong>la</strong> formation assistantsocial. <strong>Les</strong> éducateurs y sont pourtant présents,notamment à partir <strong>des</strong> années 1960-1962, dans une proportionre<strong>la</strong>tivement faible se situant entre 8 % en 1960-62,à 29 % durant les années 1965-67, période durant <strong>la</strong>quelleleur proportion est <strong>la</strong> plus forte.


Deux pério<strong>des</strong> distinctes apparaissent dans les schémasd'appréhension ~e l'inadaptation selon que le travailleursocial est de formation assistant social ou éducateurspécialisé.- De 1960 à 1967,les schémas sont re<strong>la</strong>tivement différenciésL'éducateur spécialisé insiste sur les aspects éducatifs<strong>des</strong> rôles parentaux. Sa vision de l'inadaptationtend à révéler les carences ou actes parentaux non conformesaux principes d'éducation. <strong>Les</strong> parents sontappréhendés à travers ce rôle social. L'éducateur spëcialisévalorise donc <strong>la</strong> <strong>notion</strong> d'autorité sur <strong>la</strong>quellerepose, en grande parite, notre modPle social d'education.ainsi que <strong>la</strong> <strong>notion</strong> de travail en tant que valeur.Ainsi, le refus du travail du jeune ou ses difficultéssco<strong>la</strong>ires sont dénoncés comme étant <strong>la</strong> manisfestationd'une mauvaise intégrat.ion sociale.Il a, essentiellement. de llenfant,ou du jeune, unevision qui se définit dans <strong>des</strong> schémas de médiatisation.L'enfant est un partenaire opposable à ses parents, àses différents milieux de vie (environnement, milieusco<strong>la</strong>ire et professionnel). L'inadaptation apparaît,essentiellement, lorsque le schéma re<strong>la</strong>tionnel meten situation le mineur et qu'un élément familial ouextra-familial révPle un dysfonctionnement.L'éducateur spécialisé met donc, avec insistance,1 'accent sur le contexte éducatif de 1 'enfant ou dujeune, alors que l'assistant social pense et appréhendedavantage le jeune, oul'enfant, comme élément de l'entitéfamiliale.L'assistant social, par contre, met l'accent sur <strong>la</strong>famille en tant que valeur morale et affective. <strong>Les</strong>inadaptations décrites renvoient à cet aspect. L'enfantest un sujet qu'il convient d'entourer d'affection. Lafamille, en tant qu'entité, doit remplir ce rôle en seconformant à <strong>des</strong> exigences morales et affectives. II nereconnaît pas l'enfant comme un partenaire du milieufamilial, Sa vision de <strong>la</strong> famille est à fa fois globaleet singulière : globale, dans le sens où l'enfant sesitue dans le champ d'une interdépendance familiale etparentale : singulière, dans le sens où chaque élément ducouple familial est appréhendé à travers le rôle qu'iljoue dans <strong>la</strong> dynamique familiale. Selon <strong>la</strong> manière dont


les parents assument leur r8le, dépendent le devenir etle développement personnel de l'enfant.Oès 1970-72, on observe que les schémas d'appréhensionsont moins différenciés au sein de chacune <strong>des</strong> formationsprofessionnelles.Ces interférences s'accentuent considérablement au cours<strong>des</strong> années 1975-1977, et, seuls l'enfant et les inadaptationsqui s'y rapportent, rendent encore compte de nuancesde perception entre les assistants sociaux et leséducateurs spécialisés. L'écart qui apparaît à ce sujets'explique par <strong>des</strong> idéologies très différentes, inhérentesà <strong>la</strong> formation même. L'assistant social considèrel'enfant comme le reflet, lvntarnation d'une réalitéfamiliale sur <strong>la</strong>quelle il peut étre appelé à intervenir.L8&ducateur a tendance à mésestimer <strong>la</strong> dimension familialede l'enfant. Il définit l'inadaptation en considérantle mineur comme un individu dissociable de sonou ses milieux avec lesquels, néanmoins, il est appeléà entretenir <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions. De <strong>la</strong> qualité <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tidnsqu'il établit dépendent son developpement et ses possibilitésd'adaptatton et d'insertion sociale.Malgré ces différences, on observe que, de plus en plus,les schémas d'appréhension de l'inadaptation se rapprochententre les deux catégories de professionnels quiréalisent, ausisein du service spécialisé, les interventionséducatives.La pluridisci pl inarité et <strong>la</strong> différenciation <strong>des</strong> rslesinhérents à <strong>la</strong> formation tendent à se réduire à un schémaunique de perception qui apparaît alors davantagecomme le <strong>la</strong>ngage, non plus d'un corps d'agents professionnels,mais d'une institution.Jusqu'en 1967, les deux catégories de travailleurssociaux ont <strong>des</strong> schémas de perception re<strong>la</strong>tivementcomplémentaires. En 1975-77, si les objectifs du travailéducatif sont différents, notamment au niveau de l'enfant,l'appréhension de l'inadaptation tend à devenir <strong>la</strong>méme, tant chez les éducateurs spécialisés, que chez lesassistants sociaux. On observe, d'ailleurs, que chaquetype de formation a intégré et utilisi <strong>des</strong> données propres,les années antérieures à 1 'autre catégorie detravailleurs sociaux.


Si <strong>la</strong> complémentarité <strong>des</strong> rôles de fonde et s'illustredans <strong>des</strong> démarches de perception propre à chaque typed'intervenants sociaux, on remarque que, dans le temps,elle se réduit au profit d'une uniformité <strong>des</strong> perceptions.Ceci pourrait indiquer que, quelles que soient,au sein d'une institution spécialisée, les tentativesde travail en équipe pluridisciplinaire et les espoirsqu'elle porte, l'institution s'impose et impose à tousson propre schéma de fonctionnement et tend donc àopérer l'uniformisation du discours et de <strong>la</strong> perceptionde ses différents types d'agents, surtout, lorsque ausein de l'institution spécialisée, le rBle de chacunn'est pas c<strong>la</strong>irement défini, comme ce<strong>la</strong> est le cas ausein du service social, champ de cette étude.Le statut personnel dc travailleur social interfèret-ilsur <strong>la</strong> perceptior de l'inadaptation ? Le faitd'être marié ou célibataire induit-il <strong>des</strong> particu<strong>la</strong>ritessur les schémas d'appréhension <strong>des</strong> inadaptations ?Si, avant 1958, près de 92 % <strong>des</strong> personnels travailleurssociaux étaient célibataires, ce phénomëne tendra à semodifier à partir <strong>des</strong> années 1965-67, et le personnelmarié sera progressivement en nombre de plus en plusimportant. puisqu'il représente 57 % de l'ensemble <strong>des</strong>personnels travailleurs sociaux au cours de <strong>la</strong> période1975-77.Deux phases caractérisent l'évolution <strong>des</strong> schémas d'appréhensionde l'inadaptation selon que te travailleur <strong>sociales</strong>t célibataire ou marié.selon que l'analyse prend en compte l'une ou l'autrecatégorie de personnels, on observe schématiquement quele travailleur social célibataire attache davantaged'importance que son collègue marié aux dangers éducatifsqu'encourt le mineur ; <strong>la</strong> perception de l'inadaptationest plus hétérogène. 11 décrit, en effet, davantage<strong>des</strong> actes comportementaux propres aux parents, non conformesaux exigences morales fa1 cool isme, immoralité) ,eu rend compte <strong>des</strong> inadaptations dans <strong>des</strong> aspects matériels(organisation du cadre de vie, ..,). Sa vision del'inadaptation tend à attribuer <strong>la</strong> responsabilité <strong>des</strong>dangers aux parents, du fait d'actes ou de comportementsinadaptés : alcoolisa~e, violence, autoritarisme, carences


ménagères.Ce sont ces actes qui alimentent une dynamiqueconflictuelle chez le mineur, l8entraFnant à son tour à<strong>des</strong> actes ou <strong>des</strong> comportements d'opposition face à safamille, à son milieu professionnel.Le travailleur social marié perçoit, essentiellement,l'inadaptation à travers une dialectique familiale, quirecouvre <strong>des</strong> aspects complémentaires du rôle de <strong>la</strong> famillepar rapport à l'enfant : rôle éducatif (carenceséducatives et absence d'autorité), rôle affectif (troublesaffectifs de l'enfant et manque d'affection), rôleconjugal au niveau <strong>des</strong> parents (infidélité conjugale).La vision d'ensemble de l'inadaptation apparaît plushomogène, parce que le fil conducteur en est <strong>la</strong> famille.&ussi, envisage-t-il davantage l'éventail <strong>des</strong> dangerspossibles pour 1 'enfant. Sa vision de 1 'inadaptationrévèle qu'il met l'accent, en fait, essentiellement, sur<strong>des</strong> comportements de carences. Sa perception de l'inadaptationest, à 1 'inverse du travailleur social célibataire,non dynamique, dans le sens où l'enfant apparaît essentiellementcomme une victime, souffrant de troubles imputablesà <strong>des</strong> carences affectives ou éducatives dont <strong>la</strong>responsabilité revient aux parents.- A partir de 170.on peut remarquer, là encore, que les schémas de perceptiondéfinis précédemment s'attènuent. La vision quechaque catégorie de personnels développait, n'apparaqtplus aussi nettement. <strong>Les</strong> schémas s'entrecroisent entrecatêgorie de personnels de statut différent et <strong>la</strong> perceptionglobale de l'inadaptation tend à se caricatureren une vision plus uniforme mettant à jour, au niveaude l'enfant :- <strong>des</strong> inadaptations agies, lorsque les comportementsparentaux ont tendance à s'exprimer sur un mode actif(conflits, violence, ...) ;- <strong>des</strong> inadaptations subies, lorsque les parents sontessentiellement signalés pour leurs manques ou leurscarences (ménagères ou éducatives).Plus l'enfant est appelé à subir 1 'inadaptation parentale,plus le travailleur social indique qu'il tend àévoluer vers <strong>des</strong> situations de troubles affectifscompromettant son épanouissement personnel.


Outre les données spécifiques <strong>des</strong> schémas de perceptionillustrant l'incidence du facteur personnel sur l'appréhension<strong>des</strong> inadaptations, les indications que nousavons pu observer (qui mériteraient, à elles seules, unerecherche davantage é<strong>la</strong>borée), montrent bien l'effetd'érosion <strong>des</strong> schemas spécifiques sous l'influence dufacteur institutionnel. Le niveau structurel semble, ici,avoir pour effet le "nivellement" <strong>des</strong> schémas perceptifsqui s'observe surtout à partir de <strong>la</strong> période 1970-72.Le phénomène d'assimi1at;ion spécifique nous parait devoirconstituer un élément explicatif de premier ordre pourrendre compte de ces observations.


111 - D. - Des mécanismes plus globauxPlutBt que de parler d'un mécanisme d'évolution, dereproduction, nous préférons parler de plusieurs mécanismes,interelf iés, qui globalement, participent à unensemble.En fait, nous avons déjà approché l'un <strong>des</strong> mécanismes :le phénomène d'assimi<strong>la</strong>tion spécifique ayant, pourfinalité, l'équilibre et <strong>la</strong> reproduction de l'institution.C'approche de <strong>la</strong> sauvegarde de l'enfance est, ace titre, exemp<strong>la</strong>ire.Mais, ce mécanisme participe 3 <strong>des</strong> mécanismes plusglobaux, plus difficilement différenciables et sansdoute moins évidemment apparents.L'apparition successive <strong>des</strong> 3 niveaux <strong>d'inadaptation</strong> :- santé et sécurité physique,- éducation,- affectivité,apparaît en rapport dlrect avec <strong>la</strong> reproduction de <strong>la</strong>société.Il y a là, de toute évidence, un élément inhérent à <strong>la</strong>période que couvre l'échantillonnage : 1950-55-1977.Cette période commence, en effet, à l'après-guerre,avec un souci évident de repeuplement, nécessaire à <strong>la</strong>reproduction biologique de <strong>la</strong> société, nécessité qui vase matérialiser par le baby-boom - et les politiquesnatalistes - de cette époque.Premiere necessité sociale, <strong>la</strong> reproduction biologiqueva également fournir le premier filtre de lecture del'inadaptation : ce qui remet en cause <strong>la</strong> reproductionbiologique de <strong>la</strong> société, à savoir les dangers menaçant<strong>la</strong> société et <strong>la</strong> sécurité physique <strong>des</strong> enfants, privilégiésavant 1958.


Puis, peu à peu, va émerger <strong>la</strong> seconde nécessité sociale: <strong>la</strong> reproduction culturelle et symbolique :"Après avoir mis les enfants au monde, il faut lesélever". . dit-on vu1 gairement. Cette reproductionculturelle et symbolique, qui se traduit aussi par lespol i tiques axées sur 1 '$$ducation et <strong>la</strong> rééducation, etqui est représentée par 1 'éducation fournira le deuxièmefiltre de lecture de 1'-nadaptation : ce qui remet encause <strong>la</strong> transmission <strong>des</strong> valeurs et symboles, <strong>des</strong> modèlessociaux, donc les dangers menaçant l'éducation <strong>des</strong>enfants. Cette réalité pourrait, d'ailleurs, se traduire,jusqu'en 1967, par une phrase du type : "<strong>Les</strong> enfantss'opposent à l'éducation qui leur est donnée".L'émergence de <strong>la</strong> troisième préoccupation : l'affectivité,apparaît comme ayant une double origine ; d'une part, unchangement d' "attitude sociale'' à 1 'égard <strong>des</strong> enfants,après mai 1968, changeml~nt que nous avons déjà mentionné ;d'autre part, comme une autre nécessitê de <strong>la</strong> reproduction: un êpanouissement "minimum" <strong>des</strong> enfants, sanslequel <strong>la</strong> reproduction culturelle et symbolique devientimpossible.Peut-être, d'ailleurs, cette réalité qui s'exprime dans<strong>la</strong> <strong>des</strong>cription de l'inadaptation sociale est-elle une"leçon" de mai 1968. Certes, l'impact de <strong>la</strong> psychologieet de <strong>la</strong> psychanalyse, notamment auprès <strong>des</strong> institutions<strong>sociales</strong> qui, nous l'avons vu, jouent un rate croissantdans <strong>la</strong> détection de l'inadaptation, est-il un élémentqui explique l'apparition du concept de sécurité affective.Mais, considéré comme une préoccupation socialeen regard de <strong>la</strong> globabilité du processus observé, ilest certain que ce concept n'apparaît pas par hasardaprès <strong>la</strong> rupture obsertée quant à l'attitude à l'égard<strong>des</strong> enfants, mais, bier comme une condition à <strong>la</strong> réalisationde <strong>la</strong> fonction tsducative.A <strong>la</strong> dernière période 6tudiëe : 1975-77, ces 3 préoccupationsapparaissent ensemble, simultanément, et coexistent; mais, <strong>la</strong> partic~j<strong>la</strong>rité de <strong>la</strong> pérlode couverte apermis de voir nettement apparaître les phases successivesde <strong>la</strong> reproduction sociale, ou plutSt de son"négatif " : 1 'inadapta rion.En effet, l'émergence d'un nouveau domaine de préoccupationest nécessaireinent créatrice de normes, qui,méme si elles ne sont pas codifiées et restent subjectives,voire individuelles, n'en sont pas moins réelleset prggnantes, c'est le cas notamment de l'éducation etde l 'affectivité.


Cette "création" de normes parfois diffuses est, ellememe,nécessairement créatrice d'une inadaptation.Chaque nouveau domaine pris en compte de <strong>la</strong> vie d'unenfant, ou d'une famille, quel qu'en soit le bien fondé,est également un domaine où une inadaptation pourra sefaire jour.1. ILLICH (1) a fort justement montré que toute nouvellerichesse était porteuse d'une nouvelle pauvreté.Ce principe peut parfaitement s'appliquer dans le domainede l'appréhension de l'inadaptation, ou chaque fois quel'éc<strong>la</strong>irage est porté sur un nouveau domaine de vie,c'est aussi une nouvelle inadaptation - réelle ou potentielle- qui est mise en lumière.Ainsi, l'inadaptation apparaît-elle comme totalementsol idaire de l 'évolution, donc de <strong>la</strong> reproductionsociale, et de tous les processus qui y concourent.Un recensement <strong>des</strong> divers processus mis en cause faitapparaître l'incidence :- de <strong>la</strong> reproduction biologique ;- de <strong>la</strong> reproduction économique, créatrice, à <strong>la</strong> base,de <strong>la</strong> reproduction de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion sous qualifiée quiest marquée par te phénomëne <strong>d'inadaptation</strong> ;- de l a reproduction culturelle, également créatrice de<strong>la</strong> reproduction <strong>des</strong> milieux socio-culturels, <strong>des</strong> c<strong>la</strong>sses<strong>sociales</strong> et <strong>des</strong> institutions ;- de <strong>la</strong> reproduction symbolique, dépendante de <strong>la</strong> reproductionculturelle, qui est égaiement reproduction <strong>des</strong>idéologies, du <strong>la</strong>ngage, <strong>des</strong> logiques mental es.11 est possible de schématiser grossièrement 1 Qmboitementet les re<strong>la</strong>tions entre 3es divers processus de <strong>la</strong>façon suivante :(1) 1. ILLICH - Une societé sans école.Ed. du Seuil 1971.


Reproduction économiqueReproduction humaineReproduction culturellestructures d'organisationReproduction <strong>des</strong> c<strong>la</strong>.sses <strong>sociales</strong>,<strong>des</strong> milieux socio-institutionsReprciduction culturelleet symbolique normativeIriadaptation possible


La prise en compte successive, puis simultanée, <strong>des</strong>différentes sphères, <strong>des</strong> différentes fonctions familiales,s'accompagne également d'une élévation <strong>des</strong> seuilsnormatifs, non seulement du fait méme de cette succession,mais aussi par rapport au contenu <strong>des</strong> fonctions décrites.Entre <strong>la</strong> simple préservation de <strong>la</strong> sécurité physique et<strong>la</strong> prise en compte de l'affectivité, il est certain qu'il y a déjà une importante augmentation <strong>des</strong> exigences<strong>sociales</strong> à l'égard <strong>des</strong> familles, mais si l'on considèrele contenu de chaque concept, l'on s'aperçoit que, de<strong>la</strong> santé à l'affectivité, les exigences à l'égard <strong>des</strong>individus s'élèvent également.Nous avons pu le constater lors de l'étude de chaqueconcept, et ce phénomène se retrouve @galement, commenous 1 'avons vu, en regard <strong>des</strong> rdles parentaux : celuide <strong>la</strong> mère devient de plus en plus vaste, et ilon demandeau père non plus seulement de ne pas frapper ses enfants,comme c'était le cas au début du processus, mais aussid'avoir une fonction dans l'affectivité <strong>des</strong> enfants,exî3ence qui apparaît à <strong>la</strong> dernière période étudiée.Cette éfévation <strong>des</strong> seuils normatifs, qui servent de filtreà l'appréhension <strong>des</strong> phénomènes <strong>d'inadaptation</strong>, paraftsuivre, tout au long do processus, une "procédure" identiquequi apparaît très nettement : les niveaux <strong>d'inadaptation</strong>sles plus é<strong>la</strong>borés, les exigences nouvelles semanifestent d'abord en regard <strong>des</strong> familles <strong>des</strong> niveauxs~cio~économiques les plus élevés de l'échantillonnagepour toucher", ensuite, les niveaux les plus bas.A l'inverse, les familles <strong>des</strong> niveaux les plus bas sont;d'abord, préférentiellement, touchées par les types <strong>d'inadaptation</strong>les plus "primaires" : santé et sécuritéphysique pour ne connaître les plus é<strong>la</strong>borés que plustard.II en va de même pour les popu<strong>la</strong>tions étrangères, qui,dans un premier temps, sont préférentiel lement signaléespour <strong>des</strong> problèmes de sécurité physique et qui, au furet à mesure de leur intégration, sont touchées par lesniveaux <strong>d'inadaptation</strong> supérieurs : éducation et affectivité.


Historiquement, en effet, Ifs nouv~ll~s exig2nces, tantaJ regard <strong>des</strong> fonctions familiales que <strong>des</strong> rôles, apparaissenttoujours dans les plus hauts niveaux socioéconomiques.S'il est possible d'instaurer une hiérarchieentre les différents domaines pris en compte, de<strong>la</strong> reproduction biologique, de <strong>la</strong> sécurité physique, àl'éducation et à l'affectivité, l'on peut dire qu'il ya un parallélisme entre hiérarchie <strong>des</strong> catégories socioprofessionnelleset hiErarchie <strong>des</strong> inadaptations.<strong>Les</strong> graphiques suivants visualisent, à titre d'exemple,l'importance respective, selon les époques, <strong>des</strong> problèmesde sécurité physique et d'éducation en fonction <strong>des</strong>catégories socio-professionnelles.


Le renversement de tendance à <strong>la</strong> derniëre période necontredit en rien le mécanisme, au contraire, comme nousallons le voir (un phénomène identique, bien que moinsnet, s'observe par rapport à <strong>la</strong> sécuritë affective).<strong>Les</strong> préoccupations d'éducation et d'affectivité se manifestentd'abord dans les niveaux Tesplus élevés de tapopu<strong>la</strong>tion ; puis, de plus en plus, dans les niveaux lesplus bas, jusqu'en 1975-77, où, au contraire, les famillesde <strong>la</strong> catégorie O.P. sont signalées pour <strong>des</strong> dangersplus primaires, alors, précisément, qu'elles ont tendanceà disparaftre de l'échantillonnage.Le phénomène rëcent de "resserrement" de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionsignalée, a une popu<strong>la</strong>tion sous-qualifiée, phénomènequi s'accompagne de <strong>la</strong> prise en compte simultanée detous les "niveaux" <strong>d'inadaptation</strong> danç cette meme popu<strong>la</strong>tion,est indicatif d'une orientation marquée du processuset <strong>des</strong> mécanismes décrits : alors que les différentesnatures <strong>d'inadaptation</strong> ont eu une apparition


"logique" et ont touché successivement <strong>des</strong> popu<strong>la</strong>tionsdifférentes, avec un "arrét" au type <strong>d'inadaptation</strong>intéressant <strong>la</strong> fonction familiale jugée déficiente, etd'autant plus "é<strong>la</strong>boré" que le niveau socio-économiquede <strong>la</strong> famille était élevé ; i l y a apparition d'une catégoriede popu<strong>la</strong>tion "multicarencée" dans <strong>la</strong>quelle toutesles fonctions familiales sont prises en compte et jugéesdéficientes.Là encore, l'analogie "négative" avec les mécanismes dereF~oduction - richesse - pauvreté, décrits par ILLICH,est forte : il semble cu'il y ait un phénomène de"régu<strong>la</strong>tion" progressike <strong>des</strong> fonctions familiales,déterminée par le nivezu socio-économique (acquisitionde richesses successsves rapprochant les bénéficiairesd'une norme "moyenne" gui tend à s'élever), et créationd'une popu<strong>la</strong>tion qui n'"acquiertw cette régu<strong>la</strong>tion pouraucune fonction.Une telle interprétation amène à considérer, au départ.l'éducation et liaffect:ivité comme <strong>des</strong> "produits" sinonsuperflus, du moins dont le manque n'est considéré comme"anormal ' qu'en référence à 1 'appartenance à un niveausocio-économique donné, puis, au fur et à mesure que ces"produits" deviennent de "grande consommation", leurpossession devient une norme pour les catégories le plusdéfavorisées.Ainsi, <strong>la</strong> norme se crée "par le haut", et se répand enrespectant les "stratifications <strong>sociales</strong>".Lorsque, petit à petit, cette norme s'est répandue dansl'ensemble de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, il reste une couche de cettepopu<strong>la</strong>tion qui ne répond pas à cette norme.Il semble, là, de plus, que nous ayons pu assister à uncycle "complet" du moins en ce qui concerne l'éducationet <strong>la</strong> sécurité affective : création d'une norme nouvelle,vulgarisation de cette norme en fonction <strong>des</strong> niveauxsocio-économiques, disparition, dans <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion signalée,<strong>des</strong> catégories socio-professionnelles répondant aux"exigences nouvelles", création d'un reliquat qui n'a pasatteint ce nouveau stcde (les familles <strong>des</strong> niveaux socioéconomiquesles plus favorisés sont alors, comme nousl'avons vu, signalées beaucoup moins et pour <strong>des</strong> motifsplus "exceptionnels").


Ce phénomène est, de toute évidence, lié à l'évolutionsociale elle-même, à sa reproduction symbolique etculturelle. et inhérent au processus lui-même. II estpossible de parler, ici, de toute évidence, de <strong>la</strong> domination<strong>des</strong> c<strong>la</strong>sses les plus favorisées de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tiondans l'é<strong>la</strong>boration progressive <strong>des</strong> mentalités (N'oublionspas que, du fait <strong>des</strong> catégories de famillessignalées, nous ne pouvons observer que <strong>la</strong> "terminaison"du phénomène, qui chemine auparavant à travers <strong>la</strong>"hiérarchie" sociale, les seules familles signalées étantcelles qui ont du mal à intégrer l'évolution symbolique,dominante, sans doute parce que n'y participant pas).Mais, à côté de ce phénomène permanent d'évolution, quiest, sans aucun doute, aussi ancien que <strong>la</strong> vie sociale,il ne faut pas négliger un phénomène historique récentet également important qui est l'impact croissant <strong>des</strong>services sociaux.Ayant une p<strong>la</strong>ce de plus en plus importante dans <strong>la</strong> détectionde l'inadaptation, remp<strong>la</strong>çant peu à peu l'environnementnaturel de <strong>la</strong> famille dans <strong>la</strong> fonction de signalement,le service social, dans son ensemble, ne reproduitpas pour autant <strong>la</strong> "sensibilité" sociale.Sa fonction, les mécanismes d'assimi<strong>la</strong>tion spécifiquedécrits plus haut, font que le symbolisme propre auservice social va jouer un rdle croissant, d'autant quec'est au nom même de ce symbolisme "spécifique" qu'ilse crée, qu'il justifie ses interventions.Mis en p<strong>la</strong>ce par décision politique, le service social.axé vers <strong>la</strong> détection et <strong>la</strong> réduction de I'inadaptatîonsociale, échappe, en fait, à tout contrôle politiquequant à sa création symbolique, alors que c'est lui quiest chargé de qua1 ifier, pourtant, cette inadaptation.Ce qu'il faut surtout retenir, c'est que les conceptsnouveaux, les mentalités nouvelles qui se font jouractuetlement, chez les travailleurs sotiaux, et plus globalement,dans les couches "dominantes de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion,seront, après "vulgarisation", les critères de signalementde l'inadaptation de certaines familles défavorisées,n'ayant pas intégré l'évolution sociale et sesexigences, ou n'ayant pu y répondre.Ainsi, l'évolution de l'inadaptation, <strong>la</strong> façon dont ellese reproduit. apparaissent aussi inéluctables que <strong>la</strong>


eproduction sociale elle-même, les concepts présidantà <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>des</strong> mesures de dépistage et de rééducationfaisant apparaître l'inadaptation correspondantà ces mémes concepts, c:e qui, bien sûr, ne revientabsolument pas à nier <strong>la</strong> situation <strong>des</strong> familles.L'inadaptation se défiriit donc, ici, comme un écartentre un comportement et une norme.La norme est, naturellement, évolutive, mais cette évolutionelle-même est l?, condition à <strong>la</strong> préservation de1 'écart.Plus que dans <strong>la</strong> <strong>des</strong>cr?ption figée de l'inadaptation,c'est dans les mécanisrnes eux-mêmes qu'il faut rechercherune actualisation p0ss.i ble de <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>d'inadaptation</strong>.Le concept équil ibre-diiséquil ibre semble, ici, déterminant.En effet, nous avons pu observer que le processus d'évolutionsociale globale tend à marginaliser ponctuellementcertaines popu<strong>la</strong>tions. Cette marginalisation poussée àson terme entraîne un déséquilibre qui rend nécessaireun rééquilibrage indissensable à <strong>la</strong> reproduction ellemême.Si, très globalement, ce sont les catégories socioprofessionnellesles pl us défavorisées qui se trouvent.de fait, marginalisées par les mécanismes d'é<strong>la</strong>borationdu système normatif dont nous avons rendu compte, nousavons pu observer, sur l'ensemble du processus, deux deces phénomènes de déséquilibre, et un troisième semblese faire jour.Le premier intéresse <strong>la</strong> marginalisation de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tionjeune jusqu'en 1967. Nous avons pu observer que ce phénomèneenvahissait progressivement tout le processusjusqu'à créer une situation effective de déséquilibre.Le processus de rééquilibrage a été, pour ce phénomène,mai 1968, qui a, nous 1 'avons vu, mis fin à une marginalisationqui, poussée à son extréme, devenait dangereusepour <strong>la</strong> reproduction sociale elle-même.


Le deuxième phénomène de déséquilibre est constitué par<strong>la</strong> marginalisation moins spectacu<strong>la</strong>ire, sans doute, maistout aussi réelle, <strong>des</strong> femmes, mères de familles à quiest attribué le rôle croissant dans <strong>la</strong> préservation <strong>des</strong>fonctions familiales. Cette marginalisation tend actuellementà diminuer progressivement, l'élément de rééquilibrageétant constitué par les divers mouvements re<strong>la</strong>tifsà <strong>la</strong> condition féminine et les modifications symboliquesqu'ils ont entraînées.A <strong>la</strong> période actuelle, <strong>la</strong> marginalisation en cours nesemble plus s'effectuer en fonction <strong>des</strong> rôles sociaux(mère, enfant, . . .), mais, au contraire, se cristal lisesur l'émergence d'une popu<strong>la</strong>tio~ sous-qualifiée qui estactuellement l'une, sinon <strong>la</strong> caractéristique dominanteet qui constitue un nouveau déséquilibre qui appellera,nécessairement, un rééquilibrage futur, d'autant que,comme nous 1 'avons vu, cette popu<strong>la</strong>tion intègre, dansun mëme temps, tous les niveaux <strong>d'inadaptation</strong>.La preception de l'inadaptation sociale se focalise sur<strong>la</strong> nature du déséquilibre, et se modifie après ou durant<strong>la</strong> phase de rééquilibrage.Actualiser <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>d'inadaptation</strong> nécessite doncd'être attentif à <strong>la</strong> nature <strong>des</strong> déséquilibres actuels :marginalisation d'une catégorie de popu<strong>la</strong>tion sousprolétaireet immigrée. Mais c'est aussi être attentifà l'évolution du tissu social global et à l'évolutionstructurelle <strong>des</strong> systèmes - institutions <strong>sociales</strong> chargésde plus en plus de détecter, nommer et traiter l'inadaptation.Or, actuellement, nous assistons à <strong>des</strong> transformationsstructurelles importantes.Après un courant de spécialisation <strong>des</strong> institutions quia pu entraîner, du fait <strong>des</strong> mécanismes d'assini<strong>la</strong>tionspécifique, une fixation sur certains domaines particuliers,telle l'éducation, on assiste actuellement sous<strong>la</strong> poussée <strong>des</strong> politiques intégratives, à un courant dedéspécialisation et de "banalisation" de certains équipementsjusqu'alors spécialisés qui tendent à se fondredans Iqquipement global <strong>des</strong> circonscriptions <strong>sociales</strong>.Ces modifications structurelles entraineront fatalementune transformation de <strong>la</strong> <strong>notion</strong> même <strong>d'inadaptation</strong>puisque les institutions, qui étaient et sont encorechargées de <strong>la</strong> détecter et de <strong>la</strong> nommer, sont en mutation.


Il est difficile d'en prm5voir les conséquences. Ce quel'on peut dire, c'est qu- cette mutation va dans lesens d'un système qui dénonce à un système beaucoupplus diffus qui ferait de l'inadaptation une constituantede <strong>la</strong> vie sociale elle-même : une sorte de quartmondepris en charge continument.Faut-il voir là une forme possible de rééquilibrage<strong>des</strong>tiné à pallier les risques sociaux qui pourraiententraîner le phénomène de marginalisation d'une popu<strong>la</strong>tionsous-qualifiée dont mention a été faite. Mais,l'assistance de ce "quart-monde" ne constitue-t-ellepas, en soi, une autre forme de marginalisation quicontribue aussi à un nouveau déséquilibre ?


C O N C L U S I O N


Ce travail, rappelons-le, avait pour objectif d'appréhender,par l'étude <strong>des</strong> signalements faits à l'AutoritéJudiciaire, Itévolution de l'inadaptation sociale, a <strong>la</strong>fois dans son contenu et dans ses mécanismes de reproduction.D'essence évolutive, t'inadaptation est liée à I'ëvolutionsociale d'une manière indissociable.La reproduction de fa société, recherche permanented'équiTibre, a également besoin de ses propres déséquilibrespour évoluer. Au-del& <strong>des</strong> situations familialesspécifiques, chaque fois contingentes, ? a lecture del'inadaptation s'opère à travers <strong>la</strong> nature méme de cesdéséqui 1 ibres qui se matérialisent, préférentiel lement,auprès de popu<strong>la</strong>tions défavorisées, incapables dtintégreret de satisfaire aux exigences de cette évolution.les institutions <strong>sociales</strong>, dont <strong>la</strong> fonction est de pallierles conséquences de ces déséquilibres, devraientdonc être également en perpétuelle évolution pour répondreà lsur missson. Or, les mécanismes d'assimi<strong>la</strong>tionspécifique, très apparents, réduisent l'inadaptation,tant dans sa détection que dans sont traitement, à unefinalité institutionnelle.Ainsi, pour l'institution spëciafisëe, l'inadaptationest aussi finalisée par <strong>la</strong> nécessaire survie du système.Ce phénomène entrafne une pesanteur institutionnelle,l'appréhension de l'inadaptation, donc le produit dusystème, étant l'une <strong>des</strong> composantes de son groupefondement.Si <strong>la</strong> situation <strong>des</strong> familles, jugées socialement inadaptées,nécessite une réponse sociale, encore faudrait-ilque les institutions appelées & apporter cette réponsene fassent pas supporter à ces familles leur nécessitéinstitutionnelle, ce qui supposerait que soit c<strong>la</strong>irementdifférencié le désir de l'institution de ta réalité del'inadaptation,Si, comme ce<strong>la</strong> semble etre te cas, l'inadaptation sociale,élément de ta reproduction sociale, n'acquiert de réalité,en regard de <strong>la</strong> prise en charge, que par le désir et fes


finalités institutionne les, 1 'urgence nous semble être,non pas de supprimer ce facteur institutionneT, mais aucontraire, de l'expliciter, d'en mesurer les conséquences,de le publier, en un mot de le maîtriser.<strong>Les</strong> recherches à mener devraient se réaliser dansl'optique d'une plus grande différenciation et d'unemeilleure explicitation <strong>des</strong> modalités de prise encharge institutionnelle puisqu'aucune ne semble susceptible de couvrir tottil ement un phénomène d'apprêhensionessentiellement subjectif, même si, au départ,les aspects objectifs et matériels (revenus, habitat)peuvent paraStre prépondérants.


B I B L I O G R A P H I E


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