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Par sept équipes de jeunes urbanistes africains À l ... - Les Ateliers

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Le Verger, rue <strong>de</strong> la GareBP 9004795020 Cergy-Pontoise Ce<strong>de</strong>xTél : +33 1 34 41 93 91Fax : +33 1 70 72 34 31www.ateliers.orgcontact@ateliers.org


introductionLa visibilité <strong>de</strong>s activités dites du secteur « informel » estl’une <strong>de</strong>s figures les plus marquantes et les plus récurrentes<strong>de</strong>s villes africaines.Largement présent dès la naissance <strong>de</strong>s politiques publiquesurbaines, à la sortie <strong>de</strong>s indépendances, ce secteur « informel» <strong>de</strong>meure toujours d’une forte actualité en ce débutdu XXIe siècle, au moment même où s’opère le basculementd’une Afrique <strong>de</strong>s campagnes vers une Afrique <strong>de</strong>s Villes.L’expertise économique converge sur le constat etl’explication. Le secteur informel représente en moyenneentre ⅔ et ¾ <strong>de</strong> l’emploi dans les villes. Cette importancerésulte pour l’essentiel d’une croissance urbaine plus rapi<strong>de</strong>que la croissance économique et l’offre d’emplois, et d’unelacune assez générale <strong>de</strong>s systèmes nationaux <strong>de</strong> redistribution<strong>de</strong>s richesses créées.Mais cette expertise diverge toujours sur les politiquesà conduire à son égard. Deux grands types d’approchess’affrontent. Celles qui considèrent que la priorité est <strong>de</strong>normaliser ces activités irrégulières qui échappent au contrôleet aux taxes fiscales, et ainsi déstabilisent l’économie« officielle ». Et celles qui, à l’inverse, considèrent l’existence<strong>de</strong> ce secteur informel comme une source d’initiativeset <strong>de</strong> créativité, ainsi qu’un mo<strong>de</strong> d’accès privilégié aumarché du travail et un moyen pour les populations <strong>de</strong>s’insérer dans la ville, toutes raisons justifiant <strong>de</strong>s dispositifsd’accompagnement et <strong>de</strong> promotion.<strong>Les</strong> approches du développement urbain et <strong>de</strong> la maîtrise<strong>de</strong> la croissance <strong>de</strong>s villes africaines, s’étendant <strong>de</strong> plus enplus avec l’urbanisation massive du continent, abor<strong>de</strong>nt laquestion <strong>de</strong>s activités informelles selon un angle différent :elles les appréhen<strong>de</strong>nt comme l’une <strong>de</strong>s composantes, parmid’autres, du fonctionnement <strong>de</strong>s villes en tant que systèmescomplexes agrégeant les dimensions <strong>de</strong> l’économique, dusocial et <strong>de</strong> l’environnement.L’objectif <strong>de</strong>vient alors, sans postulat idéologique particulier,<strong>de</strong> favoriser l’élaboration <strong>de</strong> stratégies urbaines intégrées apportant<strong>de</strong>s réponses équilibrées et cohérentes aux différentsenjeux d’organisation fonctionnelle <strong>de</strong> la ville (par exempleles réseaux d’énergie ou d’assainissement, les infrastructures<strong>de</strong> déplacement, le financement <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> base…), <strong>de</strong>maîtrise <strong>de</strong> l’étalement urbain et <strong>de</strong> la dégradation <strong>de</strong>s environnementsnaturels, et enfin d’inclusion sociale et économique<strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> la ville.L’approche urbaine amène donc, en quelque sorte, à fairesortir « l’informalité » d’un cadre <strong>de</strong> réflexion strictementéconomique et <strong>de</strong> la considérer comme un « fait » constitutif<strong>de</strong>s villes africaines. Certains <strong>urbanistes</strong> posent mêmel’informalité comme la marque <strong>de</strong> fabrique, la singularité etla spécificité historique <strong>de</strong> la ville africaine contemporaine…et donc comme la caractéristique principale à partir <strong>de</strong>laquelle il faut penser les politiques d’aménagement urbain.Voilà près <strong>de</strong> dix ans que les <strong>Ateliers</strong> internationaux <strong>de</strong>maîtrise d’œuvre urbaine interviennent en Afrique, <strong>de</strong>puisles premières sessions tenues en 2005 à Casablanca et à PortoNovo.A chaque atelier, à chaque série <strong>de</strong> rencontres avec les acteurset les déci<strong>de</strong>urs locaux, nous mesurons la difficulté quiest la leur <strong>de</strong> faire face aux urgences d’une croissance urbaineaccélérée et mal maîtrisée, et nous nous efforçons <strong>de</strong> les ai<strong>de</strong>rà bâtir <strong>de</strong>s stratégies urbaines sur le moyen^=long terme,utiles pour éclairer les choix quotidiens autrement que sousle seul critère <strong>de</strong> l’urgence sociale.Systématiquement, la réalité <strong>de</strong> l’informel est au cœur <strong>de</strong>sréflexions et <strong>de</strong>s propositions <strong>de</strong>s équipes <strong>de</strong> professionnels<strong>de</strong> l’urbanisme que nous mobilisons, sans qu’il soit jamaispossible <strong>de</strong> prendre une position ferme et définitive sur laplace que doivent prendre et occuper ces activités dans laconception <strong>de</strong>s politiques urbaines.Cela ne peut pas être simplement noir ou blanc. Car si lesvilles ont besoin, pour fonctionner, d’un minimum d’autoritéet <strong>de</strong> règles du jeu afin qu’elles <strong>de</strong>meurent <strong>de</strong>s espaces collectifset partagés, <strong>de</strong>s lieux démocratiques, elles doivent aussiêtre <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> liberté et d’initiatives possibles pour leurshabitants, à titre individuel ou sous la forme <strong>de</strong> groupes, ycompris pour ceux qui sont d’abord dans la survie quotidienne,condition qui rend peu aisée leur inscription dans <strong>de</strong>sdispositifs collectifs.


Or, <strong>de</strong> manière presque aussi systématique, nous observonsque le regard et l’analyse que portent les déci<strong>de</strong>urs nationaux,régionaux ou locaux sur ces activités informelles restentlargement ancrés dans cette dialectique opposant « défenseurs» et « pourfen<strong>de</strong>urs » <strong>de</strong> l’informel, alors que manifestementces approches trop tranchées ne sont qu’un faible gui<strong>de</strong>pour une action publique qui est alors, dans la plupart <strong>de</strong>scas, assez inefficace (vis à vis <strong>de</strong> ces activités).Il y a donc, à l’évi<strong>de</strong>nce, pour construire <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d’actionsplus efficaces, besoin <strong>de</strong> dépasser les schémas <strong>de</strong> penséeétablis.Lors <strong>de</strong> nos sessions, notre posture d’action auprès <strong>de</strong>smaîtres d’ouvrage et <strong>de</strong>s déci<strong>de</strong>urs locaux n’est ni <strong>de</strong> leurservir du « prêt à penser urbain » ou <strong>de</strong>s solutions « prêtes àl’emploi » ni, à l’inverse, <strong>de</strong> prendre leur ville comme terraind’exercice en vue d’élaborer une nouvelle théorie <strong>de</strong>l’urbanisme appliqué au cas <strong>de</strong> l’Afrique.Avant <strong>de</strong> proposer, nous observons, nous cherchons àcomprendre, nous écoutons plusieurs points <strong>de</strong> vue sur unemême problématique ou situation constatée.Confrontés à cette difficulté récurrente d’appréhen<strong>de</strong>r laplace que doivent ou <strong>de</strong>vraient occuper les activités informellesdans la conception <strong>de</strong>s politiques urbaines <strong>de</strong>svilles, nous avons la conviction qu’il <strong>de</strong>vient utile et nécessaire<strong>de</strong> renouveler collectivement notre regard et notremo<strong>de</strong> <strong>de</strong> lecture sur ce qu’est l’informel dans les villes africainesen ce début du XXIe siècle.Il <strong>de</strong>vient utile et nécessaire <strong>de</strong> repartir à la source <strong>de</strong> ceque sont concrètement ces activités dans les villes africainesaujourd’hui, <strong>de</strong> ré- interroger les manières dont elless’inscrivent dans les usages réels <strong>de</strong>s habitants.De reprendre le tableau à son commencement : décrire,décomposer, décortiquer, déco<strong>de</strong>r <strong>de</strong> manière pragmatiqueet empirique le quotidien <strong>de</strong>s citadins <strong>africains</strong>, sans forcémentchercher à construire une cohérence <strong>de</strong> propos, et sansforcément chercher à les qualifier en positif ou en négatif.De partir du vécu <strong>de</strong>s nouvelles générations, celle <strong>de</strong>s étudiantset <strong>de</strong>s <strong>jeunes</strong> professionnels <strong>africains</strong> qui sont nés etvivent dans cette Afrique urbaine, sans forcément leur donnerun cadre d’analyse pré-formaté par <strong>de</strong>s spécialistes ou<strong>de</strong>s experts formés à telle ou telle école <strong>de</strong> pensée.Ce premier recueil est donc à appréhen<strong>de</strong>r pour ce qu’il est,mo<strong>de</strong>stement : une compilation <strong>de</strong> fiches <strong>de</strong>scriptives etexplicatives, inégales et parfois imparfaites, qui dressent unesérie d’instantanés et <strong>de</strong> photographies <strong>de</strong> différentes activitésdites « informelles » dans huit gran<strong>de</strong>s villes du continentafricain.Nous ne fournissons pas au lecteur <strong>de</strong> grille <strong>de</strong> lecture, au<strong>de</strong>là d’un simple regroupement <strong>de</strong>s fiches par grands thèmes,ni d’analyse et <strong>de</strong> synthèse. À chacun d’y retrouver <strong>de</strong>s différencesou <strong>de</strong>s ressemblances avec la cité qu’il habite ou surlaquelle il travaille. À chacun <strong>de</strong> s’interroger sur le bien fondé<strong>de</strong> répertorier dans ce recueil telle ou telle activité, tant lesfrontières semblent parfois difficiles à établir entre activités« régulières » et « informelles ».A chacun enfin <strong>de</strong> tirer les enseignements sur les décalagesexistants entre les clichés, les représentations pré-formatées,et les réalités décrites par ces étudiants et <strong>jeunes</strong> professionnels<strong>africains</strong>.


6Tunis / TunisieDakar / SénégalOuagadougou /Burkina FasoAccra / GhanaLomé / TogoNairobi / KenyaAntananarivo /MadagascarCape Town /Afrique du Sud


7sommaire13 Comment définir la ville informelle ?25 <strong>Les</strong> métiers <strong>de</strong> l’informel41 Se déplacer dans la ville informelle59 Environnement et services urbains73 Conditions <strong>de</strong> vie et temporalité85 L’informel dans l’espace101 Régulariser ou réguler l’informel ?115 Quand l’innovation permet <strong>de</strong> dépasserla dialectique formel-informel


8présentation<strong>de</strong>s équipesNairobiL’équipe comprend trois <strong>jeunes</strong> professionnels issus <strong>de</strong>formations pluridisciplinaires. Il s’agit <strong>de</strong> :Liza CiroliaUrbaniste et analyste politique. Elle travaille actuellementcomme coordinatrice du CityLab pour le LogementHumain Durable au Centre Africain pour la Villeà l’Université du Cap où elle gère la méthodologie <strong>de</strong> rechercheet le dialogue pluridisciplinaire pour générer <strong>de</strong>smodèles alternatifs <strong>de</strong> théorie et pratique du logementdans le Grand Sud. Pour Liza, il est important <strong>de</strong> prendredu recul sur la crise du logement, et que l’Etat s’impliqueplus largement dans la gestion <strong>de</strong>s espaces partagés enville et encourage les constructions progressives légales.En sus du logement durable, Liza s’intéresse aux <strong>de</strong>fisd’infrastructure, à l’économie spatiale du marché foncier,et à la notion <strong>de</strong> citoyenneté urbaine. Elle a mené <strong>de</strong>srecherches dans différents pays, dont l’Ine, le Brésil, leSri Lanka, le Kenya, les Etats Unis et l’Afrique du Sud.Contact : lizacirolia@gmail.comBaraka MwauUrbaniste et mène un Doctorat à l’Université du Cap. Il aune longue expérience professionnelle dans l’amélioration<strong>de</strong>s bidonvilles et dans l’économie urbaine informelle,qui sont au cœur <strong>de</strong> ses recherches. Son mémoire portaitsur les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> rue à Nairobi, où il vivait <strong>de</strong>puis plus<strong>de</strong> 1à ans. Baraka est un membre dynamique, motivé etpersistant qui sait travailler en environnement complexe.Pendant <strong>de</strong>ux ans, il a travaillé à temps plein avec SlumDwellers International (SDI) en tant que liaison pour leKenya. Ce travail l’amenait à travailler au quotidien sur<strong>de</strong>s projets socio-économiques et <strong>de</strong> logement. Il travailleaujourd’hui à temps partiel pour CORC-SA SDI Affiliateau Cap. Contact : barakamwau@gmail.comDennis MwanikiUrbaniste et environnementaliste avec un diplôme enaménagement urbain et une spécialisation doctorantedans la planification et la gestion environnementale. Il estfamilier <strong>de</strong>s données empiriques, ayant travaillé sur <strong>de</strong>sprojets qui touchent au secteur informel <strong>de</strong> Nairobi ces3 ou 4 <strong>de</strong>rnières années. Dennis est doué en aménagementet développement environnemental, en rechercheurbaine et dans l’utilisation <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> géo-informationpour la planification et la croissance urbaine. Il travailleactuellement comme chercheur pour le Programme<strong>de</strong> l’ONU pour le l’Habitat Humain, et a auparavant mené<strong>de</strong>s recherches sur l’informalité urbaine, les revenus etl’économie informelle dans différents secteurs <strong>de</strong> Nairobi.Il s’intéresse à la recherché en urbanisme, à la gestion <strong>de</strong>l’environnement urbain, aux nouvelles technologies, auxmodèles d’amélioration <strong>de</strong>s bidonvilles et à la cartographiepar géo-information. Contact : <strong>de</strong>nmwa02@gmail.com


Accra<strong>Les</strong> trois membres <strong>de</strong> l’Equipe d'Accra sont <strong>de</strong>s diplômésGhanéens qui, ayant travaillé ensemble sur divers projets,ont formé <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> respect et d’amitié <strong>de</strong>squels est néel’Alliance Research Team.Shirley Ann Osei-OwusuJe suis une jeune travailleuse passionnée par l’art et lacréation. J’ai la passion du voyage et <strong>de</strong> l’exploration.Dans mon temps libre, je parcours mon pays pour comprendreles différents aspects <strong>de</strong> la vie Ghanéenne.Je suis persuadée qu’on ne peut apprendre que si l’onprend d’abord le temps <strong>de</strong> se connaître : ma <strong>de</strong>vise est« sois toi-même ». Mes expériences m’ont permis <strong>de</strong>développer <strong>de</strong>s compétences <strong>de</strong> lea<strong>de</strong>rship, d’organisationet <strong>de</strong> communication. Je possè<strong>de</strong> une excellente formation<strong>de</strong> recherche et fonctionne <strong>de</strong> manière multitâches.Kelvin Andy NkansahJ’aime la connaissance et – oui, c’est un cliché – connaissanceégale puissance. La bonne information, <strong>de</strong> labonne source, utilisée au bon moment, peut résoudre <strong>de</strong>nombreux problèmes.J’ai participé à <strong>de</strong>s missions <strong>de</strong> recherches académiquesau cours <strong>de</strong> ma scolarité, mais cette nouvelle opportunitéest passionnante, d’utiliser mes compétences acquisespour construire <strong>de</strong>s articles et fiches techniques créativeset intéressantes à partager avec les acteurs impliqués dansle secteur économique et social. Je suis passionné par latechnologie, le développement <strong>de</strong> soi, et suis persuadéqu’il y a toujours à apprendre.Marcus AnumJe possè<strong>de</strong> une capacité à rester concentré pour nepas perdre <strong>de</strong> vue mes buts, qui me caractérise en tantqu’équipier et en tant qu’individu. Je sais prendre <strong>de</strong>srisques calculés, et dégager <strong>de</strong>s opportunités <strong>de</strong> toutproblème. Je fais preuves <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s capacités managériales,dont celle d’établir <strong>de</strong>s priorités pour donner àchaque tâche toute l’attention requise.Je puise en moi ma motivation, et assure autant engroupe qu’en solo en situation <strong>de</strong> stress. Je crois en unecompétition équitable dans tout pays entre les secteursformels et informels, qui dépen<strong>de</strong>nt tant l’un <strong>de</strong> l’autre.DakarAlassane NdiayeJe suis un jeune sénégalais passionné <strong>de</strong>s questions urbaines,environnementales et du développement en général.Apres avoir obtenus un DTS en Gestion <strong>de</strong>s CollectivitésLocales et <strong>de</strong> l’Environnement à l’Ecole Nationaled’Economie Appliquée, j’ai poursuivi mes étu<strong>de</strong>s dans lamême école pour enfin obtenir un diplôme d’ingénieur engestion du développement urbain dans le DépartementAménagement du Territoire Environnement et GestionUrbaine. Ainsi <strong>de</strong>puis ma sortie je travaille au sein <strong>de</strong>l’ONG Enda Pronat dans la région <strong>de</strong> Fatick, particulièrementdans la zone Diouroup où nous intervenons enencadrement <strong>de</strong>s populations rurales sur les techniquesd’agriculture biologique.Jules Bernard CaboApres avoir obtenu mon Diplôme Universitaire d’Etu<strong>de</strong>sLittéraires, option Géographie, j’ai continué <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>sen urbanisme à l’école Nationale d’Economie Appliquéeoù je me suis spécialisé en gestion du développementurbain avec un diplôme d’ingénieur à la clé. <strong>Par</strong>ticulièrementintéressé par les relations entre la société civile etle développement socio économique <strong>de</strong>s villes du Sud, jetravaille actuellement avec les communautés dans plusieursquartiers <strong>de</strong> Dakar, dans le cadre d’un stage au sein<strong>de</strong> l’ONG Enda Graf Sahel. Je suis aussi engagé dans <strong>de</strong>srecherches sur les questions <strong>de</strong> sécurité urbaine sécurité,violences, en plus d’un travail d’accompagnement <strong>de</strong>s récupérateurs<strong>de</strong> la décharge publique <strong>de</strong> Mbeubeuss dansl’optique <strong>de</strong> leur formalisation. Membre <strong>de</strong> l’organisationDIADEM (Diaspora Développement Education Migration)et du CLVF (Comité <strong>de</strong> Lutte contre les Violencesfaites au Femme), je suis un passionné <strong>de</strong> développement.Abdourahmane Idaly KamaraDiplôme Universitaire d’Etu<strong>de</strong>s Littéraires en Géographieen poche, j’ai poursuivi mes étu<strong>de</strong>s pour obtenirun diplôme d’Ingénieur en Gestion du DéveloppementUrbain à l’Ecole Nationale d’Economie Appliquée. Passionné<strong>de</strong> développement, je m’intéresse particulièrementà l’inclusion <strong>de</strong>s personnes handicapées et a toutce que qui tourne autour <strong>de</strong> l’Urbain. En stage au sein <strong>de</strong>l’ONG Enda Graf Sahel, j’y travaille dans le groupe chargé<strong>de</strong>s recherches sur les questions portant sur la sécuritéurbaine et les violences ainsi que sur la formalisation<strong>de</strong>s récupérateurs <strong>de</strong> la décharge publique <strong>de</strong> Mbeubeuss.Egalement actif au sein <strong>de</strong> l’organisation DIADEM(Diaspora Développement Education Migration) et duCLVF (Comité <strong>de</strong> Lutte contre les Violences faites auFemme), je suis <strong>de</strong> ceux qui croient fortement que l’avenir<strong>de</strong> l’Afrique rési<strong>de</strong> dans une maitrise du développementurbain.9


10Le CapClaire Abrahamse, Ashleigh Bran<strong>de</strong>r et John Edwards sesont rencontrés en tant qu’étudiants l’Université du Cap,en d’Ingénierie pour l’environnement Bâti, au départementd’Architecture, <strong>de</strong> Prévision et <strong>de</strong> Géomatique.Chacun, cependant, possè<strong>de</strong> un diplôme d’une annéeet d’une spécialité différente, et apportent <strong>de</strong> ce fait augroupe <strong>de</strong>s visions et capacités spécifiques.Claire Abrahamse BAS (UCT), BArch (UCT),SMArchS (MIT), SACAP, SAIA, CIFA, UDISAJe travaille <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans sur la recherche à l’échelleet le <strong>de</strong>sign à l’échelle <strong>de</strong> la ville, en particulier dans <strong>de</strong>senvironnements marqués par l’histoire. Je participairécemment à un programme d’échange sur l’informalitéau Cap et à Zürich. Cette expérience – utiliser ma vision<strong>de</strong> l’informalité au Cap pour orienter la recherche surun phénomène similaire dans la ville très ordonnée <strong>de</strong>Zürich – a permis <strong>de</strong> clarifier ma vision et mon intérêtpour ce phénomène. Ceci a également souligné le potentielqu’à l’informalité <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s villes meilleures à l’aube<strong>de</strong> l’ « ère urbain ». J’ai cette conviction, que les enjeuxurbains d’aujourd’hui ne peuvent s’envisager qu’à travers<strong>de</strong>s solutions très larges, très créatives, à travers une visionglobale <strong>de</strong> la Ville, qui favorise la fertilisation croisée<strong>de</strong>s idées et leur application locale.Ashleigh Bran<strong>de</strong>r BAS (UCT), MCPUD (UCT), UDISAJe suis passionnée <strong>de</strong> villes et <strong>de</strong> <strong>de</strong>sign urbain, enparticulier les dynamiques complexes <strong>de</strong>s métropolesen pays émergents. Leur potentiel et l’intensité <strong>de</strong> leurénergie innovante se sont révélés à moi lors <strong>de</strong> récentstravaux <strong>de</strong> recherche à Ahmenabad (In<strong>de</strong>) et Guangzhou(Chine). Ces expériences portent à faux <strong>de</strong> ce que je connaissaissur les villes Occi<strong>de</strong>ntales <strong>de</strong>puis ma participationaux <strong>Ateliers</strong> d’Urbanisme à Cergy Pontoise. Je suisconvaincue que les individus sont formés par le lieu etl’environnement dans lequel ils vivent, et qu’une ville, <strong>de</strong>fait, <strong>de</strong>vrait être pensée spatialement pour offrir les meilleursconditions <strong>de</strong> vie.John Edwards BAS (UCT), BAS Hon (UCT),M.ArchProf (UCT)Je suis passionné d’aventure et d’expériences extrêmes.A la fin <strong>de</strong> mes étu<strong>de</strong>s, j’ai traversé l’Afrique en transportpublic, passant par la Namibie, la Zambie, le Botswana,la Tanzanie, le Kenya, le Mozambique, le <strong>Les</strong>otho, leSwaziland, l Zimbabwe et l’Afrique du Sud. J’ai développéce goût <strong>de</strong> l’extrême dans l’environnement bâti,notamment pour l’architecture en conditions extrêmes.Mon mémoire portait sur le bâti temporaire en terrainbas inondable, et les différentes stratégies <strong>de</strong> mitigationadoptées pour pallier aux graves problèmes quotidiens <strong>de</strong>ces communautés.Ouagadougou-TunisLéandre GUIGMAArchitecte – urbaniste, diplômé <strong>de</strong> l’Ecole Africaine<strong>de</strong>s Métiers <strong>de</strong> l’Architecture et <strong>de</strong> l’Urbanisme (EA-MAU) sise à Lomé au Togo et doctorant à l’Université<strong>de</strong> <strong>Par</strong>is 8 Vincennes-Saint-Denis. Il est le gérant <strong>de</strong>l’agence Perspective, un bureau d’étu<strong>de</strong>s d’architecture etd’urbanisme à Ouagadougou. Il s’intéresse à la problématiquedu logement en ville, notamment l’habitat informelet l’habitat traditionnel, à la fois en tant que professionnelet chercheur. Sous la direction <strong>de</strong> Agnès Deboulet et<strong>de</strong> Liliane Pierre-Louis, sa thèse porte sur « les aménagementsurbains et l’autopromotion <strong>de</strong>s logements àOuagadougou : chantages et marchandages fonciers <strong>de</strong>sautorités publiques et <strong>de</strong>s populations locales, <strong>de</strong> 1995 ànos jours ».Manel Ben HassounaArchitecte HMONP diplômée <strong>de</strong> l’Ecole d’architecture<strong>Par</strong>is La Villette. Elle a effectué une gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>ces étu<strong>de</strong>s à l’ENAU, Ecole Nationale d’Architecture etd’Urbanisme <strong>de</strong> Tunis. Elle est désormais étudiante enMaster 2 <strong>de</strong> sociologie à l’Université <strong>de</strong> <strong>Par</strong>is 8 Vincennes-Saint-Denis.Elle s’intéresse particulièrement auxphénomènes urbains et sociaux <strong>de</strong>s expansions urbainesdans les villes en en voie <strong>de</strong> développement. Sous la direction<strong>de</strong> Agnès Deboulet son Mémoire <strong>de</strong> Master 2 ensociologie « Quartiers populaires/ quartiers impopulaires.Métamorphose <strong>de</strong>s pratiques sociales dans les quartierspopulaires du Grand Tunis » est une observation <strong>de</strong>squartiers informels du grand Tunis en pério<strong>de</strong> post révolutionnaires.


Commentdéfinir la villeinformelle ?13


14OUAGADOUGOULES MULTIPLES DÉNOMINATIONSDE LA VILLE INFORMELLE À OUAGADOUGOUSelon la morphologie du quartier :« Le non loti, c’est le désordre ! »Le non loti : c’est le fait d’être installé au hasard ! C’est ledésordre ! On ne voit pas au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 10mLe non loti c'est qui n'est pas encore loti. C'est labrousse ! Ici c'est le désordre, c'est comme le village !Il n(y a pas d'alignement <strong>de</strong> constructions, pasd'orientation, c'est le désordre, on se perd facilement !En référence à l’accès aux services urbains : Lerési<strong>de</strong>nt du non loti dit « je vais à Ouaga », poursignifier « je vais dans un quartier loti », d’où unsentiment d’exclusion <strong>de</strong> la ville.Ouaga, c’est la lumière, c’est ordonné, c’est loti !Je vais entrer en ville... Je vais à OuagaLa pauvreté et la forte <strong>de</strong>nsité sont mises enexergue dans les quartiers non lotis.Ici c’est Hong Kong. Oui, on est serré ici… comme àHong Kong !Ici c’est le Vietnam ! Il faut être guerrier pour vivre ici !Est-ce que toi, tu peux vivre ici ?Entre le loti et le non loti : le « borné » (sansattribution <strong>de</strong> parcelles).Ici, c’est borné! Voici les bornes. Mais on ne nous a riendit... On attend!Un mot, <strong>de</strong>ux sens : « Bidon-ville » ou « Projetbidonville » (entre le loti et le non loti)Bidonville veut dire vivre dans <strong>de</strong>s bidons, dans <strong>de</strong>szones terribles, ce sont <strong>de</strong>s quartiers pauvres, où règnele désordre, les Crimes, les vols…Ceinture verteBidonville, ce n’est pas le lotissement, c’est l’eaucourante, le courant, les voies…Bidonville est mieux que non loti, c’est à défaut dulotissement qu’on espérait. Le projet bidonville est unprojet qui va ouvrir <strong>de</strong>s voies dans notre quartier. Ilssont venus plusieurs fois, mais on les attend toujours.En attendant le lotissement, ils vont transformer notrenon loti en bidonville. Le bidonville est mieux que lenon loti.Ici… c’est bien la ceinture verte ?Je ne sais pas !Non, ce n’est pas la ceinture verte,c’est la Ceinture Blanche !Tu es fou !? Personne ne parle <strong>de</strong> ceinture verte ici !D’ailleurs j’ai appris qu’elle a été supprimée !!!


TUNISLE QUARTIER POPULAIRE À TUNIS : LA DISPARITÉ DE L’URBANITÉNotre tentative <strong>de</strong> compréhension <strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong> l’informel passe par l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mots <strong>de</strong>s acteurs<strong>de</strong>s quartiers populaires. Cet approche a pour objectif, <strong>de</strong> retracer et <strong>de</strong> décomposer les diverses imageset perceptions qui définissent une part <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong>s quartiers populaires dans la société tunisienne.15<strong>Les</strong> quartiers populaires <strong>de</strong> la Médina <strong>de</strong> Tunis« El hayy el chaabi ! Quand j’ai vécu à Bâb swika et elhalfaouin … on appelait ça aussi quartier populaire ! Tucomprends ? Bardo à côté c’était le prestige ! Mais c’est sûrque le quartier populaire d’hier n’a pas le même sens quele quartier populaire d’aujourd’hui…Maintenant le sens« el chaabi » a changé pour évoquer l’anarchie, le délaissé,« Mzamer » le pauvre et sans valeur, el « Zaweli », non…avant c’était autre chose… » (Saida Sara 2012).De quartier populaire à quartier impopulaire…« Le quartier populaire n’est plus populaire (silence) il est<strong>de</strong>venu un quartier misérable et puis c’est tout, quand turegar<strong>de</strong>s el Sijoumi tu trouves juste dans leurs rues unedéchèterie à ciel ouvert, avec tous les moustiques et lesmaladies que cela engendre. » (Saida Sara 2012).« Comment on définit les quartiers populaires ? Hé bience sont <strong>de</strong>s ensembles urbains, non équipés ou souséquipés avec <strong>de</strong>s terrains non aménagés. Une <strong>de</strong>s caractéristiquesphare est aussi la construction dans le tempsdu quartier ; elle représente en effet, une pério<strong>de</strong> plus oumoins longue. Alors qu’est ce qu’on a dit déjà, illégalité,sous équipement et pour finir ces quartiers sont un chantierpermanant où vit une population à la condition trèsmo<strong>de</strong>ste. » (M.Mansouri, 2012)« <strong>Les</strong> gens dans ces quartiers sont connus pour êtrepauvres, très pauvres même. Ils n’ont pas les moyens<strong>de</strong> construire un logement en entier, ils font donc parphases. Au niveau du quartier, la pauvreté est dans lesous équipement et l’aspect délabré <strong>de</strong> ses rues et <strong>de</strong> sesconstructions ». (M.Ab<strong>de</strong>lmagid 2012)<strong>Les</strong> maux <strong>de</strong>s quartiers populaires….« Nous portons le nom <strong>de</strong> ces lieux où l’on vit » (SaidaAicha 2012).« Hayy Ettadhamen est connu par son mauvais nom,mauvais statut… qu’est ce que je pourrais te dire <strong>de</strong> plus,pour te résumer si tu viens d’ici, personne ne te fera confiance,ni te traitera comme son égal » (Saida Aicha 2012).« Notre quotidien est fait <strong>de</strong> misère et <strong>de</strong> rejet, commentbien vivre dans ces circonstances ? Dis moi…comment ?Comment bien grandir ? Après on s’étonne que nos enfantssoient délinquants. Essayer <strong>de</strong> vivre dans la dépressionet la frustration, tous les jours ! C’est ce qui poussenos enfants au vol, pour avoir ce qu’ils ne pourront jamaisavoir, même avec leurs diplômes. » (Aicha, 2012)Un Etat absent« L’Etat nous a fermé la porte <strong>de</strong>puis longtemps déjà, onaimerait tellement que quelqu’un nous écoute un peu,qu’une personne prenne au sérieux nos <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s. Nousvoulons <strong>de</strong>s choses aussi simples que <strong>de</strong> la lumière dansles rues pour que nos enfants puissent jouer sous unelumière bien vaillante, rien d’incroyable comme tu vois ! »(Saida Aicha 2012)« Si la Municipalité faisait son boulot, on n’aurait pas cesdéchets partout ; si l’Etat contrôlait les prix, on pourraitmanger à notre faim ; si l’Etat n’avait pas relâché <strong>de</strong>dangereux prisonniers, on aurait la paix ; si l’Etat n’avaitpas abandonné nos mosquées, les salafistes ne nousinterdiraient pas d’aller prier dans nos mosquées ; si…. »(recueillis par Sami Bouzidi 2012).La révolution…« Mes meilleurs jours dans ce quartier, à l’heure <strong>de</strong> larévolution, j’ai su pour <strong>de</strong> vrai, que les gens s’aimaient lesuns les autres et avaient peur les uns pour les autres ! Tucomprends ? On s’est levé tous d’un coup, tous ensembles,à ce moment là il n’y avait ni militaire ni police, c’était lafuite <strong>de</strong>s autorités, <strong>de</strong> la sécurité, tu comprends ? On aorganisé un endroit sympa et on s’est rassemblé tous ensembleet on a fait un feu, par ce qu’il faisait très froid, eton surveillait nos quartiers ; chacun sa rue et les femmessur le toit. Il s’est passé la même chose partout, c’est cequi m’a beaucoup plu dans la révolution, partout …partoutpareil, c’est ce que j’ai le plus aimé. » (Saber 2012)Et après ?« Non rien, rien du tout. Rien n’a changé, au contraire…la situation avant était considérée comme étant mieux…Il y avait plus <strong>de</strong> sécurité par exemple. Prenons les chosesles plus simples ; parlant <strong>de</strong>s partis politiques, ils ne choisissentque Hayy Ettadhamen pour faire leurs interventionsmême avant les élections…c’est vrai…ils viennentet ils disent « on va faire ceci, on va faire cela … » mais ilsn’ont rien fait, ça fait plus d’une année ! ! » (Saber 2012)« Au moins avant il y a avait <strong>de</strong>s policiers, aujourd’hui, siquelqu’un t’agresse, ou si tu as un conflit avec le voisin etbien va te plaindre ! …mais à qui ? ? <strong>Les</strong> flics ils ne viendrontjamais et ne perdront pas <strong>de</strong> temps avec toi et teshistoires, ça te concerne… » (Saida Aicha 2012)


AntananarivoLA FORMATION DE QUARTIERS IRRÉGULIERS À ANTANANARIVOInégalités d'accès au sol et filières informelles <strong>de</strong> production foncière et immobilière17Photo : Remblaisnon viables, maisonsélémentairesA Antananarivo, les flancs <strong>de</strong>s collines, autrefois <strong>de</strong>stinésà l’installation <strong>de</strong>s lignages prestigieux, sont occupéspar une population majoritairement aisée. Ils s’opposentaux plaines, jadis <strong>de</strong>stinées spécialement aux rizières,où l’habitat précaire est gagné sur le remblaiement <strong>de</strong>splaines rizicoles en zone inondable.Le quartier irrégulier 1 : inégalité d’accès au sol etl’illisibilité <strong>de</strong>s normes d’urbanismeLe Co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’urbanisme malgache exige une surfaceminimale <strong>de</strong> 200 m² pour pouvoir prétendre à un permis<strong>de</strong> construire. Or, la surface <strong>de</strong> la majorité <strong>de</strong>s parcellesdétenues par les propriétaires est inférieure à 200 m² etl’absence <strong>de</strong> titre foncier à jour exclut systématiquementl’obtention <strong>de</strong> permis <strong>de</strong> construire.De nombreuses familles n’ont pas suffisamment <strong>de</strong> ressourcesfinancières pour aller jusqu’au bout <strong>de</strong>s démarchesd’obtention <strong>de</strong> titre foncier ou sont découragéespar leur complexité et se contentent souvent d’un titreintermédiaire ou d’un petit papier. Elles se satisfont <strong>de</strong>l’autorisation verbale du Prési<strong>de</strong>nt du Fokontany 2 , qui n’apas <strong>de</strong> compétence dans la délivrance <strong>de</strong> permis <strong>de</strong> construire,pour commencer les travaux <strong>de</strong> construction.Cette catégorie d’habitants se retrouve ainsi dans unesituation d’illégalité : non-conformité aux normes <strong>de</strong>l’urbanisme et statut foncier lié aux titres intermédiairesirrégulier. Toutefois, elle ne semble pas être directementmenacée par une procédure d’éviction du fait <strong>de</strong>l’existence <strong>de</strong>s « papiers intermédiaires ». Elle n’est paspour autant à l’abri <strong>de</strong> l’insécurité foncière notammentdans le cadre d’une mesure d’expropriation pour caused’utilité publique.<strong>Les</strong> propriétaires ne sont pas, par ailleurs, à armes égalesface à la pression <strong>de</strong>s investisseurs privés (promoteursimmobilier, rentier, etc.), notamment sur les terrains àfort potentiel <strong>de</strong> valeur ajoutée (accessibles, biens situés,1 – Le terme renvoi à la non-conformité aux normes (modalités <strong>de</strong>construction et règles d’urbanisme) et à l’illégalité du statut foncier. (Voir :A.DURAND LASSERVE. La ville inclusive et le logement informel. Villesen développement, n°90, Mars 2012)2 – Une structure infra-communale, équivalent d'un canton. Son statutchange suivant le régime. Elle correspond actuellement à une circonscriptionadministrative <strong>de</strong> base <strong>de</strong> l’Etat (services déconcentrés).etc.). Certains propriétaires vulnérables qui ne résistentpas à l’offre alléchante <strong>de</strong>s investisseurs privés ven<strong>de</strong>ntleurs terrains et se retrouvent privés <strong>de</strong>s seuls biensqu’ils possè<strong>de</strong>nt. En effet, l’occupation illicite <strong>de</strong>s terrainsdomaniaux constitue souvent le seul moyen pour resterdans la ville.<strong>Les</strong> filières informelles <strong>de</strong> production foncière etimmobilière<strong>Les</strong> occupants illicites suivent un processus spécifique :occupation du terrain, construction du logement, puiséventuellement aménagement et équipement. Le mo<strong>de</strong><strong>de</strong> production est « l'auto-construction assistée ». Le typed’habitat construit est la maison élémentaire, c’est-à-direune pièce sans dépendance, sans commodité, ni eau, niélectricité en général dont la gran<strong>de</strong> pièce fait office à lafois <strong>de</strong> séjour et <strong>de</strong> cuisine. Dans le meilleur <strong>de</strong>s cas, lacuisine est séparée, le WC est à l’extérieur.<strong>Par</strong> ailleurs, la majorité <strong>de</strong>s habitants d’Antananarivoconfie la construction <strong>de</strong> leur maisons aux artisansconstructeurs dont les modalités <strong>de</strong> construction nesuivent pas les règles <strong>de</strong> construction et d’urbanisme. <strong>Les</strong>artisans-constructeurs bâtissent en respectant les règlestraditionnelles : consultation <strong>de</strong> Mpanandro (<strong>de</strong>vin)pour connaitre les différents interdits ou Fady (jour <strong>de</strong>lancement <strong>de</strong> travaux, implantation favorable <strong>de</strong> la futureconstruction) et l’orientation <strong>de</strong> la maison. En général,cette orientation respecte les points cardinaux, valorisationdu nord et <strong>de</strong> l’ouest, c’est à dire ouverture à l’ouestet une orientation <strong>de</strong> la maison vers le nord.Mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> sécurisations informelles <strong>de</strong>s terrainsPETITS PAPIERS : Acte <strong>de</strong> vente sous seing privécertifié par le Maire ou le Prési<strong>de</strong>nt Fokontany quin’a pas une valeur juridique.TITRE INTERMEDIAIRES : Procédure <strong>de</strong> mutationsnon aboutie jusqu’à l’obtention <strong>de</strong> titrefoncier qui se contente au récépissé justifiantl’enregistrement <strong>de</strong> timbre fiscal.


18NairobiPRODUCTION FONCIÈRE ET SYSTÈMESDE BAUX DANS L’HABITAT INFORMEL À NAIROBILa production foncière officielle <strong>de</strong> Nairobi est hautementbureaucratique et souvent très chère. De fait, lapopulation défavorisée a principalement recours à <strong>de</strong>sréseaux d’accès au foncier informel pour s’installer dans<strong>de</strong>s noyaux <strong>de</strong> peuplements non régularisés. Un quartierinformel naît, ou le <strong>de</strong>vient, <strong>de</strong> diverses façons : nonconformitéaux standards <strong>de</strong> construction, au règlementdu bâti, à la planification officielle ou aux normesd’ingénierie reconnues dans la politique publique ; ousimplement du fait <strong>de</strong> sa localisation, officiellement impropreà l’habitat humain. Notons que selon cette définition,non seulement les quartiers pauvres mais égalementun grand pourcentage <strong>de</strong> la classe moyenne relèvent dulogement informel à Nairobi.Nous nous focalisons sur les quartiers « bidonvilles », quiforment la majorité du parc informel. L’accès au logementinformel est un processus complexe. En l’absence <strong>de</strong>contrats légaux ou formels, ce sont les réseaux sociaux,les appartenances urbaines, et les actions implicites quicréent <strong>de</strong>s connections aussi fragiles que vitales pourobtenir le droit et la sécurité d’occuper un bout <strong>de</strong> terraininformel, dans un marché urbain qui se commercialiserapi<strong>de</strong>ment. <strong>Les</strong> bidonvilles <strong>de</strong> Nairobi semblent chaotiques,mais relèvent d’une logique matérialiste que nourritl’implication soutenue <strong>de</strong>s particuliers. <strong>Les</strong> principauxacteurs <strong>de</strong> ce marché sont :<strong>Les</strong> locataires, qui alimentent la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en chambresdans les gratte-ciels ou autres structures illégales. <strong>Les</strong>baux sont informels et les locataires peuvent être expulsésà tout moment. La permanence du locataire n’estassurée que par ses paiements réguliers. <strong>Les</strong> expulsionsfinancières sont donc fréquentes, ce qui crée une gran<strong>de</strong>instabilité pour les plus pauvres malgré leurs droits constitutionnelset socio-économiques officiels.<strong>Les</strong> propriétaires et les « Rois <strong>de</strong>s taudis » (« slum lords »)proposent à la location <strong>de</strong>s structures sur un terrain qu’ilsne possè<strong>de</strong>nt souvent pas, et font payer pour occuperce terrain. Ils se revendiquent souvent d’une « licenced’occupation » accordée illégalement, pour légitimerleurs pratiques. Sans support légal, ils construisent <strong>de</strong>sentreprises rentables et compétitives qui répon<strong>de</strong>nt à la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> pressante <strong>de</strong> logements à bas prix.<strong>Les</strong> « Chefs » appartiennent à l’éxecutif du gouvernementet ordonnent selon le Chiefs Authority Act. Ils suiventleurs propres lois, quartier par quartier, et partagent lepouvoir avec les doyens du village, les fournisseurs <strong>de</strong>sécurité sociale, les gangs locaux, et les « têtes » (« headsmen»). Ainsi, à Kibera, ils sont en charge d’allouer lesterrains vacants, d’assister aux ventes et transferts <strong>de</strong> propriété,d’arbitrer les négociations, <strong>de</strong> gérer la Police Administrative(à qui ils ordonnent <strong>de</strong> niveler <strong>de</strong>s structureset d’évincer leurs locataires si besoin), <strong>de</strong> s’assurer querien ne <strong>de</strong>vienne du logement permanent, et d’approuver,comme contremaître, les additions ou travaux d’entretien<strong>de</strong> leurs structures par les propriétaires. Dans certainsquartiers informels comme Mathare, les Chefs locauxper<strong>de</strong>nt du pouvoir au fur et à mesure que <strong>de</strong>s compagnies<strong>de</strong> BTP construisent <strong>de</strong>s immeubles en dur à la place<strong>de</strong>s taudis.La municipalité et les conseillers locaux jouent un rôleimportant dans la production foncière du secteur formel,mais s’effacent dans les quartiers informels. La Ville, enquelque sorte, n’occupe plus <strong>de</strong> fonction politique, maisplutôt organisationnelle et managériale. <strong>Les</strong> autoritéslocales, qui exécutent le pouvoir gouvernemental, récupèrentson autorité. A l’échelle <strong>de</strong> Nairobi, l’autoritéurbaine a les mains liées par une structure complexe imposéepar l’Etat, qui l’empêche <strong>de</strong> répondre rapi<strong>de</strong>mentaux besoins <strong>de</strong> service <strong>de</strong>s noyaux informels.Le gouvernement possè<strong>de</strong> les terrains sur lesquels poussel’habitat informel. A l’échelle nationale, la politique<strong>de</strong> « montée en gamme » <strong>de</strong>s taudis a généré nombred’interventions pour tenter d’améliorer les conditions <strong>de</strong>vie <strong>de</strong>s bidonvilles, et <strong>de</strong> définir les parcelles disponibles àla location ou la propriété.


20ARTICLENairobiNAIROBI : UNE CITÉ INFORMELLE ?PERSPECTIVES, ENJEUX ET OPPORTUNITÉSDE LA VILLE INFORMELLEOn évoque souvent au nom <strong>de</strong> Nairobi les bidonvilles,la violence politique, la <strong>de</strong>nsification contestée. L’espace– pour vivre, subsister, jouer – est constamment disputépar les acteurs du marché et par les <strong>de</strong>ux systèmes formelet informel, et cette dispute est au cœur d’évènementscomme le massacre <strong>de</strong>s conducteurs <strong>de</strong> matatus par <strong>de</strong>sgangs, très médiatisé, et la construction d’immeubles <strong>de</strong>logements plus qu’illégaux. Le réseau <strong>de</strong> matatus, hautementorganisé et très compétitif, embarque ses passagersà travers la ville à gran<strong>de</strong> vitesse (et gran<strong>de</strong> puissance<strong>de</strong> son). Entre <strong>de</strong>ux trajets, les urbains pauvres travaillent<strong>de</strong> manière formelle ou informelle à alimenter leschaînes d’approvisionnement complexes qui font vivrel’économie <strong>de</strong> la ville. De façon moins évi<strong>de</strong>nte, la disputedu territoire contribue à accroître les prix <strong>de</strong> l’immobilierinformel, qui occupe moins <strong>de</strong> 5 % <strong>de</strong> Nairobi maiss’adresse à plus <strong>de</strong> 60 % <strong>de</strong> ses habitants. Ces bidonvillesurbains n’ont rien à voir avec l’image pittoresque <strong>de</strong>cabanes bâties et occupées en famille. Dans les mailles<strong>de</strong> la périphérie et <strong>de</strong>s contre-allées <strong>de</strong> la ville, dans lesfailles et les recoins <strong>de</strong> l’immobilier officiel, <strong>de</strong>s propriétairesvéreux entassent l’afflux constant <strong>de</strong>s pauvresdans les étages <strong>de</strong> gratte-ciels illégaux, sous les tôles <strong>de</strong>sbidonvilles. L’informalité urbaine à Nairobi est une réactionaux ambitions successives <strong>de</strong>s régimes coloniauxet post-coloniaux, fondées sur une vision raciste et <strong>de</strong>contrôle socio-spatial. Sous le régime britannique, leskenyans ne pouvaient accé<strong>de</strong>r à la propriété, ni s’installeren ville – ils s’installèrent donc en squat dans le centre ou<strong>de</strong> façon permanente en périphérie, et ce dès le début <strong>de</strong>la croissance urbaine. <strong>Les</strong> bidonvilles découlent directement<strong>de</strong> ces pratiques d’exclusion dans les politiquesd’aménagement. Après l’indépendance, la relaxe <strong>de</strong>spolitiques migratoires a amené un exo<strong>de</strong> rural massif endirection <strong>de</strong> Nairobi. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> logement ou d’abrisen ville a explosé. Entre 1962 et 1979, la population <strong>de</strong>Nairobi est passée <strong>de</strong> 343 500 à environs 825 800 habitants.En parallèle, la ville s’est étendue jusqu’à engloberune gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s périphéries à l’aménagementanarchique. Pourtant, le NCC (Nairobi City Council)continuait <strong>de</strong> refuser toute responsabilité et d’assumer lecontrôle <strong>de</strong>s zones non planifiées – aggravant l’exclusionsociale en opérant une démarcation sélective du domaine<strong>de</strong> responsabilité <strong>de</strong> l’état. Aujourd’hui, les migrantscontinuent d’affluer à Nairobi et, comme leurs prédécesseurs,construisent et influencent l’espace urbain parleurs valeurs, leurs échanges, leur idéologie, et leurspratiques. Ensemble, ils créent <strong>de</strong> nouveaux espaces <strong>de</strong>contestation, d’engagement et d’organisation qui prennentl’aspect <strong>de</strong> réseaux et d’i<strong>de</strong>ntités flexibles, simultanées,en réponse à un système formel fermé qui nepeut se maintenir à niveau <strong>de</strong>s nouvelles dynamiques et<strong>de</strong>s nouveaux besoins. Ce processus fragmente l’autoritéà Nairobi, où les acteurs jouent <strong>de</strong>s rôles nombreux etparfois conflictuels.Quelles sont les caractéristiques <strong>de</strong> l’informalité àNairobi ? Certaines sont communes aux gran<strong>de</strong>s villesd’Afrique, mais s’expriment <strong>de</strong> manière particulière àNairobi, sans pour autant y être exceptionnelles. <strong>Les</strong>concepts suivants tentent <strong>de</strong> peindre cette situation, d’endégager les thèmes émergents et les processus transsectorielset trans-spatiaux qui définissent le caractèreinformel <strong>de</strong> la ville.Valoriser l’informalitéNe sous-estimons pas la valeur que dégage le secteurinformel pour faire tourner la ville. Le logement etl’emploi informels concernent une majorité <strong>de</strong>s habitants,ce qui souligne l’échec du marché formel et <strong>de</strong> l’Etat.L’informalité est un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> survie d’une part car ellestimule les échanges, d’autre part car elle agit en filet <strong>de</strong>sécurité pour les plus pauvres. Malgré tout, les conditions<strong>de</strong> vie dans le logement informel et les pratiques <strong>de</strong>l’économie officieuse n’ont rien <strong>de</strong> glorifiables. <strong>Les</strong> innovationspensées pour soulager les défavorisés ne dégagent<strong>de</strong> bénéfices que pour les riches (ou « moins pauvres »,tels les petits propriétaires). On voit cette captation <strong>de</strong>valeur dans les hauts loyers que payent les pauvres auxagents immobiliers, aux propriétaires, ou aux « rois <strong>de</strong>sbidonvilles » (slum lords). <strong>Les</strong> loyers varient en fonctiondu lieu, du service, et <strong>de</strong> la structure ; mais le rapportcoût/bénéfices est toujours très bas. <strong>Les</strong> pauvres paientpour la ville informelle, les riches en profitent.Contestation <strong>de</strong> l’informalitéMalgré la valeur que dégage le marché informel et malgréses liens avec le système formel, les <strong>de</strong>ux entrent souventen conflit sur <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> gestion urbaine. Ce conflitest particulièrement visible entre la ville (City Councilof Nairobi) et les entreprises officieuses, ainsi qu’au seindu marché informel même (entre individus, groupesou secteurs). L’Etat considère – avec ou sans raison –que dans certaines zones l’informalité doit être freinéeou contrôlée. Cette démarcation, sélective, fait l’objet<strong>de</strong> négociations constantes qui participent souvent <strong>de</strong>visées plus larges. La compétition entre les marchandsinformels (grands propriétaires, boutiquiers, conducteurs<strong>de</strong> matatus…) a pour enjeu le contrôle <strong>de</strong> secteurs dumarché ou d’opportunités locales.Agglomération <strong>de</strong>s pratiques informelles<strong>Les</strong> pratiques informelles à Nairobi se localisent sanshasard ni acci<strong>de</strong>nt. Elles s’agglomèrent – tout commeles pratiques formelles – autour du quartier <strong>de</strong>s affaires


21(CBD), <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s artères qui y mènent, et <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>sintersections. La création <strong>de</strong> valeur s’étend au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> laville, par <strong>de</strong>s réseaux officiels ou officieux, mais elle estdécuplée par le regroupement <strong>de</strong>s activités. Nairobi a unestructure radiale, et le CBD est l’un <strong>de</strong>s pôles les plus attractifs,<strong>de</strong>vant les hubs <strong>de</strong> transport secondaires.Flexibilité dans le tempsL’informalité est définie dans le temps comme dans lapratique. A toute échelle, <strong>de</strong>puis la masure individuellejusqu’aux flux d’hommes et <strong>de</strong> biens autour <strong>de</strong> la ville, latemporalité est importante. L’espace est utilisé différemmentau cours <strong>de</strong> la journée pour répondre aux besoinsmultiples et variés <strong>de</strong>s urbains. C’est l’affaire <strong>de</strong> quelquesheures pour que l’usage d’une cabane passe d’abri, àcuisine, à étal marchand. De même, un bas-côté sert <strong>de</strong>poste <strong>de</strong> circulation, d’espace <strong>de</strong> vente à la sauvette, voire<strong>de</strong> voie supplémentaire (et dangereuse) le jour commela nuit. Toutefois, ces changements sont contraints par<strong>de</strong>s permanences et <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> pouvoir, menés par leshommes ou par le marché, qui déterminent quand, où, età quoi les espaces urbains vont servir.S’approprier la (l’in)formalitéDes tentatives <strong>de</strong> régularisation se succè<strong>de</strong>nt, mais lesbesoins <strong>de</strong>s pauvres sont trop changeants et complexespour rentrer dans les cases standardisées. Nombreuxsont les exemples <strong>de</strong> régularisation <strong>de</strong> marchés informelset <strong>de</strong> logements squattés qui n’ont abouti qu’à une déformalisationnouvelle <strong>de</strong> l’espace et <strong>de</strong>s pratiques. <strong>Les</strong>entreprises informelles furent ainsi interdites dans lesappartements officiels KENSUP, mais les habitants exploitèrentles failles du règlement. De même, les marchandsinformels installés dans <strong>de</strong>s marchés officiels ontréorganisé l’espace, inadapté à leurs pratiques.Formalisation irrationnelle« Informel » est un terme souvent utilisé pour désigner lespratiques non sanctionnées par statut public. A Nairobi,certaines lois <strong>de</strong> la Ville sont si peu rationnelles que lesagents <strong>de</strong> la force publique sélectionnent <strong>de</strong> manièrestratégique ce qu’ils font appliquer – et agissent ainsi enagents informels. Malgré <strong>de</strong>s tentatives <strong>de</strong> changement,les lois « bi-laws » interdisent encore <strong>de</strong>puis la vente <strong>de</strong>rue jusqu’au fait <strong>de</strong> se moucher en public. Ces interdictionssont aussi peu intuitives qu’elles sont injustes pourles pauvres, qui tirent plus d’usage <strong>de</strong> l’espace public.Ainsi, a force <strong>de</strong> police Askaris choisit au cas par casquand appliquer la loi, et nourrit un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gouvernancesporadique et imprévisible.Des lieux d’appartenance dé-territorialisésRare est l’urbain qui se présente comme étant « <strong>de</strong>Nairobi ». Même pour les habitants qui sont arrivés très<strong>jeunes</strong> à Nairobi, leurs réseaux d’échanges et d’associations’éten<strong>de</strong>nt bien au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la ville. Kibera est un exemple<strong>de</strong> région dont les réseaux <strong>de</strong> relations permettent nonseulement <strong>de</strong> transporter hommes et biens, mais aussid’accé<strong>de</strong>r au marché du logement. L’appartenance politique<strong>de</strong>s individus est si forte qu’elle efface à la fois lesfrontières et les règles d’une gouvernance spatiale. Petità petit, <strong>de</strong>s groupes s’i<strong>de</strong>ntifient par organisation locale,notamment pour combattre les bidonvilles et la pauvretéurbaine, mais cette i<strong>de</strong>ntité n’est pas encore mobilisatrice.Se construire à la margeLe flux <strong>de</strong>s urbains pauvres est constant, mais leurprésence en ville est permanente. Kibera, autrefois enpériphérie, en lisière <strong>de</strong> forêt, est aujourd’hui un contrepoidsindiscutable et conflictuel <strong>de</strong> la ville centre. <strong>Les</strong>noyaux informels se sont mêlés au paysage urbain pour


22y créer <strong>de</strong>s poches d’insécurité imprévisibles. Kiberafut dans ce cas, puisque, soumise à l’autorité militaireplutôt que civile, la loi n’y était appliquée que selonle bon vouloir facilement corruptible du responsablecolonial. Malgré tout, et même s’ils se déploient en pleincentre-ville, les espaces informels restent périphériqueset marginalisés. <strong>Les</strong> services <strong>de</strong> base et les infrastructurespubliques relient comme ils le peuvent les quartiersformels et contournent tout simplement les noyauxinformels. <strong>Les</strong> espaces marginaux, ici, ne s’évaporent pasen bordure <strong>de</strong> ville, mais y creusent <strong>de</strong>s failles béantes<strong>de</strong>vant lesquels la route s’arrête et sous lesquels les conduitsplongent, traversant tout un quartier en apnée sansle <strong>de</strong>sservir.Un schéma <strong>de</strong> gouvernance flouL’informalité s’envisage souvent en <strong>de</strong>hors du cadre officiel,mais les interconnections, dépendances et intégrationsmultiples <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux systèmes à Nairobi génèrent unezone grise pour la loi. <strong>Les</strong> Chefs par exemple, officiellementnommés par le gouvernement pour jouer un rôledans la gouvernance <strong>de</strong>s logements <strong>de</strong> fortunes, ont <strong>de</strong>spratiques informelles nombreuses. De même, le marchéinformel du BTP stimule la construction officielle.Privatisation <strong>de</strong>s fonctions publiquesUne caractéristique essentielle <strong>de</strong> l’informalité <strong>de</strong> Nairobiconsiste en l’appropriation <strong>de</strong> fonctions autrefoispubliques par les secteurs privés ou peu voire irrégulés.Certaines privatisations furent officielles – <strong>de</strong>s servicesmunicipaux <strong>de</strong> base <strong>de</strong>venus para-étatiques ou privés –mais celles-ci ne répon<strong>de</strong>nt toujours pas aux besoins <strong>de</strong>splus pauvres. <strong>Les</strong> ordures, l’eau et l’électricité par exemplene sont plus fournis par la vile, et proposent une distributiontrès aléatoire. La ville est également responsable <strong>de</strong>la gestion basique <strong>de</strong>s droits du sol et <strong>de</strong> la planification.Ceci dit, les marchés illégaux <strong>de</strong> transaction foncièredans les noyaux informels ne se content pas <strong>de</strong> fournirabri, services, et sécurité à un coût moindre (bien quesupérieur au coût étatique officiel) – ils génèrent aussi<strong>de</strong>s noyaux locaux <strong>de</strong> pouvoir alternatif, qui neutralisentles systèmes <strong>de</strong> gouvernance officiels et officieux. Huchzermeyera montré l’impact <strong>de</strong> ce « processus <strong>de</strong> commercialisation,créant une structure complexe d’acteurséconomiques qui ont obtenu une légitimité sociale pourfaire du profit en vendant, aux plus pauvres, les servicesessentiels ». Ce type <strong>de</strong> service est souvent présentécomme un filet <strong>de</strong> sûreté pour les plus défavorisés, maismalgré ou grâce à leur non-conformité et leur flexibilité,elles sont le prélu<strong>de</strong> <strong>de</strong> nouvelles formes <strong>de</strong> gouvernancesociale et spatiale. La légitimité locale <strong>de</strong>s nouveauxacteurs retire un poids au gouvernement, qui n’a plus àremplir ses fonctions urbaines et <strong>de</strong> services, tout en créant<strong>de</strong>s hiérarchies locales intégrées à l’échelle du quartier(les doyens <strong>de</strong> village) ou <strong>de</strong> la ville (les gangs).Légen<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la « Ville Globale » (« World ClassCity »)Nairobi exprime, dans sa politique et ses discours récents,le désir grandissant <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir la ville globale <strong>de</strong>référence sur le continent africain. Ce désir dépend engran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l’extension <strong>de</strong>s services et <strong>de</strong>s infrastruc-


23tures aux plus défavorisés pour combattre la pauvreté,et pour combattre le chômage croissant par <strong>de</strong>s programmes<strong>de</strong> création d’emploi. Il est ambitieux, comme ledéclare la Stratégie Métropolitaine pour Nairobi 2030, <strong>de</strong>viser un horizon sans bidonvilles. Il est surtout dangereuxque cette visée dégra<strong>de</strong> les conditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s pauvressi elle ne s’accompagne pas <strong>de</strong> la construction <strong>de</strong> logements,<strong>de</strong> l’arrivée <strong>de</strong>s services, et d’ai<strong>de</strong>s à l’emploi.À Nairobi, les plus pauvres, exclus par défaut <strong>de</strong>smarchés officiels du logement, du travail et <strong>de</strong>s services<strong>de</strong> base, restent stigmatisés par <strong>de</strong>s visions et <strong>de</strong>spolitiques qui criminalisent leurs pratiques informellessans offrir d’alternatives économiques ou sociales.<strong>Les</strong> réseaux et systèmes informels ne se contentent pas<strong>de</strong> répondre à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pressante <strong>de</strong> logement, <strong>de</strong>travail et <strong>de</strong> transport ; ils rappellent incessamment à laville à quel point l’application complexe <strong>de</strong>s règlementsofficiels ralentit son progrès vers plus d’inclusion. Undiscours d’éradication et <strong>de</strong> normalisation a dominé leparler officiel <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières décennies ; aujourd’hui, lavision dominante <strong>de</strong> « Cité Globale » propose une visionschizophrène <strong>de</strong> l’informalité. Il est urgent <strong>de</strong> fairedécouler les politiques urbaines <strong>de</strong>s pratiques informelles<strong>de</strong>s plus pauvres – une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> fréquente <strong>de</strong>s ONGet <strong>de</strong>s érudits locaux, mais conflictuelle pour la sphèregouvernementale. Ceci requerrait <strong>de</strong> coopérer et nond’affronter les acteurs du marché informel, et <strong>de</strong> viser<strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> gouvernance inclusifs où la diversité <strong>de</strong>séchanges, <strong>de</strong>s capitaux et <strong>de</strong>s produits serait créatrice <strong>de</strong>sens et <strong>de</strong> valeur.


<strong>Les</strong> métiers<strong>de</strong> l’informel25


26OUAGADOUGOULA « BANCOTIÈRE », UN MAL NÉCESSAIRE POUR LA FOURNITUREDE MATÉRIAUX NATURELS DE CONSTRUCTION DE LA VILLEINFORMELLE À OUAGADOUGOU ?La terre utilisée pour la construction <strong>de</strong>s habitations <strong>de</strong>s quartiers non lotis est extraite à partir <strong>de</strong>scarrières ou « bancotières » par <strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nts du quartier, pour <strong>de</strong>s clients également rési<strong>de</strong>nts.Bancotière <strong>de</strong>Tabtenga, octobre2012Bancotière <strong>de</strong>Yamtenga, octobre2012Différentesphotographies <strong>de</strong>la bancotière <strong>de</strong>Bissighin, octobre2012Ces bancotières posent <strong>de</strong>s problèmes environnementauxet sécuritaires : Elles sont transformées en déchargespubliques, d’où une source <strong>de</strong> pollution et <strong>de</strong> maladies,et constituent <strong>de</strong>s lieux d’insécurité (cas <strong>de</strong> noya<strong>de</strong>sd’enfants en saison pluvieuse et d’agressions <strong>de</strong>s riverainsen saison sèche).Une source d’activité économiqueOn y extrait la terre pour construire. Témoignage d’unextracteur <strong>de</strong> Bissighin : Une charrette <strong>de</strong> terre coute500 fcfa hors livraison et 1.000 fcfa avec livraison chezl’acheteur (1 franc CFA = 655, 957 euros). Un extracteur<strong>de</strong> Bissighin vend environ 5 charrettes par jour, soit unrevenu journalier d’environ <strong>de</strong> 3.000 à 5.000 fcfa par jour.Il y a une vingtaine d’extracteurs à Bissighin.On y confectionne <strong>de</strong>s briques d’adobe. À Bissighin,cette activité est dévolue aux femmes. On note unebonne maîtrise <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> séchage (protection<strong>de</strong>s briques contre les intempéries et l’ensoleillement) etune bonne connaissance <strong>de</strong>s propriétés du matériau terre(uniformité <strong>de</strong> la terre utilisée). <strong>Les</strong> briques sont stockéesdans la bancotière en toute sécurité : « Personne ne voleles briques, c’est coutumièrement proscrit ! » témoigneun habitant <strong>de</strong> Bissighin. Témoignage <strong>de</strong> trois femmes<strong>de</strong> Bissighin : Selon le marché, <strong>de</strong>ux briques d’adobesont vendues à 25 FCFA ou 1 brique à 15 FCFA. Onpeut confectionner 100 briques par jour. <strong>Les</strong> achats sontirréguliers, on peut gagner environ 5.000 fcfa par mois.Avec ça, on nourrit nos familles, on paye la scolarité <strong>de</strong>nos enfants. Moi j’ai 5 enfants… moi j’en ai 6… et moi j’ai7 enfants. Il y a plus <strong>de</strong> femmes que d’hommes ici. Ensaison sèche, on achète l’eau à la borne fontaine à raison<strong>de</strong> 200 à 500 FCFA la barrique <strong>de</strong> 200 litres d’eau. Ensaison pluvieuse, l’activité est facilitée par la présence <strong>de</strong>l’eau au sein même <strong>de</strong> la bancotièreL’ eau y est extraite gratuitement ou achetée auprès <strong>de</strong>sgérants <strong>de</strong> bornes fontaines. Le transport <strong>de</strong> l’eau ou<strong>de</strong>s briques est assuré par charrette, tirée par un âne. Lalocation d’une charrette coûte 250 FCFA sans l’âne et 500FCFA avec l’âne.


OUAGADOUGOULES FABRICANTS ET VENDEURS DE MATÉRIAUXET MATÉRIELS DE CONSTRUCTION POUR L’AUTOPROMOTIONDES LOGEMENTS À OUAGADOUGOU.On note la présence <strong>de</strong> plusieurs types <strong>de</strong> commerces le long <strong>de</strong>s rues structurantes <strong>de</strong>s quartiers nonlotis. <strong>Par</strong>mi eux, figurent les fabricants et ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> matériaux et matériels <strong>de</strong> construction, neufsou habilement récupérés. Certains d’entre eux nous ont commenté leur activité.27Cet atelier en banco <strong>de</strong> « 8 tôles » et ce petit hangar estcelui d’un menuisier du quartier <strong>de</strong> Watinoma/Noghin/Basnéré. Il paye un loyer <strong>de</strong> 2000 francs FCFA (3€) parmois pour la location <strong>de</strong> cet atelier. Il habite le quartier<strong>de</strong>puis 2005 et a d'abord ouvert un atelier <strong>de</strong> menuiseriebois avant d’étendre son activité à la menuiserie métallique.<strong>Les</strong> portes en tôles sont vendues à un coût variant<strong>de</strong> 5.000 à 8.000 FCFA (8-12€). <strong>Les</strong> fenêtres <strong>de</strong> 60cm<strong>de</strong> côté confectionnées avec <strong>de</strong>s tôles ondulées coûtent5.000 FCFA. Selon le menuisier « le commerce n’a pas <strong>de</strong>prix fixes, tout dépend <strong>de</strong> la qualité <strong>de</strong> l’ouvrage. Il arriveque <strong>de</strong>s portes en tôle usagée soient plus soli<strong>de</strong>s et plusrésistantes que <strong>de</strong>s portes en tôle neuve ». <strong>Les</strong> portes réaliséesavec <strong>de</strong> vieilles barriques coûtent 22.500 fcfa (34€).La barrique usagée <strong>de</strong> 200 litres avec laquelle il confectionnela porte est achetée à 5.000 FCFA. Le menuisierprécise que les portes en tôles se ven<strong>de</strong>nt mieux que lesportes métalliques, car certains habitants construisent<strong>de</strong>s baraques dans le quartier sans y habiter. Ceux là n’ontpas besoin <strong>de</strong> portes <strong>de</strong> qualité ou sécurisées. C’est ceuxqui habitent effectivement leurs maisons qui fixent <strong>de</strong>sportes métalliques.La chaux éteinte localement appelée « carbure » est lerésidu issu <strong>de</strong> la soudure à gaz. A gauche, un atelier <strong>de</strong>soudure à gaz à Watinoma/Noghin/Basnéré est présenté.A droite, un maçon mélange chaux, huile <strong>de</strong> vidange,terre et eau. Ce type d’enduit sur mur est plus résistantgrâce aux propriétés du liant naturel qu’est la chaux,moins couteuse et plus écologique que le ciment. <strong>Par</strong>lant<strong>de</strong> la chaux, le sou<strong>de</strong>ur déclare : « Ca nous encombre,donc on la vend : 10 litres <strong>de</strong> chaux coutent 750 FCFA(1,1€). Notre soudure porte sur les vélos, le renforcement<strong>de</strong>s portes et fenêtres. En fait la soudure à gaz est unealternative à la soudure électrique plus performante, caril n’y a pas d’électricité ici ».Source : GUIGMA L.,Entretien avec unven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> matériauxet matériel<strong>de</strong> construction <strong>de</strong>Watinoma/Noghin/Basnéré, Septembre2012.Nota bene : 1 francCFA = 655, 957euros.


28NairobiTYPOLOGIE DE LA SUBSISTANCE À NAIROBILe secteur informel à Nairobi, ou « jua kali », produit 60 %<strong>de</strong>s emplois. En 2011, le « jua kali » est responsable <strong>de</strong>86 % <strong>de</strong>s créations d’emploi au Kenya, et croît <strong>de</strong> 5, 5 %à Nairobi avec près <strong>de</strong> 2, 3 millions <strong>de</strong> travailleurs. <strong>Les</strong>ecteur informel évolue dans un contexte d’urbanisationcroissante, <strong>de</strong> disputes territoriales, <strong>de</strong> marchés compétitifs,et d’un recours grandissant à la technologie.<strong>Les</strong> programmes d’ajustement structurels du FMI dansles années 80 ont supprimé un nombre faramineux <strong>de</strong>postes dans le secteur public et stimulés la croissanced’un secteur intermédiaire dans l’économie informelle.Depuis, cette économie informelle – au départ simplestratégie <strong>de</strong> survie pour les plus défavorisés – est <strong>de</strong>venueune source d’emploi vitale pour la ville. L’économie <strong>de</strong>Nairobi est informelle, mais permanente. Elle opère à41 % dans les noyaux <strong>de</strong> peuplement informels, où elles’exprime <strong>de</strong> diverses manières. 78 % <strong>de</strong>s entreprises dusecteur proposent <strong>de</strong>s services basiques (nourriture,articles ménagers, vêtements…). <strong>Les</strong> secteurs formelset informels <strong>de</strong> Nairobi sont très liés, puisque le secondsous-traite au premier, que les <strong>de</strong>ux se partagent lesréseaux d’approvisionnement et les capitaux (certainsinvestisseurs du secteur informel travaillent à plein tempsdans le secteur formel, notamment ceux qui procè<strong>de</strong>nt à<strong>de</strong>s investissements majeurs). Ci-<strong>de</strong>ssous, une typologiedu secteur informel à Nairobi.Le secteur tertiaire est le plus important. Une étu<strong>de</strong> surl’économie <strong>de</strong>s noyaux <strong>de</strong> peuplement informel révèleque la moitié (49 %) <strong>de</strong>s employés du secteur sont <strong>de</strong>sfemmes, et que 38 % <strong>de</strong>s entrepreneurs possè<strong>de</strong>nt uncompte en banque. L’importance du secteur dans la subsistance<strong>de</strong>s quartiers informels est soulignée dans uneautre étu<strong>de</strong>, menée à Mathare, où 66 % <strong>de</strong>s foyers tirentleurs revenus d’échanges au sein du quartier.La diversité <strong>de</strong> l’économie informelle à Nairobi est tellequ’il est réducteur <strong>de</strong> la caractériser <strong>de</strong> façon comme peucréatrice <strong>de</strong> valeur, peu productive à gran<strong>de</strong> échelle, peurémunératrice, et dédiée à la subsistance <strong>de</strong>s défavorisésurbains. Le secteur tout entier est complexe, et n’est plusaussi facile d’accès que le décrivait l’étu<strong>de</strong> Ilo <strong>de</strong> 1972.Ainsi, l’industrie du transport Matutu pose <strong>de</strong>s barrièresà l’entrée aux investisseurs potentiels, qui doivent payerun lourd capital <strong>de</strong> départ et s’intégrer à l’organisation encartels. De même, une femme qui souhaiterait ouvrir uncommerce d’épicerie en coin <strong>de</strong> rue peut craindre d’êtrearrêtée et poursuivie par l’autorité urbaine. Le secteurabsorbe la majorité <strong>de</strong>s actifs à Nairobi (dont la plupartsont <strong>de</strong>s femmes). De fait, il est vital <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>spolitiques qui non seulement visent à augmenter laproductivité et la création <strong>de</strong> valeur du secteur, mais lefont dans une organisation spatiale qui utilise au mieuxl’espace urbain.CatégorieProduction /Secteur PrimaireArtisanatActivitésAgriculture urbaine à petite échelle – principalement dans les quartiers informels et à la périphérie<strong>de</strong> Nairobi (ex : le long du Bassin du Nairobi, Ruai, etc.)Métallurgie : Matériel agricole, ménager, <strong>de</strong> cuisine, mobilier <strong>de</strong> maison et <strong>de</strong> bureau, ferrures <strong>de</strong>bâtiments. Ex : cartels métallurgiques <strong>de</strong> Kamukunji, Mutindwa, Githurai et GikombaBois : mobilier <strong>de</strong> maison et <strong>de</strong> bureau, structures <strong>de</strong> bâtiments (fenêtres, portes, cuisines, décoration,etc.)Habits et chaussures : Uniformes scolaires, tenues industrielles, sacs, habits quotidiens, cordonnerie,pneumatique, etc.Artisanat : Poterie, céramique, perles, tissage, peinture, <strong>de</strong>ssin et sculpture. Principalement àdomicile.Chimie : Détergents, dérivés <strong>de</strong> cire, teinturerie, peinture. Sous-secteur particulièrement présentà Kamukunji-shauri Moyo-Gikomba.Secteur tertiaireAlcools : Chang’aa, boisson la plus populaire. Principalement produite par <strong>de</strong> petites brasseriesle long du Bassin du Nairobi, surtout à Kibera, Mathara, Korogocho et Mukuru. Des brasseursparticuliers complétent l’offre.Vente au <strong>de</strong>tail : Papeterie, vente à la sauvette (nourriture, appareils électroniques, habits, chaussures,multimedia pirate), étals <strong>de</strong> marché (à Gikomba, Muthurwa, City Stadium, Marikiti),ven<strong>de</strong>urs du CBD et <strong>de</strong> l’immeuble Eastleigh.Transport : Matatus (transport public prédominant à Nairobi), brouettes (Mikokoteni), motos(boda boda).Entretien : charpentes, électriciens, garages, plomberie, maçonnerie, etc.Immobilier : BTP (« mjengo »), peinture <strong>de</strong> bâtiment, gérance foncière informelle, décorationd’intérieur.Services à la personne : Nettoyage, lessive, esthétique, prostitution, ménages, etc.Services qualifiés informels : Consultants, notamment en mé<strong>de</strong>cine, architecture, ingénierie,enseignement.Art <strong>de</strong> rue : artistes publics (notamment dans les pôles <strong>de</strong> transport), prédicateurs (notammentsur les longs trajets en transport public), etc.


DakarLES MARCHANDS AMBULANTSOU L’ÉCLATEMENT DE LA FONCTION COMMERCIALE.29Marchands ambulantsdans les rues<strong>de</strong> Dakar.À Dakar, pour faire certaines courses le client n'a plusbesoin <strong>de</strong> se déplacer et d'aller vers les centres commerciauxou marchés grâce à la mobilité <strong>de</strong>s marchandsambulants. Marchandises en main ou sur les épaules, ilsparcourent les artères <strong>de</strong> la capitale, rapprochant ainsi lecentre <strong>de</strong>s clients. Ces <strong>jeunes</strong> marchands, au nombre <strong>de</strong>8700 selon la direction du commerce, sont en majorité<strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> l’exo<strong>de</strong> rural et du chômage engendré parla crise économique, et contribuent à hauteur <strong>de</strong> 10, 7 %du PIB.On assiste à la décentralisation <strong>de</strong>s marchés par le rapprochementdu service vers les clients. Le service estproposé aux clients où ils se trouvent. Cela entraine ducoup l’éclatement du marché comme centre <strong>de</strong> tous leséchanges et donc <strong>de</strong> la fonction commerciale. Le marchése trouve partout dans la ville, le client est servi à domicile,dans la circulation en voiture ou en pleine rue avecun large choix selon sa préférence et le produit voulu.Bagages en main par petits groupes ou seuls, les marchandsambulants, infatigables, arpentent d’abord les ruelles<strong>de</strong>s marchés hélant et interpellant les clients les acheteursleur proposant les produits <strong>de</strong> différentes sortes ; lesmarchés Colobane, Sandaga, Hlm et Grand Yoff en sont<strong>de</strong> parfaites illustrations.Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s marchés dans lesquels ils circulent, lesmarchands ambulants sillonnent différents quartiers <strong>de</strong>la ville à la recherche d’acheteurs. Certains font du porteà porte en rentrant dans les maisons pour proposer leursproduits (accessoires, tissus, cartes crédits, chaussures,habits, produits alimentaires et autres), d’autres étalentleurs marchandises sur les trottoirs selon l’attractivité<strong>de</strong>s lieux et peuvent changer ainsi régulièrement selonla <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Sur les artères principales <strong>de</strong> Dakar encentre ville surtout, toute la journée et jusqu’à la nuit <strong>de</strong>smarchands ambulants produits en mains, profitent <strong>de</strong>sembouteillages interminables, et <strong>de</strong>s arrêts occasionnéspar les feux tricolores pour se faufiler entre les files <strong>de</strong>voitures afin <strong>de</strong> les proposer aux usagers.Il y aussi <strong>de</strong>s marchands ambulants qui étalent leursmarchandises à même les trottoirs, sur les principalesavenues en centre ville ou dans <strong>de</strong>s endroits fréquentés,entrainant une occupation irrégulière <strong>de</strong> la voie publiqueet obstruant la circulation <strong>de</strong>s piétons et la mobilité <strong>de</strong>svoitures, ce qui est souvent à l’origine <strong>de</strong> conflits d’usage.La circulation en ville avance à un rythme lent à cause <strong>de</strong>cette occupation <strong>de</strong> la voie publique. Cela se reproduit àla périphérie dans les quartiers populaires sur les trottoirs<strong>de</strong> la chaussée où s'installent les ven<strong>de</strong>urs entrainanttoujours les mêmes effets mais rapprochant le service duclient.Cette approche répond aujourd’hui à une exigence <strong>de</strong>sconsommateurs en matière d’accessibilité et <strong>de</strong> proximitél'idée étant d'éviter <strong>de</strong> perdre du temps en se déplaçantvers le service, comme le dit une consommatrice quihabite Grand Yoff : « Grâce aux marchands ambulants,nous n’éprouvons plus le besoin d’aller au marché pournous approvisionner en produits cosmétiques, commepour certains autres produits <strong>de</strong> l’entretien <strong>de</strong> la maison,ce qui nous permet aussi <strong>de</strong> ne plus nous déplacer toutle temps surtout que les embouteillages nous retar<strong>de</strong>nt àchaque fois ». Ce qui constitue une nouvelle redistribution<strong>de</strong>s rôles dans l’activité commerciale où les différentesparties en tirent profit chacun à leur manière.Localisation <strong>de</strong>smarchés principalementfréquentéspar les marchandsambulants


30DakarARTISANS ET OUVRIERS DE DAKAR<strong>Les</strong> artisans et ouvriers <strong>de</strong> Dakar se positionnent parallèlementaux sociétés, industries dans la production<strong>de</strong> biens et <strong>de</strong> services. Ainsi pour chaque segment onconstate une dualité d’offres <strong>de</strong> biens ou <strong>de</strong> service formelet informel ou industriel et artisanal.<strong>Les</strong> objets produits vont <strong>de</strong> ceux utilisés au quotidienjusqu'à <strong>de</strong>s objets d’art. <strong>Les</strong> artisans peuvent produire(forgerons, bijoutiers, cordonniers, menuisiers, tailleurs…)ou fournir un service (mécaniciens, maçons,plombiers, peintres, sou<strong>de</strong>urs…).<strong>Par</strong> exemple, la production <strong>de</strong>s ustensiles <strong>de</strong> cuisines et<strong>de</strong>s outils domestiques peut se faire à partir <strong>de</strong> matièrespremières produites localement ou recyclées commel’aluminium ou le fer. Ils travaillent <strong>de</strong> manière informelledans <strong>de</strong>s ateliers rudimentaires avec un personnel nondéclaré à la sécurité sociale et sans enregistrement auniveau <strong>de</strong>s services fiscaux.Ceux qui fournissent un service peuvent être mobiles:c’est le cas <strong>de</strong>s travailleurs du bâtiment. Pour faireconnaître leurs services, ils procè<strong>de</strong>nt par affichage <strong>de</strong>pancartes dans les rues, sur lesquelles ils laissent leurs coordonnées– et ils se déplacent pour offrir leurs services.Tout se fait au gré à gré sans aucune procédure formelleet les prix peuvent se négocier contrairement aux sociétésavec lesquelles l’offre <strong>de</strong> services est formalisée et lesprix fixés.Plusieurs facteurs expliquent la compétitivité et les performancesdans le secteur informel et particulièrementchez les ouvriers et les artisans. Il y’a une recherche constante<strong>de</strong> minimalisation <strong>de</strong>s charges <strong>de</strong> fonctionnement<strong>de</strong> l’atelier. Pour éliminer le coût <strong>de</strong> la location d'un localpar exemple, une stratégie majeure consiste à occuper<strong>de</strong>s espaces fonciers publics ou privés non valorisés. Lacompétitivité <strong>de</strong>s artisans et ouvriers rési<strong>de</strong> aussi dansla satisfaction <strong>de</strong>s besoins particuliers en proposant uneoffre modulable selon les besoins <strong>de</strong>s clients. Ces performancesreposent sur la capacité <strong>de</strong>s artisans et ouvriers àmobiliser à travers leurs relations sociales les ressourcespropres et les utiliser avec efficience. La simplicité <strong>de</strong>smécanismes <strong>de</strong> production, combinée à une analyse immédiate<strong>de</strong>s opportunités rend possible la mise en valeur<strong>de</strong> ressources paraissant banales notamment le matériel<strong>de</strong> récupération.La main d’œuvre s’appuie sur le recrutement d’apprentisqui constitue à la fois une caractéristique transversale<strong>de</strong>s métiers informels au Sénégal, mais aussi un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>perpétuation du métier. <strong>Les</strong> apprentis sont généralementrecrutés dans le cercle social du maître artisan ou ouvrier.Ils constituent la principale main d’œuvre <strong>de</strong> l’atelier, ilsne sont pas rémunérés ou très peu, le gain qu’ils y tirentétant l’apprentissage d’un métier avec la possibilité d’avoirleur propre affaire une fois leur apprentissage terminé.Ces différentes stratégies d’amoindrissement <strong>de</strong>s coûts <strong>de</strong>fonctionnement ren<strong>de</strong>nt les produits <strong>de</strong>s artisans et ouvrierstrès compétitifs par rapport à leurs équivalents dusecteur formel. Pour comparaison un écumoire fabriquéeartisanalement coute en moyenne 1000 FCFA (environ 1,5 euros) alors que le même produit en version manufacturée,certes avec une qualité supérieure coute environ3000 FCFA (environ 4, 5 euros). <strong>Les</strong> artisans et ouvriersparviennent ainsi à polariser une partie importante <strong>de</strong>la clientèle. Fort <strong>de</strong> ce constat, on peut sans nul douteaffirmer qu’il n’existe pas <strong>de</strong> maison sénégalaise où on netrouvera pas <strong>de</strong> produits du secteur artisanal !Ouvriers mécaniciens à DakarArtisans tapissiers à Dakar


DakarLES FEMMES RESTAURATRICES DE RUEGRÂCE À ELLES DAKAR N’A PAS FAIM !31Femme restauratriceet un client.A Dakar, manger partout et à toute heure <strong>de</strong> la journéeest possible grâce aux femmes restauratrices <strong>de</strong> rue.Elles se trouvent pour la plupart dans <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong>d’affluence (gares routières, marchés, etc.). Leurs espaces<strong>de</strong> restauration sont faits <strong>de</strong> draps, cartons ou tôles, ousont parfois installés dans <strong>de</strong>s locaux qui ne répon<strong>de</strong>ntà aucune norme <strong>de</strong> sécurité. <strong>Les</strong> restaurants <strong>de</strong> rues’installent dans tout espace susceptible <strong>de</strong> les accueillir,et toujours dans <strong>de</strong>s espaces où la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> est réelle.Dans les gares routières comme dans les marchés, cesrestauratrices servent principalement <strong>de</strong>s repas auxchauffeurs, apprentis, ouvriers et artisans qui n’ont passouvent le temps <strong>de</strong> rentrer déjeuner chez eux, <strong>de</strong> mêmeque les commerçants, marchands et bien d’autres gensqui s’activent dans différents secteurs, mais aussi à tousceux qui en éprouvent le besoin.Ces restaurants offrent une variété <strong>de</strong> mets à <strong>de</strong>s prixraisonnable, et une flexibilité dans l’heure <strong>de</strong> service <strong>de</strong>srepas pouvant aller jusqu’en début d’après midi.Certaines restauratrices servent les trois repas du jour,d’autres ne servent que le petit déjeuner, et d’autres lediner. <strong>Les</strong> restauratrices se spécialisent souvent selonl’horaire <strong>de</strong> service du ou <strong>de</strong>s repas en fonction <strong>de</strong> la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s consommateurs et <strong>de</strong> la situation du restaurant.Malgré l’occupation irrégulière <strong>de</strong> la voie publiquequ’elles produisent, ces femmes restauratrices contribuentà assurer la sécurité alimentaire <strong>de</strong>s Dakarois parla disponibilité, l’accessibilité et la stabilité.


32 AntananarivoS’INTÉGRER DANS LA VIE CITADINE À TRAVERS LE TRAVAIL INFORMELTravailler dans le secteur informel permet à la fois <strong>de</strong> résister à l’appauvrissement monétaire maiségalement <strong>de</strong> maintenir <strong>de</strong>s liens sociaux et <strong>de</strong> s’assurer <strong>de</strong>s solidarités.Métier informel relatif, un choix délibéré s’inscrivantdans une stratégie <strong>de</strong>s réseauxLe choix <strong>de</strong> travailler dans le secteur informel peut êtreissu d’une démarche volontaire, l’intégration professionnellese fait dans ce cas par l’intermédiaire <strong>de</strong>sréseaux. Il s’agit principalement <strong>de</strong>s réseaux familiaux,<strong>de</strong>s connaissances (amis, issu <strong>de</strong> même origine, etc.),<strong>de</strong>s réseaux sociaux (voisin du quartier, paroisse, etc.).L’exemple <strong>de</strong>s transporteurs <strong>de</strong> granulats et <strong>de</strong> graviersissus d’une carrière située à l’est d’Antananarivo (carrièred’Ambohimahintsy, etc.) montre que les patrons, propriétaires<strong>de</strong>s camions bennes sont issus <strong>de</strong> la même familleproche ou éloignée, <strong>de</strong>s connaissances <strong>de</strong> même origine.<strong>Les</strong> métiers se transmettent <strong>de</strong> génération en génération.Dans la majorité <strong>de</strong>s cas, le fils reprend les affaires familiales.Puis, les familles qui ont déjà accumulé suffisamment<strong>de</strong> profits (par exemple propriétaires <strong>de</strong> plusieurscamions bennes) ai<strong>de</strong>nt ensuite les apparentés proches(cousins, etc.) en les faisant entrer dans le circuit par unsystème <strong>de</strong> prêts. On met à leur disposition un camionbenne dont le prix d’acquisition est remboursé par unetraite. <strong>Les</strong> familles aidantes les accompagnent et ontun droit <strong>de</strong> regard jusqu’à la fin <strong>de</strong>s traites. A l’issue <strong>de</strong>remboursement, ils <strong>de</strong>viennent « Mpitatitra entana » outransporteurs <strong>de</strong> marchandises. <strong>Par</strong> ailleurs, les réseaux<strong>de</strong> connaissances servent en général à pénétrer le circuitafin <strong>de</strong> faciliter l’exercice du métier. Ce même schéma sereproduit dans le métier <strong>de</strong> « Mpivaro-damba » (commerce<strong>de</strong> friperie ou <strong>de</strong> confections artisanales) ou« Mpivaro-kena » (boucher). A y voir <strong>de</strong> près, la majorité<strong>de</strong>s « Mpivaro-damba » du marché d’Andravoahangy aunord <strong>de</strong> la capitale sont issus soit <strong>de</strong>s mêmes familles soit<strong>de</strong>s mêmes origines géographiques.Métier informel absolu, la survie et l’ancragei<strong>de</strong>ntitaire : citadinité et solidarité<strong>Les</strong> métiers informels absolus, ou non choisis, concernentessentiellement les salariés <strong>de</strong>s établissementsinformels comme les ai<strong>de</strong>s-chauffeurs <strong>de</strong>s transporteurs<strong>de</strong> marchandises, les receveurs ou « goal taxi-bé » <strong>de</strong>stransporteurs <strong>de</strong> voyageurs urbains, les ai<strong>de</strong>s-commerçantou « Ampombo 1 <strong>de</strong> « Mpivaro-damba » ou « Mpivaro-kena». Le terme concerne également les petits métiersinformels : marchand ambulant, « Mpatsaka rano » (porteursd’eau), femme <strong>de</strong> ménage, lavandière, etc.Le paiement du salaire est extrêmement variable : parjour, tous les <strong>de</strong>ux mois, à l’occasion d’un congé pour assisterun événement familial. Mais, en général les patronsrèglent les sol<strong>de</strong>s <strong>de</strong> tout compte lors <strong>de</strong> départ définitifdu salarié. C’est le cas <strong>de</strong>s salariés en internat (femme <strong>de</strong>ménage à domicile, ai<strong>de</strong>-commerçant, etc.). Cette modalité<strong>de</strong> paiement peut être bénéfique pour les salariésqui parviennent ainsi à économiser presque la totalité <strong>de</strong>leur salaire. Ces salariés informels viennent souvent <strong>de</strong> lacampagne. Leur travail constitue le seul moyen d’intégrerla vie citadine. Ainsi, la longévité aux côtés d’un seulpatron leur a permis d’appréhen<strong>de</strong>r et <strong>de</strong> s’acclimater aumo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie citadin, voire <strong>de</strong> gravir les échelons (receveurqui dévient chauffeur, etc.).<strong>Les</strong> petits métiers informels sont occupés majoritairementpar <strong>de</strong>s femmes. La satisfaction <strong>de</strong>s besoins duménage en constitue le principal débouché. Ils fontsouvent l’objet d’opérations <strong>de</strong> déguerpissement. Or, enl'absence <strong>de</strong> débouchés et en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crise, ces métiersse révèlent comme un mo<strong>de</strong> d’insertion privilégié quiimplique un ancrage territorial. Il arrive souvent que certainsclients paient à crédit la prestation ou inversementle prestataire adopte son service selon la possibilité <strong>de</strong>sclients (par exemple huile alimentaire vendue en centilitre,plat vendu selon la taille <strong>de</strong> l’assiette, etc.). En effet,ces petits métiers sont un véritable trait d’union qui tisseles liens sociaux entre les habitants.1 – Littéralement « son <strong>de</strong> riz », terme utilisé par les ai<strong>de</strong>-commerçantspour désigner avec autodérision leur situation polyvalente (factotum) etleur statut salarié sous les ordres <strong>de</strong> leur patron.Lavandières à côtédu lac d’Anosy


LoméLA REVENTE DES MÉDICAMENTSComme tous les autres petits métiers, la vente <strong>de</strong> médicaments est une activité très répandue sur leterritoire togolais.33Ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> médicamentsambulantsBien qu’étant déconseillé à la population, nombreux sontceux qui continuent par faire l’achat <strong>de</strong> ces médicamentsqui sont largement moins chers en rapport à ceux <strong>de</strong> lapharmacie. « Avec 100F je peux m’acheter un médicament<strong>de</strong> maux <strong>de</strong> tête, contre 1000F voire 2000F pour unmédicament en pharmacie », explique une cliente.Témoignage d’une reven<strong>de</strong>use« Avec 200F ou 500F je peux vous faire une combinaison<strong>de</strong> produits, ce qui n’est pas faisable à la pharmacie. Enplus ça guérit tout comme ceux <strong>de</strong> la pharmacie. Nousachetons ces produits fabriqués le plus souvent au Nigériaet au Ghana, au grand marché <strong>de</strong> Lomé. (…..) Mêmecertains ont du mal à payer ces médicaments moins cher,parce qu’étant très pauvres. »D’où viennent ces médicaments ?Ces médicaments fabriqués au Ghana et au Nigéria sontdans la majorité <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong>s produits propres à ces pays,avec <strong>de</strong>s compositions moléculaires qui ne sont pastrès éloignés <strong>de</strong>s produits pharmaceutiques. S’il est vraique dans le passé ces produits étaient contrefaits, cesmédicaments sont actuellement fabriqués par <strong>de</strong>s centresautorisés au Nigéria et au Ghana, et sont utilisés le plussouvent dans les hôpitaux, notamment au Ghana. Cesproduits portent tout comme ceux <strong>de</strong> la pharmacie <strong>de</strong>sdates <strong>de</strong> péremption.La vente <strong>de</strong>s médicaments informels est-elle autorisée?Quelques années plus tôt au Togo, la vente <strong>de</strong> médicamentsau marché ou aux abords <strong>de</strong>s rues, était interditepar l’État togolais, qui considèrent cette activité commeune activité à risque. Un agent médical donnant sonavis sur la question estime que « la réaction <strong>de</strong> l’Etat estnormale ; d’autant plus que le plus souvent la posologie etla nature du médicament sont méconnues <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urset ven<strong>de</strong>uses ». Ce que réfute une reven<strong>de</strong>use soutenantla thèse selon laquelle, ces médicaments sont accompagnésle plus souvent <strong>de</strong> notices leur permettant <strong>de</strong> savoirquelle dose est conseillée aux patients. Le constat actuel,est qu’il n’existe plus <strong>de</strong> poursuite poussée contre cesreven<strong>de</strong>urs et reven<strong>de</strong>uses ; ils circulent et ven<strong>de</strong>nt sansproblème leurs marchandises. Selon les propos d’unereven<strong>de</strong>use, « l’Etat considère que ces médicamentssoulagent d’une manière ou d’une autre la population,vu le cout très bas et l’efficacité notée. Au Ghana, ce sontces produits qui sont même prescrits à l’hôpital. Commele Togo n’en produit pas on continue à prescrire <strong>de</strong>smédicaments européens qui sont malheureusement tropchers ».Auto médication ou conseil <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin ?Il est vérifié que la quasi-totalité <strong>de</strong>s clients <strong>de</strong> ces reven<strong>de</strong>ursprocè<strong>de</strong>nt à l’auto médication avec les conseils <strong>de</strong>leurs reven<strong>de</strong>urs considérés indirectement comme <strong>de</strong>smé<strong>de</strong>cins. En effet, ils viennent expliquer leur malaiseaux reven<strong>de</strong>urs dans le cas <strong>de</strong> maux <strong>de</strong> tête, <strong>de</strong> ventre etc.et ceux-ci leur conseillent quelques produits.


34 AccraORIGINE DES GROUPEMENTS CULTURELS À ACCRAOn appelle « communauté culturelle » un regroupement d’habitants informels sur la base <strong>de</strong> l’ethnie,du langage, <strong>de</strong> l’habitus social et <strong>de</strong>s pratiques économiques.<strong>Les</strong> communautésculturellesprocurent unesécurité essentielleaux femmesIl est fréquent <strong>de</strong> rencontrer à Accra <strong>de</strong>s quartiers oùune communauté d’habitants <strong>de</strong> même ethnie travaille à<strong>de</strong>s activités proches, dans une même chaîne <strong>de</strong> valeur.Pour cette étu<strong>de</strong>, appelons « communauté culturelle »un regroupement d’habitants sur la base <strong>de</strong> l’ethnie, dulangage, <strong>de</strong> l’habitus social et <strong>de</strong>s pratiques économiques.L’origine <strong>de</strong>s groupements culturels découle directementdu type d’activités du secteur informel. La communautéla plus fréquemment i<strong>de</strong>ntifiable à Accra est celle <strong>de</strong>sporteuses <strong>de</strong> marchandises ou « Kayaye » qui proposentleurs services dans et autour <strong>de</strong>s zones commerciales. Laplupart d'entre elles sont originaires du nord du Ghana.<strong>Les</strong> Kayaye interrogées sont souvent venues <strong>de</strong>s régionsNord, avec une prédominance <strong>de</strong>s ethnies Dagombi etDagbani. Elles ont quitté leur foyer pour chercher dutravail au Sud, en ville à Accra, Kumasi ou Takoradi. Laplupart <strong>de</strong> ces femmes ont entre 16 et 24 ans, scolariséesjusqu’en classe <strong>de</strong> Première ou <strong>de</strong> Terminale. Certainesparlent <strong>de</strong> leur migration à Accra comme d’une aventure,d’autres comme un moyen <strong>de</strong> survie, ou encore commeleur seule option pour faire quelque chose <strong>de</strong> leur vie,dans un pays où la carrière <strong>de</strong>s femmes est limitée parl’absence <strong>de</strong> moyens, <strong>de</strong> formation ou d’éducation, parl’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> se marier et d’enfanter jeune, parfois par lafaim et la pauvreté. <strong>Les</strong> communautés culturelles les ai<strong>de</strong>ntpour s’installer en ville et y prospérer.L’influence <strong>de</strong>s groupements culturels se fait égalementsentir dans la nourriture <strong>de</strong> rue. Il est fréquent que <strong>de</strong>sindividus issus d’une même ethnie fassent commerced’un certain type <strong>de</strong> plat typique <strong>de</strong> leur région. Ainsi, lesfemmes du nord du Ghana tiennent <strong>de</strong>s étals <strong>de</strong> rue dansle secteur informel sur lesquels elles préparent et ven<strong>de</strong>ntle « waakye » (riz brun), spécialité locale, tandis que leshommes <strong>de</strong>viennent souvent bouchers.Dans la ville informelle, les individus se tournent versla communauté culturelle pour les représenter dansleurs <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s quotidiennes pour l’accès au crédit, àla formation, aux services <strong>de</strong> soin, et à toute ressourcequi manque à leur subsistance ou leur environnement.<strong>Les</strong> communautés sont facilement i<strong>de</strong>ntifiables, ce quifacilite le travail <strong>de</strong>s institutions publiques et privées avec<strong>de</strong>s groupes qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt leur ai<strong>de</strong>. Ces groupementsprocurent également aux habitants une certaine sécuritésocio-économique, car les membres expriment d’unelangue commune leurs ambitions similaires.<strong>Les</strong> communautés culturelles procurent une sécuritéessentielle aux femmes. Ainsi, les Kayaye vivent et travaillentensemble près <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> marché. En raison<strong>de</strong> leur vulnérabilité au quotidien et <strong>de</strong>s sévices diversqu’elles peuvent subir, il est préférable pour elles <strong>de</strong> rejoindreune communauté. <strong>Les</strong> groupements culturels, enfin,permettent aux migrants <strong>de</strong> faire vivre ou <strong>de</strong> préserverleur culture, notamment dans la nourriture et lespratiques <strong>de</strong> sociabilité. La variété <strong>de</strong>s habitants d’Accracrée un climat accueillant pour y vivre et y travailler ; etil est d’autant plus facile pour un migrant <strong>de</strong> s’installeren ville quand quelqu’un <strong>de</strong> sa propre ville l’accompagnepout trouver un logement ou un emploi.


LoméLOMÉ, VILLE FRONTIÈRELa ville <strong>de</strong> Lomé est une <strong>de</strong>s villes-capitales <strong>de</strong> la mégalopole Abidjan-Lagos longue <strong>de</strong> 860 Km(Abidjan-Accra-Lomé-Cotonou-Lagos). La proximité directe <strong>de</strong> la frontière avec le coeur <strong>de</strong> la villeest source d’échanges spécifiques.35Vue aérienne <strong>de</strong>Lomé et localisation<strong>de</strong>s postes <strong>de</strong>douanesposte frontière Aflao(franchissable à pied et véhiculé)postes <strong>de</strong> douane(franchissable à pied)frontière Ghana/Togo=5000 FCFA 15 GHANA CEDISLa capitale est marquée par la frontière entre le Ghanaet le Togo. La vue aérienne <strong>de</strong> cette coupure est d’ailleurssurprenante. Bien que surveillée, cette zone frontalièreest le support <strong>de</strong> beaucoup d’échanges entre les <strong>de</strong>uxpays. Pour la transgresser, il s’agit <strong>de</strong> connaître les co<strong>de</strong>s.L’emprise du peuple <strong>de</strong>s Ewés (le plus présent au Togo) sesitue sur la frontière Ghana/Togo. Plusieurs villages ontainsi été partagé par la frontière lors <strong>de</strong> la colonisation.Aux abords <strong>de</strong> la frontière, le paysage est délaissé. Depuisle forçage <strong>de</strong>s frontière par le Ghana, les <strong>de</strong>ux pays ontcessé tout effort <strong>de</strong> partenariat et d’aménagements communs.Le Ghana (<strong>de</strong>vise Cedis) a une économie plus forteque celle du Togo (<strong>de</strong>vise FCFA). La frontière offre <strong>de</strong>savantages d’accès aux services. Le traitement du courrier,les compagnies téléphoniques sont plus intéressants auGhana.L’unique « poste-frontière » franchissable en véhiculesà moteur est à Aflao, près <strong>de</strong> la mer. D’autres postes <strong>de</strong>douanes sont positionnés le long <strong>de</strong> la frontière, près<strong>de</strong>s passages, sur 16km. A ces postes, il est possible <strong>de</strong>passer en tant que piéton mais on ne peut pas franchirces postes <strong>de</strong> douane si on est véhiculé. Le passage <strong>de</strong> lafrontière est informel au sens où les traversants ne payentpas tous le même tarif. Pour passer d’un pays à unautre, il faut parfois présenter son visa, parfois non, payerl’équivalent <strong>de</strong> 10-15 euros, ou non, selon le profil.Pour traverser les frontières, le savoir-parler (les langues),la manifestation <strong>de</strong> différentes appartenances, permettent<strong>de</strong> contourner la corruption. On peut parler d'un « savoirfaire<strong>de</strong> la transgression <strong>de</strong> la frontière ». La frontièren’est pas nécessairement une scission mais plutôt unezone d’i<strong>de</strong>ntification citadine. Un étudiant du Togo peutfeinter en saluant simplement les douaniers d’un simple« I’m a stu<strong>de</strong>nt ». Chaque jour, <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>uses informellesdu Ghana viennent vendre vêtements, fruits et légumesau Togo et ne payent pas la douane.La frontière a scindé en <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> nombreux villages etmalgré cela les villageois se visitent encore. De plus,certaines parties <strong>de</strong> villages au Ghana sont plus proches<strong>de</strong> Lomé que <strong>de</strong>s villes du Ghana, les habitants viennentdonc s’approvisonner et profiter <strong>de</strong>s services urbainsau Togo plutôt qu’au Ghana. <strong>Par</strong>fois entre les postesfrontières du Ghana et du Togo <strong>de</strong>s frontières informellessont installées par les <strong>jeunes</strong> <strong>de</strong>s quartiers dans l’espoir <strong>de</strong>se faire quelques sous si toutefois un badaud acceptait <strong>de</strong>rentrer dans leur jeu.Malgré une apparente perméabilitée, la surveillance <strong>de</strong>la frontière est organisée. <strong>Par</strong> exemple, les douaniers nesavent jamais du jour au len<strong>de</strong>main à quel poste ils ironttravailler.espace délaisséprès <strong>de</strong> la frontièreposte-frontière Aflao


36ARTICLELoméPETITS MÉTIERS DE L’INFORMEL À LOMÉQuels sont ces métiers qui peuplent les rues <strong>de</strong> Lomé ? Quelle est leur action sur la ville ?Comment survivent-ils à la concurrence et à la précarité ? Quel est leur stratégie d'expansiondans la ville ? Comment changent-ils notre perception du quartier ? Quelle nouvelledimension offrent-ils au passant ?répartitionsectorielle <strong>de</strong>l'emploi informelCaractéristiquesdémographiques<strong>de</strong>s actifs informelsLe promeneur loméen, qu’il soit né dans la capitale ou<strong>de</strong> passage, ne peut que constater que les petits métierssont partout, dans les quartiers, sur la route, dans la rue,sur le trottoir, dans les maisons, dans les cours… Ce sontles observations informelles <strong>de</strong> ce promeneur qui serontconsignées dans cet article (enrichies <strong>de</strong> quelques chiffres,références ou notes d’observateurs plus savants).28%23%49%60% <strong>de</strong>femmes35% <strong>de</strong> <strong>jeunes</strong><strong>de</strong> moins <strong>de</strong>26 ansindustriecommerceserviceOn constate donc que la plupart <strong>de</strong>s petits métierss’exercent dans la rue. C'est là en effet qu’on trouvele client. <strong>Les</strong> sens <strong>de</strong>s passants sont donc en permanencesollicités par cette masse <strong>de</strong> travailleurs. On l’avu précé<strong>de</strong>mment (Chapitre 1), certains font un travail<strong>de</strong> signalétique quand l’objet du commerce se trouve àl’intérieur d’une maison (les bouteilles d’essence, le bâtonavec la calebasse pour les bars informels vendant <strong>de</strong> labière fait maison…). A ces signes presque invisibles pourle néophyte s’ajoute l’omniprésence <strong>de</strong> tous ces travailleurs,dans la rue, dans le quartier, <strong>de</strong>vant nous, <strong>de</strong>rrièrenous.L’ouïe est aussi attirée. On pensera au « clap clap » <strong>de</strong>scordonniers qui tapent avec leur brosse sur un coffreen bois, aux coiffeurs qui font entendre le bruit <strong>de</strong> leursciseaux, aux petites marchan<strong>de</strong>s <strong>de</strong> beignets qui répètentcanclo, canclo, canclo, canclo (le nom <strong>de</strong>s dits beignets)ou encore au vrombissement <strong>de</strong>s motos <strong>de</strong>s zémidjans.Tout est bon pour attirer le client (l’occasion faisantparfois le larron, mieux vaut <strong>de</strong> se faire entendre). Unpaysage sonore se <strong>de</strong>ssine alors. Auquel s’ajoutent <strong>de</strong>so<strong>de</strong>urs, celles qui émanent <strong>de</strong>s cuisinières <strong>de</strong> la rue, lalour<strong>de</strong> o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> bière <strong>de</strong>s bars inventés, celle, pénible, <strong>de</strong>l’essence frelâtée. Seuls le toucher et le goût ne sont pas apriori sollicités. Pour cela, il faut consommer, échanger,acheter, goûter, marchan<strong>de</strong>r…Quoiqu’il en soit, la présence <strong>de</strong>s petits métiers transfomentla ville et l’enrichissent. Le trottoir, qui ne peut êtrequ’un lieu <strong>de</strong> passage, <strong>de</strong>vient un lieu d’échange. Le passants’arrête pour manger. On peut se faire coiffer en bord<strong>de</strong> route, discuter les prix d’un foulard à un feu rouge,entrer dans une cours pour acheter l’eau d’un puit oud’un forage privé. La ville est re<strong>de</strong>ssinée. Une simplicitédu comportement, facilite peut-être les échanges et font<strong>de</strong> nos trottoirs <strong>de</strong>s espaces en permanence animés. Unenouvelle géographie <strong>de</strong> la ville prend presque forme, àpeine perceptible, très physique. Seul le marcheur encapte les essences. Au fur et à mesure <strong>de</strong> son errance,elles se succè<strong>de</strong>nt, elles se mêlent parfois. La mémoire enprend note une fois, peut-être <strong>de</strong>ux et finit par reconnaîtreinconsciemment <strong>de</strong>s lieux grâce au travailleur <strong>de</strong> nostrottoirs.statut salarial<strong>de</strong>s actifs informelsAuto emploiNon salarialeSalarialeMixteDéfinition : Le secteur informel est officiellementdéfini comme « un ensemble d’unités produisant<strong>de</strong>s biens et <strong>de</strong>s services en vue principalement <strong>de</strong>créer <strong>de</strong>s emplois et <strong>de</strong>s revenus pour les personnesconcernées. Ces unités, ayant un faible niveaud’organisation, opèrent à petite échelle et <strong>de</strong> manièrespécifique, avec peu ou pas <strong>de</strong> division entre le travailet le capital en tant que facteurs <strong>de</strong> production […] »(BIT, 1993).


37De gauche à droite,<strong>de</strong> haut en bas<strong>de</strong>s clientesdégustants leur plat<strong>de</strong> komcuisine <strong>de</strong> rue (<strong>de</strong>sbananes plantainsen train <strong>de</strong> frire)bouteilles rempliesd’essence quisignale la vented'essence dans unemaisoncuisine <strong>de</strong> rue(igname frit –koliko)signalétique <strong>de</strong>bord <strong>de</strong> routeEleonora à dos <strong>de</strong>Zemidjan.Le premier «secteur» pourvoyeur d’emploi à LoméComme il a été dit ci-<strong>de</strong>ssus, les petits métiers sont partout.A l’heure actuelle, il existe à Lomé environ 210 000UPI (Unité <strong>de</strong> Production Informelle). Ce sont elles quiconstituent en gran<strong>de</strong> majorité l’informel. Pour être plusprécis, on ajoutera que ce sont <strong>de</strong>s « entreprises familialesou individuelles non constituées en société mais celane signifie pas que toutes les entreprises familiales <strong>de</strong> cetype relèvent du secteur informel ». (source Afristat)). <strong>Les</strong>activités qu’elles exercent se divisent en trois branches :les activité <strong>de</strong> commerce qui représente presque la moitiédu secteur, les prestations <strong>de</strong> service (du mécanicien <strong>de</strong>sgrands axes routiers au coiffeur ambulant) et les activitésdu secteur industriel (par exemple celle du bâtiment ouagroalimentaire).Ce premier constat explique que le secteur informel soitle premier pourvoyeur d’emploi dans la capitale togolaise: 306 300 emplois avec une prédominance d'autoemplois.Aloys Mahwa dans son mémoire L’impact <strong>de</strong>l’auto emploi sur le chômage et la pauvreté au Camerounexplique que « l’expression auto-emploi met un accent surla dimension réflexive où l’employé comme l’employeurdésigne une même personne physique. ». Cependant,on trouve aussi <strong>de</strong>s salariés, <strong>de</strong>s apprentis et surtout <strong>de</strong>sai<strong>de</strong>s familiaux (<strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> la famille, souvent plus<strong>jeunes</strong> collaborent à l’activité, principale source <strong>de</strong> revenu<strong>de</strong> la famille). La taille moyenne d’une UPI est <strong>de</strong> 1, 5personnes. Seul 7 % d’entre elles emploient plus <strong>de</strong> troispersonnes.La plupart <strong>de</strong>s acteurs du secteur informel sont <strong>de</strong>sfemmes ou <strong>de</strong>s enfants. Certains sont allés à l’école oumême à l’université, d’autres sont <strong>de</strong>s travailleurs <strong>de</strong>l’informel <strong>de</strong>puis leur enfance. L’économie informelle estégalement qualifiée d’économie populaire. Elle constitueun mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie, voire <strong>de</strong> survie, d’une populationurbaine. Elle permet la satisfaction <strong>de</strong> besoins fondamentaux: se nourrir (soi et sa famille), se loger, se vêtir,se former, se soigner, se déplacer. Le salaire moyen est<strong>de</strong> 21 000 Franc CFA (soit environ 32 euros) pour unmois en travaillant 48 heures par semaine ; le minimumpour subvenir à ses besoins primaires. Ce salaire minimes’explique par la faiblesse <strong>de</strong>s coûts <strong>de</strong> l’offre proposée.Le promeneur peut se nourrir, se vêtir, se faire coiffer,réparer ses chaussures pour environ 2 000 francs CFA (3euros)…Des histoires d’argentLe salaire d’un travailleur informel est certes faible, maissi l’on additionne la masse <strong>de</strong>s travailleurs et le nombred’UPI cela représente une importante somme. Ainsi,l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la production, <strong>de</strong> l’insertion et <strong>de</strong> la concurrencemontre que le secteur informel à Lomé peut réaliserun chiffre d’affaires annuel <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 250 milliards<strong>de</strong> F CFA. Cinquante six pour cent <strong>de</strong> ce chiffre revient àla branche commerce qui contribue à 57 % <strong>de</strong> la création<strong>de</strong> la valeur ajoutée annuelle.En revanche, ce secteur contribue peu aux dépensespubliques locales liées à l’urbanisation (eau, électricité,voirie…). De nombreuses activités <strong>de</strong> l’informel ne sontpas ou peu assujetties aux impôts et taxes ; la valorisationfoncière est très peu taxée, tandis que les impôts locauxne sont pas payés régulièrement. Il en résulte que les collectivitéslocales disposent <strong>de</strong> budgets qui ne reflètent enaucun cas le dynamisme économique <strong>de</strong>s villes.Comment se financent les petits métiers ?L’épargne, le don ou l’héritage contribuent à 94 % du financementdu capital dans le secteur informel. On noteraà cette occasion le sytème <strong>de</strong>s tontines, circuit financierinformel, qui permet à <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> Togolais <strong>de</strong> bénéficier<strong>de</strong> microcrédits. D'après le GDRC (Global DevelopmentResearch Center), « la forme la plus élémentaire<strong>de</strong> la tontine consiste en une formule mixte d’épargne et<strong>de</strong> crédit qui fonctionne comme suit. <strong>Les</strong> participantsversent régulierement <strong>de</strong>s cotisations <strong>de</strong> montant fixe àun fonds commun qui est distribué tour à tour à chacun<strong>de</strong>s membres, <strong>de</strong>signé en general par tirage au sort.Quand chaque membre a recu le fonds une fois, le cycledoit normalement recommencer. Il faut noter que le premiermembre à recevoir le fonds bénéficie d’un prêt sansintérêt, tandis que le <strong>de</strong>rnier à le recevoir épargne toutau long du cycle sans être rémunéré (voire même un tauxd’intérêt négatif si l’inflation est forte) pour toucher à lafin le même montant qu’il aurait accumulé en épargnant


38AvantagesPermet aux gens d'éviter le chômageOffre un service <strong>de</strong> proximitéFaiblesse <strong>de</strong>s prix car aucune taxe à payer sur lebénéfice <strong>de</strong>s ventes95% <strong>de</strong> la population préfèrent le secteur informel :toutes les tranches <strong>de</strong> la population s'y fournissentInconvénientsTrop gran<strong>de</strong>s concurrences <strong>de</strong>s UPI entre elles (effet<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>, diversité minime <strong>de</strong> l'offre)Locaux inadaptésDifficulté voir quasi impossibilité <strong>de</strong> réaliser unempruntGran<strong>de</strong> précarité <strong>de</strong>s conditions d'activités (pas<strong>de</strong> protextion sociale, d'horaires <strong>de</strong> travail, faiblerénumération, etc.)Précarité<strong>de</strong>s conditons<strong>de</strong> travail100500% UPI disposantd'un téléphone% UPI disposantd'électricité% UPIdisposantd'eaurégulièrement à titre individuel. <strong>Les</strong> autres membres setrouvent, selon leur rang d’accès au fonds, en position <strong>de</strong>débiteurs ou <strong>de</strong> créditeurs : leur participation leur permetnéanmoins <strong>de</strong> bénéficier <strong>de</strong> la somme totale plus tôt ques’ils avaient épargné par eux-mêmes. ». Enfin, 6, 4 % <strong>de</strong>sUPI ont contracté <strong>de</strong>s emprunts chiffrés à 3, 4 milliards<strong>de</strong> F CFA en 2001 qui servent à l’achat <strong>de</strong> matières premièresdans 25, 5 % <strong>de</strong>s cas.<strong>Les</strong> avantages et inconvénients <strong>de</strong>s emplois informelsOn constate que les travailleurs <strong>de</strong> l’informel sont confrontésà certain nombre <strong>de</strong> difficultés dans l’exercice <strong>de</strong>leur activité. Comme ces structures sont hors du contrôle<strong>de</strong> l’Etat, il n’y a aucune réglementation qui protège lestravailleurs qui ne disposent que rarement <strong>de</strong> conditionsoptimales pour exercer leur profession : pas <strong>de</strong> pause réglementaire,d’horaires parfaitement définies, <strong>de</strong> congéspayés ni <strong>de</strong> retraites… En outre, il n’y a aucun organe quipermette <strong>de</strong> réguler l’apparition <strong>de</strong>s UPI et le secteurdans lequel elles excercent. Aucun brevet ne peut êtredéposé. La concurrence est donc ru<strong>de</strong>. Une bonne idéeest vite reprise ; l’exclusivité disparait rapi<strong>de</strong>ment. A tousces désavantages se greffent <strong>de</strong>s avantages. <strong>Les</strong> UPI nepaient pas d’impôt et disposent d’une très gran<strong>de</strong> liberté.La plupart <strong>de</strong>s gens s’arrêtent et consomment. Enfin,ne l’oublions pas, le secteur informel permet d’éviter lechômage et est le premier pourvoyeur d’emploi à Lomé !Une offre qui satisfait tous nos besoins% UPIsans localPremier pourvoyeur d’emploi mais aussi premier secteurà satisfaire tous les désirs du promeneur ! On peut trouverdans la rue : service <strong>de</strong> proximité, table pour dîner, activité<strong>de</strong> commerce… Nous avons préalablement constatéque les trois quarts <strong>de</strong>s petits métiers étaient dédiés aucommerce (ven<strong>de</strong>uses <strong>de</strong> vaisselle, vêtements, baskets,ven<strong>de</strong>ur d’essence, cuisine <strong>de</strong> rue) ou à l’offre d’un service(coiffeur, zemidjan, portefaix, cordonnier, mécanicien<strong>de</strong>s grands axes…). Il est intéressant <strong>de</strong> noter que lespremiers doivent investir en permanence dans la matièrepremière alors que les seconds n’ont que leurs outils àporter (certes à renouveler <strong>de</strong> temps en temps).On peut chercher à distinguer les UPI à travers d'autrescritères, qui frappent le marcheur. Certains travailleurssont mobiles et parcourent la ville à la recherche <strong>de</strong> la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> : les ven<strong>de</strong>urs ambulants, les coiffeurs. D’autresatten<strong>de</strong>nt en <strong>de</strong>s lieux stratégiques que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s’offre à eux : les maisons qui reven<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’essence surles grands axes routiers, certains ven<strong>de</strong>urs avec unequantité importante <strong>de</strong> marchandises, tous s’installantautour d’axes stratégiques comme les église, les école, lesmarchés, les axes routiers. Ils <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s familiersdu lieu. En les voyant, on sait déjà où l’on est. S’ils sontabsents, on s’inquiète. Enfin, certains allient les <strong>de</strong>ux stratégies: les ven<strong>de</strong>uses <strong>de</strong> beignets à la banane restent fixeset leurs petites filles sillonnent les quartiers. On constatedonc que certaines UPI exercent leur activité à l’intérieur<strong>de</strong>s quartiers et d’autres sur les grands axes routiers (onpeut même les interpeller <strong>de</strong>puis une voiture).Il semblerait aussi que ces activités soient, certes, permanentespour certains, mais aussi occasionelles pourd’autres : activité saisonnière / activité occasionnelle /activité en plus. <strong>Les</strong> petites ven<strong>de</strong>uses <strong>de</strong> canclo ne travaillentque pendans les vacances scolaires. <strong>Les</strong> portefaix(les porteuses du grand marché), rentrent chez elles pourai<strong>de</strong>r aux travaux <strong>de</strong>s champs, c’est donc une activitésaisonnière. D’une manière différente, certaines maisonsven<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’eau potable ou <strong>de</strong> l’essence frelâtée en plus<strong>de</strong> l’activité principale du chef <strong>de</strong> famille Enfin, certainsétudiants ou travailleurs du formel se transforment enzémidjan le soir pour arrondir leurs fins <strong>de</strong> mois.On peut aussi s’interroger sur la division sexuée dutravail. <strong>Les</strong> portefaix seront toujours <strong>de</strong>s femmes. Demême la cuisine <strong>de</strong> rue est féminine. <strong>Les</strong> dockers sont<strong>de</strong>s hommes ainsi que les cordonniers, les aiguiseurs <strong>de</strong>couteau ou les travailleurs du BTP. La population quiconstitue les Zemidjans est majoritairement masculine.Dans une société traditionnelle, il y a <strong>de</strong>s métiers <strong>de</strong>femmes et d’autres d’hommes (aussi bien dans le secteurformel que dans l’informel). Seul le secteur du commerce,<strong>de</strong>s échanges, déroge à la règle. La mixité y est établie,aussi bien quand il s’agit <strong>de</strong> ven<strong>de</strong>urs(euses) ambulant(e)sque <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs(euses) fixé(e)s en un point.<strong>Les</strong> petits métiers sont partout ! On les hèle, on s’assoitparfois à une table grâce à eux on entame une conversation.On peut tout simplement savoir qu’ils sont là, savoirqu’ils constituent notre quotidien, un paysage urbainvivant et qu’ils donnent vie aux trottoirs <strong>de</strong> la ville !


Se déplacerdans la villeinformelle41


42 OUAGADOUGOUMOBILITÉ URBAINE À OUAGADOUGOU : LA VILLE INFORMELLEPROMEUT LES MOYENS DE TRANSPORTS NON MOTORISÉSET LES TRANSPORTS COLLECTIFSles mo<strong>de</strong>s dominants <strong>de</strong> déplacement <strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s quartiers non lotis sont plus écologiques queceux <strong>de</strong>s quartiers lotis dominés par les moyens <strong>de</strong> transport motorisés (voitures, motos).Rue structurante <strong>de</strong>Watinoma/Noghin/BasnéréTaxis stationnésà l’arrêt <strong>de</strong> bus àBissighinLe moyen <strong>de</strong> transport dominant au sein du quartiernon loti <strong>de</strong> Watinoma/Noghin/ Basnéré est labicyclette et la marche à pied.Selon le chef <strong>de</strong> Basnéré : « un vélo-panier (vélo comportantun panier) coute 37.500 fcfa, c’est ce qui marche leplus ! Regar<strong>de</strong> et compte le nombre <strong>de</strong> vélos-paniers quipassent : un, un autre, voila encore un autre… je te l’avaisdit… Il y a <strong>de</strong>s familles qui ont plus <strong>de</strong> 6 vélos ici ! » Puisles engins à <strong>de</strong>ux roues motorisés. Le chef nous communiquele prix <strong>de</strong>s motos selon la marque les plus convoitéespar les rési<strong>de</strong>nts : « la Cripton coûte 425.000 fcfa,la Nanon, 375.000 fcfa et la Sirus, 450.000 fcfa ».<strong>Les</strong> transports en commun, en taxi et en autobusconstituent <strong>de</strong>s alternatives.En taxi : « De Watinoma/Noghin/Basnéré au goudron, oùse trouve l’arrêt <strong>de</strong> l’autobus, la course vaut 200 fcfa. Lacourse jusqu’à Roodwooko (grand marché <strong>de</strong> Ouagadougousitué au centre-ville) coûte 300 fcfa, donc pour l’allerretour il faut prévoir 1.000 fcfa ».En autobus, « la course fait 200 fcfa. Mais il faut rejoindrela station d’arrêt <strong>de</strong> l’autobus située à environ 5 km. <strong>Les</strong>rési<strong>de</strong>nts préfèrent donc les engins 2 roues, pour êtreindépendants ». (Propos du chef <strong>de</strong> Basnéré)Plusieurs conducteurs <strong>de</strong> taxi, rési<strong>de</strong>nt eux –mêmes,dans les quartiers non lotis.Témoignage d’un ven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> matériaux <strong>de</strong>construction à Watinoma/Noghin/BasnéréL’état <strong>de</strong>s voies<strong>de</strong>s quartiers nonlotis (à viabilisationfaible ouinexistante) ne favorisepas toujoursl’accessibilité <strong>de</strong>svéhicules, notammenten saisonpluvieuse.« Je possè<strong>de</strong> une moto Mate Jianche <strong>de</strong> secon<strong>de</strong>main <strong>de</strong>puis 5 ans qui m’a couté 250.000 fcfa. J’avaisun vélo à l’époque. <strong>Les</strong> déplacements en taxi sefont le matin et le soir, cela coûte 300 fcfa pour allerjusqu’au grand marché, ceci est un tarif négocié carle taximan habite le quartier, donc il fait ce tarif pourses voisins <strong>de</strong> quartiers. En moto, l’essence vendue« par terre » (au bord <strong>de</strong> la rue et non à la stationservice) coûte 400 fcfa pour ½ litre ; à la pompe lelitre coûte 700 fcfa. Il faut entre ½ et 1litre d’essencepour faire l’aller-retour Watinoma –Grand marché-Watinoma ».Certains taxis atten<strong>de</strong>nt leurs clients au niveau <strong>de</strong>sarrêts <strong>de</strong>s autobus.C’est le cas d’un conducteur <strong>de</strong> taxi <strong>de</strong> Bissighin qui, tasse<strong>de</strong> café en main déclare : « Je loge à Bissighin, <strong>de</strong>puis 2 ansje suis marié, j’ai 2 enfants (…) je fais le trajet Bissighin–grand marché <strong>de</strong> 06h00 à 20h00 ou 22h00, en fonction <strong>de</strong>la clientèle. Mais le soir chez nous il n’y a pas <strong>de</strong> clients.(…) Je profite <strong>de</strong> l’arrêt du bus pour prendre <strong>de</strong>s passagersà leur <strong>de</strong>scente L’autobus n’arrive pas… Je vais quandmême au marché… en espérant croiser <strong>de</strong>s clients sur letrajet ». Il démarre son taxi.


TUNISDE LA « NON VILLE » À LA VILLE, LE PARCOURSDU COMBATTANT DANS LES DÉPLACEMENTS QUOTIDIENSL’inadéquation évi<strong>de</strong>nte aujourd’hui <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> transport et leur inefficacité face aux flux <strong>de</strong> déplacements quotidiens<strong>de</strong>s quartiers informels vers la ville, témoigne <strong>de</strong> la nécessité d’actualiser les réseaux formels <strong>de</strong> déplacementmais aussi d’ai<strong>de</strong>r au développement <strong>de</strong>s réseaux parallèles.43N’ayant pas <strong>de</strong> moyen pour se déplacer, une gran<strong>de</strong> part<strong>de</strong> la population du quartier Mellassine quartier populairepéricentrale, a choisi son lieu <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce en fonction <strong>de</strong> saproximité aux différents centres <strong>de</strong> santé : hôpitaux, centresd’analyse etc.…beaucoup d’autres se sont installés dans cequartier en raison <strong>de</strong> sa proximité avec le centre et du faiblecoût <strong>de</strong> ses loyers. « J’ai loué dans ce quartier surtout pour saproximité <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> santé, pour ne pas avoir <strong>de</strong> problème<strong>de</strong> transport, vous comprenez ? Et en plus le prix <strong>de</strong> lalocation est <strong>de</strong> 40 dinars (20 euros), où est ce que tu pourraistrouver pareille prix, ailleurs ? … impossible ! …alors évi<strong>de</strong>mentj’ai pris cette maison. Ca fait <strong>de</strong>ux ans qu’on est là etdieu seul sait ce qui va se passer après tous ça… » (Si.hemed)Des prix excessivement bas et <strong>de</strong>s espaces réduits où seconfinent <strong>de</strong>s familles nombreuses composent le schémaclassique <strong>de</strong>s habitations du quartier Mellassine. En effet, ils’agit <strong>de</strong> familles présentant <strong>de</strong>s difficultés à se déplacer dansla ville notamment en raison du prix du transport. D’autantplus, lorsque la situation <strong>de</strong> handicap touche certainsmembres <strong>de</strong> la famille. Et, en dépit <strong>de</strong> la surface excessivementréduite <strong>de</strong> leur habitat, - par exemple Si.hemed habitedans un 10 m²-, les habitants définissent leur logement parle mot « maison » ce qui révèle la normalisation <strong>de</strong> ce typed’habitat dans les quartiers populaires péricentraux. <strong>Par</strong>micette population, la majorité bénéficie d’une ai<strong>de</strong> sociale <strong>de</strong>l’Etat d’une valeur qui varie entre 70 et 100 dinars (soit entre35 et 50 euros) par mois, selon les besoins <strong>de</strong> la famille. Et,cette somme s’avère inadaptée pour certaines familles quiremettent en question le système d’évaluation <strong>de</strong>s besoinsrégi, par les services sociaux.En effet, le choix rési<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong> cette population extrêmementpauvre - dont les ai<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’Etat suffisent à peine àcouvrir les dépenses médicales et celle du loyer- se structureen fonction <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong>s loyers.<strong>Par</strong> ailleurs, les quartiers périphériques présentent d’autresproblématiques autour <strong>de</strong>s déplacements quotidiens et <strong>de</strong>smoyens <strong>de</strong> transport. En effet, plus la ville se développedans une zone périurbaine, plus la question du transportse pose. Dans un pays où durant les 20 <strong>de</strong>rnières années, lapriorité a été donnée à la construction <strong>de</strong>s routes, autoroutes,échangeurs etc…, il n’est pas difficile <strong>de</strong> comprendreque dans l’espace <strong>de</strong>s mobilités, la voiture soit au premierplan. La place dominante <strong>de</strong> l’automobile sur les routes arendu impossible l’apparition <strong>de</strong> transports en commun plusefficaces tels que les bus en zones propres. <strong>Les</strong> transportspublics, pourtant très fréquentés ont connu <strong>de</strong> très faiblesmutations. Toutefois quelques opérations <strong>de</strong> renouvellementont étè mis en place durant les 10 <strong>de</strong>rnières années concernantles réseaux <strong>de</strong> mobilité et surtout l’exemple du trainléger. Aussi l’extension <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong> train vers Elmouroujet la banlieue ouest du grand Tunis, atteste d’une volonté<strong>de</strong> connecter les quartiers informels entre eux. Mais lerythme <strong>de</strong>s expansions urbaines dépasse les planifications <strong>de</strong>mobilité métropolitaine et cela entraîne une congestion <strong>de</strong>smoyens <strong>de</strong> transport public. En effet ces moyens <strong>de</strong> transportsont utilisés massivement lors <strong>de</strong>s différents déplacementsquotidiennes, <strong>de</strong> la périphérie vers le centre.Il est clair que ces quartiers populaires sont complètementdépendants du centre où se focalise « 50 % <strong>de</strong>s emplois »(M.Chabbi, 2005, P.233). <strong>Par</strong> ailleurs, On estime que 40 % <strong>de</strong>la population captive du grand Tunis utilise les transportscollectifs ce qui atteste le rôle central <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers dans lestransitions quotidiennes et ce, malgré la forte concurrence<strong>de</strong>s transports individuels. En outre, nous constatons qu’unemajorité <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong>s quartiers populaires péricentrauxs’adressent à ce foncier essentiellement pour éviter <strong>de</strong>prendre les moyens <strong>de</strong> transport. Nous avons aussi évoqué laquestion <strong>de</strong>s mobilités quotidiennes, sur un autre territoire,celui <strong>de</strong>s quartiers périurbains. Dans ce cas précis, il est clairque les moyens <strong>de</strong> transport sont incontournables. A titred’exemple, les moyens <strong>de</strong> transport font partie du quotidien<strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> Hayy Ettadhamen matérialisent les différentesconnexions entre le centre et les quartiers populaires<strong>de</strong> la zone ouest <strong>de</strong> Tunis.Selon l’âge <strong>de</strong> l’habitant et la direction qu’il souhaite atteindrele choix <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> transport sont divers. Eneffet, entre le covoiturage, le métro léger et le bus, un paneldiversifié s’offre aux habitants. Nous avons voulu savoir lesconditions exactes dans ces moyens <strong>de</strong> transport (fréquences,disponibilité, proximité, localisation, capacité etc…)« Pour venir à mon boulot à El Menzeh 8 <strong>de</strong>puis mon quartier,je marche jusqu’au quartier El Bassatine, c’est environ 15min et là je prends El Nakel El Rifi, le transport rural, il mefaut 45 min <strong>de</strong> transport pour y arriver… cette solution me vaaussi, pour l’argent, car cela me coûte nettement moins chercomme ça que autrement. » (Saber 2012)L’usage du transport rural, comme l’explique Saber, est une<strong>de</strong>s pratiques les plus fréquentes dans les quartiers populaires.<strong>Les</strong> déplacements se font dans <strong>de</strong>s petites camionnettesqui peuvent prendre en charge 6 à 7 personnes avecle conducteur. D’autre part, ce moyen <strong>de</strong> transport estextrêmement connu pour sa simplicité d’accès, sa rapidité<strong>de</strong> transfert, mais aussi pour le prix <strong>de</strong>s déplacements(extrêmement avantageux par rapport aux autres moyens<strong>de</strong> transport). Il n’en <strong>de</strong>meure pas moins que cette forme <strong>de</strong>covoiturage est <strong>de</strong>venue « im » populaire avec le temps surtoutauprès <strong>de</strong>s femmes et <strong>de</strong>s personnes âgées, qui le jugentdangereux. Pour justifier leur non adhésion, ces personnesrelatent <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts fatals connue du « Nakel El Rifi » pourlégitimer leur utilisation <strong>de</strong>s transports en commun.Pour conclure, nous dirons qu’une mise à jour <strong>de</strong>s donnéesdémographiques et sociales ainsi qu’une réflexion sur lesnouveaux flux <strong>de</strong> déplacements vers les pôles d’attractivités(bassins d’ emplois, infrastructures éducatives, administrativeset sanitaires) paraissent indispensables pourl’actualisation et la restructuration <strong>de</strong>s réseaux <strong>de</strong> transportspublics. D’autre part, ce qui nous interpelle c’est aussil’efficacité <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> transport informel qui semblecorrespondre parfaitement aux attentes <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong>ces quartiers. <strong>Par</strong> ailleurs, ce qui serait pertinent dans uneapproche renouvelée <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> transport, c’est <strong>de</strong>considérer ces solutions comme une source d’inspirationpour <strong>de</strong> nouveaux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> déplacement à l’échelle locale(quartiers ouest /quartiers nord….). Ainsi, cette approcheplus adéquate à la réalité, s’inscrirait dans une tentative décentralisante,contrairement à tous les moyens <strong>de</strong> transportspublic qui répon<strong>de</strong>nt en gran<strong>de</strong> majorité à <strong>de</strong>s logiques <strong>de</strong>déplacement ; quartier populaire/ centre-ville.


44NairobiCHOIX DE MOBILITÉ ET D’ACTIVITÉ DANS LA VILLE INFORMELLE :OPTIONS, DÉCISIONS, CONSÉQUENCES.Pratiques <strong>de</strong>mobilité et d’activitéinformellesLe Quartier <strong>de</strong>s Affaires (CBD) et le centre industriel<strong>de</strong> Nairobi sont <strong>de</strong>s zones d’emploi cruciales, ce que<strong>de</strong>viennent peu à peu les quartiers <strong>de</strong>s Westlands et <strong>de</strong>l’Upperhill. 60 % <strong>de</strong>s habitants rési<strong>de</strong>nt dans <strong>de</strong>s noyaux<strong>de</strong> peuplement informels répartis à travers la ville, et laplupart sont en <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport pour rejoindre leuremploi.Des étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> flux urbains à Nairobi révèlent que lamarche et le transport public sont les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> déplacementprincipaux. Ainsi, une enquête <strong>de</strong> la Banque Mondialeen 2002 établit que 65 % <strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nts d’Eastlandsrejoignent la zone industrielle, et 47 % rejoignent le CBD.Une secon<strong>de</strong> enquête révèle que 47 % <strong>de</strong> la populationadulte marche, 42 % utilise le transport public, 7 % possè<strong>de</strong>ou partage une auto, et 3 % utilisent une voiture <strong>de</strong>fonction. Le pourcentage <strong>de</strong> cyclistes est insignifiant. Lechoix du mo<strong>de</strong> est déterminé par son coût, sa commodité,sa fiabilité et sa vitesse.Ceci dit, pour tout mo<strong>de</strong>, la mauvaise conception <strong>de</strong>svoies <strong>de</strong> circulation oblige piétons, conducteurs, magasinset ven<strong>de</strong>urs à la sauvette à se disputer la voirie disponible.A Nairobi, il est « normal » qu’un piéton marcheau cou<strong>de</strong> à cou<strong>de</strong> avec les véhicules, et traverse les ruesau hasard. Le volume et le caractère imprévisible du traficren<strong>de</strong>nt le cyclisme très dangereux. L’image illustre uneséparation modale typique <strong>de</strong> l’espace public à Nairobi.<strong>Les</strong> « matatus » sont le premier choix <strong>de</strong> transport public.En 2002, 95 % <strong>de</strong>s matatus appartenaient à <strong>de</strong>s particuliers,bien que <strong>de</strong> récentes normes gouvernementalesobligent à les faire régulariser par la Société Coopératived’Epargne et <strong>de</strong> Crédit (SACCO). <strong>Les</strong> matatus offrent<strong>de</strong>s avantages notables – un secteur très innovant quiutilise l’art <strong>de</strong> rue et <strong>de</strong>s tactiques <strong>de</strong> marketing, quirebondit sur les politiques <strong>de</strong> régularisation, caractérisépar la flexibilité, l’accessibilité, et un coût abordable. <strong>Les</strong>matatus ont une licence pour circuler sur <strong>de</strong>s trajetsspécifiques. Le CBD est le point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> tous les trajets(codés – par exemple n°44 Githurai, n°23 Westlands,N°46 Kawangware). <strong>Les</strong> matatus ont cependant <strong>de</strong> sérieuxdésavantages – ils suivent un schéma radial le long<strong>de</strong>s artères <strong>de</strong> Nairobi, qui convergent toutes sur le CBD :il n’y a donc aucune connexion directe entre quartiersexcentrés. De plus, le billet coûte plus cher en heure<strong>de</strong> pointe, ce qui se ressent sur le budget <strong>de</strong>s ménages.Pour compenser cela, certains travailleurs choisissent<strong>de</strong> n’utiliser le transport public qu’une fois sur <strong>de</strong>ux, etmarchent le matin pour rouler le soir ou n’utilisent le busque la moitié du trajet selon la distance domicile-travail.<strong>Les</strong> prix fluctuent régulièrement, les trajets changent sanspréavis (le matatu ne s’arrête plus aux mêmes points),et les véhicules qui n’ont cure <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> circulationmettent leurs passagers en danger. Le prix du trajetdépend <strong>de</strong> l’heure (pointe, creuse), <strong>de</strong> la météo, ou <strong>de</strong>spénuries artificielles causées par <strong>de</strong>s contrôles officielssur le trajet ou dans le secteur. <strong>Les</strong> règles édictées par laville ou par l’Etat n’ont jamais été efficaces.Il y a un transport public à Nairobi. <strong>Les</strong> principales compagnies<strong>de</strong> bus sont Kenya Bus Services (KBS), DoubleM Services, City Hoppa et City Shuttle. Double M est laseule avec un semblant <strong>de</strong> service normalisé (politiquetarifaire fixe, respect <strong>de</strong>s arrêts prévus, terminus unique)– mais n’a aucune politique horaire. <strong>Les</strong> autres compagniessont <strong>de</strong>s hybri<strong>de</strong>s, moitié transport public et moitiématatus, ce que révèle l’absence d’horaires et <strong>de</strong> politiquetarifaire. Le rail, à Nairobi, est également emprunté pargrand nombre d’habitants qui font la navette <strong>de</strong>puisles taudis <strong>de</strong> Mukuru, Kibera, Dandora. Toutefois, lesservices ferroviaires sont peu fiables et d’une capacité trèslimitée. Ils restent très peu chers, notamment en heure <strong>de</strong>pointe.<strong>Les</strong> différents secteurs <strong>de</strong> l’économie informelle sontétroitement connectés avec les choix <strong>de</strong> mobilité urbaine.<strong>Les</strong> inventaires <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> gros circulent souventsur brouette (« mikokoteni »). Depuis l’arrivée <strong>de</strong> motos(boda bodas) peu chères importées d’In<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> Chine,ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport <strong>de</strong>vient plus populaire dans lapériphérie et les quartiers informels. <strong>Les</strong> motoristesrevendiquent leur efficacité (éviter les embouteillages) etleur flexibilité (déposer le client à sa porte). Faites pourun passager seulement, les boda bodas en transportentsouvent plus. La mortalité liée aux motos est toutefoisalarmante – notamment car elles ne bénéficient d’aucunevoirie réservée, et les motoristes ont souvent bien peud’expérience. <strong>Les</strong> règlements <strong>de</strong> sécurité peinent à êtreappliqués ; quant à l’assurance, c’est un luxe que peuse payent, et les passagers choisissent la boda boda aurisque <strong>de</strong> leur vie.L’extension suburbaine <strong>de</strong> Nairobi, et l’émergence <strong>de</strong>pôles d’emploi distincts du CBD, vont créer une <strong>de</strong>man<strong>de</strong>croissante pour un transport différent. Pouranticiper cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, le Rail Kenyan (corporationgouvernementale) s’engage sur un projet <strong>de</strong> trains <strong>de</strong>banlieue lourds dans Nairobi et une gran<strong>de</strong> partie duterritoire métropolitain. La construction <strong>de</strong> certaines stationsa déjà commencé. Cependant, il est probable que lesmatatus conservent leurs avance, grâce à leur flexibilitéet couverture plus large <strong>de</strong> la ville. Bien que les trains etles matatus sillonnent Nairobi, les foyers les plus pauvresont également le plus faible accès au transport. Il ne faitaucun doute que cette part importante <strong>de</strong> la populationbénéficierait d’un aménagement <strong>de</strong> transport adapté etplanifié à long terme, qui intégrerait à gran<strong>de</strong> échelle lespratiques <strong>de</strong> mobilité et d’activité <strong>de</strong>s habitants non motorisés.Le transport reste un enjeu majeur pour Nairobi.


AccraDIVERS MODES DE TRANSPORT<strong>Les</strong> tarifs <strong>de</strong>s bus et taxis sont supervisés par l’Union du Transport Routier Privé du Ghana (GPRTU).45Il n’existe pas <strong>de</strong>voie bus dédiéeAccra a développé <strong>de</strong> manière importante ses infrastructures<strong>de</strong> transport (en terme <strong>de</strong> construction routière)mais la typologie du transport urbains a très peu évoluéces <strong>de</strong>rniers dix ans. On peut distinguer, en ville, lesmo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transport publics (que gère le gouvernement)et privés (que gèrent <strong>de</strong>s particuliers) ; et les types <strong>de</strong>véhicules, du bus (Trotros) au taxi (cabs) en passantpar la mobylette, le transport ferré, et le vélo. Dans etautour <strong>de</strong>s zones commerciales majeures, les habitantschoisissent principalement <strong>de</strong> marcher. Il est fréquent <strong>de</strong>traverser à pied les larges quartiers <strong>de</strong> marché, en reliantles hubs d’activité commerciale.<strong>Les</strong> déplacements sont essentiels au succès d’activités socialeset économiques au quotidien. De fait, les coûts dutransport se ressentent dans le budget <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> laville informelle. Ceci les conduit à préférer le transportle moins cher (bus public) plutôt que le plus rapi<strong>de</strong> et leplus efficace (taxi). Ceux qui ne peuvent se payer le busse ren<strong>de</strong>nt au travail à pied ou à vélo. Le vélo n’est pasaussi populaire à Accra qu’il l’est dans le Nord du Ghana.Cet écart <strong>de</strong> popularité tient au fait que dans les villesdu Nord, les infrastructures routières en mauvais état nerelient les villes et villages alentours que sur <strong>de</strong> courtesdistances, et puisque peu <strong>de</strong> bus <strong>de</strong>sservent ces trajets, levélo est bien plus utile pour les déplacements quotidiens.A Accra, les bus couvrent <strong>de</strong>s trajets plus ou moins longentre la ville et sa périphérie. <strong>Les</strong> passagers embarquentà <strong>de</strong>s arrêts désignés en ville, et chaque quartier possè<strong>de</strong>un arrêt majeur. <strong>Les</strong> plus populaires sont la gare routièred’Accra (Tema station), Circle, Achimota, Madina,Kaneshie, Korle-bu et Lapaz. <strong>Les</strong> tarifs <strong>de</strong>s bus et taxissont supervisés par l’Union du Transport Routier Privédu Ghana (GPRTU). Le GPRTU coordonne à la fois lespropriétaires <strong>de</strong> véhicules privés, et leurs conducteurs. Cemo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport coûte entre 0, 4p GH et 0, 8p GH (0,21 à 0, 42$US) selon l’origine-<strong>de</strong>stination et selon l’arrêt<strong>de</strong> montée. Selon l’AMA, 90 % <strong>de</strong> la population urbainedépend du transport public (bus). Ces bus, selon la taille(du mini-van au car) peuvent accommo<strong>de</strong>r au minimum14 à 16 passagers. On trouve du transport informel surtoutes les routes, goudronnées ou non. L’étroitesse etl’état <strong>de</strong>s routes dans certains quartiers les ren<strong>de</strong>nt inaccessiblesau transport public lourd, et <strong>de</strong>s minibus font lanavette avec les arrêts majeurs <strong>de</strong>sservis.<strong>Les</strong> taxi apportent le plus grand confort mais <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ntle plus haut prix. Une autre alternative est la mobylette(connues comme Okada), un mo<strong>de</strong> illégal <strong>de</strong> transportqui ne se trouve que dans certaines parties <strong>de</strong> la villecomme Korle-bu et Jamestown. Korle-bu est à la foisquartier rési<strong>de</strong>ntiel et bidonville sûr ; Jamestown est unbidonville établi. <strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux quartiers ont <strong>de</strong>s routes enbon état. Ils abritent une population variée <strong>de</strong> fonctionnaires,travailleurs du secteur privé formel, pêcheurs, etartisans, etc. <strong>Les</strong> Trotros et Okadas y circulent sur lesmême trajets, avec les mêmes arrêts, que le réseau <strong>de</strong>bus. Accra possè<strong>de</strong> également un réseau ferroviaire –sous-développé – avec <strong>de</strong>s trains <strong>de</strong>puis Nsawam-Accraet Tema-Accra à 06h l’aller, 17h le retour. Le ferré estd’une gran<strong>de</strong> importance pour les habitants <strong>de</strong> la villeinformelle en périphérie d’Accra qui travaillent en centreville.Facilement accessible, le transport public possè<strong>de</strong> amènecependant <strong>de</strong>s contraintes. <strong>Les</strong> bus sont mal entretenuset tombent souvent en panne en pleine route, ce qui faitnaître retards et frustration. <strong>Les</strong> véhicules sont égalementmodifiés pour y ajouter <strong>de</strong>s sièges et donc <strong>de</strong>sclients, une modification dangereuse pour les passagersen cas d’acci<strong>de</strong>nt. <strong>Les</strong> conducteurs se dispensent parfois<strong>de</strong>s papiers ou du permis <strong>de</strong> conduire, et contribuent augrand nombre d’acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> circulation. Accra a reçu lamajorité <strong>de</strong>s investissements nationaux pour développerle réseau routier, et 41 projets majeurs ont vu le jour cetteannée, dont le plus populaire est le système Bus RapidTransport en construction.


46DakarLE MONDE DU TRANSPORT INFORMEL À DAKAR / UN TRANSPORTTOUT EN COULEUR / DIS MOI COMBIEN TU AS EN POCHEET JE TE DIRAI COMMENT TE DÉPLACER À DAKAR.Différents mo<strong>de</strong><strong>de</strong> transport encommun à Dakar.Dakar est une ville qui bouge, où l’on se déplace beaucoupet pour divers motifs. Pour cela les populationsempruntent souvent différents moyens <strong>de</strong> transport, etparmi les plus prisés l’offre informel est constituée pourla plupart par <strong>de</strong>s véhicules vieux <strong>de</strong> marques Merce<strong>de</strong>sappelés « Ndiaga Ndiaye 1 », du nom <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier et empruntéspar 25 % <strong>de</strong>s usagers <strong>de</strong>s transports. Ils sont constitués<strong>de</strong> 35 places assises. A coté <strong>de</strong>s « Ndiaga Ndiaye »,on a les « Cars rapi<strong>de</strong>s », véhicules <strong>de</strong> marques RenaultSG2, constitués <strong>de</strong> 23 places assises, qui font partie du« Patrimoine <strong>de</strong> Dakar » et sont le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transportle plus ancien et encore bien empruntés par 45 % <strong>de</strong> lapopulation <strong>de</strong> Dakar. <strong>Par</strong>tageant quelques itinérairesavec les lignes <strong>de</strong> transports publics, ils constituent uncomplément à ces <strong>de</strong>rniers et répon<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur côté à laforte <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en transport, avec une clientèle spécifiqueà chacun.Outre la capitale qu’ils <strong>de</strong>sservent les Ndiaga Ndiaye etassurent aussi une partie du transport entre Dakar et lesvilles <strong>de</strong> l’intérieur du pays, les cars rapi<strong>de</strong>s exceptionnellementlors <strong>de</strong>s grands événements religieux comme lemagal <strong>de</strong> Touba.Ils se singularisent par leur vieillesse, l’impru<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>sconducteurs, la surcharge en usagers en permanence, etle prix du déplacement qui peut être négocié. Ce transportse distingue par l’adaptation selon la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>susagers et leur <strong>de</strong>stination. Prendre les cars à Dakar requiertbeaucoup <strong>de</strong> patience à cause <strong>de</strong>s arrêts fréquentsqui peuvent durer <strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> minutes en fonction <strong>de</strong>l’endroit et <strong>de</strong> l’heure. Ces arrêts fréquents sont la résultantedu mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong>s cars qui prennentles usagers n’importe où sur la chaussée à la moindreinterpellation <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers, il en est <strong>de</strong> même pourceux qui arrivent à <strong>de</strong>stination qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt l’arrêt oùça les arrange.A mi chemin entre les transports en commun et les taxisclassiques, les « Taxis clandos », certes décriés par lesautres acteurs du fait <strong>de</strong> l’aspect clan<strong>de</strong>stin qui les a caractérises,ils sont tolérés par l’Etat qui est courant <strong>de</strong> leurs1^=Ndiaga Ndiaye était un grand transporteur qui a introduit les cars <strong>de</strong>types Merce<strong>de</strong>s, sur lesquels était mentionné son nom.activités, ils constituent une offre viable qui permet <strong>de</strong>faire face à l’énorme <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en transport <strong>de</strong> Dakar, etsont constitués <strong>de</strong> véhicules banalisés, en fin <strong>de</strong> vie, et quiparticipent à l’offre <strong>de</strong> transport. Et malgré leur caractèreclan<strong>de</strong>stin ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport est toléré par l’autoritéchargée du secteur du transport.Le choix du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport à Dakar <strong>de</strong>meure un exercicefacile du fait <strong>de</strong> la distinction <strong>de</strong>s différents mo<strong>de</strong>sou type <strong>de</strong> véhicules par leurs couleurs, qui sont pourelles <strong>de</strong>s i<strong>de</strong>ntités. <strong>Les</strong> « Cars rapi<strong>de</strong>s » se reconnaissentpar leurs couleurs jaunes et bleus assorties <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins et/ou quelques phrases. <strong>Les</strong> « Ndiaga Ndiaye » quant à euxsont <strong>de</strong> couleurs blanches, qu’elles partagent avec lesnouveaux minis bus <strong>de</strong> marque Tata ou King Long quisont assorties <strong>de</strong> bleues. A coté il y a les bus <strong>de</strong> la sociétéDakar Dem Dikk qui eux sont <strong>de</strong> couleur bleue assortie<strong>de</strong> jaune. De couleurs jaunes et noires au début pour lestaxis officiels, la gamme est aujourd’hui variée, avec <strong>de</strong>staxis jaunes, d’autres aux couleurs bleues. <strong>Les</strong> « taxisclandos » quant à eux constituent l’offre <strong>de</strong> transport sansdistinction colore, banalisée, parce que <strong>de</strong>vient taximenclandos qui veut, sans exigence aucune, même si laplupart <strong>de</strong>s conducteurs qui exercent dans ce secteur enont fait leur profession.Se déplacer avec peu d’argent en poche à Dakar est bienpossible, cela selon le moyen <strong>de</strong> transport emprunté, dontsouvent le car rapi<strong>de</strong> ou le taxi clando. Le déplacement entaxi jaune noir est facturée à partir <strong>de</strong> 500 francs pour lesplus courtes distances, la tarification est faite en fonction<strong>de</strong> la distance parcourue et se fait sur négociation parceque la facturation compteur n’existe plus dans les taxis,alors que le déplacement en taxi clando est facturé àpartir <strong>de</strong> 100 francs CFA (0, 15 euros) et dépasse rarement300 francs CFA (0, 50 euros). Avec les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>transport en commun formels les prix restent fixés parsection selon le trajet, ils commencent à 100 francs CFAet vont jusqu’à 350 francs CFA maximum. <strong>Par</strong> contreemprunter les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transports en commun informelcomme les « cars rapi<strong>de</strong>s » ou les « Ndiaga Ndiaye », c’estnégocier le coût du déplacement avec l’apprenti chargéd’encaisser l’argent selon ce que l’on a en poche. Même sipour toutes les distances <strong>de</strong>s prix standards sont fixés, ilsrestent négociables pour les usagers en fonction <strong>de</strong> leurpersuasion ou <strong>de</strong> la bonne humeur <strong>de</strong>s apprentis. <strong>Les</strong>négociations sur le prix se font souvent avant <strong>de</strong> monterpour éviter tout malentendu, ou bien une fois au moment<strong>de</strong> payer la course qu’on appelle « Passe ». La tarificationdans ces mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transport commencent à partir<strong>de</strong> 50 francs CFA et ne dépasse jamais 150 francs FCFAquelque soit la distance. Cette particularité <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong>transports informels, constitue un facteur <strong>de</strong> persistance<strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers surtout qu’avec les difficultés économiques,les emprunter et avoir la possibilité <strong>de</strong> négocier leprix <strong>de</strong> la course reste un bon moyen pour s’assurer sondéplacement sur les mêmes distances, à un prix négociépar rapport à ceux appliqués dans le mon<strong>de</strong> du transportformel et qui sont fixes.


DakarLE PARAMÈTRE SOCIOCULTUREL,UN ÉLÉMENT DE PERSISTANCE DES « CAR RAPIDE »47« Car rapi<strong>de</strong> » avecle nom <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxfigures religieuses(Khalifa Ababacar Syet Lamp Fall)<strong>Les</strong> « car rapi<strong>de</strong> » sont un élément incontournable du paysagedakarois et plus précisément <strong>de</strong>s transports en communurbain au Sénégal. Facilement reconnaissable à leurscouleurs jaune et bleu, ils sont présents principalementdans <strong>de</strong>ux villes sénégalaises : Saint Louis et Dakar, maisavec une présence plus marquée dans la capitale sénégalaise.Ce sont <strong>de</strong>s fourgons <strong>de</strong> marque Renault qui ont étéaménagés avec <strong>de</strong>s sièges parallèles disposés face à face etcommunément appelés « salon ». Un car rapi<strong>de</strong> standardcompte 23 places assises, mais il est très fréquent quece nombre soit dépassé et que le nombre <strong>de</strong> passagersatteigne la trentaine. Leurs modèles <strong>de</strong> bases sont laRenault Estafette, la Renault 1000kg et la SG2 dont lesdébuts <strong>de</strong> production se situent dans les années 1960.Cela renseigne <strong>de</strong> la vétusté <strong>de</strong> ces véhicules qui totalisent<strong>de</strong>s dizaines <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> kilomètres au compteur,mais continuent <strong>de</strong> rouler malgré d’énormes insuffisancestechniques. Cela est la cause <strong>de</strong>s fréquents acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> lacirculation dont ils sont les acteurs.En dépit <strong>de</strong> leurs inconvénients et <strong>de</strong> la volonté <strong>de</strong>spouvoirs publics <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rniser les transports publicsen les retirant du circuit, les « car rapi<strong>de</strong> » persistent.Pour comprendre cet état <strong>de</strong> fait il faut analyser les carsrapi<strong>de</strong>s sous un angle plus large, et voir ce qui les ancre sisoli<strong>de</strong>ment dans le système <strong>de</strong> transport urbain sénégalais.Plusieurs facteurs ou cause <strong>de</strong> leurs persistancepeuvent être trouvés comme les prix faibles qu’ils pratiquentpar rapport à leurs concurrents du secteur formelet l’efficacité du maillage territorial qu’ils effectuent,caractérisé par une flexibilité <strong>de</strong>s circuits <strong>de</strong> transport.Cependant un paramètre important d’analyse est souventnégligé à savoir les avantages et commodités qu’offrentles « car rapi<strong>de</strong> » et qui sont inhérents à l’environnementsocioculturel sénégalais. Nous appellerons l’ensemble <strong>de</strong>ces paramètres : « offre socioculturelle <strong>de</strong>s car rapi<strong>de</strong>s ».<strong>Les</strong> « car rapi<strong>de</strong> » <strong>de</strong> part leur configuration et leurmanière <strong>de</strong> fonctionner offrent <strong>de</strong>s commodités inexistantesdans les autres mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transports en commun.La décoration <strong>de</strong> l’intérieur <strong>de</strong>s « car rapi<strong>de</strong> » en est unexemple, il est le plus souvent tapissé d’images <strong>de</strong> gui<strong>de</strong>sreligieux et d’illustrations <strong>de</strong> la culture populaire sénégalaisecomme la lutte ou la musique. Dans un pays où lesmusulmans constituent prés <strong>de</strong> 90 % <strong>de</strong> la population, etoù la lutte est très populaire, les « car rapi<strong>de</strong> » prennentune dimension quasi spirituelle tant les usagers se reconnaissentdans cet environnement.Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport est majoritairement utilisé par <strong>de</strong>spopulations urbaines pauvres. Elles habitent les zonespériphériques <strong>de</strong> la capitale et effectuent <strong>de</strong>s mouvementspendulaires entre le centre ville et leurs zonesd’habitations. Cette frange <strong>de</strong> la population exerce <strong>de</strong>smétiers manuels et informels, comme la menuiserie, lamécanique, la vente ambulante etc. Dans leurs déplacementsprofessionnels ils utilisent les « car rapi<strong>de</strong> » car ilspeuvent y entrer avec leurs outils ou leurs marchandisesquelque soit l’encombrement <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers, alors queles transports mo<strong>de</strong>rnes sont assez restrictifs dans cesens. Il n’est pas rare <strong>de</strong> voir dans les « car rapi<strong>de</strong> » <strong>de</strong>spersonnes voyager avec <strong>de</strong>s animaux tels que <strong>de</strong> la volaille,<strong>de</strong>s ovins ou <strong>de</strong>s caprins. La possibilité <strong>de</strong> marchan<strong>de</strong>rle prix du transport dans les « car rapi<strong>de</strong> » est aussiun élément d’ancrage <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers dans le système <strong>de</strong>transport. En effet le marchandage est indissociable <strong>de</strong>la culture commerciale sénégalaise, <strong>de</strong> ce fait les clientsnégocient souvent le prix du transport avec l’apprenti quijoue le rôle <strong>de</strong> receveur dans les « car rapi<strong>de</strong> ». Ainsi onpeut voyager en « car rapi<strong>de</strong> » à partir <strong>de</strong> 50 francs CFA(0.07 euros).Cette gran<strong>de</strong> permissivité, en adéquation avec certainsbesoin liés à l’environnement socioculturel sénégalais estune gran<strong>de</strong> force <strong>de</strong>s « car rapi<strong>de</strong> » et renforcent leur persistance.Pour pouvoir les retirer du circuit <strong>de</strong>s transportsen commun, il faut songer à apporter une innovationsociale dans l’offre <strong>de</strong> transport formel mo<strong>de</strong>rne.


48Dakar« LES CLANDOS », ENTRE TOLÉRANCE DE L’ETAT, CONCURRENCEDÉLOYALE ENVERS LES TAXIS ET TOLÉRANCE DES POPULATIONS.Arrêt <strong>de</strong> taxis « clandos» à Dakar.On pourrait reconnaitre ces taxis clandos par la vieillesse<strong>de</strong> leur carrosserie, ils sont sans distinction colore particulière,et <strong>de</strong> toutes les marques qui ont pour la plupartexistée durant les années quatre vingt (80) et quatrevingt dix (90) et qui ne sont plus produites en usine. Leurdénomination <strong>de</strong> « taxi clandos », ils la tiennent du motclan<strong>de</strong>stin, ce qui veut tout dire. Même si dans l’ensembleils n’ont pas <strong>de</strong> caractère distinctif à cause <strong>de</strong> leur caractèreinformel, force est <strong>de</strong> constater qu’ils se sont bienintégrés dans le système <strong>de</strong> transport à courte distance<strong>de</strong> la capitale. Ces véhicules sont souvent la propriété<strong>de</strong> conducteurs qui en ont fait leur profession, même sion constate que certains transforment parfois pour lacirconstance leur véhicule en taxis clandos pour arrondirles fins <strong>de</strong> mois.Longtemps considérés par les taxis classiques commeleur souffre douleur car leur menant une concurrencedéloyale, les taxis clandos n’ont jamais été aussi bien appréciéspar les populations à qui ils permettent d’accé<strong>de</strong>rà certains endroits et <strong>de</strong> faire certaines courses à <strong>de</strong>scoûts moindres. <strong>Les</strong> taxis clandos se prennent en groupe,c’est-à-dire par quatre personnes, ce qui amoindri le coup<strong>de</strong> la course. Il arrive que certains chauffeurs <strong>de</strong> taxisclandos surchargent leur véhicule avec cinq (5) passagersdont <strong>de</strong>ux (2) au siège avant et trois à l’arrière ou bienquatre (4) à l’arrière et <strong>de</strong>ux (2) à l’avant. Ainsi chacunpaie sa contribution <strong>de</strong> la course selon sa <strong>de</strong>stination,ce qui constitue une forme <strong>de</strong> mutualisation <strong>de</strong>s frais <strong>de</strong>déplacement.Bien que ne détenant point <strong>de</strong> licence d’exploitation leurpermettant d’exercer ce type d’activités, les taxis clandoscirculent dans la quasi impunité <strong>de</strong>s autorités en chargedu secteur du transport.Toujours localisés dans <strong>de</strong>s endroits stratégiques et accessiblesaux usagers, les « garages <strong>de</strong> clandos » commeon les appelle offrent aux populations la proximité, ce quileur permet d’attirer le plus <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> possible et gagner<strong>de</strong>s parts importantes dans le milieu du transport urbain.<strong>Les</strong> grands ronds comme ceux <strong>de</strong> Liberté 6, Liberté 5ou Cambérène, la station service <strong>de</strong> la Patte d’Oie, aumarché Dior <strong>de</strong>s parcelles assainies entre autres endroits.L’aspect informel <strong>de</strong> l’activité détermine aussi la création<strong>de</strong> garages clandos non réglementaires un peu partout etqui ne sont pas contrôlés les responsables du transport.<strong>Les</strong> garages clandos reflètent souvent <strong>de</strong>s endroits oùun désordre in<strong>de</strong>scriptible, avec <strong>de</strong>s véhicules garés unpeu n’importe comment, <strong>de</strong>s usagers en quête du taxi,<strong>de</strong>s petits commerces et <strong>de</strong>s restaurants <strong>de</strong> rue. Mais ilfaut noter qu’ils ont une organisation interne avec unrégulateur et <strong>de</strong>s règles que les acteurs du secteur doiventrespecter pour son bon fonctionnement.Avec <strong>de</strong>s tarifs accessibles à tous à partir <strong>de</strong> 100 francsCFA (0, 15 euros) pour els courtes distances à parcourir,le prix <strong>de</strong> la course ne dépasse pas souvent 250 francsCFA (0, 38 euros), ce qui fait qu’ils sont bien appréciés etempruntés dans une certaine mesure.Malgré leur liberté <strong>de</strong> circulation qui ne leur imposepresque aucune limite, les taxis clandos n’ont pas accèsà tous les endroits <strong>de</strong> la ville. Avec <strong>de</strong>s itinéraires qui segreffent souvent ceux <strong>de</strong>s transports en commun danscertaines zones, les taxis clandos ont aussi les leur quileur permettent d’aller là où les autres mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transportsen commun n’accè<strong>de</strong>nt pas.Longtemps dénoncés par les taxis classiques, pour laconcurrence déloyale qui leur mènent, ils continuenttoujours à faire partie <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transport les plusutilisés par les dakarois au détriment <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers,contribuant à offre alternative pour certains usagers àcertains égards plus accessibles. Ils constituent ainsi unservice à mi parcours entre les transports en communet les taxis classiques. Même si ces taxis clandos sontillégaux, mal acceptés par les taxis « jaunes noirs », ilreste clair qu’ils constituent une offre <strong>de</strong> transport assezimportante et une alternative à l’offre encore insuffisanteen transport <strong>de</strong> la capitale.


DakarLE TOUR DE DAKAR EN UN SEUL JOUR, UN MAILLAGE DE PROXIMITÉ.49Maillage territorial<strong>de</strong>s transports en encommun a DakarSource : SerigneMbacké SECK etAminata GuèyeSARR, in Rôle<strong>de</strong>s transportscollectifs dansreconfiguration <strong>de</strong>l’espace urbain <strong>de</strong>Dakar (recherche encours).Le maillage <strong>de</strong>s transports en commun à Dakar, capitaledu Sénégal est structuré autour <strong>de</strong> trois pôles <strong>de</strong> génération<strong>de</strong> flux <strong>de</strong> transports qui correspon<strong>de</strong>nt aux troisgrands ensembles <strong>de</strong> la région en termes d’établissementshumains : Dakar- Ville ; Pikine-Guediawaye ; et Rufisque-Bargny.Ces trois pôles sont inter reliés par <strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> transportsen commun qui effectuent un maillage territorialefficace. Ces lignes peuvent être catégorisées en <strong>de</strong>uxcircuits : le formel et l’informel.Dans le circuit informel nous parlerons d’itinéraires à laplace <strong>de</strong> lignes. <strong>Les</strong> acteurs <strong>de</strong> ce circuit sont les « NdiagaNdiayes » et les « car rapi<strong>de</strong> ». Le réseau routier <strong>de</strong> Dakarest caractérisé par une concentration <strong>de</strong>s infrastructuresdans le pôle Dakar-Ville et par une détérioration ainsiqu’une faible pénétration dans les banlieues. Pour effectuerun maillage efficace, il faut <strong>de</strong>s véhicules adaptésau terrain et une connaissance affinée <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong>déplacement <strong>de</strong>s usagers. De part leur rusticité, seulsles « car rapi<strong>de</strong> », et « Ndiaga Ndiaye », <strong>de</strong>sservaientles différentes zones difficilement accessibles <strong>de</strong> Dakar.L’expertise d’usage a permit une optimisation <strong>de</strong>sitinéraires du circuit informel grâce à une connaissance<strong>de</strong>s points remarquables <strong>de</strong> générations et <strong>de</strong> réceptions<strong>de</strong> flux <strong>de</strong> transports. Ces points sont le plus souvent<strong>de</strong>s équipements <strong>de</strong> centralité comme les marchés, leshôpitaux, les écoles etc. Le maillage effectué sur la base<strong>de</strong> ces paramètres est très flexible et connaît <strong>de</strong>s variationsen fonction <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> passagers par<strong>de</strong>stination et par moment <strong>de</strong> la journée, coïncidant ainsiavec les besoins <strong>de</strong> déplacement <strong>de</strong>s usagers. Selon lesstatistiques du CETUD (Conseil Exécutif <strong>de</strong>s TransportUrbains <strong>de</strong> Dakar), il existe 19 itinéraires <strong>de</strong> transportinformel dans la région Dakar, avec 3000 vehicules etempruntés par prés <strong>de</strong> 900 000 passagers par jour.Le circuit formel est composé <strong>de</strong> lignes détenues parles 3 organisations <strong>de</strong> transports en commun formeldu Sénégal. Il s’agit <strong>de</strong> la société publique DDD (DakarDem Dikk), <strong>de</strong> l’AFTU (Association <strong>de</strong> Financement <strong>de</strong>sTransport Urbain) et du PTB (Petit Train <strong>de</strong> Banlieue).La société DDD comptabilise 17 lignes <strong>de</strong> transports. Sa<strong>de</strong>sserte reste le plus souvent dans les gran<strong>de</strong>s artères carcertains <strong>de</strong> ses véhicules ne sont pas adaptés aux mauvaisesroutes <strong>de</strong>s banlieues. Néanmoins la société parvientà transporter 50 millions <strong>de</strong> passagers par an.La <strong>de</strong>sserte <strong>de</strong>s bus AFTU est beaucoup plus complèteque celle <strong>de</strong>s DDD, leur maillage territorial est proche<strong>de</strong> celui du circuit informel, mais avec <strong>de</strong>s lignes fixes.Cette similitu<strong>de</strong> s’explique par le fait que les AFTU sontissus du PAMU (Programme d’Amélioration <strong>de</strong> la MobilitéUrbaine) mis en œuvre par le CETUD.C’un projetmo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong>s transports publics dont un <strong>de</strong>s voletsest le retrait <strong>de</strong>s « car rapi<strong>de</strong> » et <strong>de</strong>s « Ndiaga Ndiaye » ducircuit <strong>de</strong> transport. Ainsi ce sont <strong>de</strong>s acteurs du transportinformel qui se sont formalisés et ont apporté leursconnaissances en termes <strong>de</strong> maillage. Le groupementAFTU maille le territoire avec 28 lignes <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssertes ettransporte 65 millions <strong>de</strong> personnes par an.Le PTB est une ligne ferroviaire, elle relie les <strong>de</strong>ux extrêmes<strong>de</strong> la région <strong>de</strong> Dakar : Bargny et Dakar Centre.La ligne est longue <strong>de</strong> 27 km et traverse toute la banlieueDakaroise pour un volume <strong>de</strong> transport <strong>de</strong> 3 550 000personnes par an.Le territoire <strong>de</strong> Dakar est ainsi très bien maillé par lestransports en commun, d’autant plus que les circuitsformel et informel se complètent à certains points. <strong>Les</strong>clients prennent les transports en commun informel pourrejoindre les grands axes routier afin d’emprunter lesmoyens <strong>de</strong> transports formels pour rejoindre le centreville ou <strong>de</strong>s zones non <strong>de</strong>sservies par les transportsen commun informel. <strong>Par</strong>mi ces zones on peut citer lecentre ville où ils sont interdits <strong>de</strong> circulation et certainsquartiers rési<strong>de</strong>ntiels <strong>de</strong> la capitale qui ne génèrent pasassez <strong>de</strong> trafic. Le témoignage <strong>de</strong> cet usager est assez<strong>de</strong>scriptif <strong>de</strong>s combinaisons <strong>de</strong> mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transports encommun que les citadins effectuent pour se déplacer àDakar : « J’habite à Guinaw Rail dans la banlieue dakaroise.Pour me rendre au travail en ville, je prends les « carrapi<strong>de</strong> » qui passent <strong>de</strong>vant chez moi pour me rendre à lagare du PTB à Thiaroye. De là je prends le Petit Train <strong>de</strong>Banlieue jusqu’à la gare <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> Dakar. Ensuite grâceau même ticket <strong>de</strong> train, j’emprunte les bus Dakar DemDikk pour me rendre au centre ville… »


50 Le CapL’INFORMALITE EN MOUVEMENTDes minibus taxisalignés en gare duCap, en attente <strong>de</strong>clients.L’économie informelle du Cap est variée, volatile et fourmille <strong>de</strong> vie. Le secteur informel prend le relai<strong>de</strong>s services formels quand ceux-ci ne siéent plus aux besoins <strong>de</strong>s habitants.<strong>Les</strong> chiffres duchoix modal illustrel’attrait croissantdu taxi pour sedéplacer en ville.Cette croissancecontinue.La croissance du Cap fut planifiée sous l’Apartheid <strong>de</strong>manière à loger dans <strong>de</strong>s townships en périphérie unemajorité d’habitants, qui travaillaient comme maind’œuvre pour le centre économique sans pour autant enfaire partie ni physiquement, ni socialement.Dans Le Cap d’aujourd’hui, une gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong>s serviceset équipements sont toujours inaccessibles à la plupart<strong>de</strong>s habitants, y compris dans leur propre quartier. 65 %<strong>de</strong>s urbains pauvres doivent dépenser un cinquième <strong>de</strong>leur revenu pour se déplacer sur leur lieu <strong>de</strong> travail, <strong>de</strong>courses ou <strong>de</strong> formation.Dans le même temps, le service routier et ferré publics’est dégradé malgré les subventions du gouvernement,et sont perçus comme à la fois dangereux et irréguliers,utilisés par ceux qui n’ont pas d’autres choix.<strong>Les</strong> minibus taxi sont apparus au Cap pour répondre à la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong>s townships périphériques. Ilsoffrent un service en porte-à-porte, puisque le conducteurs’arrête quand les passagers lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt.L’industrie <strong>de</strong>s minibus taxi est née dans un cadre nonrégulé, et la flotte s’accroît largement chaque année. 65 %<strong>de</strong>s navetteurs utilisent aujourd’hui ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transportpour rejoindre la ville. <strong>Les</strong> taxis offrent un service peucher, hautement flexible, et amènent souvent leurs passagersdirectement à leur <strong>de</strong>stination. L’absence <strong>de</strong> cadrea beau générer une gran<strong>de</strong> flexibilité, elle a toutefois <strong>de</strong>sdésavantages.Avec la multiplication <strong>de</strong>s minibus taxi en ville, laconcurrence s’est faite plus ru<strong>de</strong> pour s’assurer les clientset les trajets les plus profitables. <strong>Les</strong> conducteurs se sontrassemblés en association pour limiter la concurrencesur <strong>de</strong>s trajets qu’ils considéraient « leur revenir ». Il estfréquent que les disputes entre groupes concurrents pourcontrôler un trajet dégénèrent en affrontements violents,et les clients sont parfois pris entre <strong>de</strong>ux feux.<strong>Les</strong> conducteurs <strong>de</strong> taxi négligent souvent d’entretenir etd’assurer la sûreté <strong>de</strong> leur véhicule, dans lequel ils accumulentles clients bien au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la capacité officielle.Le gouvernement a reconnu que les minibus taxi procurentun service <strong>de</strong> transport important au Cap, maissouligne les nombreux risques associés et a – avec plusou moins <strong>de</strong> succès – tenté <strong>de</strong> régulariser le secteur.La plupart <strong>de</strong>s taxis sont aujourd’hui déclarés par lesassociations locales, et annoncent <strong>de</strong> façon claire leursorigine-<strong>de</strong>stination.Toutefois, les groupements <strong>de</strong> taxi résistent tout effortpour régulariser complètement le secteur, puisqu’unetelle normalisation freinerait leur capacité à s’adapter <strong>de</strong>façon flexible aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s clients.R8.00 for 5 stations(€ 0.75)R5.30 for localroute (€ 0.50)R5.00 for local trip(€ 0.45)


LoméLES ZÉMIDJANS, LES TAXIS MOTOS À LOMÉ1993. La grève générale illimitée <strong>de</strong>s taxis voitures paralysent la capitale Lomé. Comme palliatif, unnouveau type <strong>de</strong> transport en commun voit le jour. <strong>Les</strong> taxis motos communément appelés Zemidjans.Aujourd’hui cette activité en plein essor représente la principale offre <strong>de</strong> transport <strong>de</strong> la capitale Togolaise.51Zémidjans dans laville <strong>de</strong> LoméOrigines<strong>Les</strong> années 90 sont marquées en Afrique Noire Francophonepar l’avènement du multipartisme. De nombreusesrevendications et soulèvements populaires ont lieu. <strong>Les</strong>manifestations se durcissent, parfois réprimées dans lesang par les forces <strong>de</strong> l’ordre. C’est dans ce contexte queles associations et syndicats <strong>de</strong> transporteurs, d’étudiants,d’enseignants… lancent la grève générale illimitée. Cettegrève a pour objectif <strong>de</strong> paralyser le pays et <strong>de</strong> fléchirL’Etat. En l’absence <strong>de</strong> transport, <strong>de</strong>s personnes mettent àla disposition <strong>de</strong>s populations leurs engins à <strong>de</strong>ux roues.L’activité vient <strong>de</strong> naitre.L’activité se développe très rapi<strong>de</strong>ment. Cela est dû auxnombreux licenciements <strong>de</strong> fonctionnaires au len<strong>de</strong>main<strong>de</strong> la grève et à la dévaluation monétaire du F CFA en1994.L’appellation Zémidjan est empruntée au pays voisin. Ellesignifie « emmène-moi vite » en fon, langue du sud duBénin. Aujourd’hui, Il n’est pas rare d’être interpellé par<strong>de</strong>s conducteurs <strong>de</strong> taxis motos. « oléyia », vous disent-ilspour vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r « où allez-vous » en langue locale.ProfilsNéo-citadins, <strong>jeunes</strong> déscolarisés, chômeurs, diplôméssans emploi, chefs <strong>de</strong> famille. Tout le mon<strong>de</strong> peut faire duZemidjan, il suffit juste <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r une moto et d’avoir<strong>de</strong> quoi payer l’essence. Dans un contexte économiquemorose caractérisé par une faiblesse <strong>de</strong>s entreprises àrecruter, l’activité ZEMIDJAN est <strong>de</strong>venue un puissantmoyen <strong>de</strong> réduction du chômage sans cesse croissant.Un autre genre <strong>de</strong> Zed’man se profile : celui <strong>de</strong>s travailleursdu secteur formel. Le soir à la <strong>de</strong>scente du boulot,ils se lancent dans l’activité pour arrondir leur fin du moiscomme le souligne M Comlan, agent du trésor : « les soirsquand je <strong>de</strong>scends du boulot, je prends certaines personnesqui vont dans la même direction que moi. J’y prendspeu à peu goût ».Il existe trois catégories <strong>de</strong> conducteurs. <strong>Les</strong> conducteurs-propriétaires, les employés-conducteurs (ilsversent une recette journalière <strong>de</strong> 2000 FCFA soit 3€au propriétaire) et les locataires-conducteurs (sous lecontrat work and pay). Le contrat « work and pay » est uncontrat <strong>de</strong> location-vente par lequel le conducteur achèteprogressivement la moto au propriétaire au prix double.Pendant ce temps les frais d’essence et <strong>de</strong> réparation sontà la charge du conducteur.Motos<strong>Les</strong> motos utilisées sont <strong>de</strong> marques chinoises. Ellescoutent 300 000 voire 350 000 FCFA. (533 €), <strong>de</strong>ux foismoins chère qu’une moto Yamaha. La plupart <strong>de</strong>s <strong>jeunes</strong>empruntent <strong>de</strong> l’argent auprès <strong>de</strong> leurs parents, amis etconnaissances qu’ils remboursent au fur et à mesure.Ceux qui ne peuvent pas emprunter s’inscrivent dans uncontrat work an pay. Inscrits au registre du Commerce,les ven<strong>de</strong>urs eux sont pour la plupart Libanais, Syrien etIndiens.En plein essor mais …a peine structuree33 % <strong>de</strong>s déplacements s’effectuent en taxis-motos.Ces <strong>de</strong>rniers représentent 65 % <strong>de</strong> l’offre du transporten commun. 86 milliards <strong>de</strong> F CFA (131 millions d’€)brassés chaque année. Selon le Collectif <strong>de</strong>s (<strong>sept</strong> dont4 à Lomé) Organisations Syndicales <strong>de</strong>s Taxis Motos duTogo (COSTT), les zémidjans étaient estimés à 213.807à fin décembre 2011 dont 57.215 à Lomé. Pour FrançoisAgbo, Secrétaire Général dudit Collectif, il ne faut pasconfondre « Zed’man » professionnel et ceux exerçant illégalement.Le collectif équipe donc progressivement sesquelques vingt-<strong>sept</strong> milles (27 000) syndiqués <strong>de</strong> giletsmunis <strong>de</strong> ban<strong>de</strong>s réfléchissantes.François Agbo reconnait que seuls 5 % <strong>de</strong>s Zed’manspossè<strong>de</strong>nt leur permis <strong>de</strong> conduire. Ce qui accroit fortementles acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> circulation en constante hausse.En outre ces <strong>de</strong>rniers sont réfractaires à l’application <strong>de</strong>nouvelles mesures comme le payement <strong>de</strong> l’Impôt sur leRevenu <strong>de</strong>s Transporteurs Routiers (IRTR), le port <strong>de</strong>schasubles… En 1999, ils s’étaient même rebellés contrele pouvoir public attaquant le Commissariat Central <strong>de</strong>Lomé.


52 LoméLES DIFFÉRENTS MOYENS DE TRANSPORTS À LOMÉA Lomé, le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> déplacement le plus répandu est la moto, <strong>de</strong>vant la voiture et la marche à pied. Levélo n’est que très peu utilisé. Beaucoup <strong>de</strong> Loméens n’ont pas leurs propres véhicules et utilisent lestransports en communs.<strong>Les</strong> déplacementsà Lomé, RapportDiagnostique duGrand Lomé, avril2011<strong>Les</strong> transports en communs <strong>de</strong> la ville sont organisés engrosse majorité par le secteur privé, souvent informel carl’activité n’est pas déclarée à l’Etat.Des taxis-motos ou bien <strong>de</strong>s taxis collectifs (voitures)couvrent une grosse partie <strong>de</strong> la ville et même au-<strong>de</strong>là.<strong>Les</strong> types <strong>de</strong> transports en commun informels les plusfréquents à Lomé sont les taxi-motos et les taxi-voitures,toutefois moins fréquents.- <strong>Les</strong> taxis-motos (plus connus sous l’appelation « Zémidjans» en fon, langue vernaculaire du Sud du Benin, quisignifie « emmènes moi ».) sont repérables quasimentpartout dans la ville, il suffit <strong>de</strong> leur faire signe, puis <strong>de</strong>négocier le prix en fonction <strong>de</strong> la distance et du moment<strong>de</strong> la journée.La nuit, le tarif augmente <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 30 %, en effet, lesconducteurs n’aiment pas vraiment conduire lorsqu’il faitsombre, à cause <strong>de</strong>s dangers et par habitu<strong>de</strong>.- <strong>Les</strong> taxis voitures sont moins nombreux et circulentprincipalement sur les voies pavées ou goudronnées.Souvent, les Loméens utilisent le taxi-voiture pourcirculer sur les voies principales <strong>de</strong> Lomé puis prennentle taxi-moto pour atteindre leur <strong>de</strong>stination finale. <strong>Les</strong>taxi-voiture circulent entre <strong>de</strong>s points d’arrêts importantset prennent plusieurs personnes au cours <strong>de</strong> leur course.Au centre-ville délimité par le Boulevard du 13 Janvier(circulaire), les conducteurs <strong>de</strong>s taxis ont créé <strong>de</strong>s points<strong>de</strong> stationnement et d’arrêt <strong>de</strong>vant les services financierset administratifs pour faciliter les navettes <strong>de</strong>s hommesd‟affaires et <strong>de</strong>s démarches administratives.On peut également louer les taxis voiture pour <strong>de</strong>s trajetsbien précis pour aller <strong>de</strong> chez soi à un endroit précis,mais si on est seul dans le taxi, le prix sera moins avantageuxcar on payera pour 4 places même si elles ne sontpas toutes occupées, donc près <strong>de</strong> 4 fois plus cher qu’entaxi-moto.- Le litre d’essence est actuellement à 650 FCFA. Côtétarif, il faut compter environ 150 FCFA par kilomètres lajournée soit environ 20 centimes d’euros. En taxi-voiture,le prix est souvent moins cher car plusieurs personneseffectuent le même trajet.Il faut compter environ 25 minutes pour traverser laville du Nord au Sud en taxi-moto en heure <strong>de</strong> pointeet légèrement moins en heure creuse. L’avantage <strong>de</strong> lamoto et qu’elle se faufile entre les voitures si il y a <strong>de</strong>sembouteillages.- Un seul passager par taxi-moto en général mais parfois,il arrive que le conducteur accepte 2 personnes si il estsûr que le parcours ne sera pas contrôlé par la police.En taxi-voiture, le conducteur peut également prendre5 personnes plutôt que 6 mais effectuera alors plusieursdétours pour éviter les zones souvent contrôlées dans laville (souvent près <strong>de</strong>s carrefours importants).- En parallèle à ces activités <strong>de</strong> transports informelles,la SOTRAL (société <strong>de</strong>s transports à Lomé) proposeun service <strong>de</strong> bus formel, reconnu par l’Etat. Le réseaufonctionne en journée. Il est loin <strong>de</strong> couvrir l’ensemble<strong>de</strong> la ville. De plus, il y a souvent <strong>de</strong>s pannes ce qui réduitd’avantage le service.


54ARTICLEDakarLA MOBILITÉ URBAINE À DAKAR : UN SYSTÈMEENTRE ARCHAÏSME ET MODERNITÉDans un contexte d’étalement urbain, <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsificationdémographique et <strong>de</strong> renforcement <strong>de</strong> l’attraction <strong>de</strong>ses fonctions administratives, économiques et socioculturelles,la ville <strong>de</strong> Dakar est confrontée à un besoin<strong>de</strong> mobilité <strong>de</strong> sa population sans cesse croissant. Avecune population <strong>de</strong> 3.329.629 habitants, repartie sur unesurface <strong>de</strong> 550 km2, il est nécessaire d’avoir un système<strong>de</strong> transport viable tant sur le plan <strong>de</strong>s infrastructures,<strong>de</strong>s équipements et <strong>de</strong> son mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestion afin que lespopulations puissent accé<strong>de</strong>r aux opportunités offertespar la ville.A Dakar, la mobilité <strong>de</strong>s biens et <strong>de</strong>s personnes estfortement bridée. Cette entrave <strong>de</strong> la mobilité résulte<strong>de</strong> l’extrême ségrégation spatiale qu’il y’a entre les lieuxd’habitations et les lieux <strong>de</strong> productions <strong>de</strong> biens et <strong>de</strong>services, entraînant chaque jour d’importants mouvements<strong>de</strong> populations, <strong>de</strong>s zones rési<strong>de</strong>ntielles aux lieuxcentraux.Le système <strong>de</strong> transport urbain à Dakar est composé <strong>de</strong>différents mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transport, qui affichent une certainecomplémentarité. Le modèle se complexifie dans sacomposante transport en commun où on est en présenced’une multitu<strong>de</strong> d’acteurs publics et privés avec <strong>de</strong>sstatuts formels et informels caractérisés par une certainemo<strong>de</strong>rnité dans certains cas et par un notoire archaïsmedans d’autre. Cet ensemble hétérogène gar<strong>de</strong> une certainecohésion grâce à l’action régulatrice du CETUD (ConseilExécutif <strong>de</strong>s Transports Urbains <strong>de</strong> Dakar) qui fixe lecadre opératoire <strong>de</strong>s transports urbain à Dakar.Essentiellement, dans les déplacements urbains, on utiliseles transports en commun. Dans ces <strong>de</strong>rniers on distingueles mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transport publics et privés.<strong>Les</strong> transports en commun publics<strong>Les</strong> mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transports urbains publics sont caractériséspar une forte implication <strong>de</strong> l’Etat dans leur gestion, ce<strong>de</strong>rnier subventionne en partie le prix du transport surces lignes. De la RTS (Régie <strong>de</strong>s Transports du Sénégal)à la société DDD (Dakar Dem Dikk) plusieurs échecset innovations ont ponctués la politique <strong>de</strong> transportpublic <strong>de</strong> l’Etat. La société DDD a capitalisé toutecette expérience et est en constante évolution tant parl’expansion <strong>de</strong> son réseau qui n’atteignait pas les zonesBus <strong>de</strong> la sociétépublic <strong>de</strong> transportDakar Dem Dikk


55Garage informel <strong>de</strong>« Ndiaga Ndiaye »urbaines reculées, que par la qualité <strong>de</strong> son offre (autobusmo<strong>de</strong>rnes, amplitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> passage en nette progression,disponibilité d’informations sur les lignes <strong>de</strong>sservies…).Ainsi la société DDD parvient à transporter 50 millions<strong>de</strong> passagers par an.L’offre <strong>de</strong> transport public est complétée par le PTB (PetitTrain <strong>de</strong> Banlieue) qui est une ligne ferroviaire interurbaineavec une intégration tarifaire avec la societé DDD.Le PTB transporte 3550000 passagers par an. Cependantcette offre est largement insuffisante pour satisfairel’ensemble <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport, ce gap est comblépar une forte présence <strong>de</strong>s transports en commun privés.<strong>Les</strong> transport urbains privés<strong>Les</strong> transports en commun privés sont caractérisés parune dualité informelle et formelle <strong>de</strong> l’offre. En effetsur ce segment on a d’un coté les transports informelscomposés par les « Ndiaga Ndiaye », les « car rapi<strong>de</strong> », les« clandos » ; et <strong>de</strong> l’autre le groupement <strong>de</strong> l’AFTU (Association<strong>de</strong> Financement <strong>de</strong>s Transports Urbains) et lestaxis urbains qui ont un statut formel.<strong>Les</strong> transports urbains privés informelsLe transport informel dans un contexte <strong>de</strong> sous-offre dutransport public formel constitue une alternative pourles populations surtout <strong>de</strong> par son accessibilité spatiotemporelleet son coût à la portée <strong>de</strong>s différentes bourseset négociable selon la distance. Ce système constitue lemo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport le plus utilisé par les usagers.<strong>Les</strong> « cars rapi<strong>de</strong>s » et les « cars Ndiaga Ndiaye » sont <strong>de</strong>sfourgons à l’origine, modifiés artisanalement pour servird’autobus. Ils sont les plus représentatifs du systeme<strong>de</strong> transport informel. Leur introduction remonte auxannées 1970 au plus fort <strong>de</strong> la faillite du systeme <strong>de</strong> transportcollectif public. <strong>Les</strong> « car rapi<strong>de</strong> » et les « NdiagaNdiaye » sont caractérisés par un état <strong>de</strong> vétusté avancé,sans cesse rafistolés, leur parc automobile estimé à plus<strong>de</strong> 3000 véhicules n’a pas connu <strong>de</strong> renouvellement majeur<strong>de</strong>puis leurs mises en circulation.Ils ont une accessibilité sans limites territoriales, avec laparticularité <strong>de</strong> s’adapter souvent à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et la <strong>de</strong>stination<strong>de</strong>s usagers en fonction <strong>de</strong> certaines heures <strong>de</strong> lajournée, ce qui montre l’inexistence <strong>de</strong> circuits formelsdéfinis, mais qui assure néanmoins une bonne <strong>de</strong>sserteterritoriale <strong>de</strong> part sa flexibilité. En effet les itinérairesutilisés dans le transport informel évoluent en fonction<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux paramètres : l’heure et la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> transportsur certaines <strong>de</strong>stinations. Ainsi les itinéraires s’adaptentaux besoins <strong>de</strong> la majorité <strong>de</strong> la clientèle et assurent ainsiune <strong>de</strong>sserte optimale. Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement aaussi ses revers, en essayant <strong>de</strong> suivre la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, lesruptures <strong>de</strong> charge surviennent souvent en cours <strong>de</strong>route. <strong>Les</strong> transporteurs débarquent les usagers afin <strong>de</strong>changer <strong>de</strong> <strong>de</strong>stination. <strong>Les</strong> « car rapi<strong>de</strong> » et les « NdiagaNdiaye » parviennent ainsi à polariser 66, 4 % du traficmotorisé <strong>de</strong> voyageurs dans la région <strong>de</strong> Dakar et transportent900000 passagers par jour.Malgré ce fait apparent <strong>de</strong> désorganisation <strong>de</strong> l’extérieur,ce secteur informel reste assez structuré <strong>de</strong> l’intérieur.Il existe <strong>de</strong>s syndicats <strong>de</strong> transporteurs qui fédèrent lespropriétaires <strong>de</strong> véhicules et les travailleurs (chauffeurs,apprentis, coxeurs) du secteur du transport informel. Ilexiste toujours dans les gares, <strong>de</strong>s régulateurs chargésd’organiser l’arrivée et l’ordre <strong>de</strong> départ <strong>de</strong>s véhicules. Ce


56Artère dans labanlieue <strong>de</strong> Dakarà une heure <strong>de</strong>pointesystème a aussi la particularité d’engendrer beaucoup <strong>de</strong>conflits entre usagers et acteurs du transport, principalementpour <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong> tarif et <strong>de</strong> monnaie. Il estaussi à l’origine <strong>de</strong> conflits d’usage dans l’espace public.En plus <strong>de</strong> sa disponibilité, sur le plan socioculturel, cemoyen <strong>de</strong> transport constitue un espace <strong>de</strong> rencontreaccessible à toutes les couches <strong>de</strong>s plus riches aux pluspauvres, et où on peut accé<strong>de</strong>r quelque soit ce qu’on acomme bagage, contrairement au mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transportformel.<strong>Les</strong> « clandos » sont <strong>de</strong>s taxis clan<strong>de</strong>stins qui opèrent sanslicence. Ils ne portent aucun signe distinctif. Ce sont leplus souvent <strong>de</strong>s voitures à usage personnel qui servent<strong>de</strong> temps en temps <strong>de</strong> taxi pour augmenter les gains dupropriétaire. Etant informels, ils mènent une concurrencesévère aux taxis urbains conventionnels, car ils sont plusaccessibles du point <strong>de</strong> vue coût et couverture spatiale. Ilsempruntent souvent les itinéraires non exploités par lestransports en commun ou qui nécessitent <strong>de</strong> payer pluscher à un taxi conventionnel pour y accé<strong>de</strong>r. Ils ont aussila particularité <strong>de</strong> transporter plusieurs usagers à la fois.L’importance <strong>de</strong>s « clandos » dans le système <strong>de</strong> transportest difficile à évaluer en raison <strong>de</strong> leur caractère aléatoire.<strong>Les</strong> transports urbains privés formels<strong>Les</strong> transports privés formels sont composés par les busdu groupement AFTU (Association <strong>de</strong> Financement <strong>de</strong>sTransports Urbains) et les taxis urbains classiques, communémentappelés « jaune- noir ».Face à une prééminence <strong>de</strong> l’informel dans le soussecteur <strong>de</strong>s transports publics, l’Etat du Sénégal tente<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rniser ce secteur en s’appuyant sur le PAMU(Programme d’Amélioration <strong>de</strong> la Mobilité Urbaine) avecla mo<strong>de</strong>rnisation du parc automobile et sa formalisation.Ainsi L’AFTU (association <strong>de</strong> financement du transporturbain) sous l’autorité du CETUD (conseil exécutif <strong>de</strong>stransports urbains <strong>de</strong> Dakar), constituée par <strong>de</strong>s GIE <strong>de</strong>transporteurs issue du secteur informel est au cœur <strong>de</strong> ceprogramme. Si cette offre <strong>de</strong> transport est formelle, sur leplan juridique et organisationnel, elle peine à le <strong>de</strong>meurersur le terrain avec la transposition <strong>de</strong> certaines pratiquesissues du transport informel, par les acteurs du secteur.Le groupement AFTU avec ses minis bus <strong>de</strong> marque« Tata » ou « King Long », assure en gran<strong>de</strong> partie la liaisonentre le centre et les périphéries, en transportant 65millions <strong>de</strong> personnes par an grâce à un <strong>de</strong>nse maillageterritorial <strong>de</strong> ses lignes.<strong>Les</strong> taxis urbains classiques formels, peinent à s’imposeravec leurs nombreuses charges et taxes à supporter, enplus <strong>de</strong> la concurrence déloyale dont ils font l’objet <strong>de</strong> lapart <strong>de</strong>s « taxis clandos ». Estimé à prés <strong>de</strong> 4000 véhicules,ils <strong>de</strong>vraient avoir dépassé ce nombre avec l’introduction<strong>de</strong> nouveaux taxis dit « Iraniens » et <strong>de</strong>s taxis bleus. Lenouveau visage <strong>de</strong>s taxis <strong>de</strong> Dakar est multicolore avec<strong>de</strong>s jaunes noirs, <strong>de</strong>s jaunes, <strong>de</strong>s bleus.Genre et transport tel pourrait être le titre <strong>de</strong> l’épiso<strong>de</strong><strong>de</strong>s « taxis sisters », un nouveau projet <strong>de</strong> l’Etat qui participeà l’insertion <strong>de</strong>s femmes dans le secteur du transportjusque la dominé par les hommes. Avec ces femmes auvolant <strong>de</strong> taxis, la profession connait une nouvelle ouvertureen plus <strong>de</strong> celui du renouvellement <strong>de</strong> son parc.Encore peu visibles dans la capitale car ne <strong>de</strong>sservantque les endroits jugés sûrs à cause <strong>de</strong> la vulnérabilité <strong>de</strong>sfemmes conductrices, ces taxis pourraient participerà l’ouverture <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> conduite commerciale auxfemmes.


57Vieux « carapi<strong>de</strong> » etBus AFTU à la gareroutière Lat Dior.Malgré une offre diverse, la mobilité urbaine à Dakarreste problématique. Cela est du à la composante infrastructuredu système <strong>de</strong> transport. En effet le réseauroutier est caractérisé par une faiblesse induite parl’étroitesse <strong>de</strong>s voies et leur taux élevé <strong>de</strong> fréquentation.La forte concentration <strong>de</strong>s équipements dans le Plateau<strong>de</strong> Dakar a conditionné la mise en place d’un systèmeroutier radioconcentrique. Ainsi plus on se rapprochedu centre ville, plus la fréquence et les amplitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>sembouteillages augmentent. <strong>Les</strong> données <strong>de</strong> l’enquête <strong>de</strong>comptage effectuée en 2001 avant la mise en œuvre duPlan <strong>de</strong> Transport et <strong>de</strong> circulation <strong>de</strong> Dakar Cap Vert(PCP), estime le taux <strong>de</strong> saturation du plateau pour lessorties à 111 % et à 121 % pour les entrées. <strong>Les</strong> embouteillagessont ainsi le résultat d’une désynchronisation entrel’augmentation du parc automobile <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> Dakaret l’évolution <strong>de</strong> son réseau routier. Des efforts importantsont été entrepris par les pouvoirs publics pourpalier à ce problème.Ainsi à travers le PAMU, <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> renforcement<strong>de</strong>s infrastructures <strong>de</strong> transport dans la région <strong>de</strong>Dakar ont été entrepris et couvrent les zones <strong>de</strong> Dakar,Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Bargny. Cette stratégied’amélioration du réseau routier repose sur la constructionet l’amélioration <strong>de</strong> voirie pour le désenclavement<strong>de</strong>s fronts urbains, l’aménagement <strong>de</strong> carrefours pourl’amélioration <strong>de</strong> la fluidité du trafic et <strong>de</strong> la sécuritéroutière, l’élimination <strong>de</strong>s nœuds avec <strong>de</strong>s embouteillagespermanents <strong>de</strong> la circulation urbaine, la construction <strong>de</strong><strong>de</strong>ux échangeurs (les lieux sont : Malick Sy et Cyrnos), laréalisation <strong>de</strong> gares (Pétersen et Lat-dior) et <strong>de</strong> parkings,la mo<strong>de</strong>rnisation et le développement du chemin <strong>de</strong> fer<strong>de</strong> banlieue.Le système <strong>de</strong> transport à Dakar est ainsi en pleinemutation, elle tend vers une mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong> son parcautomobile <strong>de</strong>s transports collectifs, <strong>de</strong> ses infrastructuresroutières ainsi que <strong>de</strong> son mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> fonctionnement.Cependant <strong>de</strong>s éléments d’archaïsme y <strong>de</strong>meurent fortementancrés comme les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> transports informels,ainsi il n’est pas rare <strong>de</strong> voir dans les artères <strong>de</strong> Dakar unautobus <strong>de</strong> <strong>de</strong>rnière génération cote à cote avec un carrapi<strong>de</strong> ayant plus <strong>de</strong> 30 ans d’âge !.


60NairobiRÉSEAUX DE SERVICE INFORMELS DANS LES BIDONVILLESET QUARTIERS NON PLANIFIÉS DE NAIROBICarte – quartiersriches et bidonvilles,le cas <strong>de</strong>Karen vs bidonville<strong>de</strong> Githogoto ;Kibera vs. Quartierrési<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong>Lang’ata.Il faut remonter à l’ère coloniale pour trouver la source <strong>de</strong>l’inégalité en infrastructures et en accès aux services <strong>de</strong>Nairobi. <strong>Les</strong> politiques d’aménagement <strong>de</strong> l’époque, et lesdécisions gouvernementales sur l’urbanisme qui ont suivi,se sont concentrées sur une partie <strong>de</strong> la ville déclarée« capable <strong>de</strong> se payer » le « luxe » <strong>de</strong>s services urbainsles plus basiques. La plupart <strong>de</strong>s chercheurs mais aussiun observateur lambda peuvent observer qu’en matièred’infrastructures, Nairobi présente un écart gigantesquesentre les favorisés et les défavorisés. Il est ironiquequ’une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s infrastructures « traversent »les bidonvilles sans quasiment – voire jamais – <strong>de</strong>sservircette population. D’une part, les catégories les plusriches peuvent se permettre <strong>de</strong> financer, d’organiser, ou<strong>de</strong> réclamer les services à l’autorité urbaine ; d’autre part,les plus pauvres qui ne profitent pas <strong>de</strong> ce luxe doiventtrouver <strong>de</strong>s solutions <strong>de</strong> compensation pour répondreaux besoins <strong>de</strong> base. Cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> a créé une variétéd’innovations informelles (et souvent illégales), qui vontdu re-développement foncier non planifié à <strong>de</strong>s systèmes<strong>de</strong> propreté locaux. Du besoin naît l’invention.Propreté – L’autorité urbaine ne ramasse qu’environs 50 %<strong>de</strong>s 3200T <strong>de</strong> déchets soli<strong>de</strong>s journaliers et ce, principalementdans les quartiers riches ou centraux. Dans lesquartiers pauvres, les communautés doivent organiserleurs propres réseaux <strong>de</strong> propreté, ou vivre dans leursordures. <strong>Les</strong> quartiers peu <strong>de</strong>sservis mais aux revenusmédians, voire hauts, emploient <strong>de</strong>s éboueurs privéscontre salaire. Ceux-ci convoient les ordures jusqu’à ladécharge <strong>de</strong> Dandora ou dans <strong>de</strong>s décharges privées.Ce système <strong>de</strong> ramassage privé <strong>de</strong>s déchets totalise10 % seulement du ramassage urbain. Dans les secteursdéfavorisés, les éboueurs privés peuvent être <strong>de</strong>s groupes<strong>de</strong> <strong>jeunes</strong> et/ou <strong>de</strong> femmes. Ils récoltent les ordures à laporte et les transportent en brouette jusqu’à <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong>décharge illégale, comme les rivières. Ils <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt unpaiement mensuel ou quotidien, entre 5 et 50Ksh (0, 05 –0, 46€) selon leur fréquence <strong>de</strong> passage. Le ramassage <strong>de</strong>sordures est aujourd’hui une source d’emploi importantedans les quartiers pauvres et les bidponvilles. La déchargeofficielle (Dandora) est gérée par la ville, qui y trie etrecycle les ordures. Un service informel vi<strong>de</strong> égalementles toilettes <strong>de</strong>s bidonvilles et <strong>de</strong> certains secteurs <strong>de</strong> laclasse moyenne sans fosse <strong>sept</strong>ique ou tout-à-l’égout,avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> camions à pompe ou <strong>de</strong>s <strong>jeunes</strong> hommesarmés <strong>de</strong> seaux.Electricité –A peine 22 % <strong>de</strong>s bidonvilles sont connectésau réseau – légalement, ou illégalement ! A Kiberaet Mathare, les connections illégales sont répandues etprennent l’aspect soit <strong>de</strong> fils électriques suspendus, soit<strong>de</strong> panels <strong>de</strong> fer, soit <strong>de</strong> câbles en surface ou en sous-sol.Le tarif ce ces services varie selon le lieu, mais est quasimenttoujours récolté par le propriétaire ou un cartel.L’électricité coûte très cher, et dans certains quartiers leshabitants paient entre 50 et 300Ksh (0, 46 – 2, 77€) parampoule, par mois.Eau et assainissement – La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en eau est constante,et nourrit la croissance d’un business profitabled’apport informel, qui fait payer aux urbains pauvresjusqu’à 20 fois le coût <strong>de</strong> l’eau. <strong>Les</strong> formes les plus courantes<strong>de</strong> sources d’eau en quartier informel sont : uneconnexion illégale au réseau urbain, un kiosque à eauformel ou informel, <strong>de</strong>s chariots à bras. Ils ont chacunleurs avantages et leurs désavantages. Puisqu’un tiers <strong>de</strong>la ville seulement est reliée au tout-à-l’égout, principalementles quartiers riches, les foyers défavorisés cherchentd’autres formes d’assainissement. Seul un quart <strong>de</strong>sfoyers en bidonville ont accès à une toilette privée. 68 %se partagent le service, et 6 % n’y ont aucun accès, serepliant sur les espaces ouverts ou sur le système <strong>de</strong> « toilettesvolants ». Un WC peut être partagé entre 71 à 500personnes, selon le bidonville. Il est fréquent <strong>de</strong> croiser<strong>de</strong>s toilettes qui se vi<strong>de</strong>nt dans la rivière, <strong>de</strong>s habitantsdéféquant en public, ou <strong>de</strong>s sacs remplis d’excréments. Lapièce à vivre sert <strong>de</strong> salle d’eau.<strong>Les</strong> systèmes <strong>de</strong> service informel en eau, en assainissementet en électricité sont gérés par <strong>de</strong> riches seigneurs<strong>de</strong>s bidonville, par les cartels, par les grands propriétaires,ou même par les hommes politiques. <strong>Les</strong> réseauxinformles prennent souvent leur source dans une connexionillégale au réseau formel.


NairobiUNE ÉCONOMIE INFORMELLE : ÉTUDED’UN APPROVISIONNEMENT EN EAU À NAIROBI61Note : nous basons la conversion sur la moyenne <strong>de</strong> Janvierà Novembre 2012 (1€=108, 86Ksh)Prix moyen pour une miche <strong>de</strong> pain (400g) – 46Ksh (0,43€). Il est difficile d’établir le coût d’un ticket <strong>de</strong> bus carle caractère informe <strong>de</strong>s réseaux <strong>de</strong> transport fait fluctuerle prix en fonction du trajet, <strong>de</strong> l’heure, <strong>de</strong> la météo.Introduction : Nairobi, comme <strong>de</strong> nombreuses citésKenyanes, fait face à <strong>de</strong>s soucis d’approvisionnement eneau. La ressource actuelle est <strong>de</strong> 460 000m 3 /jour, bienen-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> 650 000m 3 /jour. Le serviceaux bidonvilles est particulièrement problématique pourla NSCWS (Compagnie d’eau et <strong>de</strong> propreté urbaine <strong>de</strong>Nairobi), du fait <strong>de</strong> situations interdépendantes comme<strong>de</strong>s règlements <strong>de</strong> propriété aléatoires, la présence <strong>de</strong>cartels, l’interférence politique, etc. De plus, le coût <strong>de</strong>l’eau – qui paie son extraction et sa distribution – accentueencore les inégalités entre les quartiers riches etpauvres. Selon UN-Habitat, les classes les plus riches <strong>de</strong>Nairobi, soit 10 % à peine <strong>de</strong> la population, consomment30 % <strong>de</strong> l’eau domestique ; les groupes les plus défavorisés,soit 64 % <strong>de</strong> la population, n’en consomment que 35 %.<strong>Les</strong> habitants <strong>de</strong>s bidonvilles sont livrés à <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>ursd’eau informels dont les tarifs sont jusqu’à vingt foissupérieurs au prix normal. L’économie informelle <strong>de</strong> l’eauest très profitable à Nairobi, et se distribue sous quatreformes : kiosques à eau officiels ; kiosques officieux ; chariotsà bras ; enfin, <strong>de</strong>s entrepreneurs privés qui contrôlentune source d’eau. Chaque solution a ses avantages et sesinconvénients.<strong>Les</strong> kiosques officiels sont gérés par <strong>de</strong>s groupes ou<strong>de</strong>s particuliers enregistrés auprès <strong>de</strong> la NCWSC, etreçoivent l’eau à un tarif inférieur (15Ksh/m3 soit 0, 14€/m3), eau qu’ils reven<strong>de</strong>nt aux familles ou aux autresreven<strong>de</strong>urs à un prix fixe. Dans le quartier <strong>de</strong> Kosovo,bidonville <strong>de</strong> Mathare, le kiosque à eau géré par la communautéreçoit l’eau à 5Ksh/m3 et le revend aux particuliersà 2Ksh (0, 02€) le jerrican <strong>de</strong> 20L, soit 100Ksh (0,92€) /m3.<strong>Les</strong> kiosques informels sont également gérés par <strong>de</strong>sgroupes ou <strong>de</strong>s particuliers, mais ne sont pas enregistrésauprès <strong>de</strong> la NCWSC. Ces kiosques sont en généralbranchés illégalement au réseau.. A Kibera, <strong>de</strong>s kiosquesinformels ven<strong>de</strong>nt entre 5 et 10Ksh les 20L (250-500Ksh/m3 soit 2, 314, 62€/m3).<strong>Les</strong> chariots à bras délivrent l’eau directement au clienten jerricans <strong>de</strong> 20litres. Ils achètent l’eau aux kiosquesformels ou informels, à <strong>de</strong>s fournisseurs privés, ou à <strong>de</strong>spuits informels, et la reven<strong>de</strong>nt entre 20 et 50Ksh/20L(1000-2500Ksh soit 9, 24-23, 11€/m3). Ils opèrent principalementlà où les sources sont éloignées, et dans <strong>de</strong>squartiers à faible ou moyen revenu où l’eau n’arrive que<strong>de</strong> manière aléatoire.<strong>Les</strong> entrepreneurs privés qui contrôlent une source sont<strong>de</strong>s particuliers ou <strong>de</strong>s groupes qui gèrent un puits ouun forage, dont ils reven<strong>de</strong>nt l’eau à <strong>de</strong>s foyers ou à <strong>de</strong>schariots à bras, à <strong>de</strong>s prix in<strong>de</strong>xés au volume. Dans certainsquartiers, on dit qu’ils ont tiré <strong>de</strong>s réseaux jusqu’auxmaisons <strong>de</strong>s clients.Le facteur sous-jacent <strong>de</strong> cette économie est le suivant :le prix <strong>de</strong> l’eau dépend <strong>de</strong> sa disponibilité et <strong>de</strong> l’endroitoù on la vend. Le prix moyen oscille entre 5Ksh/20L (0,05€./20L) en bidonville et 50Ksh/20L (0, 46€/20L) pour laclasse moyenne. Cette moyenne est clairement supérieurau prix du fournisseur NCWSC, à 18, 71Ksh/m3 (0, 17€/m3). Le tableau ci-<strong>de</strong>ssous estime le coût <strong>de</strong> l’eau pour unfoyer moyen <strong>de</strong> cinq personnes à Nairobi sur la base <strong>de</strong>20L par personne, par jour.Dans l’ensemble, il est visible que les plus défavorisésconsacrent une large part <strong>de</strong> leurs revenus à l’eau, saufs’ils déci<strong>de</strong>nt d’en utiliser moins ou <strong>de</strong> la puiser à <strong>de</strong>ssources gratuites alternatives, comme les rivières polluées(situation fréquente). L’afflux <strong>de</strong> migrants continue,la ville croît <strong>de</strong> façon informelle, et la lenteur <strong>de</strong>sservices d’eau accentue le problème. Ceci signifie quel’approvisionnement informel en eau, avec ses avantageset ses inconvénients, restera dominant – encore un argumentpour que les politiques publiques empruntent auxmodèles informels et créent <strong>de</strong>s partenariats <strong>de</strong> longuedurée.CoûtNCWSCCoût surle marchéinformelDépensemoyenned’un foyerpar mois,sur la base<strong>de</strong> 100L/jourProfitmoyen duven<strong>de</strong>ur, parfoyer (surla base d’unprix d’achatinitialNCWSC)Coût : 1m3à 5Ksh/20L(0, 05€/20L)Coût :1m3 à10Ksh/20L(0, 09€/20L)Coût :1m3 à50Ksh/20L(0, 46€/20L)250 (€2.31) 500 (€4.62) 2, 500(€23.11)750 (€6.93) 1, 500(€13.87)693.9(€6.41)1443.9(€13.35)7, 500(€69.33)7443.9(€68.81)Coût moyen/m3 (autreschargesNCWSC noncomprises)18.71 (€0.17)56.1 (€0.52)


62DakarLES RÉCUPÉRATEURS DE LA DÉCHARGE DE MBEUBEUSS,UNE VIE DE BOUDIOUMANEBaraque <strong>de</strong> récupérateuret espace <strong>de</strong>stockage attenantJeunes élèves ducentre <strong>de</strong> formationpolyvalent géré parles récupérateursL’activité <strong>de</strong> récupération est informelle au Sénégal,elle n’est pas encore structurée à l’exemple d’autre payscomme l’In<strong>de</strong> ou la Colombie ou l’activité <strong>de</strong> récupérationest intégrée dans le système classique <strong>de</strong> gestions<strong>de</strong>s déchets soli<strong>de</strong>s. Ainsi les récupérateurs sont <strong>de</strong>sacteurs reconnus en étant présents dans toute la chainetechnique <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> déchets <strong>de</strong> ces pays,<strong>de</strong> la collecte, jusqu’au traitement <strong>de</strong>s déchets. En voyantleur travail reconnu comme étant d’intérêt public lesrécupérateurs ont pu gagner en estime sociale, le métier<strong>de</strong> récupérateur perdant peu à peu <strong>de</strong> sa connotation péjorative.Au Sénégal les récupérateurs portent le nom <strong>de</strong>« Boudioumane » qui signifie « fouilleur ou farfouilleur »,on les trouve principalement dans la région <strong>de</strong> Dakarqui est la capitale <strong>de</strong> Sénégal. Ils opèrent dans les pointsimportants <strong>de</strong> dépôts temporaires <strong>de</strong> déchets <strong>de</strong> la villecomme les marchés, les plateaux <strong>de</strong> bureaux, les hôtels.Cependant la plus gran<strong>de</strong> concentration <strong>de</strong> récupérateursse trouve à Mbeubeuss, unique décharge publique <strong>de</strong>la région <strong>de</strong> Dakar. La décharge <strong>de</strong> Mbeubeuss est unedécharge particulière, elle est à la fois un lieu <strong>de</strong> travail etd’habitat pour les récupérateurs.Ainsi il existe <strong>de</strong>ux zones d’habitations dans la décharge :Gouygui (baobab en wolof) et Baol (nom d’un ancienroyaume anciennement situé dans le centre du pays).Latoponymie <strong>de</strong> ces zones d’habitations nous renseigne surles régions d’origine <strong>de</strong>s récupérateurs. <strong>Les</strong> premiers peuplements<strong>de</strong> récupérateurs dans la décharge datent <strong>de</strong>sannées 1970, pério<strong>de</strong> marqué par la crise du secteur agricoleayant provoqué un exo<strong>de</strong> rural <strong>de</strong>s régions périphériquesvers la capitale. <strong>Les</strong> villages <strong>de</strong> récupérateurs ontles caractéristiques <strong>de</strong> bidonvilles. Le village <strong>de</strong> Gouyguiest composé d’une vingtaine <strong>de</strong> baraques distantes d’unedizaine <strong>de</strong> mètre les une <strong>de</strong>s autres. Elles sont construitesavec <strong>de</strong>s tôles récupérées, <strong>de</strong> fûts ou <strong>de</strong> barils aplatis.Chaque baraque à un espace attenant servant d’espace<strong>de</strong> stockage <strong>de</strong> matériaux récupérés. Le second village <strong>de</strong>Baol est nettement plus grand, il compte un peu plus <strong>de</strong>250 baraques construites principalement avec du carton.<strong>Les</strong> récupérateurs reproduisent le mo<strong>de</strong> d’organisationsociale <strong>de</strong> leur terroir d’origine. Chaque village à une personneconsidérée comme le responsable, à cause <strong>de</strong> sonexpérience, mais aussi du rang social qu’il occupait dansleur espace socioculturel d’origine.La particularité <strong>de</strong>s récupérateurs <strong>de</strong> Mbeubeuss estqu’ils sont à cheval sur <strong>de</strong>ux systèmes à priori incompatibles: le formel et l’informel. Malgré la précarité <strong>de</strong> leurhabitat et le caractère informel <strong>de</strong> leur activité, les récupérateurssont organisés sous la forme d’une association<strong>de</strong>puis 1994. Cette association a pour but <strong>de</strong> défendre lesdroits <strong>de</strong>s récupérateurs mais aussi <strong>de</strong> prendre en chargeleur développement social et la diversification <strong>de</strong> leurssources <strong>de</strong> revenues. L’association s’emploie à se mettreen réseau, ainsi plusieurs dirigeants <strong>de</strong> l’association ontpu participer à <strong>de</strong>s ateliers et à <strong>de</strong>s travaux internationaux.<strong>Les</strong> récupérateurs ont aussi en partenariat avecdivers organisations non gouvernementales put construireplusieurs équipements dont une case <strong>de</strong> santé quipolarise tout les quartiers environnant la décharge <strong>de</strong>Mbeubeuss et un centre social <strong>de</strong> formation polyvalentqui forme <strong>de</strong>s <strong>jeunes</strong> filles issues <strong>de</strong> familles pauvres <strong>de</strong>la localité, afin d’éviter qu’elles n’entrent dans le travail <strong>de</strong>récupération. L’activité <strong>de</strong> récupération et ses retombéesprofitent donc à l’ensemble <strong>de</strong> la communauté vivant autour<strong>de</strong> la décharge. Ainsi la vie <strong>de</strong> récupérateurs reflètebien leur <strong>de</strong>vise : « Vivre dans les déchets, ne fait pas <strong>de</strong>nous <strong>de</strong>s déchets ».


DakarRIEN NE SE PERD, TOUT SE RÉCUPÈRE63Place <strong>de</strong> reventespécialisée en déchetsélectroniquesdans la décharge <strong>de</strong>Mbeubeuss.Existe-t-il <strong>de</strong> déchets qui ne peuvent être récupérés ? Onpourrait se poser la question tant les récupérateurs sont<strong>de</strong>s recycleurs d’une extrême efficacité, avec <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong>recyclages avoisinant les 80 % dans certaines villes dumon<strong>de</strong> comme le Caire en Egypte. A Mbeubeuss, seuledécharge publique autorisée du Sénégal, on estime1 quele tiers <strong>de</strong>s déchets qui y sont acheminés serait récupéréet traité informellement. L’activité <strong>de</strong> récupération estcomposée <strong>de</strong> trois phases distinctes :1. Le tri : les déchets ne sont pas triés lors <strong>de</strong> la collecte.Ils sont acheminés sans traitement au niveau <strong>de</strong> la plateforme<strong>de</strong> déversement <strong>de</strong> la décharge <strong>de</strong> Mbeubeuss. Letri est effectué par les récupérateurs. L’opération est faitemanuellement à l’ai<strong>de</strong> d’un crochet métallique. Ainsiune séparation est effectuée selon cette catégorisation :plastiques, métaux, matières organiques, déchets électroniquesainsi qu’un certain nombre <strong>de</strong> déchets particulierscomme les mèches synthétiques, les chiffons et le verre.2. Le recyclage : Tous les matériaux récupérés sont susceptibles<strong>de</strong> faire l’objet d’un recyclage, soit sur place parles recycleurs <strong>de</strong> la décharge pour en augmenter la valeurajoutée ou à l’extérieur par les acheteurs <strong>de</strong> produitsrécupérés. <strong>Les</strong> matières plastiques (chaussures, seaux,les toiles imperméables) sont les plus recyclés. Mêmeles déchets sujets à une dégradation rapi<strong>de</strong> comme lesrésidus alimentaires sont récupérés par les femmes afind’être revendus aux éleveurs <strong>de</strong> bétails surtout à Malikaoù l’élevage <strong>de</strong> porc est très rependu.3. La vente : Il existe <strong>de</strong>s filières selon les types <strong>de</strong> matériaux.<strong>Les</strong> produits récupérés sont majoritairement vendussur place, chaque récupérateur tient une petite échoppeou il stock provisoirement son produit <strong>de</strong> récupérationavant <strong>de</strong> le revendre. Certaines filières exportent mêmejusque dans la sous région, c’est le cas <strong>de</strong> la filière duverre. <strong>Les</strong> acheteurs vont du simple particulier, aux sociétés<strong>de</strong> la place qui viennent acheter en gros.


64 LoméGESTION DES ORDURES MÉNAGÈRES,QUAND L’INFORMEL ET LE FORMEL COHABITENTEboueurs <strong>de</strong> fortune.Dépotoirs sauvage.Depuis la rupture du contrat <strong>de</strong> la société SOTEMA en 1997,la gestion <strong>de</strong>s ordures ménagères n’a cessé <strong>de</strong> se dégra<strong>de</strong>r. La municipalité n’arrivait plus à assurerpleinement la collecte <strong>de</strong>s ordures. En réaction du vi<strong>de</strong>, l’informel s’est installé.La décharge finaled’AgouéRupture1974. La mairie <strong>de</strong> Lomé confie la gestion <strong>de</strong>s orduresménagères à la Société Togolaise d’ Enlèvement <strong>de</strong>sOrdures ménagères et d’Assainissement (SOTEOMA).Progressivement, elle accumule <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ttes vis-à-vis <strong>de</strong> lasociété. La qualité <strong>de</strong>s prestations se dégra<strong>de</strong>. En 1997,La mairie, acculée par ses <strong>de</strong>ttes n’en peut plus. C’est larupture. <strong>Les</strong> tas d’immondices abon<strong>de</strong>nt dans la ville. Desassociations <strong>de</strong> quartiers se mettent en place pour assurertant bien que mal la collecte <strong>de</strong>s ordures.Un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestion municipale en phase <strong>de</strong> structuration:Eboueurs <strong>de</strong> fortune, dépotoir sauvage, risque <strong>de</strong> maladieélevé. Voilà en peu <strong>de</strong> mots résumé la situation <strong>de</strong> lagestion informelle <strong>de</strong>s ordures ménagères. Moyennantquelques pièces, ces éboueurs <strong>de</strong> l’informel vousdébarrassent <strong>de</strong> vos ordures. Espaces délaissés, zonesinconstructibles, caniveau d’évacuation <strong>de</strong>s eaux pluviales.Tous, sans exception sont les terres d’accueil <strong>de</strong>ces innombrables immondices. « <strong>Les</strong> gens <strong>de</strong>s quartiersenvironnant viennent la nuit, vers 2h à 3h du matin pourdéverser leur ordures ménagères près <strong>de</strong> chez nous.Et cette pratique nous indispose » s’est plaint le secrétaire<strong>de</strong> M Togbui Sedovon Amouzou, chef du quartierd’Akossombo.Perspectives2007. La mairie <strong>de</strong> Lomé et l’Agence Française <strong>de</strong> Développementnoue un partenariat. Ensemble, ils s’engagentà assurer une meilleure gestion <strong>de</strong>s ordures ménagères àtravers le Projet Environnement urbain <strong>de</strong> Lomé. En Cinqans, les perspectives sont timi<strong>de</strong>ment encourageantes.Selon le Rapport du Grand Lomé, sur 20 dépotoirs intermédiairesprévus, seuls 7 sont opérationnels.Dépotoir sauvage : dépotoir non autorisé crée par <strong>de</strong>srési<strong>de</strong>nts n’ayant pas souscrit à un abonnement. <strong>Les</strong> sitesprivilégiés sont les espaces vi<strong>de</strong>s, les réserves administratives,les abords <strong>de</strong>s rues.la pré-collecte <strong>de</strong>s déchets <strong>de</strong> porte à porte par <strong>de</strong>s structuresagréées par la Mairie, qui sont ensuite acheminésvers <strong>de</strong>s dépotoirs intermédiaires à l’ai<strong>de</strong> d’une tractionmotorisée.la collecte <strong>de</strong>s déchets <strong>de</strong> porte à porte par <strong>de</strong>s camionsbennes tasseuses dans certains quartiers et confiés à <strong>de</strong>sentreprises privées ;le transport <strong>de</strong>s déchets vers la gran<strong>de</strong> décharge finalepar <strong>de</strong>s entreprises privées.Prix d’abonnement : 1000 FCFA/ moisInformelUn mo<strong>de</strong> informel non contrôlé- Transport <strong>de</strong>s déchets vers <strong>de</strong>s décharges non contrôléespar <strong>de</strong>s éboueurs informels ou par les ménages ;- Abandon <strong>de</strong>s déchets sur les voies publiques, dans lesespaces vi<strong>de</strong>s ou dans les réseaux d’évacuation <strong>de</strong>s eauxpluvialesCoût : 50 à 100 FCFA (le prix d’une <strong>de</strong>mie baguette <strong>de</strong>pain) / ramassage (la fréquence <strong>de</strong> ramassage dépend <strong>de</strong>chaque ménage ; gratuit si la personne va elle-même jetersa poubelle au dépotoir sauvage.


AccraIMPACT SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL DU SECTEUR INFORMEL<strong>Les</strong> activités du secteur informel sont certes un moyen pour les habitants <strong>de</strong> subsister, mais sontégalement source <strong>de</strong> nombreux défis pour la ville d’Accra et ses administrateurs.65Impact environnemental<strong>de</strong>l’habitat informel– les orduress’accumulent dansune rue d’Old Accra.Source : FlickrLa taille et le niveau d’activité (socio-économique) dusecteur informel impactent fortement la société. <strong>Les</strong>activités du secteur informel sont certes un moyen pourles habitants <strong>de</strong> subsister, mais sont également source <strong>de</strong>nombreux défis pour la ville d’Accra et ses administrateurs.Traverser la ville en bus est suffisant pour se rendrecompte <strong>de</strong> l’impact négatif <strong>de</strong> certaines <strong>de</strong> ces activitéssur les conditions <strong>de</strong> vie et l’environnement. Il y a, toutefois,<strong>de</strong>s aspects positifs.L’impact <strong>de</strong>s activités économiques sur la vie et le cadreest d’abord visible dans les structures urbaines comme lelogement et l’habitat, les infrastructures (transport, électricité,services publics), le type d’échanges privilégiés,et le type <strong>de</strong> sociabilité du secteur informel. L’impact surle logement est extrêmement négatif. Négatif, puisquela situation foncière actuelle à Accra laisse fort à désirer,et amène son lot d’enjeux sociaux et environnementauxcomme un fort taux <strong>de</strong> criminalité, <strong>de</strong>s standards sociauxbas, une image dépréciée, et une gran<strong>de</strong> pollution (<strong>de</strong>l’air, du sol, <strong>de</strong> l’eau). Extrême, en ceci que l’impact esttel qu’il faudrait déployer d’énormes efforts et ressourcesau niveau gouvernemental (exécution <strong>de</strong>s loisfoncières existantes, amélioration <strong>de</strong> l’accès au logementet à l’éducation en bidonvilles…) et au niveau populaire(changement d’attitu<strong>de</strong>) pour faire changer la ville <strong>de</strong>cap. Chaque jour, le flux <strong>de</strong> nouveaux migrants issus <strong>de</strong>l’exo<strong>de</strong> rural, qui n’ont souvent ni logement, ni ressourcespour un loyer, grossit les bidonvilles.<strong>Les</strong> 78 bidonvilles i<strong>de</strong>ntifiés à Accra n’en sont pas tous aumême point. Ces quartiers contribuent gran<strong>de</strong>ment à lapollution urbaine (<strong>de</strong> l’air, du sol, <strong>de</strong> l’eau). Non planifiés,les logements sont souvent bâtis près <strong>de</strong> ou carrémentdans le lit <strong>de</strong>s cours d’eau – ruisseaux ou rivières. De fait,chaque année, les inondations emportent une partie <strong>de</strong>sbiens et <strong>de</strong>s vies du quartier. L’habitat proche <strong>de</strong>s coursd’eau y déverse une pollution soli<strong>de</strong>. Ainsi, la rivièreOdaw (voie d’eau majeure pour Accra) est polluée entreautres par les quartiers d’Alajo et d’Old Fatama (Circle).Alajo et Old Fatama sont <strong>de</strong>s bidonvilles, l’un sûr, l’autredangereux, caractérisés par une forte <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> populationet <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie plus qu’insalubres. Cesquartiers sont non seulement inondables mais, inaccessibles,n’ont pas accès à <strong>de</strong>s services corrects <strong>de</strong> propreté.<strong>Les</strong> déchets soli<strong>de</strong>s s’empilent à Accra, issus du quotidien<strong>de</strong>s foyers et <strong>de</strong>s activités économiques. <strong>Les</strong> services<strong>de</strong> propreté doivent gérer <strong>de</strong> faibles ressources et uneattitu<strong>de</strong> négative <strong>de</strong>s habitants concernés. <strong>Les</strong> orduressoli<strong>de</strong>s qui s’accumulent <strong>de</strong> manière anarchique bloquentles caniveaux et les cours d’eau, où l’eau sale ne circuleplus – source d’inondations majeures après <strong>de</strong> fortespluies.S’il est impossible d’évaluer la part <strong>de</strong>s secteurs formel etinformel dans la pollution urbaine, le second joue clairementun rôle majeur. Certains noyaux industriels <strong>de</strong> laville formelle y contribuent également, mais dépen<strong>de</strong>nt<strong>de</strong> l’Agence pour la Protection <strong>de</strong> l’Environnement, quisurveille la quantité et la qualité <strong>de</strong> leurs émissions.La gran<strong>de</strong> pollution <strong>de</strong> l’air et <strong>de</strong> l’eau est liée plus à unecertaine attitu<strong>de</strong> du secteur informel, qu’à l’échec <strong>de</strong>sinstitutions. <strong>Les</strong> normes sociales sont regardées avecmépris, et l’on traitera avec indifférence un voisin quidéverses ses ordures n’importe où, n’importe comment.


66DakarRÉSILIENCE ARCHITECTURALEConstructionmodifiée pourlutter contre lesinondationsEntrée surélevéepour lutter contreles inondations.La résilience est un phénomène psychologique qui consistepour un individu affecté par un traumatisme a prendreacte <strong>de</strong> l’événement traumatique et a développer <strong>de</strong>smécanismes <strong>de</strong> protection semblables a ce que l’on pourraitappeler <strong>de</strong>s anticorps psychiques dans le but <strong>de</strong> déconstruirele traumatisme et <strong>de</strong> surmonter la dépression.Ce phénomène a priori psychologique a <strong>de</strong>s manifestationsphysiques et c’est ce à quoi on assiste actuellementdans les quartiers urbains pauvres <strong>de</strong> Dakar, touchés parles inondations. <strong>Les</strong> populations <strong>de</strong> ces quartiers ontété affectées par les inondations psychologiquement etmatériellement.Le cas du quartier <strong>de</strong> Grand Yoff est assez représentatif<strong>de</strong>s zones touchées par les inondations. En effet GrandYoff est un quartier spontané en parti, et situé dans unezone dépressionnaire. <strong>Les</strong> parties inondées sont <strong>de</strong>szones non structurées avec une très faible pénétrationdu réseau d’assainissement. Ainsi les eaux <strong>de</strong> pluies nesont évacuées que par ruissèlement ou par infiltration.Quand les pluies sont importantes au point <strong>de</strong> dépasserles capacités d’absorption du sol, les eaux envahissent lesconstructions et peuvent monter jusqu’à 50cm.La manifestation physique du phénomène <strong>de</strong> résiliencecommunautaire rési<strong>de</strong> en une similitu<strong>de</strong> architecturaleau niveau du bâti. On constate qu’à chaque forte pluieles populations tentent <strong>de</strong> sécuriser leurs propriétésque ca soit <strong>de</strong>s maisons ou <strong>de</strong>s commerces, en élevantleurs pas <strong>de</strong> portes avec une rangée <strong>de</strong> briques, dansle but d’empêcher les eaux pluviales d’entrer dans lesbâtiments. <strong>Les</strong> briques sont généralement en ciment etont une hauteur avoisinant les 20 cm. Au fils <strong>de</strong>s annéesles rangées <strong>de</strong> briques se superposent et augmentent ledénivelé entre le niveau du sol à l’extérieur et l’intérieur<strong>de</strong>s maisons. On pourrait penser que c’est le niveau <strong>de</strong>seaux stagnantes qui montent à cause d’une pluviométrieplus importante au fil du temps, mais c’est le résultatd’une succession <strong>de</strong> remblais effectué par les populations.En effet, <strong>de</strong>s remblaiements spontanés sont effectués parles populations avec divers types <strong>de</strong> matériaux comme dusable, <strong>de</strong>s gravats et dans <strong>de</strong>s cas extrêmes <strong>de</strong>s déchets.Ces remblais permettent d’absorber le surplus d’eau <strong>de</strong>manière ponctuelle, mais ont pour conséquence d’éleverle niveau du sol par rapport aux constructions, permettantun accès plus facile eaux ruisselantes <strong>de</strong>s prochainespluies. De ce fait, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 60 mm <strong>de</strong> pluviométrie, leseaux <strong>de</strong> ruissellement envahissent les maisons. C’est uncercle vicieux qui se forme ainsi et maintient les populationsen insécurité pendant la saison <strong>de</strong>s pluies. Cesremparts précaires donnent aux populations l’impressionqu’elles peuvent agir à leur niveau contre <strong>de</strong>s problèmesqui nécessitent une prise charge structurelle et durabletelle qu’une opération <strong>de</strong> restructuration urbaine. Ainsielles se prennent en charge, imaginent <strong>de</strong>s solutions etles mettent en œuvre tout en étant conscient <strong>de</strong> leur inefficacité.


68ARTICLEDakarL’ÉCONOMIE DE LA RÉCUPÉRATION,SOUS LES ORDURES, UNE NICHE D’EMPLOIS.La récupération informelle <strong>de</strong>s déchets est une activitéexercée un peu partout dans le mon<strong>de</strong>, avec plus moinsdivers <strong>de</strong>grés <strong>de</strong> présence et <strong>de</strong> structuration <strong>de</strong>s récupérateurs.Appelés « Chifonye » en Haiti, « Recicladores » enColombie ou encore « Tokai » au Bangla<strong>de</strong>sh, les récupérateurssont connus sous le nom <strong>de</strong> « Boudjouman »au Sénégal qui peut être littéralement traduit comme« farfouilleur ». La signification <strong>de</strong> ce mot renseigne sur laperception sociologiquement dépréciative <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>récupération. Elle est considérée comme l’ultime recourspour accé<strong>de</strong>r à un revenu et qui est souvent exercée parla frange la plus pauvre <strong>de</strong> la population et qui ne peutpas accé<strong>de</strong>r à un emploi formel ou même à un emploi informelmais qui nécessite un minimum d’investissementfinancier.La récupération informelle est exercée sur l’étendue <strong>de</strong>la Ville <strong>de</strong> Dakar, essentiellement au niveau <strong>de</strong>s points<strong>de</strong> dépôts communautaires d’ordures comme les bennespublics, les points <strong>de</strong> déversements sauvages et sur laseule décharge publique <strong>de</strong> Dakar : Mbeubeuss. Ainsion peut distinguer <strong>de</strong>ux catégories <strong>de</strong> récupérateurs : lesrécupérateurs itinérants qui parcourent les divers points<strong>de</strong> productions massives <strong>de</strong> déchets comme les marchéset les récupérateurs sé<strong>de</strong>ntaires qui opèrent dansla décharge <strong>de</strong> Mbeubeuss. S’il est difficile d’apprécierl’impact économique en termes <strong>de</strong> génération <strong>de</strong> revenuset <strong>de</strong> création d’emplois <strong>de</strong>s récupérateurs itinérants, ilest en est tout autre pour les récupérateurs exerçant <strong>de</strong>manière sé<strong>de</strong>ntaire dans la décharge publique <strong>de</strong> Mbeubeussoù tout est structuré, <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> récupération àl’occupation <strong>de</strong> l’espace.Située dans le département <strong>de</strong> Pikine, précisément à27 km <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Dakar, la décharge <strong>de</strong> Mbeubeussest administrativement gérée par <strong>de</strong>ux communesd’arrondissement, celle <strong>de</strong> Malika et celle <strong>de</strong> Keur Massar.Seule décharge autorisée <strong>de</strong> la Région <strong>de</strong> Dakar, elle s’estétendue <strong>de</strong> manière soutenue <strong>de</strong>puis sa création en 1970.Elle couvre actuellement une superficie estimée à 175 ha.Le site <strong>de</strong> Mbeubeuss peut être divisé en trois gran<strong>de</strong>szones : Gouy Gui, Baol et la Plateforme. <strong>Les</strong> <strong>de</strong>ux premièreszones sont <strong>de</strong>s zones d’habitations et sont communémentappelées « village ». Le premier village, Gouy-Gui est à 500 m <strong>de</strong> l’entrée <strong>de</strong> la décharge. Le nom <strong>de</strong> cevillage est emprunté au grand baobab qui surplombe lesite et dont le nom en wolof est Gouy-gui.Baol, le <strong>de</strong>uxième village se trouve à peu près à 200mètres <strong>de</strong> Gouy-Gui. Son appellation est tirée du nomd’une <strong>de</strong>s régions qui constituent le bassin arachidier duSénégal (Diourbel, Kaolack, Fatick) d’où sont originairesles récupérateurs et recycleurs qui y sont implantés.La Plateforme, en ce qui la concerne, est le principalsite <strong>de</strong> déversement <strong>de</strong>s ordures ménagères et le lieu <strong>de</strong>fréquentation <strong>de</strong> la majorité <strong>de</strong>s récupérateurs. Sa localisationévolue dans l’espace en fonction <strong>de</strong> l’étalement <strong>de</strong>la décharge.Ces trois sites sont <strong>de</strong>s zones d’habitat mais aussi <strong>de</strong>travail pour les récupérateurs, femmes et hommes confondus.La décharge <strong>de</strong> Mbeubeuss fonctionne <strong>de</strong> manière trèsrudimentaire, presque sauvage. L’absence <strong>de</strong> législationdans la gestion <strong>de</strong> la décharge fait qu’il n’y a pas <strong>de</strong> plan<strong>de</strong> déversement ni <strong>de</strong> traitement. Il n’y a qu’un terrassementet un compactage sommaire qui est effectué audéversement <strong>de</strong>s déchets. La décharge reçoit officiellement,prés <strong>de</strong> 475000 tonnes/an <strong>de</strong> déchets soli<strong>de</strong>sprovenant <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> la région <strong>de</strong> Dakar.Cependant, on peut estimer que ce chiffre est largementdépassé si on prend en compte les déversementsd’ordures non déclarés, issus <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> collectesinformelles <strong>de</strong> déchets (charrettes), <strong>de</strong>s déversementseffectués par les ménages environnants, et les déchargementsirréguliers effectués par <strong>de</strong>s sociétés et industries.La décharge <strong>de</strong> Mbeubeuss est fréquentée quotidiennementet en moyenne par 3500 personnes 1 .Une véritable économie existe autour <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>récupération <strong>de</strong> déchets, ainsi un tiers <strong>de</strong>s déchets déversésdans la décharge serait récupéré. Il existe plusieursfilières <strong>de</strong> récupération et qui peuvent être classifiées enfonction <strong>de</strong>s matériaux récupérés. Nous avons les filièressuivantes :La filière <strong>de</strong>s déchets électroniques (ordinateurs, radio,téléviseurs, téléphones…)La filière <strong>de</strong>s déchets métalliques (canettes <strong>de</strong> boisson,cuivre, ferraille)La filière <strong>de</strong>s déchets plastiques (sachets, bouteilles,chaise en plastique, bidons…)La filière du papier (journaux, livres, cartons…)La filière <strong>de</strong>s matières organiques (résidus alimentairesdomestiques, hôteliers, poisson issu <strong>de</strong>s usines <strong>de</strong> conditionnement).La filière du terreauToutes ces filières sont pourvoyeuses d’emplois directset indirects. <strong>Les</strong> emplois au sein <strong>de</strong>s filières peuvent êtreschématisés sous formes <strong>de</strong> cercles concentriques en1 – Rapport final d’activités Projet PURE « Dakar, Ville Ciblée »^=CRDI-IAGU-2006-2010


69Carte <strong>de</strong> ladécharge <strong>de</strong>Mbeubeuss (sourcePlan d’Action et<strong>de</strong> Réinstallation2011)Récupérateur autravail


71Structuration <strong>de</strong>semplois dansl’économie <strong>de</strong> larécupérationproduits importés. La perte <strong>de</strong> probable <strong>de</strong> cette sourced’approvisionnement avec la fermeture prévue <strong>de</strong> ladécharge <strong>de</strong> Mbeubeuss en 2013 menace les emploisdans ces secteurs. Il est difficile d’avoir une estimation dunombre d’emplois concernés car ces industries communiquentpeu sur leurs effectifs.<strong>Les</strong> artisans : ils achètent principalement <strong>de</strong>s produitscontenant <strong>de</strong> l’aluminium et ayant subit un compactage.Ils se ravitaillent auprès <strong>de</strong>s grossistes. L’aluminium estensuite fondu pour en faire <strong>de</strong>s ustensiles <strong>de</strong> cuisines.<strong>Les</strong> reven<strong>de</strong>urs basent leur commerce sur du produitrecyclé et ayant subit une transformation artisanale.Ils achètent aux transformateurs travaillants dans ladécharge <strong>de</strong>s oreillers, <strong>de</strong>s matelas, <strong>de</strong>s toiles pour lesvendre dans les marchés <strong>de</strong> la zone (Malika, Pikine, thiaroye,Yeumbeul)Une caractéristique intéressante <strong>de</strong> l’économie <strong>de</strong> la récupérationest la coopération existante entre <strong>de</strong>s acteursayant <strong>de</strong>s statuts différents. <strong>Les</strong> emplois pourvus parl’économie <strong>de</strong> la récupération dans l’espace <strong>de</strong> la déchargeet dans le secteur <strong>de</strong> l’artisanat sont totalement informelsalors que ceux <strong>de</strong>s industries qui s’approvisionnentdans la décharge sont formels. Le nombre d’emplois parsecteur ayant <strong>de</strong>s liens avec la récupération est difficileà estimer, car les étu<strong>de</strong>s sur le sujet sont parcellaires etpeu exhaustives. Malgré le caractère peu valorisant dutravail <strong>de</strong> récupération, la valeur <strong>de</strong> l’activité en termes<strong>de</strong> génération d’emplois et <strong>de</strong> création <strong>de</strong> richesse estavérée car la décharge générerait 13 millions <strong>de</strong> francsCFA quotidiennement soit 19847 euros. <strong>Par</strong> le tri, le nettoyage,la remise a neuf et la vente <strong>de</strong> produits recyclés,la récupération est un moyen efficient pour protégerl’environnement : en réintroduisant dans le circuit industriel<strong>de</strong>s matières premières recyclées tels que le papier, leplastiques, ou le fer, la récupération attenue la pollutionengendrée par l’exploitation <strong>de</strong>s ressources naturellestels que le bois, le pétrole ou les minerais. L’inclusion <strong>de</strong>srécupérateurs dans les systèmes <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> déchetset leur formalisation peut être en outre un moyen <strong>de</strong>résorption du chômage qui est nette progression dans uncontexte <strong>de</strong> crise économique mondiale. On dénombre àpeu prés 15 millions <strong>de</strong> récupérateurs à travers le mon<strong>de</strong>,une puissante main d’œuvre capable <strong>de</strong> contribuer fortementà l’assainissement <strong>de</strong>s pays où ils opèrent.


Conditions<strong>de</strong> vieet temporalité73


NairobiLA VIE INFORMELLE AU QUOTIDIEN : VIVRE DANS 10M 275C’est une cabane, mais c’est surtout une maison pour leshabitants <strong>de</strong>s quartiers informels <strong>de</strong> Nairobi et <strong>de</strong> biend’autres villes où ce genre d’habitat existe. Le marchéfoncier informel à Nairobi génère, par <strong>de</strong>sign ou pardéfaut, <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> 10 m 2 en moyenne dans les quartiersnon planifiés. <strong>Les</strong> loyers dépen<strong>de</strong>nt principalement duquartier (Mathare et Kibera sont relativement chers), <strong>de</strong>la localisation (géographique et contextuelle), <strong>de</strong>s servicesaccessibles (connexion au réseau électrique) et <strong>de</strong>sspécificités du logement. <strong>Les</strong> loyers s’étalent <strong>de</strong> 500 Ksh(4,6 €) au plus bas à un maximum <strong>de</strong> 3000 Ksh (37 €). <strong>Les</strong>conditions <strong>de</strong> vie dans les quartiers informels <strong>de</strong> Nairobifigurent au palmarès <strong>de</strong>s pires du continent.<strong>Les</strong> habitants optimisent au mieux l’espace réduit.L’espace est perçu <strong>de</strong> façon sociale, et produit unecertaine sociabilité. L’étu<strong>de</strong> révèle que les fonctions <strong>de</strong>la cabane sont nombreuses et essentielles pour faire fonctionnerle foyer. En somme, cette petite surface contientle salon, la cusine, la salle à manger, la ou les chambres,et parfois une salle d’eau ou <strong>de</strong> toilette (système <strong>de</strong> « toilettesvolantes »). Le sketch ci-<strong>de</strong>ssous illustre la dispositiontypique <strong>de</strong> ces fonctions dans une cabane <strong>de</strong> 10m2.En interview, les habitants <strong>de</strong>s quartiers informelssoulignent que lesdites fonctions ne sont pas fixes, maistemporaires. L’espace fluctue à un niveau micro-spatial: le salon <strong>de</strong>vient une chambre à la nuit et une salle <strong>de</strong>toilette au matin. <strong>Les</strong> femmes préfèrent prendre <strong>de</strong>s bainsà l’intérieur <strong>de</strong> la maison, pour <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> sécurité.<strong>Les</strong> occupants (locataires ou propriétaires occupants)ten<strong>de</strong>nt à cloisonner l’espace avec un ri<strong>de</strong>au ou du carton,mais cela n’offre que très peu d’intimité. <strong>Les</strong> habitants enparlent comme d’une source <strong>de</strong> la délinquance sociale.Ainsi, les parents ne peuvent facilement abor<strong>de</strong>r <strong>de</strong>ssujets adultes ou maritaux, puisqu’ils partagent plus oumoins leur chambre avec leurs enfants. L’éducation <strong>de</strong>senfants en souffre. En discussion, un habitant <strong>de</strong> Matharenous dit que ses relations conjugales doivent avoir lieu enjournée, quand les enfants sont à l’école. A vivre dans lebidonville, ils adoptent <strong>de</strong>s stratégies d’optimisation <strong>de</strong>l’espace pour maximiser leur satisfaction, à défaut d’avoirgrand choix en logement à bas coût en ville.Pour ce qui est <strong>de</strong> l’environnement, l’air en intérieur estfortement imprégné <strong>de</strong> la paraffine et du charbon <strong>de</strong>cuisine. Une source d’énergie moins nocive, comme legaz et l’électricité, serait un luxe dont les foyers pauvresne peuvent que rêver. <strong>Les</strong> maladies respiratoires sontfréquentes dans les quartiers informels. D’autre part, lescabanes poussent sans regar<strong>de</strong>r aux spécificités physiques<strong>de</strong> la zone – <strong>de</strong>s zones souvent inondables dans un contexte<strong>de</strong> mauvaise gestion <strong>de</strong>s eaux pluviales. <strong>Les</strong> précipitationsembarquent l’eau grise et les égouts dans les coursd’eau. En saison <strong>de</strong>s pluies, les familles doivent gérer cesrisques environnementaux. Certaines font remarquer queleur cabane est bâtie au-<strong>de</strong>ssus d’un collecteur d’égouts –en cas d’averse les canaux peuvent éclater, et inon<strong>de</strong>r lesmaisons d’eau usée. C’est un risque sanitaire évi<strong>de</strong>nt.Mentionnons également que <strong>de</strong> nombreux foyers sontconnectés illégalement au réseau électrique. Ces connexions,dangereuses, provoquent d’incessants incendies.<strong>Les</strong> habitants <strong>de</strong> Mathare et <strong>de</strong> Kibera disent vivre dans lapeur constante que leurs branchements ne s’enflamment.Toutefois, ils soulignent que l’électricité illégale est leurseule option pour avoir une luminosité décente et recharger leurs appareils électroniques. A Mathare, une étu<strong>de</strong>révèle que 78% <strong>de</strong>s maisons ont l’électricité, mais que 68%<strong>de</strong>s connexions sont informelles.Il est évi<strong>de</strong>nt que les conditions <strong>de</strong> vie en milieu informelà Nairobi ne sont pas glorifiables. Le fait même <strong>de</strong> <strong>de</strong>voirvivre en cabane affecte l’estime <strong>de</strong>s habitants, ce que confirmele personnel <strong>de</strong> santé qui travaille dans les bidonvilles.Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s contraintes économiques et <strong>de</strong>s faiblesinfrastructures <strong>de</strong> service, l’espace pour le foyer est terriblementinsuffisant. Ceci ronge la vie sociale <strong>de</strong>s familles,et crée un enjeu majeur pour l’éducation <strong>de</strong>s enfants. Detelles <strong>de</strong>nsités – au niveau du quartier comme du lot –ont <strong>de</strong>s effets profonds sur la sociabilité qui émerge dansles quartiers informels. Confrontés à <strong>de</strong>s options limitées,les habitants créent <strong>de</strong>s stratégiques d’optimisation poursurvivre en ville. Il va sans dire qu’une vie meilleure pourles défavorisés urbains <strong>de</strong> Nairobi passera nécessairementpar l’accès à <strong>de</strong>s infrastructures <strong>de</strong> logement repensées, etpar le développement d’espaces publics dans les bidonvilles.<strong>Les</strong> inondations accentuent ce challenge environnemental.En somme, la vie dans cet espace bondé estun défi social, économique, physique et environnemental,mais cet espace, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s préjugés, est valorisé ettransformé à toutes échelles.


76 AccraLOGEMENT ET HABITATA la fin <strong>de</strong> la journée <strong>de</strong> travail, chacun souhaite rentrer dans un chez-soi protégé, sécurisé, doté <strong>de</strong>ressources adéquates.Bidonville d’Accra,Old Fadama.Une économied’échanges sedéveloppe dans cesquartiers.<strong>Les</strong> noyaux <strong>de</strong> peuplement dans la métropole d’Accrasont supervisés par l’ Assemblée Métropolitaine d’Accra(AMA) et le Département <strong>de</strong> Planification urbaine etrurale. L’afflux <strong>de</strong> migrants en provenance <strong>de</strong> l’exo<strong>de</strong> ruralces <strong>de</strong>rnières décennies est un défi pour ces institutionspuisqu’ils s’installent <strong>de</strong> manière informelle, sans moyensou presque.Ces noyaux <strong>de</strong> peuplement qui forment la plus gran<strong>de</strong>partie <strong>de</strong> la ville informelle sont désignés comme bidonvilles,d’après les conditions d’installation, leur accessibilité,le choix/l’offre <strong>de</strong> matériaux <strong>de</strong> construction, la<strong>de</strong>nsité au sol, le prix <strong>de</strong>s matériaux, leur suffisance, etc.L’ AMA les classe en <strong>de</strong>ux catégories selon leur niveau<strong>de</strong> sécurisation : bidonvilles sûrs, bidonvilles dangereux.<strong>Les</strong> seconds sont <strong>de</strong>s installations <strong>de</strong> squat, tandis que lespremiers bénéficient d’une clause <strong>de</strong> propriété reconnue.Toutefois, la plupart <strong>de</strong>s propriétaires n’ont souvent aucunpapier officiel puisque le terrain peut avoir été hérité<strong>de</strong> génération en génération.L’ A.M.A. reconnaît soixante-dix-huit bidonvillessaupoudrés à travers la ville. Le Service <strong>de</strong>s StatistiquesGhanéen (2012) note qu’on trouve dans la région duGrand Accra le plus haut pourcentage <strong>de</strong> constructions<strong>de</strong> fortune comme <strong>de</strong>s tentes, <strong>de</strong>s kiosques, <strong>de</strong>s bidons et<strong>de</strong>s extensions <strong>de</strong> commerces ou <strong>de</strong> bureaux. Ces tentes,bidons, etc… sont <strong>de</strong>s types d’habitat alternatifs accessiblesaux acteurs du secteur informel quand les bidonvillessont saturés ou quand ils ne peuvent s’en payer le loyermensuel.Dans le secteur informel, les logements sont construits<strong>de</strong> manière non planifiée, sans supervision <strong>de</strong>s acteursinstitutionnels. Dans les bidonvilles, chaque mètre carréest revendiqué par quelqu’un. <strong>Les</strong> cabanes sont principalementconstruites à base <strong>de</strong> matériaux <strong>de</strong> bassequalité qui durent peu, dont les plus populaires sontle contreplaqué, les plaques d’aluminium le carton, lecaoutchouc épais (contre les fuites) et du ciment pour lesol en petites quantités. Tout ceci pour bâtir un espacetemporaire, occupé par 7 à 14 personnes à la fois qui sont<strong>de</strong> la famille étendue ou sont <strong>de</strong>s amis qui paient pour occuperla cabane – selon les arrangements, entre 3 et 5 GH(1,6 à 2,67 $) par semaine. <strong>Les</strong> autres habitants « fortunés» occupent <strong>de</strong>s kiosques, <strong>de</strong>s commerces, ou les étagesvivables <strong>de</strong> bâtiments en construction.Pour ceux qui ne s’installent pas dans les bidonvillesdangereux, il y a la possibilité <strong>de</strong> louer une chambre ouune place dans un kiosque privé. <strong>Les</strong> locataires que nousavons interviewés déclarent payer entre 15 et 20 GH (9,4à 12,5 $) par mois, selon la taille <strong>de</strong> la chambre et lesservices accessibles (eau, électricité).La situation fragile <strong>de</strong>s locataires informels découle nonseulement <strong>de</strong> l’insuffisance <strong>de</strong> leurs revenus et <strong>de</strong>s opportunitéssocio-économiques qui s’ouvrent à eux, maiségalement d’un déficit <strong>de</strong> logements, du confort <strong>de</strong> basedans ces logements, et <strong>de</strong>s infrastructures essentiellespour la ville. On estime qu’il manque environs 300.000logements à Accra, et que 90% <strong>de</strong> l’offre en logement enville vient d’individus - le reste est fourni par les compagniesimmobilières, le gouvernement et les organisationsquasi-gouvernementales. La crise du logement crée <strong>de</strong>sdisputes pour l’habitat et l’infrastructure disponible, et laplupart <strong>de</strong>s habitants du secteur informel vivent dans <strong>de</strong>sstructures et un cadre insalubres.


AccraSOCIABILITÉS DU SECTEUR INFORMELLa sociabilisation, une pratique courante <strong>de</strong> divertissement et <strong>de</strong> relaxation, génèrent <strong>de</strong>s contraintes financières pourles habitants <strong>de</strong> la ville informelle.77C<strong>Les</strong> plages d’Accrasont le point <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vousprincipalpour les loisirs <strong>de</strong>week-endDans le secteur informel, les travailleurs au retour <strong>de</strong> leurlongue journée <strong>de</strong> travail (souvent plus que les dix heuresdu secteur formel) ont finalement le temps et l’envie <strong>de</strong>sociabiliser avec leur famille et leurs amis. Leurs pratiquessociales s’articulent autour <strong>de</strong> la culture commune,<strong>de</strong>s célébrations religieuses et <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> loisir.<strong>Les</strong> pratiques culturelles les plus fréquentent rassemblentfamille et amis autour <strong>de</strong>s rites <strong>de</strong> passages que sont laNaissance – naissance et cérémonie du nom, le Mariage– fiançailles et mariage, les rites Funéraires – semaine <strong>de</strong>cérémonies puis enterrement. Ces évènements, d’un jourou d’une semaine, impliquent souvent <strong>de</strong>s jours <strong>de</strong> travailperdus et donc une perte <strong>de</strong> revenus.Certaines cérémonies nécessitent un investissement, enparticulier les rites funéraires qui durent entre trois jourset une semaine. La qualité <strong>de</strong>s rites <strong>de</strong> passage témoigneet renforce le statut social <strong>de</strong>s individus, qui sont prêts àprendre un emprunt auprès <strong>de</strong> leur famille, <strong>de</strong> leurs amis,<strong>de</strong>s petites épargnes ou <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> crédit. Au cours<strong>de</strong> ces cérémonies, les célébrés et leur famille reçoivent<strong>de</strong> l’argent en ca<strong>de</strong>au. Cet argent est ensuite réutilisé pourrégler certaines <strong>de</strong>s facture <strong>de</strong> la fête.Autre cérémonie culturelle, les festivals <strong>de</strong>s différentesethnies attirent <strong>de</strong> larges communautés <strong>de</strong> la villeformelle et informelle qui partagent une histoire et unpatrimoine communs.Le calendrier religieux est également source <strong>de</strong> rassemblementset <strong>de</strong> pratiques sociales : les jours fériésreligieux (Noël et l’Eid-ul-fitr) ou nationaux du Ghana(Indépendance) sont une occasion <strong>de</strong> faire la fête et lapaix.<strong>Les</strong> habitants du secteur informel en profitent pour sereposer, rendre visite à leurs amis, et/ou prier. Le weekend,la pratique sociale majeure est le jeu, notamment lefootball dont <strong>de</strong>s matchs s’organisent sur un terrain dédiédu quartier et attirent la <strong>jeunes</strong>se environnante. Le weeken<strong>de</strong>st aussi l’occasion <strong>de</strong> prendre un verre et <strong>de</strong> sortirdanser dans un pub ou club local (connu comme « spot»). Ces loisirs génèrent une gran<strong>de</strong> activité économique.Une caractéristique <strong>de</strong> base <strong>de</strong>s commerces informels estleur structure temporaire – ce qui les rend particulièrementmobiles. <strong>Les</strong> stands <strong>de</strong> nourriture et autres colporteursse déplacent sur les lieux <strong>de</strong> socialisation (festivals,funérailles, mariages…) pour y vendre leurs mouchoirs,cartes <strong>de</strong> téléphone, cachous, et <strong>de</strong> l’eau toujours <strong>de</strong>mandée.Certains saisissent l’occasion d’augmenter leursprix. L’industrie informelle du transport profite également<strong>de</strong> l’opportunité, et il est fréquent <strong>de</strong> voir taxis etmobylettes garées près <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s fêtes pour transporterles participants. Sans tarif fixe ou prédéterminé, certainsconducteurs <strong>de</strong> taxi ou <strong>de</strong> motos en profitent égalementpour augmenter leurs prix.Pour les évènements sociaux, les habitants <strong>de</strong> la villeinformelle ten<strong>de</strong>nt à dépenser plus qu’ils n’ont et se tournentvers la famille, les amis, les petites agences <strong>de</strong> créditpour donner <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s cérémonies qui ne leur ferontpas perdre la face, à eux et à leur famille.La socialisation, une pratique courante <strong>de</strong> divertissementet <strong>de</strong> relaxation, génère <strong>de</strong>s contraintes financières pourles habitants <strong>de</strong> la ville informelle.


78 AccraLES NUITS DE LA CAPITALE<strong>Les</strong> stands <strong>de</strong> nourrituresont l’activitééconomique la plusfréquente <strong>de</strong> nuit.La ville informelle d’Accra fourmille <strong>de</strong> vie nocturne. <strong>Les</strong> activités <strong>de</strong> loisir et les activités économiquescontinuent toute la nuit, sous forme <strong>de</strong> bars ou d’autres.Accra est aussi active et énergique <strong>de</strong> nuit comme <strong>de</strong>jour, en particulier dans les noyaux <strong>de</strong> commerce ou <strong>de</strong>peuplement <strong>de</strong>nses – mais la vie nocturne est plus calmeet plus lente. Si dans les quartiers rési<strong>de</strong>ntiels la majorité<strong>de</strong>s habitants dorment dans le calme et le silence, leszones commerciales comme Accra Central et Circle ontune secon<strong>de</strong> vie à la nuit tombée, et fourmillent d’activitécomme les stands <strong>de</strong> nourriture, le colportage, <strong>de</strong>s marchés<strong>de</strong> nuit (aux produits frais directement arrivés <strong>de</strong>sfermes <strong>de</strong> village) et <strong>de</strong>s « spots » sociaux (pubs <strong>de</strong> bric et<strong>de</strong> broc ou débits <strong>de</strong> boisson).<strong>Les</strong> commerçants du secteur formel ferment en généralboutique entre 17h et 20h, selon leur activité. Ceci laissele champ libre à l’économie informelle. Ainsi, la <strong>de</strong>vanture<strong>de</strong> certaines boutiques d’Accra est réutilisée <strong>de</strong> nuitpour y dresser <strong>de</strong>s étals temporaires où <strong>de</strong>s marchandisesdiverses sont vendues sur tréteaux ou à même le sol. Ceséchanges se déroulent avec ou sans l’aval du propriétaire.La <strong>de</strong>vanture <strong>de</strong> boutiques fermées est égalementréutilisée comme lit pour la nuit, et les habitants <strong>de</strong> laville informelle crée une tente en accrochant <strong>de</strong>s moustiquairesà la poignée <strong>de</strong>s portes <strong>de</strong> la boutique ou à partir<strong>de</strong> carton et d’un tissu pour fermer l’abri.La nuit, le secteur formel est d’autant plus dépendantdu secteur informel pour <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s basiques hors<strong>de</strong>s heures d’ouverture officielles. Ainsi, les supérettes etrestaurants <strong>de</strong> fast-food ferment comme les autres entre17h et 20h – les colporteurs, les propriétaires <strong>de</strong> kiosquesdans les quartiers rési<strong>de</strong>ntiels ou informels, et les ven<strong>de</strong>urs<strong>de</strong> rue présents 24h/24 sont alors la seule source <strong>de</strong>biens et <strong>de</strong> services.La ville informelle d’Accra fourmille <strong>de</strong> vie nocturne. <strong>Les</strong>activités <strong>de</strong> loisir et les activités économiques continuenttoute la nuit, sous forme <strong>de</strong> bars ou d’autres. <strong>Les</strong> quartiersles plus « chauds » d’Accra, avec le plus <strong>de</strong> vie, sont Osu,Oxford Street, Circle et New Town. Des mini bars et <strong>de</strong>spostes <strong>de</strong> télévision branchés sur les matchs <strong>de</strong> footballpoussent dans ces quartiers, à <strong>de</strong>s tarifs divers. <strong>Les</strong>habitants du secteur informel ont peu <strong>de</strong> moyens pour seprocurer <strong>de</strong>s gadgets <strong>de</strong> divertissement ou <strong>de</strong>s appareilsélectroniques ; ils se consacrent aux relations et au sexe. Ilest fréquent <strong>de</strong> croiser <strong>de</strong>s couples ou <strong>de</strong>s travailleuses dusexe dans les rues <strong>de</strong>s « spots » les plus populaires ou <strong>de</strong>szones commerciales, comme Circle.En semaine, les principaux clients <strong>de</strong> la vie nocturne sontles travailleurs adultes <strong>de</strong>s secteurs formel et informel,qui se déten<strong>de</strong>nt après une dure journée <strong>de</strong> travail autour<strong>de</strong> la boisson froi<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur choix. Il est courant <strong>de</strong> croiserdans ces débits <strong>de</strong> boisson <strong>de</strong>s chômeurs dépensant lepeu qu’ils ont en alcool. <strong>Les</strong> <strong>jeunes</strong> sortent le weekend,en particulier le vendredi et samedi soir, tandis que leursparents préfèrent se reposer le dimanche pour affronterla semaine à venir.De nuit, il <strong>de</strong>vient plus complexe et plus cher <strong>de</strong> se déplacerdans la ville informelle. <strong>Les</strong> bus (Trotros), mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>transport le moins cher, ne roulent plus après dix heuresdu soir. La nuit, les habitants loin <strong>de</strong> chez eux doivent sereporter sur les taxis, qui augmentent leurs prix.La sécurité nocturne n’est assurée que par la surveillance<strong>de</strong>s comités <strong>de</strong> quartier, et les quartiers qui n’en ont passont dangereux pour les commerçants. De fait, la plupart<strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> nuit commercent dans leur quartier, oùl’espace et les gens leurs sont familiers, et pour toute sécuritécomptent les uns sur les autres ou sur leur instinct.


Le CapCONFLITS DE CULTURE ET DE TRADITIONSL’exo<strong>de</strong> rural rapi<strong>de</strong> au Cap crée une disjonction entre les espaces formels <strong>de</strong> la ville et les coutumes ettraditions rurales <strong>de</strong>s nouveaux habitants.79PDu bétail sur unpont au-<strong>de</strong>ssus<strong>de</strong> l’autoroute N2près <strong>de</strong> l’aéroportinternational duCap. Cette autorouteest entourée <strong>de</strong>bidonvilles.)L’aménagement spatial sous l’Apartheid a créé <strong>de</strong>s « zonestampons », espaces ouverts <strong>de</strong> séparation entre les townshipset les quartiers réservés à <strong>de</strong>s communautés différentes.Ces séparations étaient souvent renforcées par<strong>de</strong>s autoroutes ou voies ferrées qui agissaient comme unebarrière supplémentaire. Au cours du XXe siècle, Le Caps’est développé comme un ensemble <strong>de</strong> noyaux urbainsdifférenciés, séparés par <strong>de</strong>s espaces vi<strong>de</strong>s. Ce système agénéré, selon les communautés, <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s différencesdans le rapport à l’histoire, l’i<strong>de</strong>ntité, et les pratiquesculturelles.Avec l’urbanisation croissante du Cap <strong>de</strong>puis 1994, <strong>de</strong>nouveaux immigrants se sont installés dans les townshipsles plus pauvres <strong>de</strong> la périphérie. Ils apportent avec euxleurs croyances et pratiques culturelles propres. Dans lestownships <strong>de</strong> plus en plus saturés, le seul espace disponiblepour ces pratiques rituelles est la zone tampon.De fait, ces zones font l’objet <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s diverses etcontradictoires. C’est le cas <strong>de</strong> la zone tampon entreMitchell’s Plain et Khayelitscha, <strong>de</strong>ux communautés très<strong>de</strong>nses que sépare la planification <strong>de</strong> l’Apartheid.Le gouvernement a fait bâtir une usine <strong>de</strong> munitions dansla zone tampon sous l’Apartheid, et cet espace inaccessibleest <strong>de</strong>venu une réserve naturelle qui abrite aujourd’huiune faune et une flore menacée. <strong>Les</strong> défenseurs <strong>de</strong>l’environnement urbain veulent préserver ces espècesen limitant l’accès à la zone. Toutefois, les nouveauxmigrants en bordure <strong>de</strong> zone ont leurs propres revendications.<strong>Les</strong> plantes qui y poussent sont cueillies comme mé<strong>de</strong>cinetraditionnelle, et la riche plaine végétale <strong>de</strong>vientpâture pour <strong>de</strong>s troupeaux <strong>de</strong> bétail – un symbole <strong>de</strong>richesse majeur dans les sociétés rurales. La zone tamponsert aussi <strong>de</strong> cadre urbain pour les cérémonies d’initiationtraditionnelles Xhosa, au cours <strong>de</strong>squelles les <strong>jeunes</strong>adolescents partent dans la nature avec les doyens <strong>de</strong> lacommunauté.Une partie <strong>de</strong> la zone sert <strong>de</strong> cimetière informel auxhabitants qui ne peuvent se payer une parcelle dans lescimetières officiels. La zone est toujours vulnérable àla construction hasar<strong>de</strong>use <strong>de</strong> nouvelles cabanes, et leshabitants y déversent <strong>de</strong>s ordures quand les servicesmunicipaux ne peuvent gérer la croissance <strong>de</strong> populationdans le quartier.Ces usages informels, traditionnels, <strong>de</strong> l’espace vi<strong>de</strong> enpleine ville formelle posent un défi aux autorités du Cap.Il s’agit <strong>de</strong> mesurer les régulations spatiales et sanitaires<strong>de</strong> la pâture et <strong>de</strong> l’abattement <strong>de</strong> bétail à l’aune <strong>de</strong>sbesoins culturels <strong>de</strong> la population. Comment créer unnouvel espace informel, où ces besoins peuvent se réalisersans être un danger pour les systèmes formel et naturel<strong>de</strong> la ville ?Distribution cumulativeCourbe <strong>de</strong>s revenus : immigrationpost-Apartheid à KayelitschaPourcentage d’immigrants à KayelitschaHommes nés au Cap / migrants pre-1990 30,8%Femmes nées au Cap / migrantes pre-1990 33,9%Hommes migrants post-1995 (démocratie) 17,6%Femmes migrantes post-1995 (démocratie) 17,8%Total 100%Revenu mensuel per capita (en Rands)Le revenu mensuel annuel médian au Cap est <strong>de</strong> 27.406RDpour les hommes et 22.265RD pour les femmes<strong>Les</strong> chiffres <strong>de</strong>l’exo<strong>de</strong> rural versKhayelitscha :les immigrantsgagnent très peuet doivent survivreavec leur formationrurale, commel’élevage <strong>de</strong> bétail.


80ARTICLENairobiVIVRE LE BIDONVILLE – APPROCHE PHYSIO-TEMPORELLE DE L’INFORMEL AU QUOTIDIEN« La vie est dure en bidonville, c’est évi<strong>de</strong>nt pour quiconquey passe » nous dit Jason, jeune trentenaire habitant lebidonville <strong>de</strong> Mathare. Jason a vécu la plus gran<strong>de</strong> partie<strong>de</strong> sa vie à Mathare, après avoir quitté la campagne, adolescent.Il a été mis à ru<strong>de</strong> épreuve, s’est couché souventle ventre vi<strong>de</strong>, a été témoin <strong>de</strong> tout ce que le bidonvilleoffre <strong>de</strong> violence, d’activités illégales et d’opportunités.Aujourd’hui, Jason est un organisateur communautaire etentrepreneur local qui gère une petite boutique <strong>de</strong> détailen sus <strong>de</strong> ses « nombreuses autres sources <strong>de</strong> revenus», dont être un gui<strong>de</strong> local et assistant <strong>de</strong> recherchepour divers acteurs. <strong>Les</strong> journées <strong>de</strong> Jason se déroulenttypiquement à l’intérieur du bidonville <strong>de</strong> Mathare, dontil sort parfois pour rencontrer ou échanger dans d’autresquartiers. De nombreux habitants du quartier doivents’employer comme petites mains dans diverses branchesdu secteur informel, mais Jason a la chance <strong>de</strong> faire partie<strong>de</strong>s 30% qui possè<strong>de</strong>nt une entreprise. Son parcoursn’est pas si différent <strong>de</strong>s autres habitants <strong>de</strong> Mathare,cependant, et les <strong>jeunes</strong> <strong>de</strong> son âge en particulier ten<strong>de</strong>ntà gérer plusieurs commerces, par exemple un salon <strong>de</strong>coiffure et un stand <strong>de</strong> nourriture. Il est dur <strong>de</strong> trouver unemploi à Nairobi, surtout pour les <strong>jeunes</strong>.Juma est un trentenaire à l’aspect puissant. Né et élevédans le bidonville <strong>de</strong> Kibera, il a eu plusieurs vies – enfant<strong>de</strong>s rues, ven<strong>de</strong>ur à la sauvette, éboueur informel, gui<strong>de</strong><strong>de</strong>s bidonvilles, et criminel ! Au cours d’une discussioninformelle, Juma raconte ses cinq ans <strong>de</strong> vol à mainarmée, qui prirent fin quand trois membres <strong>de</strong> son gang<strong>de</strong> cinq eurent péri au cours <strong>de</strong> divers échanges <strong>de</strong> tiravec la police. Soutenus par la mosquée locale, Juma etses amis sont <strong>de</strong>venus paysans et mains-d’œuvre dans lebidonville. Ils reçoivent parfois <strong>de</strong>s fonds pour nettoyer lequartier.Le point commun entre ces <strong>jeunes</strong> gens ? Se battre poursubsister en vivant dans le bidonville, entouré par unemyria<strong>de</strong> d’obstacles à surmonter. Dans les <strong>de</strong>ux cas, ceuxcisont le spectre du chômage, l’insécurité, un environnementbrutal, et les barrières à la propriété. Toutefois, ilssouhaitent non seulement subsister dans le bidonville,mais conserver leur lien fort au quartier. Ils s’i<strong>de</strong>ntifientau bidonville et souhaitent en faire un endroit meilleurpour leurs enfants. C’est un enjeu social, dont la perceptionvarie selon les individus. Ceux d’entre eux quis’i<strong>de</strong>ntifient au quartier et ont su tirer parti <strong>de</strong>s opportunités,ce serait une perte <strong>de</strong> valeur que <strong>de</strong> recommencer àzéro, ailleurs. Voilà ce qui motive leur combat contre lesévictions forcées, même sous les balles. Toutefois, ce n’estpas le cas <strong>de</strong> tous les habitants du bidonville, et certainsrêvent d’une vie meilleure, ailleurs.Jane est femme au foyer à Mathare. Elle vit avec ses troisfilles, son mari, et un parent. Son mari passe son temps<strong>de</strong>hors à chercher du travail en ville, à Eastleigh, dans lazone industrielle, sur les chantiers et à toute autre sourced’emploi. Il gagne entre 100 et 200Ksh par jour, et revientparfois sans rien avoir trouvé. Puisqu’ils ne peuventpas dépenser plus qu’ils ne gagnent, elle n’achète quel’essentiel, et espère <strong>de</strong>s len<strong>de</strong>mains plus fastueux. Sonproblème, dit-elle, ce n’est pas simplement <strong>de</strong> s’assurerqu’il y aura quelque chose sur la table – c’est égalementque ses enfants doivent grandir dans un tel cadre <strong>de</strong> vie,en-<strong>de</strong>dans et en-<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la maison. Il est difficile pourJane <strong>de</strong> passer du temps seule avec son mari quand lereste <strong>de</strong> la maisonnée dort <strong>de</strong> l’autre côté du ri<strong>de</strong>au quisépare leur unique pièce en <strong>de</strong>ux. Elle a peur, aussi, <strong>de</strong>shommes qui boivent dans la brasserie du coin, et quiurinent ou même défèquent sur son palier chaque jour.La nuit, personne <strong>de</strong> la famille ne s’aventure aux toilettes,à quelques mètres <strong>de</strong> la maison. Elle ne supporte plus leso<strong>de</strong>urs et le chahut du bar, la puanteur du tas d’ordureprès <strong>de</strong> la maison, et l’eau sale qui rentre dans la piècequand il pleut. Ce serait une bénédiction pour elle que<strong>de</strong> déménager, mais elle ne sait pas où aller, et s’il seraitdifficile <strong>de</strong> commencer une nouvelle vie.C’est également le cas <strong>de</strong> Catherine, mère d’une petitefille à Kibera, dont la maison est inondée par les canaux<strong>de</strong> drainage qui passent par sa porte. Sa petite a ététraitée plusieurs fois pour diarrhée, et l’enfant d’un voisinest mort du choléra il y a quelques années. Catherine,comme Jane, voudrait déménager – mais elle perdraitson commerce <strong>de</strong> légumes, qui lui rapporte entre 150 et200Ksh par jour.Ces discussions informelles révèlent certains points quetous perçoivent d’une même manière – en particulierles caractéristiques <strong>de</strong> base du bidonville comme lechômage, la surpopulation, et le cadre <strong>de</strong> vie difficile.Dans les bidonvilles <strong>de</strong> Nairobi, la vie quotidienne est unebataille, sans l’assurance <strong>de</strong> len<strong>de</strong>mains meilleurs, avecl’espoir <strong>de</strong> saisir les opportunités du quartier ou <strong>de</strong> partirconstruire une vie meilleure, ailleurs. <strong>Les</strong> points suivantssont <strong>de</strong>s caractéristiques communes <strong>de</strong> la vie quotidiennedans les bidonvilles <strong>de</strong> Nairobi :Survie, besoin, manque<strong>Les</strong> exemples ci-<strong>de</strong>ssus le montrent bien : le chômage etla vie au jour le jour sont <strong>de</strong>s problématiques communesaux habitants <strong>de</strong>s bidonvilles. Bien que beaucoup récoltentle revenu <strong>de</strong> plusieurs activités, rien n’assurent leuravenir, et rien ne permet d’investissement à long terme.Ceci encourage à dépenser tout ce qu’un foyer gagne, etnourrit une micro-économie <strong>de</strong>s quartiers informels.


82S’appuyer sur la micro-économieLa vie au jour le jour et, parfois, la taille <strong>de</strong>s familles ànourrir, pousse les habitants à n’acheter que l’essentiel,plusieurs fois par jour. Ceci nourrit une économiehautement profitable, et les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> détail tirent <strong>de</strong>sproduits un profit parfois dix fois supérieur. Jane, parexemple, achète chaque matin tous les ingrédients dupetit déjeuner : le sucre, le lait, les feuilles <strong>de</strong> thé, et lepain quand elle peut. Pour répondre à cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>,l’épicier local vend son sucre en sachets <strong>de</strong> 5 grammes,qu’il vend 5ksh. L’épicier vend 200 sachets pour chaquekilo <strong>de</strong> sucre – avec un profit dix fois supérieur à la ventedu kilo en une fois. Jane sait qu’il reviendrait moins cherd’acheter le kilo en une fois, mais c’est un luxe qu’elle nepeut se payer. C’est ainsi que la vente <strong>de</strong> détail prospèredans le bidonville (certains commerces appartiennent à<strong>de</strong> riches entrepreneurs qui vivent hors du quartier).Cadre <strong>de</strong> vie difficile, sans services<strong>Les</strong> services n’arrivent que rarement dans les bidonvilles<strong>de</strong> Nairobi, un fait discuté dans d’autres articles. <strong>Les</strong>habitants doivent se débrouiller avec un niveau <strong>de</strong> servicetrès bas, s’il existe. <strong>Les</strong> réseaux qui arrivent sont partagéspar un bien plus grand nombre, à un prix bien plus haut,que dans <strong>de</strong>s quartiers plus aisés <strong>de</strong> la ville. Dans le meilleur<strong>de</strong>s cas, près <strong>de</strong> 500 habitants se partagent un toilettedans le bidonville <strong>de</strong> Mukuru, et paient tout <strong>de</strong> même5Ksh pour ce faire. <strong>Les</strong> conditions sont difficiles égalementdans le lieu <strong>de</strong> vie, où les familles se pressent dans<strong>de</strong>s espaces surpeuplés à la fois en-<strong>de</strong>dans et en-<strong>de</strong>hors<strong>de</strong> la maison. La typologie d’habitat n’offre aucun confort,et se révèle trop froi<strong>de</strong> ou trop chau<strong>de</strong> selon la saison.Entre les maisons, les habitants forcent un passage dans<strong>de</strong>s allées étroites qui servent aussi d’égouts et <strong>de</strong> terrains<strong>de</strong> jeu <strong>de</strong>s enfants.L’insécuritédans les bidonvilles <strong>de</strong> Nairobi, il existe <strong>de</strong>ux sortesd’insécurité : danger <strong>de</strong> se déplacer, danger d’êtrelocataire. Le système <strong>de</strong> propriété en bidonville est suffisammentflou pour que les habitants vivent dans lapeur constante d’être évincés. Au sein <strong>de</strong> Mathare ou <strong>de</strong>Kibera, il est fréquent d’évincer les rési<strong>de</strong>nts pour <strong>de</strong>sraisons minimes comme le besoin du « propriétaire <strong>de</strong> lastructure » d’augmenter les loyers, ou majeures commela construction d’un gratte-ciel (qui rapporte plus) surle terrain. <strong>Les</strong> évictions se font souvent en incendiant lamaison, la nuit – causant <strong>de</strong>s pertes matérielles énormes,et parfois <strong>de</strong>s pertes humaines. L’insécurité du bidonvilledécoule aussi <strong>de</strong>s multiples activités criminelles, <strong>de</strong>puisle simple rassemblement jusqu’aux ban<strong>de</strong>s armées quivolent pour acheter <strong>de</strong>s drogues.Lien social fort et délinquance socialeLa plupart <strong>de</strong>s bidonvilles à Nairobi sont <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong>sociabilité, dont les pratiques empruntent aux traditions<strong>de</strong> partage communautaire en zone rurale. Des amitiéssoli<strong>de</strong>s et résistantes se nouent lorsqu’il faut partager lanourriture, les services, etc. Cette dimension sociale n’apas été prise en compte par la plupart <strong>de</strong>s projets étatiquespour améliorer les bidonvilles : les communautésont refusé net d’être relocalisées, par peur <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir vivreentourés d’étrangers. Mais au sein <strong>de</strong>s bidonvilles existeaussi une délinquance forte, née du désespoir, <strong>de</strong> la pressionsociale et <strong>de</strong> l’horizon bouché. <strong>Les</strong> drogues sont unenjeu majeur dans les bidonvilles, et le marché est parfoiscontrôlé par <strong>de</strong>s seigneurs locaux.Espoir et désespoir<strong>Les</strong> opinions divergent sur l’espoir en bidonvilles, maistous expriment le désir d’une vie meilleure, dans leurquartier ou ailleurs. <strong>Par</strong>adoxalement, cet espoir mènecertains d’entre eux, surtout les <strong>jeunes</strong>, sur une voie plusou moins criminelle, et dans la drogue.


L’informeldans l’espace85


86NairobiENTREPRISE INFORMELLE ET ESPACE URBAINL’occupation stratégique du sol est vitale pour la productivité et le succès du secteur informel.L’entreprise informelle se mêle à l’espace urbain.L’occupation stratégique du sol est vitale pour la productivitéet le succès du secteur informel. <strong>Les</strong> relationsspatio-économiques sont essentielles pour repérer où lesecteur opère, et s’il y est profitable.<strong>Les</strong> entreprises tirent <strong>de</strong> la valeur <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité spatiale <strong>de</strong>Nairobi. Autour du CBD (Quartier <strong>de</strong>s Affaires), diverstypes d’entreprises s’agglomèrent et fonctionnent à unhaut <strong>de</strong>gré d’interdépendance, avec <strong>de</strong>s chaînes <strong>de</strong> productionsoli<strong>de</strong>ment intégrées. Ces entreprises incluentla métallurgie Kamukunji, le marché aux vêtements <strong>de</strong>Gikomba, la foire <strong>de</strong> Gikomba (matériaux bruts et produitstransformés), la ligne <strong>de</strong> bus rurale Machalos et lemarché <strong>de</strong>s petits producteurs <strong>de</strong> Wakulima.<strong>Par</strong>-<strong>de</strong>là les étals fixes, les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> rue occupent temporairementl’espace à Nairobi. <strong>Les</strong> embouteillages leuroffrent une opportunité <strong>de</strong> tirer profit <strong>de</strong> la congestionurbaine, et <strong>de</strong>s flux constants <strong>de</strong> piétons passent <strong>de</strong>vantleurs marchandise. <strong>Les</strong> bas-côtés <strong>de</strong>s emprises routièreset ferroviaires <strong>de</strong> toute la métropole sont les lieux clés <strong>de</strong>la production et <strong>de</strong> la vente <strong>de</strong> mobilier et <strong>de</strong> métallurgie,produits ensuite revendus dans les quartiers rési<strong>de</strong>ntielsautour <strong>de</strong>s voies ferrées. <strong>Les</strong> ven<strong>de</strong>urs informelsne prennent pas seulement en compte la configurationspatio-économique, mais ils font aussi prospérer – selonplusieurs étu<strong>de</strong>s – les espaces où le taux <strong>de</strong> commercesfixes est important.L’accès aux infrastructures <strong>de</strong> service, notamment l’eauet l’électricité, est également vital pour comprendre commentfonctionne le secteur informel <strong>de</strong> Nairobi. Ainsi,le cas du travail du bois et du métal dans un secteur <strong>de</strong>la ville révèle que toute la production se masse d’un côté<strong>de</strong> Qutering Road, qui dispose <strong>de</strong> branchements électriques,plutôt que sur les talus routiers ou ferroviaires oùla Compagnie d’Electricité ne peut amener légalementl’énergie. (Voir carte <strong>de</strong>s clusters à Mutindwa, chap. 2)Ces espaces <strong>de</strong> ville stratégique dont la vitalité est si importantepour la survie du secteur informel, sont <strong>de</strong> plusen plus disputés : non seulement auprès <strong>de</strong>s pouvoirs municipaux,mais aussi entre acteurs informels. Ceci se traduitsouvent par un conflit entre groupes d’entrepreneurspour le droit d’occuper une parcelle ou <strong>de</strong> contrôler unilot marchand. Au marché <strong>de</strong> Muthurwa, les marchandsse battent <strong>de</strong>puis longtemps pour s’installer le long <strong>de</strong>scouloirs principaux (allées aux flux piétons <strong>de</strong>nses). L’onpense également aux rapports conflictuels entre différentescompagnies <strong>de</strong> matatus qui, au sein du marchédu transport informel, cherchent à contrôler les routesd’entrée et <strong>de</strong> sortie <strong>de</strong> la ville. La ville a tenté <strong>de</strong> revendiquerpour elle <strong>de</strong>s espaces publics utilisés <strong>de</strong> façoninformelle, et <strong>de</strong> régulariser cette économie – pour <strong>de</strong>srésultats mitigés. Après une tentative d’interdire tout simplementcertaines zones au commerce informel (interdiction<strong>de</strong> la vente, <strong>de</strong> la production, ou du service), pouvoirspublics et informels jouent au chat et à la souris. <strong>Les</strong>politiques alternatives <strong>de</strong> développement <strong>de</strong>s marchéset d’amélioration <strong>de</strong>s cabanes « jua kali » n’ont eu aucunsuccès, puisque la plupart <strong>de</strong>s marchés à construire ou<strong>de</strong>s réseaux <strong>de</strong> service à établir se sont distingués par unegérance plus qu’irrégulière. De plus, certaines approchesprivilégient les investisseurs <strong>de</strong> classe moyenne en leurdéléguant <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong> service autrefois gérées par<strong>de</strong>s entrepreneurs pauvres – que la ville ne soutient pas.<strong>Par</strong> exemple, les foyers défavorisés ne peuvent profiter duprogramme <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong>s kiosques du Conseil <strong>de</strong>la Ville <strong>de</strong> Nairobi, du fait <strong>de</strong> paiements trop élevés.Telle est la politique d’appropriation <strong>de</strong> l’espace dansl’urbain informel <strong>de</strong> Nairobi. <strong>Les</strong> disputes spatiales infiltrentles quartiers d’habitation et gui<strong>de</strong>nt l’économie foncièreinformelle. Malgré quelques tentatives publiques,c’est encore un enjeu majeur que <strong>de</strong> gérer l’intégrationspatiale du secteur informel. <strong>Les</strong> approches politiquesd’aujourd’hui sont contre-productives, et non seulementrelèguent les ven<strong>de</strong>urs en zones sans valeur comme lescontre-allées, mais nourrissent un conflit incessant entreles marchands <strong>de</strong> rue et les autorités <strong>de</strong> la Ville. Cespolitiques en <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> scie complexifient le défi d’intégrerspatialement le formel et l’informel à Nairobi, puisqu’elleslimitent l’efficacité du secteur informel sans proposer <strong>de</strong>solutions alternatives. Cependant, le combat <strong>de</strong>s informelsne cesse pas, pour leur « droit à la ville » et pourla permanence <strong>de</strong> leur activité. Il s’agit, pour <strong>de</strong> nouvellespolitiques fondamentales, <strong>de</strong> reconsidérer l’informalitépour améliorer la subsistance <strong>de</strong> tous.


Le CapREPROGRAMMER L’ESPACETrois exemples pour repenser et ré-imaginer <strong>de</strong>s notions spatiales préconçues87L’image <strong>de</strong>gauche illustreles trois exemplesci-<strong>de</strong>ssous, d’unenouvelle utilisation<strong>de</strong> l’espace encontexte africain:la chaussée etl’espace <strong>de</strong> rue sontoccupés par un petitcommerce, tandisque <strong>de</strong>s espacesinformels d’arrièrecours’intercalententre les maisonsformelles (àl’arrière-plan).Le Cap a changé sous l’influence d’une urbanisationrapi<strong>de</strong>, notamment par la <strong>de</strong>nsification <strong>de</strong>s espacesinformels. Plus l’espace disponible est <strong>de</strong>mandé, plus sontremises en causes les concepts classiques <strong>de</strong> zonage et d’« usage » du sol.A l’origine, l’espace au sol était peut-être <strong>de</strong>stiné à unusage unique ; les trois exemples suivants illustrent lesdifférents angles sous lesquels <strong>de</strong>s concepts typiques surl’espace sont remis en question.1 er exemple : les arrières-coursAprès l’apartheid, la ville a vu pousser rangée sur rangée<strong>de</strong> maisons fournies par le gouvernement qui, chacunecentrée sur sa parcelle, laissaient bien peu <strong>de</strong> place à <strong>de</strong>futures extensions, si ce n’est d’étroites poches d’espacelibre <strong>de</strong>rrière chaque logement.Au cours <strong>de</strong>s ans, les habitants y ont pallié <strong>de</strong> diversesmanières, et beaucoup louent ces arrière-cours pour générerun revenu supplémentaire <strong>de</strong> leur propriété. Dansun climat économique difficile, voyons-le comme uneréaction logique à l’intensité <strong>de</strong>s opportunités d’échangesdans un environnement urbain <strong>de</strong>nse, représenté dansl’image ci-<strong>de</strong>ssus.Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce revenu supplémentaire, les habitats oules commerces d’arrière-cour comme les shebeens (barsinformels), les salons <strong>de</strong> coiffure et les spaza (cafés)augmentent encore la <strong>de</strong>nsité du lieu et permettent <strong>de</strong>sinvestissements en transport et service public.<strong>Les</strong> logements d’arrière-cour offrent également un habitatsouple pour différentes configurations familiales, ou unhabitat abordable, une rareté au Cap.2 e exemple : les bords <strong>de</strong> routes<strong>Les</strong> emprises routières ou ferroviaires sont généralementpensées pour permettre <strong>de</strong>s extensions futures oupour assurer la sécurité <strong>de</strong>s voyageurs. Toutefois, dansune ville Africaine typique, cet espace est très disputé, et<strong>de</strong>s usages informels se développent souvent le long <strong>de</strong>scouloirs <strong>de</strong> transport.C’est également un espace <strong>de</strong> récréation informelle. Lelong <strong>de</strong> la N2, route nationale majeure entre Le Cap etDurban, il n’est pas rare <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s matchs <strong>de</strong> footballdisputés à quelques pieds <strong>de</strong> la route très fréquentée.<strong>Les</strong> gymnases à ciel ouvert et les clubs d’athlétismes sontégalement fréquents le long <strong>de</strong> ces avenues <strong>de</strong>nses.L’exo<strong>de</strong> rural important, par exemple <strong>de</strong>puis le Cap East,amène <strong>de</strong>s têtes <strong>de</strong> bétail dans les espaces urbains. Ungrand nombre d’habitants informels n’ont comme seulesolution que <strong>de</strong> faire paître leurs animaux (chèvres,vaches et moutons) le long <strong>de</strong>s emprises routières, aubord <strong>de</strong> la circulation.3 e exemple : la chausséeSelon l’informalité Africaine, la chaussée n’est pas simplementlà où l’on marche, mais aussi là où l’on échange,cuisine, vit, et interagit. Ce même espace est utilisé <strong>de</strong>différentes manières selon l’heure et le besoin. Bien quela chaussée ne soit pas construite pour ces activités quotidiennes,elles s’y déroulent pour pallier à <strong>de</strong>s servicesmunicipaux inexistants, ou pour remplacer <strong>de</strong>s espacesalternatifs qui y seraient normalement dédiés.Cependant, accroître la <strong>de</strong>nsité exerce une pression nonnégligeable sur l’infrastructure existante et les servicesurbains, sans compter les enjeux <strong>de</strong> risque sanitaire,sécuritaire, et incendiaire.


88 Le CapESPACE LIMITÉ, ESPACE PARTAGÉ : L’ÉMERGENCE D’UN ESPACECOMMUN EN ENVIRONNEMENT INFORMEL DENSE5HabitatChemin piétonRoute1EgliseEpicerieShebeenSalon <strong>de</strong> coiffureFontaine publique243types d’espacepublic dans unquartier informelPour la première fois <strong>de</strong> notre histoire, plus <strong>de</strong> la moitié<strong>de</strong> la population mondiale vit en ville. Un exo<strong>de</strong> ruralcontinu vi<strong>de</strong> les campagnes et alimente les villes dont laplupart, particulièrement celles en voie <strong>de</strong> développement(comme Le Cap), ne peuvent tout simplement pasfournir <strong>de</strong>s logements et <strong>de</strong>s services formels à cettepopulation croissante.De fait, <strong>de</strong>s noyaux <strong>de</strong> peuplement informels ont poussédans toute la ville, bâtis en couches successives par lesvagues <strong>de</strong> migrants. Vu <strong>de</strong> l’extérieur, ces espaces semblentun agglomérat hasar<strong>de</strong>ux <strong>de</strong> cabanes dépourvu <strong>de</strong>structure spatiale, sociale ou économique. De plus près,à gran<strong>de</strong> échelle, cela se révèle faux. L’ingéniosité et lacapacité d’innovation <strong>de</strong>s nouveaux habitants a permis<strong>de</strong> bâtir <strong>de</strong>s maisons à partir <strong>de</strong> n’importe quel matériaudisponible ; leur élan naturel à la communication et auconfort a permis <strong>de</strong> faire naître <strong>de</strong>s environnements finset complexes.<strong>Les</strong> quartiers informels témoignent <strong>de</strong> la maîtrise d’unespace complexe et <strong>de</strong>nse, qu’on ne trouve pas dans lesnouveaux quartiers formels que bâtit le gouvernementpour pallier au besoin grandissant <strong>de</strong> logements. <strong>Les</strong> architectesn’ont pas pris en considération que dans ce typed’environnement, un logement très étroit (10m² environs)abrite une large famille étendue. De fait, les activitésquotidiennes telle que la cuisine, le repas, la discussion,la lessive, etc, se déroulent hors <strong>de</strong>s murs dans un espacesemi-privé, partagé, aussi essentiel que l’abri lui-même.Dans ces quartiers, les habitants bâtissent et conçoiventleurs logements pour laisser <strong>de</strong> l’espace à un usage communal,partagé par les voisins. Ces espaces s’articulentdans un système hiérarchique, du tout-public au toutprivé.La hiérarchie en question découle souvent <strong>de</strong> laquantité <strong>de</strong> trafic qui les traverse, et <strong>de</strong> l’équipementpublic qu’on y trouve.Le schéma ci-<strong>de</strong>ssus illustre un système <strong>de</strong> cinq espacesZone 1 : le plus privé, c’est un espace négatif entre <strong>de</strong>slogements voisins. Cette arrière-cour est utilisée pour lacuisine, le repas, pour étendre le linge, discuter et fairejouer les enfants. Zone 2 : espace limité centré sur unefontaine publique ou un arbre voisin, il attire <strong>de</strong>s populationsqui y prennent l’eau, lavent le linge, discutent, etfont jouer les enfants. Zone 3 : <strong>de</strong> nature plus publique,c’est un croisement <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux chemins piétons majeurs, aupied d’un arbre qui abrite la vie sociale du quartier. Zone4 : encore plus public, cet espace enjambe une route piétonnemajeure et inclut un salon <strong>de</strong> coiffure. Zone 5 : espacele plus public <strong>de</strong> la hiérarchie, défini par une frange<strong>de</strong> logements et par <strong>de</strong>ux bâtiments publics, une épicerieet un shebeen (bar informel). La zone, qui enjambe <strong>de</strong>uxrues et <strong>de</strong>ux chemins piétons majeurs, est accessible pourun grand nombre d’habitants. Il s’agit probablement <strong>de</strong>l’espace public majeur du quartier, avec une fonctionsociale et <strong>de</strong> commerce.


LoméDECKON, UN BOULEVARD PAS COMME LES AUTRESArbitrairement appelé par la plupart « quartier Déckon », Déckon est une partie du boulevard du 13Janvier réputée pour son ambiance <strong>de</strong> jour comme <strong>de</strong> nuit.89A g. : Sièges <strong>de</strong>sbanquesA d. : Forte circulationLieu <strong>de</strong> manifestationsLe siège <strong>de</strong> MOOV, <strong>de</strong> MEDIA +, <strong>de</strong> DIAMON Bank,<strong>de</strong> la banque BSIC et bien d’autres entreprises sontles grands éléments qui longent cette zone étalée surenviron 1km. <strong>Les</strong> magasins <strong>de</strong> vente ou <strong>de</strong> réparation <strong>de</strong>téléphones portables ; le bar Nopégali (vente <strong>de</strong> fufu etautres) ; les mendiants, les marchants ambulants, les bars<strong>de</strong> vente <strong>de</strong> boisson, et quelques petits restaurants sontles autres activités fréquentes à Déckon.D’une manière informelle les activités se créent tout aulong <strong>de</strong> cette partie du boulevard, c’est à dire tout aulong <strong>de</strong> l’espace Déckon. Des reven<strong>de</strong>uses <strong>de</strong> pains, <strong>de</strong>pommes et <strong>de</strong> raisins (fruits) ; ceux ambulants <strong>de</strong> petiteschoses telles que les cigarettes, les amuses gueules (popcorn etc), pour ne citer que ceux là, font <strong>de</strong> Déckon leurcentre commercial ou centre d’affaires.Spécialement dans la journée, Déckon est reconnu pourson ambiance d’embouteillage, d’animation (cri <strong>de</strong>sven<strong>de</strong>urs, klaxons <strong>de</strong>s moto-taxis et voitures), en faisantun endroit très mouvementé. La nuit, les bars et lesrestaurants qui d’une manière informelle s’installent etse désinstallent sont pris d’assaut par la population. Pourdire court, l’animation et l’ambiance sont toujours auren<strong>de</strong>z vous <strong>de</strong> nuit comme <strong>de</strong> jour à Déckon. <strong>Les</strong> habitantset les reven<strong>de</strong>urs ambulants ont su fait <strong>de</strong> Déckonun véritable espace commercial d’une manière naturelleet non formelle.Depuis le mois d’avril 2012, Déckon a connu d’énormesconfrontations opposant certains partis politiquesd’opposition et les forces <strong>de</strong> l’ordre. En effet le CollectifSauvons le Togo (CST) lancé en Avril <strong>de</strong>rnier et composé<strong>de</strong> 10 partis politiques et 8 organisations <strong>de</strong> la sociétéCivile Togolaise, a mené un véritable bras <strong>de</strong> fer avecles autorités togolaises qui lui refuse le plus souventses marches qu’il programme sur cette zone. Pour lesautorités, mener une marche <strong>de</strong> protestation sur cettezone nuit aux activités économiques. Mais pour le CSTmanifester à Déckon, est un moyen <strong>de</strong> prouver le ras lebol <strong>de</strong>s citoyens togolais et faire se faire entendre <strong>de</strong> l’EtatTogolais. Sur ce fond <strong>de</strong> désaccord, <strong>de</strong>s affrontementsrépétés se sont tenus à Deckon entre forces <strong>de</strong> l’ordreet militants, donnant naissance à <strong>de</strong> nouveau slogans :opération Déckon 1 ; opération Déckon 2 ; Déckon ou laPlace Tarir <strong>de</strong> Lomé.Si Déckon est considéré comme simple voie <strong>de</strong> passagepour certains, il est aussi considéré, pour beaucoupcomme lieu d’ambiance, et pour d’autres comme zonestratégique ou politique. Déckon est une voie pas commeles autres, car d’une manière informelle se créé une viehumaine. Au tour <strong>de</strong> Déckon se créée une véritablerencontre <strong>de</strong> famille, qu’on soit reven<strong>de</strong>ur ambulant,habitués <strong>de</strong>s bars, ou même <strong>de</strong>s marches <strong>de</strong> protestations.<strong>Par</strong> la force <strong>de</strong>s choses une i<strong>de</strong>ntité particulières’est créée à Deckon. <strong>Par</strong>ler <strong>de</strong> Deckon, c’est parler <strong>de</strong>l’informel organisé naturellement.


90 TUNISLA VILLE À L’INTÉRIEUR DE LA VILLE,DISTANCE SOCIALE, DISTANCE SPATIALEAujourd’hui, certaines personnes vivant à 10 min <strong>de</strong>squartiers populaires du grand Tunis continuent à exprimerleur étonnement face à la découverte <strong>de</strong>s ensemblesinformels : « le jour où j’ai découvert mon voisin… »,me déclare un <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> l’association el Anwar elKhayria «les lumières bienveillantes» (association quivient en ai<strong>de</strong> aux habitants du quartier populaire el Mellassineet leur fournit essentiellement une ai<strong>de</strong> alimentaire).Cela renvoie à <strong>de</strong>s divisions sociales et spatiales ausein même <strong>de</strong>s quartiers populaires.En effet, loin <strong>de</strong>s grands discours sur la mixité <strong>de</strong> la villecontemporaine, le paysage urbain Tunisien assume seszones <strong>de</strong> séparations et les préserve. <strong>Par</strong> ailleurs, lesperceptions <strong>de</strong>s habitants et leurs mots décrivant lesquartiers informels font toujours appel à ces barrièresphysiques pour les nommer, les i<strong>de</strong>ntifier, les qualifier(par exemple en utilisant <strong>de</strong>s expressions telles-que: leshabitants du « quartiers <strong>de</strong>rrières la gare », ceux <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrièrele cimetière ou l’autos-routes etc…)« Entre nous et eux il ya une voie rapi<strong>de</strong>…une coupure…enfin tu me comprends ? » (Saida aicha, 2012).C’est ainsi que se définissent les habitants <strong>de</strong>s quartierspopulaires <strong>de</strong> Bassatine et Jbel El Ahmar. A traversleurs mots et leurs perceptions, nous pouvons déceler lesentiment d’isolement chez ces habitants. Bien plus quesociale, il s’agit ici d’une mise en retrait physique dansl’espace urbain. <strong>Les</strong> tracés urbains et limites naturelles<strong>de</strong>viennent ainsi <strong>de</strong>s séparations entre <strong>de</strong>s catégoriessociales ou même <strong>de</strong>s origines régionales, <strong>de</strong>s appartenances…Mais les séparations peuvent prendre aussila forme d’espaces <strong>de</strong> jonction, <strong>de</strong> transition entre unquartier et un autre. Ce sont <strong>de</strong>s terrains en attente sansprogrammation urbaine particulières, <strong>de</strong>s terrains inconstructiblesou possédant un statut foncier ambigu. Cesespaces ne sont pas pratiqués par les habitants et sontassez souvent voués à <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s déchèteries sauvages.En définitive, ces non lieux sont perçus par les habitantscomme <strong>de</strong>s vi<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>s territoires sans usage, sans but(voir Figure.d). Il est pourtant indispensable aujourd’hui<strong>de</strong> les considérer autrement, ils représentent un enjeudans l’unification <strong>de</strong>s divers territoires du grand Tunis.D’autre part, la situation actuelle dans les quartiersinformels permet d’observer d’autres formes <strong>de</strong> divisionsau sein même <strong>de</strong> ces ensembles. Désormais les habitantsdistinguent les quartiers populaires entre eux, les classentselon divers critères ; histoire, criminalité, pauvretéperçue etc…Bien au-<strong>de</strong>là, vient la distinction entre unerue et une autre d’un même quartier informel. On entendsouvent les habitants +distinguer leur îlots, qu’ils nomment« houma » , du reste du quartier et ce en mettanten exergue <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> réhabilitation pratiquéessur leurs territoires urbains. Pour exemple, la simpleprésence <strong>de</strong> l’éclairage publique valorise un îlot par rapportà un autre.En outre, l’ensemble <strong>de</strong>s individus qui constituent une «houma » et à une échelle plus élargie un quartier populaire«hayy Chaabi », sont liés par une structure socialecomplexe qui s’inspire <strong>de</strong> diverses logiques <strong>de</strong> rapprochementset d’exclusions. Cette diversification <strong>de</strong> logiquesa pris, selon les constats <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong>s quartierspopulaires, une plus gran<strong>de</strong> importance après la révolution,.Ainsi, non seulement la notion <strong>de</strong> lien social aévolué <strong>de</strong>puis les analyses <strong>de</strong> terrain <strong>de</strong>s années 80, maisplus important encore, cette notion est aujourd’hui plusdynamique et plus complexe qu’elle ne l’a jamais été auparavant.Cela s’explique entre autres, par la diversification<strong>de</strong>s statuts sociaux au sein d’un même quartier et lesséparations sociales et spatiales que cela peut engendrer.Entre vi<strong>de</strong>s, limites construites et frontière sociale, lesquartiers informels nous parlent aujourd’hui <strong>de</strong> leurdiversité et <strong>de</strong> leur mixité sociale. Ce sont désormais<strong>de</strong>s micros sociétés où cohabitent <strong>de</strong>s strates moyenneset <strong>de</strong>s strates très pauvres dans <strong>de</strong>s espaces réduits etchargés <strong>de</strong> tensions et <strong>de</strong> revendications sociales grandissantesen cette pério<strong>de</strong> post révolutionnaire.


OUAGADOUGOULE PARADOXE DE LA DENSITÉ URBAINE À OUAGADOUGOUEn règle générale, la <strong>de</strong>nsité est plus faible dans les quartiers lotis que dans les quartiers non lotis.91Source : UNHABITAT/ MHU,Formulation du Programmeparticipatifd’amélioration <strong>de</strong>sbidonvilles PPAB,phase II. Rapportdéfinitif <strong>de</strong> la composante1 : analyse<strong>de</strong> la situation <strong>de</strong>squartiers, AgencePERSPECTIVE, p.3Elle est encore plus faible dans les quartiers récemmentaménagés (après 2000), car ces zones nouvellement lotiesabritent plusieurs chantiers <strong>de</strong> construction interrompuspar <strong>de</strong>s autopromoteurs qui ont entrepris la construction<strong>de</strong> grosses villas aux couts élevés, comparés à leursmo<strong>de</strong>stes ressources financières. Pourtant dans les zonesnon loties, les constructions réalisées sont <strong>de</strong> tailles et<strong>de</strong> coûts raisonnables, et donc plus nombreuses et plus<strong>de</strong>nses.<strong>Les</strong> quartiers non lotis seraient-ils une réponseefficace à l’étalement urbain conforté par leslotissements?<strong>Les</strong> parcelles en zones loties sont plus gran<strong>de</strong>s (240 à 600m²) que les terrains <strong>de</strong>s zones non loties qui sont <strong>de</strong> 80m²en moyenne.La <strong>de</strong>nsité moyenne <strong>de</strong> la zone lotie <strong>de</strong> Ouagadougou est<strong>de</strong> 40 hab/ha. Cette <strong>de</strong>nsité moyenne cache une diversité<strong>de</strong> <strong>de</strong>nsités en fonction <strong>de</strong>s quartiers. La <strong>de</strong>nsitémoyenne <strong>de</strong>s quartiers non lotis est <strong>de</strong> 80 hab/ha, soit ledouble <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> la zone lotie.Source : GUIGMAL., Interprétationd’extraits d’imagesGoogle Earth <strong>de</strong>Ouagadougou etCATHELINEAU O.(2006), L’étalementurbain excessif àOuagadougou,vers quels moyensd’action? Mémoire,IUP, 42p.


92 LoméLA COUR COMMUNE, POURVOYEUSE DE LOGEMENTS INFORMELSPlus <strong>de</strong> 6 milliards <strong>de</strong> francs CFA (9 M€) <strong>de</strong> loyers perçus chaque année, 85 % <strong>de</strong> l’offre <strong>de</strong>slogements locatifs… c’est le poids <strong>de</strong> la cour commune dans le paysage urbain <strong>de</strong> Lomé. Etpourtant, chaque année c’est un potentiel fiscal <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 600 millions <strong>de</strong> FCFA (1 M€) quiéchappent à la municipalité <strong>de</strong> Lomé.Origine<strong>Par</strong> cour commune, on entend une parcelle contenantplusieurs logements disposés autour d’un espace àciel ouvert, appropriable par tous les habitants <strong>de</strong> laparcelle. Ce mo<strong>de</strong> d’organisation spatiale est une transplantationdu modèle traditionnel en ville. Il permettaitl’hébergement <strong>de</strong> plusieurs familles sur une même parcelle.Dans le contexte urbain actuel, où la famille élargiese mue en famille nucléaire, il sert à loger la famille propriétaireet <strong>de</strong>s familles locataires. L’espace central dégagéest généralement ombragé par un arbre.Proprietaire, locataire, loyerSelon une étu<strong>de</strong> du Pr Ambroise ADJAMANGBOréalisée en 2008, près <strong>de</strong> 75% <strong>de</strong>s propriétaires viventdans la même concession que leurs locataires .Chaquepropriétaire loge en moyenne quatre ménages locataires.Cette même étu<strong>de</strong> révèle que la majorité <strong>de</strong>s locataireslouent 1 à 2 pièces à raison <strong>de</strong> 3500 voire 5000 F CFA (7,5€) la pièce. Ces chiffres nous amènent à un revenu locatifd’environ 30 000 F CFA/ mois soit l’équivalent du Smigtogolais. « Un système d’investissement informel trèslucratif » selon le rapport du Grand Lomé.Tout le mon<strong>de</strong> peut se loger. <strong>Par</strong> ce système informel <strong>de</strong>location, les familles les moins nanties peuvent se loger àLomé. En effet, selon la stratégie nationale du logement<strong>de</strong> 2008(SNL), le revenu moyen <strong>de</strong>s ménages locatairesest <strong>de</strong> 45 000 FCFA (70€) / par mois. Ces ménages louent<strong>de</strong>s logements à 8000 voire 10 000 FCA (15 €)le mois.4 fois moins que le revenu mensuel, 3 fois moins que leSmig togolais.Incontrolable<strong>Les</strong> services techniques <strong>de</strong> la mairie ne peuvent pas assurerla collecte <strong>de</strong>s impôts sur le loyer. La production<strong>de</strong>s logements est informelle. Elle s’effectue sans autorisationpréalable <strong>de</strong> la municipalité. Il en va <strong>de</strong> même pourla mise en location <strong>de</strong>s logements. Face à la précarité<strong>de</strong>s moyens logistiques dont dispose la mairie <strong>de</strong> Lomé,elle n’a guère les arguments pour se rendre compte <strong>de</strong>l’évolution <strong>de</strong> l’espace bâti. Et à ce titre elle ne peut collecterce gisement fiscal estimé à plus <strong>de</strong> 600 millions <strong>de</strong> fCFA (1million €) selon le rapport du Grand Lomé.


LoméVIE D’UN TERRAIN DE BASKETLe terrain <strong>de</strong> basket du quartier Djidjolé se situe à l’entrée <strong>de</strong> Lomé, au croisement d’axes <strong>de</strong> circulationimportants qui <strong>de</strong>sservent le centre ville. <strong>Les</strong> différentes activités du quartier rythment le terrain tout aulong <strong>de</strong> la journée.93à gauche, un match<strong>de</strong> basket, entre16h et 18hà droite en haut,une poule passantpart là,à droite en bas,séchage <strong>de</strong>s sièges<strong>de</strong> voiture60% <strong>de</strong> la population habitant le quartier Djidjolé à moins<strong>de</strong> 25 ans. Ce quartier est victime <strong>de</strong> l’insalubrité et duchômage <strong>de</strong>s <strong>jeunes</strong>.Différents profils fréquentent le terrain tout au long <strong>de</strong>la journée. Il n’y a pas d’organisation préalable, qui veutvient tant qu’une autre équipe n’utilise pas le terrain<strong>Les</strong> matchs se déroulent généralement en matinée et en<strong>de</strong>uxième partie d’après-midi lorsque le soleil est un peumoins fort. A la nuit tombée (vers 19h), le terrain estprogressivement déserté. Un éclairage public est installémais est allumé seulement pour les matchs entre professionnels.Certains <strong>jeunes</strong> du quartier à force d’entraînements sont<strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s grands. Il en est <strong>de</strong> même pour certainesven<strong>de</strong>uses ambulantes qui venaient vendre du jus auxjoueurs et s’entraîner dans le même temps. Ces réussitesnourrissent le rêve <strong>de</strong> certains <strong>jeunes</strong> du quartier.Profils <strong>de</strong>s joueurs :-<strong>de</strong>s habitants du quartier <strong>de</strong> 10 à 40 ans-une équipe professionnelle plutôt le mardi soir et ledimanche matin-une équipe <strong>de</strong> filles certains soirs <strong>de</strong> la semaine-<strong>de</strong>s <strong>jeunes</strong> issus <strong>de</strong> l’établissement pour sourds-muetsjuste à côté dans le quartier« C’est le seul lieu disponible dans le quartier où les<strong>jeunes</strong> ont l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> se retrouver durant leur tempslibre (ils sont tout le temps libres !). C’est celui quifocalise notre attention. C’est ainsi, un nombre élevéd’adolescents et <strong>de</strong> plus vieux qui se retrouvent à cetendroit pour <strong>de</strong>s parties improvisées <strong>de</strong> basket-ball, <strong>de</strong>dragues et <strong>de</strong> snobisme, qui le week-ends atteignent leurparoxysme. On sent une énergie positive sortir du lot,une envie <strong>de</strong> s’unir pour réussir à faire quelque chose <strong>de</strong>bien. Cette positivité du lieu contraste avec la désuétu<strong>de</strong><strong>de</strong>s infrastructures sportives.»Sewa Lassey, animateur culturel du quartier (S.L.)La ville est très poussiéreuse à Lomé, les voitures sontrapi<strong>de</strong>ment salies par le sable et la terre <strong>de</strong>s voiries. Ilest donc fréquent, pour qui en a les moyens, <strong>de</strong> nettoyersa voiture régulièrement. En <strong>de</strong>hors d’être un espace <strong>de</strong>jeux, le terrain <strong>de</strong> basket est utilisé aux heures chau<strong>de</strong>s<strong>de</strong> la journée pour faire sécher les tapis et autres sièges<strong>de</strong> voitures nettoyés au maquis/car wash situé à côté duterrain. <strong>Les</strong> poules et chèvres du quartier viennent sepromener entre les tapis disposés au sol.<strong>Par</strong>fois, le soir, <strong>de</strong>s concerts <strong>de</strong> rap sont également organisés.<strong>Les</strong> activités qui rythment la vie du terrain ne sont organiséespar personnes, aucune règles ne les fait cohabiter.La journée suit son cours tout simplement en accordavec les habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chacun.matchsven<strong>de</strong>urs ambulantstapis et sièges à séchermaquis/lavage autoRépartition <strong>de</strong>sdifférentes activitéssur le terrain6h 8h 10h 12h 14h 16h 18h 20h 22h 0h


94TUNIS« L’ EXCEPTION COMME RÈGLE », UNE MANIÈRE DE CONSTRUIRELES QUARTIERS POPULAIRES TUNISIENSCe qui est informel n’est pas forcément interdit et ce qui est formel n’est pas forcément légal : c’estaussi à cela que nous i<strong>de</strong>ntifions le quartier populaire dans le grand Tunis.Il est clair que les conditions <strong>de</strong> vie dans les quartierspopulaires sont extrêmement précaires, voire dangereuseset ce en raison <strong>de</strong> leur implantation (tiers paysages,lits d’oued, abords <strong>de</strong> déchetteries et zones inondables,zones polluées, inconstructibles etc…). Cela a forcé leshabitants à s’adapter et à mettre en place <strong>de</strong>s techniquespour échapper au contrôle <strong>de</strong>s autorités et pour s’assurerun minimum <strong>de</strong> confort. C’est dans ce contexte quel’exception <strong>de</strong>vient la règle dans la construction sociale etmatérielle <strong>de</strong>s quartiers populaires du grand Tunis.« Comme beaucoup d’autres, j’ai profité <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong>sagents municipaux pour construire un étage <strong>de</strong> plus sansautorisation » claironne Amor, un épicier <strong>de</strong> Hayy Ettadhamen.« Avec la débrouille qu’il y a dans le quartier, nousavons eu <strong>de</strong> bons prix pour les matériaux. Cet acquis,personne ne pourra me l’enlever. »C’est ainsi que se construisent les ensembles informelsdans ce contexte particulier <strong>de</strong>s quartiers populaires,<strong>de</strong> la chambre supplémentaire au quartier illégal. Cettepolitique du « laisser-faire » est vécue comme un délaissement<strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’Etat envers les attentes <strong>de</strong> la population.En absence d’écoute, <strong>de</strong> projets concrets pouraméliorer leur situation et répondre à leurs besoins, leshabitants franchissent les limites réglementaires pours’assurer un cadre <strong>de</strong> vie digne.D’autre part, l’informel en Tunisie concerne une gran<strong>de</strong>majorité <strong>de</strong>s constructions <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s et moyennesvilles. Car même dans les quartiers les plus développés,connus pour leur aisance économique, la constructioninformelle se pratique. Cet exercice désormais habituelévoque une manière <strong>de</strong> vivre le quartier, permettant auxhabitants <strong>de</strong> se confronter aux limites du possible. Unpossible expérimenté, subi et connu à la fois du voisinagemais aussi et surtout <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s municipalités.En outre, ces <strong>de</strong>rniers légitiment souvent ces actions enréponse à la corruption : « Avant la municipalité leur<strong>de</strong>mandait <strong>de</strong> l’argent sous les tables… malgré leurs conditionsmisérables, on leur <strong>de</strong>mandait ce que l’on nommeel « Rachwa » (pot <strong>de</strong> vin dans le dialecte tunisien). Onleur disait : « quand tu travailleras tu donneras ce quetu pourras n’est ce pas ? ». Ce témoignage d’un habitant<strong>de</strong> Mellassine atteste <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> procédures peuréglementaires qui ten<strong>de</strong>nt à légitimer <strong>de</strong>s appropriationsinformelles <strong>de</strong> certains territoires, mais aussi uneexploitation frauduleuse <strong>de</strong>s conditions misérables <strong>de</strong> ceshabitants.Plus clairement les corps <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s municipalitésont souvent « vendu » leur silence face à <strong>de</strong>s actionsinformelles dans divers quartiers populaires et ailleurs,invitant ainsi à proclamer l’exception comme règle dans laconstruction <strong>de</strong>s villes tunisiennes.La pratique <strong>de</strong> l’exception ne se réduit pas à l’espaceurbain, mais elle comprend aussi les pratiques économiqueset sociales : « Dans notre quartier, on a unpetit espace libre juste à côté du lycée. <strong>Les</strong> gens après larévolution, en ont profité… Ils ont construit <strong>de</strong>s petitesbaraques « cochk » pour vendre <strong>de</strong>s trucs, les uns à coté<strong>de</strong>s autres. Ils ont tout rempli ! Le lycée maintenant estjuste à coté <strong>de</strong> la route, alors quand les enfants sortent, iln’y a plus d’endroit pour la récré ! C’est direct la route, tucomprends ? Il n’y a nulle part où se poser, discuter. C’étaitun endroit pour eux et ils l’ont bouché. » (Saber, 2012)Ces formes d’économie informelle prennent place dans<strong>de</strong>s baraquements où se ven<strong>de</strong>nt divers produits alimentaireset autres. Elles s’implantent assez souvent sur lesespaces « libres », <strong>de</strong>s trottoirs accolés aux clôtures <strong>de</strong>sbâtiments existants. Dans le témoignage <strong>de</strong> Saber, jeunelycéen qui habite à el Mellassine, ces constructions nonréglementaires compromettent le quotidien <strong>de</strong>s habitantset réduisent voire suppriment leurs espaces partagés.D’autre part, il est important <strong>de</strong> noter que ces actions ontpris <strong>de</strong> l'ampleur pendant et après la révolution, en raison<strong>de</strong> la désertion <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> contrôle municipaux <strong>de</strong>squartiers populaires.Nous avons également observé qu’en l'absence <strong>de</strong> contrôle,<strong>de</strong>s montagnes <strong>de</strong> déchets se dressent dans cesquartiers sans que cela ne préoccupe les services municipaux,qui les laissent gésir.« Le lycée est rempli d’ordures. Imagine que toi, tu as <strong>de</strong>senfants qui vont à cette école ou ce lycée là… Est-ce quetu vas jeter tes ordures ménagères <strong>de</strong>vant le lycée, jusqu’àce que s’accumule les choses…ça ne se fait pas, franchement…c’est trop…surtout après la révolution…c’est trop…Même maintenant si tu vas jeter un coup d’œil dans cesquartiers, tu vas te détester toi-même ! C’est plein d’o<strong>de</strong>urs,<strong>de</strong> moustiques et <strong>de</strong> maladies… <strong>de</strong> la saleté ! C’est tout ! »(Saber, 2012). L'abandon <strong>de</strong>s déchets est <strong>de</strong>venu communaux quartiers du grand Tunis durant les grèves <strong>de</strong>s agentsmunicipaux, mais cette exception a continué <strong>de</strong> subsisterdans les quartiers populaires. Ne sachant plus commentgérer ces quantités importantes <strong>de</strong> déchets dans ces territoiresoù l’occupation du sol peut atteindre les 80 % <strong>de</strong>l’emprise globale, les habitants ont commencé à investirles 20 % <strong>de</strong> vi<strong>de</strong> restant pour stocker leurs déchets quotidiensen attendant que la situation ne soit débloquée parles pouvoirs publics.


96ARTICLEDakarLE BOULEVARD GÉNÉRAL DE GAULLE DE DAKAR,CHRONIQUE D’UNE MUTATION FONCTIONNELLEDE L’ESPACE PAR LE TANDEM CHINOIS-MARCHANDS AMBULANTSConsidérée comme la plus belle avenue du Sénégal, et faisantla fierté <strong>de</strong> la capitale autrefois, le boulevard Général<strong>de</strong> Gaulle vitrine du pays est progressivement <strong>de</strong>venu ungrand marché à ciel ouvertBordé <strong>de</strong> jolis arbres, munie <strong>de</strong> lampadaires à intervallesréguliers assurant un éclairage et un réel confort aupromena<strong>de</strong> nocturne, ce boulevard joyau <strong>de</strong> la capitaleétait bien entretenu et apprécié <strong>de</strong>s populations. Il offraitaussi à certaines occasions <strong>de</strong>s opportunités <strong>de</strong> prestations<strong>de</strong> spectacle.Le boulevard Général <strong>de</strong> Gaulle, appelé par certains“avenue centenaire” se trouve dans une zone à l’originerési<strong>de</strong>ntielle, qui abrite <strong>de</strong> belles maisons, habitées pourla plupart par d’anciens fonctionnaires. Réputée pour soncalme, sa sécurité, sa tranquillité, le boulevard a connud’importantes mutations <strong>de</strong>puis l’arrivée et l’installation<strong>de</strong> commerçants chinois au début <strong>de</strong>s années 2000.A Dakar l’installation <strong>de</strong>s chinois s’est faite <strong>de</strong> façonprogressive. Elle a débuté vers les années 90 au niveau duboulevard General <strong>de</strong> Gaulle avant <strong>de</strong> se prolonger versles allées Pape Gueye Fall et le garage <strong>de</strong> Petersen.<strong>Les</strong> premiers migrants à s’installer étaient en partie <strong>de</strong>srestaurateurs, mais aussi <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> pièces automobiles,et en particulier <strong>de</strong> pneus. On peut considérer cescommerçants comme <strong>de</strong>s pionniers <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> vague <strong>de</strong>chinois qui s’installera à Dakar quelques temps après lareprise <strong>de</strong>s relations sino-sénégalaises.Avec un système en interne ou règne entrai<strong>de</strong> et solidarité,comme dans tous les réseaux <strong>de</strong> migrants, beaucoup<strong>de</strong> chinois ont pu à leur tour rejoindre parents, amis etfamille, s’installant du coup dans la même zone avec unetransposition <strong>de</strong> leur mo<strong>de</strong> d’occupation <strong>de</strong> l’espace.L’année 2003 marque l’arrivée massive <strong>de</strong>s commerçantschinois à Dakar, particulièrement au niveau du boulevardGénéral <strong>de</strong> Gaulle où s’installent <strong>de</strong> nombreux commerces,louant les garages <strong>de</strong>s maisons pour les transformeren boutique, ou louant et achetant <strong>de</strong>s maisons à coup <strong>de</strong>millions.Face à l’appât du gain, beaucoup <strong>de</strong> chefs <strong>de</strong> ménages ontdécidé <strong>de</strong> louer ou <strong>de</strong> vendre leurs maisons. Bénéficiantd’un contexte <strong>de</strong> crise, les commerçants chinois ont ainsiacquis plusieurs espaces leur permettant d’assoir leursactivités commerciales.Localisation duboulevard GeneralDe Gaulle.


97Commerçantchinois traversantla chaussée duboulevard GeneralDe GaulleL’installation <strong>de</strong>s commerçants chinois ainsi quel’exercice <strong>de</strong> leurs activités a fortement contribué àtransformer la zone qui <strong>de</strong>vient alors le lieu <strong>de</strong> rencontre<strong>de</strong>s marchands ambulants qui viennent s’y approvisionner,pour ensuite aller faire le tour <strong>de</strong> Dakar avec leursmarchandises sur les bras ou sur les épaules. En réalité lesmarchands ambulants ne sont pas les seuls à fréquentercet endroit : c’est aussi le cas <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> consommateurs<strong>de</strong> la capitale et <strong>de</strong> l’intérieur du pays, attirés parla compétitivité <strong>de</strong>s produits d’origine chinoise. <strong>Les</strong> commerçantschinois proposant <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> toutes sortes,à <strong>de</strong>s prix abordables et selon la qualité que l’on souhaite,ils font l’affaire <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> consommateurs et sontdonc très fréquentés.En raison <strong>de</strong> la fréquentation sans cesse croissante et <strong>de</strong>l’intensité <strong>de</strong>s échanges, le boulevard Général <strong>de</strong> Gaulleest <strong>de</strong>venu peu à peu un pôle commercial incontournablerivalisant avec les anciens centres que sont Sandaga ouColabane. Cette nouvelle centralité s’explique aussi parl’accessibilité du boulevard, qui <strong>de</strong>ssert le centre ville, sesitue à proximité <strong>de</strong> quartiers populaires, et qui est la voie<strong>de</strong> passage <strong>de</strong> plusieurs lignes <strong>de</strong> transports en commun.Cette nouvelle polarité a entrainé l’arrivée <strong>de</strong> marchandsambulants, qui ont commencé peu à peu à installer leurstables ou tout support pouvant contenir leurs marchandises<strong>de</strong>vant les magasins <strong>de</strong>s chinois. Cela leur a surtoutpermis <strong>de</strong> s’établir en plein cœur même <strong>de</strong> leur centred’approvisionnement. Cette installation a contribué audéveloppement d’une complicité entre commerçantschinois et marchands ambulants, qui entretiennent<strong>de</strong>s rapports corrects et paisibles au point que certainsmarchands ambulants <strong>de</strong>viennent parfois employés dansles magasins, même si cela ne se fait pas toujours sansconflits.La formation <strong>de</strong> ce tan<strong>de</strong>m entre commerçants chinoiset commerçants locaux (constitués surtout <strong>de</strong> <strong>jeunes</strong>issues du milieu rural en crise et d’autres provenant <strong>de</strong> labanlieue en quête <strong>de</strong> travail), va fortement contribuer àtransformer le boulevard général <strong>de</strong> Gaulle et le dévier <strong>de</strong>sa vocation d’origine.Magasins <strong>de</strong> commerçants chinois et étals <strong>de</strong> marchandsambulants <strong>de</strong>vant les cantines le long du boulevard, telest <strong>de</strong>puis lors le décor qu’offre ce lieu symbolique etchargé d’histoire. La présence <strong>de</strong> consommateurs dans leslieux tout au long <strong>de</strong> la journée, complète ce tableau d’unmarché qui grouillant <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>. <strong>Les</strong> activités informellesse développent <strong>de</strong> plus en plus. Ce dynamisme <strong>de</strong>s lieuxne cesse <strong>de</strong> modifier <strong>de</strong> plus en plus l’espace.La morphologie <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> maisons a subi <strong>de</strong>schangements au gré <strong>de</strong>s mutations architecturales. <strong>Les</strong>garages <strong>de</strong> maisons loués subissent <strong>de</strong>s transformationset <strong>de</strong>s aménagements qui permettent aux locatairesd’avoir plus d’espace d’exposition <strong>de</strong>s marchandises, eten même temps <strong>de</strong> stockage. Le long <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux côtés duboulevard, <strong>de</strong>s tas <strong>de</strong> marchandises avec habits, jouets,chaussures sacs, ustensiles et autres articles sont exposésà même le sol ou sur les tables <strong>de</strong> fortune. La rue autrefoisespace <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong> rencontre entre habitants, promeneursdu jour comme du soir est <strong>de</strong>venue un endroitgrouillant <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> la journée, et très sale le soir à cause<strong>de</strong> tout ce qu’on y jette comme ordures.Avec la forte fréquentation <strong>de</strong>s lieux, les <strong>de</strong>ux contrealléesdont la fonction était <strong>de</strong> faciliter les déplacementset un accès facile <strong>de</strong>s riverains à leur maisons, <strong>de</strong>viennentpresque impraticables, particulièrement la journée.L’espace est <strong>de</strong>venu rare, même <strong>de</strong>vant les maisons quiont encore résisté à la vague <strong>de</strong> transformation, il y a<strong>de</strong>s marchands ambulants avec leurs étalages qui enbouchent les entrées.


98Maison modifiéepour servir <strong>de</strong>boutique pour leschinois et marchandsambulantsCette occupation anarchique et imprévisible du boulevarda aussi suscité <strong>de</strong>s réactions négatives <strong>de</strong> la part<strong>de</strong> certains résidants <strong>de</strong> la zone qui ont vus leur espace<strong>de</strong> vie changer et perdu <strong>de</strong> façon rapi<strong>de</strong> et incontrôlée.Ils n’ont pas aussi manqué <strong>de</strong> dénoncer la pratique <strong>de</strong>l’activité informelle qui se déroule au niveau du boulevardmais aussi <strong>de</strong> la dégradation <strong>de</strong> l’espace que cela aentrainé et qui sont les conséquences <strong>de</strong> la pratique <strong>de</strong>l’espace opérée par ce tan<strong>de</strong>m.Outre le tan<strong>de</strong>m constitué par les commerçants chinoiset les marchands ambulants, on constate l’installationd’autres types d’activités commerciales secondaires,principalement constitués par les restauratrices <strong>de</strong>rue, les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> café, les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> fruits, etc.L’environnement subit <strong>de</strong> sévères dégradations etaboutit à l’insalubrité <strong>de</strong>s lieux caractérisée par les rejetsd’ordures (sachets plastiques, cartons…) sur la voiepublique, les coins transformés en urinoirs, le trottoir enendroit pour les ablutions et pour le stationnement <strong>de</strong>s« pousses-pousses ».Avec toute cette dynamique commerciale sur le boulevardsa vocation a complètement changé, l’aspectrési<strong>de</strong>ntiel ayant cédé la place au commercial. La zonegar<strong>de</strong> toujours son attractivité mais elle est commerciale.Le boulevard donne plus l’image d’un marché que d’unezone rési<strong>de</strong>ntielle, ses habitants sont confrontés auxmultiples désagréments liés à l’existence et la proximité<strong>de</strong>s commerces, ce qui est engendre souvent <strong>de</strong>s conflitsd’usage avec <strong>de</strong>s marchands qui occupent les seuils <strong>de</strong>svillas en obstruant leurs entrées et <strong>de</strong>s propriétaires quitentent <strong>de</strong> se réapproprier la partie <strong>de</strong> leur propriétésquatté par les marchands ambulants et qu’ils semblentavoir perdu. <strong>Les</strong> habitants se retrouvent finalement sansespace <strong>de</strong> vie réel et pour certains sont obligés <strong>de</strong> restercloitré chez eux sans possibilité <strong>de</strong> pouvoir profiter <strong>de</strong>l’environnement jadis agréable du boulevard, d’autresont préféré quitter les lieux en vendant ou en mettant enlocation leurs maisons aux commerçants.Cependant, il faut constater qu’au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la mutationfonctionnelle du boulevard, la ville en tire gran<strong>de</strong>mentpartie avec un élargissement <strong>de</strong> son assiette fiscale quilui assure <strong>de</strong>s rentrées d’argent. Ces activités permettentaussi à <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> <strong>jeunes</strong> hommes et <strong>de</strong> femmes <strong>de</strong> setrouver une activité et <strong>de</strong> sortir du chômage.Avec les multiples tentatives <strong>de</strong> réappropriation <strong>de</strong>l’espace par les autorités qui se sont soldées par <strong>de</strong>séchecs, la transformation <strong>de</strong> ce boulevard général <strong>de</strong>Gaulle est une réalité auxquelles elles font face <strong>de</strong> mêmeque pour les populations riveraines.


99Allées piétonnes duboulevard GeneralDe Gaulle occupéespar les marchandsambulants.


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Régulariserou régulerl’informel ?101


102NairobiNAIROBI, RÉPONSES POLITIQUES À L’INFORMALITÉ :OÙ EN SOMMES-NOUS ?Bien que les politiques <strong>de</strong> Nairobi n’aient pas toujoursété favorables à l’informalité, il existe aujourd’hui <strong>de</strong>stentatives réelles <strong>de</strong> confronter l’échec du secteur formelà fournir suffisamment d’emplois et <strong>de</strong> logements. Legouvernement Kenyan a réfléchi et encadré plusieursprogrammes sur l’informalité (connu sous le nom <strong>de</strong>« jua kali ») et les quartiers informels. Le discours et lespolitiques nationales ont souvent fait preuve <strong>de</strong> bienveillanceet parfois <strong>de</strong> soutien pour les activités informelles– pourtant, l’absence <strong>de</strong> coordination ou d’idéologie communeentre les acteurs (notamment entre les autoritéslocales) et les obstacles à l’implémentation aboutissent àun résultat mitigé ; les travailleurs et habitants du secteurinformel ne voient pas leurs difficultés diminuer. La listesuivante – loin d’être exhaustive – propose <strong>de</strong>s exemples<strong>de</strong> programmes qui ont joué un rôle important dans ceprocessus.Acte sur le Vagabondage / Acte <strong>de</strong> Santé Publique – ANairobi, les noyaux <strong>de</strong> peuplement informels découlent<strong>de</strong> politiques coloniales qui freinaient l’immigration urbaine.<strong>Les</strong> arrivants se sont organisés en camps <strong>de</strong> squat,que la ville a tenté <strong>de</strong> démolir ou d’éradiquer.Ordonnance <strong>de</strong> 1943 sur l’Habitat – Cette ordonnanceadresse les conditions <strong>de</strong> logement <strong>de</strong>s Africains. A sasuite, le conseil <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Nairobi a construit <strong>de</strong>s logementen location réservés aux Noirs. A l’Indépendance,la plupart <strong>de</strong>s Africains vivaient en logement informel oudans les baraques <strong>de</strong> leur employeur.Note <strong>de</strong> Session n°5 1965/66 – Etablit <strong>de</strong>s standardsminimum pour l’habitat et crée la Compagnie <strong>de</strong>Financement Kenyane pour l’Habitat (HCFK), qui n’ajamais répondu aux besoins en financement immobilier<strong>de</strong>s plus pauvres.Programme <strong>de</strong> Développement 1970/1974 – A partir <strong>de</strong>sannées 1970, le Programme <strong>de</strong> Développement poussépar l’ILO <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s solutions <strong>de</strong> logement alternativespour les évincés. En sus, on vit <strong>de</strong>s efforts – en vain –pour amener <strong>de</strong>s services aux foyers et encourager le rachat<strong>de</strong> la location, tout cela dans un cadre d’opportunitésfoncières formelles. Le Programme <strong>de</strong> Développementcrée également le Tribunal <strong>de</strong> Contrôle <strong>de</strong>s Loyers, élémentimportant pour assurer aux pauvres <strong>de</strong>s locationsabordables.Programme <strong>de</strong> Développement National 1979/83 – Legouvernement se propose d’encourager plutôt que <strong>de</strong>sanctionner les initiatives du secteur informel. Il se fixeun but <strong>de</strong> 11, 000 nouveaux emplois dans le secteurinformel par an, pour toute la pério<strong>de</strong> du Programme.Ceux-ci <strong>de</strong>vaient émerger grâce à l’arrêt du harassement,la mise en place <strong>de</strong> crédits, l’extension ou l’accèsaux services essentiels comme l’eau, l’électricité etl’assainissement.Note <strong>de</strong> Session n°1, 1986 – L’une <strong>de</strong>s premières quireconnaisse l’importance du secteur informel dansl’économie et pour la société.Programme <strong>de</strong> Développement National 1989/1993 – Sefocalise sur le secteur informel, d’après la Note <strong>de</strong> Sessionn°1 1986 intitulée « Gérer la croissance économique pourune croissance renouvelable ». Le Programme a permis augouvernement <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r le « Projet <strong>de</strong> soutien aux PetitesEntreprises » en 1989, une extension du « Projet Centre »<strong>de</strong> 1987.Stratégie <strong>de</strong> Développement <strong>de</strong>s Petites entreprises auKenya – aux alentours <strong>de</strong> 2000. Stratégie héritière duProjet <strong>de</strong> soutien aux Petites Entreprises <strong>de</strong> 1989. Aucœur <strong>de</strong> cette stratégie : adresser les contraintes du secteur,notamment l’environnement difficile, les questionsd’investissement et <strong>de</strong> finance, créer <strong>de</strong>s plans <strong>de</strong> promotionet encourager l’esprit d’entreprise.Note <strong>de</strong> Session n°2, 1992 : « Développement <strong>de</strong> lapetite entreprise et du « jua kali » au Kenya ». Cettenote s’intéresse aux obstacles que rencontre le secteurinformel, et aux solutions pour avancer. Le gouvernementaccroît ses investissements dans le secteur informel.Note <strong>de</strong> Session n°1, 1994 : « Reprise économique etDéveloppement durable » - La note souligne l’importanced’un environnement facilitateur avec cadre réglementaire,et d’accélérer la progression vers <strong>de</strong>s droits égauxpour les petites entreprises pour l’accès au crédit et à lapropriété. La note propose le concept <strong>de</strong> double focale,l’Etat Kenyan étant encouragé à investir dans le secteurinformel tout en facilitant sa croissance.Le Programme d’Amelioration <strong>de</strong>s Bidonvilles Kenyans(KENSUP) et le Programme d’Amelioration <strong>de</strong> l’HabitatInformel au Kenya (KISIP) – Ces <strong>de</strong>ux programmessont les premiers à adopter une approche in-situ <strong>de</strong>l’amélioration <strong>de</strong>s noyaux <strong>de</strong> peuplement informels àNairobi. Bien qu’ils n’aient pour l’instant pas été appliquésavec succès, ils représentent une vision nouvelle <strong>de</strong>l’informalité urbaine et sonnent comme une reconnaissanceque les inégalités dans l’accès au sol et au logementne peuvent être résolues que par <strong>de</strong>s programmesd’amélioration menés par l’Etat.Note <strong>de</strong> Session n°2, 2005 : « Développement <strong>de</strong> laPetite et Micro-entreprise pour la Création <strong>de</strong> Valeuret d’Emploi, et la Réduction <strong>de</strong> la Pauvreté » - La notepasse en revue les lois et politiques ayant trait au secteuret pousse pour la création d’un Conseil national <strong>de</strong>sPetites Entreprises (NCSE). En réponse, le conseil urbain<strong>de</strong> Nairobi lance divers programmes – avec un succèsdivers – dont la régularisation <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> rue et leurrelocalisation.Loi nationale du Sol, 2009 – Cette action politiquetémoigne d’un véritable engagement <strong>de</strong> régulariser lesquartiers informels, d’assurer la location, et d’améliorerles conditions <strong>de</strong> vie. En sus, la Politique Nationale Kenyanepour le Logement reconnaît que « les standards inappropriéset les règles contrevenantes ont réduit considérablementl’étendue <strong>de</strong>s matériaux et <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong>construction autorisé », et reconnaît que les procéduresinstaurées par les Actes successifs (Acte d’Arbitrage, Acted’Inscription <strong>de</strong>s Titres, Acte d’Inscription du Sol, etc) nesont pas alignées et doivent être repensées.


103Vision Kenya 2030 – Souligne le rôle lea<strong>de</strong>r du gouvernementdans la création d’emplois pour tous genres,statuts sociaux et appartenances religieuses. A moyenterme (2008-2012), le document s’engage à renforcerle commerce informel par <strong>de</strong>s investissements dansl’infrastructure, la formation et les liens avec <strong>de</strong>s marchéslocaux et globaux. Le gouvernement prévoit <strong>de</strong> recensertous les secteurs d’activité informels pour leur proposer<strong>de</strong>s infrastructures <strong>de</strong> service permanentes, ainsi quela formation et l’accès au crédit nécessaire pour entrerdans le marché formel. La procédure d’inscriptions et <strong>de</strong>licences <strong>de</strong> commerce sera simplifiée.Constitution <strong>de</strong> 2010 – Le Kenya s’est récemment dotéd’une nouvelle Constitution, qui comporte trois élémentsimportants. Premièrement, elle énonce une série <strong>de</strong>droits socio-économiques dont l’accès au logement et auxservices. Ensuite, elle offre la possibilité <strong>de</strong> revenir surcertains Actes concernant le sol qui, hérités du systèmeBritannique, ont facilité les développements illégaux etaccentué l’inégalité dans l’accès et la distribution <strong>de</strong> lapropriété. Enfin, la nouvelle Constitution offre une opportunité<strong>de</strong> réorganiser les gouvernements locaux pourune nouvelle distribution <strong>de</strong>s rôles et <strong>de</strong>s acteurs. Cecipasse par la délégation <strong>de</strong>s processus institutionnels, etouvre <strong>de</strong>s trouées pour reconstruire et re-conceptualiserl’engagement actuel. Ces trois éléments, majeurs, témoignent<strong>de</strong> la compréhension grandissante que les mouvementssocio-économiques ayant formé la ville Kenyanese sont accompagnés d’un développement critiquable,aux conséquences violentes. Le nouveau cadre réglementaireaura un impact certain à la fois sur la gouvernanceurbaine, et sur les droits humains à Nairobi comme ailleurs.La revendication <strong>de</strong>s droits socio-économiques, laréappropriation du sol, et la conception d’un système <strong>de</strong>délégation gouvernementale, sont une opportunité peutêtreunique <strong>de</strong> s’attaquer aux dysfonctionnements <strong>de</strong>s institutionsformelles et informelles actuelles – institutionsqui, <strong>de</strong>s décennies durant, ont encouragé un systèmeurbain discriminant, inégal, et prédateur.En conclusion : Le cadre réglementaire au Kenya et à Nairobiont certes gran<strong>de</strong>ment évolué dans le temps, maiscette évolution ne s’accompagne toujours pas d’une miseen place pratique, matérielle, dont la programmation estindispensable pour améliorer la vie <strong>de</strong>s urbains pauvres<strong>de</strong> Nairobi.


104 AccraRÉGULER LE SECTEUR INFORMELL’activité <strong>de</strong>s régulateurs ne se limite pas au contrôle à l’entretien : ils prennent l’initiative <strong>de</strong> projets et<strong>de</strong> politiques visant à améliorer les structures et les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie.l’Assemblée Métropolitained’Accra(AMA) régule lesactivités du secteurinformel dans laville d’AccraRéguler le secteur informel passe par le contrôle,l’entretien et le développement dudit secteur. AuGhana, une politique <strong>de</strong> décentralisation <strong>de</strong>s activitésgouvernementales a transféré du pouvoir aux agencesétatiques locales et aux assemblées <strong>de</strong> quartier, quis’occupent du secteur informel malgré leur autonomielimitée. L’Assemblée Métropolitaine d’Accra (connuecomme AMA) et divers départements ou institutions quien dépen<strong>de</strong>nt, ont pour tâche et pour défi <strong>de</strong> réguler lesecteur informel d’Accra. Ce secteur inclut <strong>de</strong>s activitéssocio-économiques dont le logement, les services (eau,électicité), la propreté, l’éducation, la main d’œuvre,l’emploi informel et les échanges (marchés, hubs commerciaux).Pour chacune <strong>de</strong> ces activités, un département dédiés’occupe <strong>de</strong> régulation. <strong>Les</strong> affaires impossibles à traiterau niveau local sont transférées à un ministère gouvernementalou à l’autorité régionale. Le logement, lasanté, l’éducation, l’emploi et la main d’œuvre sont sousl’autorité respective du département <strong>de</strong> la ProgrammationUrbaine et Rurale, du département <strong>de</strong> Santé Métropolitaine,du département pour l’Education Métropolitaine,et <strong>de</strong> l’Unité <strong>de</strong> Coordination <strong>de</strong> l’AménagementMétropolitain.<strong>Les</strong> responsabilités <strong>de</strong> chaque répartement sont établiespar l’Assemblée du District, qui supervise entièrementleurs projets, missions et budgets. Dans les différentsmarchés ou hubs commerciaux, les activités du secteurinformel sont sous l’autorité <strong>de</strong> représentants <strong>de</strong>sdépartements sus-cités, qui s’assurent que les acteurs dusecteur informel disposent d’un cadre d’échanges convenable.<strong>Les</strong> trois départements clés délégués <strong>de</strong> l’AMA sontle département <strong>de</strong> Santé Publique, <strong>de</strong> la Propreté, et <strong>de</strong>la Programmation Urbaine et Rurale. Le Département<strong>de</strong> Santé Publique <strong>de</strong> l’AMA a pour fonction <strong>de</strong> veiller àpromouvoir l’hygiène alimentaire et personnelle, <strong>de</strong> gérerles maladies, <strong>de</strong> mettre en place les lois d’assainissementet <strong>de</strong> mener <strong>de</strong>s inspections sur le terrain pour détecteret gérer les risques sanitaires liés à l’environnement.Le Département <strong>de</strong> la Propreté s’occupe également <strong>de</strong>risques environnementaux, tandis que la ProgrammationUrbaine et Rurale a pour rôle d’assurer la collecte, lerassemblement et l’analyse <strong>de</strong>s ressources humaines etnaturelles <strong>de</strong> la métropole.Réguler le secteur informel est un défi certain pour lesinstitutions <strong>de</strong> supervision établies en ville. <strong>Les</strong> départementssouffrent <strong>de</strong> ressources financières, humaines etstructurelles limitées pour mener leurs activités à bien.Le recensement récent, sur la population et le logement,permet <strong>de</strong> mieux comprendre le secteur informelet donne à l’AMA les moyens d’attribuer les bonnesressources aux bons enjeux dudit secteur. Toutefois, lesecteur est loin d’être métamorphosé.<strong>Les</strong> activités <strong>de</strong> régulation ne se limitent pas au contrôleet à l’entretien, mais incluent <strong>de</strong>s projets ou politiquesvisant à améliorer les structures et les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie.Prenons pour exemple le développement du « Centrecommercial piéton » à Kwame Nrkumah Circle, qui offreun espace sécurisé aux ven<strong>de</strong>urs à la sauvette habitués àcommercer sur le bord dangereux <strong>de</strong>s routes ou carrémentdans le trafic. Pourtant, les ven<strong>de</strong>urs sont repartisdans leurs zones <strong>de</strong> prédilection après quelques mois,laissant <strong>de</strong>rrière eux un centre commercial vi<strong>de</strong> et annulantles efforts <strong>de</strong> l’AMA.


AccraLE SECTEUR INFORMEL : PERTE DE VALEUR ET ACTIVITÉS ILLÉGALESRéguler le secteur informel est un défi pour les différentes institutions chargées <strong>de</strong> le superviser.105<strong>Les</strong> commerçantsinformels quitravaillent dans <strong>de</strong>scentres commerciauxpaient unetaxe journalièreà l’assemblée duDistrictLe secteur informel représente une part majeure <strong>de</strong>l’économie <strong>de</strong> la ville et contribue, plus ou moins directementà sa croissance. S’il y a perte <strong>de</strong> valeur, cela découlegran<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> l’incapacité qu’à l’assemblée du District <strong>de</strong>réguler efficacement l’économie du secteur.L’Assemblée ne récolte <strong>de</strong> valeur que sous la forme <strong>de</strong>srevenus directs comme les taxes et tributs que paient lescommerçants, travailleurs et transporteurs installés dansles marchés, ou comme les charges <strong>de</strong> commerce et <strong>de</strong>propriété que paient les étals et magasins installés dans lequartier.Si les commerces individuels ne sont pas déclarés,l’assemblée ne peut suivre la valeur économique quedégage chaque activité. Ceci conduit à une perte <strong>de</strong>valeur, valeur qui aurait pu être réinvestie dans le quartiersous la forme d’opérations <strong>de</strong> propreté et d’entretien <strong>de</strong>sinfrastructures du district comme les écoles, centres<strong>de</strong> santé, marchés, parkings <strong>de</strong> poids lourds, bâtimentsadministratifs, etc.Cette perte <strong>de</strong> valeur concerne, au-<strong>de</strong>là du district,l’ensemble du pays. <strong>Les</strong> institutions étatiques telle l’IRS(Administration Fiscale) n’ont trouvé aucune solution efficaceet fructueuse pour taxer les commerces du secteurinformel.Pour mener <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> petite envergure dans lesdomaines comme la santé, la production ou les services,les acteurs du secteur informel ont recours à <strong>de</strong>sdocuments et transactions illégaux. <strong>Les</strong> papiers officielssont inaccessibles pour cause d’argent, d’éducation,<strong>de</strong> capacités, ou l’investissement requis est trop grandpour ouvrir un commerce <strong>de</strong> façon légale. Ainsi, il estfréquent aujourd’hui <strong>de</strong> voir vendues au sein <strong>de</strong>s marchésou zones commerciales, <strong>de</strong>s herbes médicinales traditionnellesdans <strong>de</strong>s bouteilles d’eau réutilisées qui n’ontpas été approuvées par le Comité pour la Mé<strong>de</strong>cine etl’Alimentation. Ces herbes médicinales portent sur leurétiquette maison un sceau et un numéro <strong>de</strong> série fictif duComité <strong>de</strong>s Standards Ghanéen.L’accès aux services <strong>de</strong> base comme les réseaux d’eau etd’électricité dans les quartiers informels est si inadéquatque les habitants établissent souvent leur propre connexionillégale aux réseaux. Ces connexions font perdre <strong>de</strong> lavaleur aux compagnies fournisseurs et sont une source <strong>de</strong>risque majeure pour les habitants du quartier, confrontésà <strong>de</strong>s boîtes à fusibles qui explosent et <strong>de</strong>s incendies quise déclarent.La perte <strong>de</strong> valeur ne peut être entièrement endiguée– mais elle peut être nettement ralentie en éduquantla population sur l’importance <strong>de</strong>s taxes et <strong>de</strong>l’investissement, et en engageant l’assemblée du districtà réutiliser la valeur dans <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> développementpertinents. <strong>Les</strong> compagnies <strong>de</strong> service doivent connectertous les quartiers urbains aux réseaux d’eau potable etd’électricité. Ils ont également en charge <strong>de</strong> gérer cesservices <strong>de</strong> manière efficace, pour limiter le nombre <strong>de</strong>branchements illégaux.Quant aux vices sociaux et activités illégales, ils serontlimités ou régularisés par la création d’emplois accessiblesdans le secteur informel aux habitants peu qualifiés,et par la reconnaissance d’activités spécifiques, dont lerésultat sera dès lors plus positif que négatif.


106ARTICLEOUAGADOUGOUDE QUARTIER « NON LOTI », À QUARTIER MAL LOTI :LE CAS DE WNB DE OUAGADOUGOUWatinoma/Noghin/Basnéré 1 est un quartier d’habitatspontané <strong>de</strong> Ouagadougou, localement appelé « nonloti », à l’instar <strong>de</strong>s autres quartiers habités sans êtrepréalablement aménagés. Situé au Nord-Ouest <strong>de</strong> Ouagadougou,capitale du Burkina Faso, il est limité au Sudpar la ceinture verte, à l’Est et à l’Ouest par <strong>de</strong>s zonesaménagées pour l’habitat. Cet article présente l’historiqueet les stratégies d’occupation <strong>de</strong> ce quartier par lesrési<strong>de</strong>nts, à partir <strong>de</strong> 1999 jusqu’à son enclavement danssa partie Nord en 2009. Il se fon<strong>de</strong> sur <strong>de</strong>s entretiensréalisés en 2011 et 2012 avec les rési<strong>de</strong>nts du quartier,dans le cadre <strong>de</strong> la thèse <strong>de</strong> Léandre Guigma 2 et <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>du programme d’amélioration <strong>de</strong>s bidonvilles du BurkinaFaso – PPAB 3 .<strong>Les</strong> stratégies rési<strong>de</strong>ntielles du premier occupant.Lorsqu’ils qualifient leur lieu <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce, les habitants<strong>de</strong> WNB mentionnent les termes « désordre » et« hasard ». Certains surnomment leur quartier « HongKong », « Vietnam » ou « Ghetto », pour faire référencerespectivement à la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> la population rési<strong>de</strong>nte,aux ru<strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie et à l’absence <strong>de</strong> règles quirégissent l’aménagement du quartier. Pourtant, contrairementaux mots employés par les rési<strong>de</strong>nts pour qualifierleur zone d’habitat, dans la réalité, l’occupation spatiale<strong>de</strong> cette zone non lotie ne s’opère pas sans règle, sanslogique. Voici les stratégies rési<strong>de</strong>ntielles du premieroccupant <strong>de</strong> WNB et le processus <strong>de</strong> fabrication duquartier, décrit par ce <strong>de</strong>rnier.Naba est le premier rési<strong>de</strong>nt du quartier. Il est venu s’yinstaller pour <strong>de</strong>s motifs <strong>de</strong> décohabitation familiale en2000, après avoir été en location, puis logé gratuitementchez son oncle : « J’étais en location (…) dans le quartierdit Watinoma. Mais, comme je ne pouvais pas payer, jesuis allé rester chez mon oncle, le frère <strong>de</strong> mon père, toujoursà Watinoma ». Il a d’abord construit une maison en1998, à l’intérieur <strong>de</strong> la ceinture verte au Sud du quartier.Puis, enjoint par les autorités publiques <strong>de</strong> libérer la ceintureverte, il a réalisé plusieurs maisons en 1999 à WNB.C’est en 2000, qu’il a décidé d’habiter WNB. Jusqu’en2001, il était le seul rési<strong>de</strong>nt du quartier.1 – Ce sont les trois noms successifs du quartier. <strong>Les</strong> rési<strong>de</strong>ntsutilisent indifféremment l’une <strong>de</strong> ses dénominations pour désignerle quartier. Dans le reste <strong>de</strong> l’article, il sera écrit WNB.2 – « Aménagement urbains et autopromotions <strong>de</strong>s logements àOuagadougou, <strong>de</strong> 1995 à nos jours » Thèse <strong>de</strong> doctorat en étu<strong>de</strong>surbaines en cours. 2e année, ED Sciences sociales, Université<strong>Par</strong>is 8, Vincennes Saint-Denis.Pierre Louis, Guigma, Meunier-Nikiéma et al (2011).3 – Pierre Louis, Guigma, Meunier-Nikiéma et al (2011).Si l’occupation <strong>de</strong> la ceinture verte a été réprimée parles autorités publiques, l’occupation du quartier nonloti semble plutôt avoir été tolérée par l’administration,malgré la législation foncière burkinabée 4 qui interditd’occuper les terres urbaines non encore aménagées. Lafamille Rouamba est l’une <strong>de</strong>s familles <strong>de</strong> propriétairesterriens auprès <strong>de</strong> laquelle Naba a obtenu l’autorisation« coutumière » <strong>de</strong> s’installer dans le quartier. Ces propriétairesterriens n’habitaient pas le quartier ; ils exploitaientplutôt leurs terres notamment pendant la saison pluvieuse,à <strong>de</strong>s fins <strong>de</strong> productions agricoles.Dans le but <strong>de</strong> créer l’animation du quartier et d’inciterson occupation par d’autres rési<strong>de</strong>nts, Naba va doncjouer le rôle d’interface entre les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> terrainspour habitation et les propriétaires terriens. « Quandje suis venu m’installer ici, d’autres gens sont venusmanifester leur volonté d’avoir <strong>de</strong>s terrains ici (…) maisl’espace <strong>de</strong> la famille Rouamba n’est pas aussi grand. Il ya d’autres familles que je ne connais pas, qui possédaient<strong>de</strong>s terres ici. Donc, j’ai fait un communiqué à la radiopour faire appel à tous ceux qui détiennent <strong>de</strong>s terresdans la zone, car il y a <strong>de</strong>s gens qui veulent les acheterafin <strong>de</strong> venir habiter avec moi (…). J’ai indiqué la zoneavec comme repère, la mosquée 5 et la route <strong>de</strong> Yagma 6 ».Le chef précise que beaucoup <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs sont venusdans le quartier comme lui, surtout pour décohabiter <strong>de</strong>leurs cours familiales.Le quartier a successivement porté trois noms : Watinoma,Noghin et Basnéré « Quand je suis venu dans cequartier, je l’ai nommé également Watinoma, comme lequartier d’où je venais. Plus tard, pour faire la différenceavec le Watinoma qui existait déjà, j’ai choisi le nomNoghin. Mais il se trouve qu’il existait aussi un autrequartier qui s’appelait Noghin en zone lotie. Enfin, je l’ainommé Basnéré, dont je suis le chef ». Basnéré veut dire« finir bien » en langue mooré, Noghin veut dire « bien »ou « bon », et « Watinoma » signifie « vient, car c’est bienici ! » Ces trois noms choisis par le premier rési<strong>de</strong>nt pournommer le quartier semblent s’inscrire dans une stratégie<strong>de</strong> « marketing territorial », avec comme point communla promotion du fait qu’il fasse « bon vivre » dans le4 – « (…) Toute occupation sans titre est interdite et le déguerpissementne donne lieu ni à recasement ni à in<strong>de</strong>mnisation »Art. 39 <strong>de</strong> la Loi n°014/96/ADP du 23 mai 1996 portant réorganisationagraire et foncière au Burkina Faso.5 – Première mosquée construite en 2002 par le chef du quartier,en banco (brique <strong>de</strong> terre). En 2012, le chef du quartier adénombré 37 mosquées.6 – Voie structurante du quartier réalisée par la Mission Catholiqueet conduisant vers le sanctuaire marial <strong>de</strong> Yagma, villageprésentement phagocyté par la ville <strong>de</strong> Ouagadougou.


107Localisation <strong>de</strong>smaisons sans toità WNBSource : PierreLouis L, Guigma L.,Meunier Nikiéma A.et al (2011). Etu<strong>de</strong>pour le programmeparticipatifd’amélioration <strong>de</strong>sbidonvilles, réaliséepour le compte <strong>de</strong>UN HABITAT / Ministère<strong>de</strong> l’habitat et<strong>de</strong> l’urbanisme.quartier. Serait-ce un argument suffisant pour motiver lechoix rési<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong>s habitants du quartier ?Le lotissement du quartier en point <strong>de</strong> mire.Dès son arrivée dans le quartier non loti en 1999, Nabaadopte une stratégie <strong>de</strong> « promoteur immobilier ». Ilréalise trente-six maisons dans le quartier pour, selon sesdires, faciliter l’installation <strong>de</strong>s premiers arrivants. Puis, ilréalise en 2002 la première mosquée du quartier qui restetrès fréquentée jusqu’à nos jours. Ces investissementssont non seulement <strong>de</strong>s repères, mais aussi <strong>de</strong>s signesd’animation du quartier. Bien qu’étant seul, la stratégie dupremier occupant semble avoir été <strong>de</strong> créer les lieux <strong>de</strong>rassemblement comme la mosquée et <strong>de</strong>s signes physiquesd’habitations, pour donner l’illusion aux premiersarrivants qu’il s’agit bien d’un quartier dynamique, vivant,où il fait « bon vivre ».La stratégie <strong>de</strong> Naba semble avoir porté ses fruits car, trèsvite, le quartier s’est <strong>de</strong>nsifié. Quel est l’intérêt pour lepremier rési<strong>de</strong>nt à rechercher la <strong>de</strong>nsification du quartiernon loti ? En incitant à l’installation <strong>de</strong> population dans lequartier non loti, le premier occupant ne souhaiterait-ilpas constituer un groupe <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nts, pour mieux justifierle besoin <strong>de</strong> lotissement ressenti par les rési<strong>de</strong>nts,auprès <strong>de</strong>s autorités publiques ? En effet, ces habitationsspontanées sont le signe permettant aux rési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>revendiquer le rattrapage <strong>de</strong> la ville illégale par la villelégale 1 à travers une régularisation foncière <strong>de</strong>s occupantssous la forme <strong>de</strong> lotissement, ce qui leur permettrait <strong>de</strong>possé<strong>de</strong>r une parcelle.Dans la même optique, le besoin <strong>de</strong> bien matérialiserl’espace occupé avant le lotissement est bien perçu par lepremier rési<strong>de</strong>nt. Conformément aux textes en vigueur 2 ,les plans <strong>de</strong> lotissement au Burkina Faso se réalisent sur1 – Fournet, Meunier-Nikiéma et Salem (2008).1 – Art. 107 <strong>de</strong> la Loi n° 017-2006 /AN du 18 mai 2996 portantCo<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’urbanisme et <strong>de</strong> la construction au Burkina Faso.la base d’un plan d’état <strong>de</strong>s lieux qui mentionne tousles bâtiments existants sur le site à aménager. La courdu premier occupant et chef du quartier y sera doncreprésentée avec la dénomination « cour royale » ainsique la mosquée qu’il a construite.L’expérience burkinabée d’urbaniste praticien permet <strong>de</strong>confirmer que dans le cadre du lotissement éventuel duquartier, l’urbaniste aménageur préservera ces <strong>de</strong>ux fonctionsspatiales (cultuelle et coutumière) dans le nouveauplan d’aménagement, pour <strong>de</strong>s raisons socioculturelles.De même, les lotissements jusqu’à présent sont précédésd’opérations <strong>de</strong> recensement <strong>de</strong>s occupants du quartieravant son lotissement, afin <strong>de</strong> privilégier les rési<strong>de</strong>nts duquartier dans les attributions <strong>de</strong> parcelles après le lotissement3 .La remise en cause récente (juin 2012) <strong>de</strong> cette pratiquepar <strong>de</strong>s mesures gouvernementales n’a pas eu d’effetssur le terrain pour le moment, faute <strong>de</strong> mise en œuvre<strong>de</strong> ces mesures. <strong>Par</strong>mi celles-ci figurent « l’interdictiondu recensement dans les zones d’habitat spontanédans le cadre <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> lotissement ; tous lesprétendants à la parcelle procè<strong>de</strong>nt par <strong>de</strong>man<strong>de</strong> » et« l’utilisation du tirage au sort ou l’adjudication pourl’attribution <strong>de</strong>s parcelles aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs » 4 . Une <strong>de</strong>smesures gouvernementales précise que l’application<strong>de</strong>s critères d’ordre <strong>de</strong> priorité qui favorise les rési<strong>de</strong>ntsdu quartier non loti ne sera acceptée que dans le cas <strong>de</strong>l’aménagement d’un noyau villageois, ce qui n’est pasle cas <strong>de</strong> WNB qui n’est pas un village phagocyté par laville mais une zone d’habitation spontanée, créée sousl’impulsion du premier rési<strong>de</strong>nt. Dans tous les cas, cette2 – Hilgers (2009) p. 2143 – Ministère <strong>de</strong> l’habitat et <strong>de</strong> l’urbanisme (2012), Lotissementau Burkina Faso, le respect <strong>de</strong>s textes n’est plus négociable,http://www.lefaso.net/spip.php ? article48398&rubrique4, misen ligne le 06 juin 2012.Boyer (2007), p.57


108Enclavement <strong>de</strong>WNB suite aulotissement <strong>de</strong> latrame d’accueil <strong>de</strong>Yagma au Nord duquartierSource : Directiongénérale <strong>de</strong>l’urbanisme et <strong>de</strong>stravaux fonciers(2012).mesure gouvernementale est récente et n’a pas encore étéappliquée. En cas <strong>de</strong> régularisation foncière du quartiersous forme <strong>de</strong> lotissement, les trente-six maisons dupremier occupant pourraient donc être transformées enun nombre équivalent <strong>de</strong> parcelles, qui pourraient luiêtre attribuées personnellement et à ses proches qui se feraientrecenser au moment <strong>de</strong> l’opération <strong>de</strong> recensementcomme rési<strong>de</strong>nts dans ces maisons. Selon Boyer (2009,p.51), « la « voie du non-loti » est à même <strong>de</strong> permettreaux Ouagalais d’accé<strong>de</strong>r à la propriété à moindre coût,quand ils n’ont pas les moyens financiers <strong>de</strong> passer par lemarché immobilier formel ».Une autre stratégie <strong>de</strong> Naba est <strong>de</strong> suivre les transactionsfoncières, pour pouvoir arbitrer convenablement en cas<strong>de</strong> litige. « Lorsque quelqu’un veut un terrain, moi j’appellele chef <strong>de</strong> terre et avec lui, je réunis les pièces d’i<strong>de</strong>ntitésdu ven<strong>de</strong>ur et <strong>de</strong> l’acheteur afin d’éviter les situations <strong>de</strong>double vente et on établit l’acte <strong>de</strong> vente avec le montant<strong>de</strong> la transaction qui atteste que la parcelle est vendueà telle personne ». Cette pratique du chef <strong>de</strong> terre n’estplus suivie car pratiquement tous les espaces habitablesont été vendus par les propriétaires terriens. Il y a donc<strong>de</strong>s reventes <strong>de</strong> terrains ou <strong>de</strong> parties <strong>de</strong> terrains par lespremiers occupants qui procè<strong>de</strong>nt empiriquement auxdémembrements <strong>de</strong> leurs terrains initiaux pour y construire<strong>de</strong>s maisons sur <strong>de</strong>s portions <strong>de</strong> terrains plus réduits,<strong>de</strong>stinés à la vente, à la location ou à l’hébergementd’un membre <strong>de</strong> la famille ou d’une connaissance logéegratuitement 1 . Toutes ces pratiques <strong>de</strong> démembrement1 – Boyer (2007), p.57et <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsification du quartier témoignent <strong>de</strong> l’espoirdu lotissement du quartier et <strong>de</strong> la possibilité d’acquériréventuellement plusieurs parcelles, car pendant le recensement,chaque maison est recensée comme abritantun ménage, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> parcelle.En attendant le recensement qui précè<strong>de</strong>ra le lotissement,certains propriétaires <strong>de</strong> terrains construisent <strong>de</strong>smaisons sans toit ou « maison alibis, pour <strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>ntsfictifs qui ne se présenteront qu’à l’approche du recensement,en espérant bénéficier d’une parcelle. Ces maisonsalibi » sont <strong>de</strong> plus en plus nombreuses au fur et à mesureque l’on s’éloigne <strong>de</strong> la rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> Naba 2 .WNB occupe une superficie <strong>de</strong> 400 hectares et abriteenviron 28.000 habitants. Deux tiers <strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nts sontconcentrés dans la partie Sud du quartier où rési<strong>de</strong> Naba.Lotissement d’une trame d’accueil au nord duquartier en 2009 : la désillusion <strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nts.Selon Naba, les habitants <strong>de</strong> WNB se sont progressivementrendus à l’évi<strong>de</strong>nce qu’un lotissement classique <strong>de</strong>leur quartier ne permettrait pas d’attribuer une parcelleà chacun d’entre eux. En effet, les rési<strong>de</strong>nts occupent enmoyenne <strong>de</strong>s terrains <strong>de</strong> 60 à 100 mètres carrés alors queselon la pratique, les plus petites superficies <strong>de</strong> parcellesprévues dans les plans <strong>de</strong> lotissement sont <strong>de</strong> 240 mètrescarrés 3 . Dans cette optique, les rési<strong>de</strong>nts, tout en souhaitantle lotissement <strong>de</strong> leur zone d’habitat, visaientsimultanément l’aménagement d’une trame d’accueil2 – cf. carte 1 : Localisation <strong>de</strong>s maisons sans toit à WNB.3 – Guigma (2012).


au Nord du quartier pour tous ceux qui n’auraient pasla chance <strong>de</strong> bénéficier d’une régularisation foncièresur place. Mais suite aux inondations du 1er <strong>sept</strong>embre2009, l’Etat a aménagé en urgence une trame d’accueilau Nord <strong>de</strong> WNB, pour reloger toutes les personnesinstallées dans <strong>de</strong>s zones inondables et submersibles.Cet aménagement compromet davantage l’éventualité<strong>de</strong> lotissement du quartier, puisque les trames d’accueilseront à rechercher dans la commune rurale <strong>de</strong> Pabré,en <strong>de</strong>hors du territoire communal <strong>de</strong> Ouagadougou.Ainsi, les rési<strong>de</strong>nts qui espéraient une régularisation <strong>de</strong>leur occupation foncière sous forme <strong>de</strong> lotissement etd’extension du périmètre aménagé <strong>de</strong> leur quartier, ontété désillusionnés suite à l’aménagement inattendu d’unetrame d’accueil au nord <strong>de</strong> leur zone d’habitat, <strong>de</strong>stinéeà reloger les sinistrés <strong>de</strong>s inondations du 1er <strong>sept</strong>embre2009 <strong>de</strong> la ville Ouagadougou. Cela a définitivementenclavé 1 leur quartier, <strong>de</strong>meuré « non loti », et <strong>de</strong>venuspatialement mal loti.ConclusionMalgré cette situation d’enclavement, les populationssouhaitent toujours le lotissement : « c’est une question<strong>de</strong> volonté politique » déclare un rési<strong>de</strong>nt du quartier.Dans le contexte burkinabé, la prolifération <strong>de</strong> l’habitatspontané dans les quartiers non lotis semble liée au faitque « le rythme <strong>de</strong>s aménagements <strong>de</strong>s zones d’accueilne suit pas la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> » 2 . <strong>Les</strong> stratégies <strong>de</strong> créationet d’occupation du quartier démontrent bien que lesinvestisseurs rési<strong>de</strong>nts ne sont pas dépourvus <strong>de</strong> moyensfinanciers. Ces quartiers se construisent avec l’espoirnourri d’une régularisation foncière à venir. Mais à défaut<strong>de</strong> ce lotissement imminent, les rési<strong>de</strong>nts apprennent àtirer profit <strong>de</strong>s contraintes morphologiques (non loti)et spatiales (mal loti) qu’ils rencontrent. Des actionsponctuelles pour l’amélioration <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie<strong>de</strong>s rési<strong>de</strong>nts sont mises en œuvre par les sociétés d’Etatet la Mairie à l’instar du raccor<strong>de</strong>ment au réseau d’eaupotable à partir <strong>de</strong> la zone lotie périphérique ; d’autresprojets visant l’accès aux services urbains et aux équipementssociaux sont prévus dans le cadre du programmed’amélioration <strong>de</strong>s bidonvilles porté par le ministère encharge <strong>de</strong> l’habitat et <strong>de</strong> l’urbanisme, la mairie <strong>de</strong> Ouagadougouet UN HABITAT. D’où la « contradiction évi<strong>de</strong>nteentre le maintien <strong>de</strong> l’absence d’un statut légal du terrainet une certaine reconnaissance <strong>de</strong> fait » soulignée parDeboulet (1990).Références bibliographiquesBoyer F. (2007), « Croissance urbaine, statut migratoireet choix rési<strong>de</strong>ntiels <strong>de</strong>s ouagalais. Vers une insertionurbaine ségrégée ? », in Revue Tiers Mon<strong>de</strong>, 2010/1 n° 201,p. 47-64.Deboulet A. (1990), « État, squatters et maîtrise <strong>de</strong>l’espace au Caire », Égypte/Mon<strong>de</strong> arabe, Première série,Mo<strong>de</strong>s d’urbanisation en Égypte, pp.76-96 [En ligne], misen ligne le 08 juillet 2008. URL : http://ema.revues.org/in<strong>de</strong>x179.html, consulté le 8 mars 2012.Fournet F., Meunier Nikiema A., Salem G et al. (2008),Ouagadougou (1850-2004), une urbanisation différenciée,Rapport <strong>de</strong> recherche, IRD, 249 p.Guigma L. (2012), Le « retour » <strong>de</strong> la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> zonesd’habitat spontané à Ouagadougou (Burkina Faso) :décision exécutoire ou moyen <strong>de</strong> pression sur <strong>de</strong> futursoccupants ? Projet <strong>de</strong> communication aux journées <strong>jeunes</strong>chercheurs <strong>de</strong> Lyon, 13p.Hilgers M. (2009), « Politiques urbaines, contestation etdécentralisation. Lotissement et représentations socialesau Burkina Faso », Autrepart, 2008/3, n° 47, pp. 209-226.Jaglin S. (1995), Gestion urbaine partagée à Ouagadougou.Pouvoirs et périphéries (1983-1991). Ed. Karthala/ORSTOM, 659 p.Ouédraogo M. (1986) « Aménagement progressif, unprincipe opératoire » in Aménagements en quartiersspontanés <strong>africains</strong>, Mali, Burkina Faso, ACCT, IUP,pp.135-141Réactions <strong>de</strong>s internautes sur lefaso.net à l’article : « Point<strong>de</strong> presse du gouvernement : fini les recensements dansles non lotis » [En ligne] URL : http://www.lefaso.net/spip.php ? article48328, consulté le 4 juin 2012Pierre Louis L., Guigma L., Meunier-Nikiéma A. etal (2011), Programme participatif d’amélioration <strong>de</strong>sbidonvilles. Etu<strong>de</strong> commanditée par UN HABITAT /Ministère <strong>de</strong> l’habitat et <strong>de</strong> l’urbanisme, Rapport final <strong>de</strong>s5 composantes du PPAB.1091 – cf. carte 2 : Enclavement <strong>de</strong> WNB suite au lotissement <strong>de</strong> latrame d’accueil <strong>de</strong> Yagma au Nord du quartier.2 – Ouédraogo (1986), pp. 137-138


110 AccraARTICLERÉGULER LE BOUILLONNANTSECTEUR INFORMEL D’ACCRAC’est en réponse au besoin <strong>de</strong> la population d’exceller dans toutes ses activités, que s’opère larégulation du secteur informel hautement dynamique d’Accra. En effet, cette régulation offreles meilleures garanties d’excellence socio-économique.Le Ghana est l’un <strong>de</strong>s rares pays d’Afrique Sub-Saharienneà pouvoir s’enorgueillir d’un système <strong>de</strong> gouvernementdécentralisé avec un programme stable <strong>de</strong>développement économique et social. La croissance dupays est principalement tirée par l’activité économiquedu secteur informel, qui emploie 47,8% <strong>de</strong> la population(Ghana Living Standards Survey 5, 2008). L’informalitése caractérise par <strong>de</strong>s activités d’échanges diverses quin’utilisent pas les cadres officiels et, sans aucun recoursaux institutions étatiques, créent <strong>de</strong>s bénéfices socioéconomiquescertains pour ses membres. Ceci est undéfi pour les statisticiens du gouvernement, qui tententd’évaluer la contribution du secteur informel à la croissancedu Ghana et la manière <strong>de</strong> taxer ces activités pourréinvestir dans le développement du pays. Sans formalisation,les données sont insuffisantes pour chiffrer les défissocio-économiques du secteur et y proposer <strong>de</strong>s solutions.C’est donc au niveau macro/micro (gouvernementcentral et gouvernance local) que les acteurs institutionnelsdoivent aujourd’hui créer <strong>de</strong>s lois et politiques pourréguler l’activité <strong>de</strong> la ville informelle.Le développement socio-économique d’Accra pendant<strong>sept</strong> ans se ressent principalement sur les infrastructures,le social et la croissance économique. Cette croissancecrée <strong>de</strong> nouveaux emplois et <strong>de</strong> nouvelles opportunitésdans les secteurs et formel, et informel. Le développementsocial et infrastructurel <strong>de</strong> la ville a permis l’accèscroissant <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> la ville informel aux services<strong>de</strong> santé, d’éducation et autres commodités <strong>de</strong> base,bien qu’une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> la ville informel n’y aitencore aucun accès. Le développement économiquefait émerger tant d’opportunités nouvelles, qu’il y a unbesoin réel <strong>de</strong> régulariser les échanges émergents, surtoutpour les commerces informels. Ces échanges sont très<strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> main d’œuvre peu qualifiée, à l’exceptiond’activités ultra-locales comme l’agriculture urbaine, lecommerce <strong>de</strong> nourriture, la vulcanization (garages auto),etc. Au fur et à mesure que ces échanges se développent,les habitants <strong>de</strong> la ville informelle réinvestissentdans <strong>de</strong> nouveaux équipements (pour lancer <strong>de</strong>s activitésnouvelles), dans la formation (être apprenti ou reprendre<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s formelles) ou dans leur commerce <strong>de</strong> départ.Toutefois, nombreux sont les commerces qui ne dégagentpas d’économies pour les mauvais jours, et les habitantsdoivent se tourner vers le crédit disponible (sourcesinformelles). L’accès au crédit est soumis à <strong>de</strong>s conditionsdifficiles et particulières.La création d’activité dans le secteur informel est doncpoussée par les <strong>de</strong>ux nécessités suivantes : améliorer sonmo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie, et/ou pouvoir accé<strong>de</strong>r au crédit. Le processus<strong>de</strong> régularisation passe ensuite par la syndicalisation<strong>de</strong> petits actifs informels, la déclaration <strong>de</strong>s commerces àl’état, l’introduction d’un système d’impôts (pour lesquelsla déclaration d’activité est obligatoire) et l’ouverture <strong>de</strong>comptes bancaires ou <strong>de</strong> micro-finance formels. Voilàles aspects principaux <strong>de</strong> la régularisation du secteurinformel à Accra.<strong>Les</strong> activités informelles se sont rassemblées en syndicatsavec comme but principal <strong>de</strong> protéger leurs membres et<strong>de</strong> leur donner une voix commune pour <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong>sai<strong>de</strong>s, notamment financières, à l’activité ou aux futursinvestissements <strong>de</strong> fonctionnement. Il est fréquent <strong>de</strong>rencontrer <strong>de</strong>s groupes représentatifs d’activités mêmemineures, avec une poignée <strong>de</strong> membres – <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs<strong>de</strong> rue aux kayayos. Ces associations se forment à la suited’une mauvaise expérience ou d’un sentiment d’injusticepartagé par les membres du groupe. Après, rien negarantit que l’union fasse la force et que les groupesobtiennent <strong>de</strong>s solutions qu’ils cherchent. Toutefois, ladémarche même garantit un meilleur accès à l’ai<strong>de</strong> et à laformation, qui varie selon la proactivité <strong>de</strong>s membres.La régularisation <strong>de</strong>s activités informelles est trèsfréquente pour les artisans et les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> nourriture.Ils déclarent leur petit commerce à l’assemblée dudistrict et obtiennent pour leur entreprise un permis <strong>de</strong>fonctionner dans ledit district. La plupart <strong>de</strong>s petits commercesqui opèrent aujourd’hui à Accra sont passés parce processus <strong>de</strong> déclaration. Cela permet aux activités informelles<strong>de</strong> fonctionner <strong>de</strong> manière officielle, d’émettre<strong>de</strong>s reçus et <strong>de</strong> verses <strong>de</strong>s impôts directs au district età l’état. <strong>Les</strong> autorités gouvernementales (assemblée dudistrict, gouvernement, agence <strong>de</strong>s impôts) encouragentla déclaration <strong>de</strong>s petites activités pour pouvoir évaluer,contrôler et réinvestir dans le développement nationalles taxes d’un secteur autrefois imperceptible. <strong>Les</strong> petitscommerçants ne dégagent pas tant <strong>de</strong> profit et certainsconsidèrent que déclarer leur activité diminuera encoreleur revenu. Toutefois, ils obtiennent en se régularisantle bénéfice d’un accès au crédit et à la formation qui,parfois, compense leurs dépenses d’imposition.En l’absence <strong>de</strong> déclaration officielle, le gouvernementa introduit une taxe forfaitaire pour les entrepreneursinformels qui n’ont pas régularisé complètement leuractivité, volontairement ou contraints par la taille <strong>de</strong>leurs échanges. Quelque en soit l’expression, le systèmed’impôts créé par le département <strong>de</strong>s finances étatiqueset soutenu par d’autres acteurs institutionnels a contribuéà la régularisation partielle <strong>de</strong>s activités informelles.La taxation nourrit une base <strong>de</strong> données <strong>de</strong> toutes lesactivités <strong>de</strong> nature économique et les classe selon leurperceptibilité. Selon la Banque du Ghana, la perceptioninformelle est l’une <strong>de</strong>s solutions majeures pour amélio-


111Kwame NkrumahCircle : 2e pôlecommercial d’Accrapar la taillerer la collecte <strong>de</strong> revenus au niveau national. Alors quesi les 47,8% <strong>de</strong> la population employés dans le secteurinformel ne met pas la main au panier, quel espoir <strong>de</strong>multiplier les revenus internes du pays ?<strong>Les</strong> acteurs institutionnels ne peuvent mesurer pleinementla croissance du secteur informel, <strong>de</strong> par sa naturemême. La croissance a cependant ouvert aux institutionsfinancières <strong>de</strong>s opportunités qu’elles n’auraient pas auparavantsaisi, <strong>de</strong> proposer aux entrepreneurs informelsdu crédit et <strong>de</strong> la formation. <strong>Les</strong> offres sauvages ont étérégularisées par la mise en place <strong>de</strong> politiques commele Programme d’Ajustement Structurel et la Stratégie <strong>de</strong>Réduction <strong>de</strong> la Pauvreté au Ghana (GPRS I & II), quicréent un cadre plus stable pour régler la question dufinancement dans la ville informelle. Un certain nombred’entreprises <strong>de</strong> micro-financement ont éclos pour offrir<strong>de</strong>s solutions d’épargne et <strong>de</strong> prêt aux commerçantsinformels – là où les banques traditionnelles ne voientqu’un investissement risqué auprès d’individus à la cote<strong>de</strong> crédit basse et sans collatéral à proposer.<strong>Les</strong> micro-financiers proposent au secteur informel <strong>de</strong>srégimes d’épargnes qui leur permettent d’obtenir uncrédit sur le long terme, selon leur <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> participation.Adhérer à l’un <strong>de</strong> ces régimes est souvent le premier pasvers la régularisation <strong>de</strong> leurs activités. Ils accè<strong>de</strong>nt ainsià un certain niveau <strong>de</strong> formation financière et récoltent<strong>de</strong>s informations sur leur marché. <strong>Les</strong> micro-financiersles plus populaires dans ce secteur sont les syndicats <strong>de</strong>prêt, les associations <strong>de</strong> créance et d’épargne rotative(ROSCAs), les associations <strong>de</strong> prêt et d’épargne régulière(RESCAs), les percepteurs « susu » et les créanciersinformels.Ces processus <strong>de</strong> régularisation sont arrivés dans lesecteur informel par les canaux d’une éducation soitofficielle, soit officieuse (famille, amis, associations,messages institutionnels) . A Accra, les plus régulariséssont les artisans (maçons, laboureurs, électriciens), lesréparateurs <strong>de</strong> téléphonie mobile et les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> nourriture.Pour les artisans, la déclaration d’activité se fait auniveau du district pour leur garantir un emploi dans lesprogrammes publics – c’est le cas pour les laboureurs etlaboureurs peu qualifiés. <strong>Les</strong> réparateurs <strong>de</strong> téléphoniemobile se sont régularisés dans le cadre d’un partenariatpublic-privé entre le gouvernement Ghanéen et RLGCommunications Ltd (compagnie Ghanéenne), partenariatqui forme les <strong>jeunes</strong> du secteur informel en charged’ateliers charlatans qui assemblent et répare les appareilsélectroniques sous <strong>de</strong>s parasols en bord <strong>de</strong> rue. Aprèsleur formation, le gouvernement offre son soutien enmatière d’équipement et en procurant un petit commercedans leur quartier où ils souhaitent lancer leur activité.Une telle régularisation a permis aux réparateurs téléphoniques<strong>de</strong> pratiquer <strong>de</strong>s tarifs plus élevés après leurformation, sur la base d’un certificat officiel et <strong>de</strong> l’aspectplus imposant <strong>de</strong> leur boutique.La régularisation <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> nourriture nous offrel’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cas la plus pratique et la mieux définie dansle temps. <strong>Les</strong> commerçants du secteur informel lancentleur activité avec <strong>de</strong>s apports <strong>de</strong> base, dont quelques potspour y cuisiner, quelques assiettes pour servir le client,quelques fonds pour les ingrédients et une table ou unétal pour vendre. Le volume <strong>de</strong> ventes leur permet, ounon, <strong>de</strong> faire grandir leur activité en accroissant leurs ressourceset en investissant dans <strong>de</strong>s matériaux essentielspour satisfaire leurs clients et les fidéliser. Avec le temps,ils peuvent étendre leur activité jusqu’à proposer <strong>de</strong>s services<strong>de</strong> traiteurs à diverses occasions sociales – mais cecidoit passer par une déclaration formelle à l’assembléedu district. La régularisation permet aux inspecteurssanitaires <strong>de</strong> garantir les conditions <strong>de</strong> sûreté alimentaireet l’hygiène <strong>de</strong>s traiteurs alimentaires. Le commerce necroît qu’en réinvestissant le profit <strong>de</strong> la vente ou en ayantrecours au crédit <strong>de</strong> sources formelles ou informelles.C’est en réponse au besoin <strong>de</strong> la population d’excellerdans toutes ses activités <strong>de</strong> subsistance que s’opère larégulation du secteur informel hautement dynamique


112<strong>Les</strong> bienss’échangent en ville<strong>de</strong>puis les ven<strong>de</strong>ursà la sauvettejusqu’aux étals surles trottoirs et lesvoiesd’Accra, mais cette régulation est aussi une réponse audéveloppement socio-économique <strong>de</strong> la ville. Ainsi, uneactivité déclarée – <strong>de</strong> façon plus ou moins exhaustive –aura un avantage concurrentiel dans le marché formel,bénéficiant d’un cadre normé et <strong>de</strong> récompenses justes <strong>de</strong>ses activités.La régulation permet aux institutions gouvernementales<strong>de</strong> quantifier l’apport <strong>de</strong> chaque activité économiqueà toute échelle, sur une pério<strong>de</strong> déterminée. Ceci leurpermet en retour <strong>de</strong> distribuer les ai<strong>de</strong>s directement à cesparties du secteur informel autrefois marginalisées, pourgarantir un accès égalitaire aux opportunités.Accra se développe rapi<strong>de</strong>ment et ce dans tous les domaines.Le secteur informel est l’un <strong>de</strong>s moteurs <strong>de</strong> cettecroissance. Bien que cet apport ne puisse être exactementquantifié, il est nettement visible dans les bénéfices qu’enrécoltent les habitants formels et informels au quotidien.De fait, régulariser ce secteur crée un cadre d’excellencedans lequel ses contributions à la ville seront optimisées,ce qui assure en retour <strong>de</strong>s bénéfices plus grands pourl’ensemble <strong>de</strong>s acteurs. La régularisation n’est pas qu’uneexigence du secteur formel pour faire contribuer la villeinformelle au développement urbain. Vu d’en face, c’estun tapis roulant vers <strong>de</strong> meilleures opportunités pourdévelopper un business dans la ville informelle. De fait,les acteurs institutionnels se basent sur les donnéesd’imposition pour i<strong>de</strong>ntifier les activités qui pourraientêtre facilement améliorées par la formation ou le conseilen optimisation. Ceci passe par la déclaration d’activité et<strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> partenariat avec divers ministères dépêchéspar l’AMA.<strong>Les</strong> acteurs institutionnels peuvent générer un climatplus favorable à la régularisation à travers <strong>de</strong> nouvellespolitiques, <strong>de</strong> nouveaux produits et services pensés pourcibler au mieux les besoins et les capacités d’utilisation<strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> la ville informelle. Ainsi, l’AMA et les agriculteursurbains ont signé un accord pour leur garantirl’accès à la terre et à l’eau pour nettoyer leur récolte, enéchange <strong>de</strong> quoi les agriculteurs s’engagent à protéger lesalentours <strong>de</strong> leurs terres <strong>de</strong>s ordures ou autres empiètements(habitat illégal), et s’engagent sur une qualitéconstante <strong>de</strong> leur récolte. Ces partenariats public-privédoivent aujourd’hui se rendre immédiatement accessiblesau secteur informel. <strong>Les</strong> institutions pourront aussi faireappel à une main d’œuvre spécifique ou à <strong>de</strong>s qualificationsparticulières, et cibler <strong>de</strong>s groupes informels pourune formation et un emploi <strong>de</strong> long-terme. L’autoritépublique ne se requalifiera dans la ville informelle que sielle assure une supervision juste et une régulation efficace<strong>de</strong>s activités, en insistant sur l’égalité.Plus qu’un moyen au service d’une fin, la régularisationest une véritable opportunité pour développer leséchanges et améliorer les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie. On ne peutque conseiller aux habitants <strong>de</strong> la ville informelle qui sedéfient encore <strong>de</strong> tels bénéfices, d’interpeler les acteursinstitutionnels (comme les ONGs) pour les accompagnerdans le défi que peut représenter la formalisation <strong>de</strong> leursactivités.


113<strong>Les</strong> gran<strong>de</strong>s routesdu transport publicet privé sont <strong>de</strong>szones stratégiquespour le commerce


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Quandl’innovationpermet<strong>de</strong> dépasserla dialectiqueformelinformel115


116 Le CapCOMBATTRE LE FEU ET LES EAUXAux grands maux les grands remè<strong>de</strong>s – souvent ingénieux et innovants, qui plus est. Exemple à travers<strong>de</strong>ux noyaux d’habitat informel en périphérie du Cap.Inondation dans lasection TR-Bonganià Khayelitscha, CapeFlats, Le CapL’incendie sepropage au <strong>Par</strong>c JoeSlovo en périphériedu CapStratégies <strong>de</strong>compensation<strong>de</strong>s inondations :exemple <strong>de</strong> structuresurélevéeLe Cap, comme nombre <strong>de</strong> villes Africaines, subit leseffets d’une urbanisation rapi<strong>de</strong>. <strong>Les</strong> migrants arriventen nombre à la recherche d’opportunités nouvelles, et seretrouvent confrontés à une pénurie cruelle <strong>de</strong> logementsacceptables et abordables dans lesquels installer leurfamille ou commerce.Sans vrai système d’ai<strong>de</strong> ou <strong>de</strong> soutien, les arrivantss’installent en nombre dans <strong>de</strong>s poches d’espace délaissées,en périphérie, sans opportunités ni accès autransport. Ces espaces sont souvent inondables, nus, etimpropres à l’habitat humain.L’afflux <strong>de</strong> nouveaux habitants dans l’aire métropolitainedu Cap exerce une pression énorme sur les réseauxactuels <strong>de</strong> service.<strong>Les</strong> efforts que déploient la ville pour assurer le serviced’une métropole en tâche d’huile ne s’éten<strong>de</strong>nt souventpas aux communautés marginales, qui <strong>de</strong>viennentfacilement surpeuplées. Cette surpopulation augmentele risque <strong>de</strong> désastre, notamment dans les espaces déjà àrisque.Face à ces risques importants, sans grand choix <strong>de</strong>solutions et avec peu ou aucune ai<strong>de</strong>, <strong>de</strong> nombreusescommunautés doivent faire face, seules, à <strong>de</strong>s instancesd’incendie ou d’inondation.Toutefois, la nécessité est maîtresse <strong>de</strong> l’invention. <strong>Les</strong>images ci-<strong>de</strong>ssous illustrent le recours <strong>de</strong> communautés,touchées par le désastre, à <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> compensationpersonnelles sans attendre ai<strong>de</strong> ou compensationéventuelle du gouvernement.Pour compenser les risques d’inondation, l’on creuse <strong>de</strong>stranchées et <strong>de</strong>s canaux <strong>de</strong> drainages le long <strong>de</strong>s cheminset autour <strong>de</strong> l’habitat ; l’on surélève le niveau du sol ; l’onisole les structures à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> bâches en plastique au sol.Pour compenser les risques d’incendie, l’on crée <strong>de</strong>strouées, l’on reconstruit les logements en prévoyant lefeu. <strong>Les</strong> nouvelles structures sont ainsi érigées plus loin<strong>de</strong>s existantes, pour que les pompiers se déplacent aisémentdans ces espace informel.Récemment, <strong>de</strong> nouvelles cabanes dans le <strong>Par</strong>c Joe Slovoen périphérie du Cap ont été reconstruites avec <strong>de</strong>stôles enduites d’un retardateur <strong>de</strong> feu, pour contrôler lesincendies futurs.


AntananarivoINNOVATION ET EFFICACITÉ DANS L’INFORMALITÉ :DE MARKETING AU SECTEUR INFORMEL DES TICLa mondialisation et le développement <strong>de</strong> technologies <strong>de</strong> l’information et <strong>de</strong> la communication (TIC)ouvrent <strong>de</strong> nouvelles opportunités d’adaptation et d’appropriation <strong>de</strong>s évolutions technologiques pourles pratiques informelles <strong>de</strong> la ville.117Le secteur informel est, au même titre que le secteurformel, concerné par les exigences <strong>de</strong> compétitivité et<strong>de</strong> réponse aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s du marché. Ainsi, efficacité <strong>de</strong>l’organisation, innovation, adaptation à l’évolution technologique<strong>de</strong>viennent incontournables dans un secteurinformel très concurrentiel.A ce titre, l’adaptation et la variété <strong>de</strong> l’offre par rapportaux besoins <strong>de</strong> consommateurs constituent la stratégieclé <strong>de</strong>s petits métiers informels <strong>de</strong> services ou <strong>de</strong> commerces.Sans avoir appris les techniques du marketinget <strong>de</strong> la communication, ils les appliquent inconsciemment.Ce sont <strong>de</strong>s commerciaux dans l’âme. Ainsi, pourle porteur d’eau ou « Mpatsaka rano » qui amène l’eau auxfoyers qui ne sont pas reliés aux réseaux d’eau courante,la fidélisation <strong>de</strong>s clients passe par la communication etune attitu<strong>de</strong> engageante. Gagner la confiance <strong>de</strong>s clientsest très important : son incursion dans l’intimité du foyerimplique une écoute et un tempérament calme afind’éviter une éventuelle tension. Il s’agit <strong>de</strong> ne pas se mêleraux affaires privées <strong>de</strong> foyers <strong>de</strong>sservis et d’éviter toutessortes <strong>de</strong> commérages.Il fait circuler les anecdotes <strong>de</strong> la vie quotidienne quise produisent dans le quartier. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> sa missionprincipale <strong>de</strong> distribution d’eau courante, le porteur d’eausoutient en quelques sortes l’ancrage <strong>de</strong>s habitants dansle quartier. Pour les marchands ambulants, la variété <strong>de</strong>l’offre et la qualité <strong>de</strong>s services constituent l’axe principal<strong>de</strong> sa stratégie <strong>de</strong> compétitivité. La qualité <strong>de</strong>s servicesrepose sur l’accueil et les services annexes tels que lafourniture <strong>de</strong> sacs ou d’emballages pour les produits périssables,le respect <strong>de</strong> l’hygiène et <strong>de</strong> propreté <strong>de</strong>s produitsvendus.En matière d’innovation, les petits métiers informelss’adaptent à l’évolution technologique et à la nouvelle<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s consommateurs. Des métiers informels liésà l’informatique et à la télécommunication surgissent etmettent en exergue les imbrications entre secteur formelet informel et l’appropriation <strong>de</strong>s espaces publics. Ainsi,le taxiphone, ven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> crédits <strong>de</strong> recharge ou d’appeltéléphonique constitue le <strong>de</strong>rnier maillon <strong>de</strong> la chaine,au contact direct avec les utilisateurs, <strong>de</strong>s circuits <strong>de</strong>distribution <strong>de</strong>s opérateurs téléphoniques. Son serviceest inégalable, appel ou recharge selon la capacité à payeret les besoins <strong>de</strong>s clients.A tel point que les opérateurs téléphoniques sont obligésd’adopter <strong>de</strong> nouvelles offres compatibles au service <strong>de</strong>taxiphone et <strong>de</strong> le considérer comme faisant partie <strong>de</strong>scanaux publicitaires incontournables pour toucher untrès large public. En effet, <strong>de</strong>s nouvelles offres à petit prixcomme le Facebook-sms, le coupon <strong>de</strong> recharge à petitprix, etc. apparaissent sur le marché. Le taxiphone joueun rôle très important dans leurs distributions et leursdiffusions.En outre, <strong>de</strong>s petits ateliers ambulants, réparateurs, déco<strong>de</strong>urs<strong>de</strong> téléphone portable et dépanneurs d’ordinateurportable se développent également. Leur mo<strong>de</strong> opératoirequi consiste à fournir <strong>de</strong>s services à <strong>de</strong>s prixabordables, témoigne la dynamique du marché <strong>de</strong>s TICet les nouveaux besoins <strong>de</strong>s consommateurs mo<strong>de</strong>stes. Ils’agit <strong>de</strong> réparation et <strong>de</strong> déblocage <strong>de</strong> téléphone portable,<strong>de</strong> dépannage informatique et <strong>de</strong> téléchargement<strong>de</strong> tous genres (chansons au format MP3, installation <strong>de</strong>logiciels).Cela montre la réactivité du secteur informel face àl’innovation et l’adaptation à petite échelle <strong>de</strong>s évolutionstechnologiques. Le développement <strong>de</strong>s réseaux sociauxavec Facebook induit <strong>de</strong> nouvelles <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s impulséespar la pratique informelle <strong>de</strong> taxiphone qui oblige lesecteur formel (opérateurs téléphoniques) à proposer<strong>de</strong> services adaptés à ces nouveaux besoins. Il s’agit <strong>de</strong>l’appropriation locale <strong>de</strong> la globalisation <strong>de</strong>s réseauxsociaux Facebook.


118 AccraCONTRIBUTIONS DE LA VILLE INFORMELLECommerçantes àl’étal directementsur la rue, aubord d’un marchésaturé.)Un triple apport social, culturel et économique.La ville informelle n’a qu’un accès marginal à l’éducation,la santé, le logement, l’emploi et les services <strong>de</strong> base.Malgré ces contraintes, elle contribue sur plusieurs plansà la croissance et au « développement » global <strong>de</strong> la ville(le terme <strong>de</strong> « développement » est ici équivoque, selonl’aspect du secteur informel étudié.)La ville informelle crée un triple apport social, culturelet économique. L’aspect social comprend <strong>de</strong>s activitéset un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie qui encouragent et promeuventl’inclusion sociale, générant plus <strong>de</strong> paix et <strong>de</strong> stabilitéen ville. <strong>Les</strong> habitants du secteur informel évoluent dansun environnement où diverses cultures et histoires semélangent, où l’origine n’est pas déterminante – ils sont<strong>de</strong> fait plus ouverts et plus à même d’apprécier et <strong>de</strong>respecter l’i<strong>de</strong>ntité et le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie d’autres groupesethniques. Ceci sape le communautarisme tribal ou lasuprématie ethnique ; les habitants ne se perçoivent pluscomme membres <strong>de</strong> tribus concurrentes mais commecitoyens d’une communauté qui se bat pour subsister. <strong>Les</strong>jours fériés nationaux et la célébration <strong>de</strong> l’Indépendanceet <strong>de</strong> la Fête du Travail sont autant <strong>de</strong> célébrations quisoulignent leur appartenance à une même communautéindustrieuse, à un même pays, ce qui renforce le sentimentd’unité.L’apport culturel tient à une gran<strong>de</strong> tolérance <strong>de</strong>s cultureset activités diverses du secteur informel. Ainsi, le festivalHomowo <strong>de</strong> l’ethnie Ga <strong>de</strong>man<strong>de</strong> l’arrêt <strong>de</strong> toutes percussions,danses, et bruits excessifs. Durant ce festival, leshabitants <strong>de</strong> toutes ethnies et religions mènent leursactivités informelles en respectant cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>limiter le bruit.La ville informelle a <strong>de</strong> riches racines culturelles, quiretracent ses mille ans d’histoire et attirent chaque jour àAccra les touristes, voyageurs et visiteurs – ce qui fait <strong>de</strong>la ville une <strong>de</strong>stination touristique majeure.L’apport économique <strong>de</strong> l’informalité est plus simpleà voir qu’à mesurer, puisque la plupart <strong>de</strong>s échangessont au noir. Bien que le secteur informel ne crée pas <strong>de</strong>valeur imposable, les habitants consomment <strong>de</strong>s bienset services imposables dans le secteur formel ou public,et ainsi créent <strong>de</strong> la valeur. Le secteur informel fournitla ville en main-d’œuvre qui travaille souvent pour unsalaire inférieur au minimum officiel – ce qui encouragel’installation d’emplois et d’industries à Accra. La populationcroissante crée une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> croissante <strong>de</strong> biens et<strong>de</strong> services, et génère <strong>de</strong>s réponses entrepreneuriales àcertains <strong>de</strong>s enjeux que cause cette même croissance. <strong>Les</strong>ecteur privé, en particulier, sait tirer parti <strong>de</strong>s opportunitésdu secteur informel pour y mener commerce. Ainsi,les entreprises d’épargne et <strong>de</strong> prêt proposent <strong>de</strong>s servicesbancaires aux petits commerçants et aux habitants<strong>de</strong> la ville informelle.L’apport <strong>de</strong> la ville informelle ne se limite pas à créer durevenu en interne, mais propose <strong>de</strong>s services auxiliairesau secteur formel. La main d’œuvre informelle est employéepar le secteur formel pour travailler à <strong>de</strong>s salairesinférieurs au minimum légal. Sont également légion lesétals informel <strong>de</strong> nourritures ou d’objets qui commercentdans, ou autour <strong>de</strong>s quartiers d’affaires formels. Cecilimite les déplacements obligés <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> la villeformelle pour se procurer nourriture ou autres nécessités.La ville informelle ne dort jamais. Littéralement. <strong>Les</strong>ecteur est en activité 24h par jour, et il y aura toujoursquelqu’un pour suivre ce qui s’échange.


Le CapECHANGES INFORMELS AU CENTRE NORMÉ DU CAP :FOURNIR EN COMPLÉMENT DU FORMEL.119Commerçantsinformels dans laville norméeDaya et son étalL’un <strong>de</strong>s plus gros enjeux <strong>de</strong> l’Afrique du Sud est lechômage. Plus d’un quart <strong>de</strong> la population active est sanstravail, et un nombre croissant se tournent vers le secteurinformel pour survivre. On estime à plus <strong>de</strong> 2, 3 million lenombre <strong>de</strong> personnes travaillant au noir, donc un grandnombre <strong>de</strong> commerçants. Ils répon<strong>de</strong>nt à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong>du marché et fournissent un service que ne propose pasl’économie formelle.Au centre du Cap, les hubs <strong>de</strong> transport fourmillent d’untrafic piéton idéal pour assurer le commerce informel.<strong>Les</strong> commerçants se rassemblent sur la place publiqueet sur la chaussée autour <strong>de</strong> ces « entrées <strong>de</strong> villes »pour y vendre une gamme <strong>de</strong> produits variée, dont <strong>de</strong> lanourriture, <strong>de</strong>s fruits, <strong>de</strong>s fleurs, <strong>de</strong>s habits, et <strong>de</strong>s objetsménagers. <strong>Les</strong> commerçants sont aussi variés que leursproduits – beaucoup sont venus <strong>de</strong> l’intérieur du continent(Somalie, République Démocratique du Congo,Cameroon…etc) et se sont installés au Cap dans l’espoir<strong>de</strong> faire prospérer leur commerce et leur famille.Daya vient du Zimbabwe. Elle est l’une <strong>de</strong>s nombreuxcommerçants qui « occupent » <strong>de</strong> manière informelleun bout <strong>de</strong> la place publique avec son étal. Au Zimbabwe,Daya était enseignante, mais sa formation n’est pasreconnue en Afrique du Sud. Elle détient un permis <strong>de</strong>rési<strong>de</strong>nce permanent qui lui permet d’être employée dansle secteur légal, mais n’y a pas trouvé <strong>de</strong> travail.Daya vit dans une communauté informelle <strong>de</strong> Philippi,en périphérie du Cap. Chaque jour, elle se lève à 4h45,prépare toute sa famille pour la journée, marche 2KM(40 minutes) jusqu’à la station <strong>de</strong> train la plus proche,et attend son train jusqu’à une <strong>de</strong>mi-heure. Le trajet,bondé, dure 45 minutes et la dépose au centre-ville, d’oùelle marche 1KM jusqu’à son entrepôt pour récupérerson stock <strong>de</strong> produits cosmétiques ou d’hygiène quotidienne.Elle transporte ensuite son étal mobile jusqu’à unemplacement privilégié près <strong>de</strong> la gare ferroviaire. Elley vend aux clients qui entrent et sortent <strong>de</strong> la ville entre8h30 et 17h30. La journée terminée, elle remballe sonétal et reprend son long trajet <strong>de</strong> retour.L’histoire <strong>de</strong> Daya n’a rien d’extraordinaire. On estimequ’en Afrique du Sud 6 commerçants sur 10 sont <strong>de</strong>sfemmes, qui travaillent souvent pour subvenir auxbesoins d’une famille étendue dans leur pays d’origine.Elles mènent une vie difficile, faite <strong>de</strong> longues heures et<strong>de</strong> trajets massifs entre leur lieu <strong>de</strong> travail et leur lieu <strong>de</strong>vie, qui laisse peu <strong>de</strong> temps au loisir. Pour elles, pour eux,c’est un moyen <strong>de</strong> survivre et <strong>de</strong> contrer un chômageterrible. En retour, ces commerçants informels venus <strong>de</strong>toute l’Afrique qui se posent au centre du Cap nourrissentla vitalité et l’énergie qui caractérisent la ville africaine.Table BayCentre villeMagasin <strong>de</strong>DayaTable MountainRangeautoroute M3gareroute principaleautoroute N1autoroute N2PhilippiStationMaison <strong>de</strong> DayaRoute <strong>de</strong> Daya <strong>de</strong> samaison à son travail


120 LoméACCÈS À INTERNET ET À LA TÉLÉPHONIE À LOMÉaffiches publicitaires<strong>de</strong>s opérateurstéléphoniquesconcurrents auTogo, Moov etTogocel<strong>Les</strong> nouvelles technologies telles que la téléphonie et l’internet impactent désormais notre quotidienà tous. En Afrique, ces outils ont <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> succès et sont sources <strong>de</strong> nombreuses possibilités<strong>de</strong> développement, y compris pour les activités informelles. Voici quelques renseignements clés pourmieux comprendre leurs usages.TéléphonieDeux opérateurs offrent le service mobile à Lomé :Togocel et Moov. L’absence <strong>de</strong> concurrence freine ledéveloppement du secteur. <strong>Les</strong> coûts <strong>de</strong> communicationsont moins chers entre 2 abonnés du même réseau, <strong>de</strong>s« communautés du mobile » se créent donc en fonctiondu réseau social <strong>de</strong>s utilisateurs. Togocel compte 70 % <strong>de</strong>la clientèle et Moov les 30 % restant. <strong>Les</strong> utilisateurs ayantpour habitu<strong>de</strong> d’appeler l’étranger ou <strong>de</strong> voyager préféreronsMoovecar, les communications étant moins chères.Il faut compter une quinzaine d’euros (10000 FCFA) pouracheter une carte sim chez l’un ou l’autre <strong>de</strong>s opérateurs.Il n’y a pas d’abonnement proposé. Pour recharger sontéléphone on peut utiliser les mobicartes disponibleschez les reven<strong>de</strong>urs. Il existe <strong>de</strong>s recharges à partir <strong>de</strong>200FCFA chez Togocel et 500FCFA chez Moov. On peutégalement utiliser le système <strong>de</strong> transfert disponiblechez les reven<strong>de</strong>urs et dans les cabines bleues, standardstéléphoniques gérés par un ven<strong>de</strong>ur. Le montant est libreet un bonus est perçu en plus. Ce système prend le passur les mobicartes.<strong>Les</strong> appels mobiles vers un fixe sont extrêmement chers.Même si on est équipé d’un téléphone mobile pourappeler un téléphone fixe il est bien plus malin d’allerpasser son appel auprès d’une <strong>de</strong>s nombreuses télécabinesbleues. Le réseau téléphonie mobile au Togo est dansl’ensemble d’assez bonne qualité même dans les endroitsun peu écartés <strong>de</strong>s villes.La téléphonie fixe à l’intérieur du pays et vers l’étrangerest également très cher, d’après <strong>de</strong> récentes étu<strong>de</strong>s lestarifs seraient <strong>de</strong>ux fois plus chers qu’au Mali ou au Sénégal.Compter 30 FCFA/min en communication localeet 300FCFA/min pour appeler l’étranger. En 2000, 1, 28 %<strong>de</strong>s Togolais étaient équipés, en 2008, ils étaient près <strong>de</strong>30 %.InternetQuatre opérateurs sont disponibles à Lomé : Togotelecom,Togocel, eProcess d’Ecobank et Café Numérique.L’adsl <strong>de</strong>ssert <strong>de</strong>puis 2011 toutes les gran<strong>de</strong>s villes duTogo. Pour obtenir une connexion chez soi, on peuts’offrir une clé 3G (dans les 30000FCFA) et la rechargerselon ses besoins et ses moyens, soit en connexionlimitée avec l’équivalent d’une mobicarte soit avec uneconnexion illimitée en prenant un abonnement mensuel(15000FCFA). Pour avoir l’utilité d’une clé 3G il fauttoutefois avoir un accès régulier à un ordinateur ou bienen possé<strong>de</strong>r un or très peu <strong>de</strong> Togolais en sont équipés.La plupart <strong>de</strong>s Togolais se ren<strong>de</strong>nt dans les cybercafés,très fréquents au bord <strong>de</strong>s routes, chaque boutique met àdisposition <strong>de</strong> ses clients une dizaine <strong>de</strong> postes environs.Pour se connecter au cybercafé il faut compter entre 200et 300 FCFA pour 1h.Le réseau internet distribué à Lomé est <strong>de</strong> type ADSLet le câble numérique fait doucement son apparition. Laconnexion s’intensifie mais tous les sites <strong>de</strong> connexionsne sont pas forcément équipés <strong>de</strong>s outils <strong>de</strong>rnier cri.La mauvaise qualité <strong>de</strong> l’accès et les prix excessifs <strong>de</strong>sservices <strong>de</strong> télécommunication et <strong>de</strong> l’internet proposéspar les sociétés <strong>de</strong> la place ne permettent pas au Togod’avoir une bonne position sur le plan <strong>de</strong>s NTIC. Le Togoa été l’un <strong>de</strong>s premiers pays <strong>de</strong> l’Afrique sub-saharienne àavoir accès à internet par liaison satellite dans les années1990 mais prend du retard par rapport à ses pays voisins,notamment à cause du manque <strong>de</strong> concurrence entre lesopérateurs.


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122ARTICLELoméLOMÉ, HUB-CITÉ ?Qu’apportent <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong> mobilisation collective autour du numérique en termesd’insertion, d’égalité <strong>de</strong>s chances ou <strong>de</strong> partenariats avec <strong>de</strong>s acteurs locaux ? Quellesnouvelles modalités d’intervention blogueurs et autres cyberactistes peuvent-ils mettre enœuvre dans la ville ? Comment agir sur le réel quand son outil est le virtuel ?Le numérique, tout le mon<strong>de</strong> en parle, personne ne saitce que c’est. Pour commencer cet article, procédons à unpetit travail <strong>de</strong> définition. Lomé est une ville, la capitaledu Togo. Le numérique d’après le Larousse :« 1. Se dit <strong>de</strong> la représentation d’informations ou <strong>de</strong>gran<strong>de</strong>urs physiques au moyen <strong>de</strong> caractères, tels que <strong>de</strong>schiffres, ou au moyen <strong>de</strong> signaux à valeurs discrètes.2. Se dit <strong>de</strong>s systèmes, dispositifs ou procédés employantce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> représentation discrète, par opposition àanalogique. »l’internaute :« 2. Qui se fait grâce à l’utilisation <strong>de</strong> nombres »On constate donc que le numérique a un rapport étroitavec les chiffres, qu’il fait partie <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong>s TIC’S(technologies <strong>de</strong> l’information et <strong>de</strong> la communication)mais qu’il ne la définit pas. Ainsi la téléphonie, dans lamesure où elle n’implique pas internet, qu’elle soit mobileou pas, ne fait pas l’objet <strong>de</strong> cet article. Nous traiteronsdonc principalement d’Internet et <strong>de</strong>s liens ou <strong>de</strong>s impactsdu virtuel sur le réel et, surtout, nous partageronsun rêve auquel nous avons participé.Lomé, désert numérique ?Trois cents cinquante six mille trois cent personnesutilisent internet au Togo, soit 5 % <strong>de</strong> la population totale(le pourcentage d’utilisateur augmente nettement si l’ons’intéresse précisément à Lomé mais aucun chiffre necircule). A titre <strong>de</strong> comparaison, le nombre d’internautes’élève à quarante millions en France, soit 71 % <strong>de</strong> la population.Le nombre d’utilisateur <strong>de</strong> facebook est quant àlui <strong>de</strong> soixante et un mille cent vingt ; soit moins d’1 % <strong>de</strong>la population (en France : 37, 2 % <strong>de</strong> la population). <strong>Les</strong>chiffres manquent mais, très certainement, les personnesse servant d’internet dans un cadre professionel, ou ceuxayant accès à leurs mails via un mobile sont peu nombreuses.Quelles sont les raisons <strong>de</strong> ces faibles chiffres ?A savoir, quand on parle d’internet, peu importe le lieu, ily a trois types d’inégalité qui se répètent :- l’inégalité d’accès : où et comment peut-on se connecterà Lomé5% d'utilisateurd'internet au Togo1% d'utilisateur<strong>de</strong> facebook au Togo- l’inégalité d’usage, pour un outil pas nécessairementsimple à utiliser- l’inégalité d’usage <strong>de</strong>s informations issues <strong>de</strong> ces outils.On peut donc en conclure que le numérique n’est pasencore un outil <strong>de</strong> l’informel. L’objet <strong>de</strong> cet article est <strong>de</strong>montrer comment il va le <strong>de</strong>venir.Des lieux <strong>de</strong> la connectivité…Jusqu’à cet été, pour se connecter à internet à Lomé (en<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> chez soi), il fallait soit utiliser les ordinateurs<strong>de</strong>s hôtels (une affaire <strong>de</strong> touristes), se rendre dans uncybercafé (au coin <strong>de</strong> n’importe quelle rue), ou aller surle campus numérique francophone, situé sur le site <strong>de</strong>l’université <strong>de</strong> Lomé (et donc fréquenté principalementpar les étudiants même s’il reste ouvert à tout type <strong>de</strong>public). Ajoutons que ce <strong>de</strong>rnier lieu, quoique peu visiblepropose <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> formation à internet : « Initiationà l’Informatique et à l’Internet », « Recherche documentairesur Internet », « Outils interactifs libres d’ai<strong>de</strong> à lacréation scientifique » etc… Nous remarquons qu’aucun<strong>de</strong> ces lieux ne permet la réunion physique <strong>de</strong>s acteurs(ou futur acteur) du numérique à Lomé et que ces lieuxrestent peu visibles, dans le sens où fréquentés par unpublic déjà initié. Il y a enfin, <strong>de</strong>puis peu, le Woe.lab quifera l’objet d’un prochain paragraphe et qui est dans sonessence un outil <strong>de</strong> l’informel.<strong>Les</strong> acteursPour terminer cette première partie, citons quelquesacteurs <strong>de</strong> la scène numérique togolaise. Le premier et leplus marquant reste Gerry Taama qui, suite à son activité<strong>de</strong> bloggeur et d’écrivain, a créé son propre parti politique: Net (Nouvel Engagement Togolais). Remarquonsle lien étroit du mouvement avec internet rien que dansle nom <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier (https://www.facebook.com/gerry.taama ou encore http://www.gerrytaama.net/). Existentaussi <strong>de</strong>s activistes bloggeurs, utilisateurs du tweetcomme arme quotidienne comme Wielfried Toussiné(http://twitter.com/toussine) ou encore Lor Ferra. Il yadonc une communauté du numérique à Lomé qui peutfacilement se connecter et qui est très dynamique. Néanmoins,la population n’est pas mobilisée. Cette minoritén’a aucune influence sur les autorités et réciproquement(elle est donc hors <strong>de</strong> contrôle) et manque pour l’instantsérieusement <strong>de</strong> visibilité auprès <strong>de</strong> la population.On constate donc que le numérique est encore loind’avoir toute sa place à Lomé. On peut presque parler <strong>de</strong>désert numérique… Néanmoins traiter du numériqueprend tout son sens quand on regar<strong>de</strong> l’initiative qui a eulieu cette année dans la capitale togolaise et les réflexionsqui y sont nées. On peut espérer que Lomé <strong>de</strong>viendra unpôle du numérique et un exemple dans la région.


123De gauche à droiteet <strong>de</strong> haut enbas : les trois sitesétudiés au cours <strong>de</strong>l’Archivampsites Togbatosite playgroundsite baie Atikoumeet le logo <strong>de</strong>Lomé-Hub-Cité.Un Archicamp : transformation <strong>de</strong> la ville par lenumériqueC’est ainsi que cet été sous l’impulsion <strong>de</strong> N.a.t.i.v. a eulieu à Lomé un laboratoire qui pour la première a mêléle numérique et la ville : comment l’un et l’autre pouvaits’influencer et se construire.Notons que cette initiative est complètement spontanée,que ce fut la tentation d’un urbanisme alternatif, spontané,qui n’est pas celui <strong>de</strong> l’Etat, d’un urbanisme que l’onpourrait qualifié d’informel. Le point <strong>de</strong> rencontre <strong>de</strong>cette initiative était une école, ouverte à tous, au coeur duquartier. La réflexion <strong>de</strong>s étudiants s’est donc naturellementvue enrichie <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s habitants du quartier.Dans cette <strong>de</strong>uxième partie, nous traiterons spécifiquement<strong>de</strong> la collaboration entre N.a.t.i.v., droit à rêver,une association loméenne « qui s’engage à la promotion<strong>de</strong>s TICs et <strong>de</strong> l’inovation au Togo et en Afrique »avec l’Africaine d’architecture, association française quipromeut et documente une approche originale <strong>de</strong>s questionsd’architecture, d’urbanisme et <strong>de</strong> <strong>de</strong>sign en lien avecl’Afrique, notamment à travers <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> réseautage.Le lien architecture-nouvelles technologies venait d’êtrefait. En effet, la principale question que pose N.a.t.i.v.en plus <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s lieux dédiés à la rencontre dans leréel <strong>de</strong> la communauté virtuel, est celle <strong>de</strong> leur implicationdans la vie <strong>de</strong> la cité, dans le quartier. Le thème <strong>de</strong>l’archicamp 2012 était né : un groupe <strong>de</strong> trente étudiantsvenus d’un peu partout a pensé <strong>de</strong> manière complètementindépendante (pas <strong>de</strong> comman<strong>de</strong> publique, nid’organisation gouvernementale pour diriger la réflexion)et donc démocratique le numérique dans la capitaletogolaise et les futurs lieux <strong>de</strong> l’expression <strong>de</strong> celui-ci.Trois sites avaient désignés pour cette réflexion déterminégrâce à un concours <strong>de</strong> récit urbain sur la toile. Leblogging fut la première impulsion à l’Archicamp.Il fautbien se rendre compte que ce projet avait pour ambitiondifférentes échelles : celle <strong>de</strong> la ville (échelle urbaine), celledu bâtiment, lieu <strong>de</strong> transmission et d’interrogation, <strong>de</strong>regroupement (échelle architecturale) et celle plus petitedu laboratoire <strong>de</strong> pensée, leWoe.lab (à l’échelle <strong>de</strong> l’objet).L’un <strong>de</strong>s projets lancés par cette coopération fut le projet« Lomé-Hub-Cité ». A savoir, un hub est « un noyau-lieuindéfini sur lequel peut se greffer tout projet numérique-(technologique) ou espace dédié au travail collaboratif autourdu numérique (coworking) » (Sénamé Koffi). SénaméKoffi, architecte et prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’association l’Africained’Architecture, initiateur du projet Lomé - Hub City,explique « nous avons lancé l’ambitieux projet Lomé-Hub-Cité qui consiste à transformer toute une zone <strong>de</strong> la villeen une sorte <strong>de</strong> gros hub à l’échelle urbaine où viendrait segreffer toutes sortes <strong>de</strong> projets et lieux <strong>de</strong> coworking vertueux.<strong>Par</strong> exemple <strong>de</strong>s projets portés par les populationsmêmes ou <strong>de</strong>s lieux construits entièrement en matériauxécologiques.Le projet Lomé (Hub) Cité est la projection, née <strong>de</strong>l’ArchiCamp 2012, d’une « Silicon Zone –Frontière »Togo-Ghana, impulsée par la réalisation <strong>de</strong>s trois projetsélaborés lors <strong>de</strong> l’atelier. Il s’agit <strong>de</strong> la vision d’un nouvelespace urbain responsable et vertueux produit par larencontre du numérique et d’une architecture expérimentaleen matériaux locaux améliorés. L’ensemble <strong>de</strong>sacteurs <strong>de</strong> l’ArchiCamp 2012, réunis au sein du ComitéL (H) C se sont engagés au sortir <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> Lomé, àtravailler à rendre possible cette utopie. La stratégie passeentre autres, par les démarches officielles pour l’obtentiondu droit d’exploitation <strong>de</strong>s trois sites… et l’organisationà l’échéance 2015 d’un Festival International du Numériqueà Lomé qui justifierait le lancement <strong>de</strong> la réflexionsur la construction d’infrastructures dédiées. ». On voitainsi l’intérêt du numérique pour la ville, à une échelleurbaine. Un nouveau réseau se crée reliant <strong>de</strong>s pôlesurbains axés sur le numérique.A l’échelle <strong>de</strong>s quartiers et du bâtiment : il insuffle undynamisme et permet le développement <strong>de</strong> projets, quelqu’ils soient, en se détachant du système traditionnel etpyramidal. Ainsi, grâce à la philosophie hacker <strong>de</strong> l’opensource (fichiers, logiciels gratuit venant <strong>de</strong> tous les points<strong>de</strong> la planète…), du libre accès et <strong>de</strong> la récup’, <strong>de</strong>s projetspourront se monter à l’échelle <strong>de</strong>s quartiers et dépasser laville elle-même, tout ça dans un souci d’entrai<strong>de</strong>, les unsaidants les autres à la réalisation, liant les sachants dudomaine numérique aux habitants qui <strong>de</strong>viendront à leurtour sachants ; le tout se réalisant avec le minimum <strong>de</strong>dépense et le plus d’intelligence possible. En attachant lenumérique à la terre (à la tradition africaine), l’anonymat<strong>de</strong> l’ordinateur disparait et on promeut alors la rencontreet l’échange tangible. Le numérique <strong>de</strong>vient support <strong>de</strong>développement et porteur d’initiatives.C’est pour ça que ce type <strong>de</strong> projet prend tout son sensdans la ville africaine : quand on voit (par exemple dansl’article sur les petis métiers) la prolifération <strong>de</strong>s activitésdu secteur informel, la nécessité pour la population<strong>de</strong> contourner les institutions pour survire, on peutimaginer l’effet bénéfique <strong>de</strong> tels lieux ! C’est aussi unmoyen <strong>de</strong> s’affranchir du mon<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntal et <strong>de</strong> sa penséehégémonique et <strong>de</strong> trouver une nouvelle voix dansla continuité <strong>de</strong> la culture africaine. Comme le faisaitremarquer, à juste titre, Maurin Donneaud, technophile<strong>de</strong>signer/passioné d’engins à comman<strong>de</strong> numérique, « <strong>Les</strong>ystème D est l’ancêtre naturel du hacking ; en ce sens les<strong>africains</strong> sont un peu nos pères à tous ! ».


124UN local auxcouleurs rouges quiaccueille la jeunecommunauté <strong>de</strong>shackers Loméen.Imprimante 3D,sur la gauche <strong>de</strong>l’image. Logo duFablab en bas àdroite.Vous avez dit Woe.lab ?L’Archicamp 2012 en plus <strong>de</strong> cette réflexion sur la ville alaissé un lieu à Lomé. L’école qui avait accueilli l’atelierest désormais doté <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong>s premiers Fablab pérennes<strong>de</strong> la sous région : le Woe.lab (woe = fais-le en Ewé, Mina,Fon).Un fablab, qu’est-ce ? C’est un laboratoire <strong>de</strong> fabrication« où toute personne, quelque soit son niveau <strong>de</strong> connaissance,peut venir expérimenter, apprendre ou fabriquerpar elle-même tous types d’objets (prototype technique,meuble, objet artistique ou <strong>de</strong>sign, objet interactif, etc…).Pour cela chaque membre peut venir utiliser les différentesmachines du Fab Lab, apprendre <strong>de</strong>s autres membres ouparticiper aux différents projets collectifs. » (http://wlab.weebly.com/1/post/2012/08/instalation.html). Notonsenfin que tout le mouvement Fablab veut donner lachance à tout un chacun <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s choses grâceau numérique. C’est donc l’élément à la plus petite échelle<strong>de</strong> notre Lomé-Hub-Cité.Revenons maintenant sur son installation. Il a été montésur place en un peu plus d’une semaine. Maurin Donneaud(hacker français), commandité par l’Africained’architecture est arrivé un premier août avec les pièces<strong>de</strong> l’imprimante 3D : la RepRap. <strong>Les</strong> différents ordinateursdu lieu ont voyagé dans les baggages <strong>de</strong>s campeursparisiens. On voit donc déjà se <strong>de</strong>ssiner le premierFablab monté quasiment artisanalement. Il s’est ainsi agid’occuper une salle donnant sur la rue (offrant donc unegran<strong>de</strong> visibilité-ouverture), <strong>de</strong> la peindre en rouge (renforcement<strong>de</strong> la visibilité, développement d’un caractèrepropre) et <strong>de</strong> monter les machines. Pour cela, il a fallu,parmi les <strong>jeunes</strong> du quartier, constitué une petite communauté<strong>de</strong> hacker qui tout en apprenant aux côtés ducoordinateur à installer les ordinateurs ou a donner vie àl’imprimante se préparait à sa future autonomie et développaitles futurs ambitions du lieu : centre <strong>de</strong> ressourcesnumériques, incubateur <strong>de</strong> technologie, pépinièred’Associations dans le domaine du Numérique, espaced’expression privilégiée <strong>de</strong> la Démocratie Technologique,collaboration universitaire et volet recherche, organisationd’évènements…Nous avons donc un lieu auquel tout le mon<strong>de</strong> peut accé<strong>de</strong>ravec un projet (« Un Fab Lab est un LABoratoire <strong>de</strong>FABrication où toute personne, quelque soit son niveau<strong>de</strong> connaissance, peut venir expérimenter, apprendre oufabriquer par elle-même toustypes d’objets (prototype technique, meuble, objet artistiqueou <strong>de</strong>sign, objet interactif, etc… »). Pour cela chaquemembre peut venir utiliser les différentes machines duFab Lab, apprendre <strong>de</strong>s autres membres ou participeraux différents projets collectifs. ») et un groupement<strong>de</strong> <strong>jeunes</strong> hackers que l’on nommera rapi<strong>de</strong>ment dansl’espoir qu’ils soient les futurs figures du mon<strong>de</strong> numériquetogolais : Ouro, Fabrice, Max, Koffi, Benoît, Dodji,Afat et Maurin (à <strong>Par</strong>is physiquement mais qui gui<strong>de</strong> lajeune communauté) auxquels s’ajoutent trois managers :Sewa, Nora et Wilfried.Grâce à l’imprimante 3D et l’arrivée, peut-être prochainementd’une découpeuse laser, <strong>de</strong>s objets pourront voir lejour au sein du Woe.lab qui seront déconnectés du système<strong>de</strong> consommation capitaliste. On peut imaginer uncordonnier qui imprimerait le talons <strong>de</strong>s chaussures surla Rep.rap ou la vaisselle d’une cuisinière <strong>de</strong> la rue constiéeentièrement au Woe.lab. Grâce au Fablab, les petitsmétiers vont pouvoir bénéficier du potentiel numériquemais en restant à leur échelle et à leur ambitionIntéressons-nous maintenant au premier projet Woe.lab, directement lié à la réflexion sur la ville numérique.Inspiré <strong>de</strong>s abeilles et <strong>de</strong> leur stratégie <strong>de</strong> colonisation(« <strong>Les</strong> plus importantes colonies d’abeilles se reproduisentpar essaimage (…) Avant la naissance <strong>de</strong>s nouvelles reines,l’ancienne reine quitte la ruche, avec la moitié <strong>de</strong>s effectifs<strong>de</strong> toutes les catégories d’ouvrières, pour former un essaimet constituer une nouvelle ruche. » (source wikipédia)), leprojet TripRap a pour volonté <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> nouveaux Fablabà partir <strong>de</strong> celui-là. L’idée est <strong>de</strong> créer (pour l’instant)trois nouvelles imprimantes 3D (Terre, Eau, Feuille) àpartir <strong>de</strong> la première (Soleil) qui s’en iront ensuite avec<strong>de</strong>s hackers fraîchement formés dans <strong>de</strong> nouveaux Fablab<strong>de</strong> quartier (idéalement ceux pensés par les campeurs).Le Woe.lab a donc une volonté d’essimination. Tel lepollen libéré par la fleur, le Woe.lab tend à se reproduireun peu partout dans la ville ! A longue échéance, grâce àce bourgeonnement, on peut imaginer que ce seront lespetits artisans qui construiront leur ville, complètementmo<strong>de</strong>rne !Et ainsi l’échelle <strong>de</strong> l’objet retrouve l’échelle urbaine. Laprolifération <strong>de</strong>s imprimantes crée un nouveau réseau,relie <strong>de</strong> nouveau point aussi bien dans le mon<strong>de</strong> virtuelque dans le mon<strong>de</strong> réel. De nouvelles communautés apparaissentreliés par un savoir faire et l’apprentissage que


125EDe gauche à droiteet <strong>de</strong> haut en bas :logo du premierblogcamp, logo <strong>de</strong>l’androidcamp, poster<strong>de</strong> l’Archicampen italien.l’une a pu tirer <strong>de</strong> l’autre. Des espaces rouges envahissentla capitale. La boucle est bouclée.Des « camp’s » <strong>de</strong> formationun peu partout dans la villeIntéressons-nous, enfin, au concept <strong>de</strong> barcamp : c’ « estune rencontre, une non-conférence (en) ouverte qui prendla forme d’ateliers-événements participatifs où le contenuest fourni par les participants qui doivent tous, à un titreou à un autre, apporter quelque chose au Barcamp.C’est leprincipe pas <strong>de</strong> spectateur, tous participants. L’événementmet l’accent sur les toutes <strong>de</strong>rnières innovations en matièred’applications Internet, <strong>de</strong> logiciels libres et <strong>de</strong> réseauxsociaux. » (source Wikipedia)Il y a donc, comme nous l’avons déjà noté, eu l’Archicampcet été à Lomé qui réunissait <strong>de</strong>s architectes Mais a aussieu lieu, en même temps que ce <strong>de</strong>rnier, le <strong>de</strong>uxièmeblogcamp loméen et le premier Androïdcamp. Dans lacontinuité <strong>de</strong> ce qui a été dit précé<strong>de</strong>mment, les troisévènements se sont influencés les uns les autres et ontfait interagir le numérique avec l’architecture.Un blogcamp, « c’est une rencontre informelle sur leBlogging et les réseaux sociaux (notamment Twitter etFacebook) au cours <strong>de</strong> laquelle aucun programme détailléet normé n’est proposé à l’avance. Toute sa richesse tientdans sa simplicité d’organisation et dans son informalité.C’est un concept <strong>de</strong> « non-conférence » qui séduit <strong>de</strong> plusen plus <strong>de</strong> curieux qui retirent beaucoup <strong>de</strong> cette expérienceinnovante et interactive. » (http://www.liebebat.com/blogcamp-lome-2012/). Le thème <strong>de</strong> cette année quiguidait les débats était « Virtualités ». Avec l’Archicamp,il s’agissait d’ancrer cette virtualité dans le réel et doncd’apporter le virtuel dans la rue !Et quelle est la meilleure façon d’accé<strong>de</strong>r facilement àinternet, dans une ville ou la connection n’est pas encoreautomatique ? C’est encore par le biais d’un smartphone(même si pour l’instant presque personne n’en possè<strong>de</strong>).Ainsi, a eu lieu l’Androidcamp… « Un Android Camp,qu’est ce que c’est ? ? Lomé Android Camp est un rassemblement<strong>de</strong> développeurs et <strong>de</strong> technophiles (…ou pas)dont le but est d’entrer avec <strong>de</strong>s idées et <strong>de</strong> sortir avec <strong>de</strong>spartages d’expérience sur l’écosystème Android. ».autour du numérique ont régulièrement lieu à Lomé.Cela démontre un intérêt croissant pour la matière etl’envie d’une certaine population d’y apposer son empreinte.Ceci donne <strong>de</strong> l’espoir quant à son appropriation partoute les loméens.Remarquons enfin, qu’à ce jour, il n’est d’action, dansle sens <strong>de</strong> « moment spontané et indéterminé » autourdu numérique. Nous voulons croire que cela ne sauraittar<strong>de</strong>r.Pour conclure cet article, on pourra dire que l’accès àinternet n’est pas encore une évi<strong>de</strong>nce à Lomé bien que<strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> la connectivité ten<strong>de</strong>nt à se développer etque <strong>de</strong>s sessions <strong>de</strong> formation aux TICs prennent forme.Néanmoins, grâce à la réflexion lancée par N.a.t.i.v. etl’Africaine d’architecture, on comprend l’importancedu développement du numérique dans la ville africaine,comme moyen d’acquérir une indépendance total touten restant dans une tradition <strong>de</strong> solidarité et <strong>de</strong> systèmeD. Lomé pourrait donc <strong>de</strong>venir un laboratoire dunumérique, une ville test dans la région grâce au projetLomé-Hub-Cité si les autorités acceptent <strong>de</strong> s’y intéresser.Quoiqu’il en soit et étant donné la mentalité hacker, onpeut imaginer que le projet tendra à se développer mêmediscrètement. La révolution numérique emmène tout lemon<strong>de</strong> avec elle. Il s’agit <strong>de</strong> ne pas rester sur le bas côté !Cette nouvelle connectivité pourra même être facilitéepar l’acquision par les Loméens <strong>de</strong> téléphones androï<strong>de</strong>s(AndroïdCamp) avec lesquels l’accès à Internetest très aisé et peut se faire partout ! A Lomé, chacuna son téléphone. <strong>Les</strong> Tics seront à terme les serviteurs<strong>de</strong> l’informel. On peut même imaginer que cet accès àInternet servira les petits métiers : on pourra repérer lesven<strong>de</strong>urs (ambulants ou pas) grâce à <strong>de</strong>s applicationsou encore les ven<strong>de</strong>urs eux-mêmes s’en serviront pourdévelopper, voir diversifier leur activité.Voici notre rêve.On constate donc qu’un certain nombre d’évènements


126ARTICLEDakarPILE OU FACE DES MÉTIERS :QUAND FORMEL ET INFORMEL SE CONFONDENTSi pour toutes les entreprises ou sociétés commercialeset services issues <strong>de</strong>s secteurs formels ou informels,l’objectif est <strong>de</strong> faire du profit et dans le même tempssatisfaire et fidéliser la clientèle, il leur faut en contrepartiepour arriver à ces résultats développer différentesstratégies afin d’être compétitifs, productifs et innovantsdans la démarche afin <strong>de</strong> capter d’importantes parts <strong>de</strong>marché. L’atteinte <strong>de</strong> ces objectifs passe nécessairementpar la mise en place <strong>de</strong> stratégies développées le plus souventen fonction <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et <strong>de</strong> la réalité du marchéainsi que <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s consommateurs en matièred’approvisionnement.Avec une quasi concentration <strong>de</strong> toutes les entrepriseset services du pays (95 % <strong>de</strong>s entreprises industrielles etcommerciales, et 96 % <strong>de</strong>s salariés du commerce et <strong>de</strong>stransports) 1 Dakar est un terrain où rivalisent l’ensemble<strong>de</strong>s multiples acteurs <strong>de</strong>s secteurs formels comme in-1 – Source : PDU Dakar horizon 2025formels avec pour chacun sa stratégie dans le but <strong>de</strong> conquérirles meilleurs parts <strong>de</strong> marché, même si aujourd’huichacun adopte les bonnes pratiques inspirées <strong>de</strong> l’autreentrainant certaines similitu<strong>de</strong>s dans les démarches.Dans une démarche qui met l’accent sur la proximitévis-à-vis <strong>de</strong>s consommateurs, les entreprises du secteurformel comme les acteurs du secteur informel, se copientles unes, les autres les bonnes pratiques, dans le but <strong>de</strong>bien atteindre leurs cibles.Concernant le secteur formel la majeur partie <strong>de</strong>sgran<strong>de</strong>s sociétés commerciales se sont surtout inspirées<strong>de</strong>s pratiques informelles <strong>de</strong>s commerçants et marchandsambulants afin d’atteindre leurs cibles par la visibilité et<strong>de</strong> bien s’implanter dans le marché par la présence duproduit. Différentes astuces sont dans ce sens utiliséespar ces sociétés à savoir l’utilisation <strong>de</strong> commerciauxqui se déplacent à pied, seuls ou en groupe, et sillonnantles centres d’échanges, les marchés, les garages ou lesKiosque d’unesociété formelleimplantée en pleinespace public


127Marchand informeléquipé par unesociété <strong>de</strong> télécommunicationespaces <strong>de</strong> rencontres à la rencontre <strong>de</strong>s consommateurs.Souvent habillés en tenues aux couleurs ou effigies <strong>de</strong>ces sociétés, produits entre les mains, les commerciauxsous la direction <strong>de</strong> superviseurs investissent les endroitsstratégiques le plus souvent les marchés. A travers cettedémarche les sociétés commerciales ne visent plus qu’àse rapprocher uniquement <strong>de</strong>s commerçants qui tiennentun rôle central dans la chaine <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong>s produitscar étant les intermédiaires entre ces <strong>de</strong>rnières et lesconsommateurs. Ces sociétés cherchent également à serapprocher directement <strong>de</strong>s consommateurs en sortant<strong>de</strong>s circuits classiques <strong>de</strong> distribution et <strong>de</strong> commercialisation<strong>de</strong>s produits.Même si l’ancien système avec <strong>de</strong>s livraisons sur comman<strong>de</strong>se fait toujours, force est <strong>de</strong> constater que mêmesi les échanges se font dans un cadre formel, on voit <strong>de</strong>plus en plus ces pratiques bousculées par les approchesd’inspirations informelles. Ainsi <strong>de</strong>vant le constat <strong>de</strong>l’efficacité <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> vente issues du mon<strong>de</strong> informel,les sociétés commerciales formelles introduisent<strong>de</strong>s innovations basées sur la mobilité, la légèreté etl’introduction <strong>de</strong> la vente au détail. Ces innovations dansles techniques <strong>de</strong> vente se traduisent sur le terrain parune démarche <strong>de</strong> proximité auprès <strong>de</strong>s consommateursqui sont servis soit à domicile soit dans les espaces <strong>de</strong>rencontre tels que les marchés et les garages.Il n’est pas aussi rare <strong>de</strong> croiser <strong>de</strong>s <strong>jeunes</strong> en chariotsspécialement faits et aux couleurs <strong>de</strong> la marque Nescafé,pour vendre du café chaud aux consommateurs dans larue. Ces ven<strong>de</strong>urs sillonnent la ville comme le font lesmarchands ambulants.Ce qui semblait autrefois être typiquement une pratiqueutilisée par les acteurs informels et particulièrement lesmarchands ambulants, inspire les acteurs du systèmeformel qui y trouvent une démarche <strong>de</strong> proximité vis à visdu consommateur.<strong>Les</strong> sociétés <strong>de</strong> téléphonie en sont les parfaites illustrations,elles ont toutes investi l’espace <strong>de</strong> la ville avec <strong>de</strong>sven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> cartes et <strong>de</strong> puces électroniques un peu partout.<strong>Les</strong> services qui autrefois étaient fournis au niveau<strong>de</strong>s agences se font dans la rue. Dans le but d’optimiserleurs ventes en se rapprochant <strong>de</strong>s consommateursdans leurs espaces <strong>de</strong> vie, tout en minimisant les coûtsattenants à ce genre <strong>de</strong> stratégie, les sociétés formelless’appuient sur les marchands informels ambulants, ousé<strong>de</strong>ntaires. <strong>Les</strong> sociétés leur fournissent directementsans intermédiaires leurs produits afin <strong>de</strong> leurs offrir unemarge <strong>de</strong> bénéfice, et elles les équipent avec du matériel<strong>de</strong> vente comme <strong>de</strong>s sacs avec les logos <strong>de</strong> la société, <strong>de</strong>schariots etc. Ainsi l’utilisation <strong>de</strong>s marchands du secteurinformel est une composante essentielle du dispositif <strong>de</strong>marketing <strong>de</strong>s sociétés formelles. En les intégrant dansleur dispositif <strong>de</strong> commercialisation, les sociétés formellesaugmentent sensiblement leur force <strong>de</strong> pénétration dumarché sans pour autant augmenter leur personnel.D’autres entreprises à caractère formel comme les institutionsbancaires, les sociétés multimédia encore moinsvisibles dans l’espace public, sauf sur les panneaux publicitairesoù se font les promotions, ou les spots télévisés,investissent maintenant les rues et les grands espaces <strong>de</strong>rencontres souvent durant leurs pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> promotion<strong>de</strong> fin d’année afin <strong>de</strong> mieux s’approcher <strong>de</strong>s populations.Tentes aux couleurs et effigies <strong>de</strong> l’entreprise, matérielsonore, animateurs et promoteurs (hommes et femmes)biens habillés interpellant les passants afin <strong>de</strong> leurproposer les produits ou services. Telle est la nouvelle approcheinspirée <strong>de</strong>s acteurs du secteur informel, adoptée


128Ven<strong>de</strong>urs informels<strong>de</strong> jus avec les caractéristiquesd’uneactivité formelle(jus conditionnés,chariot, adressepostale…)par ces entreprises. L’exigence étant <strong>de</strong> ne plus rester surplace à attendre mais <strong>de</strong> s’inscrire dans une démarche <strong>de</strong>proximité, c’est-à-dire aller vers les consommateurs.Face aux énormes pertes subies et entrainées par laconcurrence déloyale menée par le secteur informel,cette démarche semble être une <strong>de</strong>s issues possibles pourassurer la survie <strong>de</strong>s entreprises du secteur formel. Maiscela montre aussi que l’adaptation aux exigences <strong>de</strong>s consommateurset non aux stratégies standard <strong>de</strong> vente n’estpas applicable partout et pout toutes les couches.Autant les acteurs <strong>de</strong> l’économie formelle innovent enintégrant les bonnes pratiques du secteur informel,autant le contraire aussi se produit avec les acteurs dusecteur informel. Conscients que les consommateursmême avec <strong>de</strong>s revenus faibles ont <strong>de</strong>s exigences croissantesen termes <strong>de</strong> qualité, <strong>de</strong> présentation <strong>de</strong>s produits,et <strong>de</strong> rétractabilité, les acteurs du secteur informelimitent les caractéristiques visuelles <strong>de</strong> la formalité d’uneactivité économique. Dans cette perspective, certainsmarchands ambulants <strong>de</strong> produits <strong>de</strong> consommationsadoptent la tenue vestimentaire <strong>de</strong>s commerciaux <strong>de</strong>ssociétés formelles et changent <strong>de</strong> nom, ils ne sont plus àce sta<strong>de</strong> <strong>de</strong>s « marchands ambulants », mais <strong>de</strong>s « agents<strong>de</strong> promotion ».Il en est <strong>de</strong> même pour les autres acteurs du secteur informel,les tailleurs, les coiffeurs, les quincaillers, grandscommerçants, les restaurateurs, les ouvriers ou artisans(menuisiers, mécaniciens, tapissiers, frigoristes…) etc.qui dans leur globalité imitent les bonnes pratiques dusecteur formel afin <strong>de</strong> répondre aux exigences <strong>de</strong>s consommateurs.Force est <strong>de</strong> constater aujourd’hui que nombre <strong>de</strong> cesacteurs du secteur informel opèrent <strong>de</strong>s mutations surtoutsur le plan externe, cela afin <strong>de</strong> s’assurer une bonnevisibilité, faire bonne impression et attirer <strong>de</strong> bonnesparts <strong>de</strong> marchés. Même si aucun contrat ne les lie auxconsommateurs, ils utilisent <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong>s reçus<strong>de</strong> paiement avec leur propre cachet, nom et adresse <strong>de</strong>l’entreprise, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.L’installation d’enseignes lumineuses servant d’indicationest aussi à la mo<strong>de</strong> chez les petites entreprises du secteurinformel, qui en installent sur les faça<strong>de</strong>s <strong>de</strong> leurs commercesou services (papeteries, librairies, cyber café,bijouterie…), dans le but d’attirer les potentiels consommateurset indiquer leur emplacement. Cela leur permet<strong>de</strong> gagner en visibilité <strong>de</strong> jour comme <strong>de</strong> nuit ce quin’était pas le cas avant.On commence aussi à en rencontrer <strong>de</strong> plus en plusd’employés en uniforme <strong>de</strong> travail au niveau <strong>de</strong> ces activités,même si dans le fond ces petites entreprises qui sontpour la plupart familiales restent résolument informellesdans le fond.Même dans le milieu du transport <strong>de</strong>s améliorationssur la forme se font, en réplique <strong>de</strong> ce qui se fait dansle transport formel, mais principalement au niveau <strong>de</strong>sgarages informels, situés un peu partout à <strong>de</strong>s endroitsstratégiques au niveau <strong>de</strong>s quartiers populaires commeGrand Yoff, Khar Yalla, Grand Dakar ou Pikine…Le billetage est aujourd’hui <strong>de</strong> plus en plus utilisé pourrégler les frais <strong>de</strong> voyage <strong>de</strong>s usagers dans ces bus qu’onappelle <strong>de</strong>s « Horaires », qui relient la capitale auxlocalités lointaines du pays. Cette bonne pratique estsurtout inspirée <strong>de</strong>s bus <strong>de</strong> Dakar Dem Dikk et du GIE


129<strong>de</strong> l’Association <strong>de</strong> Financement du Transport Urbain(AFTU), et a principalement permis d’améliorer les relationsavec les usagers en limitant les conflits.Aujourd’hui un bon nombre <strong>de</strong>s acteurs du secteur informels’inspirent <strong>de</strong>s bonnes pratiques du secteur formelparce que cela contribue à leur donner <strong>de</strong> la visibilité etconstitue une bonne publicité pour leurs affaires, cela aumoment ou <strong>de</strong> l’autre côté le secteur tente lui aussi <strong>de</strong>s’adapter à la réalité du marché qui impose le rapprochementdu service offert aux clients ainsi que la concurrencequi régit le marché.De l’extérieur ces <strong>de</strong>ux modèles se ressemblent à s’y méprendre,surtout dans les différentes stratégies adoptéespour bien exister dans le marché à tel point qu’il est <strong>de</strong>plus en plus difficile <strong>de</strong> les distinguer dans l’espace public.

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