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Le Père Goriot - CNDP

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teledocle petit guide télé pour la classe20072008<strong>Le</strong> Père <strong>Goriot</strong>Un téléfilmde Jean-Daniel Verhaeghe (2004),d’après le roman d’Honoré de Balzac.Adaptation et dialoguesde Jean-Claude Carrière.Avec Charles Aznavour (<strong>Goriot</strong>),Tchéky Karyo (Vautrin), Malik Zidi(Rastignac), Florence Darel(Delphine de Nucingen), NadiaBarentin (M me Vauquer), RosemarieLa Vaullée (Anastasie de Restaud).1 h 40 minDans une adaptation réalisée par Jean-ClaudeCarrière et servie par le talent de Charles Aznavour,Jean-Daniel Verhaeghe filme la passion obsédante duvieux vermicellier pour ses deux filles et parvienthabilement à suivre tous les autres fils narratifs duroman de Balzac.FRANCE 2JEUDI 1 er NOVEMBRE, 15 h00


Filmer la comédie humaine<strong>Le</strong>ttres, lycéeDans une adaptation réaliséepar Jean-Claude Carrière,Jean-Daniel Verhaeghe filmela passion obsédante duvieux vermicellier pour sesdeux filles. Charles Aznavour,qui tient le rôle-titre,incarne tour à tour le pèrefaible et le négociant madré.Mais le film a le mérite desuivre tous les autres filsnarratifs du roman deBalzac: l’initiation du jeuneRastignac, la jalousie desdeux sœurs aussi égoïstesl’une que l’autre, lesmanigances et l’arrestationde Vautrin, l’exil volontairede M me de Beauséant quiobserve avec luciditél’hypocrisie du monde, laruine de M me Vauquer quivoit partir un à un tous sespensionnaires. C’est donc cepetit concentré del’humanité qui est évoqué àtravers cette représentationde la célèbre pensionVauquer.Rédaction Agnès <strong>Le</strong>fillastre, professeur delettres modernesCrédits photos France 2 / Jacques MorellÉdition Émilie Nicot et Anne PeetersMaquette Annik GuéryCe dossier est en ligne sur le sitede Télédoc.www.cndp.fr/tice/teledoc/<strong>Le</strong> travail de l’adaptation> Comparer une description littéraire avec sonpendant cinématographique. Relever les procédésd’économie de l’adaptation.Si le film ne néglige aucun fil narratif, il recourt auxprocédés habituels de l’adaptation qui visent toujoursà simplifier, élaguer, condenser. Comparer lesdeux premières séquences du film aux premièrespages du roman permettra de réfléchir au travail del’adaptation. La condensation porte sur les personnageset sur les lieux. Dans le roman, Rastignacrencontre Anastasie à l’occasion d’un bal donnépar M me de Beauséant, puis il l’aperçoit le matinmême dans une rue mal famée sortant de la maisond’un usurier. Éconduit par les Restaud auxquelsil rend visite, il se réfugie chez sa cousineM me de Beauséant afin de lui conter ses déboires.Lors de cette entrevue, la duchesse de Langeaisintervient pour révéler à M me de Beauséant lemariage imminent de son amant. <strong>Le</strong> scénario dufilm est plus épuré: Rastignac rend visite à sa cousinepour lui demander sa protection et rencontredans son salon Delphine qui annonce la publicationdes bans de l’amant. Ainsi, un personnage et troislieux sont économisés. On remarquera que si l’adaptationgagne en efficacité, elle réduit considérablementles étapes de l’initiation de Rastignac, lejeune provincial. La comparaison de l’incipit et dela première séquence du film permet d’observer laredistribution des informations dans le film. Lalongue description de la pension Vauquer est remplacéepar une action in medias res: un souperordinaire dévoile ainsi la salle à manger avant lesalon, qui est plus précisément décrit dans leroman. L’accélération dans la description de la salleà manger opérée par le narrateur balzacien offreainsi au décorateur une liberté plus grande. Onretrouve cependant certains éléments mentionnés:la boîte à cases numérotées pour les serviettes,un buffet très ordinaire chargé de vaisselle, desgravures encadrées, une longue table, le poêle vert,les quinquets... L’impression de froid humide estrendue par les mitaines de Vautrin, les châles, lesvestes que l’on porte même pendant le repas.L’arrivée anticipée de Rastignac donne l’occasion àM me Vauquer de présenter ses pensionnaires.La caractérisation des personnages> Décrire la construction cinématographique despersonnages.Dans cet univers médiocre composé d’êtres mesquinscomme Poiret ou M lle Michonneau, falotscomme Victorine Taillefer et M me Couture, ou encorepuérils comme les étudiants, émergent nettementles deux figures principales du roman : le père<strong>Goriot</strong> au regard perçant et Vautrin, le colosse auxgestes vifs.• L’adaptation choisit d’opposer plus rigoureusementces deux personnages et d’en faire deuxrivaux. Jean-Claude Carrière a même ajouté unescène de dispute entre les deux hommes au sujetde leur fils spirituel, Eugène de Rastignac. <strong>Le</strong>sdeux hommes se toisent parce qu’ils se reconnaissent,chacun ayant des origines populaires,chacun ayant brassé de l’argent de manière plus oumoins honnête. «<strong>Le</strong> loup peut mettre le manteaudu berger, il ne trompera pas le renard », lance<strong>Goriot</strong> goguenard à Vautrin.• Ils ont d’ailleurs chacun un accessoire qui lescaractérise: le pistolet symbolise l’enrichissementpar le meurtre; le pain ou le sac de farine rappellentla gloire d’un homme qui a profité d’unepériode de troubles mais qui s’est enrichi honnêtement.Cette rivalité a pour effet de montrer unpère <strong>Goriot</strong> très lucide qui, en tant qu’ancien négociantenrichi pendant la Révolution, ne s’en laissepas conter. Il ne cesse de scruter d’un regard malinles manigances de l’ancien bagnard.• L’opposition est renforcée par l’attribution àchacun d’une mélodie qui le suit tout au long dufilm: la comptine populaire du Petit Homme grisque Vautrin sifflote avec désinvolture et une mélodietrès nostalgique pour le père <strong>Goriot</strong> qui necesse de se repaître d’un passé heureux et idéalisé.Enfin, ces deux personnages sont les seuls à rêverd’un ailleurs: le père <strong>Goriot</strong> souhaite à deux reprisespartir acheter du blé en Ukraine pour gagnerde l’argent tandis que Vautrin confie son rêve derejoindre le Nouveau Monde pour régner enmillionnaire sur des esclaves.• Cette rivalité entre les deux personnages autourde Rastignac permet de rendre le père <strong>Goriot</strong> moinspathétique que ne l’est le personnage de Balzac.Il est certes raillé par les pensionnaires qui ignorentson secret mais il n’est plus le souffre-douleurde la pension, couvert de sobriquets infamants.Son agonie, du reste, paraît plus sobre que dans leroman. <strong>Le</strong> vol sordide du médaillon sur le grabatpar M me Vauquer disparaît ; le jeu de CharlesAznavour reste simple et digne et la caméra montrepudiquement la main blanche du vieillard quiserre dans un geste de paternité la main gantée denoir de Rastignac. La sublimation de la souffrancedu «Christ de la paternité» est ainsi atténuée; lepersonnage devient alors un père passionné plusproche de notre sensibilité.


<strong>Le</strong>s lieux> Relever comment le filmage des lieux appuie lacaractérisation des personnages et de l’intrigue.• Paris. <strong>Le</strong>s nombreux déplacements de Rastignacdans le roman esquissent une géographie symboliquede Paris opposant les beaux quartiers du faubourgSaint-Germain au quartier pauvre duVal-de-Grâce. Cette opposition est fortement soulignéedans les scènes d’intérieur: salon lumineux etvaste pour la vicomtesse de Beauséant (scènes tournéesdans le palais présidentiel de Bucarest) et salleà manger entièrement reconstituée, confinée, auxtons ocres surannés, encombrée de bibelots de goûtbourgeois pour la pension.Mais, dans ce téléfilm aux moyens financiers modestes,le Paris préhaussmannien, si important dans leroman, ne peut être que suggéré. Recenser les vuesde Paris et observer les procédés employés pourcontourner les difficultés de la reconstitution historique.<strong>Le</strong> film s’ouvre et se ferme sur des représentationspicturales de Paris. Un montage de dessinsen sépia est animé par un travelling latéral et par lebruit des chevaux et le brouhaha de passants. Laneige qui tombe en surimpression dynamise ce montageet situe déjà l’action en hiver dans un Parisenseveli par la neige. Un plan sur la plaque de lapension Vauquer à l’angle d’une rue permet d’introduirela fiction en vues réelles. <strong>Le</strong>s dernières imagesdu film répondent à cette amorce : Eugène deRastignac se tourne vers Paris pour lui lancer soncélèbre défi. Une voix off lit le dernier paragraphe duroman pendant qu’apparaît une peinture représentantParis vu de Montmartre. Cette peinture vient rappelerque Paris est la toile de fond du roman etinvite le spectateur à se replonger dans l’universbalzacien.<strong>Le</strong>s scènes tournées en extérieur sont peu nombreuseset toujours très courtes. La rencontre dePoiret et M lle Michonneau avec l’agent de la préfecturede police a lieu dans un parc, mais les imagessont vite relayées par une scène d’intérieur dansune taverne. <strong>Le</strong> jardin du Luxembourg apparaît égalementdans un court flash-back montrant le père<strong>Goriot</strong> caché derrière un arbre en train d’admirerses filles dans leurs promenades mondaines. Danstoutes les scènes extérieures, le cadrage est resserrésur les personnages, le décor montre la nature enseveliepar la neige. Cette dernière permet de masquertout détail de l’urbanisme moderne anachronique.Enfin, les scènes extérieures montrent toujours unobservateur tapi derrière une fenêtre, dans le recoind’une porte cochère, derrière un arbre... Ce dispositifrécurrent souligne l’importance du secret quechacun recèle et que l’autre veut percer. Il contribueégalement à créer une atmosphère oppressante demanigances sournoises.• La pension Vauquer. La misère au XIX e siècle n’estpas horizontale comme elle l’est au XX e siècle, chassantles pauvres vers les faubourgs et la banlieue;elle est verticale: les déménagements successifs dupère <strong>Goriot</strong> en attestent. On comparera cettedéchéance verticale avec la représentation lithographiquede l’immeuble parisien réalisée par Bertall,et on observera cette progression dans le film: aprèsque M me Vauquer a présenté à Eugène de Rastignacses pensionnaires en respectant l’ordre hiérarchiquedes étages, l’ancien négociant demande à sa logeusede lui donner une nouvelle chambre. La pauvretécroissante du père qui ne cesse de se sacrifier estperceptible dans les scènes de plus en plus nombreusesqui montrent le galetas dans lequel il vamourir. Des plans en contre-plongée sur l’escalierviennent souligner cette paradoxale ascension versla misère. L’unique accoutrement étriqué et lustrédu père <strong>Goriot</strong> suggère le froid, l’usure d’un homme.La lente infiltration de la pauvreté apparaît égalementdans les scènes montrant la salle à mangerdont tous les éléments ont la patine du temps. Lacaméra montre au début dans des plans généraux unespace respectant les usages de la petite-bourgeoisie.Ce lieu s’assombrit dans des scènes nocturnes etdevient plus confiné grâce aux plans resserrés sur latable. L’élargissement de l’espace ne vient que constaterle vide après le départ de plusieurs pensionnaires.Il dit une nouvelle fois la menace de lapauvreté.•Pour en savoir plus• BALZAC Honoré (de), <strong>Le</strong> Père <strong>Goriot</strong>, LGF, coll. «<strong>Le</strong>Livre de poche», 2004.• <strong>Le</strong> Père <strong>Goriot</strong>, <strong>CNDP</strong>, éditions Montparnasse, 2005.<strong>Le</strong> DVD comprend, outre le téléfilm de Jean-DanielVerhaeghe, deux compléments réalisés par le SCÉRÉN-<strong>CNDP</strong> : Secrets de fabrication, un making-of de30 minutes de Brigitte Bouvier et Philippe Gibsonqui revient sur le tournage du film; <strong>Le</strong> Paris du «Père<strong>Goriot</strong>», un documentaire de 26 minutes de ClaudineCerf et Thierry Imbert qui nous entraîne à la découvertedu Paris d’avant Haussmann.http://www.cndp.fr/Produits/DetailSimp.asp?ID=69132Jean-Claude Carrièreévoque l’adaptationdu Père <strong>Goriot</strong>.Vautrin et <strong>Goriot</strong> se traitentplus d’égal à égal dans votreadaptation...J’ai développé cette idéeque Vautrin et <strong>Goriot</strong>, tousdeux d’origine populaire,se connaissent, se jaugentet, d’une certaine façon,s’apprécient, partagent lamême force et la mêmevision du monde.Cependant, une rivalité lesoppose autour deRastignac : <strong>Goriot</strong> le désirepour sa fille, Vautrin pourlui et ses petites affaires.D’où leur altercation, quej’ai inventée.Qu’est-ce qui, pour vous,fait la force particulièredu Père <strong>Goriot</strong>?C’est du pur génie, si lemot génie a un sens. Il y apour moi un mystèrefondamental qui doithanter tout écrivain lecteurde Balzac : comment, et où,un homme qui n’a pasd’enfant trouve-t-il leséléments pour parler ainside la passion d’un pèrepour ses filles ?[…] La passion captiveBalzac et, paradoxalement,au cœur de l’œuvre de cepassionné, elle apparaîtcomme le danger à fuir,l’ennemi social ; la passionse paie toujours très cheret – c’est une grande visionde son temps – ce sont lescalculateurs froids,raisonnables commeRastignac qui triomphentdans La Comédie humaine.Dossier de pressede France 2.


<strong>Le</strong> cadre de l’histoirePlans rapprochésLa scène d’ouverture du film, tout comme l’incipit du roman, met en place leséléments clés de l’œuvre. Comment sont amorcés les principaux mouvementsde l’intrigue à travers la présentation de chaque personnage ?[1][2][2][3]Une scène animéeLa première séquence du film, qui fait découvrir l’intérieur de la pension Vauquer, montrependant six minutes des personnes assises à une table et présente les principaux personnages.Elle est donc particulièrement difficile à tourner. Comment le réalisateur parvientilà animer cette scène qui s’annonce très statique? [1] Relever les nombreux déplacementsdes personnages: l’entrée rapide et bruyante des étudiants dans la salle à manger, le ritueldu casier à serviettes, les allées et venues de M me Vauquer et de sa servante pour servir lerepas, l’arrivée tardive de Vautrin et ses déplacements pour aller chercher du pain ou aiderà ouvrir la porte du buffet, les apparitions remarquées de Rastignac et de M me de Restaud.Outre le fait qu’ils instaurent la durée d’un repas qui se répète quotidiennement, ces menusgestes sont significatifs. Vautrin apparaît comme un homme à part, toujours en décalage,qui arrive en retard et part avant les autres, occupé à des affaires mystérieuses. Il ne tientpas en place, touche à tout et règne en fils tyrannique chez « Maman Vauquer ». <strong>Le</strong> père<strong>Goriot</strong>, aux épaules tombantes, engoncé dans son costume, semble statique [2] mais s’animedès que sa fille est annoncée.Observer les mouvements de caméra qui contribuent à animer la scène. Signaler qu’ungrand nombre de ces mouvements sont réalisés à la Steadycam, caméra légère d’une grandestabilité qui permet de suivre au plus près une action rapide et plusieurs personnages. Unjeu de champs et contrechamps met en valeur le père <strong>Goriot</strong> et Vautrin, le premier estécrasé par des plans en plongée et l’autre semble dominer grâce aux contre-plongées. Maisun traitement de toute la séquence en champ et contrechamp aurait pour effet d’isolerles personnages à l’écran, de les éparpiller alors que cette scène animée est collective. Pouréviter cet effet, la caméra parcourt rapidement la table dans des travellings latéraux ou vachercher en des travellings filés le personnage qui est observé ou celui qui prend la parole.<strong>Le</strong>s gros plans alternent avec les plans moyens ou généraux, créant ainsi une diversitépour l’œil du spectateur. La bande-son contribue à animer la scène avec les menus bruits decouverts, les rires des étudiants et les tintements de la cloche précédant les arrivées, ainsique la musique entraînante.Un prologue qui concentre tous les fils narratifsL’initiation du jeune Rastignac est naturellement annoncée avec son arrivée tardive,l’attribution d’une place et d’une serviette. Placé à côté de Vautrin [3], il est aussitôt missous sa tutelle. La nécessité d’être initié pour assouvir les appétits de l’arrivisme est suggéréepar la réplique de Vautrin : « Goûtez ça, un bon petit vin de soif. » <strong>Le</strong> regard appuyé dujeune homme sur la jeune Victorine Taillefer et le trouble de celle-ci signifient clairementque l’ascension de Rastignac passera par la séduction. L’arrivée de M me de Restaud, dontla tenue chatoyante contraste avec l’univers terne de la pension, est abondammentcommentée ; elle introduit le secret du père <strong>Goriot</strong>. La mesquinerie qui conduira M. Poiretet M lle Michonneau à dénoncer Vautrin pour toucher une récompense est suggérée dansdes plans «obliques» qui les rassemblent toujours: leur complicité est ainsi indiquée. L’unachève même la phrase de l’autre: «S’il continue à faire la noce.../ il ne lui restera plus queles yeux pour pleurer.» Mais chacun a ses obsessions mesquines: l’une trahit sa cupidité dansses remarques acerbes, tandis que l’autre multiplie les sous-entendus grivois sur les mœursde <strong>Goriot</strong>. <strong>Le</strong>ur surveillance sournoise exprimée par des jeux de regards et par des commentairesaigres contraste avec la bonhomie juvénile des étudiants.

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