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Nana - Lecteurs.com

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– Boulevard Haussmann, entre la rue de l’Arcade et la rue Pasquier, autroisième étage, dit Georges tout d’un trait.Et, <strong>com</strong>me l’autre le regardait avec étonnement, il ajouta, très rouge,crevant de fatuité et d’embarras :– J’en suis, elle m’a invité ce matin.Mais un grand mouvement avait lieu dans le salon. Vandeuvres etFauchery ne purent insister davantage auprès du <strong>com</strong>te. Le marquis deChouard venait d’entrer, chacun s’empressait. Il s’était avancé péniblement,les jambes molles ; et il restait au milieu de la pièce, blême, lesyeux clignotants, <strong>com</strong>me s’il sortait de quelque ruelle sombre, aveuglépar la clarté des lampes.– Je n’espérais plus vous voir, mon père, dit la <strong>com</strong>tesse. J’aurais étéinquiète jusqu’à demain.Il la regarda sans répondre, de l’air d’un homme qui ne <strong>com</strong>prend pas.Son nez, très gros dans sa face rasée, semblait la boursouflure d’un malblanc ; tandis que sa lèvre inférieure pendait. Madame Hugon, en levoyant si accablé, le plaignit, pleine de charité.– Vous travaillez trop. Vous devriez vous reposer… À nos âges, il fautlaisser le travail aux jeunes gens.– Le travail, ah ! oui, le travail, bégaya-t-il enfin. Toujours beaucoup detravail…Il se remettait, il redressait sa taille voûtée, passant la main, d’un gestequi lui était familier, sur ses cheveux blancs, dont les rares boucles flottaientderrière ses oreilles.– À quoi travaillez-vous donc si tard ? demanda M me Du Joncquoy. Jevous croyais à la réception du ministre des Finances.Mais la <strong>com</strong>tesse intervint.– Mon père avait à étudier un projet de loi.– Oui, un projet de loi, dit-il, un projet de loi, précisément… Je m’étaisenfermé… C’est au sujet des fabriques, je voudrais qu’on observât le reposdominical. Il est vraiment honteux que le gouvernement ne veuillepas agir avec vigueur. Les églises se vident, nous allons à descatastrophes.Vandeuvres avait regardé Fauchery. Tous deux se trouvaient derrièrele marquis, et ils le flairaient. Lorsque Vandeuvres put le prendre à part,pour lui parler de cette belle personne qu’il menait à la campagne, levieillard affecta une grande surprise. Peut-être l’avait-on vu avec la baronneDecker, chez laquelle il passait parfois quelques jours, à Viroflay.Vandeuvres, pour seule vengeance, lui demanda brusquement :61

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