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Nana - Lecteurs.com

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Certainement, il lui arriverait une chose désagréable. Elle bâilla, puis,d’un air de profond ennui :– Déjà deux heures… Il faut que je sorte. Quel embêtement !Les deux vieilles se regardèrent. Toutes trois hochèrent la tête sansparler. Bien sûr, ce n’était pas toujours amusant. <strong>Nana</strong> s’était renverséede nouveau, allumant encore une cigarette, pendant que les autres pinçaientles lèvres par discrétion, pleines de philosophie.– En vous attendant, nous allons faire un bézigue, dit M me Maloir aubout d’un silence. Madame joue le bézigue ?Certes, M me Lerat le jouait, et à la perfection. Il était inutile de dérangerZoé, qui avait disparu ; un coin de la table suffirait ; et l’on retroussala nappe, par-dessus les assiettes sales. Mais, <strong>com</strong>me M me Maloir allaitprendre elle-même les cartes dans un tiroir du buffet, <strong>Nana</strong> dit qu’avantde se mettre au jeu, elle serait bien gentille de lui faire une lettre. Çal’ennuyait d’écrire, puis elle n’était pas sûre de son orthographe, tandisque sa vieille amie tournait des lettres pleines de cœur. Elle courut chercherdu beau papier dans sa chambre. Un encrier, une bouteille d’encrede trois sous, traînait sur un meuble, avec une plume empâtée de rouille.La lettre était pour Daguenet. Madame Maloir, d’elle-même, mit de sabelle anglaise : « Mon petit homme chéri » ; et elle l’avertissait ensuite dene pas venir le lendemain, parce que « ça ne se pouvait pas » ; mais, « deloin <strong>com</strong>me de près, à tous les moments, elle était avec lui en pensée ».– Et je termine par « mille baisers », murmura-t-elle.Madame Lerat avait approuvé chaque phrase d’un mouvement detête. Ses regards flambaient, elle adorait se trouver dans les histoires decœur. Aussi voulut-elle mettre du sien, prenant un air tendre,roucoulant :– « Mille baisers sur tes beaux yeux. »– C’est ça : « Mille baisers sur tes beaux yeux ! » répéta <strong>Nana</strong>, pendantqu’une expression béate passait sur les visages des deux vieilles.On sonna Zoé pour qu’elle descendît la lettre à un <strong>com</strong>missionnaire.Justement, elle causait avec le garçon du théâtre, qui apportait à Madameun bulletin de service, oublié le matin. <strong>Nana</strong> fit entrer cet homme, qu’ellechargea de porter la lettre chez Daguenet, en s’en retournant. Puis, ellelui posa des questions. Oh ! M. Bordenave était bien content ; il y avaitdéjà de la location pour huit jours ; Madame ne s’imaginait pas lenombre de personnes qui demandaient son adresse depuis le matin.Quand le garçon fut parti, <strong>Nana</strong> dit qu’elle resterait au plus une demiheuredehors. Si des visites venaient, Zoé ferait attendre. Comme elleparlait, la sonnerie électrique tinta. C’était un créancier, le loueur de33

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